Anticipation, prévention, veille, éthique de la responsabilité, ces notions mises en avant par Mme Bachelot inspirent également mon action dans le domaine dont j'ai la responsabilité.
Le projet de budget du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » est de 490 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 546 millions d'euros en crédits de paiement. La baisse provient essentiellement de celle, pour 20 millions d'euros, des crédits destinés à l'élimination des farines animales, qui devrait être menée à terme dans trois ans. Compte tenu de l'heure, j'apporterai par écrit à M. Door des précisions sur le rythme de cette élimination. Deux effets se conjuguent : la baisse des loyers des entrepôts et une meilleure valorisation des farines animales par les cimentiers eux-mêmes dans un contexte de hausse des prix de l'énergie. Compte tenu de cette correction, le projet de budget de ce programme pour 2008 augmente en fait de 1,1 %, comme M. Vialatte a d'ailleurs bien voulu le reconnaître.
Dans un contexte contraint, j'ai souhaité préserver quatre priorités. La première concerne la lutte contre les maladies animales, dotée d'un budget de 106 millions d'euros. Comme l'a constaté Jean-Pierre Door, un accent particulier sera porté sur la fièvre catarrhale ovine – maladie, à mon sens, la plus sérieuse que nous ayons eu à affronter depuis de longues années dans la mesure où elle touche cinquante-quatre départements – et sur l'influenza aviaire. La prévision des dépenses liées à cette dernière est en baisse, comme l'a fait remarquer votre rapporteur spécial, M. Le Maire. En effet, en l'absence d'épisode de crise, dans le cadre de l'optimisation de notre stratégie de surveillance et de veille, il n'était pas nécessaire d'y consacrer un montant supérieur pour 2008.
La deuxième priorité concerne la sécurité sanitaire des aliments d'origine tant animale que végétale. Dans le domaine animal, les crédits sont stables, grâce à une meilleure organisation des inspections en abattoir. Dans le domaine végétal, ils augmentent fortement, de 20 %, pour atteindre 19 millions d'euros en crédits de paiement. Ces crédits permettront de garantir la sécurité sanitaire des aliments et des conditions de production plus respectueuses de l'environnement ; d'améliorer la surveillance et les analyses de résidus de pesticides, dont a parlé Mme Billard ; de poursuivre la construction du laboratoire national de protection des végétaux d'Angers.
Les pesticides ont été évoqués en particulier par Mme Billard et M. Marie-Jeanne. Dans le prolongement de ce grand rendez-vous démocratique du Grenelle de l'Environnement, j'animerai, comme l'a demandé le Président de la République, en liaison avec Mme Bachelot, M. Borloo et sans doute Mme Alliot-Marie, un groupe qui s'occupera de la réduction de leur usage.
Vous parlez, madame Billard, de propositions du Président de la République qui seraient en retrait par rapport à un plan annoncé qui était ambitieux et qui visait quarante-sept substances parmi les plus dangereuses. Lors du Grenelle de l'environnement, j'ai moi-même annoncé que nous avions décidé de réduire assez vite, voire de retirer du marché ces quarante-sept substances. Une trentaine d'entre elles seront interdites l'an prochain, dix autres le seront en 2010 et le programme aboutira en 2012. De plus, nous mettrons en oeuvre le plan annoncé par le chef de l'État, qui m'a chargé d'animer un travail interministériel visant à réduire de 50 % en dix ans l'utilisation des pesticides. Nous poursuivrons ce programme ambitieux avec beaucoup de détermination et, sur ce sujet qui intéresse également d'autres ministères que les nôtres, nous réussirons en concentrant nos moyens sur la recherche, notamment agronomique.
Monsieur Vialatte, vous vous êtes inquiété de ce que vous avez nommé notre faible niveau d'exigence en matière de respect des normes sur les pesticides. Il est évident que les différentes décisions prises dans le cadre du Grenelle de l'environnement nous permettront de manifester des ambitions plus importantes que celles que nous avions affichées jusqu'alors et, partant, plus conformes à vos voeux.
Enfin, madame Billard, les antibiotiques utilisés comme activateurs de croissance sont interdits en France depuis 2006, comme ils le sont au Danemark, que vous avez cité.
Ma troisième priorité sera de maintenir le haut niveau d'expertise de l'AFSSA. Cette institution sur laquelle M. Vialatte et Mme Billard ont insisté, et à laquelle le rapporteur spécial, M. Le Maire, attache tant d'importance, est reconnue au niveau international. Pour joindre les actes aux mots, la subvention apportée par mon ministère, qui représente 88 % de l'apport de l'État, s'établira l'année prochaine à 52,34 millions d'euros, soit une hausse de 6,6 % par rapport à 2007. Nous appliquons ainsi un accord d'objectifs et de moyens pluriannuel entre l'AFSSA et l'État.
Ma quatrième priorité concerne les contrôles sanitaires à l'importation, dans un contexte dominé par l'accroissement des échanges. Elle répond elle aussi à une demande extrêmement forte du Président de la République. Celui-ci a annoncé à Rennes, lors d'un grand discours sur la future politique agricole commune, la nécessité, pour l'Europe et pour la France, de ne pas être naïf et de vérifier, plus que par le passé, que les produits entrant sur notre territoire respectent les normes et les exigences que nous imposons à nos propres producteurs. Nous renforcerons par conséquent les contrôles sanitaires à l'importation.
Dans ce domaine, je vous confirme, monsieur Door, que la France a pris l'initiative, pour préparer sa présidence, de rédiger un mémorandum sur le renforcement des contrôles sanitaires, qui constitue un aspect de la nouvelle préférence européenne qu'elle veut proposer à ses partenaires. Cette initiative s'inscrit dans un contexte marqué régulièrement par les problèmes posés par les produits importés, notamment de Chine. Nous souhaitons aboutir, dans le cadre d'un Conseil des ministres sous présidence française, à un renforcement coordonné mais cohérent de l'attitude des pays européens à l'égard des produits importés. Notre proposition vise à faire évoluer les règles du commerce international, à privilégier l'évaluation des risques à l'importation, à renforcer et à harmoniser les contrôles aux frontières. En somme, il s'agit d'aller vers un « paquet hygiène importations », qui offrirait à tous les pays européens un cadre législatif horizontal de référence unique.
Je terminerai ce panorama rapide mais complet en évoquant les services déconcentrés de mon administration. Le budget des directions départementales des services vétérinaires est en légère augmentation, avec des effectifs un peu supérieurs à 5 000 agents. Je n'oublie pas non plus les services de la protection des végétaux, inscrits dans la mission « Agriculture », qui, comme l'a rappelé M. Vialatte, concourent à ce programme. Devant la représentation nationale, je veux rendre un hommage sincère à l'ensemble de ces services dont je salue la réactivité et la disponibilité. Nous les avons beaucoup sollicités, notamment pour lutter contre la fièvre catarrhale ovine, tout comme les vétérinaires libéraux, d'ailleurs, que je tiens également à remercier. Si nous travaillons bien ensemble, c'est parce que, par tous les moyens, dans un cadre interministériel et à l'échelon départemental, nous appliquons le principe de précaution évoqué par M. Huet. Je tiens particulièrement à ce principe : je me souviens qu'en 1995 j'ai été le premier à proposer, à cette même tribune, de l'inscrire dans la loi française.
Je souhaite lancer ces services dans une dynamique de révision générale des politiques publiques, en renforçant leur implantation départementale, pour qu'ils soient le plus près possible des problèmes, des gens et des exploitations. Leurs missions doivent prendre place au niveau régional réformé du ministère de l'agriculture et de la pêche.
Avant de conclure, j'évoquerai encore quelques sujets, dans un cadre général.
Mme Bachelot a très bien indiqué que nous devions nous préparer à une explosion générale, pouvant survenir n'importe où et n'importe comment, de toutes sortes de pathogènes émergents, qu'ils touchent les végétaux, les animaux ou les humains. C'est ainsi que la fièvre catarrhale ovine, imputable au virus numéro 8, arrivé directement aux Pays-Bas, a touché l'ensemble des pays d'Europe du Nord, avant de s'étendre jusqu'au sud de notre pays. Beaucoup d'entre vous l'ont souligné, cette maladie s'est développée de manière explosive : à ce jour, plus de 8 000 cas ont été identifiés en France.
Dès le mois de septembre, j'ai saisi la Commission européenne pour demander la mise en place d'une stratégie communautaire de vaccination et de financement des mesures sanitaires. La réponse appropriée à une maladie qui touche aujourd'hui neuf pays d'Europe ne peut être qu'européenne. L'État a déjà mis en place, pour les éleveurs concernés, un soutien financier immédiat, à hauteur de 13,5 millions. Il est cependant trop tôt pour tirer les conséquences financières de la crise. En 2008, le Gouvernement prendra les mesures nécessaires, en pratiquant les redéploiements qui s'imposeront.
Par ailleurs, j'annonce à la représentation nationale que la France vient de publier un appel d'offres pour l'achat de plusieurs de dizaines de millions de doses de vaccins, seule arme efficace contre la maladie. Notre pays est le premier de l'Union européenne à procéder ainsi à la mise en concurrence de laboratoires internationaux afin de disposer en priorité des premières doses disponibles permettant de lutter contre le virus.
Après la ministre de la santé, je dirai aussi un mot du chlordécone, qu'ont mentionné Mme Billard et M. Marie-Jeanne. Ce produit utilisé jusqu'en septembre 1993 aux Antilles, pour lutter contre un insecte qui ravage la banane, a contaminé les sols, les cultures, ainsi que certaines eaux superficielles. L'identification des zones et des sources polluées est l'une des priorités du nouveau plan d'action interministériel sur le chlordécone, comme nous avons eu l'occasion, Mme Bachelot et moi-même, de le souligner, lors d'une audition au Sénat. Nous travaillons par ailleurs à mettre en oeuvre des « diagnostics-actions » de l'état des terres dans chaque exploitation, afin de proposer à terme des solutions d'accompagnement personnalisées aux agriculteurs. Il faut en effet tirer des leçons de chaque catastrophe.
Ainsi, après que le cyclone Dean a touché gravement la Martinique et la Guadeloupe, compromettant la culture de la banane, si importante aux Antilles, nous avons engagé une action extrêmement volontariste en collaboration avec les exploitants. Pour la prochaine période de culture, il faut mettre en place dans l'ensemble des Antilles de nouvelles pratiques et un mode de production agricole durable de la banane.
Monsieur Le Maire et monsieur Vialatte, dans les grands débats qui s'ouvriront dès que sera connu, courant novembre, le bilan de santé de la politique agricole commune tel que la Commission l'aura présenté son rapport, nous devrons prendre des décisions d'ajustement de la PAC pour 2008. De plus, dans le cadre du grand débat que le chef de l'État nous a demandé d'ouvrir dès le mois de juillet 2008, afin de prévoir l'après-2013, la France avancera le plus tôt possible des propositions pour une meilleure gestion des risques. Le sujet m'intéresse depuis longtemps. J'ai eu l'occasion de le montrer, il y a quelques années, en tant que ministre de l'environnement, puis comme commissaire, en créant un fonds de solidarité, et, il y a quelques mois, en proposant la création d'une force européenne de protection civile, qui pourrait, le cas échéant, offrir une meilleure réponse aux risques de pandémie ou de terrorisme. Pour prévenir les crises économiques, comme celle qui touche actuellement les producteurs de la filière porcine ou d'autres filières animales affectées par l'augmentation du prix des matières premières, ou pour prévenir les risques crises sanitaires ou climatiques – quand ils ne se cumulent pas –, nous ne disposons pas d'outils nationaux ou européens adaptés et nous en sommes réduits aux bouts de ficelle. Nous serons par conséquent dans notre rôle en promouvant, au niveau européen, au cours des débats sur l'évolution de la PAC, la création, pour la prévention et la gestion des risques économiques, ainsi que pour la gestion et la réparation des risques sanitaires ou climatiques, des systèmes de mutualisation, d'assurance et de prévention. Ce sera l'une des propositions fortes de la France dans les discussions qui vont s'ouvrir sur la nouvelle politique alimentaire, territoriale et agricole de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)