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Intervention de Alfred Marie-Jeanne

Réunion du 7 novembre 2007 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2008 — Ouverture de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlfred Marie-Jeanne :

Madame la présidente, madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, l'épidémie de dengue qui sévit actuellement en Martinique, avec plus de 8 000 cas recensés, démontre l'intérêt renouvelé d'une réflexion approfondie sur les problèmes de santé et sur la prévention des maladies dites émergentes. L'homme étant de plus en plus exposé aux risques créés par sa propre activité, la sécurité sanitaire est même devenue un pilier permanent de l'action politique. Une succession d'affaires − sang contaminé, vache folle, listeria, légionellose, grippe aviaire, chikungunya, séquelles multiformes de l'usage abusif de produits phytosanitaires tels que le chlordécone, déjections industrielles dans l'air ou dans l'eau − en offre des témoignages patents. On le constate, la maladie est toujours à l'affût, ce qui nous fait un devoir de rester vigilants et, de plus en plus, de prendre les devants.

Les politiques publiques doivent donc s'organiser à deux niveaux : le curatif, avec la gestion des crises sanitaires existantes et la réparation des dégâts constatés ; le préventif, avec la capacité de gestion en amont des crises sanitaires potentielles.

À propos du curatif, il faut reconnaître que la Martinique est dotée d'un système de surveillance sanitaire relativement développé et performant. Cependant, il fait la part belle à la rétrospection. Or la seule approche rétrospective de gestion de crise, aussi impérative soit-elle, pour évaluer les risques sur la base de constats scientifiques, ne permet pas une anticipation suffisante des problèmes sanitaires qui se posent actuellement à nous. L'affaire de l'amiante en est une illustration, de même que celle de l'usage des pesticides, tant en France qu'en Guadeloupe et en Martinique. Cette approche ressort pourtant fortement dans les études faites par les inspections générales, l'Institut de veille sanitaire et l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.

L'évaluation des risques est très utile pour apprécier l'ampleur d'une catastrophe, par exemple, dans le cas de la Guadeloupe et de la Martinique, pour mettre à jour la cartographie des sols contaminés et de ceux qui ne le sont pas. L'évaluation doit aider à prendre certaines décisions de précaution, telles que l'autorisation préalable de mise en culture des légumes racines ou l'interdiction de la pêche dans les rivières polluées. Pour autant, ce n'est pas seulement après constat des dégâts que l'on doit réagir.

La France est le premier pays européen et le troisième au monde pour la consommation des pesticides, évaluée à 80 000 tonnes par an. Il y a de quoi douter de la qualité des produits consommés. Depuis plusieurs années, les alertes se succèdent. Moi-même, le 10 mai 2000, j'ai interpellé le gouvernement sur la nécessité de répondre effectivement aux impératifs de précaution et de traçabilité. Je n'ai, hélas, pas été entendu.

La décision prise par le Gouvernement de réduire significativement l'usage des produits toxiques va dans le bon sens. Encore faut-il l'appliquer et la faire respecter en empêchant qu'elle ne soit contournée. En Guadeloupe et en Martinique, à la suite du constat de contamination, la consommation des produits locaux s'est effondrée.

En raison de leur petitesse et de leur vulnérabilité, la reconstruction de ces pays doit reposer sur une application optimale du principe de précaution, par le biais d'un plan de surveillance évaluant l'évolution du taux de contamination, d'un plan de décontamination complète des sols et des eaux, d'un projet de développement agricole respectueux de l'environnement et de la santé des hommes, et par le développement de moyens de lutte biologiques. C'est ainsi que le conseil régional a financé les recherches d'un jeune doctorant sur un biopesticide. Les résultats obtenus paraissent probants.

Au lieu d'aller dans ce sens, la commission Attali préconise le retrait pur et simple du principe de précaution de la Charte de l'environnement adossée à la Constitution depuis 2005, au motif qu'il serait un frein à la croissance. C'est déjà l'amorce d'un premier contournement. Cette position inattendue est un déni et un défi.

Pour nous, Guadeloupéens et Martiniquais, sortir de la crise est une nécessité, ne pas répéter les erreurs passées une obligation, retrouver la confiance suppose d'en payer le prix.

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