Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les députés du groupe SRC s'interrogent toujours sur les deux nouveaux mécanismes institués par la loi du 25 février 2008 pour prévenir la récidive : la rétention de sûreté et la surveillance de sûreté, destinées aux condamnés ayant accompli leur peine et présentant une particulière dangerosité caractérisée par un risque élevé de récidive.
Leur champ d'application est identique, malgré les regrets de M. le rapporteur de l'Assemblée nationale puisque, au stade de la CMP, il concerne les personnes condamnées à une peine égale ou supérieure à quinze ans de réclusion criminelle. Fort heureusement, elles ne sont pas très nombreuses dans notre pays…
Comme vous le savez, nous avions déféré la loi de 2008 au Conseil constitutionnel, car il nous paraissait gravement attentatoire aux libertés publiques qu'une personne ayant purgé la totalité de sa peine puisse être retenue dans un établissement socio-médico-judiciaire, et ce sans durée définie à l'avance. En annulant certaines dispositions du texte et en rappelant le principe de non-rétroactivité des lois pénales, le Conseil constitutionnel a remis du droit là où l'arbitraire menaçait.
Il n'en reste pas moins qu'avec ce projet de loi issu des observations du rapport de M. Lamanda, et nonobstant les tentatives d'aggravation que le rapporteur de l'Assemblée nationale a tenté d'introduire, nous nous trouvons toujours en présence d'un dispositif compliqué dont rien ne sortira, car aucun professionnel n'osera, dans l'état actuel de nos connaissances psychologiques et psychiatriques, déclarer et certifier la non-dangerosité d'une personne.
Nous avons, à plusieurs reprises, tant au cours de la discussion du projet de loi relatif à la rétention de sûreté en 2008 que lors de la première lecture accélérée du présent projet, appelé votre attention sur le fait que la volonté louable, que nous partageons, d'une prise en charge plus efficace des délinquants sexuels ne pouvait faire l'économie d'une réflexion sur le nécessaire équilibre entre l'exigence de protection des plus faibles et le respect des libertés publiques.
De ce point de vue, le texte issu de la CMP s'inscrit toujours dans le cadre de la rétention de sûreté et de la surveillance de sûreté. Il ne peut donc recueillir notre approbation mais, surtout, il s'agit d'un leurre. Un traitement médicamenteux, même strictement observé, ne garantira jamais le risque zéro de récidive de la délinquance sexuelle.
D'abord, nous manquons de recul sur ce type de traitement, son développement étant récent. Ensuite, les médecins et les scientifiques affirment qu'il ne concernerait qu'un nombre limité de délinquants sexuels – 3 à 5 % seulement, d'après le rapport de notre collègue sénateur Lecerf –, en particulier les prédateurs sexuels extrafamiliaux, ce qui ne résout pas la question des crimes sexuels intrafamiliaux. Or ces derniers sont de loin les plus nombreux.
Plutôt qu'une loi supplémentaire, nous aurions préféré un plan d'action destiné à renforcer le dispositif de prise en charge du délinquant sexuel, en s'appuyant notamment sur la loi du 17 juin 1998 portant sur le suivi socio-judiciaire, en particulier sur l'injonction de soins. Le terme de « soins » s'entend, bien sûr, dans un sens beaucoup plus large que la simple administration de médicaments réducteurs de la libido, ce à quoi certains ont tenté de réduire ce texte.
Un tel plan d'action, que nous appelons de nos voeux, impliquerait que plus de postes soient offerts à des médecins, des psychologues, des travailleurs sociaux et des éducateurs. D'autre part, il nous amènerait à réfléchir sur la prévention primaire, c'est-à-dire avant même que le premier acte ne soit commis. Cela passe par une éducation au respect de l'autre, en particulier au respect des filles par les garçons. Et pourquoi ne pas réfléchir tous ensemble sur les affichages qui dépassent les limites ? L'un des pires, me semble-t-il aujourd'hui, étant les images de la campagne anti-tabac, que nous avons découvertes ce matin, mettant en scène des adolescents.
Malgré les améliorations apportées par la commission mixte paritaire, en particulier par nos collègues sénateurs, de tous bords politiques, cette loi sur la récidive apparaît à côté du sujet. Nous ne pouvons donc voter le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)