La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé l'examen des crédits de la mission « Travail et emploi ».
Nous poursuivons les questions.
Notre ordre du jour étant très chargé, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir respecter strictement votre temps de parole.
La parole est àM. Roland Muzeau, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine
Monsieur le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, monsieur le secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur, ma question pourrait se résumer au cri d'alarme lancé par Paul Frimat, professeur de médecine du travail : « Á quand un Grenelle de la santé au travail » ?
Depuis de longues années déjà, le lien qui existe entre les atteintes à la santé physique et morale des individus et le travail plaide en faveur de la refondation de notre système de santé au travail. Pourtant, c'est l'inertie ; l'État laisse faire. Sensible aux priorités économiques et financières des entreprises, il manque de volontarisme politique pour lancer le débat sur l'organisation du travail et donner à l'ensemble des acteurs de la prévention les moyens humains et juridiques de remplir leurs missions.
En 2003, un rapport de l'IGAS dénonçait déjà l'inadéquation des outils utilisés – le certificat d'aptitude et l'examen périodique – avec une logique de santé publique. Un nouveau rapport sur l'aptitude vous a été rendu par M. Gosselin. Allez-vous enfin en finir avec celle-ci et réinscrire l'activité spécifique de la médecine professionnelle dans le champ de la prévention ?
Oui !
Que va devenir le rapport de M. Frimat et Mme Conso sur la réforme de la médecine du travail ? Sera-t-il enterré lui aussi ? Irez-vous jusqu'à « remettre à plat le fonctionnement de la médecine du travail et à en refixer les priorités », comme ils vous y invitent, voire, comme je le souhaite, jusqu'à garantir l'indépendance et la transparence du financement de la médecine du travail ?
S'il est vrai, et cela nous inquiète, que, d'ici à cinq ans, de 1 600 à 1 800 médecins arrêteront leur activité, nous ne pensons pas que la solution soit à rechercher du côté de la généralisation des expérimentations en cours, lesquelles consistent à permettre à des infirmières de prendre en charge l'activité des médecins. Je me fais ici l'écho des inquiétudes de Mme Dominique Huez, vice-présidente de l'association santé et médecine du travail, qui redoute « la mort de l'accompagnement médical individualisé si seuls les salariés les plus malmenés ont accès à la médecine du travail. » Pouvez-vous nous éclairer sur les intentions du Gouvernement, monsieur le ministre ?
La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.
Je vous répondrai directement et sans tabou, monsieur Muzeau. Oui, je poursuivrai la réforme des services de santé au travail ; non, je n'ai pas l'intention d'enterrer le rapport Conso-Frimat. Mais il convient de trouver une solution durable au problème de la démographie des médecins du travail.
Le rapport des professeurs Conso et Frimat a été rendu public le 2 novembre ; je l'ai adressé l'avant-veille aux partenaires sociaux et j'ai l'intention de le transmettre également aux parlementaires. Une dernière contribution est attendue dans les semaines à venir : il s'agit d'un audit sur la question de la pluridisciplinarité, qui dressera d'ailleurs un bilan des fameuses expérimentations en cours que vous avez citées.
Sur la base des deux rapports qui m'ont été remis, Conso-Frimat et Gosselin, je souhaite engager une large concertation avec les partenaires sociaux et les acteurs de la médecine du travail. Je soumettrai ensuite aux partenaires sociaux une proposition en vue de poursuivre la réforme, au cours du premier trimestre 2008 – le plus tôt sera le mieux –, l'objectif étant de débuter la mise en place progressive de cette nouvelle phase de la réforme au plus tard au second trimestre 2008.
Par ailleurs, je tiens à vous rassurer : il ne s'agit pas de remplacer les médecins par des infirmiers – même s'il me paraît important de tirer des conclusions précises des expérimentations qui ont été menées –, mais de renforcer les moyens humains et matériels dont les médecins disposeront pour qu'ils puissent se consacrer à la partie la plus médicale de leurs interventions, notamment à la prévention en entreprise.
Les questions de réparation ne sont certainement pas accessoires, en particulier dans les domaines que vous avez évoqués lors de l'examen du PLFSS, monsieur Muzeau, mais je souhaite renforcer la prévention, conformément d'ailleurs aux préconisations de la conférence sur les conditions de travail du 4 octobre. En matière de santé au travail, la prévention fait partie des axes prioritaires. C'est dans cet esprit que je travaillerai avec les partenaires sociaux et avec les parlementaires s'ils le souhaitent.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, ma question porte sur le transfert, à compter du 1er janvier 2008, au ministère de l'économie, des finances et de l'emploi des crédits consacrés aux contrats aidés jusqu'ici affectés au ministère de l'outre-mer.
En 1994 fut votée la loi dite Perben qui instituait pour l'outre-mer des solutions et des structures d'insertion spécifiques. Complétant la loi quinquennale sur l'emploi votée six mois auparavant, ce texte était destiné à apporter une réponse adaptée au chômage massif des départements d'outre-mer. Ainsi furent créées des solutions d'insertion et des structures – l'Agence départementale d'insertion, l'ADI, et le Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM – sans équivalent sur le reste du territoire et placés de ce fait sous la tutelle du ministère de l'outre-mer.
À partir de 2005, ce fut au tour des crédits destinés à compenser les exonérations des cotisations sociales patronales prévues par les lois d'orientation et de programmation pour l'outre-mer, jusque-là inscrits au budget du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, d'être transférés au budget du ministère de l'outre-mer. En réunissant emplois marchands et économie solidaire, il s'agissait, là encore, de répondre au plus près, et avec le maximum de cohérence, à la situation de l'emploi dans ces territoires.
Aujourd'hui, on nous annonce un nouveau scénario. Les contrats aidés, y compris ceux qui n'existent qu'outre-mer, comme le Projet initiative-jeune – le PIJ –, l'Allocation de retour par l'activité – l'ARA – ou le Contrat d'insertion par l'activité – le CIA –, seront gérés budgétairement et administrativement par le ministère de l'emploi « dans un souci d'efficacité de l'action gouvernementale », tandis que les exonérations resteront, elles, au secrétariat d'État à l'outre-mer.
Ce nouveau découplage signifie-t-il que, désormais, la situation de l'emploi solidaire outre-mer n'est plus considérée comme particulière et que son traitement peut relever du droit commun ? Dans ce cas, la diminution d'un quart des contrats aidés annoncée au niveau national s'applique-t-elle également à l'outre-mer ? Les divers documents budgétaires mentionnant des sommes différentes, mais généralement en baisse par rapport à 2007, on a du mal à discerner le sort réservé aux contrats aidés outre-mer en 2008.
Pourriez-vous nous apporter des précisions sur le nombre de contrats aidés destinés à l'outre-mer en 2008 et sur les crédits qui leur seront consacrés ? Subiront-ils en cours d'année des gels budgétaires semblables à ceux qui ont frappé, en septembre dernier, les contrats aidés figurant dans votre budget ?
Respectez votre temps de parole, madame Bello. Vous pénalisez vos collègues.
Si ma question reste sans réponse, c'est tout l'outre-mer qui sera pénalisé. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Hier soir, j'ai posé la même question au secrétaire d'État à l'outre-mer, qui ne m'a pas répondu. L'outre-mer ne doit pas être important seulement avant les élections ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je suis persuadée que le Gouvernement va vous répondre.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur.
Madame Bello, ainsi que vous l'avez dit, des crédits ont été transférés du ministère de l'outre-mer vers le ministère de l'économie et, aujourd'hui, nous nous sentons pleinement responsables de ceux-ci.
La politique de l'emploi outre-mer s'inscrit dans la réalité économique des régions ultramarines, qui sont marquées par un taux de chômage plus élevé qu'en métropole et qui comptent un nombre important de chômeurs de longue durée, de bénéficiaires du RMI et de jeunes de moins de trente ans, dont beaucoup sont en situation d'échec scolaire.
Il faut reconnaître qu'un effort soutenu de l'État a permis, depuis quelques années, une amélioration sensible de la situation. Toutefois, le taux de chômage reste élevé. La poursuite de cet effort est donc un axe majeur de la politique de développement économique et social des régions d'outre-mer. Cela se traduit par deux actions complémentaires menées sur le marché du travail : une action structurelle, qui vise à créer des conditions favorables à l'emploi dans le secteur marchand, et une action conjoncturelle, destinée à favoriser l'accès et le retour à l'emploi des publics prioritaires.
Ainsi que vous l'avez indiqué, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008, la quasi totalité des dispositifs propres à l'outre-mer ont été transférés du programme 138, géré par le secrétariat d'État à l'outre-mer, vers les programmes 102 et 103, gérés par le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi.
Ce transfert a été réalisé dans des délais très courts. Dans un tel contexte, Mme Christine Lagarde a décidé de ne pas modifier l'organisation existante du cadre de gestion ni les enveloppes de crédits qui y sont associées. Nos services sont actuellement en train de prénotifier les dotations budgétaires afin que les préfets, en collaboration avec les directeurs du travail, puissent élaborer leur programmation pour 2008.
Certes, ainsi que vous l'avez constaté, l'enveloppe budgétaire associée au transfert des dispositifs est en baisse par rapport à 2007, et je n'ai pas l'intention de le dissimuler.
Toutefois, il est important de préciser que l'outre-mer ne bénéficie pas que des dispositifs spécifiques venant d'être transférés au ministère de l'économie, des finances et de l'emploi. Les dispositifs en vigueur en métropole – notamment les contrats aidés – s'appliquent également dans les départements ultramarins.
En définitive, je suis convaincu que ce transfert permettra de disposer d'une vision globale de la politique de l'emploi sur l'ensemble du territoire national – même s'il est parfois nécessaire de « territorialiser » les politiques afin de répondre aux spécificités locales. Le ministère de l'économie entend bien assumer la nouvelle responsabilité qui lui échoit, et je prends l'engagement devant vous que le transfert de compétences auquel il est procédé ne constituera pas l'occasion de prendre des mesures s'apparentant à un désengagement massif.
Un texte portant sur le projet de fusion ANPE-UNEDIC vient d'être adressé par la ministre de l'économie aux partenaires sociaux. Ce projet sera soumis au Comité supérieur de l'emploi le 15 novembre, avant de venir en discussion au Parlement.
Or le présent projet de loi de finances se targue déjà d'oeuvrer au rapprochement de l'offre et de la demande d'emploi, dans un contexte « d'ouverture du marché du placement ». Il apparaît ainsi de plus en plus clairement que le Gouvernement, main dans la main avec la principale organisation patronale, s'oriente vers une remise en cause du caractère propre des missions respectives de l'ANPE et de l'UNEDIC, laquelle emporterait de graves conséquences pour les personnels de ces établissements ainsi que pour les usagers du service public, à savoir les demandeurs d'emploi.
Il ne s'agit pas, en effet, de simplement prolonger les efforts de rapprochement opérationnel déjà entrepris entre ces deux institutions dans l'intention louable de renforcer leur partenariat, mais plutôt, et vous ne vous en cachez pas, de faire des économies. La création du nouvel organisme se traduira par une remise en cause du statut des fonctionnaires concernés et par des réductions drastiques des effectifs, au détriment de la qualité du service rendu. Rappelons qu'en Grande-Bretagne la fusion réalisée en 2003 entre les services d'indemnisation et de placement s'est traduite par 13 000 suppressions d'emplois.
Pour les demandeurs d'emploi, ce nouvel organisme risque de n'être plus qu'un organe de contrôle dont les exigences se calqueront sur la nouvelle définition de « l'offre d'emploi acceptable », ce qui aura pour effet de contraindre le chômeur indemnisé à reprendre n'importe quel emploi sous peine de sanctions. Au prétexte surréaliste que le chômeur ne serait pas « suffisamment incité à reprendre du travail », vous le priverez de tout choix quant à son avenir.
Nous refusons la privatisation de la politique de l'emploi et refusons en conséquence ses évolutions : l'UNEDIC et l'ANPE doivent demeurer des partenaires publics indépendants, au service des usagers. Par-delà l'affichage, à bien des égards factice, de votre volonté de favoriser le dialogue social, quelles mesures comptez-vous prendre pour que le service public de l'emploi et le régime d'assurance chômage continuent de relever de missions clairement dissociées, de façon à offrir de véritables garanties aux usagers ?
Monsieur le député, je ne répéterai pas les raisons, déjà exposées à la tribune, pour lesquelles nous engageons résolument ce processus de fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC. Je voudrais simplement m'inscrire en faux contre l'affirmation que ce rapprochement ne serait justifié que par la volonté de faire des économies. Ce n'est pas le cas, croyez-le bien : si nous voulons fusionner les deux organismes, c'est parce que nous sommes convaincus qu'un réseau unique constitue le meilleur moyen d'accompagner les chômeurs vers le retour à l'emploi.
Tous les exemples montrent que plus l'accompagnement est proche du demandeur d'emploi et régulier dans le temps, plus le retour à l'emploi est rapide. Comme M. Joyandet, je me suis rendu, en tant que député membre de la commission des finances, au Danemark, où j'ai acquis cette conviction – celle-là même qui nous a poussés à engager résolument cette fusion, sous l'impulsion du Président de la République. Aucune économie n'est programmée, il est simplement prévu de procéder à un redéploiement des effectifs vers des postes au contact des demandeurs d'emploi et des entreprises.
Seule la conviction que cette réforme se traduira par une amélioration de la prise en charge des chômeurs nous pousse à l'entreprendre. En effet, impliquant plusieurs acteurs, notamment les partenaires sociaux et l'État, sa mise en oeuvre ne se fera pas sans difficultés, ce qui me fait dire que nous ne l'aurions pas engagée si nous n'étions pas convaincus de son utilité.
Nous en venons aux questions du groupe du Nouveau Centre.
La parole est à M. François Rochebloine.
Parmi les griefs le plus souvent formulés par les entreprises et les citoyens des pays de l'OCDE figure – cela ne surprendra personne – l'accroissement des formalités administratives. À cet égard, si le phénomène n'est pas propre à la France, avouons que notre pays n'est sans doute pas un modèle à suivre en ce domaine.
La quantité et la complexité des procédures, des réglementations, des formulaires à remplir, bref toute la paperasserie qui pèse lourdement sur l'esprit d'entreprise de nos concitoyens et vient freiner les initiatives et le sens de l'innovation en créant toujours plus d'obstacles aux échanges, à l'investissement et à l'efficience économique, tout ceci doit être combattu, et sans relâche : chassez le naturel, il revient au galop !
Reconnaissons que les gouvernements successifs ne sont pas toujours restés inactifs face à l'avalanche permanente de nouvelles réglementations : des ordonnances Raffarin de 2004 à l'initiative récente de M. Novelli sur la simplification de l'environnement des entreprises, des efforts louables ont été entrepris. Et pourtant, les entreprises, notamment les PME et PMI, n'en peuvent plus. Dans nos circonscriptions, il nous est demandé de cesser de concevoir des dispositifs lourds et de plus en plus complexes, très coûteux en termes économiques.
Cette nécessaire modernisation de l'économie ne devrait-elle pas commencer par la suppression des 35 heures ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Sur cette question, monsieur le député, beaucoup de choses ont été dites et certaines ont été faites.
Certes, mais ce sont les 35 heures imposées indistinctement à toutes les entreprises, quels que soient leur secteur d'activité et leur taille, qui posent problème.
Les règles du jeu en la matière ont été posées par un texte, la loi du 31 janvier 2007, selon laquelle, sauf cas d'urgence, tout projet de modification du code du travail doit être préalablement transmis aux partenaires sociaux. Nous avons très clairement indiqué que nous souhaitions continuer à avancer sur le dossier des 35 heures, de façon que ce seuil ne constitue pas un maximum. Je tiens à rappeler, car je ne suis pas certain que ce chiffre ait été souvent cité, que chaque année, plus de 5 millions de Français effectuent 900 millions d'heures supplémentaires. Il n'est pas inutile de rappeler cette réalité, quand certains affirment que les heures supplémentaires ne vont profiter à personne ! Je me suis rendu dans des commerces où l'on effectue des heures supplémentaires, et je peux vous assurer que les salariés concernés ont vu la différence sur leur fiche de paye d'octobre, puisque leurs heures supplémentaires ne sont plus payées 10 %, mais 25 % de plus.
Il est normal que la mise en route du dispositif suscite quelques interrogations, mais je suis certain qu'il n'en sera plus question une fois que les logiciels de paye seront installés. Pour un salarié au SMIC effectuant quatre heures supplémentaires par mois, la différence sera de 70 euros par mois. Mieux que les grands discours, voilà un progrès bien réel.
De plus, ces heures supplémentaires sont exonérées de charges sociales, ouvrent droit à la retraite et à la sécurité sociale, et ne seront pas imposables !
Il y a là une véritable avancée, dont je ne me satisfais cependant pas : d'autres questions méritent d'être étudiées, par exemple celle du forfait pour les cadres. On a réussi, avec les 35 heures, à casser le lien privilégié qui existe entre le cadre et son entreprise.
Comme vous le savez, nous ne sommes pas allés aussi loin que nous le souhaitions avec la loi TEPA, pour des raisons constitutionnelles. Après en avoir parlé avec les organisations syndicales, j'ai bien l'intention d'avancer sur cette question.
Par ailleurs, de nombreuses entreprises ne savent pas ou ne souhaitent même pas solliciter une évolution du contingent d'heures supplémentaires. Là encore, j'ai bien l'intention d'engager le dialogue avec les organisations syndicales.
Au-delà de ces quelques exemples, je veux affirmer qu'il n'est pas question de nous en tenir au statu quo, qui serait synonyme d'immobilisme et de déclin pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Nous en venons aux questions du groupe UMP.
La parole est à M. Georges Colombier.
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le chômage est en baisse constante depuis de nombreux mois, ce dont nous nous félicitons. Il faut cependant poursuivre nos efforts, notamment à l'égard des publics les plus en difficulté, c'est-à-dire les jeunes, les plus de cinquante ans et les chômeurs de longue durée.
Si je sais, messieurs les ministres, que vous êtes pleinement mobilisés sur cette question, je souhaite toutefois attirer votre attention sur la situation des groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification, les GEIQ. Ces structures d'insertion par l'activité économique regroupent des entreprises qui, pour résoudre leurs problèmes structurels de recrutement, parient sur le potentiel de personnes éloignées de l'emploi. Grâce à la mise en place d'un double tutorat social et professionnel et à une individualisation des parcours de formation, les GEIQ permettent que soient conclus et menés à bien des contrats en alternance qui n'auraient jamais été signés « en direct ». La finalité du groupement d'employeur par l'insertion et la qualification est d'amener des jeunes sans qualification, des demandeurs d'emploi de longue durée ou encore des bénéficiaires du RMI vers un poste réel et stable.
En reconnaissance de l'efficacité et de la spécificité du réseau et afin de promouvoir le développement de ses actions, la loi de finances de 2007 a accordé aux GEIQ le maintien d'une exonération de charges sociales patronales relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Or l'article 53 du projet de loi de finances 2008 prévoit non seulement l'alignement de la fiscalisation des contrats de professionnalisation « jeune » sur l'ensemble des contrats de travail, mais également la levée des exonérations spécifiques accordées en 2007 aux GEIQ.
Cette suppression va entraîner une charge supplémentaire importante par contrat pour les GEIQ, et risque de compromettre durablement la capacité de ces structures à mettre en place des parcours d'insertion et de qualification alors qu'il faut au contraire encourager leur activité.
Messieurs les ministres, quelles garanties pouvez-vous donner aux GEIQ pour qu'ils puissent continuer à assurer avec efficacité leur travail en faveur des personnes les plus en difficulté sur le marché de l'emploi, et quelles mesures allez-vous prendre pour encourager l'effort en faveur de l'apprentissage et de la professionnalisation ?
Monsieur le député, vous avez raison d'attirer notre attention sur le cas spécifique des groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification. Vous vous inquiétez de l'éventuelle suppression de l'exonération générale des cotisations sociales dont ils bénéficient actuellement.
Votre question sera replacée dans un contexte général lorsque nous examinerons l'article 53. En l'occurrence, la montée en puissance des exonérations générales de cotisations sociales modifie la donne, en rendant moins attractives les exonérations spécifiques accordées pour un certain type de contrats.
En ce qui concerne les GEIQ, vous avez parfaitement raison de poser le problème, et je puis d'ores et déjà vous indiquer que le Gouvernement déposera un amendement visant à maintenir l'exonération de cotisations AT-MP pour les GEIQ.
Avec l'instauration du revenu de solidarité active, on s'attaque enfin de front à un problème identifié depuis longtemps. Je me réjouis de savoir que la reprise d'activité des personnes à faibles revenus ne sera désormais plus pénalisée.
Malheureusement, cette bonne volonté gouvernementale contraste avec la réduction des crédits destinés aux contrats aidés.
Les contrats d'accompagnement à l'emploi et les contrats d'avenir sont des outils précieux pour remettre au travail les plus fragiles. Penser que les exclus pourront retourner naturellement vers l'emploi dans le secteur marchand est, je le crains, quelque peu illusoire. Une telle idée a toujours été démentie par les faits ; même en période de forte croissance, sous différentes formes, les contrats aidés ont toujours dû être relancés.
Beaucoup reconnaissent les mérites du plan de cohésion sociale : il a démontré son efficacité. Aussi, comme le disait la présidente de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, ne faisons pas mine d'oublier les vertus des contrats aidés pour faire des économies à court terme, car elles auraient, à long terme, un coût social inestimable.
Les contrats aidés jouent un rôle utile dans les périodes où l'activité économique subit un ralentissement. Mais reconnaissez, monsieur le député, que la décroissance du chômage dans le secteur marchand a modifié la donne. Le Gouvernement se contente d'adapter son projet de budget à cette meilleure conjoncture.
Toutefois, le PLF 2008 prévoit la conclusion de 305 000 contrats aidés : 230 000 dans le secteur non marchand et 75 000 contrats initiative emploi dans le secteur marchand, contre respectivement 260 000 et 40 000 dans la loi de finances initiale pour 2007. Nous sommes passés de 305 000 à 300 000 : on ne peut donc pas parler, à ce stade, de désengagement. La programmation des contrats aidés est seulement conforme aux prévisions économiques pour les mois à venir. Rappelons qu'entre juin 2006 et juin 2007, le nombre de demandeurs d'emploi a baissé de 9,6 %. La baisse est même de 11,5 % pour les chômeurs de très longue durée, et de près de 20 % pour les jeunes en situation de chômage de longue durée. Le besoin en contrats aidés non marchands, qui amortissent le chômage conjoncturel, est donc plus faible. L'allocation d'une enveloppe supplémentaire de 40 000 à 50 000 contrats aidés dans ce secteur au dernier trimestre de cette année permet de maintenir un effort considérable d'insertion.
Mais le Gouvernement ne souhaite pas s'en tenir à l'aspect quantitatif. L'ANPE va ainsi accroître son effort pour accompagner les personnes sortant de contrats aidés afin de leur permettre un retour dans l'emploi durable. Enfin, à la demande du Président de la République, le Gouvernement conduit une réflexion sur l'ensemble des contrats aidés pour en simplifier et en améliorer l'usage.
Pourquoi vouloir supprimer les exonérations de charges pour les contrats de professionnalisation ? À lire l'exposé des motifs du projet de loi, on pourrait penser qu'il ne s'agit que d'une mesure de simplification : la plupart des salaires concernés par les contrats de professionnalisation étant au niveau du SMIC, passer d'une exonération spécifique au régime Fillon de droit commun reviendrait au même pour les entreprises. Cependant, comme on l'apprend un peu plus loin, l'économie réalisée est estimée à 140 millions d'euros, ce qui laisse penser que les salariés au SMIC ne sont pas les seuls concernés. Je souhaite justement évoquer les autres cas de figure.
Les entreprises, notamment industrielles, subissent une concurrence internationale très difficile, dans laquelle la différence se joue sur la compétence. Pour qu'une entreprise ne délocalise pas, il faut que ses salariés en France fassent preuve dans leur domaine du niveau de compétence le plus élevé au monde. Cela exige des formations coûteuses pour des personnels bien payés. Nous devons donc être prêts à soutenir les entreprises dans cette démarche, et en particulier les patrons français de filiales de groupes internationaux. Plus il y a de contrats de professionnalisation de ce type, moins élevé est le risque de délocalisation d'entreprises industrielles.
Vous avez accepté d'assouplir l'article 53 sur le point soulevé par M. Colombier. J'aimerais que vous alliez plus loin en le supprimant totalement.
Je suis très sensible à la préoccupation que vous exprimez. Mais comme je l'ai dit à Georges Colombier, nous assistons en ce moment à une montée en puissance des exonérations générales de cotisations sociales. L'attrait des exonérations spécifiques devient limité. Ainsi, les contrats de professionnalisation ont perdu leur spécificité par rapport aux contrats de travail de droit commun, et les dispositifs généraux d'allégement sont aussi avantageux – du moins pour les entreprises de moins de vingt salariés – que les dispositifs spécifiques.
Dans quelques instants viendront en discussion les amendements portant sur l'article 53. Je ferai à cette occasion certaines propositions. Le Gouvernement ne nie pas l'utilité de ce type de contrat, il ne fait que prendre en compte certaines modifications.
Nous en venons aux questions du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
La parole est à M. Régis Juanico.
Ma question s'adresse à Xavier Bertrand et porte sur l'amélioration de la qualité de vie au travail des salariés.
Monsieur le ministre, alors que les négociations entre partenaires sociaux sur la pénibilité du travail semblent s'enliser, la conférence du 4 octobre sur les conditions de travail s'est déroulée dans une relative indifférence.
Merci pour les partenaires sociaux !
Ma question porte sur les moyens financiers et humains destinés au service public de l'emploi chargé de l'amélioration des conditions de travail.
Nous connaissons les chiffres : les conditions de travail des salariés se dégradent et il y a urgence à agir. Un quart des salariés européens se plaignent d'un stress d'origine professionnel ; en France, 5 millions de salariés déclarent souffrir d'une inaptitude au travail. Le nombre de maladies professionnelles augmente : on en recense près de 50 000 chaque année – ce qui représente un quadruplement en dix ans –, dont 75 % sont des troubles musculo-squelettiques, fruit d'un travail répétitif. La montée de l'intensification du travail se traduit par des contraintes sur son organisation, plus de charge de travail, une plus grande pénibilité physique, des horaires atypiques, une plus grande exposition des salariés aux produits toxiques ou au bruit.
Que peut-on faire face à cette situation ? D'abord, il faut mobiliser tous les acteurs concernés par l'amélioration des conditions de travail, et surtout prévenir plutôt que guérir. La prévention des risques doit intervenir le plus possible en amont, afin de réduire la pénibilité du travail et donc l'absentéisme.
Ma question est simple : au-delà du renforcement des moyens pour l'inspection du travail et du développement de la médecine du travail, que vous avez évoqué tout à l'heure, que comptez-vous faire pour les entreprises de moins de cinquante salariés, qui n'ont pas de comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ? Serait-il envisageable de donner aux représentants du personnel la possibilité de saisir directement le service public de l'emploi – notamment le réseau des associations régionales pour l'amélioration des conditions de travail – lorsque les conditions de travail se dégradent et qu'il devient nécessaire non seulement d'établir un diagnostic, mais de changer l'organisation du travail ? Êtes-vous d'accord pour donner des droits nouveaux aux CHSCT ?
Qu'entendez-vous par « service public de l'emploi sur les conditions de travail » ?
Je croyais que vous vouliez encore nationaliser quelque chose…
Je ne suis pas sûr que les acteurs de l'ANACT apprécieraient votre définition.
Quoi qu'il en soit, il aura fallu attendre le 4 octobre 2007 pour qu'une conférence sur les conditions de travail soit enfin organisée en France. Au passage, vous n'êtes guère délicat à l'égard des partenaires sociaux, qui ont tous participé à cette réunion, ce dont les médias ont d'ailleurs rendu compte. Tous, sans exception, patronat et syndicats, ont parlé d'avancées au sujet des propositions précises que j'ai pu faire. Il semblerait même – je ne veux pas vous compromettre – que nous soyons en mesure de nous rejoindre sur certains points.
J'ai ainsi proposé de porter de deux à quatre ans la durée du mandat des CHSCT.
J'ai également proposé une formation des membres des CHSCT à la question des conditions de travail. Non seulement on apprend toujours davantage sur le terrain, mais dans les entreprises où une telle formation est organisée, les choses ont complètement changé, et les conditions de travail font l'objet d'une préoccupation commune.
Mais vous auriez pu également évoquer le cas des 8 millions de salariés dont l'entreprise est dépourvue de représentation du personnel et de CHSCT : on n'y parle même pas des conditions de travail ! Nous devons donc réfléchir à la façon dont une représentation des salariés pourrait être organisée dans les très petites entreprises.
J'ai transmis ces trois propositions aux partenaires en vue d'une négociation.
Le droit d'alerte sur les conditions de travail est également un sujet abordé à la conférence et proposé à la réflexion des partenaires sociaux.
En ce qui concerne les troubles musculo-squelettiques, nous avons décidé d'engager une campagne d'une durée de trois ans – une première. Le principe en a également été validé par les partenaires sociaux.
Sur toutes ces questions, nous ne nous sommes pas contentés de parler. Je n'aime pas les colloques à portée philosophique. Nous nous sommes donné la possibilité d'avancer. Sur de tels sujets, on peut sans doute dépasser les clivages politiques.
Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de revenir sur la question de l'emploi aidé outre-mer, en précisant le contexte dans lequel s'inscrit la baisse drastique des crédits inscrits à votre mission.
En 2002, 502 millions d'euros étaient consacrés à ces contrats. Aujourd'hui, c'est 142 millions. Le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer nous a assuré hier soir qu'il vous avait « transféré » 158 millions d'euros, mais à lire attentivement les documents budgétaires, on ne trouve trace que de 142 millions d'euros. Où sont les 16 millions de différence ?
Vous savez dans quel contexte s'inscrivent ces crédits. Je n'aimerais pas que vous commettiez le péché idéologique, dont vous nous accusez souvent. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous mettez en avant la dignité du travail dans le secteur marchand. Je peux y souscrire, mais celui-ci n'a jamais créé les emplois suffisants pour absorber les jeunes qui arrivent sur le marché du travail. En effet, dans les quatre régions d'outre-mer, le taux de chômage s'élève, en moyenne, à 27,7 %. De plus, depuis le gouvernement Raffarin, vous avez généralisé les contrats précaires et, outre-mer, les contrats nouvelle embauche – qui sont une forme de CPE – pour les entreprises de moins de vingt salariés, ce qui représente plus de 98 % en Guadeloupe. Il n'y a donc que des CNE ! Regardez vos chiffres ! Même si l'on a noté récemment une petite embellie, le chômage a, au total, augmenté de 1,3 % dans les quatre régions d'outre-mer en 2006. Vous précarisez, déstabilisez et refusez d'étendre les conventions collectives dans nos régions. Or la précarité n'est pas de nature à « booster », si j'ose dire, le marché du travail !
Expliquez-nous le transfert des 16 millions du budget du ministère de l'outre-mer au vôtre. Comment ferez-vous plus et mieux avec beaucoup moins de crédits, en dépit d'une augmentation de la productivité ?
Monsieur Lurel, je ne peux que vous rappeler ce que je viens d'indiquer en réponse à une question qui vient de m'être posée sur le même thème.
Je ne partage pas votre sentiment. Vous ne devez pas craindre aujourd'hui, je peux vous le confirmer, une disparition drastique des crédits propres à l'outre-mer. Ils ont été transférés du programme 138 « Emploi outre-mer » géré par le secrétariat d'État à l'outre-mer aux programmes 102 et 103 du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi. Il en va ainsi de la quasi-totalité des crédits.
Je peux en revanche tout à fait comprendre que vous vous émouviez des récentes décisions à prendre ou déjà avérées concernant les CNE. Il est vrai que nous devrons y réfléchir. Les partenaires sociaux devront également gérer toute décision qui fragiliserait ou entraînerait la disparition de ce type de contrats. Dans le cadre du programme lancé par le ministre du travail et le ministre de l'économie, nous négocierons et mettrons au point avec ces mêmes partenaires des contrats alliant la flexibilité et la sécurité.
Je serai bref, mais je souhaite apporter une précision supplémentaire à M. Juanico.
S'agissant de la question du stress au travail, je veux indiquer que j'ai confié aujourd'hui une mission à deux experts – MM. Nassé et Légeron – qui auront jusqu'en février 2008 pour définir des indicateurs sur les troubles psychosociaux dans les entreprises et pour nous proposer un plan d'action. On ne traite bien en effet que ce que l'on connaît bien. Or, aujourd'hui, les troubles psychosociaux ne sont pas correctement appréhendés. Nous venons donc, pour la première fois, de confier ce travail à deux experts qui, aujourd'hui nommés, vont s'atteler à cette tâche. « Enfin ! », pourra-t-on, certes, dire, mais je crois que c'est une avancée importante.
Je vous remercie pour ces précisions, monsieur le ministre.
Nous en revenons au groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
La parole est à M. Guénhaël Huet.
Parmi les nombreux obstacles à l'entrée sur le marché du travail, le manque de mobilité est celui qui est le plus souvent constaté par les administrations ou par les organismes du service public de l'emploi. On pourrait croire a priori que les jeunes de seize à vingt-cinq ans suivis par les PAIO ou par les missions locales sont moins touchés. Il n'en est rien, bien au contraire. L'action des missions locales et des PAIO permet d'obtenir de très bons résultats parce qu'elle est bien adaptée aux particularités et aux spécificités des publics jeunes, mais elle se heurte malheureusement trop souvent à cette difficulté.
Quelles mesures concrètes envisagez-vous de prendre pour favoriser la mobilité des jeunes et leur permettre ainsi d'accéder plus facilement au premier emploi, notamment ?
Monsieur le député, c'est un réel problème, notamment en zone rurale, comme j'ai eu l'occasion de le constater dans mon département. Je ne pense pas qu'il soit aujourd'hui de la responsabilité des pouvoirs publics de prendre une décision nationale dans ce domaine. Il revient aux organismes que vous avez cités – missions locales et PAIO – de promouvoir des actions permettant une mobilité. À titre d'exemple, certaines maisons de l'emploi ont mené des actions spécifiques pour accroître la mobilité de proximité – à dix ou vingt kilomètres – en se dotant d'un parc de véhicules deux-roues. Ces dispositifs doivent être étendus.
J'appelle les crédits de la mission « Travail et emploi », inscrits à l'état B.
Je suis saisie de plusieurs amendements.
La parole est à M. Michel Liebgott, pour soutenir l'amendement n° 141 rectifié .
Cet amendement pourrait faire l'unanimité, puisque certains orateurs qui sont intervenus dans la discussion et qui ne sont pas là ce soir, comme Denis Jacquat, que je connais bien, et Pierre Cardo, le voteraient. J'entendais encore tout à l'heure un certain nombre d'entre nous, membres de la majorité ou de l'opposition, rappeler l'intérêt de ces emplois aidés.
Certes, on nous affirme qu'ils ne sont pas supprimés, que le moment venu, il n'y aura pas de gel des crédits et que la relance de l'emploi les rendra moins indispensables. Toutefois, comme je l'ai indiqué dans la discussion et comme nous ne cessons de le rappeler ici, il existe un certain nombre de situations particulières. L'emploi repart, certes, mais il profite d'abord et surtout aux personnes qui ont une qualification et sont immédiatement opérationnelles. Ce n'est évidemment pas le cas des CES ou CEC d'antan et, aujourd'hui, des CAE et contrats d'avenir. Les spécificités des personnes auxquelles sont destinés ces emplois aidés sont multiples. Elles habitent souvent des secteurs défavorisés tels que les ZUS et ZRU et cumulent les handicaps. Elles sont également souvent employées dans des structures qui n'ont elles-mêmes pas les moyens aujourd'hui de fonctionner autrement. Ce n'est pas secondaire, puisque cela concerne la famille, les personnes âgées et le périscolaire. Ces personnes travaillent parfois dans des régies de quartiers et donc pour leur propre immeuble, leur propre environnement : je pense, entre autres, aux Restaurants du coeur. Sans leur intervention, notamment dans les périodes hivernales, donc difficiles, beaucoup de structures associatives ne pourraient pas fonctionner avec la qualité qu'on leur connaît. Vous me répondrez qu'on devrait s'en passer. Bien entendu ! On en a même quelquefois peut-être abusé, diront certains, notamment dans les établissements hospitaliers.
Cela étant, il y a la réalité : ces associations existent et sont utiles, voire parfois indispensables et incontournables. Il n'y a pas de solution. Le service risque de devenir de moins en moins efficace et les collectivités locales seront contraintes de prendre le relais, mais de façon bâtarde. J'ai pris tout à l'heure un exemple concret que je me plais à répéter : lorsque vous devez assurer la sécurité des écoles à huit heures, douze heures, treize heures et seize heures, vous ne faites pas appel à un emploi à temps complet pour quatre allers-retours dans la journée, mais à des emplois aidés. Certes, des formations sont prévues et, à un moment ou à un autre, ces personnes pourront effectivement prétendre à un emploi définitif, mais rarement à court, voire à moyen terme. Elles se sont hélas déshabituées à travailler, car elles sont issues de cette société du chômage. Elles ne changeront donc pas de rythme du jour au lendemain, en dépit d'une vraisemblable baisse du taux de chômage pour des raisons démographiques.
Nous devrions donc, ce soir, nous rassembler sur un objectif commun qui n'est pas en lui-même idéologique, mais est très pragmatique.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Tout à fait !
Nous gérons les mêmes collectivités et sommes donc confrontés à des difficultés similaires. C'est ce que certains ont tout à l'heure expliqué, sans pour autant obtenir de précisions.
Cette recette possible et réaliste ne lésera pas directement les emplois, mais permettra au contraire de rémunérer ces emplois aidés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission de l'économie, des finances et du plan, pour les politiques du travail et de l'emploi, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 141 rectifié .
Cet amendement a, en fait, un double objectif : abonder de 171 millions d'euros la dotation prévue pour les contrats d'accompagnement dans l'emploi et supprimer 171 millions de crédits concernant l'aide à l'emploi dans les secteurs des hôtels, cafés et restaurants.
Le montant alloué aux contrats aidés dans le secteur non marchand – CAE – est effectivement en diminution. Cet amendement n'a pas été examiné en commission, ce qui ne nous a pas empêchés de débattre longuement de ce sujet. Le nombre d'entrées programmées passe de 260 000 à 230 000, mais cette diminution est justifiée par l'amélioration – et vous l'avez précisé – de la situation de l'emploi. Le nombre des demandeurs d'emploi en fin de mois inscrits à l'ANPE a diminué de 9 % en un an, je vous remercie d'ailleurs de me donner l'occasion de le rappeler dans l'hémicycle. Cette baisse est d'autant plus significative qu'elle bénéficie à toutes les catégories de demandeurs : les chômeurs de longue durée – moins 23 % – les moins de vingt-cinq ans – moins 9 % – et les plus de cinquante ans – moins 10 %. En outre, elle a fait suite à une forte augmentation des entrées en contrat aidé en fin d'année 2007 : plus de 50 000 entrées en CAE et en contrats d'avenir par rapport à la loi de finances initiale de 2007. On peut espérer, et c'est le pari que font le Gouvernement et sa majorité, que l'amélioration perdurera et que la baisse, actuellement de 9 %, s'amplifiera. Il est de ce fait absolument normal de prévoir un nombre d'entrées plus faibles. Chacun sait que le Gouvernement – il l'a déjà prouvé – prendrait ses responsabilités si, par hasard, ce que personne ne souhaite quelle que soit son appartenance politique, il y avait un retournement de conjoncture.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission. Il est vrai que les contrats sont un support indispensable dans le secteur non marchand. Ils rendent un éminent service. Mais aujourd'hui, comme vient de le rappeler Frédéric Lefebvre, nous estimons qu'il n'y a pas lieu de prévoir davantage que ce qui est inscrit dans le projet de loi de finances.
S'agissant des contrats aidés par l'État dans le secteur non marchand, 230 000 entrées seront réalisées en 2007 contre 260 000 prévues dans la loi de finances initiale de 2007. Cela permettra de stabiliser le stock fin 2007 au niveau atteint fin 2006, après une période de montée en charge des contrats prévus par le plan de cohésion sociale.
Cela étant, nous pourrons toujours ajuster l'enveloppe en cours d'année en fonction de la situation du marché du travail, comme nous l'avons fait les années précédentes.
Monsieur le ministre, le chômage ne baisse pas partout, vous le savez bien. Il augmente dans certaines zones et, surtout, pour certaines tranches de population. Les emplois aidés sont réellement utiles pour toute une frange de la population qui est extrêmement éloignée de l'emploi. Vous l'avez d'ailleurs reconnu cet après-midi mais vous avez reporté l'aide que vous pourriez éventuellement apporter aux quartiers, aux villes en très grande souffrance à un débat à venir sur les banlieues.
Je ne peux pas rentrer dans ma circonscription et annoncer à mes concitoyens que le Gouvernement reconnaît qu'il y a urgence mais qu'il va en parler dans quelques mois. J'ai besoin de leur dire que, pour leur souffrance, il y a des réponses immédiates.
Je me permets d'insister, et je suis sûr que vous allez m'écouter.
Il y a un autre argument que j'ai essayé de développer cet après midi, c'est qu'il faut éviter les effets de stop and go. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Parlez français !
Très concrètement, à partir du moment où l'on annonce une baisse du nombre de contrats, il y a un signal d'arrêt qui part du haut de la pyramide vers les préfets de région et les préfets de département. L'effet est démultiplié et, sur le terrain, on met les associations en difficulté. Cela arrive régulièrement, et souvent en début de législature ou de gouvernement. Ne pourrait-on pas éviter de faire une telle erreur que, je suis prêt à le reconnaître, tous les gouvernements ont faite ?
Vous avez souligné tout à l'heure que les chiffres s'amélioraient à la rentrée. C'est aussi parce que vous avez remis des contrats en circulation, il y a eu un effet de relance.
L'objectif de l'amendement, c'est de maintenir l'engagement financier au niveau où il était jusqu'à maintenant, pour éviter l'effet désastreux que j'évoquais. Vous pourrez apporter des modifications au cours de l'année. D'ailleurs, si vous créez d'autres contrats, il faudra bien revoir les volumes financiers. Pour le moment, et je pense notamment à tous les dispositifs tels que les chantiers d'insertion, les associations doivent avoir une certaine visibilité et travailler dans la tranquillité et la continuité.
Je mets aux voix l'amendement n° 141 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 161 .
La parole est à M. Victorin Lurel, pour le défendre.
Cet amendement a pour objet de maintenir le dispositif du congé de solidarité outre-mer.
Vous m'avez répondu monsieur le ministre, que la totalité des crédits consacrés aux emplois aidés avaient été transférés à votre mission. Vous n'avez rien dit sur les 16 millions qui manquent. En l'occurrence, les 29 millions consacrés à ce dispositif vont disparaître. Vous allez faire disparaître le FEDOM, le fonds pour l'emploi dans les DOM, et ce dispositif spécifique du congé de solidarité.
Créé par la loi d'orientation pour l'outre-mer en 2000 pour le secteur marchand, il consiste à laisser partir des salariés à partir de cinquante-cinq ans à condition que l'entreprise recrute des jeunes de trente ans au plus. Il est cofinancé à 60 % par le budget de l'État, 50 % depuis deux ans, et le reste par le département, la région et les entreprises elles-mêmes.
Le dispositif avait été prorogé. Il a permis de créer de nombreux emplois à la Réunion et, chez moi, cela a créé, maintenu en tout cas, 700 emplois. Dans un petit marché du travail, ce n'est pas rien !
Ne péchons pas par idéologie. Ici, vous pensez que le taux d'activité des seniors est trop faible. Chez nous, il est très bon. Le chômage touche les jeunes jusqu'à trente ans. Ce dispositif a fait la preuve de son efficacité et de son pragmatisme. Vous lui supprimez 29 millions, par vision idéologique, alors que je prétends que ça marche. Nous vous demandons donc de le reconduire pour une année supplémentaire.
Lorsque Victorin Lurel présente un amendement, on a envie d'y être favorable. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Celui-ci vise à abonder de 29 millions d'euros le dispositif du congé de solidarité outre-mer. Malheureusement, c'est un dispositif en voie d'extinction et, si les crédits sont en diminution, c'est parce que le fonds ne gère plus que le stock. Plus personne ne peut entrer dans le dispositif, qui est appelé à disparaître dans quelques mois. C'est la vraie raison pour laquelle le Gouvernement n'a pas prévu de mettre autant d'argent que Victorin Lurel l'aurait souhaité.
Le Gouvernement partage l'avis du rapporteur spécial car cet amendement vise à abonder un dispositif de préretraites publiques qui est en voie d'extinction.
Ce dispositif avait été instauré pour une durée limitée, les entrées devaient cesser au 31 décembre 2006. L'article 120 de la loi de finances de 2007 en a prolongé le bénéfice pour une seule année, en en limitant qui plus est le champ d'application et en réduisant la participation de l'État.
Cet amendement n'aurait aucun impact pour d'éventuels principaux bénéficiaires.
Soyons logiques : il est inutile d'abonder par des crédits supplémentaires un dispositif dès lors que la faculté d'y adhérer n'existera plus à compter du 1er janvier 2008. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Je sais que Disraeli disait que la statistique est l'art de mentir avec précision. Vous me citez des chiffres, je ne suis pas d'accord. Chez moi, ce dispositif a permis de créer des emplois.
À la Réunion aussi.
Je ne fais pas de confusion, monsieur le ministre. La cessation progressive d'activité, c'était pour le secteur public. Là, il s'agit du secteur marchand et je peux vous assurer que le taux d'activité des personnes âgées de cinquante-cinq, soixante ou soixante-cinq ans est bon. C'est parmi les jeunes de moins de trente ans qu'il y a un problème.
Je sais qu'idéologiquement, cela ne vous plaît pas parce que, pour vous, c'est le partage de l'emploi. Comme disait Deng Xiaoping – vous voyez que j'ai de bonnes références –, que le chat soit gris ou noir, l'essentiel, c'est qu'il prenne des souris. Ce dispositif crée des emplois, c'est ça qui m'intéresse.
Je vous demande donc de reconsidérer votre position, il manque simplement une volonté politique pour proroger le dispositif.
Je suis saisie d'un amendement n° 142 .
La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour le défendre.
Au cours du débat, sur tous les bancs de l'hémicycle, des orateurs sont intervenus pour souligner l'importance des fonds d'insertion professionnelle et singulièrement du fonds d'insertion professionnelle des jeunes. M. le ministre lui-même a évoqué l'intérêt qu'il porte à ce fonds.
L'objet de cet amendement, c'est simplement d'abonder de 15 millions les crédits qui nous sont proposés, c'est-à-dire de ramener ce fonds au niveau où il était en 2007. Il ne s'agit pas de demander une augmentation mais simplement de maintenir les moyens qui lui étaient dévolus en 2007, dans le cadre de l'action n° 2 du programme n° 102.
Au-delà des statistiques et des comptes, il s'agit de jeunes en difficulté dont le parcours a besoin d'être sécurisé, pour lesquels des actions complémentaires à l'accompagnement personnalisé et renforcé sont nécessaires, sur le logement, sur la formation, afin de lever tous les obstacles qu'un jeune trouve sur sa route avant d'accéder à l'emploi.
La somme est relativement modeste, il s'agirait simplement d'un geste. Ces 15 millions seraient pris sur l'action n° 3 du programme n° 103. C'est une question de volonté, c'est une main tendue à des jeunes en difficulté, qu'il faut insérer professionnellement.
C'est une nouvelle fois sur les crédits qui leur sont consacrés que vous trouvez votre gage.
J'en viens au fond.
Le Gouvernement s'est aligné sur les vrais besoins. Les crédits destinés à ce fonds n'étaient pas tous consommés. Il est de bonne gestion et il est temps de cesser les systèmes d'affichage. À quoi ça sert d'afficher des crédits qui, de toute façon, ne sont pas consommés ? C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.
Le Gouvernement est évidemment d'accord avec la commission, non par esprit de système. Ce fonds d'insertion professionnelle des jeunes est un bon dispositif, il n'est pas question de le menacer. Simplement, pour une gestion saine, nous adaptons les crédits aux besoins recensés. Les crédits de 2007 ne seront pas consommés à la hauteur prévue et la baisse de la dotation pour 2008 ne fait que prendre en compte les besoins réels.
Si les trois premiers amendements du groupe socialiste avaient été adoptés, ce sont 171 millions, 29 millions et 15 millions d'euros, soit 215 millions, en faveur de l'aide à l'emploi dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants qui auraient été supprimés. Or le rapport de M. Cherpion souligne que 30 000 emplois ont été créés dans ce secteur au cours des deux dernières années.
Franchement, comme s'est demandé le rapporteur, que vous ont fait ces pauvres cafés et restaurants pour que vous vous en preniez systématiquement à eux en voulant supprimer les aides qu'on leur a accordées conformément à nos promesses ?
De tels propos sont tout de même un peu surprenants. On connaît la procédure budgétaire, on est bien forcé de trouver des sous, sinon nos amendements ne pourraient pas être défendus en séance.
Vous nous dites, monsieur le ministre, que le dispositif est très utile mais que, les crédits n'étant pas tous consommés, on revient à la réalité des besoins. Quand des crédits ne sont pas consommés, il y a deux raisons possibles. La première, c'est que les crédits sont supérieurs aux besoins réels du pays. La seconde, et c'est le cas ici, c'est que l'information n'est pas entièrement diffusée et qu'il y a une méconnaissance du dispositif.
Les besoins existent. Les jeunes en grande difficulté, il faut pouvoir les accompagner. C'est d'ailleurs souvent une économie pour le pays. Quand un jeune est accompagné et finit par arriver à l'emploi, on évite des dérives sociales qui coûtent fort cher au pays.
Il convient donc d'abonder les crédits, en faisant un effort d'information parce que les besoins existent réellement.
Je suis saisie d'un amendement n° 132 .
La parole est à M. le rapporteur spécial pour l'accompagnement des mutations économiques, pour le soutenir.
Cet amendement vise à combler une lacune de nos dispositifs d'aide à la restructuration des bassins d'emplois les plus en difficulté. Étant pour la première fois appelé à examiner le budget de ce programme, j'observe certes que de très nombreux dispositif mobilisent déjà des crédits à cet effet, tels les contrats de site ou le dispositif de l'article L. 321-17 du code du travail, qui met à contribution les entreprises de plus de mille salariés dont les restructurations ont un impact négatif sur la situation de l'emploi dans le bassin où elles se trouvent.
Mais on ne dispose pas d'outils d'intervention adéquats en ce qui concerne les tout petits bassins d'emplois frappés par des suppressions d'emplois qui peuvent paraître, vues de loin, peu importantes, mais qui ont un impact considérable sur ces bassins.
C'est la raison pour laquelle je me suis permis de vous proposer, monsieur le ministre, la création d'un fonds national de revitalisation des territoires, qui, sans mettre en péril l'équilibre de nos finances publiques, comblerait cette carence et apporterait à ces territoires un début de solution. Cela permettrait de soutenir les entreprises qui veulent y investir, et de favoriser la recréation d'emplois dans les zones où les sociétés de conversion n'interviennent pas – elles sont elles-mêmes d'ailleurs financées par les collectivités locales.
Voilà le sens de cet amendement, et j'espère que le Gouvernement aura le souci de l'examiner avec le maximum d'attention, sinon de bienveillance.
Comme c'est M. Gorce qui l'a présenté, je pense qu'on peut s'en tenir là, même si cet amendement n'a pas été examiné par la commission.
Monsieur le député, je vous ai indiqué, dans mon intervention à la tribune, combien votre souci de la revitalisation des territoires, que vous affichez par le dépôt de cet amendement, est partagé par le Gouvernement, par la commission, et, j'en suis sûr, sur l'ensemble des bancs de cette assemblée. C'est pourquoi l'amendement que vous proposez mérite d'être examiné au fond.
Comme vous l'avez indiqué vous-même, il existe déjà de très nombreux dispositifs dédiés à cet objectif, auquel sont consacrés de très nombreux crédits, bien qu'ils soient dispersés dans des missions différentes. Il faudrait donc avant tout s'attacher à recenser les dispositifs existants et à en assurer la coordination, en les rassemblant éventuellement dans une mission commune, en un mot à améliorer le fonctionnement de ce qui est déjà prévu par la loi. Il y a ainsi 260 conventions de revitalisation sur l'ensemble du territoire national, et plus de trente contrats de site ont été créés. Tout cela mérite d'être considéré, hors de tout esprit polémique.
Je ne prendrai qu'un exemple : cinq millions d'euros sont déjà prévus, au titre de la mission « développement économique et régulations », au coeur de la direction générale des entreprises, pour accompagner les mutations industrielles.
Je vous propose donc, monsieur le rapporteur spécial, la création…
…d'un groupe de travail dont vous pourriez être un des animateurs. Celui-ci aurait pour fonction, à la fois de recenser l'ensemble des crédits existants, aujourd'hui dispersés dans différentes missions, consacrés à l'accompagnement des mutations ou des restructurations industrielles, et de faire des propositions pour qu'on tire le bilan des dispositifs existants et qu'on améliore leur efficacité.
Sous le bénéfice de cette proposition du Gouvernement, je souhaiterais que vous retiriez votre amendement.
J'aurais été curieux, madame la présidente, de connaître également le point de vue du ministre du travail sur ce sujet, pour ne me prononcer qu'après que tous les membres du Gouvernement se seront exprimés.
La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.
S'il s'agit de satisfaire la curiosité de M. Gorce, je m'exécute évidemment sans délai !
Je vous laisse seul juge, monsieur le député !
Le Gouvernement est très clairement défavorable à cet amendement que la commission n'a pas examiné.
Non pas que je discute le bien-fondé d'un fonds national de revitalisation des territoires. Étant moi aussi un élu, je sais combien les besoins sont grands dans certains territoires.
Ceci étant, il faut bien mesurer les conséquences d'un tel amendement. Il amputerait de cinq millions d'euros les moyens de fonctionnement du ministère, qui sont déjà limités, puisqu'ils s'élèvent à 187 millions d'euros, compte non tenu des crédits de la DARES et de la masse salariale. Cela aura donc forcément un impact sur les conditions de travail de cette administration, à la qualité desquelles vous êtes attaché, monsieur le rapporteur spécial.
Ces cinq millions d'euros représentent ainsi un tiers de l'ensemble des crédits consacrés à l'évaluation des politiques de l'emploi, à laquelle vous êtes également attaché. À ce propos je réserverai, comme je l'ai annoncé à la tribune, un accueil favorable à l'excellent amendement qui sera défendu tout à l'heure par Frédéric Lefebvre à propos du centre d'études de l'emploi, le CEE. Il ne s'agit bien évidemment pas pour moi, monsieur Gorce, de faire un choix entre les rapporteurs spéciaux. Je tiens simplement à préciser que le fonctionnement du CEE est financé sur ces 187 millions d'euros. Au nom de la cohérence, je vous demanderai donc moi aussi de bien vouloir retirer cet amendement, dont l'adoption pourrait créer un réel problème.
Je voudrais enfin préciser que les efforts importants de productivité réalisés depuis trois ans par le ministère ont permis de diminuer le coût moyen de fonctionnement, rapporté à chaque agent de 22 % en trois ans – je sais que je peux bénéficier du soutien du rapporteur Frédéric Lefebvre sur cette question. Franchement, je ne vois pas comment on pourrait aller au-delà !
Voilà pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
Maintenant que vous avez entendu l'argumentation des deux membres du Gouvernement, monsieur Gorce, maintenez-vous votre amendement ?
Je retire de ce que j'ai entendu, madame la présidente, l'impression que les deux ministres se contredisent si je pouvais imaginer que des membres du Gouvernement se contredisent ! C'est sans doute que j'ai mal entendu les arguments qui ont été développés et qu'il faudrait qu'ils me soient expliqués.
J'ai cru comprendre, monsieur Novelli que, tout en jugeant la proposition un peu rapide, vous estimiez néanmoins nécessaire qu'on approfondisse la réflexion : une telle réflexion devrait être menée rapidement, en concertation avec des membres de la commission des finances représentant toutes les sensibilités de cette assemblée. Cela nous permettrait, par exemple, de recueillir tous les éléments qui nous permettraient de revoir cette question lors du prochain débat budgétaire. Cela me semble un accueil bienveillant d'une proposition qui vise à soutenir ces territoires.
Je pense que nous sommes d'accord sur tous les bancs pour considérer qu'à peu près un tiers des tout petits bassins d'emplois ne disposent pas aujourd'hui des outils qui leur permettraient de faire face aux difficultés que j'évoquais.
Vous avez jugé, monsieur le ministre du travail, le choix du gage discutable, ce que je peux tout à fait admettre : on aurait pu effectivement trouver une meilleure idée. Mais j'ai voulu être modeste pour ne pas mettre le Gouvernement trop en difficulté.
J'y suis sensible !
Je me targue d'avoir une approche très constructive, et quand je suis amené à voter contre le Gouvernement, c'est que je ne peux pas faire autrement et qu'il s'éloigne trop de l'intérêt général.
Il y a une solution simple : on pourrait utiliser les seize millions d'économies que le Gouvernement va tirer de la modification du régime d'exonération qui s'applique aux ZRR et aux ZRU pour abonder ce fonds de revitalisation, qui va essentiellement bénéficier aux zones rurales. Mais on ne va pas régler la question maintenant.
Ce que je veux retenir, c'est l'attention que vous portez à cette disposition, et votre engagement, monsieur Novelli, que nous ferons ce travail. Comme je n'ai pas de raison de mettre en doute votre bonne foi, si je peux contester parfois vos intentions et vos décisions, je retire mon amendement, mais en souhaitant que nous puissions reprendre cette discussion l'année prochaine avec tous les éléments pour décider.
Je vous proposerais d'examiner également les trois amendements suivants, qui portent tous sur la même question.
L'article 54, que nous examinerons plus tard, propose la suppression d'un dispositif qui constituait un effet d'aubaine. L'économie ainsi réalisée est évaluée à un peu plus de quatre millions d'euros.
Ces deux amendements, adoptés à l'unanimité par la commission, proposent de favoriser une action plus volontariste de l'ANPE en matière de retour à l'emploi après un congé de maternité, en augmentant à cet effet de 3,4 millions d'euros la subvention versée à l'Agence.
Le gage que nous proposons – on parle beaucoup de gage ce soir – en vaut un autre : il s'agirait de réduire du même montant les crédits de communication du programme. Mais les discussions qui ont eu lieu en commission à ce propos ont montré qu'il s'agit surtout d'un amendement d'appel. Ce que nous souhaiterions, c'est que le Gouvernement s'engage très fermement à faciliter le retour à l'emploi après un congé de maternité.
Ces deux amendements proposent d'augmenter la part de la subvention de l'ANPE consacrée à l'aide à la reprise d'activité après un congé de maternité.
Par l'article 54 du PLF, le Gouvernement projette effectivement la suppression de l'aide aux entreprises pour le remplacement des femmes parties en congé de maternité. Cette mesure, mise en oeuvre en mars 2007, a été très peu utilisée et n'a pas eu les effets escomptés.
Pour autant, madame la présidente, il ne s'agit pas de défavoriser l'emploi des femmes, question à laquelle nous sommes tout aussi sensibles que vous. C'est pourquoi le Gouvernement estime aujourd'hui plus pertinent de développer l'aide à la reprise d'activité des femmes, l'ARAF. Il s'agit d'une aide ponctuelle, gérée par l'ANPE, qui vise à lever un frein à la reprise d'activité. Elle permet en effet aux femmes qui ont un ou des enfants de moins de six ans de faire face, dans l'attente du versement de leur premier salaire ou de leur rémunération de stage, aux frais de garde exposés lors de la reprise d'activité. En 2007, 18 000 femmes auront bénéficié du dispositif pour un coût total de six millions d'euros. Ce dispositif est cofinancé par le fonds social européen, ce qui n'est pas sans intérêt.
Le Gouvernement projette de porter à 36 000 le nombre de femmes qui bénéficient de cette aide, pour un montant global proche de 12 millions d'euros en année pleine. Le financement de la part assumée par les pouvoirs publics sera assuré dans le cadre de la subvention qu'ils versent à l'ANPE.
Je demande donc le retrait de ces amendements, si leurs auteurs en sont d'accord, compte tenu des engagements que je viens de prendre au nom du Gouvernement.
La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.
Nous avons là un exemple de la réalité du travail en équipe au niveau gouvernemental.
Comment, et tout particulièrement à la veille d'une conférence sur l'égalité salariale qui se tiendra à la fin du mois de novembre et qui traitera également de l'égalité professionnelle, ne pas être favorable à l'idée proposée ? J'ai d'ailleurs eu l'occasion de l'évoquer à différentes reprises avec la présidente de la délégation aux droits des femmes, Mme Marie-Jo Zimmermann.
Nous arrivons cependant à la limite de l'exercice – car je crois utile d'expliquer aussi les difficultés auxquelles nous sommes confrontés – : si nous augmentons brusquement de 3,4 millions d'euros les crédits d'évaluation de la DARES, il est à peu près certain qu'en fin d'exercice ces crédits ne seront pas consommés. De fait, même avec des efforts de réactivité et de productivité, si le travail n'a pas été fait en amont, nous ne sommes pas certains de consommer ces crédits. Or il n'est rien de pire, à mes yeux, que d'engager des crédits et de ne pas pouvoir mener les opérations pour les consommer : cela s'apparenterait à un pur effet d'annonce.
L'amendement propose également de réduire de 3,4 millions d'euros les crédits de communication du ministère. Or il ne s'agit pas ici de communication à proprement parler, même si certaines actions de communication envisagées pour l'an prochain n'ont pas été programmées. Il faut toutefois préciser que, pour l'enveloppe « communication », les crédits du ministère, qui s'élevaient à 10 millions d'euros en 2007, ont été réduits à 6 millions d'euros pour 2008, parce que la partie de ces crédits relative à l'emploi a été transférée à Bercy, sous l'aile protectrice des ministres que représente aujourd'hui M. Novelli. Or les 6 millions d'euros restants ne sont pas tant destinés à engager des opérations nouvelles qu'à honorer des marchés et tenir des engagements juridiques. Puisque vous m'invitez à l'exhaustivité, monsieur le député, je précise qu'il s'agit en particulier du financement des plates-formes de renseignements téléphoniques sur le droit du travail et l'emploi – et il me semble, à entendre certains des orateurs qui se sont exprimés tout à l'heure, qu'il y a du travail à faire pour fournir des renseignements et des précisions à cet égard. L'État s'étant engagé juridiquement à mener ces actions, on ne peut réduire les crédits qui leur sont destinés, et tout particulièrement dans ce domaine.
Voilà pourquoi, sans qu'il soit même question du bien-fondé des opérations que vous souhaitez, le Gouvernement émet un avis défavorable à cet amendement.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir rappelé que l'égalité professionnelle ne se résumait pas à l'égalité salariale.
Monsieur le rapporteur spécial, laissez-vous toujours à M. Chartier le soin de maintenir ou de retirer ces amendements ?
Ce débat a été, malgré tout, intéressant. Je comprends la position du Gouvernement et vois bien que le gage ne conviendrait pas, si amusant soit-il. Nous retirons donc ces amendements.
Il serait dommage, en effet, d'inscrire des crédits qui ne seraient pas consommés, mais il me semble que le Gouvernement pourrait toutefois exprimer son attachement au principe de l'aide au retour à l'emploi, par le financement des frais de garde, des personnes qui sortent de congé de maternité, et d'une extension de ce dispositif au-delà de 18 000 bénéficiaires. C'est là, selon moi, un bon principe.
Il serait de bonne communication et de bonne politique que le Gouvernement, à qui vont précisément être rendus 3,4 millions de crédits de communication, engage une campagne destinée à informer les personnes quittant un congé de maternité qu'elles peuvent bénéficier d'un remboursement de frais de garde, ce qui leur facilite la vie au moment où elles reviennent à l'emploi. Ce serait là une sortie parfaitement honorable après le retrait de ces amendements.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Bravo !
Les amendements nos 84 et 85 sont retirés.
Je suis saisie d'un amendement n° 77 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur spécial pour les politiques du travail et de l'emploi, pour le soutenir.
spécial pour les politiques du travail et de l'emploi. C'est un amendement très important, fruit des auditions que nous avons menées, avec Gaëtan Gorce et Alain Joyandet, pour préparer ce budget.
Chacun sait, et cela a été redit à de nombreuses reprises au cours de l'examen des articles et dans la discussion générale, que nous avons besoin d'une évaluation des politiques, et notamment des politiques de l'emploi. Lors des auditions, nous avons parfois été effarés de constater que, sur certains sujets, lorsque nous demandions quelques détails sur le nombre des dispositifs, des contrats aidés ou des solutions qui pouvaient être proposés par les agents de l'ANPE aux demandeurs d'emploi, on nous répondait qu'il en existait peut-être 40, 50, 100 ou 300, que certains étaient utilisés et d'autres non – en un mot, il était effrayant de constater que personne n'est aujourd'hui capable d'y voir clair dans le millefeuille des dispositifs adoptés au fil des années.
spécial pour les politiques du travail et de l'emploi. Personne n'est capable de dire ce qui est efficace et ce qui ne l'est pas, et s'il faut ou non privilégier tel ou tel dispositif.
Gaëtan Gorce, Alain Joyandet et moi-même avons donc souhaité déposer cet amendement, qui vise à augmenter de 200 000 euros la subvention versée au Centre d'études de l'emploi. C'est une sorte de symbole – même si une mobilisation supplémentaire sur l'évaluation est, en tout état de cause, positive – car nous souhaitons un engagement fort de la part du Gouvernement de laisser la commission des finances, comme sans doute la commission des affaires sociales, travailler à la conception d'une architecture nouvelle en matière d'évaluation des politiques de l'emploi. Si je parle d'une architecture nouvelle, c'est que nous sommes bien évidemment conscients que la volonté du Gouvernement d'engager une révision générale des politiques publiques vaut pour toutes ces politiques, et donc naturellement aussi pour les politiques de l'emploi, comme le montrent d'ailleurs les dispositifs qui nous ont été proposés dans les différents articles du texte que nous examinons.
Si nous voulons toutefois que, dans cette révision générale des politiques publiques, les décisions prises par les parlementaires et par le Gouvernement reposent sur des réalités chiffrées et reconnues, il nous faut faire un énorme effort en matière d'évaluation.
Ce débat n'est pas nouveau et je ne suis pas le premier à tenir ce langage. En effet, la Cour des comptes a dénoncé à de très nombreuses reprises les manques en matière d'évaluation des politiques de l'emploi, notamment à propos des contrats aidés. Le Conseil pour l'emploi a fait de même et ce sujet a été longuement abordé par la commission de révision des institutions présidée par Édouard Balladur. Si le sujet dépasse la question de l'emploi, il montre précisément, dans ce domaine, à quel point il importe de moderniser le système d'évaluation.
Nous ne vous donnerons pas aujourd'hui de solution exacte, car nous nous proposons de réfléchir à une architecture en ce sens avant de la proposer au Gouvernement. Les solutions envisageables sont nombreuses : faut-il, ou non, un filtre ? Qui est donneur d'ordres de ces demandes d'évaluation ? Est-ce le Gouvernement seul, comme c'est le cas aujourd'hui ? Ce rôle ne devrait-il pas incomber aussi au Parlement ? C'est évidemment le sens de la proposition que nous souhaitons formuler, car les commissions des finances, par exemple, seraient à même d'évaluer utilement des politiques et des dispositifs dont on sent bien, intuitivement, qu'ils ne sont pas performants, ne donnent pas satisfaction ou ne touchent pas les publics concernés. L'idée que le Parlement, voire d'autres institutions, comme le Conseil économique et social, dont nous voulons renforcer les pouvoirs, devraient avoir une compétence en matière d'évaluation, a été largement évoquée.
Nous ne trancherons pas ce soir sur la nouvelle architecture de l'évaluation des politiques de l'emploi, mais nous pourrons avancer si nous décidons tous ensemble, comme l'a fait la commission des finances, qui a adopté cet amendement à l'unanimité, de donner l'importance qu'elles méritent à l'évaluation et aux politiques de l'emploi. Je ne reviendrai pas sur la description du millefeuille des dispositifs, ni sur les difficultés que connaissent tous les agents et demandeurs d'emploi, lesquelles se traduisent par le fait que la politique pratiquée n'est pas toujours la même sur tout le territoire, les dispositifs appliqués variant selon l'endroit où l'on se trouve.
Nous souhaitons donc que le Gouvernement donne un avis favorable à cet amendement, qui nous semble être de nature à améliorer très efficacement le travail parlementaire, comme en ont convenu les membres de la commission des finances. Il s'agirait aussi d'un signal que nous pourrions envoyer.
Puisque cet amendement procède d'une démarche commune, je propose que M. Gaëtan Gorce complète mes propos au nom de la commission.
La parole est à M. le rapporteur spécial pour l'accompagnement des mutations économiques
Pour ne pas allonger ces débats, je me contenterai de souligner que nous avons présenté conjointement cet amendement, adopté à l'unanimité par la commission des finances, dans le souci que le débat puisse porter sur le fond. Si nous voulons – du moins est-ce mon cas – désapprouver votre politique, nous devons pouvoir le faire sur la base d'éléments démontrés, sans polémiquer en permanence, monsieur Novelli, pour savoir si nous avons la bonne référence de la énième étude montrant que les 35 heures ont créé, ou non, 350 000 à 500 000 emplois, ou si les exonérations de cotisations sociales permettent les mêmes résultats. Nous devons pouvoir nous fonder sur des données claires.
Nous nous situerions ainsi dans le prolongement de ce que prévoit la LOLF. Peut-être faudra-t-il également envisager que la réforme constitutionnelle, si elle a lieu, inscrive ce droit au contrôle et à l'évaluation parmi les attributions du Parlement. Il est en effet surprenant de constater que ce droit ne figure pas dans notre Constitution. Ce serait donc un progrès de pouvoir l'y inscrire afin que le débat public, à défaut de s'apaiser sur le fond, puisse au moins faire l'économie des polémiques sur l'impact des dispositifs mis en place.
La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.
Madame la présidente, après une telle unanimité, je précise d'emblée que le Gouvernement émet un avis favorable.
Messieurs les rapporteurs, puisque vous avez demandé un engagement du Gouvernement, je serais tenté de vous en demander un autre : que, dès lors qu'aura été prise une décision conséquente – nous parlons tout de même de 200 000 euros –, vous puissiez, comme vous l'avez dit, faire des propositions et en assurer le suivi. J'ai toujours attaché de l'importance au « service après vote », et il faut nous assurer, je le répète, que ces 200 000 euros seront consommés et que le travail d'évaluation que vous appelez de vos voeux aura bien lieu.
Vous avez proposé que les commissions puissent contribuer à bâtir l'architecture de cette évaluation et il me semble important que, chacun dans son rôle, vous continuiez à apporter votre concours à ce travail que vous avez souhaité.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur.
Le Gouvernement, qui parle d'une seule voix, est favorable à cet amendement. Je me contenterai donc d'un mot sur la culture de l'évaluation.
Comme l'a dit M. Lefebvre, il est temps que nous évaluions ce que nous votons. Pour prolonger l'interrogation de M. Gorce sur les 35 heures – que je me serais interdit d'évoquer s'il ne l'avait fait lui-même à très juste titre –, je ne suis pas persuadé que, si nous avions évalué, voici quelques années, ces dispositions législatives en faveur d'une réduction autoritaire globale et généralisée du temps de travail, il se serait trouvé quelqu'un sur les bancs de cette assemblée pour voter l'application des 35 heures.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement et je souhaite qu'il soit le premier pas d'une véritable fondation de la culture de l'évaluation, à partir d'un travail sérieux, disposant de moyens et de compétences.
Je mets aux voix l'amendement n° 77 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Travail et emploi », modifiés par les amendements adoptés.
(Les crédits de la mission « Travail et emploi », ainsi modifiés, sont adoptés.)
J'appelle maintenant les articles du projet de loi de finances rattachés à cette mission.
Sur l'article 52, je suis saisie d'un amendement n° 143 rectifié .
La parole est à M. Jean-Pierre Dufau pour le soutenir.
Cet amendement invite à faire un pas de plus vers l'évaluation, puisqu'il propose de dresser un bilan de la situation des jeunes ayant conclu un contrat initiative-emploi.
Mais je tiens quand même à intervenir sur le contenu de l'article 52 et l'exposé des motifs. La fusion du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise et du contrat initiative-emploi appelle trois remarques : l'une sur la nature de l'opération, l'autre sur les crédits et la dernière sur le nombre de contrats.
Tout d'abord, c'est peut-être aller un peu vite en besogne d'affirmer que les bénéficiaires du SEJE, « les jeunes demandeurs d'emploi dépourvus de qualification », sont rigoureusement identiques à ceux du CIE, « personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d'accès à l'emploi ». Pour notre part, nous avons des doutes sur la concordance de ces deux publics. Sinon, pourquoi avez-vous conçu deux politiques distinctes ? Dès lors, on peut s'interroger sur le résultat de la fusion. Va-t-elle permettre de cerner le public visé ? Cette mesure ne semble pas assez ciblée, ce qui renforce la nécessité du bilan.
Ensuite, l'analyse des crédits révèle un paradoxe : on fusionne, mais on diminue les moyens. Le montant des crédits accordés aux CIE s'inscrit en baisse de 30 % par rapport à l'année précédente, alors qu'ils vont aussi financer les nouveaux SEJE. Allez y comprendre quelque chose ! Un peu de cohérence serait nécessaire.
Troisième point : on dénombrait environ 50 000 SEJE pour les deux premières années – 26 000 puis 25 000 – et quelque 40 000 CIE. Or vous ne prévoyez plus que 75 000 contrats au total. On aimerait comprendre.
Plus grave et même très inquiétant : votre exposé des motifs. Vous y prétendez que « la possibilité de moduler, par arrêté préfectoral, l'aide attribuée à certains publics dans le cadre d'un CIE, qui n'est pas prévue dans le cadre du SEJE, permet d'améliorer l'impact du dispositif en ciblant les aides les plus élevées sur les publics prioritaires, tout en diminuant le coût du dispositif pour d'autres bénéficiaires ».
Autrement dit, vous allez laisser aux préfets le soin de moduler ces aides en fonction des circonstances, de l'enveloppe dont ils disposeront et du nombre de contrats honorés. C'est-à-dire que le Parlement ne votera pas l'attribution des crédits, qui variera d'un département à l'autre. Que deviennent la péréquation nationale et la politique du Gouvernement ? Nous sommes dans l'arbitraire !
Cet amendement sur l'article 52 est intéressant pour plusieurs raisons. Tout d'abord, à la lecture du corps de l'amendement, nous sommes tous d'accord sur le fait que ce dispositif SEJE est mauvais et qu'il provoque notamment des effets d'aubaine.
Je ne vous ai pas accusé de l'avoir créé, mais la responsabilité du Parlement consiste aussi à ne pas conserver des mesures qui, de l'avis de tous, ne fonctionnent pas.
Vous l'aviez dit, très bien ! Vous aviez raison, c'est formidable ! Vous voulez sans doute continuer à avoir raison et vous allez donc voter avec nous l'article 52 et la suppression du SEJE.
Cet amendement que vous proposez vient souligner une seule chose : votre volonté d'évaluer, partant du principe que le Gouvernement ne sera pas en mesure de cibler les CIE sur les jeunes. Moi, je pars du principe contraire et j'aimerais que le Gouvernement s'exprime sur ce sujet. Si le Gouvernement s'engage à viser les jeunes, je propose qu'on vérifie qu'il l'a bien fait, l'an prochain, dans le cadre de l'évaluation globale.
Si vous ne retiriez pas l'amendement, je serais obligé d'émettre un avis défavorable. Sur le fond, nous ne sommes pas hostiles à la démarche de l'évaluation. Mais nous partons du principe que le Gouvernement a les moyens d'orienter le dispositif CIE en faveur des jeunes.
Le Gouvernement partage l'avis du rapporteur. Nous sommes pragmatiques : quand un dispositif ne fonctionne pas, nous sommes pour sa suppression. L'article 52 de ce projet de loi de finances vise à fusionner le SEJE – le contrat aidé en faveur des jeunes – et le CIE – principal contrat aidé du secteur marchand.
Je ne vais pas répéter ce qu'a excellemment expliqué Frédéric Lefebvre et ce que vous avez vous-même mentionné. Le dispositif actuel souffre de nombreuses lacunes dont la principale est de fonctionner comme un guichet ouvert qui a montré ses limites.
Dans l'excellent rapport rédigé par Frédéric Lefebvre, je relève un chiffre : avant l'embauche en SEJE, un jeune sur deux était déjà salarié. Or le principe du SEJE était de favoriser l'insertion dans l'emploi durable des jeunes qui en sont éloignés. Vous avez la démonstration qu'il n'a pas atteint ses objectifs.
La fusion du SEJE et du CIE permettra d'améliorer le ciblage des bénéficiaires, tout en limitant les effets d'aubaine. En effet, la garantie d'une prescription des contrats aidés par l'ANPE permettra d'identifier les besoins tant des entreprises que des jeunes, beaucoup mieux qu'avec un guichet ouvert.
Au nom du Gouvernement et comme m'y invite le rapporteur, je m'engage à ce que les 75 000 CIE programmés pour 2008 soient principalement orientés – et nous allons demander à nos services d'y veiller – vers les jeunes et les seniors (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.). N'oublions pas non plus les seniors dont nous voulons ramener le taux d'emploi à un niveau comparable à celui constaté dans les pays de l'OCDE. Voilà l'engagement que je prends au nom du Gouvernement. En conséquence, je demande le retrait de cet amendement. Sinon, j'émettrais un avis défavorable.
Avant de décider, je voulais un engagement très clair du Gouvernement …
…sur les deux points que j'ai mis en évidence : le ciblage des publics concernés où on découvre maintenant les seniors – dont acte, je n'ai rien contre eux ! – ; la réalisation d'un bilan annuel et détaillé par département, dans le cadre de l'évaluation générale, de cette mesure spécifique résultant de la fusion de deux dispositifs. Sinon, je suis obligé de maintenir cet amendement.
Nous prenons l'engagement de cibler la mesure sur les jeunes et les seniors et d'effectuer une évaluation précise.
Dans ces conditions, je retire l'amendement n° 143 rectifié au nom de mon groupe et j'attends avec beaucoup d'intérêt ce bilan, l'année prochaine.
Sur l'article 53, je suis saisie de quatre amendements de suppression, nos 106, 127, 133 et 144.
La parole est à M. Francis Vercamer pour défendre l'amendement n° 127 .
L'article 53 met fin aux exonérations spécifiques de charges sociales sur les contrats de professionnalisation et mon amendement vise à supprimer cet article.
Ce contrat de professionnalisation est un contrat en alternance. Ce dispositif efficace fonctionne bien et se développe dans les entreprises. Il vise un public avec peu ou pas de qualification et qui, par conséquent, rencontre des difficultés d'insertion dans la vie sociale.
L'article va supprimer une aide particulière à ce contrat. On m'assure que cette suppression est minime, mais elle marque ce contrat de manière très négative et va sans doute donner un coup d'arrêt à ce dispositif qui se développe et participe à la baisse du chômage en France.
On nous indique que cet article va permettre d'économiser 140 millions d'euros, tout en affirmant qu'il n'aura pas d'incidence sur les finances des entreprises. C'est assez paradoxal ! D'où viennent donc ces exonérations de 140 millions d'euros si le fait de les supprimer n'induit aucun changement sur le coût du travail pour les entreprises ?
Je le défendrai en donnant l'avis de la commission sur les quatre amendements de suppression.
La parole est à M. Jean-Patrick Gille pour soutenir l'amendement n°144 .
On attend impatiemment la réponse du Gouvernement sur la provenance de cette économie de 140 millions d'euros. Soit nous n'avons pas compris, soit on va nous dévoiler une astuce.
Comme je l'expliquais tout à l'heure, si ces exonérations spécifiques sont équivalentes aux allègements généraux de charges pour les entreprises, ce n'est pas une bonne chose de modifier sans cesse les contrats. Les entreprises n'apprécient pas ces changements permanents et on assiste à des effets « trou d'air » très nuisibles pour ce genre de dispositif.
Quel est l'avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ?
La commission a émis un avis favorable sur ces amendements car elle a été sensible aux arguments en faveur d'une stabilité des mesures d'aide. Mais, à titre personnel, j'attends l'examen de l'amendement déposé par le Gouvernement.
La commission des finances n'a pas retenu ces amendements de suppression, en tout cas celui que j'avais présenté. Je vois que la commission des affaires sociales est allée au-delà. Je crois que cela mérite quelques éléments d'explication parce que les préoccupations exprimées sont manifestement partagées sur tous les bancs.
Pour supprimer les exonérations spécifiques appliquées aux contrats de professionnalisation, on a invoqué l'argument de l'harmonisation des régimes d'exonération issus du système Fillon – dont nous ferons évidemment l'évaluation. Dans cette logique, on élimine tout ce qui peut introduire des différences, par souci de simplification.
Cela pose deux types de questions. À quoi servent les exonérations ? Est-ce qu'on se situe dans une politique générale d'exonérations dont on attend des résultats ? Ou utilise-t-on ces exonérations pour atteindre des objectifs spécifiques en direction de publics précis ?
Il faut choisir. Vous avez l'air de pencher pour le dispositif d'exonération général qui renonce à utiliser ce levier pour certains publics. Mais dans ce cas, pour les publics en question, ne risque-t-on pas de perdre en efficacité en renonçant aux dispositifs qui commencent à se mettre en place ?
Le contrat de professionnalisation est fragile. Mis en place en 2004 à l'issue d'un accord interprofessionnel, il a mis du temps à décoller. Il a augmenté de plus de 40 % entre 2006 et 2007. Il intéresse beaucoup, c'est vrai, les entreprises de moins de vingt salariés, qui ne perdront rien avec le nouveau dispositif, mais aussi les autres, et notamment celles de plus de deux cent cinquante salariés. En 2006, l'actuelle majorité et le Parlement les ont invitées à augmenter le nombre de jeunes employés en contrats en alternance – contrats d'apprentissage ou de professionnalisation. En alourdissant le coût du recours à ces contrats, nous leur enverrions un signe contradictoire.
Par ailleurs, au moment où l'on se demande – comme le fait M. le secrétaire d'État avec beaucoup de précision et d'humilité, eu égard aux résultats obtenus en ce domaine – comment maintenir ou faire revenir les seniors dans l'emploi, on modifierait un régime d'exonération qui, avec les contrats de professionnalisation, favorise l'embauche des salariés de plus de quarante-cinq ans.
Pour ces deux raisons, le signe donné avec cet article est particulièrement négatif. L'économie réalisée a sans doute son importance, mais elle ne me paraît pas de nature à rétablir l'équilibre de nos finances publiques.
Nous pourrions tous nous entendre pour considérer que la décision proposée avec cet article est prématurée et qu'elle présente des risques pour le développement des contrats de professionnalisation : la sagesse serait donc de supprimer l'article, faute de quoi nous serions contraints – à commencer par le Gouvernement – de chercher des corrections au niveau dispositif, lequel aura un impact, par exemple, sur tel groupement d'employeurs ou telle catégorie d'entreprises.
Le rejet des amendements de suppression compliquerait singulièrement nos débats et nous mènerait bien loin de la simplification souhaitée.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces quatre amendements identiques ?
Le problème soulevé est très important.
Il nous faut en effet rechercher la simplification : entre les ajouts, retraits, compensations et rectifications successifs, il y a parfois de quoi se perdre. L'objectif premier de l'article 53 est bien celui d'une simplification administrative : faut-il, oui ou non, maintenir des exonérations de charges sociales à peine plus favorables que le droit commun, voire identiques à lui ? À cette question le Gouvernement a répondu en donnant la priorité à la simplification.
Pour les entreprises de moins de vingt salariés, et pour une rémunération du contrat de professionnalisation jusqu'au niveau du SMIC, la simplification proposée laissera les choses à l'identique en termes d'allégements de charges : c'est pour des entreprises de plus de vingt salariés qu'une légère différence peut apparaître – 20 euros en moyenne. Mais au-delà de ces allégements, il existe, je le rappelle, trois autres leviers d'action autrement plus déterminants pour les contrats de professionnalisation. En premier lieu, une prime de 200 euros par mois la première année et de 100 euros par mois l'année suivante pour tout employeur ayant conclu avec un jeune un contrat de professionnalisation à durée indéterminée. Deuxième élément : une aide forfaitaire de l'ASSEDIC de 200 euros par mois. Troisième avantage : un financement par les organismes gestionnaires de la formation professionnelle, les OPCA – organismes paritaires collecteurs agrées.
Cet article, qui vise à simplifier les choses, me paraît donc devoir être maintenu et adopté par votre assemblée, à deux exceptions importantes près, qui ont d'ailleurs été soulignées par M. Gorce. Tout d'abord, 1,8 % des personnes de plus de quarante-cinq ans ont aujourd'hui recours aux contrats de professionnalisation : il n'est pas question de les ignorer. Le Gouvernement a donc déposé un amendement tendant à diminuer la taxe d'apprentissage payée par les entreprises qui embauchent des personnes de plus de vingt-six ans en contrat en alternance : nous avons ainsi l'élément qui convient pour prendre en compte la situation de ces dernières.
Par ailleurs, comme je l'ai indiqué tout à l'heure à M. Colombier, le Gouvernement a déposé un amendement visant à prendre en compte les groupements d'employeurs ayant une mission d'insertion et de qualification, pour lesquels il est proposé de maintenir un régime spécifique d'exonération au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, dans des conditions définies par décret.
Avec ces deux amendements, le Gouvernement répond aux deux points spécifiques qui posent problème : je demande donc à la majorité de bien vouloir le suivre dans cette oeuvre de simplification, laquelle doit en effet primer, sous réserve de l'adoption des amendements que je viens d'évoquer.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Tout d'abord, il n'est pas sain de changer continuellement les règles : les entreprises nous le reprochent souvent.
Par ailleurs, le contrat en alternance est un élément-clé de la politique de l'emploi.
Enfin, monsieur le secrétaire d'État, vous n'avez pas répondu à M. Vercamer : d'où viennent ces 140 millions d'euros d'économies ? Je suis évidemment favorable aux économies, mais j'aimerais comprendre ce miracle. (Sourires.)
Je reste donc réservé quant à cet article.
L'article 53 est excellent ; son intérêt réside dans la simplification. Comme M. Le président de la commission des affaires culturelles le sait, j'ai le plus grand respect pour lui. Il m'a toujours appris, lorsqu'il était président de la commission des finances, à faire une confiance avérée au Gouvernement : une confiance de principe, mais avérée par les évaluations.
Il serait en effet très intéressant d'entrer dans le détail de celles-ci, même si nous ne pourrons évidemment pas le faire ce soir, faute de temps. Toutefois, nous avons – y compris l'opposition – fait plusieurs fois confiance au Gouvernement : faisons-le une fois encore au sujet de l'évaluation du dispositif ; votons, si possible à l'unanimité, cet article de simplification qui permet de véritables économies.
Tout ce qui va dans le sens de la simplification est bénéfique et doit être encouragé. Cependant, l'un des deux amendements que vous proposez, monsieur le secrétaire d'État, ouvre une exonération des cotisations à la charge de l'employeur au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Or, la semaine dernière, nous avons décidé de supprimer toutes ces exonérations en raison de la nature assurantielle des cotisations, qui doivent inciter toutes les entreprises, quelles qu'elles soient et quels que soient les salariés qu'elles embauchent – en intérim, en formation ou en insertion – à protéger la santé de ceux-ci.
L'amendement dont vous avez parlé donne un signal contraire et s'éloigne de la simplification que vous revendiquez.
Gardons-nous d'ajouter à la complexité, exonérons tout plutôt que de faire d'incessants va-et-vient : ils permettent peut-être d'économiser quelques millions d'euros, mais le font au détriment d'une logique imparable en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles, car, je le répète, ces cotisations sont dues par toutes les entreprises, quels que soient les salariés concernés.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que notre assemblée doit encore examiner ce soir les crédits relatifs à la sécurité sanitaire : je vous demande donc de faire un effort de concision, malgré l'intérêt de ces débats.
La parole est à M. Jean-Patrick Gille, que je remercie d'être bref.
On argue de la simplification. Mais s'il s'agit d'enlever une exonération d'un côté pour – si j'ai bien compris le Gouvernement – en créer une autre sur la taxe d'apprentissage pour les entreprises de plus de vingt salariés, je ne vois pas où est la simplification.
Par ailleurs, personne n'a rappelé que le contrat de professionnalisation était issu d'une transposition d'un accord national interprofessionnel, c'est-à-dire d'un accord conclu entre les partenaires sociaux. Or on s'apprête, à l'occasion de ce débat un peu complexe, à transformer unilatéralement cet accord pour créer des déséquilibres dans les cotisations.
Je suis saisie d'un amendement n° 173 rectifié .
Cet amendement fait l'objet de deux sous-amendements, nos 180 rectifié et 182 .
Pouvons-nous considérer, monsieur le secrétaire d'État, que vous avez déjà défendu l'amendement n° 173 rectifié ?
Oui, madame la présidente.
La parole est à M. le rapporteur spécial pour l'accompagnement des mutations économiques, pour soutenir le sous-amendement n° 180 rectifié .
Ce que je redoutais arrive : puisque le nouveau dispositif n'a pas été supprimé, nous sommes amenés à en corriger les effets négatifs.
On essaie de le faire partiellement pour les groupements d'employeurs, pour lesquels on entend maintenir une exonération des cotisations au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, afin d'éviter l'impact du dispositif sur ces groupements : on a en effet conscience que ceux-ci peuvent être découragés d'embaucher en contrat de professionnalisation.
Je propose avec le sous-amendement que l'on corrige une deuxième dérive du dispositif qui concerne les salariés de plus de quarante-cinq ans. Le Gouvernement a indiqué – sur une base que nous ne pouvons d'ailleurs pas vérifier – que l'application du nouveau dispositif entraînerait pour les entreprises une perte moyenne de 20 euros. Mais dans le régime actuel d'exonération, la franchise des cotisations sociales dues au niveau d'un SMIC s'applique quel que soit le niveau de rémunération, tandis que le régime proposé sera dégressif à partir de 1,1 fois le SMIC. Les pertes pour les entreprises qui recruteront des salariés de plus de quarante-cinq ans en contrat de professionnalisation au-delà du SMIC – ce que l'on peut souhaiter pour que le retour à l'emploi de ces salariés se fasse dans les conditions les plus favorables – sont supérieures à celles que le Gouvernement nous a présentées : je vous renvoie sur ce point aux chiffres plus réalistes qui figurent à la page 46 de mon rapport.
Je propose donc, avec ce sous-amendement de repli par rapport à l'amendement du Gouvernement, d'ajouter à cette exception difficilement explicable sur le fond en faveur des groupements d'employeurs une exception pour les salariés de plus de quarante-cinq ans, afin de ne pas pénaliser le recours aux contrats de professionnalisation, même si je continue de penser qu'il eût été plus simple de supprimer purement et simplement le nouveau dispositif.
La parole est à M. Benoist Apparu, pour défendre le sous-amendement n° 182 .
L'amendement n° 173 rectifié du Gouvernement vise à revenir en partie sur l'exonération en faveur des contrats de professionnalisation.
Je propose, avec le sous-amendement n° 182 , d'élargir le dispositif prévu par l'amendement à l'ensemble des entreprises, et pas seulement aux groupements d'employeurs. En effet, le dispositif de l'article 53 est neutre pour les entreprises de moins de vingt salariés et l'amendement n° 172 que le Gouvernement a déposé après l'article va l'assouplir pour les entreprises de plus de deux cent cinquante salariés. Rien n'est prévu pour celles qui ont entre vingt et deux cent cinquante salariés. Mon sous-amendement vise donc à étendre l'exonération des charges sociales patronales dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles à toutes les entreprises.
La commission ne l'a pas examiné, et je ne puis donc donner qu'un avis personnel.
Ce sous-amendement illustre les conséquences de ce que j'indiquais : on surenchérit dans la correction du dispositif que nous venons malheureusement de maintenir avec l'article 53.
Ne pouvant aller dans le sens d'une extension des exonérations de cotisations sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, je suis défavorable à l'amendement du Gouvernement et au sous-amendement n° 182 . Au contraire, nous devons faire des efforts en matière de sécurité au travail. Faisons donc preuve de vigilance. Malheureusement, si nous maintenons l'article 53, nous sommes engagés dans un processus inverse.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement de M. Apparu et proposera par amendement un dispositif spécifique pour les groupements d'employeurs en ce qui concerne les contrats d'insertion et de qualification, conformément à ce que j'ai indiqué à M. Colombier. Je demande par conséquent à M. Apparu de retirer son sous-amendement.
Quant au sous-amendement n° 180 rectifié , le Gouvernement est quelque peu perplexe. Cet objectif de simplification semble partagé sur l'ensemble de vos bancs. Or je constate que le sous-amendement de M. Gorce comprend trois pages et qu'il est assez compliqué. Toutefois, pour vous être agréable, monsieur le rapporteur spécial, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Je partage totalement l'avis de M. Bur. Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons eu un débat intéressant sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, qui n'a malheureusement pas toujours abouti dans le sens que je souhaitais. Je vous rappelle que chaque fois que les parlementaires prennent une décision concernant les exonérations de cotisations AT-MP, ils prennent une responsabilité énorme en matière de prévention ! M. Bertrand rappelait tout à l'heure combien il était essentiel d'agir sur les questions de prévention, parmi lesquelles figurent les cotisations AT-MP. Nous ne pouvons pas d'un côté exonérer les AT-MP et de l'autre améliorer la prévention. C'est adresser un mauvais signe et c'est totalement contreproductif. Je suis donc opposé à l'amendement ainsi qu'aux deux sous-amendements.
Le sous-amendement n° 182 est retiré.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 180 rectifié .
(Le sous-amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n° 173 rectifié , modifié par le sous-amendement n° 180 rectifié .
(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 130 .
La parole est à M. Benoist Apparu, pour le soutenir.
Les amendements nos 130 et 131 sont retirés.
Je mets aux voix l'article 53, modifié par l'amendement n° 173 rectifié .
(L'article 53, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 172 , portant article additionnel après l'article 53.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour le soutenir.
L'amendement est défendu.
Cet amendement que M. Novelli nous a présenté tout à l'heure a pour objet de limiter l'impact des dispositions de l'article 53 sur les contrats de professionnalisation. Intégrer dans les 3 % de jeunes de moins de 26 ans en contrat d'alternance que les entreprises de plus de 250 salariés doivent embaucher les contrats de professionnalisation des plus de 45 ans est assez paradoxal. Sans réveiller de mauvais souvenirs, je vous rappelle que c'est à la loi qui a remis en cause le CPE que nous devons ce dispositif. Cela relève de la contorsion, monsieur le secrétaire d'État, mais je connais votre souplesse. Je ne la condamne pas forcément, car je ne peux pas être opposé à un dispositif qui favorise ce type de contrat, mais je tenais à souligner certaines contradictions.
Je suis saisie d'un amendement n° 134 .
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour le soutenir.
Le 23 mars 2006, puis le 23 mars 2007, par décret, a été mis en place un dispositif visant à favoriser le remplacement des femmes partant en congé de maternité. Vous nous proposez maintenant la suppression de ce dispositif alors que nous ne disposons pas des éléments permettant d'en apprécier l'impact. Quelle que soit la nature de ce dispositif, pour reprendre ce que disait le président Méhaignerie tout à l'heure, je ne pense pas qu'il soit de bonne gestion de proposer la suppression d'un dispositif qui vient d'être créé et dont on peut penser que le législateur et le Gouvernement, quand ils l'ont proposé, savaient ce qu'ils faisaient. Ou alors, et c'est mon mauvais esprit, le Gouvernement de l'époque n'avait pas une vision claire en la matière, mais je ne peux pas l'imaginer.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Ce dispositif correspond à une véritable attente des PME, mais il est mal mis en oeuvre et c'est pourquoi nous le supprimons.
Comme je l'ai déjà dit, le Gouvernement aidera davantage les femmes en doublant le nombre des bénéficiaires de l'aide au retour à l'activité versée par l'ANPE à partir de la subvention de l'État. Nous étudierons un dispositif capable de répondre aux besoins des PME. Je souhaite associer à la réflexion Mme Zimmermann, qui nous a signalé ce point important.
Je suis saisie d'un amendement n° 86 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
Je mets aux voix l'amendement n° 86 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 145 , portant article additionnel après l'article 55.
La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour le soutenir.
Vous nous proposez de pérenniser le dispositif d'aide à l'hôtellerie et à la restauration, tout en limitant cette aide aux entreprises de plus de trente salariés.
Cet amendement a pour objet d'obtenir une évaluation de l'efficacité des différentes aides consenties au secteur des hôtels, cafés et restaurants sur l'emploi et les conditions de travail. Ces aides ont-elles permis de créer des emplois, d'augmenter les salaires, comme cela était prévu, de développer l'activité dans ce secteur ? Il nous paraît nécessaire, au regard des sommes en jeu – 800 millions d'euros, selon les rapporteurs – de connaître le nombre des emplois créés. Selon la source, cela va de un à dix !
Si l'on prend l'hypothèse la plus favorable à la mesure et la plus optimiste pour faire le ratio entre les aides apportées et les emplois créés, chaque emploi revient au minimum à 50 000 euros. On peut donc s'interroger sur ces aides, qui, on peut le dire dans cette enceinte, sont le prix à payer pour les promesses faites à plusieurs reprises d'obtenir le taux de TVA à 5,5 % dans le secteur de la restauration.
Nous proposons donc de faire une évaluation, mais le plus rapidement possible, avant de remettre cette somme sur la table, si je puis dire.
Si notre proposition n'est pas retenue, nous serons amenés à réfléchir sur le devenir de ces aides.
Je l'ai dit en commission et je n'hésite pas à le répéter ici : il faudrait dire rapidement si la TVA à 5,5 % verra le jour. L'attente paralyse la profession, qui s'est beaucoup mobilisée et ne sait plus très bien où elle en est. Tant que la question ne sera pas tranchée, nous ne pourrons pas mener une vraie politique de l'emploi dans ce secteur.
Dans le même esprit, je vous proposerai par l'amendement n° 136 rectifié après l'article 56 de proroger pour un an les dispositifs d'aide aux cafés, hôtels et restaurants, afin de faire une évaluation. Dans la mesure où l'on engage près de 800 millions d'euros, le Parlement devrait disposer de tous les éléments avant de les pérenniser, au lieu de compenser un dispositif promis, mais qui n'a pu être obtenu, ou de prolonger un dispositif auquel on s'est habitué parce qu'il peut produire certains résultats qui ne sont pas encore visibles. Les partenaires sociaux, à l'origine de ce dispositif, devraient aussi pouvoir donner leur sentiment. Or nous ne le connaissons pas.
Je suis favorable à l'amendement de M. Gille, que la commission des finances n'a pas examiné. L'amendement que j'ai déposé est un peu plus restrictif et je puis d'ores et déjà vous indiquer que je ne le défendrai pas tout à l'heure, estimant l'avoir déjà soutenu.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 145 comme à celui du rapporteur spécial, parce qu'ils relèvent tous deux du même esprit. Nous souhaitons pérenniser les aides à la restauration, mais il est nécessaire de les plafonner afin que la Commission européenne ne nous demande pas, dans quelque temps, leur remboursement. Je souhaite que les deux amendements soient rejetés et que cet article important, qui pérennise les aides à la restauration, soit adopté.
Mes chers collègues, je vous rappelle que nous devons impérativement examiner un autre budget après celui-ci. J'ai donc demandé à tous les orateurs d'être particulièrement concis.
Je mets aux voix l'amendement n° 145 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 139 .
La parole est à M. Roland Muzeau, pour le soutenir.
La mesure qui a été prise en 2004 devait être temporaire. Elle répondait en réalité à une certaine promesse de TVA à 5,5 % – et, comme chacun sait, les promesses n'engagent que ceux qui les entendent. Mais cette promesse, que vous saviez impossible à tenir, vous a conduits, parce que vous étiez engagés et que les élections se profilaient, à une surenchère qui coûte des fortunes. On parle de 800 millions d'euros aujourd'hui, et le budget fait état de 550 millions compte tenu du plafonnement à trente salariés. Bref, il s'agit d'une disposition qui coûte très cher pour un résultat incertain, et les partenaires sociaux sont en train d'en établir le bilan exhaustif.
Contrairement à ce qu'a indiqué à plusieurs reprises M. Mariani, qui est un fervent défenseur des hôtels, cafés, restaurants…
…l'un de vos amis, M. Dassault, a dit l'an dernier au Sénat que ce budget énorme, qui devait permettre la création de 22 000 emplois en 2005 et 25 000 en 2006, n'en avait créé, en réalité, que 15 700 en 2005 et 16 600 en 2006. Et M. Dassault, qui était rapporteur spécial du budget au Sénat, parlait d'un coût de plus de 31 000 euros. Aujourd'hui, on parle de 50 000 euros, sans que personne puisse démentir.
Je vous ai interrogé sur d'autres dispositions mais vous ne m'avez pas répondu. Cela étant, j'ai pu questionner M. Larcher qui, à l'époque, était ministre de l'emploi. Le Conseil d'État ayant annulé l'accord de 2004 dérogeant aux 35 heures et condamné les employeurs à verser l'équivalent de dix-huit mois d'heures supplémentaires à leurs salariés, le Gouvernement est passé en force en faisant valider l'accord dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous refusions cette fuite en avant, coûteuse pour l'État et inefficace pour l'emploi et les conditions de travail des salariés des hôtels, cafés et restaurants. Nous vous proposons donc, comme M. Dassault, de supprimer cette disposition. Nous ne sommes pas sectaires !
La commission n'a pas examiné cet amendement. J'ai déjà donné mon sentiment tout à l'heure : à titre personnel, je pense que ce dispositif ne devra être maintenu que sous condition d'évaluation.
Avis défavorable.
Défavorable.
J'ai voulu faire gagner du temps à l'Assemblée en renonçant tout à l'heure à prendre la parole, mais, comme je n'ai pas été suivi, je vais apporter certaines précisions.
En tant que député de la majorité, je rappelle que le dispositif a été mis en place en 2004 dans l'attente du passage au taux réduit de TVA dans le secteur de la restauration. Nous avons pris cet engagement à plusieurs reprises et nous l'avons maintenu. Même s'il existe des divergences sur les estimations en termes de créations d'emplois ou d'augmentation des salaires – je m'adresse là à certain de mes collègues alsaciens –, les objectifs ont été tenus, comme le montre le rapport Cherpion, qui fait état de 30 000 emplois créés ces deux dernières années. Ce même rapport souligne que le SMIC hôtelier a bénéficié d'une augmentation de 68 euros, soit 5 % supplémentaires. Le SMIC hôtelier a été l'un des SMIC les mieux revalorisés.
Je voudrais vous poser une question, monsieur Bertrand. Les représentants de la profession affirment qu'ils n'ont pas été consultés sur la restriction du périmètre des aides. L'ont-ils été ? Et, si tel n'est pas le cas, quand le seront-ils ?
Je persiste à dire que modifier les règles et le périmètre des aides est contraire à nos engagements. ; et les établissements de trente salariés ont souvent joué un rôle moteur dans les progrès salariaux !
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure à l'Assemblée, nous sécurisons le dispositif d'aide puisque nous évitons le couperet de Bruxelles – je pense à la règle de minimis –, qui demande une notification au-delà d'un certain montant. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons pérenniser cette aide et la sécuriser en adoptant ce dispositif.
Je suis saisie d'un amendement n° 136 rectifié , de M. Gorce.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'avis du Gouvernement est défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 136 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Nous abordons l'article 57, sur lequel vous m'avez demandé la parole, monsieur le secrétaire d'État.
En effet, madame la présidente, pour faire gagner du temps à l'Assemblée.
Quatre amendements à l'article 57 ont un objectif quasiment identique : l'amendement n° 128 de M. Vercamer, l'amendement n° 138 de M. Muzeau et l'amendement n° 146 de M. Gille sont des amendements de suppression de l'article ; l'amendement n° 24 de M. Blessig vise à le réécrire.
J'indique d'ores et déjà que l'avis du Gouvernement sur ces quatre amendements est défavorable. Il est, en revanche, favorable à l'amendement n° 137 rectifié de M. Lefebvre, qui propose de reporter d'un an la décision de suppression contenue dans l'article 57.
Très bonne initiative !
La parole est à M. le rapporteur spécial pour les politiques du travail et de l'emploi.
La commission n'a pas examiné les amendements de suppression, mais puisqu'elle a adopté l'article 57, elle y est, bien sûr, défavorable.
L'amendement n° 24 de M. Blessig est intéressant, mais mon amendement n° 137 rectifié , qui reporte au 1er janvier 2009, après un exercice d'évaluation, l'application de la réforme, répondra sans doute à sa préoccupation.
Ce dispositif va à l'encontre des objectifs fixés par le plan pour l'emploi des seniors, qui vise à augmenter le taux d'activité des plus de cinquante-cinq ans. Je rappelle à M. Gille que nous avons débattu en commission des finances du problème des personnes fragiles. Nous avions adopté l'article en l'état, mais le report de la réforme à 2009 permettra de mieux examiner le cas des personnes fragiles.
Il règne une certaine confusion dans ce débat et je voudrais y mettre un peu d'ordre.
Sur l'article 57, je suis saisie de plusieurs amendements. Les amendements nos 146 , 138 et 128 sont de suppression. L'amendement n° 24 vise à réécrire l'article, ainsi que l'amendement n° 137 rectifié , cosigné par M. Lefebvre.
Sur les amendements de suppression, je vous demande d'être brefs, en tenant compte du fait qu'il nous reste à examiner ce soir le budget de la mission « Sécurité sanitaire ».
La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour soutenir l'amendement n° 146 .
L'amendement de M. Lefebvre consiste à reporter le débat en 2009. Autrement dit, la décision n'est pas prise pour le budget 2008. Nous nous rangeons à cette proposition, à la condition que l'année 2008 soit mise à profit pour mener une étude d'impact, afin de pouvoir prendre, en toute connaissance de cause, une décision pour 2009.
Je retire donc l'amendement n° 146 .
En effet. Je ne partage pas le sentiment de M. Dufau, car je ne vois pas pourquoi nous légiférons maintenant si nous savons à l'avance que les mesures que nous votons seront appliquées plus tard ! Dans ce cas, mieux vaut attendre pour légiférer !
L'article 57 est extrêmement dangereux pour les personnes fragiles qui ont déjà quarante annuités de cotisations et qui ne bénéficient que d'une faible retraite. Monsieur Bertrand, vous avez rappelé à plusieurs reprises, ces dernières semaines, qu'un rendez-vous était fixé à la mi-2008 sur la question des retraites. J'estime donc qu'il est prématuré, voire déplacé d'en délibérer aujourd'hui. Pour que les choses soient claires, je propose de supprimer cet article et de débattre à nouveau de ce sujet l'année prochaine.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement n° 128 .
L'amendement du rapporteur spécial est de sagesse. Avant de supprimer un minimum social, il est préférable d'attendre le Grenelle de l'insertion et la mise en oeuvre du RSA.
Je retire par conséquent l'amendement n° 128 .
Compte tenu de la proposition de M. Lefebvre, je retire cet amendement.
Cela étant, le problème se posera à nouveau l'année prochaine et il faudra que nous trouvions une solution. Notre amendement proposait, plutôt que de supprimer intégralement l'allocation, d'en restreindre l'accès, en ne retenant que les trimestres effectivement cotisés et non plus les trimestres validés, comme cela est le cas en matière de retraite anticipée, faisant ainsi bénéficier d'une solidarité spécifique celui qui a travaillé toute sa vie, mais qui n'a pas encore atteint l'âge légal d'ouverture des droits à la retraite.
L'amendement n° 24 est retiré.
Reste l'amendement n° 137 rectifié , qui a déjà été défendu par M. Lefebvre.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 137 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 57, modifié par l'amendement n° 137 rectifié .
(L'article 57, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement, n° 135 , tendant à supprimer l'article 58.
La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.
Défavorable.
Je suis saisie d'un amendement n° 147 .
La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour le soutenir.
Il s'agit du fonds paritaire de péréquation des excédents des sommes prélevées pour la professionnalisation et le congé individuel de formation. Vous proposez de ponctionner 200 millions sur ce fonds, ce qui est habile pour équilibrer votre budget. Faut-il vous rappeler que ce fonds est géré par les partenaires sociaux ? Je n'irai pas jusqu'à parler de hold-up, mais votre démarche est pour le moins curieuse !
Ce fonds doit servir à la formation, mais non être utilisé pour financer l'allocation de fin de formation, qui est à la charge de l'État. Notre amendement propose donc de supprimer ce prélèvement de 200 millions sur le fonds de péréquation des sommes dédiées à la professionnalisation et au congé individuel de formation.
J'ajoute que ce mode de financement de l'AFF…
…ne pourra pas être renouvelé, sous peine d'inconstitutionnalité. Je vous reconnais une certaine habileté, mais elle ne règle en rien les problèmes !
Défavorable, pour une raison simple : M. Gille a oublié de rappeler que ce fonds finance de la formation. Il n'est donc pas incongru d'utiliser les excédents de ce fonds pour financer l'allocation de fin de formation : cela me semble plutôt être de bonne politique !
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Comme l'a excellemment dit Frédéric Lefebvre, ce prélèvement exceptionnel s'inscrit pleinement dans la finalité du fonds unique de péréquation. Il s'agit bien en effet de promouvoir la formation afin de permettre une meilleure adéquation entre l'offre et la demande de travail. Donc rejet de l'amendement.
Nous avons terminé l'examen des crédits relatifs au travail et à l'emploi.
Article 59
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le jeudi 8 novembre 2007 à zéro heure quinze, est reprise à zéro heure vingt.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la sécurité sanitaire.
Je ne sais pas si la sécurité sanitaire impose que nous travaillions si tard dans la nuit. Aujourd'hui, nous y sommes en tout cas contraints.
Je trouve regrettable, madame la présidente, d'aborder un projet aussi important à une heure aussi avancée de la nuit. Je souhaiterais que vous fassiez part de cette observation à la conférence des présidents. Alors que nous n'avons pas siégé lundi après midi, nous sommes obligés aujourd'hui de discuter d'un sujet essentiel à minuit vingt, devant une quinzaine de députés. Ce n'est vraiment pas ainsi qu'on revalorisera le rôle du Parlement.
Je sors de mon devoir de réserve pour approuver vos propos, monsieur Rochebloine.
La parole est à M. Gérard Bapt.
Comme M. Rochebloine, je considère qu'il n'est vraiment pas sérieux de prévoir un tel ordre du jour et de faire venir, en pleine nuit, deux ministres devant une quinzaine de députés.
Et quels ministres ! (Sourires.)
Ce n'est évidemment pas parce que nous ne souhaitons pas travailler. Je vous prie, madame la présidente, de faire savoir au bureau de notre assemblée que la commission des affaires économiques a ainsi auditionné, quatre heures durant, en fin d'après midi, le professeur Belpomme et plusieurs experts de l'INVS, de l'AFSSA et de l'INSERM sur la question des pesticides aux Antilles. Nous ne refusons donc pas de travailler. Mais nous déplorons de devoir aborder tous les problèmes inhérents à ces pesticides, à la dengue, au chikungunya, ou à la grippe aviaire – toujours en suspens – à minuit vingt.
Je transmettrai vos remarques au bureau de l'Assemblée. Cela prouve, si besoin en était, que la réforme de nos institutions est nécessaire. L'ordre du jour de l'Assemblée est fixé par le Gouvernement.
Nous en venons à l'examen des crédits relatifs à la sécurité sanitaire.
La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Madame la présidente, madame la ministre de la santé, monsieur le ministre de l'agriculture, mes chers collègues, permettez-moi de regretter à mon tour d'avoir à traiter ce qui me semble l'un des deux ou trois grands sujets nationaux devant une assemblée, certes de très grande qualité, mais très clairsemée.
Je le dis avec beaucoup de gravité : en matière de sécurité sanitaire, il ne s'agit pas de savoir si nous aurons à faire face à de nouvelles pandémies. La question c'est : où, quand, et avec quels moyens de réponse.
La sécurité sanitaire représente donc un enjeu de santé publique majeur, qui d'ailleurs se traduit par de réelles inquiétudes chez nos compatriotes. C'est aussi un enjeu économique, comme nous avons pu le constater avec l'épisode du chikungunya à la Réunion et celui de la fièvre catarrhale dans les zones rurales en métropole. C'est enfin, et j'ai eu l'occasion de le dire cet après midi, un enjeu de justice sociale : tous les Français doivent bénéficier de la même protection face aux risques sanitaires.
Le premier volet de la politique de sécurité sanitaire, c'est la sécurité alimentaire. Dans le projet de budget pour 2008, le montant des crédits inscrits à ce titre s'élève à 546 millions d'euros, soit une baisse de l, 3 % par rapport au budget de 2007. Mais nous avons tout lieu de nous féliciter de cette baisse. D'abord, elle reflète l'efficacité de la politique de déstockage des farines animales, dont le coût enregistre une diminution de 28 % en 2008, et qui fait l'objet de 38 millions d'euros de crédits. Elle marque également un réel effort de réduction des effectifs du ministère de l'agriculture puisque, en 2008, un départ sur deux à la retraite ne sera pas remplacé. Enfin, elle traduit un effort de rationalisation du réseau des laboratoires nationaux. À titre d'exemple, la construction d'un nouveau laboratoire à Angers permettra de réduire le nombre des antennes de laboratoires de 13 à 10.
Tous ces efforts de rationalisation sont à mettre au crédit du ministère de l'agriculture et de son ministre. Ils permettront un redéploiement vers de nouvelles actions prioritaires, comme la biovigilance et la surveillance des OGM, qui figurent, le Grenelle de l'environnement l'a montré, parmi les grands enjeux des années à venir.
Le deuxième volet de la politique de sécurité sanitaire est la veille sanitaire et la réaction aux situations de crise. Si vous le permettez, je m'attarderai un instant sur ce sujet de préoccupation majeur. Avec 166 millions d'euros, le budget de cette politique est en augmentation de près de 60%. La raison principale de cette hausse résulte de la création de l'Établissement public de réponse aux urgences sanitaires, l'EPRUS, en application de la loi du 5 mars 2007 sur la préparation du système de santé à des menaces de grande ampleur. Ce nouvel établissement public, qui répond à une réelle nécessité, a été doté de 75 millions d'euros pour 2008. Cette création me conduit à faire quatre observations générales, qui me semblent décisives pour le renforcement de la sécurité sanitaire de nos compatriotes.
La première porte sur la rationalisation des agences, des établissements publics et des instituts de recherche spécialisés. Si l'on reprend très brièvement l'historique de ces agences, il apparaît qu'elles ont été créées au fur et à mesure des crises que notre pays a rencontrées. Aujourd'hui, nous disposons de cinq agences dans le domaine sanitaire : l'Institut de veille sanitaire, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'Agence de la biomédecine et l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail.
Une telle accumulation d'agences posent plusieurs problèmes. Le premier, c'est le risque de recoupement entre les compétences des différentes agences et des instituts. On l'a vu très récemment, lors de la crise des biotoxines marines dans le bassin d'Arcachon, avec des évaluations qui pouvaient parfois diverger ou être rendues dans des délais très différents.
Le deuxième problème que soulève cette accumulation d'agences, c'est la différence de taille entre les différents établissements, les uns ayant plus de mille agents, les autres – notamment l'AFSSET – une centaine seulement, ce qui n'est pas une taille critique suffisante.
Troisième difficulté enfin, nous avons, d'un côté, des agences disposant de réels moyens d'intervention, avec des instituts de recherche à leur disposition et, de l'autre, des agences sans institut de recherche sous leur contrôle et n'ayant donc pas les mêmes moyens d'intervention.
Au terme de la réflexion que nous avons conduite avec l'aide des différents directeurs d'agence, je proposerai donc, en premier lieu, de faire de l'AFSSET une véritable agence de moyens, de façon qu'elle puisse intervenir à bon escient ; en second lieu de rapprocher l'AFSSET de l'AFSSA, de façon à disposer d'un outil de la taille nécessaire ; enfin, au fur et à mesure de la mise en oeuvre de l'EPRUS, de faire de ce nouvel établissement public le véritable centre de gestion en cas de crise sanitaire, sous la tutelle, évidemment, du ministre de la santé.
Notre recommandation n'est donc pas de créer un grand établissement public qui rassemblerait l'ensemble des agences, mais au contraire d'accroître la coordination entre ces différents établissements, afin de maintenir la continuité entre l'analyse du risque, la recherche sur les différents virus et la réaction en cas de situation de crise.
Notre deuxième proposition concerne la nécessité de renforcer les moyens déconcentrés : ce sont eux qui permettront de garantir l'égalité de traitement de tous les Français face au risque sanitaire. Didier Houssin nous a donné, lors des différentes auditions, l'exemple de la plateforme de Roissy, qui ne dispose que de deux ou trois agents pour traiter des dizaines de milliers d'arrivées quotidiennes, avec les risques sanitaires que celles-ci peuvent soulever.
Notre troisième proposition consiste à faire de la sécurité sanitaire une priorité européenne. Le constat est simple : les délais de réaction de l'Europe face à une nouvelle crise sanitaire sont trop longs par rapport à nos propres délais de réaction. Ce que la France est capable de détecter en matière de virus en un jour ou deux, l'Europe mettra une semaine à le détecter et à réagir. Il nous semble donc indispensable de faire du renforcement de la sécurité sanitaire européenne l'un des thèmes de la présidence française en 2008. À partir de là, nous pourrons également favoriser la coopération avec les pays les plus concernés par le risque sanitaire, notamment ceux d'Asie du Sud-Est, ce qui nous permettra de prévenir une éventuelle mutation des virus.
Notre quatrième proposition, enfin, est de réfléchir à de nouveaux financements des conséquences des crises sanitaires. On l'a vu et je l'ai mentionné, ces crises présentent des risques financiers très importants, dans le secteur touristique mais également dans le secteur agricole. Comme l'a suggéré le Président de la République, nous devons donc étudier rapidement une meilleure articulation entre un financement par l'État et un système assuranciel de type professionnel. C'est ce qui a été recommandé pour le financement de l'indemnisation des éleveurs victimes de la fièvre catarrhale.
Pour conclure, je suis convaincu que le renforcement de la sécurité sanitaire fait partie des grands défis auxquels notre pays doit faire face dans les prochaines décennies. C'est une menace grave et imminente, qui appelle une réponse appropriée.
Par rapport à tous les autres pays développés, la France est en pointe dans ce domaine, parce qu'elle a su concilier deux exigences : la capacité à répondre dans l'urgence à une crise et la poursuite du développement de la recherche, de façon à lutter plus efficacement contre les virus et leurs mutations.
Les crédits de la sécurité sanitaire pour 2008 témoignent de la volonté de poursuivre cet effort et de maintenir à la fois notre capacité de réponse en urgence et notre capacité de recherche et de développement. Je vous demande donc, mes chers collègues, de les adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Madame la ministre, monsieur le ministre, le rapporteur spécial de la commission des finances ayant abordé l'aspect budgétaire de la mission « Sécurité sanitaire », je centrerai mon propos sur la sécurité sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine.
L'eau étant réputée un produit particulièrement surveillé dans notre pays et aucune crise majeure dans ce domaine n'étant survenue depuis un certain temps, on peut s'étonner d'un tel choix. Pourtant, certaines crises sanitaires récentes ont profondément ébranlé la confiance des citoyens dans la qualité des produits qui leur sont distribués. De plus, des signaux inquiétants de dégradation de la qualité des ressources en eau utilisées pour la production d'eau potable, qu'il s'agisse des nappes d'eau souterraines ou des rivières, sont apparus, avec la mise en évidence de pollutions diffuses de produits, comme les nitrates et les pesticides, des médicaments ou des hormones, dont les effets sur la santé liés à l'ingestion de faibles doses pendant de longues périodes ne sont pas encore parfaitement établis.
De nombreuses auditions m'ont amené à établir le double constat suivant : la sécurité sanitaire de l'eau, fortement encadrée par des normes exigeantes, fait l'objet de nombreux contrôles, qui assurent globalement une qualité de l'eau destinée à la consommation humaine conforme à la réglementation ; cependant, la persistance de certaines difficultés, ainsi que l'émergence de nouveaux défis encore mal évalués, requièrent certaines adaptations.
L'eau destinée à la consommation humaine est susceptible d'être contaminée par deux vecteurs principaux : d'une part, les micro-organismes pathogènes, qui peuvent être à l'origine de maladies infectieuses – essentiellement des gastro-entérites – et qui constituent le principal risque direct et immédiat pour la santé des consommateurs d'eau du robinet ; d'autre part, les polluants chimiques – pesticides, nitrates, hydrocarbures, métaux lourds –, qui peuvent affecter la santé à long terme, sachant que, sauf pollution accidentelle massive susceptible d'effets immédiats, c'est l'ingestion sur de longues périodes de substances présentes en faibles quantités qui peut poser problème.
C'est le code de la santé publique qui fixe les critères de qualité pour la composition de l'eau, afin d'éviter sa contamination par des micro-organismes pathogènes ou des polluants, et ce conformément aux directives communautaires : pour l'essentiel la directive cadre du 23 octobre 2000, qui fixe un objectif général de « bon état écologique et chimique de l'eau », et la directive du 3 novembre 1998, qui fixe le cadre réglementaire européen en matière d'eau potable.
Par ailleurs, la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et le plan national santé-environnement ont également fixé des objectifs ambitieux en matière de sécurité sanitaire de l'eau. Le plan national santé-environnement a par exemple défini comme objectif prioritaire la protection de la totalité des captages à l'échéance 2010, avec un objectif intermédiaire de 80 % fin 2008. Or aujourd'hui, à un an de cette dernière échéance, seulement 60 % des captages sont protégés.
Le cadre réglementaire strict et les multiples contrôles tout au long de la chaîne font que l'eau distribuée en France est globalement conforme à la réglementation. Mais cette qualité de l'eau captée nécessite souvent des traitements coûteux, qui se répercutent sur le prix à payer par les consommateurs, et des interdictions de consommation sont parfois nécessaires. Force est donc de constater que des difficultés persistent et que de nouveaux défis émergent. Ils requièrent des adaptations constantes et toute notre attention.
Concernant les pesticides, selon l'Institut français de l'environnement, « les niveaux de contamination sont souvent significatifs ». En 2006, la consommation de l'eau du robinet a dû être restreinte à cause des pesticides dans 19 départements ; ces situations anormales ont concerné environ 110 000 personnes la même année.
Si la connaissance de l'action à long terme des pesticides sur la santé humaine reste incomplète, certains sont suspectés d'avoir des effets toxiques et de perturber notamment les fonctions de reproduction. Leur action de perturbateurs endocriniens a été mise en évidence sur la faune aquatique. On ne peut donc qu'être légitimement préoccupé pour l'homme.
Les pesticides sont aussi potentiellement mutagènes et donc potentiellement cancérigènes. Nous pouvons citer l'exemple du chlordécone, qui a récemment posé problème aux Antilles.
De même, l'étude de l'équipe du professeur Gilles-Éric Séralini de l'Université de Caen, publiée au printemps 2007, met en évidence les actions délétères du Roundup, herbicide le plus utilisé au monde. Ce produit, tel qu'il est vendu, est beaucoup plus toxique que la molécule connue et homologuée pour être son principe actif, le glyphosate. Or la réglementation actuelle des autorisations de mise sur le marché ne prévoit pas d'effectuer les tests sur le composé tel qu'il est commercialisé, mais seulement sur la molécule du principe actif de départ.
En ce qui concerne les nitrates, tout comme les pesticides, ils proviennent essentiellement de pollutions d'origine agricole. L'IFEN indique que, depuis le début des années 1970, la qualité des cours d'eau se détériore, même si elle semble s'être stabilisée au cours de la dernière décennie.
Ces fortes teneurs en nitrates dénotent l'état d'une ressource fortement dégradée, susceptible de devenir dans des délais brefs impropre à la consommation humaine en l'absence de mise en oeuvre de mesures adaptées. La lutte contre la pollution par les nitrates est donc un enjeu majeur pour la qualité des eaux de surface utilisées pour la production d'eau potable. Dans ce domaine, la France manque singulièrement à ses obligations européennes.
Troisième sujet de préoccupation, enfin, les résidus de médicaments, dont plus de trente classes sont présentes dans les eaux superficielles. Certains scientifiques évoquent désormais le fait que des composés présents à l'état de traces dans l'eau sont susceptibles d'effets sur la santé, par exemple de perturbation de l'activité endocrinienne. Certains médicaments, comme les hormones de synthèse utilisées dans les contraceptifs, agissent comme de véritables hormones sexuelles.
L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments a été chargée, d'une part, de la réalisation d'une étude à mener en liaison avec l'AFSSAPS et les industriels du médicament, concernant l'identification et la hiérarchisation des molécules, et, d'autre part, de la réalisation d'un inventaire des niveaux de contamination des eaux destinées à la consommation humaine sur un panel de molécules.
Reste à aborder le cas particulier des antibiotiques et des bactéries antibiorésistantes dans les eaux. La question des gènes de résistance aux antibiotiques est un problème sérieux encore mal connu en France. Or l'utilisation d'antibiotiques chez l'animal comme agents thérapeutiques ou comme promoteurs de croissance peut entraîner une réduction de l'efficacité de ces produits en médecine vétérinaire, mais aussi en médecine humaine par suite du développement de souches antibiorésistantes de micro-organismes pathogènes. Le développement d'une résistance chez certains micro-organismes pathogènes peut s'accompagner de l'apparition d'un « déterminant de résistance » chez un autre micro-organisme et constitue un danger.
L'AFSSA a conclu en 2006 que les eaux destinées à la consommation humaine en France ne peuvent être considérées comme un milieu favorisant l'augmentation de l'antibiorésistance bactérienne. Toutefois, elle recommande que l'utilisation raisonnée des substances antibiotiques reste une priorité d'action et préconise de maintenir une veille constante sur la problématique générale de l'antibiorésistance.
Des adaptations restent donc nécessaires pour maintenir et renforcer la sécurité sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine.
Premièrement, il ne faut pas baisser la garde en matière de risque terroriste. Des mesures ont déjà été prises en matière de sécurisation des réseaux de distribution. Dans le cadre du plan Vigipirate, un contrôle en continu du chlore est également mis en place, mais la vigilance reste de mise.
Deuxièmement, les petits services locaux de distribution ont souvent des difficultés pour assurer un suivi de la qualité de l'eau distribuée. Il est hautement probable que certains de ces réseaux ne disposent pas de tous les services techniques leur permettant d'assurer dans les meilleures conditions sanitaires une gestion de l'eau ad hoc. Aussi la question du regroupement des structures de captage et de distribution mérite-t-elle d'être étudiée pour ces petits réseaux.
Troisièmement, il convient d'adopter des mesures simples en matière de risques émergents. L'incertitude qui pèse sur les risques liés à la présence de résidus médicamenteux dans l'eau destinée à la consommation humaine milite pour une démarche de précaution. Dans l'attente d'acquisition de connaissances plus étayées, il est néanmoins possible de prendre dès maintenant des mesures conservatoires, comme au Danemark par exemple, où l'interdiction de l'usage d'antibiotiques comme promoteurs de croissance animale a nettement amélioré les conditions sanitaires et permis un effondrement de l'antibiorésistance chez l'homme. Sont également efficaces des mesures comme le traitement des lisiers, l'équipement de tous les hôpitaux en stations d'épuration ou la diffusion de techniques utilisant des pastilles désinfectantes pour les malades à domicile soumis à des traitements lourds ; il s'agit dans tous les cas de solutions rapides à mettre en place. Enfin, le développement de bonnes pratiques sur l'usage des médicaments et en particulier des antibiotiques est également de nature à réduire la propagation de médicaments dans l'environnement et celle des antibiorésistances.
Quatrièmement, l'évolution de la réglementation des AMM doit également être mise à l'ordre du jour, pour faire en sorte que les études réalisées portent sur le produit tel qu'il est commercialisé et pas uniquement sur la molécule de base.
Cinquièmement, les actions d'amélioration des ressources d'eau doivent être poursuivies. Aujourd'hui, à l'échelon national, 50 % des masses d'eau souterraine risquent de ne pas atteindre en 2015 le bon état fixé par la directive cadre de l'Union européenne sur l'eau. Il est donc nécessaire d'accélérer et d'amplifier les actions permettant d'atteindre l'objectif de 100 % des captages protégés à l'échéance de 2010.
Afin d'intégrer la sécurité sanitaire de l'eau dans une dimension environnementale plus vaste, il convient d'aller plus loin que l'instauration de périmètres de protection forcément limités dans l'espace. L'expérience de bassins versants comme ceux mis en oeuvre par l'agence de l'eau Loire-Bretagne est à étendre.
Ce n'est pourtant qu'en protégeant de façon globale l'environnement que l'on protégera mieux la santé des consommateurs d'eau. L'AFSSAPS a ainsi indiqué qu'une ouverture vers l'environnement, bien au-delà des traditionnelles études épidémiologiques limitées à la santé humaine, se dessinait dans les instances européennes.
Une amélioration de la sécurité sanitaire de l'eau ne pourra donc s'exonérer d'une politique qui promeuve une agriculture moins consommatrice de produits susceptibles de créer des pollutions diffuses.
En dernier lieu, les efforts de recherche sur l'eau doivent être augmentés. Il ressort très nettement de l'ensemble des auditions réalisées qu'il est primordial d'intensifier les travaux de recherche et l'acquisition des connaissances sur les sources de contamination de l'eau.
La diminution du nombre des laboratoires publics et des crédits qui leur sont affectés, la raréfaction des structures publiques et le morcellement de la recherche, le déficit de chercheurs qui travaillent sur l'eau potable posent problème. Les agences ont, pour la plupart, déploré l'insuffisance des moyens qui leurs sont attribués face aux besoins en investissements, aux besoins en matière de recherche mais aussi du fait des nouvelles compétences qui leur sont attribuées. Le constat d'une recherche très dispersée avec une intervention publique faible est quasi unanime. En ce sens, la mission confiée à l'AFSSA d'impulser et de conduire une politique de recherche publique intégrée, en appui à l'évaluation des risques liés à l'eau destinée à la consommation humaine, est essentielle et doit être encouragée.
La qualité de l'eau destinée à la consommation humaine influe directement sur la santé de chacun, mais aussi sur celle des générations futures. Il est d'autant plus regrettable que le résultat du Grenelle de l'environnement sur la question de l'eau ne soit pas à la hauteur de l'enjeu. Dans certains bassins versants, le cycle de l'eau est très long. En polluant aujourd'hui la ressource, il faudra parfois plus d'un siècle pour que les eaux retrouvent leur qualité de départ. Il est même inquiétant que le Président de la République ait annoncé des objectifs en deçà du plan interministériel des risques liés aux pesticides, qui fixait comme objectif la réduction de 50 % des quantités utilisées des pesticides les plus dangereux d'ici à 2009 et l'interdiction ou, quand ce n'est pas possible, la limitation de mise sur le marché et d'utilisation des produits contenant des substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction.
Compte tenu des moyens nécessaires pour assurer le maintien d'une bonne qualité de l'eau, j'estime à titre personnel que les crédits proposés pour les agences sont insuffisants, mais je me dois d'indiquer que la commission des affaires culturelles a approuvé ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour la sécurité et la qualité sanitaires de l'alimentation.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, la sécurité et la qualité sanitaires de l'alimentation constituent un domaine de l'action publique qui doit être considéré comme prioritaire par le Gouvernement.
Garantir un niveau élevé de sécurité, tant pour les produits végétaux, animaux et les denrées que nous produisons, que pour ceux que nous importons est évidemment une exigence pour les consommateurs et les citoyens français. C'est également un impératif économique qui doit permettre à nos filières agricoles et agroalimentaires de rester compétitives à l'échelle internationale. Ce n'est donc pas un hasard, évidemment, si le Président de la République, lors de son discours au salon international de l'élevage de Rennes, a fait des contrôles aux frontières une priorité.
Enfin, imposer le respect des règles de sécurité alimentaire, c'est également répondre à nos engagements européens : comme vous le savez, la sécurité sanitaire de l'alimentation est un secteur harmonisé et donc encadré par de nombreux règlements communautaires, au premier rang desquels ceux qui constituent le paquet « hygiène ». L'adoption de ces règlements, qui mettent en oeuvre le principe du respect de la sécurité alimentaire à toutes les étapes de la chaîne alimentaire, « de la fourche à la fourchette », a profondément changé la donne en réformant nos manières de procéder, en particulier nos méthodes de contrôle, en raison du rôle désormais dévolu aux exploitants, qui fait d'eux les premiers responsables de la qualité de leurs productions.
Face aux moyens croissants susceptibles d'être exigés du contribuable pour remplir nos obligations dans le secteur de la sécurité alimentaire, un effort supplémentaire doit aujourd'hui être demandé aux producteurs en termes de participation aux mesures de prévention et au partage des coûts de gestion des crises. Un effort supplémentaire doit également être demandé à l'État en termes d'affectation optimale des ressources et de gestion parcimonieuse des crédits. Enfin, un effort supplémentaire doit être demandé à l'administration dans son action d'encadrement et de contrôle, pour plus d'efficacité et de réactivité.
En quoi le projet de loi de finances pour 2008 répond-t-il à ces exigences, qu'il s'agisse de la collaboration des acteurs concernés, de la rationalisation des dépenses ou de l'efficience de l'action publique ?
Tout d'abord, ce budget témoigne de la prise en compte par le ministère de l'agriculture et de la pêche d'un certain nombre d'évolutions nécessaires, et attendues, et d'une volonté de répartir les crédits disponibles le plus efficacement entre les différents postes de dépenses, le tout à l'intérieur d'une enveloppe qui, pour la première fois depuis que le projet de loi de finances est présenté en mode LOLF, est en baisse. En effet, le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », bien que relativement épargné par les diminutions de crédits affectant le budget du ministère de l'agriculture, diminue de 1,3 % en crédits de paiement, et s'établit à 546 millions d'euros pour 2008.
Cette baisse ne doit toutefois pas être interprétée comme un signal négatif. En effet, elle indique avant tout la diminution de certains postes de dépenses qui ont pu, par le passé, coûter très cher au contribuable. Je pense évidemment au problème du stockage et de l'élimination des farines animales, qui touche désormais à sa fin. Ainsi, l'action 05 du programme, qui regroupe à la fois le service public de l'équarrissage et les farines animales, connaîtra en 2008 une diminution des moyens qui lui sont affectés de l'ordre de 13 %.
Hors action 05, le budget sécurité alimentaire pour 2008 est en hausse d'un peu plus de 1 %.
Toujours sur l'action 05, je ne me joindrai pas au concert de critiques qui se font entendre, ici et là, sur le service public de l'équarrissage : il est vrai que la situation est loin d'être réglée, mais on peut au moins féliciter le ministère de l'agriculture d'avoir obtenu que les éleveurs de ruminants participent à son financement, ce qui est une réelle avancée. Bien sûr, il reste la question des reports de charges, qui devraient atteindre près de 50 millions d'euros à la fin de l'année 2007, mais il convient surtout d'entamer dès aujourd'hui la réflexion sur les prochaines réformes à engager dans le secteur, une fois que le marché public passé en 2006 aura expiré.
A contrario, deux postes de dépenses connaissent de fortes hausses dans le projet de budget pour 2008 : il s'agit des actions 01 « Prévention et gestion des risques inhérents à la production végétale » et 04 « Acquisition et mobilisation des moyens scientifiques et techniques pour maîtriser les risques sanitaires ». Ces deux actions bénéficient en effet d'une revalorisation de leurs moyens, de près de 20 % en crédits de paiement pour la première et de 7,5 % pour la seconde.
L'action 01 représente à peine 3,5 % des moyens du programme en crédits de paiement, mais recouvre des enjeux importants, en termes de suivi des risques sanitaires et phytosanitaires et de contrôle des conditions de production des végétaux. Je pense notamment au contrôle de l'utilisation des intrants, secteur dont les crédits ne progressent pas, en dépit de la hausse globale des crédits de l'action, alors même qu'il est au coeur des débats environnementaux actuels et que de nombreux efforts doivent encore être fournis pour parvenir à des résultats satisfaisants. Ainsi, s'agissant de l'indicateur 1.1 concernant les non-conformités au regard des bonnes pratiques d'utilisation des produits phytosanitaires, atteindre un taux de 18,5 % en 2008 et de 15 % en 2010 paraît un objectif peu ambitieux.
S'agissant de l'action 04, je parlerai surtout de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments pour me réjouir tout d'abord que l'agence dispose enfin d'un contrat d'objectifs et de moyens, et ensuite que le projet de loi de finances pour 2008 respecte bien les termes de ce contrat. En effet, la subvention pour charges de service public versée par le ministère de l'agriculture à l'AFSSA augmente cette année de plus de 6 % et atteint 52,3 millions d'euros.
Les 3,5 millions d'euros supplémentaires prévus cette année serviront, d'une part, à financer l'augmentation inéluctable des charges de l'agence et, d'autre part, à contribuer au financement des équipements à hauteur de 1 million d'euros. L'État s'est en effet engagé dans le contrat d'objectifs et de moyens à examiner le plan d'investissements de l'AFSSA afin de proposer, le cas échéant, un nouveau calibrage de la part investissement des subventions pour charges de service public, de manière à lui permettre de reconstituer une capacité de financement de ses investissements. On sait que cette question était une source d'inquiétude récurrente pour la directrice générale ces dernières années ; or, si elle n'est pas encore totalement réglée, elle est aujourd'hui moins prégnante, grâce à la signature du contrat d'objectifs et de moyens. Lors son audition, Mme Pascale Briand s'est ainsi montrée très satisfaite de cette avancée et a indiqué qu'elle travaillait dans un climat de confiance avec ses tutelles.
Enfin, si l'agence, dans son contrat d'objectifs et de moyens, s'est engagée à effectuer les redéploiements nécessaires à l'évolution de ses activités et notamment à mobiliser ses ressources en interne afin de faire face, avec la réactivité nécessaire, aux besoins exceptionnels générés par les crises sanitaires, l'État de son côté s'est engagé à assurer le financement de l'évolution mécanique de la masse salariale et à examiner sans délai les besoins de ressources complémentaires indispensables lorsque l'agence est en situation de dépassement de ses capacités de redéploiement.
Je souhaiterais évoquer maintenant la question de la surveillance des denrées alimentaires et de la lutte contre les maladies animales, deux actions dont les crédits sont en baisse cette année, de 1,9 % en crédits de paiement pour l'action 02 et de 12,7 % pour l'action 03. Il faut tout d'abord rappeler que ces deux actions recouvrent des secteurs fortement encadrés par le droit communautaire et comprennent un volant de dépenses incompressibles.
Ainsi, dans l'action 03, la lutte contre les salmonelles en élevage étant une priorité au niveau communautaire, elle continue d'absorber une part toujours plus importante des crédits, notamment pour l'indemnisation des éleveurs, qui atteint cette année 10,6 millions d'euros. Toutefois, afin de faire face à l'augmentation des dépenses à ce titre, l'État ne verse plus d'indemnités de dépistage.
Par ailleurs, au sein de cette même action, les crédits affectés au financement de l'inspection sanitaire dans les abattoirs et les criées diminuent fortement, suite au passage d'un rythme annuel à un rythme bisannuel des visites sanitaires en élevage porcin. Ce choix, dicté par la volonté de mieux organiser l'action publique et de la recentrer sur ce qui est vraiment utile, sans être totalement exempt de considérations budgétaires, devra faire l'objet d'une évaluation. En effet, alors que depuis l'adoption du paquet « hygiène », de nouvelles exigences sont apparues, deux rapports récents de l'Office alimentaire et vétérinaire européen soulignent les carences qui demeurent, non seulement dans la mise en oeuvre des contrôles destinés à vérifier la bonne application de la réglementation. La mission d'audit de modernisation sur l'inspection sanitaire en abattoirs ayant formulé un certain nombre de recommandations à cet égard, on espère que celles-ci seront rapidement mises en oeuvre.
Pour finir, j'aborderai le sujet crucial de la santé animale : la Commission européenne vient de proposer une nouvelle stratégie dans ce domaine pour les années 2007-2013, axée sur la prévention, et il suffit de lire la liste des maladies animales qui ont frappé l'Europe en 2007 – grippe aviaire, peste porcine, fièvre catarrhale ovine, fièvre aphteuse – pour être convaincu de la nécessité d'une vigilance absolue dans ce domaine. À cet égard, la baisse des crédits affectés à l'action 02 reste contenue en dessous de 2 % et fait suite à une hausse de près de 10 % l'année dernière. Elle témoigne en outre de l'amélioration globale de la situation sanitaire de notre cheptel en ce qui concerne deux postes de dépenses particulièrement sensibles auparavant : l'ESB, encéphalite spongiforme bovine, et l'influenza aviaire. En revanche, on peut s'interroger sur la faible hausse des crédits consacrés à la lutte contre la fièvre catarrhale ovine – de l'ordre de 200 000 euros –, alors que l'on est passé de six cas recensés en 2006 à plus de 7 000 cas aujourd'hui.
L'analyse de risque qui fonde la construction du budget est toutefois dépendante de facteurs conjoncturels, l'essentiel étant d'être sûr que les redéploiements nécessaires seront opérés en cours d'année si des besoins apparaissaient subitement. Grâce au principe de fongibilité instauré par la LOLF et à la vigilance de notre ministre de l'agriculture, il est certain qu'il en sera ainsi, comme cela a toujours été le cas, notamment dans les contextes de crise sanitaire.
En guise de conclusion, je ne peux m'empêcher, monsieur le ministre, de citer la lettre de mission que vous a remis le Président de la République et qui rappelle qu'« un bon ministre ne se reconnaît pas à la progression de ses crédits, mais à ses résultats ». Je sais que vous avez engagé un important chantier de modernisation de votre ministère et que vous souhaitez porter, tant au niveau national qu'au niveau européen et international, un grand projet alimentaire, agricole et rural pour la France. Ce projet ambitieux mérite amplement notre soutien. C'est pourquoi la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » au sein de la mission « Sécurité sanitaire ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, l'épidémie de dengue qui sévit actuellement en Martinique, avec plus de 8 000 cas recensés, démontre l'intérêt renouvelé d'une réflexion approfondie sur les problèmes de santé et sur la prévention des maladies dites émergentes. L'homme étant de plus en plus exposé aux risques créés par sa propre activité, la sécurité sanitaire est même devenue un pilier permanent de l'action politique. Une succession d'affaires − sang contaminé, vache folle, listeria, légionellose, grippe aviaire, chikungunya, séquelles multiformes de l'usage abusif de produits phytosanitaires tels que le chlordécone, déjections industrielles dans l'air ou dans l'eau − en offre des témoignages patents. On le constate, la maladie est toujours à l'affût, ce qui nous fait un devoir de rester vigilants et, de plus en plus, de prendre les devants.
Les politiques publiques doivent donc s'organiser à deux niveaux : le curatif, avec la gestion des crises sanitaires existantes et la réparation des dégâts constatés ; le préventif, avec la capacité de gestion en amont des crises sanitaires potentielles.
À propos du curatif, il faut reconnaître que la Martinique est dotée d'un système de surveillance sanitaire relativement développé et performant. Cependant, il fait la part belle à la rétrospection. Or la seule approche rétrospective de gestion de crise, aussi impérative soit-elle, pour évaluer les risques sur la base de constats scientifiques, ne permet pas une anticipation suffisante des problèmes sanitaires qui se posent actuellement à nous. L'affaire de l'amiante en est une illustration, de même que celle de l'usage des pesticides, tant en France qu'en Guadeloupe et en Martinique. Cette approche ressort pourtant fortement dans les études faites par les inspections générales, l'Institut de veille sanitaire et l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.
L'évaluation des risques est très utile pour apprécier l'ampleur d'une catastrophe, par exemple, dans le cas de la Guadeloupe et de la Martinique, pour mettre à jour la cartographie des sols contaminés et de ceux qui ne le sont pas. L'évaluation doit aider à prendre certaines décisions de précaution, telles que l'autorisation préalable de mise en culture des légumes racines ou l'interdiction de la pêche dans les rivières polluées. Pour autant, ce n'est pas seulement après constat des dégâts que l'on doit réagir.
La France est le premier pays européen et le troisième au monde pour la consommation des pesticides, évaluée à 80 000 tonnes par an. Il y a de quoi douter de la qualité des produits consommés. Depuis plusieurs années, les alertes se succèdent. Moi-même, le 10 mai 2000, j'ai interpellé le gouvernement sur la nécessité de répondre effectivement aux impératifs de précaution et de traçabilité. Je n'ai, hélas, pas été entendu.
La décision prise par le Gouvernement de réduire significativement l'usage des produits toxiques va dans le bon sens. Encore faut-il l'appliquer et la faire respecter en empêchant qu'elle ne soit contournée. En Guadeloupe et en Martinique, à la suite du constat de contamination, la consommation des produits locaux s'est effondrée.
En raison de leur petitesse et de leur vulnérabilité, la reconstruction de ces pays doit reposer sur une application optimale du principe de précaution, par le biais d'un plan de surveillance évaluant l'évolution du taux de contamination, d'un plan de décontamination complète des sols et des eaux, d'un projet de développement agricole respectueux de l'environnement et de la santé des hommes, et par le développement de moyens de lutte biologiques. C'est ainsi que le conseil régional a financé les recherches d'un jeune doctorant sur un biopesticide. Les résultats obtenus paraissent probants.
Au lieu d'aller dans ce sens, la commission Attali préconise le retrait pur et simple du principe de précaution de la Charte de l'environnement adossée à la Constitution depuis 2005, au motif qu'il serait un frein à la croissance. C'est déjà l'amorce d'un premier contournement. Cette position inattendue est un déni et un défi.
Pour nous, Guadeloupéens et Martiniquais, sortir de la crise est une nécessité, ne pas répéter les erreurs passées une obligation, retrouver la confiance suppose d'en payer le prix.
À propos du préventif, l'expérience montre que la prévention coûte moins cher que la gestion a posteriori des crises. Il faut éduquer et former à l'attitude écologique. Un nouveau choix de société se propose. Il suppose un principe de précaution scientifiquement, politiquement et économiquement conforté.
Cela passe notamment par l'amélioration des systèmes de surveillance de maladies émergentes à travers l'adjonction d'une méthode préventive et prospective.
Un exemple : à la suite de la crise du chikungunya, l'île de la Réunion a été désignée comme chef de file pour les maladies émergentes dans l'océan Indien. Faut-il attendre une crise comparable pour que nous disposions d'un système similaire dans les Antilles ?
Dans le cadre de la coopération avec la Caraïbe, et avec la participation du conseil régional, un tel réseau serait le bienvenu, car il n'existe pas de système de surveillance inter-îles dans ce secteur et les virus n'ont pas besoin de visas pour franchir les frontières. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la présidente, madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, en matière de sécurité sanitaire, notre pays dispose d'un ensemble de dispositifs de veille, d'alerte et de traitement parfaitement cohérent. C'est avec raison, me semble-t-il, que nous avons choisi de distinguer entre l'activité de veille et d'alerte, d'une part, et le traitement de l'urgence sanitaire, d'autre part. Nous avons aussi multiplié les agences afin d'essayer de coller au mieux aux diverses catégories de risques sanitaires auxquelles nous pourrions être confrontés. C'est ainsi qu'en l'état actuel des choses, trois ministères au moins sont concernés : la santé, l'agriculture et l'économie. Il faut bien évidemment y ajouter, même s'ils n'apparaissent pas budgétairement, l'intérieur et la défense.
Face à cette réalité du découpage administratif, je me demande s'il ne serait pas utile d'avoir une structure permanente de coordination de l'ensemble du dispositif de veille, d'alerte et d'intervention. Certes, nous connaissons les mérites de M. Didier Houssin ; certes, des comités interministériels assurent déjà la coordination de l'ensemble, mais il n'y a pas de véritable veille commune à l'ensemble des ministères concernés et, surtout, à toutes les agences existantes. Le passé récent nous a montré, en 2003, combien la coordination des acteurs est primordiale dans le traitement de l'urgence sanitaire.
Nous avons également besoin d'une véritable évaluation des actions menées dans le domaine de la sécurité sanitaire. Les coûts exposés le sont-ils pour un résultat probant et une efficacité réelle ? Nous avons trop souvent tendance à privilégier le risque zéro. Or il n'existe pas. Chercher à l'atteindre a un coût : cet argent ne pourrait-il être employé de manière plus utile ? De plus, l'aléatoire fait heureusement partie de notre vie. Faire croire que l'on pourrait tout prévoir serait une grave erreur. Personne ne peut affirmer que nous sommes à l'abri d'une nouvelle épidémie.
Il faut dire un mot sur le principe de précaution, aujourd'hui sacralisé dans la Constitution. Là encore, je crois que, chaque fois qu'il est brandi, il est indispensable d'en évaluer le coût par rapport à l'efficacité. À ce propos, quels sont le bilan global et le coût définitif des mesures prises à l'occasion de la crise de la vache folle ? Ne voit-on pas, cette année encore, l'inscription de 28,5 millions d'euros pour la destruction des farines animales ? J'ose à peine évoquer les surcoûts imposés dans le dessein de faire disparaître tous risques liés au prion lors de la stérilisation des instruments chirurgicaux, et je n'évoque pas ceux liés à l'usage unique.
Je dis tout cela avec d'autant plus de conviction que de nouveaux défis nous attendent dans le domaine de la sécurité sanitaire. La découverte récente du coronavirus responsable du SRAS ou celle des virus H5N1 et H7N7 nous montrent que nous sommes loin d'être protégés des risques de nouvelles pandémies. Tous ces virus identifiés depuis une trentaine d'années ont une caractéristique commune : ils provoquent des zoonoses, c'est-à-dire des maladies qui sont transmises à l'homme par contact avec une espèce animale, le grand risque étant le passage à la transmission d'homme à homme. La priorité est donc de constituer un réseau mondial de surveillance pour identifier au plus vite les souches virales émergentes. C'est de la précocité de la détection que dépendra notre efficacité : là encore, nous sommes dans la mondialisation.
Il faut également faire face aux défis que le changement climatique ne va pas manquer de provoquer. Le réchauffement de nos zones tempérées permet à des insectes vecteurs de maladies jusque-là contenues dans les pays chauds, de remonter progressivement vers le nord de la planète. Le virus du Nil occidental, le chikungunya, la dengue sont à nos frontières, et nous savons bien qu'en matière sanitaire, les frontières n'existent pas vraiment.
Tous ces nouveaux risques sanitaires sont d'autant plus potentiellement dangereux que notre population vieillit et qu'elle est donc plus sensible aux maladies.
Se profile enfin la réapparition d'anciens dangers, de maladies que l'on croyait oubliées. Je pense en particulier à la tuberculose, avec des bacilles de Koch multirésistants à toutes thérapeutiques et qui provoquent à nouveau la mort.
Je dirai également un mot sur les risques NRBC : nucléaire, radiologique, biologique, chimique. S'ils sont assez bien identifiés, il n'en reste pas moins que, faute d'expériences antérieures, nous ne savons pas vraiment ce qui se passerait en cas d'accident ou d'attentat. La gestion de ces risques aléatoires est donc particulièrement complexe et, là encore, une évaluation de la coordination s'impose.
Je souhaite également insister sur les risques en milieu de soins. Les infections nosocomiales ne sont pas acceptables par les usagers des hôpitaux et des cliniques.
Je sais bien que cinq minutes, c'est court, mais il faudrait vous acheminer vers votre conclusion, mon cher collègue.
Oui, madame la présidente.
Nous avons encore des marges de manoeuvre dans ce domaine où des progrès importants ont déjà été enregistrés. En cette période où l'on voit des nuages s'amonceler au-dessus des hôpitaux de proximité, rappelons une vérité souvent oubliée : plus un établissement hospitalier est grand, plus les risques d'infections nosocomiales y sont élevés.
Je voudrais enfin évoquer, en un mot, l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail. Je souhaiterais savoir quel est le niveau de son implication dans la réflexion menée sur la pénibilité au travail, car c'est un vrai sujet d'actualité.
J'ai indiqué, au début de mon intervention, que, sous réserve de réponse à certaines questions, notre dispositif me paraissait cohérent. La seule question qui vaille est de savoir s'il satisfait les impératifs de santé publique afférents à la sécurité sanitaire. La réponse nous apparaissant positive, le groupe Nouveau Centre votera le budget de la mission « Sécurité sanitaire ». (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, l'historien byzantin Procope rapporte que, vers 542, éclata une épidémie qui détruisit presque tout le genre humain. On n'avait aucun moyen efficace pour prévenir à temps l'invasion de la maladie ou pour en conjurer la terminaison fatale.
Les épidémies ont bouleversé le cours de l'histoire pendant plusieurs siècles, celles de peste noire ont traversé l'Europe, et les pays européens ont dû édicter des mesures draconiennes qui furent les premiers pas de la « police médicale », de la « biopolitique » évoquée par le philosophe Michel Foucault, un pouvoir qui s'exerce sur ou contre l'individu pour le bien proclamé de toute la société.
Nous avons ainsi construit, étape après étape, une stratégie opérationnelle de sécurité sanitaire, qu'elle s'effectue dans le domaine du soin, des aliments, du travail ou de l'environnement. La France dispose donc aujourd'hui de plusieurs agences sanitaires, chacune active dans sa spécialité. Notre pays s'est doté d'un acquis indéniable en matière d'organisation.
Si la variole, la syphilis, la lèpre, la peste, qui ont été des fléaux meurtriers, ont pu disparaître, sans doute pour diverses raisons, l'efficacité nouvelle des interventions étatiques semble avoir joué un rôle.
Sont venus ensuite l'épidémie de sida, la vache folle, la grippe aviaire, le SRAS, le chikungunya, et la résurgence du bacille de la tuberculose sur les deux tiers de la planète, qui, à leur tour et à leur manière, ont éveillé la prise de conscience du caractère majeur du risque sanitaire épidémique et de l'absolue nécessité d'anticiper la survenance de dangers qui ne sont qu'imparfaitement connus.
Le mode de vie moderne, la rapidité des transports et l'ampleur des flux de population, migratoires comme touristiques, constituent indéniablement un facteur de dissémination de ces maladies épidémiques. Mais ce n'est plus le seul facteur, il y a aussi le bioterrorisme que l'on ne peut sous-estimer. Paradoxe, c'est dans ces années de sécurisation à outrance que d'autres risques, que nous ne connaissons pas encore, pointent leur nez ; témoin la menace terroriste des dernières années qui remet au goût du jour des maladies que l'on préférait oublier, telles que le charbon, la variole et la peste.
L'organisation du paysage de la sécurité sanitaire paraît complexe du fait de la multiplication des agences mais elle est peut-être nécessaire. Le rapport sénatorial de M. Huriet évoquait il y a deux ans maintenant la création d'un conseil national de sécurité sanitaire éventuellement chargé de coordonner les actions. Qu'en est-il, madame la ministre ?
À côté des cinq agences déjà répertoriées, l'année 2008 verra la naissance d'un nouvel établissement public pour la préparation et la réponse aux urgences sanitaires de grande ampleur, l'EPRUS. J'avais d'ailleurs soutenu, en tant que rapporteur, la loi créant cet établissement car le risque, en particulier, d'une pandémie grippale planétaire, risque toujours d'actualité nécessitait de se doter de moyens pour mobiliser un corps de réserve sanitaire et pour stocker les produits indispensables à la protection de la population. Une dotation de 75 millions d'euros est inscrite à ce titre.
Les crédits budgétaires de cette mission correspondent, il convient de le noter avec satisfaction, à une augmentation par rapport à 2007 d'un peu plus de 11 % en autorisations d'engagement et de 8 % en crédits de paiement. Ce budget est bon. Il ne recourt pas à des effets d'annonce ou à des progressions de crédits qui ne rimeraient à rien.
Le budget concernant le programme « Veille et sécurité sanitaires » permet de poursuivre la politique de sécurité sanitaire engagée depuis plusieurs années et il met en action une dotation supplémentaire conséquente pour l'établissement public, l'EPRUS.
Le second budget se rapporte au programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », qui relève, lui, du ministère de l'agriculture et de la pêche. Il connaît par rapport à 2007 une hausse modeste de 1,1 %. Il est à noter une diminution des moyens relatifs à l'élimination des farines animales, ces farines connaissant elles-mêmes une réduction de volume. À ce propos, j'aimerais savoir, monsieur le ministre, où nous en sommes dans cette affaire d'élimination des farines animales, que nous retrouvons parfois stockées sur nos territoires communaux.
Il faut reconnaître que des efforts importants ont été déployés pour lutter contre les maladies animales, qu'il s'agisse de l'ESB, de la tremblante ovine, ou encore, récemment, de la fièvre catarrhale ovine qui se propage en France comme en Europe.
S'agissant de la lutte contre l'épizootie aviaire au H5N1, dans laquelle vous connaissez mon implication personnelle, je rappellerai simplement que nous ne devons surtout pas baisser la garde. Rien ne serait pire que de nier le risque. Dans un contexte dominé par la mondialisation, les règles sanitaires doivent s'appliquer à tous.
Le risque lié à la mutation du H5N1 commande que le nouveau règlement sanitaire international soit pleinement appliqué dès cette année, comme l'avait réclamé la mission d'information que j'ai conduite avec mon collègue Jean-Marie Le Guen. Ce RSI impose des organisations renforcées de tous les États et une harmonisation aux niveaux européen et international. Il existe aujourd'hui une certaine fragilité et surtout une certaine inconstance chez certains États, soit par manque de moyens, soit parce qu'ils sont récalcitrants.
En 2008, la France assurera la présidence de l'Union européenne. Je vous remercie, madame la ministre, de votre engagement personnel lors d'une réunion tenue il y a quelques jours à Washington. Je vous encourage bien entendu à veiller à ce que la Commission européenne chargée de la sécurité sanitaire soit plus forte, qu'elle fasse preuve d'un esprit d'anticipation et qu'elle se montre plus responsable, comme nous l'avons fait nous-mêmes sur le plan national. Je vous fais confiance.
Il faut une politique de coopération alliant transparence de l'information, des données scientifiques, des programmes de recherche, et des moyens de protection et de défense pour tous, sur notre territoire et dans les pays voisins.
Bien entendu, madame la ministre, monsieur le ministre, le groupe UMP donne un avis très favorable à l'adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, il faut le dire sans forfanterie mais sans hésitation non plus, notre système de sécurité sanitaire est l'un des meilleurs en Europe et dans le monde. La succession des crises depuis une quinzaine d'années, crises dont l'origine se situe d'ailleurs bien souvent en dehors de nos frontières, a permis de roder des procédures qui sont marquées par la volonté de protéger les consommateurs, voire la population dans son ensemble. Le principe de précaution, qu'il ne faudrait d'ailleurs pas confondre avec l'inaction, l'une étant très active, l'autre passive, le principe de précaution donc a permis à notre pays de se sortir, avec moins de dommages que d'autres, de situations qui se sont soldées ailleurs par de véritables catastrophes économiques, financières et humaines.
Cependant, nous le savons tous, rien n'est jamais acquis et, comme dans le mythe de Sisyphe, la tâche doit toujours être renouvelée.
C'est bien le sens et l'objectif du projet de budget que vous nous présentez, madame et monsieur les ministres, un projet de 712 millions d'euros, en nette augmentation par rapport à l'an dernier, un projet orienté autour de deux programmes parfaitement complémentaires qui visent, d'une part, à renforcer notre capacité de réponse aux situations d'urgence ; d'autre part, à mieux maîtriser les risques qui menacent la santé de la population et la qualité de l'environnement.
La sécurité sanitaire est par définition une compétence et une responsabilité de l'État.
Absolument !
Par l'intermédiaire de ses services centraux et déconcentrés ou du réseau d'agences qu'il a mis en place, l'État peut très efficacement réagir sur l'ensemble du territoire à l'irruption d'une crise. Les épizooties classiques, comme la menace nouvelle constituée par la grippe aviaire, ont montré l'efficacité des systèmes d'alerte, de prévention et d'éradication mis en place.
Toutefois, il apparaît que les mesures prises pourraient gagner encore en efficacité et en rapidité grâce à une meilleure coordination interministérielle, d'une part, et à une plus grande association des collectivités locales, notamment des communes, d'autre part.
Les maires sont en effet dotés de pouvoirs de police générale et spéciale, et leur intervention coordonnée et conjointe à celle de l'État permettrait, dans bon nombre de situations de crise, d'accroître la communication, la sensibilisation et, au final, l'efficacité des dispositifs retenus. À titre d'exemple, la distribution de comprimés d'iode en cas d'accident nucléaire ne pourrait certainement être réalisée dans de bonnes conditions sans l'implication effective des autorités locales.
C'est donc un problème d'organisation et de coordination des autorités qui est ici posé. Il ne vise qu'à améliorer dans la forme un système qui a montré son excellence sur le fond. C'est au nom de cette excellence, madame la ministre, monsieur le ministre, que nous soutiendrons le projet de budget que vous nous présentez ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.
Madame la présidente, madame et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, mon cher collègue, être en mesure de répondre, se préparer à agir au moment opportun, ne pas se laisser surprendre quand la population est exposée au risque, quand le pays est sujet à des menaces inédites, voilà ce qui définit clairement le propre de la puissance mise au service du public.
Dans un monde plus que jamais incertain, la négligence, l'impréparation, seraient impardonnables. Manquer l'occasion de nous prémunir contre l'aléa serait une faute dès lors que nous pouvons nous en donner les moyens.
Assurer la sécurité sanitaire de la population, Guénhaël Huet le rappelait à l'instant, constitue bien une de nos grandes missions régaliennes. C'est dans les situations de péril que la puissance publique, pour inspirer confiance, doit savoir démontrer son efficacité. L'État puise en effet sa crédibilité dans sa capacité propre à garantir la protection des personnes et la cohésion sociale.
Vous avez, les uns et les autres, évoqué deux sujets principaux : la surveillance environnementale ; la prévention et la gestion des crises.
Martine Billard a insisté sur la surveillance environnementale et la gestion de l'eau. Il s'agit évidemment de mettre en oeuvre les recommandations du comité d'évaluation du plan national santé environnement, ce premier PNSE à l'élaboration duquel j'ai d'ailleurs participé, qui a rendu son rapport à l'été 2007, de mettre en oeuvre aussi les propositions qui seront retenues dans le cadre du Grenelle de l'environnement, notamment en ce qui concerne la qualité des eaux distribuées et la protection des captages d'eau destinée à la consommation humaine, le développement d'une stratégie de prévention des risques liés à la qualité de l'air intérieur, le renforcement de la réglementation sur l'amiante et la réhabilitation des logements insalubres.
Pour ce qui concerne la qualité des eaux, je vous signale que le système SISE-Eau, système d'information sur les données relatives à la qualité des eaux codéveloppé par la direction générale de la santé et qui est utilisé en France, est réputé pour être l'un des meilleurs d'Europe.
Pour ce qui concerne la prévention et la gestion des crises, qui a surtout occupé ces débats, il faut dire en préambule qu'il convient de ne pas se laisser surprendre et de savoir regarder la réalité en face : presque tous les orateurs nous l'ont dit.
Toute ma politique est fondée sur cet axiome : la gestion du risque. Sa prévention active suppose une conscience claire et partagée du risque, excluant tout faux-fuyant.
Comme l'a rappelé Jean-Pierre Door, dans un contexte mondialisé, la possibilité d'une pandémie grippale, dérivée de la grippe aviaire, n'est pas une pure hypothèse d'école. De même, nous savons tous que des maladies connues initialement sous d'autres latitudes apparaissent en Europe. Ainsi l'installation d'insectes vecteurs est facilitée par l'évolution des conditions climatiques, le développement des transports aériens et des échanges économiques. Des virus peuvent être introduits accidentellement et se multiplier en profitant des vecteurs présents localement. Ce fut le cas cet été avec le chikungunya en Italie, ce pourrait être le cas demain sur le territoire national.
Les catastrophes survenues ces dernières années, catastrophes qui restent ancrées dans nos mémoires, nous obligent donc à prévoir un renforcement efficace des dispositifs de gestion des crises.
Certes, des plans de prévention et de gestion de crises, permettant de faire face aux menaces connues à ce jour, sont d'ores et déjà établis. Je pense, en particulier, au plan canicule et au plan de lutte contre la pandémie grippale. Cependant, ces plans doivent être actualisés en permanence, et surtout, de nouvelles menaces doivent être prises en compte.
Comme Bruno Le Maire, votre rapporteur spécial, l'a fort justement souligné, nos actions ne sont efficaces que si elles sont correctement coordonnées. C'est ainsi que, depuis l'été 2003, le directeur général de la santé réunit chaque semaine les directeurs d'agence. Ces réunions permettent un échange dense d'informations sur les sujets de sécurité sanitaire qui émergent, ainsi que d'esquisser les stratégies de réponse à certaines situations et de définir les bases de l'articulation et de la coopération entre les agences sur divers thèmes. Mon cabinet y participe, de même que la direction de la défense et de la sécurité civile du ministère de l'intérieur et, depuis peu, l'INSERM et le directeur général de l'alimentation. Ces réunions permettent d'avoir le même niveau d'information, de participer aux débats et de décider en commun de certaines orientations.
Ces échanges esquissent les réflexions qui seront nécessaires sur l'évolution du pilotage des agences, afin de porter à maturité ce dispositif et de garantir au mieux l'efficacité et l'efficience des politiques de santé publique et de sécurité sanitaire, ce qui rejoint les considérations évoquées par Bruno Le Maire et Claude Leteurtre.
Dans le même esprit, il m'a d'emblée paru nécessaire de favoriser la mise en place d'une chaîne d'information et d'alerte adaptée qui permette à l'État de répondre rapidement aux situations nationales de risque sanitaire. J'ai répondu sur ce sujet à une question que vous m'avez posée cet après-midi, monsieur Le Maire. J'ai donc simplifié et optimisé la chaîne de remontée d'informations, en instaurant un dispositif centralisé de réception et de gestion des alertes, le dispositif CORRUSS : centre opérationnel de réception et de régulation des urgences sanitaires et sociales. Ce dispositif fédère et focalise l'ensemble des alertes sanitaires de portée nationale ou internationale qui peuvent nécessiter l'intervention de mon ministère pour une gestion coordonnée de l'événement.
Des expériences passées, bien des leçons ont pu être tirées.
Premier enseignement : l'urgence exclut l'improvisation. Le discernement qui nous permet d'agir vite et bien suppose de savoir allier la capacité de voir venir à la rapidité du coup d'oeil. Ainsi doivent s'unir esprit de prévision et esprit de décision, largeur de vue et rapidité d'exécution. En ce sens, la diffusion bien ciblée, sur tout le territoire, des produits nécessaires en cas de crise majeure, implique une gestion globale, équitable et rationnelle des stocks disponibles.
Second enseignement : dans les situations d'extrême urgence, il faut, pour bien faire, savoir très à l'avance sur qui compter. Il faut pouvoir mobiliser sans tergiverser les personnes aptes à agir en toutes circonstances. C'est pourquoi les hommes et les femmes qui devront participer aux difficiles opérations de protection des populations doivent, très en amont, être désignés, formés, identifiés comme d'authentiques professionnels de la crise sanitaire.
Les deux grandes missions confiées à l'EPRUS – l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires –, que j'ai installé cet été et qui sera doté d'un budget de 75 millions d'euros en autorisations d'engagement sur les crédits de l'État et du même montant sur ceux de l'assurance maladie, répondent clairement à ces besoins. Placé sous la tutelle du ministère de la santé, cet établissement public aura, en effet, la responsabilité de provisionner les stocks nécessaires en cas de crise pour procéder a leur diffusion optimale le moment venu. Il sera aussi chargé de cette oeuvre essentielle pour notre pays qui consistera à organiser, de manière inédite, la constitution d'un corps de réserve composé de professionnels. Seules l'efficacité exemplaire et l'inventivité logistique dont l'EPRUS fera preuve justifient les moyens dont il va disposer. L'opérationnalité, en effet, constitue le maître mot de cette double mission.
Ainsi, l'efficacité des mécanismes de déploiement des stocks et de la réserve sur le terrain devrait être rapidement éprouvée. A cette fin, l'exercice national 2007 consacré à la pandémie grippale, qui aura lieu mi-décembre, sera l'occasion de tester l'effectivité du dispositif.
Rappelons, monsieur Marie-Jeanne, que ce nouvel établissement a d'ores et déjà été mobilisé, pour la première fois, dans le cadre de l'épidémie de dengue qui sévit aux Antilles. Grâce au dispositif de veille mis en place avec les médecins sentinelles locaux et en coopération avec l'Institut national de veille sanitaire, les autorités sanitaires locales et nationales suivent depuis fin août la courbe de cette épidémie qui est en phase de recrudescence saisonnière et dont la progression est malheureusement favorisée cette année par les milliers de tonnes de déchets verts laissés par le cyclone Dean, déchets qui sont autant de gîtes larvaires potentiels. Le nombre de nouveaux cas observés continue d'augmenter, à raison de 1 600 par semaine en Martinique et de 1 000 en Guadeloupe, dépassant, pour la Martinique, le pic hebdomadaire enregistré lors de l'épidémie de 2005. J'ai par conséquent décidé, en concertation avec les autorités sanitaires locales, de débloquer des moyens humains et financiers supplémentaires pour permettre aux départements des Antilles de mieux faire face à cette épidémie, à laquelle s'ajoutent celles de bronchiolite et de gastroentérite qui compliquent le travail de la filière pédiatrique. Grâce à l'EPRUS et à la collaboration du SAMU de France, j'ai pu mobiliser dix-huit professionnels de santé volontaires pour renforcer immédiatement les équipes soignantes en Martinique. Cette mission sera prolongée tant que la situation sanitaire le rendra nécessaire. L'envoi de renforts à la Guadeloupe est en cours d'étude. La décision sera prise dans les tout prochains jours. Je tiens à saluer l'activité et l'énergie de ces professionnels, ainsi que le courage des équipes soignantes locales qui ont été très sollicitées après le passage du cyclone.
Vous avez demandé, monsieur Marie-Jeanne, une meilleure coordination de la veille sanitaire. Après l'épidémie de chikungunya à la Réunion, nous avons installé un centre de veille pour l'océan Indien. Nous réfléchissons à l'installation d'un organisme similaire pour l'arc antillais. Je me rendrai à la Réunion, début décembre, pour assister à une réunion du centre de veille et de l'INVS.
Cette amélioration de l'organisation s'accompagnera en 2008 d'un effort budgétaire significatif. Le budget du programme « Veille et sécurité sanitaires » augmentera ainsi, l'an prochain, de plus de 50 %, puisqu'il est porté à 164 millions d'euros. Ce dispositif doit en particulier permettre de répondre de façon optimale à la menace majeure qui reste, aujourd'hui, celle d'une pandémie grippale.
Je reviens du sommet du « G7 + Mexique » à Washington, où j'ai exprimé l'engagement de la France à faire avancer les connaissances afin de mieux lutter contre cette pandémie. Nous nous sommes également intéressés aux risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques. La France anime d'ailleurs un groupe de travail sur les menaces radionucléaires. J'ai demandé que ce sujet, et au delà la question de la sécurité sanitaire, soit un axe prioritaire de la présidence française de l'Union européenne en 2008. J'ai donc anticipé votre demande, monsieur Le Maire. Il est évident, en effet, que pour faire face à la propagation de risques, une coordination plus étroite entre les États membres s'impose.
Il apparaît en définitive – nos partenaires étrangers le reconnaissent – que La France dispose d'un des plans de préparation les plus avancés. Il est actualisé régulièrement pour être amélioré en permanence, en particulier sur la question de la mobilisation citoyenne.
À juste titre, nous pourrons être fiers si non seulement nous démontrons que le projet est bon ou que les intentions sont louables, mais surtout si nos efforts, le moment venu, se trouvent couronnés de succès. C'est pourquoi je veillerai avec la plus grande vigilance à ce que l'engagement de l'État soit toujours à la hauteur des espérances qu'il suscite. Je ne manquerai pas de m'assurer régulièrement de l'opérationnalité des dispositifs déployés. C'est dans cette optique que j'assisterai vendredi, à Bordeaux, à un exercice régional de pandémie grippale organisée par la zone de défense Sud-Ouest et que j'ai annoncé l'exercice national du 12 décembre.
Dans le même esprit, si j'ai décidé de me rendre à la Réunion, c'est pour apprécier l'état d'avancement de la recherche et la bonne application des mesures engagées depuis la dernière épidémie.
Garantir la sécurité sanitaire de la population constitue bien une de nos grandes obligations régaliennes. C'est ici l'éthique de la responsabilité qui soutiendra tous nos efforts, efforts inlassables pour que les initiatives prises ne soient pas trahies par la suite.
Nous bénéficions d'un système de veille et de sécurité sanitaire qui prétend se situer, en Europe, à la pointe de l'excellence. Vous pouvez être assurés de ma détermination sans faille, dès lors qu'il s'agira d'assurer le pilotage efficace de cette grande mission de la puissance publique qu'est la protection des populations contre le risque sanitaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Anticipation, prévention, veille, éthique de la responsabilité, ces notions mises en avant par Mme Bachelot inspirent également mon action dans le domaine dont j'ai la responsabilité.
Le projet de budget du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » est de 490 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 546 millions d'euros en crédits de paiement. La baisse provient essentiellement de celle, pour 20 millions d'euros, des crédits destinés à l'élimination des farines animales, qui devrait être menée à terme dans trois ans. Compte tenu de l'heure, j'apporterai par écrit à M. Door des précisions sur le rythme de cette élimination. Deux effets se conjuguent : la baisse des loyers des entrepôts et une meilleure valorisation des farines animales par les cimentiers eux-mêmes dans un contexte de hausse des prix de l'énergie. Compte tenu de cette correction, le projet de budget de ce programme pour 2008 augmente en fait de 1,1 %, comme M. Vialatte a d'ailleurs bien voulu le reconnaître.
Dans un contexte contraint, j'ai souhaité préserver quatre priorités. La première concerne la lutte contre les maladies animales, dotée d'un budget de 106 millions d'euros. Comme l'a constaté Jean-Pierre Door, un accent particulier sera porté sur la fièvre catarrhale ovine – maladie, à mon sens, la plus sérieuse que nous ayons eu à affronter depuis de longues années dans la mesure où elle touche cinquante-quatre départements – et sur l'influenza aviaire. La prévision des dépenses liées à cette dernière est en baisse, comme l'a fait remarquer votre rapporteur spécial, M. Le Maire. En effet, en l'absence d'épisode de crise, dans le cadre de l'optimisation de notre stratégie de surveillance et de veille, il n'était pas nécessaire d'y consacrer un montant supérieur pour 2008.
La deuxième priorité concerne la sécurité sanitaire des aliments d'origine tant animale que végétale. Dans le domaine animal, les crédits sont stables, grâce à une meilleure organisation des inspections en abattoir. Dans le domaine végétal, ils augmentent fortement, de 20 %, pour atteindre 19 millions d'euros en crédits de paiement. Ces crédits permettront de garantir la sécurité sanitaire des aliments et des conditions de production plus respectueuses de l'environnement ; d'améliorer la surveillance et les analyses de résidus de pesticides, dont a parlé Mme Billard ; de poursuivre la construction du laboratoire national de protection des végétaux d'Angers.
Les pesticides ont été évoqués en particulier par Mme Billard et M. Marie-Jeanne. Dans le prolongement de ce grand rendez-vous démocratique du Grenelle de l'Environnement, j'animerai, comme l'a demandé le Président de la République, en liaison avec Mme Bachelot, M. Borloo et sans doute Mme Alliot-Marie, un groupe qui s'occupera de la réduction de leur usage.
Vous parlez, madame Billard, de propositions du Président de la République qui seraient en retrait par rapport à un plan annoncé qui était ambitieux et qui visait quarante-sept substances parmi les plus dangereuses. Lors du Grenelle de l'environnement, j'ai moi-même annoncé que nous avions décidé de réduire assez vite, voire de retirer du marché ces quarante-sept substances. Une trentaine d'entre elles seront interdites l'an prochain, dix autres le seront en 2010 et le programme aboutira en 2012. De plus, nous mettrons en oeuvre le plan annoncé par le chef de l'État, qui m'a chargé d'animer un travail interministériel visant à réduire de 50 % en dix ans l'utilisation des pesticides. Nous poursuivrons ce programme ambitieux avec beaucoup de détermination et, sur ce sujet qui intéresse également d'autres ministères que les nôtres, nous réussirons en concentrant nos moyens sur la recherche, notamment agronomique.
Monsieur Vialatte, vous vous êtes inquiété de ce que vous avez nommé notre faible niveau d'exigence en matière de respect des normes sur les pesticides. Il est évident que les différentes décisions prises dans le cadre du Grenelle de l'environnement nous permettront de manifester des ambitions plus importantes que celles que nous avions affichées jusqu'alors et, partant, plus conformes à vos voeux.
Enfin, madame Billard, les antibiotiques utilisés comme activateurs de croissance sont interdits en France depuis 2006, comme ils le sont au Danemark, que vous avez cité.
Ma troisième priorité sera de maintenir le haut niveau d'expertise de l'AFSSA. Cette institution sur laquelle M. Vialatte et Mme Billard ont insisté, et à laquelle le rapporteur spécial, M. Le Maire, attache tant d'importance, est reconnue au niveau international. Pour joindre les actes aux mots, la subvention apportée par mon ministère, qui représente 88 % de l'apport de l'État, s'établira l'année prochaine à 52,34 millions d'euros, soit une hausse de 6,6 % par rapport à 2007. Nous appliquons ainsi un accord d'objectifs et de moyens pluriannuel entre l'AFSSA et l'État.
Ma quatrième priorité concerne les contrôles sanitaires à l'importation, dans un contexte dominé par l'accroissement des échanges. Elle répond elle aussi à une demande extrêmement forte du Président de la République. Celui-ci a annoncé à Rennes, lors d'un grand discours sur la future politique agricole commune, la nécessité, pour l'Europe et pour la France, de ne pas être naïf et de vérifier, plus que par le passé, que les produits entrant sur notre territoire respectent les normes et les exigences que nous imposons à nos propres producteurs. Nous renforcerons par conséquent les contrôles sanitaires à l'importation.
Dans ce domaine, je vous confirme, monsieur Door, que la France a pris l'initiative, pour préparer sa présidence, de rédiger un mémorandum sur le renforcement des contrôles sanitaires, qui constitue un aspect de la nouvelle préférence européenne qu'elle veut proposer à ses partenaires. Cette initiative s'inscrit dans un contexte marqué régulièrement par les problèmes posés par les produits importés, notamment de Chine. Nous souhaitons aboutir, dans le cadre d'un Conseil des ministres sous présidence française, à un renforcement coordonné mais cohérent de l'attitude des pays européens à l'égard des produits importés. Notre proposition vise à faire évoluer les règles du commerce international, à privilégier l'évaluation des risques à l'importation, à renforcer et à harmoniser les contrôles aux frontières. En somme, il s'agit d'aller vers un « paquet hygiène importations », qui offrirait à tous les pays européens un cadre législatif horizontal de référence unique.
Je terminerai ce panorama rapide mais complet en évoquant les services déconcentrés de mon administration. Le budget des directions départementales des services vétérinaires est en légère augmentation, avec des effectifs un peu supérieurs à 5 000 agents. Je n'oublie pas non plus les services de la protection des végétaux, inscrits dans la mission « Agriculture », qui, comme l'a rappelé M. Vialatte, concourent à ce programme. Devant la représentation nationale, je veux rendre un hommage sincère à l'ensemble de ces services dont je salue la réactivité et la disponibilité. Nous les avons beaucoup sollicités, notamment pour lutter contre la fièvre catarrhale ovine, tout comme les vétérinaires libéraux, d'ailleurs, que je tiens également à remercier. Si nous travaillons bien ensemble, c'est parce que, par tous les moyens, dans un cadre interministériel et à l'échelon départemental, nous appliquons le principe de précaution évoqué par M. Huet. Je tiens particulièrement à ce principe : je me souviens qu'en 1995 j'ai été le premier à proposer, à cette même tribune, de l'inscrire dans la loi française.
Je souhaite lancer ces services dans une dynamique de révision générale des politiques publiques, en renforçant leur implantation départementale, pour qu'ils soient le plus près possible des problèmes, des gens et des exploitations. Leurs missions doivent prendre place au niveau régional réformé du ministère de l'agriculture et de la pêche.
Avant de conclure, j'évoquerai encore quelques sujets, dans un cadre général.
Mme Bachelot a très bien indiqué que nous devions nous préparer à une explosion générale, pouvant survenir n'importe où et n'importe comment, de toutes sortes de pathogènes émergents, qu'ils touchent les végétaux, les animaux ou les humains. C'est ainsi que la fièvre catarrhale ovine, imputable au virus numéro 8, arrivé directement aux Pays-Bas, a touché l'ensemble des pays d'Europe du Nord, avant de s'étendre jusqu'au sud de notre pays. Beaucoup d'entre vous l'ont souligné, cette maladie s'est développée de manière explosive : à ce jour, plus de 8 000 cas ont été identifiés en France.
Dès le mois de septembre, j'ai saisi la Commission européenne pour demander la mise en place d'une stratégie communautaire de vaccination et de financement des mesures sanitaires. La réponse appropriée à une maladie qui touche aujourd'hui neuf pays d'Europe ne peut être qu'européenne. L'État a déjà mis en place, pour les éleveurs concernés, un soutien financier immédiat, à hauteur de 13,5 millions. Il est cependant trop tôt pour tirer les conséquences financières de la crise. En 2008, le Gouvernement prendra les mesures nécessaires, en pratiquant les redéploiements qui s'imposeront.
Par ailleurs, j'annonce à la représentation nationale que la France vient de publier un appel d'offres pour l'achat de plusieurs de dizaines de millions de doses de vaccins, seule arme efficace contre la maladie. Notre pays est le premier de l'Union européenne à procéder ainsi à la mise en concurrence de laboratoires internationaux afin de disposer en priorité des premières doses disponibles permettant de lutter contre le virus.
Après la ministre de la santé, je dirai aussi un mot du chlordécone, qu'ont mentionné Mme Billard et M. Marie-Jeanne. Ce produit utilisé jusqu'en septembre 1993 aux Antilles, pour lutter contre un insecte qui ravage la banane, a contaminé les sols, les cultures, ainsi que certaines eaux superficielles. L'identification des zones et des sources polluées est l'une des priorités du nouveau plan d'action interministériel sur le chlordécone, comme nous avons eu l'occasion, Mme Bachelot et moi-même, de le souligner, lors d'une audition au Sénat. Nous travaillons par ailleurs à mettre en oeuvre des « diagnostics-actions » de l'état des terres dans chaque exploitation, afin de proposer à terme des solutions d'accompagnement personnalisées aux agriculteurs. Il faut en effet tirer des leçons de chaque catastrophe.
Ainsi, après que le cyclone Dean a touché gravement la Martinique et la Guadeloupe, compromettant la culture de la banane, si importante aux Antilles, nous avons engagé une action extrêmement volontariste en collaboration avec les exploitants. Pour la prochaine période de culture, il faut mettre en place dans l'ensemble des Antilles de nouvelles pratiques et un mode de production agricole durable de la banane.
Monsieur Le Maire et monsieur Vialatte, dans les grands débats qui s'ouvriront dès que sera connu, courant novembre, le bilan de santé de la politique agricole commune tel que la Commission l'aura présenté son rapport, nous devrons prendre des décisions d'ajustement de la PAC pour 2008. De plus, dans le cadre du grand débat que le chef de l'État nous a demandé d'ouvrir dès le mois de juillet 2008, afin de prévoir l'après-2013, la France avancera le plus tôt possible des propositions pour une meilleure gestion des risques. Le sujet m'intéresse depuis longtemps. J'ai eu l'occasion de le montrer, il y a quelques années, en tant que ministre de l'environnement, puis comme commissaire, en créant un fonds de solidarité, et, il y a quelques mois, en proposant la création d'une force européenne de protection civile, qui pourrait, le cas échéant, offrir une meilleure réponse aux risques de pandémie ou de terrorisme. Pour prévenir les crises économiques, comme celle qui touche actuellement les producteurs de la filière porcine ou d'autres filières animales affectées par l'augmentation du prix des matières premières, ou pour prévenir les risques crises sanitaires ou climatiques – quand ils ne se cumulent pas –, nous ne disposons pas d'outils nationaux ou européens adaptés et nous en sommes réduits aux bouts de ficelle. Nous serons par conséquent dans notre rôle en promouvant, au niveau européen, au cours des débats sur l'évolution de la PAC, la création, pour la prévention et la gestion des risques économiques, ainsi que pour la gestion et la réparation des risques sanitaires ou climatiques, des systèmes de mutualisation, d'assurance et de prévention. Ce sera l'une des propositions fortes de la France dans les discussions qui vont s'ouvrir sur la nouvelle politique alimentaire, territoriale et agricole de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Nous en venons aux questions.
Pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la parole est à Mme Huguette Bello.
On connaît les ravages qu'exerce en France l'épizootie de fièvre catarrhale ovine, qui s'installe dans un nombre croissant de pays d'Europe. Cette maladie qui, en 2000, ne concernait encore que l'Italie et l'Espagne et, pour la France, le département de Corse-du-Sud, s'est développée dans le nord de l'Europe en août 2006, à partir du sud des Pays-Bas, et s'est diffusée très rapidement dans notre pays. Début octobre 2007, plus de 2 200 foyers étaient identifiés en France, dans cinquante départements. Comme le prévoyait l'Organisation mondiale de la Santé, l'épizootie a pris un caractère endémique.
Des mesures ont été mises en place pour lutter contre une maladie qui risque de mettre à mal les filières bovine et ovine françaises et européennes, et une enveloppe de 13,5 millions d'euros a été débloquée. Malheureusement, la fièvre catarrhale ovine concerne aussi le département de la Réunion. Elle y est réapparue en août 2003, dans un élevage de moutons de race mérinos. Vingt-six des cent animaux de cet élevage étaient concernés. Un arrêté préfectoral de mise sous surveillance de l'élevage, impliquant une interdiction de déplacement des animaux, a alors été pris.
On peut toutefois s'étonner que les divers documents qui concernent cette épizootie, notamment l'arrêté ministériel qui précise la liste des zones réglementées, ne mentionnent pas la présence de la maladie dans le cheptel ovin réunionnais. Pourtant, la fièvre catarrhale ovine ne cesse de se répandre à la Réunion. Les éleveurs s'inquiètent par conséquent du silence des autorités de l'État et se demandent si celles-ci ont mesuré l'importance des dommages qu'ils subissent. Depuis un an, en effet, le cheptel ovin de l'île est décimé.
Les éleveurs souhaiteraient qu'une mission sanitaire des experts du laboratoire vétérinaire de Maisons-Alfort vienne étudier la situation sur place, notamment pour vérifier que le sérotype existant demeure bien celui du type 3 ou si, au contraire, il est en train de muter.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Quelle est la question ?
La fièvre catarrhale ovine n'est pas le seul souci des éleveurs réunionnais. J'avais appelé l'attention du ministre de l'agriculture, en 2006, sur l'épizootie de rhinotrachéite infectieuse bovine – l'IBR –, qui frappe les troupeaux de bovins réunionnais. Cette maladie, mortelle pour le bétail, est apparue également en 2003. Elle a des conséquences très graves, puisqu'elle diminue d'abord la production de lait, avant de conduire à la perte du troupeau. Les éleveurs peuvent ainsi se retrouver dans une situation financière catastrophique.
J'ai fait dix mille kilomètres pour porter la parole des miens, alors permettez, madame la présidente.
Votre groupe n'avait qu'à vous donner davantage de temps !
Les très graves difficultés économiques qu'affrontent les éleveurs peuvent engendrer des drames. L'apparition de l'IBR faisait suite à l'importation, par des coopératives, de vaches en provenance de la France continentale. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les éleveurs insistent donc pour que soit installé un contrôle strict de l'état sanitaire des animaux arrivant à la Réunion, afin de prévenir les diverses maladies qui menacent les troupeaux.
Merci de me répondre, monsieur le ministre.
Madame la députée, vous appelez mon attention, sur la situation de votre région touchée par la fièvre catarrhale ovine, qui affecte, je le rappelle, une cinquantaine de départements. Le vôtre est touché de manière endémique, sans que des signes cliniques aient pu être observés, bien qu'une étude récente ait confirmé la présence du virus.
J'ai souhaité que la publication d'un nouvel arrêté relatif à cette maladie soit l'occasion de prendre en compte la situation de la Réunion. Les interdictions de fait aux mouvements de ruminants ont maintenant une base réglementaire. Sauf dérogation accordée par les services de l'État, les mouvements sont interdits vers la métropole, alors qu'ils restent autorisés de la métropole vers les DOM.
J'ai bien noté que vous m'interrogiez sur les élevages ovins ; je ne peux vous répondre immédiatement mais, si vous le permettez, je le ferai par écrit dès demain.
Aujourd'hui, en métropole, 65% des éleveurs sont engagés dans la lutte contre l'IBR grâce au programme volontaire de maîtrise de cette maladie virale des bovins suivi depuis plusieurs années par les groupements de défense sanitaire. L'absence de programme volontaire de lutte contre l'IBR à la Réunion n'a pas permis de généraliser la prophylaxie dans ce département.
Il appartient aux exploitants confrontés à d'importantes pertes économiques de s'engager dans un vaste programme volontaire de maîtrise de cette affection avec l'appui de leur vétérinaire traitant. Des vaccins efficaces sont en effet disponibles et permettent d'éviter les manifestations cliniques de la maladie. Un soutien technique à l'assainissement des troupeaux infectés pourrait également être apporté aux éleveurs par le groupement de défense sanitaire local.
Enfin, dès lors que plus de 60% des éleveurs réunionnais se seront engagés dans un programme volontaire de maîtrise de la maladie, je vous confirme que la généralisation de mesures de prophylaxie adaptées au contexte local pourra être mise en place par arrêté préfectoral.
Madame la ministre, monsieur le ministre, vous avez assigné à la mission « Sécurité sanitaire » des objectifs louables auxquels nous ne pouvons que souscrire. Et le montant des crédits de paiement – 712 millions d'euros – est loin d'être négligeable.
Mais, là où le bât blesse, c'est que les choix mis en oeuvre dans le cadre de la politique agricole commune étranglent nos zones d'élevage extensif, comme le bassin allaitant pour l'élevage bovin ou la région PACA pour l'élevage ovin. Elles sont pourtant, avec leurs labels et leurs AOC, le berceau sanitaire de nos productions agricoles.
Comment votre souhait de promouvoir des modes de production respectueux de la santé et de l'environnement peut-il s'accommoder des restrictions du soutien public à l'élevage extensif comme dans le cas de la nouvelle prime herbagère agro-environnementale ?
Votre volonté affichée de contrôler les importations des pays tiers restera un voeu pieux si ne sont pas strictement limitées les importations massives en provenance de Nouvelle-Zélande de viandes ovines dont on sait que la qualité sanitaire est loin d'être irréprochable – contrairement aux productions de nos éleveurs, très souvent labellisées, au prix d'efforts colossaux sur la traçabilité.
Quant à l'entrée massive sur le marché européen du boeuf brésilien et argentin, qui contribue à la chute des cours et aux difficultés de nos éleveurs, comme ceux du Massif central, territoire de l'excellence reconnu sur la planète entière pour la qualité de ses viandes.
Depuis 2006, l'agriculture européenne est soumise à la mise en oeuvre du paquet « hygiène » ou general food law. Les produits importés sont en conséquence théoriquement soumis aux normes imposées aux productions intérieures. Pouvez-vous me préciser comment est mise en oeuvre cette directive européenne, notamment pour les importations de viande ? Quelles garanties les consommateurs ont-ils que les importations respectent un cahier des charges comportant des exigences similaires à celles qui s'appliquent aux productions nationales et européennes ? Quelles garanties ont-ils qu'un contrôle effectif est bien assuré aux frontières ? Les propos du Président de la République que vous avez rapportés, monsieur le ministre, laissent entendre que les contrôles sanitaires aux frontières ne sont pas effectués actuellement comme ils devraient l'être.
Monsieur Chassaigne, il est deux heures du matin et nous sommes tous en grande forme : je veux bien que nous engagions un débat sur la future politique agricole commune, mais nous aurons bientôt d'autres rendez-vous à ce sujet. Dès aujourd'hui, l'ancien élu montagnard que je suis, vous promet de veiller à renforcer la place de l'élevage extensif et le soutien à l'herbe au cours des futures évolutions de la PAC.
Le paquet « hygiène » confirme la responsabilité première des opérateurs en termes de garanties sanitaires des produits qu'ils mettent sur le marché. Il normalise également la qualité et la quantité des contrôles. Je vous confirme par ailleurs que les importations vers l'Union européenne sont soumises aux mêmes exigences que les productions internes. À la demande du chef de l'État, nous avons été intransigeants sur ce point dans nos négociations avec nos partenaires.
L'Office alimentaire et vétérinaire est chargé par les États membres d'assurer ces missions de contrôle ; on en compte, dans ce cadre, plus de cinquante chaque année. L'intégralité des lots importés est contrôlée par les services vétérinaires aux postes d'inspection aux frontières, comme le prévoit la réglementation communautaire. En France, près de 66 000 lots de produits animaux sont contrôlés chaque année. Le taux de refus s'élève à un pour deux cents lots contrôlés, ce qui montre la nécessité d'une vigilance permanente. Près de 9 000 lots d'animaux vivants sont également contrôlés tous les ans et le taux de refus observé est de 1,5 sur deux cents lots.
Je vous remercie de votre question, monsieur le député, car elle me permet de réaffirmer que nous resterons intransigeants et veillerons tout particulièrement au contrôle à nos frontières des produits ou des animaux importés – vous évoquiez les pays d'Amérique latine –, qui doivent respecter les normes que nous imposons à nos propres producteurs.
La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.
Étant donné l'importance des interrogations des professionnels et plus largement de tous nos concitoyens apiculteurs amateurs, ma question pourrait aussi bien s'adresser à Mme la ministre de la santé, à Mme la secrétaire d'État à l'écologie, ou à vous, monsieur le ministre de l'agriculture.
Dans le contexte d'une prise de conscience massive de l'opinion face à tout ce qui peut créer une dégradation de l'environnement naturel ou favoriser des atteintes souvent irréversibles à la biodiversité de la planète, comment ne pas tenir compte des inquiétudes consécutives au déclin préoccupant des populations d'abeilles, dont on sait qu'elles constituent un véritable indicateur de la santé de notre environnement ?
Il est essentiel que notre pays prenne conscience de la nécessité de maintenir des modes de production respectueux de l'environnement, de la qualité et des savoir-faire propres aux terroirs. Or, depuis de nombreuses années, nous savons qu'il existe des interactions fortes entre les modes de production ou de consommation, et la diminution de la biodiversité, comme les affaires du Gaucho ou du Régent ont pu le mettre en évidence.
Des scientifiques ont émis des hypothèses concernant la diminution de la population des abeilles, et un certain nombre de causes peuvent expliquer ce phénomène, dont l'ampleur semble cependant dépasser de loin tout ce qui avait pu être observé dans le passé. En France, nous pouvons dire que, désormais, les menaces ont été prises au sérieux, et il est heureux que, dans le cadre des réflexions conduites au sein des groupes de travail du Grenelle de l'environnement, le principe de précaution en vienne à être retenu pour de nombreuses thématiques.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer, en l'état actuel des connaissances, quelles sont les pistes de recherche et quelles sont les mesures prises par les pouvoirs publics pour assurer la préservation des populations d'abeilles ?
La préservation des abeilles est une question extrêmement importante. Je lisais récemment, dans un grand journal du milieu de journée, un article passionnant qui décrivait le sort réservé à la plupart de nos fruits et légumes si le recul de la pollinisation, déjà amorcé sur de nombreux territoires, se poursuivait.
Les scientifiques et les apiculteurs ont recensé sur le terrain plusieurs causes de mortalité des abeilles qui se conjuguent : des parasites fragilisent leurs défenses immunitaires, l'appauvrissement de la diversité florale explique leur malnutrition, des maladies sévissent, auxquelles s'ajoutent le changement climatique, les intoxications et, indéniablement, l'effet des produits pesticides ou phytosanitaires. Mais cette dernière explication n'entre pas systématiquement en ligne de compte. Ainsi, une mortalité des abeilles a pu être constatée, de manière scientifique, dans des zones de grandes cultures où des produits souvent mis en cause, comme le Régent ou le Gaucho, n'avaient pas été utilisés. On observe donc une conjonction de facteurs explicatifs que les scientifiques ont bien analysés.
Afin d'étudier ces multiples causes, le ministère de l'agriculture et de la pêche a lancé en 2002 une enquête multifactorielle des troubles des abeilles, animée par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, et créé un comité scientifique et technique chargé de recenser et d'analyser tous ces facteurs de mortalité. Parallèlement, une étude de terrain a été mise en place. Ces études sont toujours en cours afin de déterminer si les abeilles ne seraient pas affectées par d'autres facteurs qui seraient associés à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques, comme la diminution des surfaces emblavées en tournesol, une des principales fleurs qu'elles butinent.
Dans le cadre du programme communautaire pour l'apiculture, des projets sont en cours d'examen pour la période 2008-2010, afin d'améliorer la connaissance et la disponibilité des ressources nectarifères et pollinifères ainsi que la biodiversité des populations d'abeilles.
Comme Roselyne Bachelot, je suis préoccupé depuis longtemps par cette question, et je voudrais, dans le prolongement du Grenelle de l'environnement, qu'une impulsion soit donnée pour la défense de l'abeille et de tout ce qu'elle représente pour la biodiversité. J'ai donc décidé de proposer au Premier ministre de confier à un parlementaire, dans les jours qui viennent, une mission sur ce sujet.
Nous en venons aux questions du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
La parole est à Mme Dominique Orliac.
Dans notre pays, entre 1965 et 1995, l'amiante a été responsable de la mort de plus de 35 000 personnes. Le pire est devant nous, puisque 60 000 à 100 000 décès par cancer broncho-pulmonaire sont prévisibles d'ici à 2026. On peut parler d'une véritable catastrophe aux multiples conséquences humaines, sanitaires et sociales.
Même si, depuis les années 1960, les risques étaient connus, l'interdiction de l'amiante ne date que de 1997. Aujourd'hui, l'enjeu se situe davantage dans la prévention des risques, qui doit être véritablement effective et efficace. La création, en 2006, de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, l'AFSSET, est une conséquence directe de la crise et du scandale de l'amiante.
Il convient désormais, comme le souligne à juste titre notre rapporteur spécial, de bien clarifier la place et le rôle de cette agence au sein de notre système sanitaire de prévention et d'alerte. Dans son excellent rapport, Bruno Le Maire en convient et regrette que « l'AFSSET peine à trouver sa place ». Or, pour que cette agence puisse remplir correctement sa mission de veille sanitaire, il faut non seulement lui donner toute sa place, mais aussi, et ce n'est pas sans rapport, lui procurer les moyens humains et financiers dont elle a besoin. Ce projet de loi de finances se situe, une nouvelle fois, en deçà du nécessaire puisqu'il ne dote l'AFSSET que d'une centaine d'employés et d'un budget de 3 millions d'euros, alors que ses champs d'intervention se sont élargis bien au-delà de la seule question de l'amiante. Quelle est donc l'ambition de ce gouvernement pour l'AFSSET ?
Parallèlement à la création de l'AFSSET, l'ampleur de la catastrophe sanitaire de l'amiante a donné naissance au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. Mais le FIVA ne permet pas aujourd'hui d'assurer une juste et rapide réparation des personnes touchées. En outre, les contentieux ne cessent d'augmenter et les procédures demeurent lourdes et complexes.
Madame la ministre, j'ai deux questions à vous poser. Envisagez-vous de revoir l'organisation même d'un système d'indemnisation qui s'avère défaillant ? Les victimes professionnelles de l'amiante étant imposées sur l'allocation destinée à les dédommager d'un empoisonnement – ce qui est contraire à la législation sur les pensions, les indemnités et les allocations versées aux victimes d'accidents du travail –, comptez-vous mettre un terme à cette injustice ?
La parole est à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.
Qu'il s'agisse des professeurs de Jussieu ou de certains riverains du Comptoir des minéraux et des matières premières d'Aulnay-sous-Bois, pour lesquels une étude sanitaire vient de conclure à une exposition environnementale à l'amiante, des cas dramatiques dans l'actualité nous rappellent trop souvent la tragédie de l'amiante. Cette question relève à la fois du passé et du présent. En effet, si l'utilisation de l'amiante est interdite pour les flocages depuis 1977 et pour tous les usages depuis 1997, les personnes exposées il y a vingt à trente ans peuvent déclarer aujourd'hui ou demain leur pathologie.
Madame Orliac, vous nous avez rappelé les chiffres qui nous montrent l'ampleur de cette catastrophe sanitaire. Les différentes études confirment l'importance de l'impact de la pollution des locaux de travail mais aussi l'impact environnemental en dehors du milieu professionnel. Elles montrent l'intérêt d'une réflexion sur la surveillance des personnes exposées.
S'agissant des actions en cours, une circulaire interministérielle du 14 juin 2006 a chargé les préfets de département d'organiser les contrôles de l'application des textes par les propriétaires, en s'appuyant sur l'ensemble des services déconcentrés. Des crédits sont prévus sur le programme « Santé publique et prévention », pour un montant de 450 000 euros.
En ce qui concerne les perspectives pour 2008, j'ai prévu de créer un groupe « Amiante et fibres », afin de renforcer la coordination interministérielle et d'appuyer les administrations ; le pouvoir réglementaire sera renforcé pour ce qui concerne la constatation des infractions et l'AFSSET réalisera des études sur l'exposition environnementale à l'amiante à la fois sur les affleurements naturels, en Haute-Corse et en Nouvelle-Calédonie, et sur les anciens sites industriels, comme celui d'Aulnay.
J'en viens au volet sanitaire. J'ai saisi une nouvelle fois, après la saisine d'août 2006, la Haute autorité de santé à propos de la pertinence d'un dépistage des personnes exposées, du rapport bénéfices-risques chez ces personnes et, le cas échéant, des protocoles de surveillance à mettre en oeuvre. Ses conclusions sont attendues dans les toutes prochaines semaines, en tout cas avant la fin de l'année.
Par ailleurs, j'ai adressé en octobre, à tous les médecins, une note d'information – disponible sur le site Internet du ministère – pour leur rappeler les connaissances actuelles et la conduite à tenir, telle que définie par les experts scientifiques, face à un patient qui a été potentiellement exposé. J'ai également rappelé que le dispositif d'indemnisation du FIVA s'adresse aux personnes victimes d'une exposition non seulement professionnelle, mais aussi environnementale. J'ajoute que les retards que vous signalez ne sont pas dus au FIVA lui-même, mais à l'instruction, longue et complexe, des dossiers d'indemnisation. Quoi qu'il en soit, les fonds du FIVA sont suffisants pour répondre aux procédures en cours. S'il fallait les augmenter, nous le ferions évidemment. Toutes les personnes dont le droit à l'indemnisation a été reconnu sont indemnisées.
Depuis 1998, il existe un plan national de surveillance du mésothéliome, le cancer de la plèvre provoqué par une exposition à l'amiante. J'ai demandé récemment que ce plan soit généralisé à l'ensemble du territoire. Il s'agit de poursuivre les actions pluriannuelles, de mettre en place un programme national de surveillance du mésothéliome, d'utiliser la base de données Ev@lutil – qui concerne l'exposition professionnelle à l'amiante et aux fibres minérales artificielles – et, pour l'AFSSET, d'évaluer les risques associés aux fibres courtes d'amiante dont la longueur est inférieure à 5 µ. Bien entendu, chaque fois que nécessaire, je déploie une action locale. C'est ce que j'ai fait pour le Comptoir des minéraux et des matières premières à Aulnay-sous-Bois, où il a été procédé à la détection des cas exposés dans le cadre du travail et à des mesures du taux d'amiante dans l'atmosphère pour s'assurer que les riverains ne sont pas menacés. En outre, un numéro vert a été ouvert et une information spécifique transmise aux médecins par la cellule interrégionale d'épidémiologie, la CIRE, d'Île-de-France.
S'agissant de l'AFSSET, un contrat d'objectifs et de moyens a été conclu le 26 avril 2007 pour la période 2008-2011. Il comprend neuf orientations, dont je rappelle rapidement, malgré l'heure tardive, les principaux éléments : mise en place d'un réseau national d'expertise publique ; accroissement de la visibilité de l'agence ; fourniture aux pouvoirs publics d'expertises de qualité ; renforcement de l'expertise sur les risques liés aux substances et aux produits chimiques ; poursuite de l'évaluation des risques en matière de santé au travail ; développement des activités de veille scientifique ; amélioration de la sécurité sanitaire dans l'environnement au travail à travers des programmes de recherche ; accessibilité de l'information scientifique et contribution au débat public sur la sécurité sanitaire liée à l'environnement au travail ; renforcement de la démarche de performance au sein de l'agence ; amélioration de la coordination entre l'AFSSET et les autres institutions chargées de la veille et de la sécurité sanitaires, pour optimiser tous les instruments à notre disposition dans le cadre de ces politiques.
Il est dommage que nous devions débattre à une heure si tardive de sujets aussi fondamentaux.
La parole est à M. Jean Gaubert.
Monsieur le ministre de l'agriculture, je souhaiterais revenir sur le contrôle aux frontières car, en tant que rapporteur du budget de la consommation, je me suis rendu sur le terrain pour étudier la manière dont sont contrôlés les produits, notamment alimentaires, à leur entrée sur le territoire national et, plus largement, européen. J'ai rencontré des fonctionnaires de grande qualité, très précis et très engagés dans leur travail – ce qui est réconfortant – mais j'ai pu également constater les difficultés qu'ils rencontrent.
Ils sont notamment soumis à une forte pression en raison, d'une part, de l'augmentation des tonnages et du nombre des lots à contrôler et, d'autre part, de l'impatience des transitaires, qui leur font remarquer que, dans tel autre port de l'Union européenne, les dédouanements sont plus rapides – et peut-être également plus légers. D'ailleurs, les inspecteurs de la DGCCRF ont récemment retrouvé sur le marché d'Aix-en-Provence des mangues qui, refoulées dans le port de Marseille, étaient passées par l'Italie pour revenir sur le marché français.
Ma première question porte sur les moyens que vous entendez consacrer à ces contrôles sanitaires. En effet, si l'on veut améliorer la fluidité, comme le demandent les transitaires, sans nuire à la qualité des contrôles, il faut accroître les moyens. Un seul vétérinaire pour le port du Havre, c'est très insuffisant. Or ce ne sont pas les crédits prévus en 2008 qui permettront de recruter un deuxième vétérinaire, lequel est pourtant déjà prévu. Ce n'est pas à la hauteur des ambitions du port du Havre, qui envisage d'augmenter de 20 % ses capacités d'accueil en 2008.
Ma deuxième question a trait à l'harmonisation. Celle-ci progresse, certes, mais beaucoup reste à faire. C'est la protection des consommateurs qui est en jeu, puisqu'un contrôle effectué dans un pays de l'Union européenne vaut pour tout le territoire de l'Union. Au reste, certains transitaires l'ont bien compris, puisque l'on constate que 17 % des produits consommés sur le marché français passent par d'autres points d'entrée communautaires que ceux de notre pays. Je souhaite donc insister sur les responsabilités particulières qui vous incomberont à partir du 1er juillet 2008, lorsque la France présidera l'Union européenne. Il faudra que nous progressions encore vers l'harmonisation, laquelle devrait, à mon sens, passer par des échanges plus fréquents entre les différents postes d'entrée communautaires. Pour l'instant, ces échanges n'existent que dans le cadre des contrôles de l'Office alimentaire et vétérinaire de la Commission.
Les fonctionnaires qui oeuvrent sur le terrain seront certainement sensibles à cette reconnaissance de leur travail, monsieur Gaubert. Je vous remercie d'avoir ainsi témoigné de leurs compétences et de leur disponibilité, car leur tâche est difficile. Ces agents, qui ne sont pas toujours aussi nombreux qu'ils le devraient, apprécient en tout cas que les parlementaires, et parfois les ministres, leur rendent visite.
Ainsi que je l'ai indiqué lors de mon intervention, la France a pris, dans le cadre de sa présidence, l'initiative de la rédaction d'un mémorandum sur le renforcement et l'harmonisation des contrôles sanitaires à l'importation et sur la mise en oeuvre d'une vraie préférence communautaire. Nous nous fixons l'objectif de conclure cette réflexion à l'occasion d'un Conseil des ministres sous présidence française.
Par ailleurs, je souhaiterais compléter les chiffres que j'ai cités dans ma réponse à M. Chassaigne par des données concernant les produits végétaux. Près de 30 000 contrôles sont réalisés chaque année à l'importation et donnent lieu à près de six interceptions chaque jour. Près de 1 million d'euros seront consacrés en 2008 aux analyses réalisées dans le cadre de contrôles phytosanitaires aux échanges internationaux, soit une hausse de 31 % par rapport à 2007. Au total, ces contrôles aux échanges internationaux mobilisent 145 agents des services vétérinaires et près de 60 agents de services phytosanitaires.
J'ajoute que les animaux vivants et les produits d'origine animale importés doivent être obligatoirement présentés au premier point d'entrée de la Communauté dans un poste d'inspection frontalier – PIF – agréé par la Commission européenne. Par principe, les conditions sanitaires applicables aux importations en provenance des pays tiers doivent être au moins équivalentes à celles concernant la production et la mise sur le marché communautaire : c'est ce point que nous voulons vérifier plus rigoureusement. Le territoire français compte 31 PIF agréés, dotés d'environ 65 équivalents temps plein. Trois d'entre eux drainent 70 % des flux : l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, ainsi que les ports maritimes du Havre et de Marseille-Fos. Vous regrettez que le PIF du Havre ne compte qu'un vétérinaire, mais il mobilise à lui seul plus de 10 équivalents temps plein. Au cours de l'année 2006, les PIF français ont contrôlé plus de 65 000 lots de produits animaux, dont 327 refus, et 8 658 lots d'animaux vivants, dont 69 refus.
Ces chiffres révèlent l'ampleur de ces contrôles, qui seront renforcés et que nous allons nous efforcer d'harmoniser davantage dans le cadre communautaire. Par ailleurs, j'ai bien noté votre souhait, monsieur Gaubert, que soient pris en compte les besoins qui se font jour ici ou là.
Monsieur le ministre de l'agriculture, ma question porte sur les pesticides, dont vous avez déclaré vouloir réduire de 50 % le volume d'ici à dix ans. Mais sur quelle base allez-vous calculer cette diminution, puisque le volume de produits épandus peut varier du simple au double selon que la saison est sèche ou humide ?
En ce qui concerne les Antilles, je souhaiterais connaître votre réponse à la lettre que les commissaires européens, MM. Dimas et Kyprianou, vous ont adressée début octobre sur la question du chlordécone. On y apprend en effet que, contrairement à ce que prévoient les directives européennes, l'utilisation phytosanitaire de ce produit n'avait pas été notifiée par la France et, par ailleurs, qu'il devait être strictement interdit à partir de juillet 1993, alors qu'il a été utilisé, par dérogation, jusqu'en octobre 1993.
Par ailleurs, nous aimerions obtenir des précisions sur les mesures prises à l'époque pour vérifier l'interdiction de mise sur le marché des substances interdites, notamment les contrôles effectués sur les éventuelles filières d'utilisation illégale.
Enfin, l'un de nos collègues a évoqué tout à l'heure devant la commission des affaires économiques le problème des importations illégales et de l'écoulement des stocks se trouvant chez les exploitants ou les grossistes.
Plus généralement, il serait bon que le Parlement soit éclairé sur les mécanismes exacts des dysfonctionnements relatifs à l'utilisation de produits phytosanitaires, notamment aux Antilles, dysfonctionnements qui inquiètent à juste titre les acteurs de la santé publique ainsi que les populations concernées.
Monsieur le député, je vais m'engager personnellement dans la mise en oeuvre du plan de réduction des pesticides annoncé par le Président de la République, au-delà des 47 substances les plus préoccupantes que nous allons progressivement interdire dans les cinq années à venir. La première réunion du groupe interministériel, qui se tiendra aux environs du 15 novembre et que je présiderai, aura pour objet de dresser un inventaire de l'ensemble des produits utilisés et des cultures concernées ainsi que de faire le point sur les programmes de recherche, indispensables si l'on veut réduire de 50 % l'usage des pesticides. En effet, nous ne parviendrons pas à atteindre cet objectif ambitieux, qui doit être concilié avec la viabilité des exploitations, sans avoir recours à des solutions alternatives – traitements intégrés, procédés bio – qui, pour certaines, peuvent être mises en oeuvre dès maintenant et, pour d'autres, nécessiteront un effort de recherche.
Pour ce qui est du chlordécone, nous ferons preuve de la plus grande transparence. Les archives de mon ministère sont ouvertes, et je suis prêt à répondre à toutes les questions dans quelque cadre que ce soit – y compris judiciaire, le cas échéant.
Je rappelle que le chlordécone a fait l'objet d'une autorisation provisoire en 1972, avant d'être formellement autorisé en France en 1981. L'utilisation de cette substance a ensuite été interdite en 1992 sur la base d'un avis de la commission d'étude de la toxicité, mais a bénéficié de deux dérogations successives, d'une durée totale de dix-huit mois, à la demande des producteurs de bananes, qui invoquaient l'absence de traitement alternatif contre les charançons – un motif attesté, à l'époque, par un institut de recherche local. En 2002, à l'occasion de contrôles ciblés des stocks, dix tonnes de chlordécone ont toutefois été retrouvées dans quinze exploitations martiniquaises. Telles sont les données dont je dispose, étant précisé que nous pourrons, si nécessaire, effectuer des recherches complémentaires dans nos archives puisque, je le répète, nous n'avons rien à cacher.
Nous allons procéder à des analyses individualisées des cas de contamination mais, au-delà, nous nous attachons à tirer toutes les leçons de cette affaire. J'ai déjà réuni les producteurs de bananes des deux départements concernés ; ils se sont engagés à mettre en oeuvre un plan « zéro pesticide » ayant pour objectif la production de bananes « propres », notamment grâce aux produits bio en cours d'autorisation de mise sur le marché national. Face à ce problème grave, chacun doit agir avec volontarisme. Et pour ce qui est du passé, je répète que nous sommes disposés à faire preuve de la plus grande transparence possible.
Cette seconde question a trait à la fièvre catarrhale, dont un cas a été signalé la semaine dernière dans la région de Combourg, en Bretagne, dans une commune de ma circonscription. Quelques heures plus tard, cette annonce faisait l'objet d'un démenti.
Le bruit court que les importateurs italiens ont fait pression pour que soit rapportée la décision prise par vos services d'aménager une zone de protection. J'aimerais savoir s'il y a une part de vérité dans cette rumeur, monsieur le ministre, et en quoi a consisté l'intervention de vos services afin de régler le problème. L'éventuelle confirmation d'une intervention italienne devrait d'ailleurs nous amener à nous interroger sur certaines pratiques qui peuvent avoir cours dans d'autres États de l'Union européenne.
Monsieur le député, le cas que vous rapportez serait, me dit-on, la conséquence d'un « faux positif », c'est-à-dire d'un test sérologique initialement positif mais suivi d'une infirmation, laquelle a justifié, je suppose, la levée des mesures de protection. Je vais demander que le dossier relatif à cette affaire soit réexaminé, afin de pouvoir vous adresser une réponse écrite plus détaillée.
Puisque vous avez évoqué l'Italie, je veux souligner que nous avons beaucoup travaillé sur les questions sanitaires au niveau européen, d'abord en obtenant l'adoption d'un règlement sanitaire dans des délais extrêmement courts, ce dont je remercie la Commission européenne. Il existe désormais une réglementation européenne pour les mouvements des animaux, notamment les exportations de broutards, activité cruciale pour certaines zones d'élevage : plus d'un million de bovins sont en effet exportés vers l'Italie chaque année.
Ces flux risquant d'être fortement perturbés en raison de l'apparition de la fièvre catarrhale en France au cours de l'année 2006, nous avons entamé des discussions bilatérales avec les autorités italiennes, qui ont abouti à la signature d'un premier protocole technique à la fin du mois de septembre 2007. Enfin, un règlement européen a été adopté qui, s'appliquant à l'ensemble des États membres – il a été publié en vingt-deux langues au Journal officiel de l'Union européenne le 27 octobre dernier, dispose que l'on peut se dispenser d'un accord préalable du pays de destination sous réserve d'avoir procédé à une désinsectisation pendant une quinzaine de jours, suivie d'un contrôle virologique des animaux.
L'Italie ayant estimé que ces garanties sanitaires étaient insuffisantes pour protéger son territoire contre l'introduction du sérotype 8, nous avons organisé, il y a quatre jours, une réunion de travail qui a abouti à une solution : sous réserve de l'application en France, dès que possible, d'une vaccination des animaux identique à celle qui est pratiquée dans leur pays, les autorités italiennes ont autorisé la reprise immédiate des échanges. Les flux ont repris il y a 48 heures, ce qui semble mettre un terme à une affaire qui nous a longuement mobilisés et au sujet de laquelle nous restons vigilants.
J'appelle les crédits de la mission « Sécurité sanitaire », inscrits à l'état B.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Sécurité sanitaire ».
(Ces crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. Nous avons terminé l'examen des crédits relatifs à la sécurité sanitaire.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Jeudi 8 novembre 2007, à neuf heures trente, première séance publique :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008, no 189 :
Rapport, no 276, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Action extérieure de l'État :
Rapport spécial, n° 276, annexe 1, de M. Jean-François Mancel, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan ;
Avis, n° 277, tome I, de Mme Aurélie Filippetti, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;
Avis, n° 279, tome I, de Mme Geneviève Colot, au nom de la commission des affaires étrangères ;
Avis, n° 279, tome II, de M. François Rochebloine, au nom de la commission des affaires étrangères.
À quinze heures, deuxième séance publique :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008, no 189.
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation :
Rapport spécial, n° 276, annexe 5, de M. Jean-François Lamour, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan ;
Avis, n° 277, tome II, de M. Jean-Claude Mathis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;
Avis, n° 280, tome I, de M. Patrick Beaudouin, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.
À vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008, no 189.
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation (suite).
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 8 novembre 2007, à deux heures quarante.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton