Madame la présidente, madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, l'historien byzantin Procope rapporte que, vers 542, éclata une épidémie qui détruisit presque tout le genre humain. On n'avait aucun moyen efficace pour prévenir à temps l'invasion de la maladie ou pour en conjurer la terminaison fatale.
Les épidémies ont bouleversé le cours de l'histoire pendant plusieurs siècles, celles de peste noire ont traversé l'Europe, et les pays européens ont dû édicter des mesures draconiennes qui furent les premiers pas de la « police médicale », de la « biopolitique » évoquée par le philosophe Michel Foucault, un pouvoir qui s'exerce sur ou contre l'individu pour le bien proclamé de toute la société.
Nous avons ainsi construit, étape après étape, une stratégie opérationnelle de sécurité sanitaire, qu'elle s'effectue dans le domaine du soin, des aliments, du travail ou de l'environnement. La France dispose donc aujourd'hui de plusieurs agences sanitaires, chacune active dans sa spécialité. Notre pays s'est doté d'un acquis indéniable en matière d'organisation.
Si la variole, la syphilis, la lèpre, la peste, qui ont été des fléaux meurtriers, ont pu disparaître, sans doute pour diverses raisons, l'efficacité nouvelle des interventions étatiques semble avoir joué un rôle.
Sont venus ensuite l'épidémie de sida, la vache folle, la grippe aviaire, le SRAS, le chikungunya, et la résurgence du bacille de la tuberculose sur les deux tiers de la planète, qui, à leur tour et à leur manière, ont éveillé la prise de conscience du caractère majeur du risque sanitaire épidémique et de l'absolue nécessité d'anticiper la survenance de dangers qui ne sont qu'imparfaitement connus.
Le mode de vie moderne, la rapidité des transports et l'ampleur des flux de population, migratoires comme touristiques, constituent indéniablement un facteur de dissémination de ces maladies épidémiques. Mais ce n'est plus le seul facteur, il y a aussi le bioterrorisme que l'on ne peut sous-estimer. Paradoxe, c'est dans ces années de sécurisation à outrance que d'autres risques, que nous ne connaissons pas encore, pointent leur nez ; témoin la menace terroriste des dernières années qui remet au goût du jour des maladies que l'on préférait oublier, telles que le charbon, la variole et la peste.
L'organisation du paysage de la sécurité sanitaire paraît complexe du fait de la multiplication des agences mais elle est peut-être nécessaire. Le rapport sénatorial de M. Huriet évoquait il y a deux ans maintenant la création d'un conseil national de sécurité sanitaire éventuellement chargé de coordonner les actions. Qu'en est-il, madame la ministre ?
À côté des cinq agences déjà répertoriées, l'année 2008 verra la naissance d'un nouvel établissement public pour la préparation et la réponse aux urgences sanitaires de grande ampleur, l'EPRUS. J'avais d'ailleurs soutenu, en tant que rapporteur, la loi créant cet établissement car le risque, en particulier, d'une pandémie grippale planétaire, risque toujours d'actualité nécessitait de se doter de moyens pour mobiliser un corps de réserve sanitaire et pour stocker les produits indispensables à la protection de la population. Une dotation de 75 millions d'euros est inscrite à ce titre.
Les crédits budgétaires de cette mission correspondent, il convient de le noter avec satisfaction, à une augmentation par rapport à 2007 d'un peu plus de 11 % en autorisations d'engagement et de 8 % en crédits de paiement. Ce budget est bon. Il ne recourt pas à des effets d'annonce ou à des progressions de crédits qui ne rimeraient à rien.
Le budget concernant le programme « Veille et sécurité sanitaires » permet de poursuivre la politique de sécurité sanitaire engagée depuis plusieurs années et il met en action une dotation supplémentaire conséquente pour l'établissement public, l'EPRUS.
Le second budget se rapporte au programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », qui relève, lui, du ministère de l'agriculture et de la pêche. Il connaît par rapport à 2007 une hausse modeste de 1,1 %. Il est à noter une diminution des moyens relatifs à l'élimination des farines animales, ces farines connaissant elles-mêmes une réduction de volume. À ce propos, j'aimerais savoir, monsieur le ministre, où nous en sommes dans cette affaire d'élimination des farines animales, que nous retrouvons parfois stockées sur nos territoires communaux.
Il faut reconnaître que des efforts importants ont été déployés pour lutter contre les maladies animales, qu'il s'agisse de l'ESB, de la tremblante ovine, ou encore, récemment, de la fièvre catarrhale ovine qui se propage en France comme en Europe.
S'agissant de la lutte contre l'épizootie aviaire au H5N1, dans laquelle vous connaissez mon implication personnelle, je rappellerai simplement que nous ne devons surtout pas baisser la garde. Rien ne serait pire que de nier le risque. Dans un contexte dominé par la mondialisation, les règles sanitaires doivent s'appliquer à tous.
Le risque lié à la mutation du H5N1 commande que le nouveau règlement sanitaire international soit pleinement appliqué dès cette année, comme l'avait réclamé la mission d'information que j'ai conduite avec mon collègue Jean-Marie Le Guen. Ce RSI impose des organisations renforcées de tous les États et une harmonisation aux niveaux européen et international. Il existe aujourd'hui une certaine fragilité et surtout une certaine inconstance chez certains États, soit par manque de moyens, soit parce qu'ils sont récalcitrants.
En 2008, la France assurera la présidence de l'Union européenne. Je vous remercie, madame la ministre, de votre engagement personnel lors d'une réunion tenue il y a quelques jours à Washington. Je vous encourage bien entendu à veiller à ce que la Commission européenne chargée de la sécurité sanitaire soit plus forte, qu'elle fasse preuve d'un esprit d'anticipation et qu'elle se montre plus responsable, comme nous l'avons fait nous-mêmes sur le plan national. Je vous fais confiance.
Il faut une politique de coopération alliant transparence de l'information, des données scientifiques, des programmes de recherche, et des moyens de protection et de défense pour tous, sur notre territoire et dans les pays voisins.
Bien entendu, madame la ministre, monsieur le ministre, le groupe UMP donne un avis très favorable à l'adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)