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Intervention de Roselyne Bachelot-Narquin

Réunion du 7 novembre 2007 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2008 — Ouverture de la discussion

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports :

Madame la présidente, madame et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, mon cher collègue, être en mesure de répondre, se préparer à agir au moment opportun, ne pas se laisser surprendre quand la population est exposée au risque, quand le pays est sujet à des menaces inédites, voilà ce qui définit clairement le propre de la puissance mise au service du public.

Dans un monde plus que jamais incertain, la négligence, l'impréparation, seraient impardonnables. Manquer l'occasion de nous prémunir contre l'aléa serait une faute dès lors que nous pouvons nous en donner les moyens.

Assurer la sécurité sanitaire de la population, Guénhaël Huet le rappelait à l'instant, constitue bien une de nos grandes missions régaliennes. C'est dans les situations de péril que la puissance publique, pour inspirer confiance, doit savoir démontrer son efficacité. L'État puise en effet sa crédibilité dans sa capacité propre à garantir la protection des personnes et la cohésion sociale.

Vous avez, les uns et les autres, évoqué deux sujets principaux : la surveillance environnementale ; la prévention et la gestion des crises.

Martine Billard a insisté sur la surveillance environnementale et la gestion de l'eau. Il s'agit évidemment de mettre en oeuvre les recommandations du comité d'évaluation du plan national santé environnement, ce premier PNSE à l'élaboration duquel j'ai d'ailleurs participé, qui a rendu son rapport à l'été 2007, de mettre en oeuvre aussi les propositions qui seront retenues dans le cadre du Grenelle de l'environnement, notamment en ce qui concerne la qualité des eaux distribuées et la protection des captages d'eau destinée à la consommation humaine, le développement d'une stratégie de prévention des risques liés à la qualité de l'air intérieur, le renforcement de la réglementation sur l'amiante et la réhabilitation des logements insalubres.

Pour ce qui concerne la qualité des eaux, je vous signale que le système SISE-Eau, système d'information sur les données relatives à la qualité des eaux codéveloppé par la direction générale de la santé et qui est utilisé en France, est réputé pour être l'un des meilleurs d'Europe.

Pour ce qui concerne la prévention et la gestion des crises, qui a surtout occupé ces débats, il faut dire en préambule qu'il convient de ne pas se laisser surprendre et de savoir regarder la réalité en face : presque tous les orateurs nous l'ont dit.

Toute ma politique est fondée sur cet axiome : la gestion du risque. Sa prévention active suppose une conscience claire et partagée du risque, excluant tout faux-fuyant.

Comme l'a rappelé Jean-Pierre Door, dans un contexte mondialisé, la possibilité d'une pandémie grippale, dérivée de la grippe aviaire, n'est pas une pure hypothèse d'école. De même, nous savons tous que des maladies connues initialement sous d'autres latitudes apparaissent en Europe. Ainsi l'installation d'insectes vecteurs est facilitée par l'évolution des conditions climatiques, le développement des transports aériens et des échanges économiques. Des virus peuvent être introduits accidentellement et se multiplier en profitant des vecteurs présents localement. Ce fut le cas cet été avec le chikungunya en Italie, ce pourrait être le cas demain sur le territoire national.

Les catastrophes survenues ces dernières années, catastrophes qui restent ancrées dans nos mémoires, nous obligent donc à prévoir un renforcement efficace des dispositifs de gestion des crises.

Certes, des plans de prévention et de gestion de crises, permettant de faire face aux menaces connues à ce jour, sont d'ores et déjà établis. Je pense, en particulier, au plan canicule et au plan de lutte contre la pandémie grippale. Cependant, ces plans doivent être actualisés en permanence, et surtout, de nouvelles menaces doivent être prises en compte.

Comme Bruno Le Maire, votre rapporteur spécial, l'a fort justement souligné, nos actions ne sont efficaces que si elles sont correctement coordonnées. C'est ainsi que, depuis l'été 2003, le directeur général de la santé réunit chaque semaine les directeurs d'agence. Ces réunions permettent un échange dense d'informations sur les sujets de sécurité sanitaire qui émergent, ainsi que d'esquisser les stratégies de réponse à certaines situations et de définir les bases de l'articulation et de la coopération entre les agences sur divers thèmes. Mon cabinet y participe, de même que la direction de la défense et de la sécurité civile du ministère de l'intérieur et, depuis peu, l'INSERM et le directeur général de l'alimentation. Ces réunions permettent d'avoir le même niveau d'information, de participer aux débats et de décider en commun de certaines orientations.

Ces échanges esquissent les réflexions qui seront nécessaires sur l'évolution du pilotage des agences, afin de porter à maturité ce dispositif et de garantir au mieux l'efficacité et l'efficience des politiques de santé publique et de sécurité sanitaire, ce qui rejoint les considérations évoquées par Bruno Le Maire et Claude Leteurtre.

Dans le même esprit, il m'a d'emblée paru nécessaire de favoriser la mise en place d'une chaîne d'information et d'alerte adaptée qui permette à l'État de répondre rapidement aux situations nationales de risque sanitaire. J'ai répondu sur ce sujet à une question que vous m'avez posée cet après-midi, monsieur Le Maire. J'ai donc simplifié et optimisé la chaîne de remontée d'informations, en instaurant un dispositif centralisé de réception et de gestion des alertes, le dispositif CORRUSS : centre opérationnel de réception et de régulation des urgences sanitaires et sociales. Ce dispositif fédère et focalise l'ensemble des alertes sanitaires de portée nationale ou internationale qui peuvent nécessiter l'intervention de mon ministère pour une gestion coordonnée de l'événement.

Des expériences passées, bien des leçons ont pu être tirées.

Premier enseignement : l'urgence exclut l'improvisation. Le discernement qui nous permet d'agir vite et bien suppose de savoir allier la capacité de voir venir à la rapidité du coup d'oeil. Ainsi doivent s'unir esprit de prévision et esprit de décision, largeur de vue et rapidité d'exécution. En ce sens, la diffusion bien ciblée, sur tout le territoire, des produits nécessaires en cas de crise majeure, implique une gestion globale, équitable et rationnelle des stocks disponibles.

Second enseignement : dans les situations d'extrême urgence, il faut, pour bien faire, savoir très à l'avance sur qui compter. Il faut pouvoir mobiliser sans tergiverser les personnes aptes à agir en toutes circonstances. C'est pourquoi les hommes et les femmes qui devront participer aux difficiles opérations de protection des populations doivent, très en amont, être désignés, formés, identifiés comme d'authentiques professionnels de la crise sanitaire.

Les deux grandes missions confiées à l'EPRUS – l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires –, que j'ai installé cet été et qui sera doté d'un budget de 75 millions d'euros en autorisations d'engagement sur les crédits de l'État et du même montant sur ceux de l'assurance maladie, répondent clairement à ces besoins. Placé sous la tutelle du ministère de la santé, cet établissement public aura, en effet, la responsabilité de provisionner les stocks nécessaires en cas de crise pour procéder a leur diffusion optimale le moment venu. Il sera aussi chargé de cette oeuvre essentielle pour notre pays qui consistera à organiser, de manière inédite, la constitution d'un corps de réserve composé de professionnels. Seules l'efficacité exemplaire et l'inventivité logistique dont l'EPRUS fera preuve justifient les moyens dont il va disposer. L'opérationnalité, en effet, constitue le maître mot de cette double mission.

Ainsi, l'efficacité des mécanismes de déploiement des stocks et de la réserve sur le terrain devrait être rapidement éprouvée. A cette fin, l'exercice national 2007 consacré à la pandémie grippale, qui aura lieu mi-décembre, sera l'occasion de tester l'effectivité du dispositif.

Rappelons, monsieur Marie-Jeanne, que ce nouvel établissement a d'ores et déjà été mobilisé, pour la première fois, dans le cadre de l'épidémie de dengue qui sévit aux Antilles. Grâce au dispositif de veille mis en place avec les médecins sentinelles locaux et en coopération avec l'Institut national de veille sanitaire, les autorités sanitaires locales et nationales suivent depuis fin août la courbe de cette épidémie qui est en phase de recrudescence saisonnière et dont la progression est malheureusement favorisée cette année par les milliers de tonnes de déchets verts laissés par le cyclone Dean, déchets qui sont autant de gîtes larvaires potentiels. Le nombre de nouveaux cas observés continue d'augmenter, à raison de 1 600 par semaine en Martinique et de 1 000 en Guadeloupe, dépassant, pour la Martinique, le pic hebdomadaire enregistré lors de l'épidémie de 2005. J'ai par conséquent décidé, en concertation avec les autorités sanitaires locales, de débloquer des moyens humains et financiers supplémentaires pour permettre aux départements des Antilles de mieux faire face à cette épidémie, à laquelle s'ajoutent celles de bronchiolite et de gastroentérite qui compliquent le travail de la filière pédiatrique. Grâce à l'EPRUS et à la collaboration du SAMU de France, j'ai pu mobiliser dix-huit professionnels de santé volontaires pour renforcer immédiatement les équipes soignantes en Martinique. Cette mission sera prolongée tant que la situation sanitaire le rendra nécessaire. L'envoi de renforts à la Guadeloupe est en cours d'étude. La décision sera prise dans les tout prochains jours. Je tiens à saluer l'activité et l'énergie de ces professionnels, ainsi que le courage des équipes soignantes locales qui ont été très sollicitées après le passage du cyclone.

Vous avez demandé, monsieur Marie-Jeanne, une meilleure coordination de la veille sanitaire. Après l'épidémie de chikungunya à la Réunion, nous avons installé un centre de veille pour l'océan Indien. Nous réfléchissons à l'installation d'un organisme similaire pour l'arc antillais. Je me rendrai à la Réunion, début décembre, pour assister à une réunion du centre de veille et de l'INVS.

Cette amélioration de l'organisation s'accompagnera en 2008 d'un effort budgétaire significatif. Le budget du programme « Veille et sécurité sanitaires » augmentera ainsi, l'an prochain, de plus de 50 %, puisqu'il est porté à 164 millions d'euros. Ce dispositif doit en particulier permettre de répondre de façon optimale à la menace majeure qui reste, aujourd'hui, celle d'une pandémie grippale.

Je reviens du sommet du « G7 + Mexique » à Washington, où j'ai exprimé l'engagement de la France à faire avancer les connaissances afin de mieux lutter contre cette pandémie. Nous nous sommes également intéressés aux risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques. La France anime d'ailleurs un groupe de travail sur les menaces radionucléaires. J'ai demandé que ce sujet, et au delà la question de la sécurité sanitaire, soit un axe prioritaire de la présidence française de l'Union européenne en 2008. J'ai donc anticipé votre demande, monsieur Le Maire. Il est évident, en effet, que pour faire face à la propagation de risques, une coordination plus étroite entre les États membres s'impose.

Il apparaît en définitive – nos partenaires étrangers le reconnaissent – que La France dispose d'un des plans de préparation les plus avancés. Il est actualisé régulièrement pour être amélioré en permanence, en particulier sur la question de la mobilisation citoyenne.

À juste titre, nous pourrons être fiers si non seulement nous démontrons que le projet est bon ou que les intentions sont louables, mais surtout si nos efforts, le moment venu, se trouvent couronnés de succès. C'est pourquoi je veillerai avec la plus grande vigilance à ce que l'engagement de l'État soit toujours à la hauteur des espérances qu'il suscite. Je ne manquerai pas de m'assurer régulièrement de l'opérationnalité des dispositifs déployés. C'est dans cette optique que j'assisterai vendredi, à Bordeaux, à un exercice régional de pandémie grippale organisée par la zone de défense Sud-Ouest et que j'ai annoncé l'exercice national du 12 décembre.

Dans le même esprit, si j'ai décidé de me rendre à la Réunion, c'est pour apprécier l'état d'avancement de la recherche et la bonne application des mesures engagées depuis la dernière épidémie.

Garantir la sécurité sanitaire de la population constitue bien une de nos grandes obligations régaliennes. C'est ici l'éthique de la responsabilité qui soutiendra tous nos efforts, efforts inlassables pour que les initiatives prises ne soient pas trahies par la suite.

Nous bénéficions d'un système de veille et de sécurité sanitaire qui prétend se situer, en Europe, à la pointe de l'excellence. Vous pouvez être assurés de ma détermination sans faille, dès lors qu'il s'agira d'assurer le pilotage efficace de cette grande mission de la puissance publique qu'est la protection des populations contre le risque sanitaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

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