La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle le débat sur les conclusions du sommet européen du 26 octobre et du G20 des 3 et 4 novembre 2011.
Nous allons d'abord entendre les porte-parole des groupes, le temps qui leur est imparti étant limité à cinq minutes.
Pour le groupe GDR, la parole est à M. Alain Bocquet.
Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le 25 septembre 2008, à Toulon, le Président de la République déclarait vouloir « refonder le capitalisme et le moraliser ». Où en est-on, trois ans plus tard, après la tenue de six sommets du G20 ? Le bilan est catastrophique.
En 2008, à la veille du premier G20 censé museler les fauteurs de crise, on comptait 179 millions de chômeurs dans le monde. On en était à 203 millions à l'heure du G20 de Cannes, soit 24 millions de plus.
On estime à 125 milliards d'euros par an l'évasion des profits des multinationales vers des paradis fiscaux que le G20 n'a aucune intention de supprimer. Or 125 milliards d'euros, c'est quatre fois l'aide nécessaire pour éradiquer la faim dans le monde, dont souffrent un milliard d'êtres humains, un habitant sur sept de la planète. Ces chiffres signent la faillite d'un système capitaliste que le G20 tente laborieusement de rafistoler alors que la question de fond consiste bel et bien à le dépasser.
À l'heure du palmarès, il n'y a pas eu de surprise à Cannes : aucune palme pour l'emploi ni pour la croissance ; aucune pour l'investissement public mis au service des besoins des peuples.
En deux ans, les États européens ont fourni 4 500 milliards d'euros d'aides publiques aux banques privées. Les dirigeants européens ont ainsi directement fait de la crise des bourses une crise des États, transformant la dette privée en dette publique pour la faire payer par les peuples.
Le fameux triple A ne signifie rien d'autre que, pour le premier A, l'arbitraire qui foule au pied le vote « non » des Français de 2005 et qui interdit de parole les Grecs en 2011.
C'est cela qu'on appelle, monsieur le ministre, une effraction. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Le second A, c'est celui de l'argent roi qui pousse le MEDEF à exiger plus de libéralisation des échanges, plus de flexibilité du travail, plus de mises en coupe réglée des États.
Le troisième A est celui de l'austérité portée jusqu'aux extrêmes de la rigueur alors qu'un Français sur sept vit en dessous du seuil de pauvreté et qu'un rapport du secours catholique confirmait, hier encore, l'inquiétante précarité des jeunes.
Le G20 prétend répondre à la crise par l'austérité. Vous n'aurez donc pas été très longs à appliquer les orientations de ce sommet mondial en portant de nouveaux coups à notre système de retraite et en pénalisant les ménages par une augmentation de la TVA qui pèsera deux fois plus lourd sur les couches populaires et moyennes que sur les riches. Ainsi, les dividendes versés par l'Oréal à la famille Bettencourt, en progression constante, sont passés, ainsi que le révèle aujourd'hui L'Humanité, de 185 millions d'euros en 2004 à 334 millions en 2010.
Enfin, la désindexation des prestations sociales frappera des millions d'allocataires sociaux qui seront privés de 400 millions d'euros d'allocations familiales et d'aides au logement.
Nous combattons vos choix et vous opposons des mesures de rupture avec les exigences des marchés financiers devant lesquels vous vous couchez lamentablement. La question, ce n'est pas pour la France de céder aux agences de notation mais de répondre aux besoins immenses de son peuple. Sur ce chemin, nous revendiquons la taxation des transactions financières et la suppression des paradis fiscaux.
Face à l'impasse de l'austérité qui conduit la France à la récession, nous proposons des dispositions de justice et de progrès : revalorisation des salaires et du pouvoir d'achat, lancement d'une vraie réforme de l'impôt mettant à contribution les catégories les plus riches et taxant les profits financiers des entreprises, création d'un pôle bancaire public plaçant le crédit et l'épargne au service d'une véritable politique de l'emploi et de l'industrie, de la formation et de la recherche. Enfin, il faut sortir des sentiers battus des traités ultra-libéraux de celui de Maastricht jusqu'à celui de Lisbonne, pour engager la construction d'une Europe nouvelle, respectueuse des peuples, sociale et démocratique.
Monsieur le ministre, face au diktat du G20, les députés communistes et ceux du parti de gauche soutiennent plus que jamais l'exigence de l'humain d'abord. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, messieurs les ministres,nous sommes ici pour évoquer les conclusions du sommet européen du 26 octobre et du G20 des 3 et 4 novembre. Je dis bien « évoquer » car « débattre » serait un bien grand mot dès lors que la procédure choisie revient à accorder cinq petites minutes à chaque groupe parlementaire. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Puisque la comparaison avec l'Allemagne est de circonstance, je rappellerai que la chancelière est allée faire approuver sa position devant le Bundestag avant l'issue des discussions,…
…alors que nous sommes ici limités à un timide échange a posteriori comme, excusez-moi monsieur le ministre, par effraction… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Comment résumer les résultats d'une semaine internationale intense ? Deux sommets décevants ont conclu par un plan de rigueur. Comment en sommes-nous arrivés là ?
La Grèce doit réformer en profondeur son secteur public et rendre plus efficace son système fiscal. Les Grecs le savent et ont assumé des mesures d'une sévérité sans précédent.
Mais l'austérité pour l'austérité, sans espoir de croissance, a entraîné le pays dans un cercle vicieux : austérité, récession, déficits. La dette publique grecque est ainsi passée de 127 % de la richesse nationale en 2009 à 158 % cette année. En dix-huit mois, les solutions ont toujours été appliquées trop tard et ont apporté trop peu pour juguler définitivement la crise.
Ce plan prévoit l'annulation de 100 milliards d'euros de dette publique ; mais, comme les précédents, il ne donne aucun moyen nouveau à la Banque centrale européenne, oublie les eurobonds et s'accompagne de conditions poussant toujours plus loin l'austérité.
Les Grecs ont le sentiment que leurs efforts sont récompensés par une nouvelle punition. C'est parce qu'il se trouvait dans une impasse que Georges Papandréou a menacé de recourir au référendum. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est cette leçon que Nicolas Sarkozy aurait dû entendre avant le G20. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
La solution à la crise ne peut se résumer à déprimer l'activité économique et à renforcer l'injustice sociale en accablant les peuples sans leur ouvrir de nouvelles perspectives.
Quelle est la stratégie de croissance qui éviterait la succession des plans d'austérité ? Où sont les perspectives de régulation des marchés ? Qu'est devenue la taxe sur les transactions financières ? Quelles sanctions pour les paradis fiscaux ?
N'y a-t-il donc dans vos esprits que les peuples qui puissent être condamnés à racheter des crises dont ils sont pourtant innocents ?
L'appel à des financements de pays émergents comme le Qatar ou la Chine inquiète. Que pourra-t-on désormais exiger de la Chine en matière de réciprocité commerciale ? Comment obtenir la réévaluation de sa monnaie pour que les échanges commerciaux soient plus équitables ?
Cette absence de stratégie économique et de vision européenne et internationale trouve sa traduction dans vos annonces de lundi dernier. Vous avez fait de la brutalité de vos choix un argument en présentant votre nouveau budget comme l'un des plus rigoureux depuis 1945. Mais qu'avez-vous fait depuis cinq ans ?
En 2007, François Fillon se présentait comme le Premier ministre d'un État en faillite. Alors pourquoi avoir multiplié les cadeaux fiscaux aux plus riches, de surcroît financés par l'emprunt ! De bouclier fiscal en niches fiscales, ce sont 75 milliards d'euros qui ont alourdi la dette et que le Président propose de retrouver en faisant les poches des Français ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Pendant que les banquiers, cette année, se sont octroyé 45 % d'augmentation, le Président n'a pas protégé les classes populaires ni les classes moyennes, il les a appauvries. Voilà la réalité de votre politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Votre pilotage des finances publiques aura été imprévoyant, injuste et insuffisant.
Lorsque le pays traverse une tempête économique, il a besoin d'un pilotage stable et d'un cap clair. (Exclamations continues sur les bancs du groupe UMP.) Votre imprévoyance nous a au contraire entraînés dans l'instabilité et l'improvisation permanentes avec des retards en matière de compétitivité, d'emploi, qui fragilisent notre capacité à relancer la croissance.
Alors, pour réparer vos erreurs, les efforts budgétaires sont indispensables. Mais qui les supportera ? Il eût été juste de récupérer ces 75 milliards d'euros de cadeaux, qui ont été faits sans résultats pour l'économie réelle. (« Le temps est passé ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Or, le Gouvernement poursuit la même politique,…
…avec la création d'un taux de TVA supplémentaire, qui s'ajoute aux taxes que vous avez déjà décidées. Les trois quarts de vos plans successifs vont être supportés par les familles : 500 euros par ménage, voilà le prix à payer pour les Français ! (Cris « C'est fini ! » et brouhaha sur les bancs du groupe UMP.)
Alors, mes chers collègues, il faut en sortir, et ce par une autre voie. C'est celle que nous proposons pour 2012 : une nouvelle trajectoire,… (Les protestations sur les bancs du groupe UMP couvrent la voix de l'orateur.)
…parce que nous croyons aux capacités de la France. Nous croyons que la France n'est pas finie. Nous croyons que nous pouvons la redresser. Et nous la redresserons dans la justice, la cohérence et l'efficacité. Voilà ce que nous proposons. C'est le contraire de ce que vous êtes en train d'imposer à la France et aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Les décisions des sommets de l'Union européenne, de la zone euro du 27 octobre, et du G20 sont beaucoup plus importantes que ce que vous avez dit, monsieur Ayrault. Elles sont d'une ampleur historique : renoncement par les banques à 50 % de la dette grecque qu'elles détiennent, soit 100 milliards d'euros ; nouveau prêt, jusqu'à 100 milliards d'euros, accordés par l'Europe et le FMI ; fonds de garantie de 30 milliards d'euros pour les banques grecques ; renforcement de la capacité d'intervention du fonds européen de stabilité financière à hauteur de 1 000 milliards d'euros ; renforcement des fonds propres des banques ; mise en place de la gouvernance économique de la zone euro et adoption par tous ses États de la règle d'or. Tout cela en échange des réformes que la Grèce s'est engagée à mettre en oeuvre.
Il fallait le courage et la détermination de Nicolas Sarkozy et d'Angela Merkel pour parvenir à cet accord complet et ambitieux, à l'unanimité des Dix-Sept. Et je veux ici dénoncer les critiques précipitées, irresponsables, de François Hollande et de son parti, (M. François Hollande quittant l'hémicycle à cet instant précis, vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) alors que tous les partis socialistes en Europe ont soutenu sans réserve l'accord du 27 octobre.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Hollande a fait ses 15 minutes de présence !
Quand l'avenir de la France, de l'Europe et même du monde est en jeu, il faut savoir surmonter les clivages internes sans commune mesure avec l'enjeu d'une crise comparable à celle de 1929.
Cette triste exception française s'est encore illustrée lorsque M. Papandréou, surprenant tous ses partenaires européens et sa propre majorité, a pris l'initiative hasardeuse d'un référendum, qui, du fait des délais d'application des mesures, risquait de mettre la Grèce en faillite et de la faire sortir de la zone euro. Le couple franco-allemand, soutenu par la Commission européenne, a eu raison d'être ferme, en contribuant à faire reculer M. Papandréou et en appelant la classe politique grecque à l'unité, ce qui semble se faire cet après-midi.
Que n'a-t-on entendu de la part des socialistes et de François Hollande, (« il est parti ! » sur les bancs du groupe UMP.) sans doute par solidarité instinctive avec le président de l'Internationale socialiste ! M. Cambadélis a même parlé de « crédit revolver imposé par le directoire franco-allemand ».
Fallait-il laisser la Grèce, en l'occurrence, se tirer une balle dans le pied et mettre en péril l'euro, l'un des plus grands acquis de l'Union ?
Nous entrons dans une ère nouvelle. Au fédéralisme monétaire avec l'euro et la Banque centrale européenne doit correspondre un fédéralisme budgétaire et économique. Depuis longtemps, en France, droite et gauche, notamment Jacques Delors, réclamaient un gouvernement économique européen. Nicolas Sarkozy en a convaincu l'Allemagne, longtemps réticente, et l'a obtenu, ainsi d'ailleurs qu'une harmonisation fiscale franco-allemande.
Et gouvernement économique, cela veut dire admettre l'intervention de l'Europe dans la gestion des budgets nationaux, comme le font la Commission européenne et le FMI en Grèce et en Italie.
Au niveau mondial aussi, nous entrons dans une nouvelle ère. Le Président de la République a eu raison de sensibiliser le sommet du G20, qu'il a contribué à créer et qu'il présidait, à la nécessité que les principales économies du monde s'engagent sur le soutien à la croissance et l'emploi, la régulation financière, la taxe sur les transactions financières, la lutte contre les paradis fiscaux, la prise en compte d'un socle social.
Quand M. Hollande qualifie péremptoirement le G20 de raté, sans doute veut-il dire que, grâce à son vaste réseau international, il aurait fait beaucoup mieux que Nicolas Sarkozy.
Là encore, il se trompe d'enjeu : il fait de la politique intérieure. L'enjeu était de convaincre les puissances économiques partenaires, et en particulier les pays émergents, d'ailleurs émergés, que l'interdépendance est totale : pas de croissance pour eux sans bonne santé de l'Europe, qui est la première puissance économique mondiale et un partenaire commercial majeur. Cet objectif a d'ailleurs été pleinement atteint, comme en témoignent les fortes paroles de Barack Obama et les discussions en cours avec la Chine.
Nous, à l'UMP, sommes fiers de soutenir l'action déterminante du Président de la République…
…pour faire face aux crises depuis 2008. La crise que nous traversons appelle lucidité et responsabilité.
Nous savons, nous, que par temps de tempête, mieux vaut avoir à la tête de l'État un vrai capitaine à la barre. Et les sommets des dernières semaines ont, une fois de plus, démontré que nous avions cette chance en la personne de Nicolas Sarkozy. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, monsieur le ministre de la ville, mes chers collègues, en adoptant l'accord consécutif au sommet européen du 26 octobre 2011 sous l'impulsion du couple franco-allemand, les dix-sept États membres de la zone euro sont parvenus à préserver l'Europe d'un emballement de la crise des dettes souveraines.
Ce plan de sauvetage obtenu au forceps, c'est avant tout l'expression d'un destin en commun assumé. C'est à nos yeux une nouvelle étape pour l'Europe.
Donner le moindre signe de faiblesse sur notre capacité à maintenir la cohésion de la zone euro, et sur notre volonté de poursuivre la construction européenne, aurait immédiatement entraîné la chute de l'Irlande, de l'Italie, de l'Espagne et du Portugal.
Je le dis sans détour, si demain l'Europe devait s'effondrer, il n'y a aucune raison pour que la France puisse y échapper.
C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre tient une nouvelle fois à saluer l'énergie et la force de conviction déployée par la France, par le Président de la République, et par vous-même, monsieur le ministre, pour éteindre l'incendie.
Ce plan de sauvetage, c'est également la démonstration que la solidarité européenne a un sens. Le G20, à nos yeux, est un succès.
L'effacement de la moitié de la dette de la Grèce qui a été demandé aux banques constitue une avancée majeure. Le groupe Nouveau Centre avait d'ailleurs conditionné son soutien à la participation de la France à ce plan à l'existence d'un accord formel des banquiers sur leur participation à l'aménagement de la dette grecque.
Si nous regrettons que le fonds de stabilité financière européen ne puisse pas jouer le rôle d'une banque centrale, ainsi que l'aurait souhaité la France, nous tenons à saluer l'avancée majeure que constitue son renforcement, à hauteur de 1 000 milliards d'euros.
Cette décision démontre une volonté sans faille de la zone euro d'enrayer la crise de la dette. Elle doit être mise en oeuvre sans délai pour faire face à l'aggravation de la situation, notamment en Italie, où, comme chacun le sait, que l'exposition des banques françaises est cinq fois plus importante qu'en Grèce.
Après les deux premiers plans d'aide d'urgence à la Grèce, nous sommes enfin parvenus à un accord crédible, à condition que nous puissions maintenant avoir des garanties sur la mise en oeuvre des mesures de rigueur par la Grèce, dans les plus brefs délais, afin de faire taire les spéculateurs.
Le groupe Nouveau Centre insiste également sur la nécessité d'obtenir également des garanties sur l'augmentation des fonds propres des banques.
L'incendie est éteint, mais le feu couve toujours. C'est pourquoi il est urgent de fixer un cap clair pour l'Europe.
À mots couverts, nous avons entendu le Président de la République évoquer, la semaine dernière, la nécessité d'aller vers plus de fédéralisme.
Les dix-sept chefs d'État et de gouvernement de la zone euro se sont d'ailleurs engagés dans cette voie, puisqu'ils ont réaffirmé, à l'issue du sommet du 26 octobre, qu'ils devraient tous adopter une règle d'or d'équilibre budgétaire d'ici à la fin de l'année prochaine.
Le Nouveau centre avait formulé cette proposition dès 2007, avant même que la crise de la dette souveraine ne menace l'économie mondiale.
Les socialistes espagnols et allemands ont déjà su mettre leur divergences de côté pour voter cette règle d'or. Nos collègues français feraient bien de le faire. À vous aujourd'hui, mes chers collègues socialistes, de mettre un instant vos postures partisanes en sourdine et nous rejoindre sur cet enjeu crucial.
Nous, nous disons qu'il est temps de franchir le cap du fédéralisme.
Nous formulons trois propositions simples.
Tout d'abord, que les États membres de la zone euro soumettent leurs propositions de budget à la Commission européenne avant qu'ils ne soient présentés aux parlements nationaux.
Elle est où, l'indépendance ? À quoi servent les parlementaires, dans ce cas ?
La volonté de mettre en oeuvre une plus grande coordination budgétaire entre les États membres de la zone euro, exprimée par le Président de la République, va dans ce sens.
Le groupe Nouveau Centre propose également la mise en place de sanctions politiques contre les États de la zone euro pris en flagrant délit de violation grave des principes de base de l'Union européenne.
Nous pourrions, enfin, mettre en place un véritable régulateur européen, doté de réels pouvoirs, c'est-à-dire capable d'arbitrer entre les différents régulateurs nationaux et de superviser les acteurs transnationaux. C'est le seul moyen de protéger les épargnants, dont vous êtes les soi-disant défenseurs, messieurs les socialistes, et d'éviter les querelles auxquelles nous sommes exposés.
Il nous faut donc aller vers cette Europe fédérale. C'est à travers plus de fédéralisme que l'Europe prendra sa place dans la compétition mondiale et pourra peser de tout son poids sur la scène internationale.
Le G20 a démontré, en dépit de ce que disent certains commentateurs, candidats ou pas, qu'il était possible d'avancer sur la voie de la régulation de l'économie mondiale.
Le groupe Nouveau Centre se félicite des objectifs qui ont été fixés, mais il nous faut aller plus loin.
Alors qu'il y a quelques mois, monsieur Emmanuelli, il était inenvisageable de mettre en oeuvre une taxe sur les transactions financières, le G20 l'a inscrite à l'ordre du jour. Et je tiens à saluer cette avancée majeure, puisque c'est également une proposition que nous avions défendue, allant même jusqu'à cosigner une proposition de loi des communistes en ce sens.
Le sommet européen et le G20 ont démontré que dans le bras de fer qui met aux prises États et marchés,…
…le politique a enfin décidé d'assumer son rôle et ses obligations en prenant le pas sur la finance.
Le chemin qu'il nous appartient d'emprunter est long et difficile, mais il nous est imposé par la responsabilité.
Nous refusons la naïveté et l'insouciance qui, depuis trente ans, nous dépossèdent, vous et nous, de notre destin.
Nous avons ouvert la voie à une mondialisation plus régulée et plus équitable. Le groupe Nouveau Centre vous soutiendra, monsieur le ministre, dans cette démarche initiée par le G20. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées et cris « Voyou ! »sur certains bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés (« Des excuses ! » sur les bancs du groupe SRC), hier, c'était hier. Il y a des joutes politiques. Il y en a eu par le passé, il y en aura d'autres. Aujourd'hui, je remercie le président Ayrault de la qualité de son propos…
et de la hauteur de vue dont il a fait preuve en défendant les positions du groupe socialiste et du parti socialiste.
Je m'efforcerai de lui répondre sur le fond, en soulignant les points d'accord sur un certain nombre de réponses et en mettant en lumière les désaccords devant la représentation nationale, dans un esprit de responsabilité partagée.
Le Gouvernement a souhaité organiser un débat sur les réponses apportées par le sommet européen et le G20 de la semaine dernière. Il était bien normal d'associer la représentation nationale à cette mise en lumière des positions des uns et des autres.
Vous avez souligné la position du Bundestag. La Cour constitutionnelle a mis en place l'obligation d'un passage devant le rendez-vous parlementaire. Le fonctionnement de nos institutions est d'une nature différente, mais ce débat, qui n'était pas prévu, permet, je crois, à chacun d'affirmer ses positions. Il me permettra aussi…
…de répondre à d'autres orateurs sur ce sujet.
S'agissant du sommet européen, après l'accord du 21 juillet, il y a eu, on le sait, plusieurs semaines d'instabilité sur les marchés financiers : des doutes et des interrogations, des retraits et des réserves. Est arrivée dans la tête des marchés l'idée qu'il pouvait exister un risque souverain. Il a donc fallu définir, coordonner, les meilleures réponses à trois problèmes : le problème grec, le problème du risque de contagion à d'autres pays au sein de la zone euro, le problème de l'organisation de la gouvernance de cette zone. C'est autour de ces trois points que les chefs d'État et de gouvernement ont défini les modalités qui leur sont apparues les plus opérationnelles, les plus efficaces, les plus pratiques, pour apporter les réponses les plus pertinentes.
S'agissant tout d'abord de la question grecque : il a fallu beaucoup d'abnégation de la part de la population de ce pays et beaucoup de courage de la part du gouvernement de Georges Papandréou pour mettre en oeuvre les dispositifs de réforme structurelle. Ils portent pour partie sur des programmes de privatisation, à hauteur de cinquante milliards, et pour partie sur des prélèvements sociaux et fiscaux de nature évidemment difficile à accepter par la population mais devenus incontournables car le pays connaît une véritable dérive.
C'est la raison pour laquelle, après négociation, nous avons maintenu le principe d'une implication volontaire du secteur privé. Les établissements financiers européens ont accepté une décote de 50 % de leurs positions sur la Grèce. La nature volontaire de cette décote a permis d'éviter le défaut sélectif, et surtout, ce que la France voulait éviter par-dessus tout, la qualification d'événement de crédit qui aurait signifié la faillite de la Grèce, le risque de contagion, et par effet domino, une grande instabilité pour notre monnaie.
Des modalités de soutien et d'accompagnement ont également été contractualisées avec la Grèce.
Les États ont accepté, dans le cadre de l'échange avec les créanciers privés, d'augmenter d'une trentaine de milliards les éléments constitutifs du futur plan. Il a donc été acté qu'en plus du décaissement de la dernière tranche du précédent programme, ce nouveau programme pourrait se mettre en oeuvre, sous contrôle de la « troïka » composée des experts de la Banque centrale européenne, du Fonds monétaire international et de la Commission européenne. Ils suivront l'évolution de la politique économique poursuivie par le gouvernement grec.
Évidemment, un certain nombre d'événements se sont déroulés depuis : la question référendaire posée par le premier ministre Papandréou ; l'annonce de la démission de ce même premier ministre ;…
…l'annonce, plus positive, de la constitution d'un gouvernement d'union nationale et la mise en oeuvre opérationnelle, conjointement par l'opposition et la majorité grecque, des modalités du deuxième programme. Nous suivons aujourd'hui l'évolution de la situation avec attention. La troïka des experts continuera à se rendre sur place et rendra compte aux ministres des finances de la zone euro et aux chefs d'État et de gouvernements. Nous vous tiendrons naturellement informés de l'évolution de la situation.
Le deuxième problème important concernait la stabilisation des établissements bancaires en Europe. Les chefs d'État et de gouvernement se sont alignés…
…sur la proposition de l'Autorité bancaire européenne, qui a préconisé en juin une augmentation du ratio de fonds propres à 9 %, après comptabilisation de l'exposition aux risques souverains en valeur de marché au mois de septembre de cette année. C'est un élément protecteur pour les particuliers, pour l'activité économique et pour le maintien du crédit au service des PME en Europe, et de nature à garantir que notre croissance, convalescente, ne sera pas altérée, voire effacée, par des doutes sur la situation de tel ou tel établissement bancaire.
Le troisième élément de l'accord issu du sommet européen porte sur les leçons à tirer de ces crises à répétition, notamment s'agissant de la modernisation de la gouvernance de la zone euro. Les participants se sont entendu pour fixer deux rendez-vous obligatoires par an au niveau des chefs d'État et de gouvernement ; et pour améliorer la communication autour des rendez-vous des chefs d'État et de gouvernement et des ministres des finances.
Voilà les avancées concernant la partie européenne.
Cet accord nécessite naturellement, s'agissant du fonds européen, d'être complété sur le plan technique. Avec les ministres des finances de la zone euro, nous avons travaillé lundi à Bruxelles. Ces travaux ont été poursuivis avec les ministres des finances des vingt-sept hier matin. Nous avançons pour faire en sorte que ce Fonds européen, issu de l'accord du 27 octobre, puisse être opérationnel. Nous sommes guidés par deux idées simples : la première porte sur un système de garanties pour des investisseurs qui achèteraient des obligations d'État au sein de la zone euro ; et la deuxième vise à mettre en place une entité composée de fonds souverains et de fonds privés qui pourrait intervenir sur le marché secondaire et stabiliser ainsi le marché des obligations d'État de dettes souveraines, actuellement malmené par les marchés.
S'agissant de l'accord du G20, il en ressort quelques idées simples qui constituent des avancées et des percées diplomatiques indiscutables. S'il n'y avait eu la question du référendum grec à l'ouverture de ce G20, l'accord du G20 de Cannes sous présidence française aurait été vécu et interprété comme un grand accord. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)
En effet, nous avons enregistré des avancées significatives sur l'évolution du système monétaire international. La question chinoise a été évoquée à double titre : les Chinois ont accepté le principe d'un rendez-vous en 2015 pour l'élargissement du panier des droits de tirage spéciaux, ce qui induit la convertibilité progressive de leur monnaie.
C'est évidemment un élément de stabilité pour éviter la guerre des monnaies, qui serait défavorable à l'activité économique. C'est un acquis diplomatique.
Une deuxième avancée porte sur la régulation financière : un double système de publication de la liste des entreprises d'importance systémique à l'échelle mondiale a été décidé. Il concerne vingt-neuf établissements bancaires et financiers, parmi lesquels figurent quatre établissements français : la BNP, le Crédit agricole, la BPCE et la Société générale. Ces établissements auront des obligations supplémentaires portant sur la transparence de leurs activités et de l'ensemble de leurs positions, et naturellement sur la sincérité de la présentation de leur bilan et de leurs activités financières.
Concernant la régulation financière, je veux également signaler la publication officielle, par le forum mondial de lutte pour la transparence et contre l'évasion fiscale, de la liste de onze pays considérés comme des paradis fiscaux par les membres du G20, qui représentent 85 % de l'économie mondiale. Je précise au passage que la Suisse et le Liechtenstein ont été nommément cités comme des pays devant progresser pour sortir de cette catégorie.
Pour avoir participé à toutes les négociations et suivi tous ces travaux, je peux vous dire qu'il n'était pas si évident d'obtenir la publication de cette liste, qui recense les paradis fiscaux qui n'ont pas avancé sur les points que les précédents G20 avaient entérinés et qui s'imposent à tous.
Cela implique naturellement des obligations pour les entreprises qui auraient, directement ou indirectement, un intérêt à poursuivre leurs activités dans ces secteurs.
Un troisième élément d'accord issu de la réunion du G20 porte sur la question des matières premières, les marchés de gré à gré et le développement. Des avancées très significatives ont eu lieu. Je n'entrerais pas dans les détails techniques afin de ne pas porter atteinte à la clarté de nos débats (Sourires sur quelques bancs du groupe SRC.), mais retenez que cette préoccupation est partagée par les membres du G20 et que des mesures seront mises en application en vue de stabiliser le cours des matières premières, notamment des denrées alimentaires, qui étaient devenues des éléments spéculatifs dans l'organisation systémique, ce qui est inacceptable. La France a été aux avant-postes de ces avancées diplomatiques.
Nous avons également connu des avancées en matière de développement s'agissant de la taxe sur les transactions financières. Voilà un point sur lequel nos opinions se rejoignent. La France s'honore d'avoir porté avec l'Allemagne cette question de mise en oeuvre d'une taxe sur les transactions financières au sein de l'enceinte européenne. Le monde anglo-saxon est réservé sur cette question, ce n'est rien de le dire. Mais à l'occasion de ce G20, même les États-Unis ont accepté le principe d'une contribution du système financier et bancaire à la résolution de la crise.
Connaissant l'état d'esprit américain, l'histoire de ce pays et l'idée qu'on s'y fait de la liberté sur les marchés financiers, c'est une avancée significative qu'il faut souligner. Ces idées vont se développer : non seulement elles n'ont pas été bloquées, mais un groupe de travail a été mis en place et nous aurons l'occasion d'en reparler dans les semaines à venir.
Le dernier point de l'accord du G20 porte sur les éléments constitutifs d'une croissance durable, équilibrée et forte. Selon sa situation, chaque pays s'est entendu sur les modalités de soutien à l'activité économique. C'est ainsi que les pays en situation excédentaire ont accepté de s'engager publiquement sur une politique de relance, en tant que de besoin et au fur et à mesure de l'évolution de la situation économique mondiale. Les autres pays, qui sont dans l'obligation de poursuivre une politique de consolidation budgétaire, ont donné le détail des mesures qu'ils allaient prendre pour atteindre les rendez-vous intangibles en matière de déficit public. C'est autour de cet équilibre qu'il a été convenu que l'ensemble des pays poursuivraient et annonceraient les mesures prises. La France, par la voix du Premier ministre, a présenté son plan de consolidation budgétaire et de sincérité adapté à l'évolution de la croissance économique. Nous l'avons présenté ce matin avec Valérie Pécresse en commission des finances, nous poursuivrons le débat devant la représentation nationale.
Autant l'accord européen que sa déclinaison dans l'enceinte du G20 ont permis d'apporter aux marchés des gages de la volonté de stabiliser la zone euro et de la détermination absolue de l'ensemble des gouvernements membres du G20 à soutenir la croissance. Il nous faut protéger la croissance pour protéger les investissements, donc les créations d'emplois, donc la qualité de vie de nos populations. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Nous en venons maintenant aux questions.
La parole est à Mme Élisabeth Guigou.
Monsieur le ministre, votre discours d'autosatisfaction ne convient à personne, ni sur l'Europe ni sur le G20.
Au G20 de Cannes, l'Union européenne a offert au monde entier le désolant spectacle de sa cacophonie, de son impuissance à résoudre ses propres problèmes, de son incapacité à peser sur le G20 pour obtenir enfin des décisions qui mettent le monde à l'abri des crises financières.
Depuis deux ans, les dirigeants européens essaient sans succès de maîtriser l'incendie, mais parce qu'ils interviennent toujours trop peu et trop tard, sitôt un foyer éteint, le feu reprend quelque temps après. Il suffit de regarder l'évolution du Fonds européen de stabilité financière pour s'en convaincre. Créé il y a deux ans, il a été modifié trois fois sans jamais atteindre la masse critique nécessaire pour dissuader la spéculation. Le Conseil européen du 26 octobre n'a rien résolu, pas plus que les dix-huit précédents sommets européens depuis mai 2009. Il n'a fait que repousser des décisions courageuses. De surcroît, l'Allemagne a imposé ses vues, et M. Sarkozy s'est soumis.
Les remèdes sont pourtant connus : porter à au moins deux milliards d'euros la capacité du Fonds européen de stabilité financière plutôt que de quémander, d'ailleurs sans succès, l'aide de la Chine, comme l'a fait M. Sarkozy. Autre remède : émettre des euro-obligations, pour réduire le coût de la dette et soutenir la croissance, au lieu d'additionner les plans d'austérité qui vont enfoncer l'Europe dans la récession. Il faut également taxer suffisamment les transactions financières, harmoniser les budgets nationaux et la fiscalité et coordonner les politiques macroéconomiques nationales.
Monsieur le ministre, il est temps que le Président de la République et le Gouvernement que vous représentez acceptent, comme en Allemagne, un vrai débat au Parlement ; et que ce débat porte sur nos propositions,…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Lesquelles ?
…car ce sont celles qui apporteraient des solutions suffisantes et durables à la crise économique, sociale et financière. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame Élisabeth Guigou, vous soulevez quelques-unes des pistes que vous défendez dans votre projet et qui font l'objet du débat public. Je voudrais y apporter quelques réponses.
S'agissant de l'augmentation du montant du Fonds européen de stabilité financière à 2 000 milliards, vous le savez, un accord a été trouvé autour de 440 milliards, auxquels s'ajoute la part du Fonds monétaire international de 250 milliards, pour nourrir le financement des pays sous programme : la Grèce, l'Irlande et le Portugal.
Il y a eu des échanges, et nous avons eu des débats avec l'Allemagne, car il n'y a pas l'Allemagne face à la France, mais l'Allemagne et la France, côte à côte vis-à-vis de leurs partenaires. C'est bien normal et légitime, car l'Allemagne et la France représentent 55 % du PIB européen. On ne peut pas dire d'un coté qu'il y a un directoire, et dire par ailleurs que la France s'est alignée sur la position allemande. Nos débats ont notamment porté sur l'implication de la Banque centrale européenne. Je crois d'ailleurs comprendre que nous sommes en accord sur ce point : vous considérez comme nous que c'est la réponse la plus forte, à l'instar de ce que fait la Federal Reserve Bank aux États-Unis pour soutenir l'activité économique. C'est la position que nous avons défendue, mais nous avons accepté de retirer cette demande parce que nous voulions aboutir à un accord stable.
Pourquoi avoir fait cela ? Ayant connu dans son histoire,vous le savez aussi bien que moi, une inflation galopante qui a entraîné un désastre politique, l'Allemagne a mis en place, au lendemain de la guerre, des éléments institutionnels indépendants. Il n'y a pas un seul pouvoir politique, mais plusieurs, juxtaposés : la Bundesbank, le parlement, l'exécutif et la présidence fédérale. Aussi la comparaison entre nos systèmes trouve-t-elle ses limites dans le respect que nous devons avoir pour l'Allemagne telle qu'elle s'est construite dans l'après-guerre. La Bundesbank a un poids, et impose sa vision sur le fonctionnement de la Banque centrale européenne, qui est par ailleurs indépendante.
Pour revenir au Fonds européen, comme il n'y aura pas d'augmentation, il n'y aura pas d'effet de levier, qui pourrait monter à 2 000 milliards. Mais 1 000 milliards, c'est important, dissuasif et essentiel. (« Non ! sur les bancs du groupe SRC.)
Nous ne sommes pas en désaccord avec le principe des eurobonds, mais il y a des politiques de consolidation budgétaire, un calendrier à respecter et une zone à stabiliser ; nous n'en faisons donc pas un préalable de discussion. Une fois que tout cela sera mis en oeuvre, les eurobonds seront certainement un élément de réponse. N nous l'avons toujours dit et nous nous rejoignons sur ce point.
Je demande à chaque orateur, ainsi qu'à vous-même monsieur le ministre, de bien vouloir respecter son temps de parole.
La parole est à Mme Pascale Gruny.
Monsieur le ministre, le G20 de la semaine dernière à Cannes a permis d'avancer sur un sujet crucial : celui de la dimension sociale de la mondialisation.
Les questions sociales sont, en effet, au coeur des défis auxquels nos pays doivent faire face. La crise a provoqué des effets dévastateurs sur nos marchés du travail et aucun pays d'ailleurs n'a été épargné. Elle a, une nouvelle fois, montré que la mondialisation, si elle n'est pas équilibrée, ne peut être viable.
Face à cette crise qui a ébranlé nos sociétés, les bonnes intentions ne suffisent plus, il faut maintenant passer à l'action. Il nous faut replacer l'être humain au coeur des préoccupations. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)
C'est en remettant l'emploi au centre de nos politiques publiques que nous parviendrons à rétablir la croissance et la confiance.
L'histoire a montré que les grandes crises étaient aussi une chance de profonds changements. C'est au G20 de les porter, en tirant les enseignements de la crise, et en proposant des mesures fortes en faveur d'une croissance soutenue, durable et équilibrée.
C'est pourquoi je me réjouis du plan d'action pour la croissance et l'emploi, adopté vendredi dernier à Cannes, dans lequel les États s'engagent à intensifier leurs efforts pour lutter contre le chômage et encourager la création d'emplois décents, notamment pour les jeunes et ceux qui ont été le plus touchés par la crise économique.
Dans la déclaration finale du sommet de Cannes, les questions sociales ont été inscrites en tête du texte, ce qui montre la détermination des chefs d'État et de gouvernement des États du G20 d'ériger ces sujets en priorités de l'agenda mondial.
Monsieur le ministre, de quelle manière le G20 apporte-t-il des avancées concrètes dans le domaine social, suite à l'adoption de la déclaration finale de Cannes ? Comment la France envisage-t-elle de pérenniser les résultats du sommet lors des prochaines présidences du G20 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame Gruny, vous avez eu raison de souligner que c'est à l'initiative de la présidence française que la question sociale a été abordée, pour la première fois, dans l'enceinte du G20.
Je disais tout à l'heure, en filigrane, que l'ordre du jour qui avait été proposé par la présidence française avait été, au départ, qualifié d'ambitieux par certains de nos amis, d'audacieux par d'autres – eux qui ne voulaient pas avancer sur ces sujets – : les matières premières, le développement, la taxe sur les transactions financières, la problématique de la déclinaison de la régulation financière et la question sociale.
Cela a fait l'objet de nombreuses réunions. Les ministres du travail se sont réunis à Paris, il y a quelques semaines, pour préparer le rendez-vous de Cannes. Des avancées significatives ont été enregistrées. Les membres du G20 ont notamment accepté la définition d'un socle social. Les membres du G20, je le répète, représentent 85 % de l'économie mondiale avec les principales puissances émergentes. Ils ont accepté de ratifier le principe d'un socle social. C'est dire le chemin qui sera pris par ces pays pour accompagner ces dispositifs.
Je veux également souligner le rôle de Gilles de Robien, qui, au titre de l'Organisation internationale du travail avait un statut d'ambassadeur à nos côtés, et a apporté une contribution qui permettra de décliner concrètement ce que le socle social peut vouloir signifier dans des pays avancés sur le plan social, comme le nôtre, dans d'autres qui ont besoin d'être accompagnés, d'autres qui vont constituer cet État Providence, qui est puissant chez nous et que nous souhaitons préserver et qui est en train de naître ailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat prend une tournure qui n'est pas tenable : d'un côté, le Président de la République vante à longueur d'interviews et de conférences de presse les mesures prises au G20 ou par l'Union européenne. D'un autre côté, à l'Assemblée nationale, les ministres se relaient pour expliquer qu'il n'est jamais facile de mettre d'accord les pays européens – vous venez de le faire, monsieur le ministre, en parlant de l'Allemagne – ou les membres du G20 ; vous allez même jusqu'à vous défausser sur nos partenaires pour masquer vos propres échecs.
Autrement dit, dès que l'on gratte un peu le vernis de la communication présidentielle, on ne trouve aucune action concrète de régulation de l'économie et notamment de la finance mondiale.
J'aurais souhaité vous poser une série de questions précises sur la mise en oeuvre du chapelet de bonnes résolutions affichées à l'issue du G20. Je n'en aurai pas le temps ; je vous les transmettrai donc par écrit. Je m'en tiendrai ici à deux questions.
Au-delà d'une « reconnaissance des intentions de mise en oeuvre d'une taxe sur les transactions financières » – formule employée par le communiqué final du G20 –, êtes-vous prêt, ici et dès maintenant, à mettre en place cette taxe en France, ne serait-ce qu'à un taux symbolique, en attendant la décision européenne ? Ce serait, vis-à-vis de nos partenaires, un signal politique fort.
En ce qui concerne la lutte contre la fraude fiscale qui représente plusieurs milliards d'euros de pertes pour l'État et contre les paradis fiscaux, êtes-vous prêt à faire adopter, ici et maintenant, une loi visant à obliger toutes les institutions financières, même étrangères, qui détiennent des comptes de citoyens français ou d'entreprises françaises à le déclarer à l'administration fiscale française ? Au-delà des mots, qu'entendez-vous faire dès maintenant pour que les déclarations du G20 ne soient pas de pur affichage ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur de Rugy, votre première question porte sur la taxe sur les transactions financières. Je vais vous mettre au même niveau d'information que le Gouvernement. Les ministres de l'économie et des finances de la zone des Vingt-sept ont discuté hier matin, comme je l'ai rappelé, de la proposition de la Commission de mettre en oeuvre cette taxe.
Des réserves existent, évidemment, au sein des Vingt-sept. Les réserves britanniques sont bien connues, les réserves suédoises aussi – la Suède avait, il y a un certain nombre d'années, mis en place cette taxe, et porte un regard mitigé, pour ne pas dire plus, sur son efficacité. Mais la France et l'Allemagne sont des moteurs de la mise en oeuvre opérationnelle de cette taxe. Nous avons apporté une contribution à la Commission. Elle va présenter une directive. Nous sommes désormais dans le calendrier définitif de la mise en oeuvre opérationnelle de cette taxe. Son taux sera bas, mais son assiette large, puisque l'ensemble des titres échangés feront l'objet de la taxation.
Votre deuxième question porte sur la problématique de la transparence fiscale, de l'échange d'informations. La France a poussé, comme je vous l'ai dit, pour qu'il y ait une publication officielle de la liste des onze paradis fiscaux. Nous avons également poussé pour qu'il y ait une coordination puissante des échanges de données fiscales. À la suite du G20, 700 accords seront signés pour l'échange de données de nature fiscale. Nous souhaitons aller également vers la mise en place d'une banque de données coordonnées, qui permettra aussi de voir, en temps et en heure, les avancées significatives, pour que lors du prochain G20 et du suivant, la pression soit en permanence, en tous temps, tous lieux et en toutes circonstances, exercée sur les pays réticents.
Monsieur le ministre, après la grave crise financière, qui a touché le monde il y a maintenant trois ans et l'endettement public qui en a résulté, l'opinion des instances de l'Union est que pour endiguer les assauts de la finance, la rigueur budgétaire et la limitation salariale sont des voies inéluctables et les seules empruntables.
L'idée paraît simple : si un pays se soumet à une discipline budgétaire, les taux d'intérêt redeviendront supportables et l'accès à un crédit moins cher sera alors possible. Hélas ! Ce n'est pas la réalité. Selon cette conception, les marchés commandent aujourd'hui aux États, car les acheteurs d'obligations sont les meilleurs juges des plans d'austérité appliqués par les gouvernements. À bien y regarder, l'application de taux plus doux ne repose, en l'état, que sur la confiance que manifestent ces marchés sur les promesses, car les réformes ne porteront leurs effets que longtemps après. L'effet paradoxal est que les dettes viennent à échéance avant les réformes, ce qui renforce encore la demande des marchés de mesures plus dures vis-à-vis des États. Depuis deux ans, l'Espagne, le Portugal, la Grèce, l'Irlande, l'Italie appliquent des politiques d'austérité. Le gouvernement français a décidé d'un nouveau tour de vis, qui va toucher les familles les plus modestes, notamment au travers de l'augmentation de la TVA et du gel de plusieurs prestations sociales. Il prévoit aussi le report de l'âge de la retraite pour ceux ayant déjà suffisamment cotisé.
Un nombre croissant d'économistes considèrent, aujourd'hui, que la rigueur va se retourner contre la croissance et dans certains cas contre le redressement des comptes publics, du fait de sa généralisation au même moment à l'ensemble des pays de la zone euro, déjà affectés par le ralentissement économique mondial.
De plus, quand il y a récession, le taux de chômage augmente. Il est déjà de 10,2 % dans la zone euro et, pour certains pays, on a constaté une envolée, au cours des derniers mois, de 17 %, voire de 22 %.
Certains économistes pourtant proches des milieux d'affaires parlent de défaitisme des gouvernements et comparent les politiques à celles qui ont conduit à la crise de 1929.
Monsieur le ministre, devant cet échec de mesures déjà prises dans la plupart des États, ne pensez-vous pas que la seule vraie règle d'or serait celle de ne pas contrarier la croissance à laquelle les mesures actuelles s'opposent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame Karamanli, je crois comprendre que vous mettez en cause la cohérence de la politique, mise en place en France et dans d'autres pays, qui consiste à procéder à une consolidation budgétaire, qui pourrait faire prendre un risque à la croissance dans ces pays.
Le gouvernement espagnol a mis en place ces mesures et a conclu un accord politique avec son opposition pour faire accepter un certain nombre de principes – règle d'or ou autres. C'est difficile et exigeant. Peut-on faire différemment dans des pays comme l'Espagne, où on enregistre un taux de chômage de plus de 20 % ? Peut-on faire différemment dans un pays, que vous connaissez mieux que personne, madame, la Grèce, où le niveau de dettes atteint les 200 % et la perte de souveraineté sur le plan financier justifie malheureusement les efforts demandés aux Grecs ? Pouvait-on faire différemment en Irlande, où il a fallu mettre en oeuvre un dispositif pour sauver les établissements bancaires ? Le Portugal avait-il d'autres choix que de baisser le salaire des fonctionnaires et les pensions des retraités ? Je ne sais pas. Ils ont fait cela souverainement.
La France n'a pris aucune de ces mesures, car nous ne sommes pas dans la même situation. Mais notre objectif commun est de réduire notre endettement. Un monde nouveau s'écrit sous nos yeux : l'époque où l'on finançait les politiques publiques par emprunt, à crédit, sur le dos des générations suivantes est révolue. Cela suppose quelques années d'efforts mesurés, équitables, portés, pour une large part, par celles et ceux qui ont le plus de moyens. Ces quelques années d'effort n'altéreront pas, je le répète, en profondeur, notre modèle social et protègent une croissance convalescente.
La consommation est le moteur économique de notre pays. Pour la protéger, il ne faut pas atteindre le pouvoir d'achat. Les mesures qui vous seront proposées – nous en débattrons –, s'inscrivent dans cette stratégie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la déclaration finale du G20 de Cannes fait état, pour la première fois, du projet de taxe sur les transactions financières, projet activement soutenu par le couple franco-allemand.
Si l'idée progresse, les désaccords demeurent. Et ils sont profonds. Le ministre allemand des finances,Wolfgang Schäuble, a clairement résumé la situation en disant que « l'argument selon lequel on ne peut faire qu'une taxe à l'échelle mondiale est un argument pour ne rien faire ». Il est donc important que, faute d'un consensus mondial, une telle réforme soit portée par l'Europe. Mais quelle Europe ? L'Europe des Vingt-sept ou les Dix-sept pays de la zone euro ?
Pour décider, l'Europe des Vingt-sept devra être unanime. Mais elle ne l'est pas, puisque les pays anglo-saxons, notamment la Grande-Bretagne, sont fermement opposés à cette taxe, tout comme la Suède.
Un accord limité à la zone euro serait sans doute moins difficile à atteindre. La Commission n'est pas fermée à une telle possibilité. Mais il est clair qu'une telle solution aurait l'inconvénient de creuser un peu plus le fossé qui existe déjà entre les Vingt-sept et les Dix-sept.
D'autres questions restent également en suspens : le taux de la taxe, son assiette, l'utilisation de la ressource, le délai de sa création. Le Président Nicolas Sarkozy a plaidé avec force pour 2012, tandis que la Commission envisage plutôt l'horizon 2014.
Au lendemain du Conseil des ministres de l'économie et des finances, pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si on peut s'attendre à des avancées significatives sur cet important dossier qui constitue un triple test : test de la volonté réelle de la communauté internationale de décourager la multiplication des opérations spéculatives et de favoriser l'investissement à long terme ; test de la capacité de l'Europe à obtenir une moralisation des pratiques financières, qui n'est en réalité demandée ni par les États-Unis, ni par la Chine ; enfin, test de l'efficacité du couple franco-allemand qui, pour asseoir sa crédibilité, doit obtenir sur ce point des résultats concrets. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous avez eu raison, monsieur le député, de mettre l'accent sur la dimension diplomatique de la question de la taxe sur les transactions financières. Le débat a lieu un peu entre les Dix-sept, mais surtout entre les Dix-sept et les Vingt-sept. Nous entendons les conseils, mais, à l'intérieur de la zone euro, ceux qui payent décident. C'est en ce sens que notre dialogue se poursuit.
S'agissant de la taxe sur les transactions financières, nous avançons dans la bonne direction, à un rythme soutenu, sur la base de propositions franco-allemandes, portées par la Commission, notamment par le commissaire Semeta, qui s'est exprimé, hier, devant les ministres de l'économie et des finances des Vingt-sept.
Nous souhaitons que le calendrier soit le plus rapide possible. Certes, parmi les Vingt-sept, la réserve britannique est solide et les réticences suédoises existent. Mais nous souhaitons, au niveau des Dix-sept, que le calendrier soit le plus adapté possible aux contraintes réglementaires par rapport au parcours de la directive de la Commission et à notre volonté politique, notamment en France et en Allemagne, d'avancer vite. Nous trouverons, j'en suis persuadé, un juste milieu et nous progresserons de manière stable.
Je le répète, le taux sera faible, mais l'assiette très large. Les établissements financiers et les transactions financières – fait inédit – apporteront enfin une contribution financière importante pour résoudre la crise. Nous adressons ainsi un message puissant, ce qui est le sens de notre initiative politique, à l'égard des opinions en montrant que nous faisons contribuer celles et ceux qui portent une large part de la responsabilité de la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, il y a trois ans, l'affichage initial du G20 était de reconstruire le système financier international.
Le G20 de Cannes s'est, malheureusement, inscrit dans une logique d'urgence et de sauvetage et non dans une perspective de régulation et de cohérence. C'est ainsi que la dette grecque a fait une nouvelle fois ressortir le caractère profondément ambigu du statut actuel des établissements bancaires. Ce sont à la fois des entreprises privées, soumises à la concurrence, ce qui les rend acteurs de la spéculation, encourage leur présence dans les paradis fiscaux, et les conduit aujourd'hui à se délester trop rapidement, semble-t-il, des dettes souveraines. Et dans le même temps, des opérateurs d'intérêt public qui financent l'économie et se placent au premier rang dans la restructuration de la dette grecque.
Or la conciliation de ce double statut ne paraît aujourd'hui assurée ni par les seules exigences prudentielles, celles de Bâle III, qui s'appliquent d'ailleurs de façon différenciée de part et d'autre de l'Atlantique, ni par l'absence de séparation ou au moins de segmentation de leurs activités, ni par une régulation qui reste beaucoup plus nationale qu'européenne, ni par un contrôle public qui relève plus des recommandations que de l'exercice d'une véritable fermeté.
Au-delà de la reconnaissance, nouvelle, de quelques établissements dits systémiques, le moment n'est-il pas venu, monsieur le ministre, de repenser profondément le statut et les instruments de régulation, et d'introduire sous une forme ou une autre, un minimum de contrôle public à l'égard des établissements bancaires ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Vous avez raison, monsieur le député. Depuis le précédent G20, les établissements bancaires font l'objet d'une attention très particulière. Quelles ont été les contraintes supplémentaires qui leur ont été demandées ? À l'échelle européenne, en juin, une augmentation du niveau des fonds propres à 9 % afin de renforcer leur solidité du fait de l'existence dans leurs comptes d'un certain nombre de titres d'État, lesquels font l'objet d'interrogations de la part d'investisseurs. En les intégrant dans leur bilan et les plaçant au niveau des fonds propres, ils seront plus résistants à d'éventuels chocs. C'est une mesure de protection, à la fois des établissements financiers, des dépôts des particuliers, et donc, de l'activité économique.
S'agissant des normes de régulation, elles sont chaque année plus élevées. Un exemple. Sur les modalités de déclinaison de l'augmentation des fonds propres pour les banques en France, le gouverneur de la Banque de France, qui est le président de l'Autorité de contrôle prudentiel, est habilité à suivre l'évolution de la trajectoire du bilan pour s'assurer qu'il n'y aura pas de distribution de dividendes ou de bonus le temps de la mise en oeuvre opérationnelle de la montée des fonds propres. J'indique que le Sénat a voté un amendement sur les dispositions relatives à Dexia, spécifiant qu'il n'y aura pas de distribution de dividendes pour des établissements financiers qui seraient directement ou indirectement soutenus par la puissance publique.
Les règles existent ; en France, elles sont appliquées. Le sont-elles partout ? Normalement, elles doivent l'être par les États signataires. Faut-il en permanence les rappeler ? La réponse est clairement oui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Questions
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la défense (n° 3805, annexes 10 et 11 ; n° 3808, tome IV ; n° 3809, tomes II à VII).
La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour la préparation de l'avenir.
Monsieur le président, monsieur le ministre de la défense et des anciens combattants, mes chers collègues, jamais nous n'avons vu une opération militaire aussi bien menée et coordonnée que celle qui a conduit à la libération du peuple libyen. Avec le soutien de l'ONU et de l'OTAN, de nos amis anglais et américains, nous avons pu balayer en six mois une dictature établie depuis quarante-deux ans. Nous l'avons fait sans perte humaine ou matérielle : zéro mort, zéro blessé, plus de six cents objectifs atteints à 100 %. C'est une première mondiale !
Cette victoire sur la dictature, cette victoire pour la démocratie, nous la devons bien sûr au courage et au talent de nos soldats, à qui je veux rendre un vibrant hommage, n'en déplaise à Mme Eva Joly et à ses positions antimilitaristes et antinucléaires d'un autre temps.
Cette victoire nous la devons à la performance de nos matériels, à la compétence sans faille de notre industrie de défense, qui joue un rôle moteur dans l'économie nationale.
La force d'un pays se mesure certes sur le plan économique et diplomatique mais aussi sur le plan militaire. De ce point de vue, nous pouvons tous être fiers de la collaboration étroite entre nos industries de défense et nos armées, et de la valeur ajoutée que cette collaboration apporte à notre pays.
Je ne crains pas de dire que, lors de nos opérations extérieures, nos soldats et nos matériels ont été les meilleurs ambassadeurs du savoir-faire militaire et sécuritaire français et qu'ils le restent. Je l'ai moi-même constaté lors des nombreuses missions de contrôle que j'ai eu l'occasion d'effectuer – souvent avec Louis Giscard d'Estaing – sur le Charles de Gaulle, en Côte d'Ivoire, au Gabon, en Afghanistan, aux Émirats arabes unis et dans d'autres pays.
Au passage, qu'il me soit permis de remercier la commission de la défense pour sa collaboration précieuse avec la commission des finances.
La France peut donc s'enorgueillir d'être l'une des premières puissances armées du monde : dotée d'un budget de la défense de 38,3 milliards d'euros – crédits de paiement avec pensions et hors gendarmerie –, elle est l'un des rares pays, avec les États-Unis et le Royaume-Uni, à être présent militairement de manière permanente sur les cinq continents. Avec les États-Unis, elle fait partie des deux seuls pays au monde à disposer d'un porte-avions à catapultes, capable de propulser des avions multimissions de dernière génération.
Ces bons résultats, notre pays les doit à la fois aux compétences de ses militaires et à la qualité des équipements utilisés, qu'il s'agisse des aéronefs : Rafale, Mirage 2000, Tigre ; des navires : porte-avions, navires de projection et de commandement, sous-marins nucléaires d'attaque ; des missiles, de l'optronique embarquée, des techniques d'imagerie ou encore des chaînes de transmission de données à haut débit.
Nos militaires ont souligné dans le conflit libyen la qualité du travail des industriels français. Un chef d'état-major s'est même exclamé, à propos du capteur d'images pod Reco-NG : « C'est magique ! ». Pouvoir distinguer un char d'une ambulance à plus de 10 kilomètres d'altitude à la vitesse du mur du son, c'est effectivement magique !
À cet égard, monsieur le ministre, en quel sens entendez-vous agir pour lancer au plus tôt le développement du pod de désignation laser de nouvelle génération ? Comme vous le savez, les effets de levier à l'export sont considérables : plus de 600 milliards d'euros sont en jeu dans les offres en cours, sans compter les retombées de l'opération NOOR aux Émirats arabes unis. L'abandon par la France du PDL-NG conduirait, outre à des pertes d'emplois hautement qualifiés, à une perte de compétence industrielle irrémédiable dans ce domaine. J'y reviendrai un peu plus tard.
L'actuel gouvernement a bien pris la mesure de tous les enjeux des industries de défense et des dépenses engagées. Pour illustrer mon propos, je citerai trois chiffres qui concernent le montant des dépenses d'équipement des armées dans les trois dernières lois de programmation militaire : l'effort d'équipement consenti par la loi de programmation militaire du gouvernement Jospin s'est élevé à 14 milliards d'euros par an ; dans celle des gouvernements Raffarin et Villepin, il a été porté à 15 milliards d'euros ; en 2012, il atteindra 16,5 milliards d'euros.
À titre d'exemple, les forces recevront l'an prochain les principaux armements suivants : onze avions Rafale, trois hélicoptères de manoeuvre Caracal, six hélicoptères de combat Tigre, une frégate multimission FREMM, cent véhicules blindés de combat d'infanterie VBCI , trente-huit véhicules haute mobilité VHM, un navire de projection et de commandement BPC, cinq avions de transport Casa, huit hélicoptères NH-90, deux cents petits véhicules protégés PVP, deux systèmes de missiles sol-air moyenne portée terrestre SAMPT, soixante et un missiles Aster, dix missiles Mica, quinze missiles rénovés Mistral.
Le budget de la défense représente des masses financières importantes qui sont investies dans le tissu industriel national. Les 20 milliards injectés chaque année dans notre économie font travailler, peu ou prou, 5 000 entreprises à haute valeur ajoutée, qui emploient directement 250 000 personnes dans le secteur de la défense et indirectement près d'un million de personnes. Quand vous donnez 100 à une entreprise française, l'État en reprend la moitié pour le fiscal et le social, les prélèvements représentant 56 % du PIB. Si l'on achète français, cela coûte donc, d'une certaine manière, d'autant moins cher.
Il est un point sur lequel je veux insister : la nécessaire dualité de nos entreprises. Vous le savez tous, mes chers collègues, tout euro investi dans la recherche militaire conduit immanquablement à des progrès techniques qui, la plupart du temps, sont transposables dans le civil dans des domaines tels que l'aviation – en particulier, les hélicoptères, secteur où nous occupons le premier rang mondial –, internet, la santé avec les lasers, l'électronique, la téléphonie, les satellites. Cette dualité, nous pouvons la résumer en un chiffre : les 450 milliards d'euros du carnet de commandes d'EADS pour les six ans à venir. La défense constitue donc un vivier de ressources et de compétences pour le civil.
Le monde change, tout va plus vite, tout va plus loin. Notre défense doit s'adapter aux risques nouveaux, aux nouvelles technologies opérationnelles comme la surveillance de l'espace, de la mer et des frontières, la défense informatique, le renseignement moderne, la lutte contre le terrorisme et la prolifération nucléaire, la lutte contre les armes chimiques et biologiques.
En 2012, le renseignement militaire – direction générale de la sécurité extérieure, direction du renseignement militaire, direction de la protection et de la sécurité de la défense – disposera de 675 millions d'euros de crédits de paiement contre 652 millions d'euros en 2011, soit une hausse de 3,7 %. Soulignons que, dans une période de déflation forte des effectifs du ministère, la DGSE est la seule à gagner des emplois : 690 agents supplémentaires sur la durée de l'actuelle programmation.
Notre pays doit se montrer volontariste et inciter les industriels concernés à coopérer et à investir dans les domaines porteurs. Les talents foisonnent dans notre pays : faisons les travailler ensemble ! Le manque d'ingénieurs est régulièrement dénoncé par les industriels et je vous invite, monsieur le ministre, à appeler l'attention de vos collègues de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur sur ce problème.
Ce manque d'ingénieurs peut en effet être préjudiciable pour notre économie. Qui dit manque d'ingénieurs, dit manque de recherche et développement, déficit de recherche et technologie, perte d'innovation et de créativité, qui sont les moteurs de l'économie et de la croissance, et donc de votre budget, monsieur le ministre. Pour compenser, nous achetons sur étagère. Mais si les petits laboratoires ferment, notre savoir-faire va s'éteindre et des pans entiers de nos industries risquent de disparaître.
Le développement de notre industrie de défense passe aussi par l'exportation. À ce titre, je souhaite saluer les succès de l'année 2011, qui a été particulièrement fructueuse avec, entre autres, la contractualisation par l'Inde de la rénovation de sa flotte de Mirage 2000 – contrat qui bénéficiera essentiellement à Thales – et la vente à la Russie de deux navires de projection et de commandement.
Nous espérons tous que l'année 2012 permettra la concrétisation de deux gros contrats de vente du Rafale : l'un portant sur soixante appareils, en cours de négociation avec les Émirats arabes unis ; l'autre, portant sur la fourniture de 126 chasseurs, en cours de négociation avec l'Inde pour lequel le Rafale est en concurrence avec l'Eurofighter.
La France est en train de réussir la transformation et la modernisation de ses armées, avec un niveau d'engagement extérieur jamais atteint. Nous pouvons vous en féliciter, monsieur le ministre.
Bénéficiant de recettes exceptionnelles mais aussi d'une politique volontariste de la part du Gouvernement, les ressources militaires de la France sont bien moins affectées par les restrictions budgétaires qu'en Allemagne et au Royaume-Uni. La marine britannique n'aura plus de porte-avions avant 2020.
Monsieur le ministre, vous avez la responsabilité de nous protéger contre les menaces. Il en est une que vos services, très performants au demeurant, n'ont pas encore détectée mais qui pèse lourdement sur notre pays : c'est celle de l'illettrisme économique, qui peut nous faire perdre notre triple A. Cet illettrisme économique pourrait au moins geler les programmes de défense.
Quand je parle d'illettrisme économique, je pense à certains candidats à la présidentielle qui partent en guerre contre le nucléaire. Cela mettrait un million d'emplois en danger, et il faudrait encore trouver 400 milliards d'euros pour le démantèlement des centrales et le passage à une autre énergie !
Je pense à un autre candidat, parti en guerre contre tous les exemples de la réussite en France, et qui veut taxer les revenus de plus de 350 000 euros. Plus de 100 000 personnes – les grands sportifs, les grands artistes, les grands intellectuels, les banquiers, les administrateurs du CAC40, les grands chefs d'entreprise – sont concernées. Vous imaginez la gravité de la situation si cette élite française partait ! En voulant imposer les revenus à 100 % au-delà de 350 000 euros, ce sont toutes ces élites que l'on vise.
Je pense aussi à cet autre candidat, Merlin l'enchanteur, qui veut fonctionnariser la France en ajoutant près d'un demi-million de fonctionnaires – en ponctionnant le budget de l'État.
Monsieur le ministre, il faut que vous sonniez la mobilisation générale contre cet illettrisme économique qui hypothèque votre propre budget. En effet, nous votons aujourd'hui un budget qui pourrait devenir, du jour au lendemain, obsolète et caduc, si nous perdions notre notation AAA.
Je suis toujours étonné, je dois l'avouer, que nous restions à ce point performants alors même que des gouvernements précédents ont mis à mal l'économie nationale en développant une culture idéologique opposée à l'économie de marché. Je rappelle que tous les pays au monde se sont convertis à l'économie de marché ! La Corée du Nord et une certaine tendance politique particulière française sont les deux seules exceptions.
Le résultat de cette culture est désastreux : 1 700 milliards d'euros de dettes.
Je pense à l'ISF qui a fait partir 500 milliards d'actifs financiers et à l'application irresponsable des trente-cinq heures qui a créé 150 milliards de dettes supplémentaires en dix ans ! Nous sommes le seul pays au monde qui ait ainsi porté atteinte à sa compétitivité et au pouvoir d'achat de ses citoyens !
Pourquoi alors n'avez-vous supprimé ni l'ISF ni les trente-cinq heures ?
Je pense au coût du passage de la retraite de soixante-cinq à soixante ans en 1983. Un vrai désastre de plus de 500 milliards d'euros de dettes supplémentaires en presque trente ans ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
Je pense aux 1,5 million de fonctionnaires supplémentaires embauchés depuis 1981. Au total, l'opération aura coûté 500 milliards depuis trente ans !
Je pense à notre dette qui nous coûte 49 milliards d'euros par an rien qu'en intérêts, et 80 milliards si l'on ajoute le remboursement des annuités ; sur trente ans, nous avons largement payé plus de 500 milliards d'euros d'intérêts supplémentaires !
Je me tiens bien sûr à votre disposition pour des contre-expertises.
La cerise sur le gâteau, pour la défense, ce sont les 460 millions d'euros, près d'un demi-milliard, inscrits à ce budget pour effacer les rétrocommissions du gouvernement de 1991. C'est une dépense dont aurait pu se passer en envoyant directement la facture rue de Solférino ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
Ces dangers, cette culture idéologique opposée à l'économie de marché, cet illettrisme économique, il faut en parler : c'est un drame, surtout en pleine guerre mondiale économique ! Tout cet argent gaspillé au nom de l'archaïsme, de l'irresponsabilité et de l'amateurisme aurait pu être utilisé à meilleur escient et profiter à nos armées, à nos soldats, à nos industries de défense et à notre recherche. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
Pour conclure…
…je rappellerai que le PIB de l'Union européenne s'élève à 16 000 milliards de dollars contre 14 000 milliards de dollars pour les États-Unis. Si les principales composantes politiques et industrielles de l'Union européenne voulaient mieux coopérer, on imagine sans peine la puissance économique, diplomatique et militaire qu'acquerrait l'Europe. Quant aux Chinois, il n'est pas prévu qu'ils arrivent avant 2035 au niveau de l'Union européenne.
La réussite de l'Europe passe par l'amélioration de la coordination de nos entrepreneurs entre eux, mais aussi en coopération avec la DGA et le politique. Compte tenu de son étroite imbrication avec l'État, le secteur de la défense doit être exemplaire sur ce plan, sous peine de ne pas résister à la concurrence extra-européenne.
Mes chers collègues, les récents conflits libyen et ivoirien doivent servir d'exemple pour notre industrie de défense et pour nos militaires. Soyons fiers de nos réussites, de l'excellence de ces hommes et de ces femmes.
Soyons fiers aussi d'avoir à la tête de notre pays un président compétent, qui ne tremble pas devant l'action et devant la décision, qualités indispensables pour un chef d'État, chef des armées.
Le budget qui nous est proposé pour 2012 permettra à notre armée de conserver son rang – s'il n'y a pas d'autre traumatisme, si vous voyez ce que dont je veux parler…
Notre armée pourra aussi conserver ses savoir-faire largement reconnus et ses capacités d'intervention. Je formule donc, mes chers collègues, un avis favorable à l'adoption des crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour le budget opérationnel de la défense.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de la défense et des forces armées, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en 2012, les autorisations d'engagement s'élèveront à 40,2 milliards d'euros contre 41,9 milliards d'euros en 2011, soit une baisse de 4,1 %. Mais cette diminution fait suite à une année 2011 dont le niveau d'engagement était particulièrement élevé, après une année 2009 exceptionnellement faste en raison d'un grand nombre de commandes groupées. En matière de défense plus qu'en toute autre, les autorisations d'engagement connaissent une évolution inégale, liée à la signature de commandes volumineuses, et elles sont moins représentatives de l'évolution globale du budget que les crédits de paiement.
Ceux-ci s'élèvent dans ce projet de loi de finances à 38,2 milliards d'euros contre 37,4 milliards d'euros en 2011, ce qui correspond à ce stade à une hausse supérieure à l'inflation : cela traduit l'effort consenti par la nation dans le domaine de la défense, à l'issue, il est vrai, d'une année où nos forces ont été fortement mises à contribution.
Les moyens du programme 178 « Préparation et emploi des forces », le mieux doté de la mission, s'élèveront à 22,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, soit une augmentation de 1,8 %. Compte tenu du faible niveau de l'inflation mais aussi de la réduction du nombre de fonctionnaires civils et militaires – 7 500 en moins pour le programme, 8 000 en tout pour la mission « Défense » –, on peut considérer que les crédits du programme sont de nature à préserver l'outil de défense.
Ce projet de budget apporte notamment une attention toute particulière à l'entretien programmé des matériels, dont les crédits de paiement s'élèveront en 2012 à 3,1 milliards d'euros, soit une nette hausse de 252 millions d'euros, c'est-à-dire de 8,7 % par rapport à 2011. Cette augmentation fait suite à une hausse à peine moins élevée de 6,8 % en 2011. Cette évolution dans la durée traduit une forte volonté politique d'améliorer la disponibilité des équipements, coûteux et désormais comptés, dont disposent nos forces armées. Elle est d'autant plus nécessaire que les moyens aériens des trois armées ont été très sollicités cette année, notamment lors de l'opération Harmattan en Libye : la régénération de leur potentiel est plus que jamais nécessaire.
Si le budget de la défense peut sembler préservé en 2012, cela est dû à la conjonction de deux facteurs : tout d'abord l'existence d'une volonté politique déterminée à protéger un outil de défense efficace – nous l'avons vu cette année en Côte d'Ivoire, puis en Afghanistan et en Libye –, mais aussi l'arrivée tant attendue des premières recettes exceptionnelles.
L'ARCEP, l'Autorité de régulation des communications électroniques et postales, dont j'ai rencontré le président dans mes fonctions de rapporteur spécial à deux reprises, a en effet enfin pu procéder à la vente de la première tranche des fréquences hertziennes. Il s'agit des fréquences hautes issues du système Rubis de la gendarmerie nationale.
Les prévisions établies en 2009 tablaient sur un montant de recettes de l'ordre de 600 millions d'euros pour l'ensemble des fréquences, desquels devaient être retranchés les frais techniques de basculement de fréquences, estimés à 185 millions d'euros. Il serait donc resté 415 millions d'euros net pour le budget de la défense. Or, la vente de la seule première tranche a rapporté 936 millions d'euros nets de frais de dégagement, c'est-à-dire que la première bande a rapporté plus du double de ce qui était attendu pour l'ensemble des deux bandes de fréquences.
Selon l'ARCEP, ce résultat est le plus élevé de tous ceux obtenus dans les pays européens comparables, Allemagne, Italie et Espagne.
Cette somme de 936 millions d'euros sera versée avant la fin de l'année au ministère de la défense qui, pour des raisons techniques, bénéficiera d'un report sur l'année 2012.
Quant à la bande basse, seconde tranche d'ondes hertziennes mise en vente, elle présente des qualités de pénétration dans les bâtiments qui la font surnommer « la fréquence en or » et elle est encore plus prisée des opérateurs. Les sommes recueillies par la vente de cette tranche qui interviendra au mois de décembre pourraient dépasser largement le milliard d'euros ; en Italie, la vente d'une fréquence similaire dans des circonstances analogues a rapporté 3 milliards d'euros à l'État italien, qui en a bien besoin lui aussi. D'ailleurs, l'ARCEP a fixé le prix de réserve à 1,8 milliard d'euros.
Mais seule une fraction de trente-deux soixante-douzièmes de cette bande est constituée d'ondes cédées par le ministère de la défense, le reste provenant du « dividende numérique », c'est-à-dire des économies réalisées par le passage au numérique hertzien, moins gourmand en fréquences. La mission « Défense » ne pourra donc prétendre recevoir qu'une partie de cette somme, l'arbitrage revenant in fine à Matignon.
Permettez-moi de me réjouir du succès, certes attendu de longue date, de cette opération ; il arrive à un moment où le budget de la nation a plus que jamais besoin d'une telle ressource.
En tant que rapporteur spécial de la commission des finances et plus encore en tant qu'ancien co-rapporteur, avec notre regrettée collègue Françoise Olivier-Coupeau, de la mission d'évaluation et de contrôle sur les recettes exceptionnelles, je tiens à féliciter les acteurs qui ont su valoriser cette ressource et la mettre en vente au bon moment. La commission des finances suivra avec d'autant plus d'attention la vente de la seconde tranche, au mois de décembre.
J'en arrive maintenant au budget des opérations militaires extérieures, qui a atteint cette année un niveau record. Le budget de l'année 2012 permettra de continuer à réformer et moderniser une armée particulièrement sollicitée, en 2011, par trois opérations extérieures de grande ampleur qui ont démontré l'efficacité des armes de notre pays.
Tout d'abord, le rôle essentiel des forces françaises a permis à la Côte d'Ivoire de sortir d'une situation de blocage qui la pénalisait depuis 2002, et a permis au président légitimement élu d'accéder au pouvoir.
Ensuite, en Afghanistan, les forces françaises ont continué à mener un travail - peu gratifiant sur le plan médiatique, ingrat et périlleux mais indispensable - de présence, de soutien et de formation de la jeune armée afghane. Je tiens à rendre hommage à mon tour à ceux de nos soldats tombés sur ce théâtre.
Enfin, dans l'espace aérien et naval libyen, les aviateurs de l'armée de l'air, les marins de l'aéronavale et les équipages de l'aviation légère de l'armée de terre ont mené ensemble une formidable opération, en coopération avec l'OTAN et sous mandat de l'ONU, avec le souci permanent de limiter au strict minimum les dommages collatéraux au sol. Cette opération s'est achevée avec les résultats que nous connaissons et a été menée à bien, comme l'a souligné avant moi Jean-Michel Fourgous, sans perte humaine ni matérielle pour nos forces.
Si elles ont été les plus visibles, ces trois opérations n'ont pas été les seules : nos armées sont toujours présentes au Tchad, au sud-Liban, au Kosovo ainsi que dans l'océan Indien pour l'opération Atalante de lutte contre la piraterie.
Sur le plan financier, ces opérations ont certes un coût. Hors Libye, le coût des OPEX s'élève à 878 millions d'euros, un niveau proche de celui de 2010, qui était de 860 millions pour 630 millions d'euros inscrits en loi de finances. Je me permets de souligner, à titre de rappel historique et de comparaison, que ce montant était de zéro euro dans la loi de finances initiale en 2002.
L'opération libyenne ayant coûté entre 300 et 350 millions d'euros, c'est au total 1,2 milliard d'euros environ que la France a dépensé au titre des opérations extérieures en 2011, un record absolu en raison de la multiplicité des théâtres. Dès lors, les recettes exceptionnelles ne pouvaient pas arriver à un meilleur moment.
Je souhaite également m'arrêter un moment sur la réorganisation du dispositif prépositionné.
En effet, pendant ces opérations, le ministère de la défense continue à redéployer ses forces prépositionnées. Le Sénégal et la Côte d'Ivoire voient leurs effectifs réduits au profit des forces stationnées au Gabon, pays qui devient le principal point d'appui sur la façade atlantique du continent africain. Dans la partie orientale de l'Afrique, le dispositif implanté à Djibouti, même s'il reste substantiel, est rééquilibré au profit de la nouvelle implantation d'Abou Dhabi : le nombre d'avions passe de dix à sept, tandis que celui des Émirats arabes unis passe simultanément de trois à six ; la treizième demi-brigade de la Légion étrangère a été transférée de Djibouti aux Émirats.
Cette réorganisation a permis de remettre à plat le traité de défense qui lie la France à Djibouti. Le volet financier est modifié. Le principe de base selon lequel la présence française doit se traduire par une compensation de 30 millions d'euros pour le Trésor djiboutien est conservé, mais deux ajustements sont à signaler.
D'une part, pour compenser le manque à gagner provoqué par la baisse des effectifs présents, la France a accepté d'augmenter de 1,18 million d'euros l'enveloppe versée aux autorités djiboutiennes, même s'il peut apparaître paradoxal d'augmenter une indemnité censée compenser la présence des troupes françaises, au motif qu'elles sont moins nombreuses.
Mais, d'autre part, les autorités djiboutiennes ont accepté la demande française qui consiste à prendre en compte dans l'enveloppe de 30 millions d'euros les recettes de TVA payées par nos militaires, qui vont directement dans les caisses de l'État djiboutien. La prise en compte de cet élément est favorable à notre budget de la défense puisqu'il devrait permettre d'économiser environ 8,5 millions d'euros, dans une enveloppe constante.
Les négociations ne sont pas achevées pour autant. La cession de l'hôpital Bouffard aux autorités djiboutiennes est décidée, les modalités de sa réalisation restant encore à préciser. En tant que rapporteur spécial, je me suis rendu sur place en 2010, et j'avais relevé le fait que les prestations qui y sont effectuées sont pour l'essentiel réalisées au profit des forces armées djiboutiennes et de leurs ayants droit, pour un montant que l'on peut évaluer à 11 millions d'euros, non défalqués de l'indemnité versée par la France.
Compte tenu du coût non négligeable du fonctionnement de cet établissement, surtout dans un contexte de diminution sensible de la présence militaire française, la réalisation d'un centre de santé plus modeste que l'hôpital Bouffard et mieux adapté au nouveau format de nos forces devrait être suffisant pour satisfaire les besoins futurs de nos militaires et de leurs familles.
Peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur l'état d'avancement de la renégociation de notre accord de défense avec Djibouti, dans un esprit de coopération mutuelle.
Je ne voudrais pas terminer mon propos sans dire quelques mots sur l'ETEC, cet escadron chargé du transport aérien des personnalités gouvernementales.
Comme vous le savez, j'avais mené l'an dernier un contrôle sur pièces et sur place avec Jean-Michel Fourgous. Nous avions insisté sur la nécessité, pour les différentes administrations, de rembourser avec plus de célérité les déplacements des autorités gouvernementales. Notre action semble avoir porté ses fruits. Les remboursements en 2010 et au début de 2011 n'ont pas été plus rapides, mais selon l'armée de l'air, la faute n'en revient pas aux ministères mais cette fois au logiciel Chorus, bien connu de tous les parlementaires, dont les débuts difficiles ont perturbé les opérations. Toutefois, pour prouver leur bonne foi et leur volonté de rembourser, la plupart des ministères ont ouvert des comptes bloqués où ont été déposées les sommes en question. Le pli semble donc pris pour que ces remboursements se fassent dans de bonnes conditions, et nous nous en réjouissons.
Notre contrôle a eu un autre effet. Nous avions dénoncé la règle selon laquelle 30 % du remboursement revenait au budget général, 70 % seulement étant versé à l'armée de l'air qui supporte pourtant la totalité de la charge. Grâce à la pression exercée et au contrôle parlementaire, et peut-être aussi à tous ceux qui se sont manifestés lors du débat budgétaire de l'année dernière, le décret qui est à la base de cette règle est en cours de modification. Un projet de nouveau décret vient de recevoir un avis favorable du Conseil d'État, et l'armée de l'air devrait être remboursée, à compter du 1er janvier 2012, de la totalité des sommes en question. La mission de rapporteur spécial de la commission des finances peut donc avoir, monsieur le ministre et monsieur le président de la commission de la défense, des effets intéressants et positifs pour le budget de la défense.
Je veux saluer également le rôle complémentaire et utile qu'a pu jouer la Cour des comptes dans le cadre de sa nouvelle mission d'assistance au Parlement telle que consacrée par l'article 58-2 de la LOLF et l'article 47-2 de la Constitution introduit par la réforme constitutionnelle de juillet 2008. C'est la raison pour laquelle figure en annexe de mon rapport le travail de la Cour des comptes sur les systèmes d'information et de communication du ministère de la défense.
En conclusion, malgré la situation économique particulière dans laquelle se trouvent non seulement notre pays mais aussi une bonne partie de l'Europe, le budget de la défense sera préservé en 2012, en particulier grâce aux recettes exceptionnelles dont l'arrivée est désormais certaine. Compte tenu de l'effort consenti par nos militaires, notamment en opérations extérieures, c'est bien le moindre geste que la nation pouvait faire à leur égard.
Monsieur le ministre, j'ai l'honneur de formuler un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Merci, monsieur le rapporteur.
La parole est à M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, vous nous présentez un budget de 31 milliards d'euros, dont 16 milliards en investissement Notre commission des affaires étrangères l'a approuvé, sans que j'aie eu besoin d'insister outre mesure.
Ce budget est, dites-vous, dans la ligne de la loi de programmation militaire. Tout est dans le mot « ligne ». En fait, nous serons 10 % au-dessous de la loi de programmation, car sa réalisation sera difficile compte tenu du retard de rentrée des recettes exceptionnelles, de la dépréciation probable des recettes immobilières, de l'épuisement des reports de crédits, d'économies lointaines attendues de la réorganisation, du surcoût inévitable des bases de défense, d'un financement d'OPEX non encore clarifié, d'économies supplémentaires imposées par la baisse des prévisions de croissance et par les dernières annonces d'économies budgétaires, 46 milliards d'euros d'engagements non couverts à la fin de 2012, ce qui rendra difficile le lancement éventuel de nouveaux programmes. La « bosse » se reconstitue.
Ce budget sera donc extrêmement difficile à réaliser. Ce n'est pas un problème majeur. Je n'ai pas le dogme de la loi de programmation et encore moins celui des livres blancs, qui vieillissent très vite dans le monde post guerre froide. Que valaient les livres blancs rédigés à la veille de la chute du mur de Berlin, du drame des Twin towers ou à l'aube des printemps arabes ?
À ce propos, je constate avec satisfaction que nous n'avons pas disloqué notre dispositif africain, comme nous y invitait avec légèreté le dernier livre blanc. La Côte d'Ivoire, la montée d'Al-Qaida au Sahel. la persistance de la piraterie, sans compter quelques lointaines nécessités, nous ont ramenés au réalisme.
Je voudrais rappeler que, même si la précédente loi de programmation militaire n'a pas été plus réalisée que les autres, nos armements modernes récemment fabriqués ont été au rendez-vous de la Libye. Si j'excepte l'échec du drone européen, tous les autres systèmes ont été parfaitement opérationnels : Rafale, kit de guidage A2SM, SCALP et Tigre, Mistral, SNA.
Il n'est d'ailleurs pas inutile d'établir quelques comparaisons. Les États-Unis baissent pour la première fois leur budget depuis trente ans, mais en même temps ils augmentent leurs investissements et leur budget de recherche et développement. N'oublions pas que leur retrait d'Irak et d'Afghanistan leur fera économiser 100 milliards de dollars par an.
La Chine augmente significativement son budget. Au rythme actuel, dans dix ans il atteindra celui des États-Unis.
La Grande-Bretagne baissera le sien de 15 % d'ici à 2014, l'Allemagne de 14 %, passant ainsi très au-dessous de 1 % du produit intérieur brut. L'Europe veut-elle exister ?
Dans notre budget, les trois principales victimes de ce ralentissement sont la simulation nucléaire, la rénovation de nos Mirage 2000 et l'éloignement dans le temps du lancement du satellite CERES. Pour ce dernier programme, il serait souhaitable que le retard soit comblé, car le renseignement d'origine électromagnétique combiné à l'image d'origine spatiale est l'élément capital de nos moyens de renseignement.
Rappelons l'immense effort de nos personnels. Ils auront connu, à la fin de 2012, 184 mouvements de réorganisation et 34 000 départs. La suite sera plus difficile pour ceux qui en auront la gestion.
Depuis la chute du mur de Berlin, nous ne cessons de réorganiser l'outil militaire. Le paysage stratégique l'impose mais, nos concitoyens doivent le savoir, c'est difficile à vivre en interne.
Au titre des bonnes nouvelles à attendre, quitte à surprendre et malgré une baisse conjoncturelle, je citerai les perspectives à l'exportation. II est possible que le Rafale sorte enfin de son isolement franco-français. Je n'ai pas d'inquiétude sur les capacités de l'A400M à trouver des marchés quand il sera opérationnel.
Le programme FELIN et les bâtiments de projection et de commandement exportés vers la Russie sont aussi d'excellentes vitrines de nos industries d'armement.
Au titre des regrets, je me dois de citer le montant trop faible des sommes allouées à la recherche et au développement : diminution de 20 millions d'euros des crédits de recherche amont. Le rapport de force stratégique se situe aussi dans la course aux technologies du futur.
Mais le principal reproche que je fais à votre politique est le trop lent retrait de nos forces d'Afghanistan. Vous savez comme moi que ce ne sont pas les forces de l'OTAN qui ont abattu Al-Qaida, que notre mission là-bas est terminée, que la situation dans trois ans ne sera pas meilleure qu'aujourd'hui, que les Afghans veulent construire leur avenir eux-mêmes, que ces coûts financiers – un demi-milliard d'euros au minimum par an – sont aujourd'hui supportés en pure perte.
En revanche, l'intervention en Libye a été un succès politique et militaire.
Un succès politique, parce que la coalition n'a pas déployé de troupes au sol, qu'elle a puissamment et je dirai intelligemment aidé le peuple libyen sans jamais se placer, contrairement à ce qui s'est produit en Irak et en Afghanistan, dans la posture de troupe d'occupation. Elle a appliqué les principes de la guerre asymétrique.
Je crois que l'on peut dire que l'on a changé d'époque. L'Afghanistan et l'Irak sont des guerres du passé, des guerres du xxe siècle dans la lignée du Vietnam ou de l'Afghanistan version soviétique. Un peuple sur son propre sol a toujours la légitimité du combat. Tôt ou tard, celui qui vient d'ailleurs s'épuise.
Un succès militaire, car il n'y a pas eu de perte, pas d'attrition d'appareils, pas de dommages collatéraux, en revanche une grande adaptation des moyens aux objectifs, un renseignement humain compétent. Certes les ravitailleurs américains, leurs armes anti-défense anti-aérienne, leur renseignement en temps réel ont joué un grand rôle, mais cela ne doit en rien minimiser la qualité de nos matériels, de nos hommes et du commandement. La représentation nationale doit leur rendre hommage.
De terribles massacres ont été évités et un peuple peut prendre son destin en main. Que les Libyens organisent leur société comme ils le souhaitent ! La Libye d'aujourd'hui n'est ni l'Afghanistan du xxe siècle ni l'Iran des années 80. Il a fallu à la France près d'un siècle, trois restaurations, deux empires et quelques carnages pour passer de la Révolution à la République. Que les esprits chagrins fassent un peu plus confiance à la modernité !
Ce succès ne doit en aucun cas faire baisser notre vigilance. Dans chaque OPEX, même africaine, ce sont des matériels très performants qui ont été engagés et en grand nombre. Nos concitoyens doivent faire l'étrange constat que pendant la guerre froide nos armées avaient peu d'activités et que depuis elles n'ont jamais autant de travail. Ce monde nouveau est instable et imprévisible ; nos dépenses de défense sont plus utiles que jamais.
Il n'est cependant pas possible d'évoquer l'histoire du conflit libyen sans parler du fiasco absolu de la politique européenne de sécurité et de défense. L'Europe Arlésienne politique parce qu'Arlésienne budgétaire ou plutôt Arlésienne budgétaire parce qu'Arlésienne politique ? La vérité s'impose. Si, en matière économique, il y a, et avec combien de difficultés, un couple franco-allemand, en matière stratégique c'est le couple franco-britannique qui s'impose durablement. Quelle Europe construirions-nous si celle-ci acceptait à ses frontières des massacres de populations civiles ?
Ce conflit a été une épreuve de vérité. Nous n'avons pas fini d'en tirer les leçons politiques et militaires.
Monsieur le ministre, si l'Europe de la défense a été inexistante sur le plan stratégique, elle ne se porte pas mieux sur le plan industriel. La création du groupe EADS a bientôt quinze ans ; depuis rien. L'Agence européenne de défense est morte, les coopérations structurées ne verront jamais le jour.
Un simple commentaire sur la proposition de nos amis américains de parapluie antimissile. Les petits pays se sont rués sur cette proposition, pensant acheter une sécurité assurée par d'autres. J'espère pour eux que l'histoire ne les décevra pas.
Pour ce qui nous concerne, je ne vois pas comment nous pourrions dépenser de l'argent pour un système techniquement inopérant, répondant à une menace virtuelle, décrédibilisant notre dissuasion, absorbant nos crédits de recherche. Ce concept obsolète au service d'industries lointaines serait en fait un signal de démission collective.
Je me réjouis de la bonne santé de nos services de renseignement et des décisions positives qui ont été prises dans le cadre de la cybersécurité. Avec la dissuasion nucléaire, le poids stratégique des nations du xxie siècle se mesurera à la capacité de renseignement. Il y aura ceux qui sauront et ceux qui attendront les informations. La véritable ligne de partage politique du futur passera par là.
En conclusion, et après avoir considéré l'état des systèmes de défense de nombreux pays, je veux dire ma conviction que la défense française a un excellent taux coût-performances. Nous avons une dissuasion crédible et indépendante, un système satellitaire de renseignement, des capacités de projection modernes, des équipements de dernière génération, des hommes motivés ayant le sens de la nation. Nous fabriquons l'essentiel de nos armements et disposons d'une force politique majeure : un consensus de défense qu'à ma modeste place j'ai l'honneur de servir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et UMP.)
La parole est à M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'environnement et la prospective de la politique de défense.
Monsieur le ministre, la dotation budgétaire du programme 144, qui s'élève à 1,9 milliard d'euros, est sensiblement identique à celle des années précédentes, voire en très légère hausse, tout en prenant en compte le coup de rabot dont le ministre nous a donné hier quelques éléments. Ces moyens sont donc de nature à permettre aux six actions affectées à ce programme de se déployer dans de bonnes conditions.
J'insisterai plus particulièrement sur deux de ces actions majeures : le renseignement et la recherche de défense.
Nous savons que le renseignement est l'une des priorités clairement affichée dans le Livre blanc et traduite naturellement dans la loi de programmation militaire. Il est avéré aujourd'hui que les efforts qui avaient été souhaités pour que le renseignement français soit parmi les meilleurs au monde ont été couronnés de succès. Bien sûr, nous ne sommes pas encore au bout, mais en termes humains et techniques, nous pouvons saluer les efforts réalisés et dire que la France dispose d'un service de renseignement parmi les plus performants.
Il faut donc, monsieur le ministre, maintenir nos efforts dans ce domaine, mais nous vous faisons confiance.
La recherche de défense, c'est un autre problème. Les rapporteurs qui se sont exprimés avant moi ont souligné l'importance de la recherche technologique dans le domaine de la défense, et l'exemple de la Libye montre avec éclat ce que la supériorité technologique peut apporter à des forces armées.
Évidemment, si l'on examine un peu superficiellement le programme 144, on remarque que les crédits alloués aux études amont ne croissent pas autant qu'on aurait pu le souhaiter – disons-le très honnêtement, monsieur le ministre – et cela ne fait qu'aggraver une dynamique négative constatée tous les ans.
Gardons-nous cependant d'un regard trop superficiel. La recherche, ce n'est pas quelque chose de simple à identifier, à détourer dans un budget. Quelques chiffres vous montreront à quel point c'est compliqué.
Le budget de la défense affiche un montant de 633 millions d'euros pour les études amont. Mais, si l'on ajoute à cela les subventions attribuées à de grands organismes de recherche, à des laboratoires extrêmement performants, tels Polytechnique, l'Office national d'études et de recherches aérospatiales, l'Institut Saint-Louis et d'autres encore, on obtient l'agrégat « Recherche et technologie » d'un montant global d'environ 900 millions d'euros. Ajoutons encore les crédits alloués à d'autres programmes, comme le programme 146 ou le programme 191 « Recherche duale (civile et militaire) », on obtient alors une enveloppe d'un montant de 1,7 milliard d'euros : nous avons changé d'échelle. Si l'on veut bien, enfin, intégrer ce qui concerne le développement, dans le cadre du concept de recherche et développement, qui est d'ailleurs celui que la plupart des autres pays retiennent, on parvient à un montant global de 3,5 milliards d'euros.
Quand on parle de recherche, il faut donc se garder de certains affichages et ne pas s'arrêter à des éléments qui, s'il faut évidemment les prendre en considération, ne forment pas le tout de cet ensemble qu'est la recherche au sens large.
La France, disons-le et soyons-en fiers, figure donc quand même, malgré ses difficultés, parmi les pays européens qui fournissent les efforts les plus soutenus en matière de recherche de défense, si elle n'est pas tout simplement le pays qui fournit les efforts les plus intenses.
N'oublions pas non plus – on l'oublie trop souvent – l'effort consenti dans le cadre de notre politique de finances publiques sous la forme du crédit d'impôt recherche. Nos entreprises, les grandes comme les petites, en bénéficient directement car il leur permet de déduire de leur impôt 30 % de leurs dépenses de recherche dans la limite de 100 millions d'euros, et 5 % au-delà. C'est un extraordinaire moyen d'encourager la recherche des entreprises, qui explique d'ailleurs le fait qu'en leur sein, la recherche financée par les fonds propres ait pris le pas sur la recherche soutenue par des fonds publics.
Il était important, mes chers collègues, de faire le point de manière précise et exhaustive sur la recherche de défense. Nous sommes une nation qui consent de grands efforts. Peut-être restent-il insuffisants, peut-être ne faut-il pas s'en satisfaire, mais ne soyons pas pessimistes.
S'agissant de l'Agence européenne de défense, M. Boucheron a affirmé tout à l'heure que l'Europe était morte et que cette agence n'existait plus. Soit, on peut avoir cette vision un peu caricaturale, et je n'en veux pas à mon excellent collègue de s'exprimer ainsi. La France n'en est pas moins le pays qui fournit l'effort le plus important pour soutenir, notamment en matière de recherche, les programmes de l'agence. Celle-ci ne fonctionne peut-être pas aussi bien qu'elle le devrait, mais il faut que les Français sachent que nous faisons, avec le ministère de la défense, avec le Gouvernement, tous les efforts possibles pour qu'elle ait du sens. La démarche européenne, en dépit de toutes les difficultés soutenues, est une véritable politique, et on a le droit d'y croire !
Dernière observation, qui ne vous fera pas plaisir, monsieur le ministre, la diminution, au sein de notre budget de défense, des crédits affectés à l'espace est préoccupante. Dans le même temps, les crédits affectés au nucléaire augmentent. Je ne suis pas contre le nucléaire, mais je crois que ces évolutions en sens inverse doivent nous inciter à nous interroger.
Au terme de cette présentation, somme toute positive, je vous encourage naturellement, mes chers collègues, à voter le budget du programme 144. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Philippe Nauche, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour le soutien et la logistique interarmées.
Il n'est sans doute pas utile, monsieur le ministre, mes chers collègues, de décrire ligne à ligne le budget consacré au soutien et à la logistique interarmées. J'évoquerai simplement les aspects les plus sensibles.
Le premier point concerne la politique immobilière. Le ministère s'est lancé dans un projet d'envergure visant à regrouper les sites franciliens à Balard. Ce projet avance et les emprises libérées devraient pouvoir être vendues pour contribuer aux fameuses ressources exceptionnelles. Cependant, tout ne s'est pas déroulé comme le Gouvernement l'escomptait en 2009 : le ministère a obtenu moins de 500 millions de recettes cumulées, alors qu'un montant de 700 millions d'euros était inscrit en loi de finances initiale. Encore faut-il préciser que ce montant de 500 millions inclut une recette facile, à savoir l'anticipation de dix années de loyers versée par la Société nationale immobilière.
En 2011, le montant des cessions doit atteindre entre 110 et 180 millions d'euros. Celui attendu en 2012 est de 163 millions d'euros.
Les recettes immobilières exceptionnelles n'ont donc pas été au rendez-vous et seront loin de l'être au niveau promis en 2009. Or les bonnes nouvelles liées à la vente des fréquences hertziennes ne viendront pas compenser ce manque à gagner. Cette situation est préoccupante, car les ressources immobilières sont censées financer d'importants projets d'infrastructures pour les armées ; je pense en particulier à l'accueil de l'A400M et à celui des hélicoptères de nouvelle génération, autant de projets pour lesquels de grandes masses d'autorisations d'engagement ont été votées et qu'il faudra bien financer. À deux ans de la fin de la programmation, il risque donc de se constituer une bosse de crédits de paiement dans le domaine des infrastructures.
Le projet de Balard suit son cours. Pour ma part, je suis inquiet quant à la capacité réelle du ministère à réaliser des économies dans le cadre de ce projet. Tout d'abord, il se fonde sur des hypothèses très optimistes. Les économies sont en effet évaluées à partir de comparaisons de périmètres difficiles à saisir. Comment faire des comparaisons sans savoir ce qui se passait auparavant ? Cela semble quelque peu difficile. Je crois aussi qu'il faut combattre l'illusion selon laquelle le partenariat public-privé fera gagner de l'argent à l'État. Les PPP de la gendarmerie devraient nous inciter à beaucoup de prudence.
Les systèmes d'information et de communication constituent un autre grand chantier. La mise en place du logiciel Chorus s'est révélée difficile en 2010 et en 2011. J'estime le surcoût à 63 millions d'euros pour la période 2009-2010, celui pour 2011 restant à évaluer. Je pense qu'il devrait faire l'objet d'une prise en charge interministérielle, au moins partielle, le ministère ayant joué un rôle pionnier dans sa mise en oeuvre.
Le programme 212 comporte également les crédits d'accompagnement des restructurations. Ceux liés au nouveau plan de stationnement ont été sous-consommés, et moins de la moitié des crédits de paiement prévus pour l'année 2010 ont été consommés. Une configuration similaire semble se dessiner pour 2011. Le retard cumulé des programmes pourrait faire peser une lourde charge sur la fin de programmation ou conduire à des annulations de crédits. Les annonces récentes sur la baisse des crédits du programme 212 sont d'ailleurs étroitement liées à cette question.
S'agissant du rapprochement interarmées, si la carte des bases de défense paraît aujourd'hui plus cohérente, nous ne disposons toujours pas d'évaluations précises des gains attendus et encore moins de ceux réalisés. Compter le nombre d'équivalents temps plein est une chose, parvenir à calculer le montant global des économies réalisées est plus compliqué.
Parmi les éléments positifs qu'il faut relever, la mise en place des structures interarmées que sont le service interarmées des munitions et le service du commissariat aux armées semble bien se dérouler.
En matière d'externalisations, soyons extrêmement prudents, et évitons le « tout ou rien ». Optons par exemple pour des régies optimisées ou encore des approches partenariales souples.
Disons deux mots du service de santé des armées pour souligner la mise en place d'un plan d'économies sur le coût de fonctionnement des hôpitaux d'instruction des armées, qui fait suite aux préconisations de la Cour des comptes.
L'enveloppe attribuée au service de santé des armées a diminué de 12,2 millions d'euros du fait de l'entrée en vigueur de nouvelles modalités de calcul du financement des missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation du secteur hospitalier militaire. Employées pour arrêter le montant de cette dotation qui relève du cadre général de la santé, elles ne sont pas du tout adaptées au service hospitalier militaire.
Le service des essences des armées, le SEA, poursuit également sa modernisation, dans le cadre du plan SEA 2014, qui prévoit le resserrement de son dispositif territorial. Il a entrepris la militarisation de ses effectifs afin de gagner en capacité de projection, et il semble que l'efficacité soit au rendez-vous.
Je ne reviens pas sur les opérations extérieures, sinon pour souligner que la provision de 630 millions d'euros pour l'exercice 2011 ne devrait couvrir que la moitié du surcoût. Celui-ci est effectivement estimé, au total, à près de 1,2 milliard d'euros. Précisons en outre que le retrait de nos troupes d'Afghanistan, qui se profile, ne diminuera pas considérablement l'empreinte logistique du déploiement.
Je souhaite conclure en évoquant les missions intérieures. Elles ne font pas l'objet d'une prise en charge interministérielle, sinon pour quelques crédits anecdotiques d'un montant total de 360 000 euros. Y figurent pourtant des missions essentielles pour la sécurité du territoire national, tels le plan Vigipirate, la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane, la recherche et la sauvegarde maritimes. Y figurent également des missions ponctuelles, comme, en 2010, les missions d'assistance aux populations à la suite de cyclones outre-mer, la recherche des débris du vol AF 447 ou encore la sécurisation de sommets internationaux. Il s'agit là de missions importantes, que nos concitoyens considèrent comme naturelles, mais je ne suis pas sûr que l'État prenne, du moins sur le plan financier, la mesure de l'implication de l'armée dans ces opérations.
Malgré toutes les interrogations qui marquent cette année encore le projet de budget, la commission a donné un avis favorable aux crédits que je viens d'évoquer. Pour ma part, beaucoup plus dubitatif que le reste de la commission, je m'en remets prudemment à la sagesse de l'Assemblée.
La parole est à M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les forces terrestres.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2012, l'armée de terre poursuivra sa réorganisation, tout en continuant à remplir les missions qui lui sont confiées ; nous savons tous l'effort que cela nécessite.
L'intégration dans les bases de défense s'approfondit de jour en jour et commence à porter ses fruits. Néanmoins, l'essentiel des gains attendus repose sur l'harmonisation et la simplification des procédures, et ce n'est que l'année prochaine que nous pourrons faire le bilan de ces mesures, une fois l'interarmisation achevée.
Les crédits réservés à l'armée de terre au titre du programme 178, en baisse par rapport à 2011, s'élèvent à 7,6 milliards d'euros.
L'armée de terre poursuivra l'année prochaine ses efforts de réduction des effectifs. Pour la première fois, elle passera sous le seuil symbolique des 100 000 militaires, avec 97 297 soldats en 2012. Les personnels civils participent également à cet effort : ils ne seront plus que 9 979 en 2012.
Concernant le personnel de l'armée de terre, j'appelle votre attention sur deux points spécifiques : la question du recrutement ; le sort des blessés.
La question du recrutement reste centrale, ainsi que celle de la fidélisation du personnel militaire. L'attrition reste élevée, notamment en ce qui concerne les militaires du rang, avec un taux moyen de 28,7 % depuis 2008. J'ai néanmoins pu observer que la mise en place des centres de formation des militaires du rang permettait d'apporter une première réponse à ce problème. En effet, certains centres, comme celui de Verdun que j'ai eu l'occasion de visiter récemment, enregistrent déjà une baisse significative du taux d'attrition, qui passe à 17 %. Il se rapproche ainsi de la cible des 15% que s'est fixée l'armée de terre.
J'appelle également votre attention sur le sort des blessés, dont nous parlons trop peu. En 2011, 588 militaires de l'armée de terre ont été blessés en service. Ce qui m'a le plus frappé en les rencontrant, c'était leur volonté de retrouver au plus vite leur régiment. La cellule d'aide aux blessés de l'armée de terre et le service de santé des armées prennent grand soin de nos soldats blessés et de leurs familles. Il est de notre devoir de parler d'eux et de faire reconnaître leur action, leur dévouement et leur engagement, qui méritent d'être salués.
Au sujet des équipements, je note avec satisfaction le déblocage de la situation que connaissait jusqu'à présent le programme de lance-roquettes unitaires. Les commandes sont désormais finalisées et treize lance-roquettes unitaires devraient être disponibles à l'horizon 2014.
Il faut également relever la livraison d'un NH 90 à l'armée de terre en décembre prochain, première livraison qui sera suivie de quatre autres au cours de l'année 2012.
Le lancement du stade de réalisation du programme Scorpion a été décalé de 2012 à 2013. La priorité a été donnée au développement du véhicule blindé multirôles, qui doit être livré à compter de 2016. Ce programme est vital pour l'armée de terre. Le décalage n'est pas inquiétant à condition qu'il n'augure pas d'une remise en cause ultérieure de l'opération. Sans Scorpion, on reviendrait à une juxtaposition de moyens, ce qui menacerait la cohérence de l'ensemble et rendrait toute coordination très compliquée.
J'en termine par les opérations extérieures. L'armée de terre est très sollicitée et nos militaires payent un lourd tribut pour leur engagement. Je tiens à rendre hommage aux soldats tués en mission.
Le nombre de personnels de l'armée de terre projetés en opérations extérieures s'établit à 18 383 personnes en 2011. Les deux théâtres majeurs sont l'Afghanistan et le Liban. L'armée de terre est aussi fortement présente sur le continent africain, en Côte-d'Ivoire notamment.
Il faut également saluer l'intervention de l'ALAT, l'aviation légère de l'armée de terre, en Libye, en étroite coordination avec la marine et l'armée de terre, qui a constitué un véritable tournant dans l'opération Harmattan.
En conclusion, le budget 2012 devrait permettre à l'armée de terre de disposer des ressources strictement nécessaires. Je tiens néanmoins, monsieur le ministre, à insister sur le fait que l'armée de terre ne saurait voir ses moyens et effectifs baisser plus encore dans les années à venir. Une telle situation pourrait in fine l'empêcher de remplir correctement et pleinement les missions que la nation lui assigne.
La commission de la défense a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 178 et 146 consacrés aux forces terrestres. Je demande à l'Assemblée de se prononcer dans le même sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Marguerite Lamour, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la marine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, l'année 2011 a été une année exceptionnelle pour notre marine, avec son engagement dans l'opération Harmattan. Engageant vingt-quatre bâtiments et 5 500 marins de la force d'action navale, cette opération est tout simplement la plus importante pour la marine depuis l'opération Trident au Kosovo, il y a douze ans. La quasi-totalité des moyens dont elle dispose a été représentée au large de la Libye : des frégates escortant le groupement aéronaval aux avions de patrouille maritime, en passant par les sous-marins nucléaires d'attaque.
Il est encore trop tôt pour en tirer un bilan complet puisque la Task Force 473 a quitté la zone d'opération le 25 octobre dernier. Néanmoins, l'on peut en retenir des motifs de satisfaction.
Tout d'abord, la qualité des nouveaux matériels. Les frégates de défense aériennes Chevalier Paul et Forbin ont confirmé leurs excellentes performances. Les nouveaux missiles de croisière, Scalp, ont fait preuve, au cours de leurs quinze tirs, de leur extrême précision. Le bâtiment de projection et de commandement a prouvé une nouvelle fois sa grande adaptation et son efficacité dans ce genre d'opération, en embarquant dix-huit hélicoptères de l'ALAT, et en accueillant l'état-major de conduite des opérations.
Ensuite, la qualité des services de soutien. L'opération a été soutenue par la base de défense de Toulon. La marine a su répondre dans des délais très courts et soutenir cet effort dans la durée. Je pense notamment au Charles-de-Gaulle qui aura cumulé 270 jours de mer dans l'année. La disponibilité des matériels aura été très bonne.
Ces deux points démontrent, si besoin était, la pertinence des choix opérés par le Livre blanc et la loi de programmation militaire 2009-2014.
Mais le principal motif de satisfaction vient naturellement de la qualité des équipages. Je tiens à mon tour à rendre hommage à leur courage, leur détermination et leur combativité. J'ai rencontré beaucoup de nos marins au cours de mes déplacements à Toulon et à Brest. Tous m'ont dit leur fierté d'avoir participé à cette opération exceptionnelle, au service d'une cause louable. Alors qu'ils étaient nombreux à rester cantonnés à des missions de sauvegarde maritime, cette guerre représente pour eux une rupture et va marquer, j'en suis sûre, toute une génération de marins.
Quelques motifs d'inquiétude ne peuvent cependant être passés sous silence. La marine a dû réduire sa participation ou annuler plusieurs missions. Cela démontre la fragilité du format actuel de notre flotte. La possibilité d'assurer une permanence de frégate de lutte aérienne et une permanence de frégate anti-sous-marine est, par exemple, aujourd'hui fragile.
Des programmes d'entretien ont été décalés et cela aura des conséquences sur le maintien en condition opérationnelle des navires les plus anciens. Je pense notamment à nos pétroliers ravitailleurs, qui ne disposent plus de toutes leurs capacités opérationnelles. C'est pourquoi, avec François Cornut-Gentille, nous avons proposé un amendement, adopté par la commission, visant à débloquer les crédits nécessaires à l'engagement d'études pour les moderniser ou les remplacer.
Dans le contexte extrêmement difficile que nous connaissons, le budget 2012 peut être jugé satisfaisant dans la mesure où il permet de poursuivre l'effort de modernisation et de rationalisation engagé depuis quatre ans. Les récentes décisions gouvernementales qui sollicitent un effort supplémentaire du budget de la défense ne remettent pas fondamentalement en cause ces équilibres, ce qui me rassure.
L'année 2012 devrait voir l'admission au service actif du troisième bâtiment de projection et de commandement, ou BPC, le Dixmude, né du plan de relance, ainsi que la livraison de la première FREMM, frégate multimissions, l'Aquitaine.
Le 21 octobre dernier a été réceptionné à Lorient le patrouilleur hauturier L'Adroit, développé sur fonds propres par DCNS, selon une stratégie inédite.
L'année 2012 verra aussi la commande de trois patrouilleurs de type supply ship, dont nous avons tant besoin pour les missions de sauvegarde maritime.
La marine poursuit également sa mue des métiers de soutien. Les deux bases de défense que j'ai visitées, Toulon et Brest, qui fut une base expérimentale, sont maintenant pleinement opérationnelles.
L'organisation retenue – soutien spécialisé, soutien spécifique et groupement de soutien de la base de défense – donne satisfaction en termes d'efficacité opérationnelle. Mais le fonctionnement n'est pas encore complètement entré dans les moeurs. Ne faudrait-il pas, monsieur le ministre, créer un échelon intermédiaire de coordination de l'ensemble des services de soutien ?
Si les crédits de préparation et d'emploi des forces navales restent stables, les crédits d'entretien programmé du matériel augmentent pour tenir compte de l'arrivée de matériels modernes, tels les FREMM, NH 90 ou Rafale, aux coûts de maintenance supérieurs.
J'en viens aux crédits consacrés à la déconstruction des bâtiments, un sujet qui m'est cher puisque j'en parle chaque année. Ils s'élèvent à 9,2 millions d'euros pour 2012 et traduisent la démarche exemplaire entreprise par la marine depuis l'épisode du Clemenceau, ce dont je me réjouis.
En conclusion, notre marine aura besoin de choix cohérents et ambitieux si l'on veut que notre pays continue à peser sur les équilibres du monde, comme il a su si bien le faire cette année. Je vous encourage donc tout naturellement, mes chers collègues, à voter les crédits qui nous sont proposés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Claude Viollet, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'air.
Monsieur le président, monsieur le ministre, l'année 2011 aura été marquée par l'engagement de l'armée de l'air sur de nombreux théâtres, au premier rang desquels la Libye. Cet engagement a illustré les compétences et savoir-faire, mais également le savoir-être des personnels de notre armée de l'air. Il a aussi permis d'apprécier la capacité des équipements à répondre aux besoins de la mission.
S'agissant des personnels, l'opération Harmattan a révélé toutefois quelques fragilités qui, au-delà de l'engagement total des personnels d'activé, n'ont pu être dépassées qu'avec l'utilisation d'« abonnés » ou de réservistes et la réduction de certaines activités. Une réflexion s'impose donc a minima dans des spécialités critiques dont les effectifs dimensionnés au temps de paix ne sont pas en mesure de répondre aux besoins du temps de guerre. Je pense aux interprètes images et aux armuriers, mais cela vaut aussi pour les mécaniciens, lorsque les théâtres se multiplient ou qu'un nombre important de bases est engagé.
Au-delà, il nous faut aussi veiller à la régénération du potentiel. Rapporteur du budget air depuis 2008, j'avais l'habitude d'indiquer que les heures d'entraînement des pilotes étaient comptées au plus juste. Mais la multiplication des engagements a creusé le déséquilibre entre des pilotes expérimentés, fortement sollicités, et les plus jeunes, insuffisamment aguerris pour être envoyés en OPEX et qui ne bénéficient pas des minima d'heures de vol requis pour cet aguerrissement Cette situation pourrait devenir très préoccupante si nous ne rattrapions pas le retard accumulé.
S'agissant des équipements, j'ai souvent évoqué la disponibilité de nos avions de transport tactique, mais cela vaut aussi pour nos avions de combat, dont la diversité des flottes et le nombre des points de déploiement compliquent le soutien. Priorité étant donnée à l'opérationnel, cela crée des tensions sur les bases arrière, avec des disponibilités moindres.
En outre, Harmattan entraînera des coûts récurrents de maintien en condition opérationnelle bien au-delà de 2011 qui, n'étant pas éligibles au décret d'avance, devront être financés sur les crédits courants, limitant d'autant les marges de manoeuvre. Cela doit nous inciter à réfléchir à un assouplissement dans la prise en charge des surcoûts OPEX pour tenir compte de façon glissante des dépenses intervenant ex post pour la régénération du potentiel.
Voilà pour le RETEX, le retour d'expérience, de l'opération Harmattan. Mais cela renvoie à l'exécution de la loi de programmation militaire 2009-2014, en particulier à l'état d'avancement des grands programmes d'équipement.
Le Rafale a fait en Libye la démonstration de sa polyvalence et, partant, de sa supériorité opérationnelle sur tous ses concurrents du moment.
S'agissant des Mirage, grâce à l'amendement adopté l'an passé, le pod ASTAC va être transféré du F 1 CR sur le 2000 D, ce qui permettra de conserver la capacité d'entrer en premier. Mais il est urgent d'engager la rénovation du Mirage 2000 D, pour tendre vers la cible de 300 avions de combat polyvalents.
Quant à l'aéromobilité, l'A 400 M devrait arriver en 2014. En attendant, nous continuons de souffrir d'un déficit capacitaire et la perte de compétences reste critique, malgré l'arrivée salutaire des Casa CN 235.
Mais là où la situation est la plus inquiétante, c'est pour les ravitailleurs, dont la commande n'a cessé d'être repoussée et pour lesquels une rupture capacitaire remettrait en cause toute projection de forces et même notre composante aéroportée de la dissuasion. Vous avez décidé d'engager, en 2012, les études de définition et de levée de risques pour lancer cette acquisition ; nous aurons l'occasion de revenir sur ce point avec l'amendement adopté par notre commission.
Pour les drones, vous avez retenu la proposition Dassault Aviation de fourniture d'un nouveau MALE, ou drone « moyenne altitude, longue endurance », sur la base d'une plateforme Héron TP d'IAI, Israel Aerospace Industries. Ce nouveau système qui, sous réserve du bon aboutissement des discussions en cours, entrerait en service début 2014, doit nous garantir contre le risque de rupture capacitaire. Au-delà, il positionne notre base industrielle et technologique pour le MALE franco-britannique de nouvelle génération, ce qui, avec la poursuite du programme NEURON, doit permettre à l'Europe d'être à même de développer encore un avion de combat à l'horizon 2030-2040.
Enfin, et pour m'en tenir à l'essentiel, il nous faut réaliser rapidement la modernisation de notre système de commandement et de conduite des opérations aériennes, le SCCOA, si nous voulons garantir le niveau de protection de notre territoire.
S'agissant de mon dernier rapport pour avis sur ce budget air, je ne peux donc que m'en remettre à la prochaine commission et au prochain exécutif, pour qu'ils n'oublient pas que l'armée de l'air devra faire l'objet d'une attention particulière lors de la préparation de la prochaine loi de programmation, si nous voulons qu'elle reste l'armée de premier rang qu'elle est encore aujourd'hui.
Pour l'heure, eu égard aux interrogations nombreuses qui marquaient cette année encore ce projet de budget, je m'en suis remis à la sagesse de notre commission pour l'adoption des crédits « Air » pour l'année 2012. Celle-ci les a adoptés. Au-delà de mes réserves, notre assemblée fera sans doute de même.
Dès lors, monsieur le ministre, mes chers collègues, je forme ici le voeu qu'il en soit fait le meilleur usage. Nous le devons aux hommes et aux femmes de notre armée de l'air : leur engagement nous oblige. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. François Cornut-Gentille, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'équipement des forces et la dissuasion.
Le moment est venu de faire un rapide bilan de ces cinq dernières années en matière d'équipement, priorité justifiant tout l'effort de réorganisation de notre défense.
On peut dire, sans exagérer, que ce bilan est extrêmement satisfaisant en matière d'équipement. Il est satisfaisant parce que nous nous sommes dotés d'outils puissants, la NTM – NATO training mission – et le Livre blanc, qui a fait l'objet d'un travail approfondi. Au-delà de ces outils, la réalisation a pu être à la hauteur parce qu'il y a eu une volonté politique forte et constante. La réussite, en matière d'équipement au cours des cinq dernières années, est due à cette volonté politique forte et constante qui a permis d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.
Cette volonté s'est exprimée dans le financement sécurisé croissant des OPEX ; elle s'est aussi traduite par la réactivité : chacun se rappelle la crise qui a nécessité, notamment, le plan de relance. La crise aurait pu compromettre cet effort, mais cela n'a pas été le cas. Puis, il y a les recettes exceptionnelles, qui ont parfois fait rire certains de nos collègues ; en l'absence de recettes exceptionnelles, les autorisations de consommer les crédits de report ont permis de pallier le manque, et donc de tenir politiquement les objectifs que nous nous étions assignés.
Tous les efforts de ces dernières années ont contribué à crédibiliser notre effort de défense et sont, notamment, à l'origine de nos récents succès en Libye.
Ce qui a constitué la troisième vague d'équipement de nos armées après la Seconde guerre mondiale est en passe de réussir et d'être un véritable succès. Toutefois, j'apporterai deux nuances, déjà évoquées par Jean-Claude Viollet : les drones et les ravitailleurs.
Après le succès que je viens de souligner, j'insisterai sur l'importance des semaines et des mois à venir. À court terme, je n'ai pas d'observation particulière à faire sur l'effort de solidarité, à hauteur de 267 millions, qui est demandé au ministère de la défense. Je ne pense pas que cela pose un problème majeur et, dans le contexte budgétaire que nous connaissons, il est tout à fait normal que la défense ne soit pas exemptée.
En revanche, je voudrais souligner l'importance extrême du remboursement rapide et intégral des OPEX. C'est un enjeu décisif, puisque nous en sommes à plus de 600 millions d'euros. Pour la préparation et l'emploi des forces, ce n'est pas accessoire. S'il y avait une difficulté en la matière, tout ce que j'ai dit précédemment se trouverait fragilisé, et ce serait vraiment dommage.
À plus long terme, l'horizon 2013-2014 est un peu plus compliqué. Selon que l'on est plus ou moins diplomate, on peut utiliser différentes expressions. Pour être compris de tous, je dirai que ce qui ressemble un peu à une bosse budgétaire est en train de se reformer. C'est tout à fait normal, nous sommes dans une phase de production exceptionnelle et très intense. Cela va se préciser dans les deux années à venir. Il faudra, bien sûr, maintenir cet effort. Parallèlement, nous devrons veiller à préserver les compétences et à faire travailler les bureaux d'études. Nous devrons donc poursuivre notre effort pour sortir tout ce qui a été prévu. Puis, au nom de la production immédiate, indispensable, il faudra ne pas compromettre les études, l'avenir, et préparer les équipements de demain. Nous aurons donc deux difficultés à gérer à la fois et il nous faut y être attentifs dès aujourd'hui.
Tout cela implique sans doute de redéfinir en profondeur la stratégie que nous voulons pour nos équipements et pour notre défense. Je ne crois pas qu'il y ait une seule possibilité : certains estiment que l'externalisation serait la solution, d'autres pensent à tel ou tel remède miracle. À mon avis, il faudra regarder dans toutes les directions, y compris vers l'externalisation, mais pas uniquement. Il va falloir être très pragmatique. Notre stratégie devra combiner plusieurs objectifs. Nous devons encore réfléchir en matière de mutualisation. Un approfondissement franco-britannique est absolument nécessaire ; un approfondissement franco-allemand est évidemment indispensable dans beaucoup de domaines, mais en matière de défense, cela reste assez virtuel. Donc, je pense que le franco-britannique est ce qui permet d'avancer concrètement. Il faut essayer de l'exploiter au maximum.
Nous devons aussi réfléchir à une meilleure intégration de la DGA dans la politique industrielle globale de l'État. Il faut redéfinir les connexions entre notre stratégie industrielle globale et notre stratégie industrielle de défense. Par conséquent, nous devrons veiller à procéder à des restructurations industrielles au niveau national et européen.
Pour conclure, j'appelle votre attention sur le nucléaire. Le contexte budgétaire et politique nous conduira probablement à nous poser, dans les mois qui viennent, des questions sur le nucléaire.
Il faudra, tant dans le civil que dans le militaire, refonder le nucléaire. Les uns seront tentés de tout mettre de côté, les autres d'en prendre un bout et d'en retirer un autre. En procédant ainsi, nous ne ferons pas d'économies. Je suis partisan de maintenir la double composante, mais de la refondre et de ne pas se priver de la réflexion, y compris sur les vecteurs de cette double composante.
Si ce débat n'est pas engagé sereinement et sur des bases de réflexion intelligentes, nous risquons de faire des choix rapides et irrationnels. Je terminerai d'ailleurs sur ce point, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de la défense : les mois à venir doivent permettre de travailler sereinement pour éclairer les grands choix auxquels nous sommes confrontés en matière d'équipement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes amenés à examiner le dernier budget de la défense de cette législature. Je le qualifierai d'emblée de réaliste, sincère et cohérent, dans un contexte économique et financier que nous savons très contraint.
Ce budget vise à donner à la France les moyens de garantir – encore – sa souveraineté, tout en défendant ses valeurs et en protégeant les Français.
Ce budget est surtout la marque d'une cohérence. Qu'il me soit permis de le rappeler : depuis 2007, nous avons adopté un Livre blanc adapté à un environnement géopolitique changeant, incertain, et nous avons donné à notre armée les moyens nécessaires pour que la France puisse prendre toutes ses responsabilités sur la scène internationale, comme on a pu le voir en Afghanistan, en Côte d'Ivoire ou, plus récemment, en Libye. Nous avons maintenu la priorité aux crédits d'équipement, tout en préparant l'avenir et en améliorant la condition du personnel, grâce au volet défense de la révision générale des politiques publiques, considéré comme exemplaire.
Nous avons porté la voix de la France en Europe et dans le monde. Nous avons développé la crédibilité de la France au sein de l'Alliance atlantique. Je note au passage que bien des voix discordantes s'étaient opposées à la volonté du Président de la République. Il me semble aujourd'hui qu'elles ont eu tort. Je le dis d'autant plus volontiers que j'étais plutôt modéré dans cette affaire.
La voix de la France, nous l'avons portée en permettant de rendre notre vision de la construction européenne en matière de défense plus crédible, en consolidant les capacités des Européens au plan opérationnel et en mettant en place des accords stratégiques ou des traités novateurs.
De plus, nous avons rénové la journée d'appel de préparation à la défense, devenue la journée Défense et citoyenneté, mis en place un service civique innovant et amélioré la reconnaissance due aux militaires engagés dans les opérations extérieures.
Enfin, nous avons développé notre industrie de défense, garantie d'indépendance et moteur de la croissance, en définissant une stratégie industrielle qui vise à identifier et à soutenir des secteurs stratégiques, en développant l'investissement grâce au plan de relance ; nous avons fait du soutien aux PME une priorité et amélioré la capacité d'exportation de nos industries.
Oui, nous demandons à nos concitoyens un effort important pour la défense, mais la France ne peut pas se contenter d'une vision strictement comptable de son avenir.
Nos armées ont déjà accompli des sacrifices de grande ampleur, monsieur le ministre : depuis 2009, elles ont procédé à la dissolution de cinquante-trois organismes majeurs, au transfert de vingt-cinq grands organismes et supprimé 30 000 postes sur les 54 000 réclamés à la défense – hors externalisation.
Ce qui est remarquable, c'est que, dans le même temps, le contrat opérationnel a toujours été tenu sans rupture du soutien. Qu'il me soit permis de souligner qu'aucune institution en France ne s'est autant réformée en si peu de temps, avec autant de remise en question, et ceci, tout en engageant en permanence et en moyenne 12 000 hommes sur sept théâtres différents.
Cette réussite, nous la devons au sens du devoir et de la responsabilité qui anime tous nos militaires, du plus humble au plus important.
Ce budget ne doit pas nous faire oublier que la défense contribue à l'effort de redressement défini par la loi de programmation des finances publiques, qui impose une nouvelle trajectoire financière, un peu en retrait par rapport à celle prévue par la LPM. Elle a déjà astreint nos armées à une difficile réduction de leurs crédits de fonctionnement courant, rendant d'ailleurs plus délicate la mise en place des bases de défense. Je sais, monsieur le ministre, que vous vous appliquez à les visiter.
Aujourd'hui, la défense contribue largement à l'effort d'économie défini par le Premier ministre, à hauteur de 167 millions d'euros, dont vous avez eu l'amabilité de détailler hier soir la répartition devant la commission de la défense. Nous avons appris également – désagréable surprise ! – qu'un nouvel effort de 100 millions d'euros était demandé à la défense, ce qui porte la restriction à 267 millions d'euros.
Du haut de cette tribune, qu'il me soit permis d'affirmer que les parlementaires comprennent le sens de cet effort. Mais tous considèrent que cela ne doit évidemment pas affecter le contrat opérationnel de nos armées. Nous avons tous conscience que l'on ne peut aller plus loin par rapport aux sacrifices déjà consentis.
Dans cette optique, j'attends avec impatience de découvrir le travail d'actualisation en cours du Livre blanc, qui pourrait aboutir à redéfinir le contrat opérationnel des forces en fonction des missions qui leur seront conférées.
La situation actuelle de nos armées reste tendue, car elles sont confrontées à la nécessité de financer des besoins non programmés, qu'il s'agisse des achats en procédure d'urgence opérationnelle, des engagements internationaux – notamment aux Émirats arabes unis –, des surcoûts de transition liés à la transformation des armées ou de la prise en compte des menaces cybernétiques. L'impact de la crise a aussi un effet inattendu sur le budget de la défense, l'indemnisation du chômage des militaires reconvertis ayant augmenté de plus de 30 %. Enfin, la défense a pris sa part dans le financement de la pénalité due à la suite de la décision prise dans le cadre de la vente des frégates de Taïwan.
Nos armées seront exposées à court terme à d'autres dépenses non prévues dans la loi de programmation militaire. En effet, suite à l'opération Harmattan, il faudra recompléter les stocks de munitions et avancer des opérations de maintenance. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner quelques indications sur ce que les armées devront dépenser à ce titre ?
Nos rapporteurs ont, depuis le début de la législature, fourni un travail remarquable pour nous éclairer sur le budget de la défense. Je tiens à les en remercier et à rendre hommage à leur engagement au service de notre défense. Cette année, ils ont démontré que, si le projet de budget était cohérent, des lacunes et des risques persistaient. Vous serait-il possible de nous apporter les éléments nécessaires pour nous rassurer ?
Nos armées viennent de démontrer leur grande capacité à honorer leur contrat opérationnel, notamment en Libye, M. Boucheron l'a rappelé, et en Côte d'Ivoire, comme elles le font tous les jours encore en Afghanistan. Je n'oublie pas que ces succès sont d'abord dus à nos militaires, mais également aux civils de la défense, qui s'engagent à son service avec beaucoup d'ardeur, et à notre industrie, qui a mis toutes ses compétences et sa capacité d'innovation au service de nos armées.
Je veux rendre hommage au Président de la République et au Gouvernement qui, depuis près de cinq ans, ont eu suffisamment de courage pour maintenir un effort de défense important en dépit de la crise qui sévit. Ils n'ont pas cédé à la tentation de la démagogie et, ce faisant, ont permis à la France de conserver son rang sur la scène internationale.
Pour les cinq années à venir, il me semble essentiel de garantir notre indépendance stratégique en maintenant la défense comme priorité budgétaire en dépit de la crise, notamment en mettant l'accent sur les crédits de recherche, comme cela a été excellemment expliqué par Yves Fromion. Il nous faudra stabiliser le modèle des ressources humaines de notre armée en renforçant les mesures de fidélisation et en améliorant le soutien aux familles des militaires. Nous devrons consolider les mesures de réforme, y compris en ce qui concerne le nouveau siège du ministère de la défense à Balard. Par ailleurs, il nous faudra faire progresser l'Europe de la défense en encourageant les coopérations entre les États les plus volontaristes et en proposant l'adoption d'un Livre blanc européen de la sécurité et de la défense, première étape de la définition d'une véritable stratégie européenne.
Enfin, il me paraît tout aussi essentiel de définir une stratégie industrielle au-delà du périmètre de la défense, de créer un fonds d'investissement pour les industries de souveraineté et de renforcer le tissu des PME de défense par l'innovation. Il nous faudra également trouver le moyen de mettre en place une forme de préférence européenne, afin de préserver nos industries lorsque les conditions de la concurrence ne sont pas ou ne sont plus équilibrées.
En conclusion, qu'il me soit permis d'insister sur le fait que, pour la défense des valeurs et de l'identité de la France, le budget de la défense ne peut constituer une variable d'ajustement. Ce gouvernement et cette majorité ont su maintenir l'effort de défense.
Plusieurs députés du groupe UMP. C'est vrai !
C'est à mettre au crédit du Président de la République et de son gouvernement. J'espère que la législature prochaine sera au rendez-vous des enjeux. Nos militaires – et les civils qui travaillent avec eux – continueront à donner le maximum d'eux-mêmes au service de la France et de ses valeurs. C'est pour défendre ces valeurs qu'ils se sont engagés et qu'ils sont prêts à aller au sacrifice suprême, si cela est nécessaire. Notre défense nationale a besoin de notre engagement, comme du leur. C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de voter ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous allons maintenant entendre les orateurs inscrits.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, cher président Teissier, chers collègues, les crédits de la mission « Défense » s'élèvent à 31,72 milliards d'euros hors pensions, en hausse de 1,6 % par rapport à 2011. La plupart des budgets seront en baisse l'année prochaine ; ce ne sera pas le cas pour la défense, même s'il est prévu quelques coups de rabot. On trouve donc de l'argent, quand on veut !
En dépit de la crise des finances publiques, le Gouvernement continue de s'inscrire dans les engagements de la loi de programmation militaire. En engageant 185,9 milliards d'euros pour les années 2009-2014, dont 101,9 milliards pour les équipements, la LPM alourdit la dette publique. Je dénonce cette logique de guerre : nouveaux sous-marins, avions d'attaque et bombes atomiques, nouveaux moyens de projection pour les opérations extérieures, privatisation des industries nationales de défense afin de favoriser le commerce des armes…
Pour 2012, la priorité en faveur des équipements est maintenue, au détriment de la masse salariale. Les dépenses d'équipement augmentent de 500 millions d'euros, soit plus de 3 %. « La défense est au coeur de la politique de croissance et de compétitivité du Gouvernement », nous dit-on. Pour quelles raisons ? Quelles sont les menaces qui nécessitent une telle mobilisation ? Après l'aventure en Libye, menée au nom de motifs humanitaires, la Syrie et l'Iran sont-ils dans le collimateur ?
À force de préparer la guerre, on finit par la faire. C'est une leçon de l'histoire.
Autre dimension : quel type de guerre prépare ce budget ? L'armement nucléaire coûtera 3,4 milliards d'euros l'année prochaine, un chiffre équivalent à l'aide publique au développement pour 2012 ! On s'alarmera, ensuite, de l'escalade de violences et de piraterie en Somalie… En Afghanistan, on dépense dix fois plus pour les opérations militaires que pour la reconstruction du pays. Depuis fin 2010, un quatrième sous-marin nucléaire lanceur d'engins doté des nouveaux missiles balistiques M51 a été mis en service. Les trois autres SNLE seront successivement adaptés aux M51. Continuer de dépenser toujours plus pour les armes et toujours moins pour les besoins vitaux des populations n'apporte ni la paix ni la sécurité.
Par ailleurs, au moment où la communauté internationale travaille à un processus d'élimination de l'arme nucléaire, le fait de consacrer 21 % des crédits d'équipement à l'arme atomique envoie un message négatif. Dans une tribune récente, l'ancien général de l'armée de l'air Bernard Norlain précise bien que « l'arme nucléaire est inutile et coûteuse ». D'après lui, cette arme « représente un danger mortel pour notre survie ». On ne peut être plus clair. Il faudrait réduire nos arsenaux et faire plus d'efforts diplomatiques, afin d'arriver à la réduction multilatérale, mondiale, progressive et contrôlée des têtes nucléaires. Ce budget tourne le dos à cette ambition. La France a ratifié le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires ; pourtant, elle le viole régulièrement ! Le Président de la République a inauguré les armes nucléaires miniatures de demain. La France ne se conforme pas non plus à l'engagement de ne pas procéder à la recherche de nouveaux systèmes d'armes.
S'agissant de l'arme nucléaire, il y a même un paradoxe à vanter sa qualité de « garantie ultime de l'indépendance nationale », quand l'indépendance de nos armées est sacrifiée par l'intégration dans l'OTAN ! Eh oui ! Regardez qui a pris les commandes en Libye ! Or qu'avons-nous obtenu depuis l'intégration totale dans le commandement de l'Alliance ? Nous assistons à la fin d'un mythe : celui de l'Europe de la défense. Qui peut croire que la participation active aux études doctrinales de l'Alliance atlantique « bénéficie également à la politique de sécurité et de défense commune de l'Union européenne » et à « la définition de capacités complémentaires » ? Personne, pas moi, en tout cas ! Par ailleurs, nous sommes soumis pieds et poings liés aux Américains en matière industrielle. Nous allons tout droit vers une coûteuse défense antimissiles dont nous ne voulons pas. Enfin, notre suivisme à l'égard des États-Unis est criant : après le renforcement de notre contingent en Afghanistan, l'annonce de notre retrait progressif s'est faite sur autorisation de Barack Obama. Voilà la vérité !
D'une manière générale, l'OTAN est à proscrire. Cette organisation n'est pas réformable, contrairement à ce que l'on voudrait nous faire croire. Neuf cents de nos militaires, parmi nos meilleurs éléments, sont détournés au sein de ses structures. L'OTAN est entièrement basée sur la logique de force. Son résultat majeur, c'est le chaos afghan. J'ai, bien sûr, une profonde pensée pour nos soldats français tués là-bas, mais aussi pour les 10 000 civils afghans tués et dont personne ne veut parler.
Budgétairement, la dotation pour les opérations extérieures s'élève à 630 millions et reste donc inchangée pour 2012. Ce n'est pas sincère quand on sait que ces crédits sont systématiquement dépassés. Cette année, nous atteindrons 1,2 milliard d'euros. Le budget de la défense ne comprend donc pas la totalité des opérations extérieures, désormais financées par la solidarité nationale.
Bien sûr, le retrait des troupes d'Afghanistan est désormais entamé et c'est heureux. Le Gouvernement nous affirmait, il y a peu, qu'il était impossible. Ne boudons donc pas notre plaisir ! Mais ce retrait est bien trop étalé dans le temps pour avoir des effets financiers bénéfiques. Les députés communistes républicains, citoyens et du parti de gauche continuent d'exiger le retrait immédiat et total de nos troupes d'Afghanistan.
Autre dimension fondamentale : la poursuite de la réduction du format des armées. Est prévue la suppression de 7 462 emplois l'année prochaine, essentiellement dans le domaine du soutien et de l'administration. La RGPP continue. Regardons ses effets. À trop vouloir diminuer certains coûts, le ministère a oublié que la gestion des ressources humaines passe par la proximité. Certains personnels de l'Ouest de la France voient leurs dossiers gérés par un centre de prestations de proximité – CPP – du Sud-Est. La mise en place des centres ministériels de gestion et des CPP a provoqué de nombreux dysfonctionnements que seule la conscience professionnelle des personnels des ressources humaines a permis d'atténuer. Prenons l'exemple du site de Bruz « Maîtrise de l'information »…
…de la direction générale de l'armement, complètement éclaté depuis les réorganisations. Seule une partie des personnels du site dépend directement du directeur.
La nouvelle organisation matricielle de la DGA, censée améliorer son fonctionnement et son efficacité, allongerait en réalité les délais de traitement.
De même, d'après les syndicats, la création des bases de défense est davantage source de dysfonctionnements que de progrès. Les forces connaîtront 184 transferts ou dissolutions d'unités en 2012. Outre le prix exorbitant de ces transferts, très supérieur aux estimations initiales, la situation financière et morale des familles a été affectée. La mutation forcée a engendré des dépenses importantes, non compensées par les aides du plan d'accompagnement des restructurations, et a provoqué une modification de la cellule familiale, allant du célibat géographique à des séparations. Nombre de conjoints ont perdu un emploi stable. Le personnel civil est donc lourdement touché. Nous sommes passés de 145 000 personnels civils, il y a à peine quinze ans, à quelque 68 000 aujourd'hui. Le sous-dimensionnement des équipes et le manque de recrutements placent les agents dans des conditions de travail difficiles et leur font subir un grand stress. Des risques psychosociaux et des drames sont constatés.
Le privé rogne toujours un peu plus les tâches. On constate une progression sans fin, depuis près de dix ans, des domaines qui lui sont concédés. En 2009, les dépenses d'externalisation représentaient 5 % du budget de la défense, soit 1,7 milliard d'euros. Elles ont triplé par rapport à 2001 ! Le périmètre du recours à l'externalisation s'étend désormais à des procédures coordonnées à l'échelle du territoire métropolitain, à la formation, à la projection et au soutien des forces déployées en opérations extérieures. Si les externalisations ont touché, jusqu'à présent, des services périphériques comme les cantines ou l'entretien des locaux, elles concernent aujourd'hui des missions de sécurité. La bataille engagée par les industriels pour reprendre la maintenance des matériels des armées est symptomatique d'une envie de privatisation de l'ensemble du soutien. Le maintien en condition opérationnelle représente environ 70 % du coût global de possession d'un matériel. Forcément, les appétits s'aiguisent. Monsieur le ministre, quel sera l'avenir pour nos régiments de soutien, pour nos ateliers industriels aéronautiques ou pour notre service de soutien à la flotte ? Nous considérons, pour notre part, qu'il faut garder la maîtrise étatique de la défense, domaine régalien, et qu'il faut redonner toute sa place aux personnels civils. D'ailleurs, le Livre blanc proposait de leur accorder une place plus importante dans le soutien des forces et de l'administration. Nous déplorons aujourd'hui que cela n'ait pas été fait, alors qu'il s'agissait pourtant d'un gisement d'économies substantiel. On parle beaucoup de mesures de rigueur, ces derniers temps…
Enfin, alors que l'on est en train d'adapter le « dispositif des forces prépositionnées sur l'arc de crise » décrit par le Livre blanc, avec la création du pôle de coopération régionale du Sénégal, l'achèvement de la montée en puissance de la base aux Émirats arabes unis et la réduction du dispositif en Côte d'Ivoire, je propose de fermer purement et simplement nos bases permanentes à l'étranger. Celles-ci relèvent d'une posture offensive et non défensive. Je rappelle que nos bases à Djibouti, aux Émirats arabes unis, au Gabon et au Sénégal nous coûtent 4 000 hommes.
Pour conclure, je dénonce le fait que notre armée soit mise au service d'une orientation ultra-sécuritaire sur le plan intérieur, comme pour le plan Vigipirate ou encore la sécurité du récent G20 à Cannes. Nos forces sont également utilisées pour défendre nos intérêts économiques, comme en Côte d'Ivoire et en Libye. Cette orientation ne peut en aucun cas assurer une paix durable du monde.
J'aurai un mot pour nos forces qui accomplissent de difficiles missions. Il faut saluer leur professionnalisme et leur réactivité.
Nous voterons contre ce budget de la défense.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai écouté avec une grande attention les rapporteurs et le président de la commission, et je me joins au satisfecit qui se dégage pour nos forces armées et les budgets successifs de la défense de cette législature. Je souhaiterais néanmoins profiter de l'occasion qui m'est donnée pour exprimer devant vous une inquiétude et une satisfaction.
Mon inquiétude concerne le processus d'indemnisation des victimes des essais nucléaires. En effet, rien ou presque n'a été consommé des crédits alloués à leur indemnisation, alors même que près de 580 demandes ont été adressées au secrétariat du CIVEN.
L'article 7 du décret d'application de la loi du 5 janvier 2010 précise que la présomption du lien de causalité bénéficie au demandeur. Vu le nombre d'indemnisations, on peut se demander à quel point. Le ratio est en effet aujourd'hui de deux indemnisations pour plus de 180 rejets. Comment expliquer ce chiffre qui ne fait qu'aller à l'encontre de la volonté politique affichée alors sur tous les bancs de cette assemblée ? Tout semble fonctionner au ralenti. Une provision de 10 millions d'euros est inscrite dans le projet de loi de finances pour 2012. Doit-on aujourd'hui considérer ce chiffre comme symbolique ? Il paraît en effet incongru au vu du nombre d'indemnisations constaté.
Saisi pour avis, le médiateur de la République déclare qu'après étude il apparaît que les militaires sont soumis à des conditions exorbitantes du droit commun en matière de charge de la preuve, sources d'iniquité en leur défaveur. Par ailleurs, saisie par l'Association nationale des vétérans victimes des essais nucléaires, le président Guy Teissier a demandé l'étude d'une modification du décret du 11 juin 2010.
J'en appelle par ces remarques à la responsabilité de tous. Nous ne pouvons pas nous renier, nous ne pouvons pas tolérer une situation dans laquelle l'engagement politique n'aurait plus de suivi, plus de durée, plus de sens. Nous devons faciliter l'étude du lien de causalité entre les maladies telles que cancer, lymphome ou myélome et les essais nucléaires. Tout cela est de notre responsabilité, car ces victimes ont pris des risques pour notre sécurité,…
…mais également et surtout car nous nous sommes engagés ici, dans cet hémicycle, à les indemniser.
Ce qui est en cause, c'est le II de l'article 4 de la loi, qui comporte une seconde phrase ajoutée au Sénat par un amendement permettant d'éliminer quasiment toutes les demandes. C'est une tournure assez rare en droit français. Il est prévu que la réunion de certaines conditions crée une présomption de causalité, principe clair et fort, mais aussitôt affaibli par une disposition beaucoup plus vague.
Une fois cette inquiétude exposée, mes chers collègues, j'aimerais, comme un grand nombre d'entre vous, exprimer une satisfaction en remerciant nos forces armées pour le travail exemplaire qu'elles ont accompli en Libye. Alors que l'ensemble des pays de l'OTAN se sont félicités de cette opération, il est important de préciser que c'est à l'initiative et grâce aux ressources de notre pays que cette opération a été un succès.
Encore une fois, nos forces armées ont été à l'avant-poste de la démocratie. Dans un monde où la défense est critiquée, où son budget est sans cesse remis en question, elles ont pu prouver qu'elles servaient non pas les intérêts de quelques-uns, mais les droits des peuples. Elles ont su porter haut la voix de la France, à l'heure où nos valeurs sont plus que jamais d'actualité. En participant à ce moment historique qu'est l'ouverture de la Libye à la démocratie, l'armée française fait rejaillir sur nous, parlementaires, la force du devoir accompli et la responsabilité que cela implique. Il est dit que la guerre n'est que la continuation de la politique par d'autres moyens, mais, aujourd'hui, l'armée française a démontré qu'une opération militaire pouvait être non la continuation mais le début d'une grande histoire qu'il appartient à la Libye d'écrire.
Pour finir, je veux souligner une satisfaction pour ce dernier budget de la XIIIe législature, celle du travail collectif et constructif de la commission de la défense et des forces armées, sous la houlette du président Guy Teissier, qui a su le conduire avec sagesse. Le groupe Nouveau Centre votera ce budget. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons le budget de la mission « Défense » dans un contexte extrêmement contraint de réduction impérative de notre dette publique. C'est pourquoi nous avons dû nous aussi, comme pour toutes les autres missions, nous astreindre à certaines économies. Celles-ci n'auront cependant pas d'impact structurel sur notre politique de défense. Ainsi, et je m'en félicite, les ressources allouées à la défense sont conformes au budget triennal.
Comme vous le savez, le budget de la défense s'inscrit dans deux référentiels : d'une part, la loi de programmation militaire 2009-2014, dont 2012 est la quatrième annuité et l'année de révision ; d'autre part, le budget triennal 2011-2013, qui s'était traduit par une réduction de crédits nette de 1,3 milliard d'euros pour l'ensemble des trois années, sur un total de 96 milliards, soit une légère encoche de l %.
Les nouvelles économies qui devront être effectuées seront présentées par M. le ministre la semaine prochaine, ainsi qu'il s'y est engagé devant nous hier en commission. Je le remercie pour sa disponibilité et l'attention soutenue qu'il accorde à la représentation nationale.
Ce budget nous permettra de conserver nos deux priorités, l'équipement de nos forces, le financement des opérations extérieures lorsque la France aura à défendre ses valeurs.
La priorité aux équipements est confirmée. Nous consacrerons l'intégralité de nos moyens nouveaux à l'agrégat équipement puisque celui-ci devrait passer de 16 milliards en 2011 à 16,5 milliards en 2012.
Les programmes d'armement continueront à être renouvelés à un rythme soutenu, comme le montre d'abord la livraison en 2012 de matériels majeurs au profit de l'ensemble des forces.
En matière de commandement et de maîtrise de l'information, par exemple, un avion spécialisé dans le recueil du renseignement électromagnétique et de nombreuses stations de transmission de données par satellite, si importantes aujourd'hui, et qui le seront encore plus à l'avenir.
En matière d'engagement combat, une frégate multi-missions FREMM, l'Aquitaine, trois hélicoptères Caracal, dont nous connaissons les grandes capacités de manoeuvre, mais également des matériels structurants bénéficiant de commandes pluriannuelles, onze Rafale, six hélicoptères Tigre, 100 VBCI, 4 000 équipements FELIN.
En matière de projection-mobilité-soutien, 200 petits véhicules protégés PVP, cinq avions de transport Casa 235, commandés à titre de mesure palliative à la suite des retards de l'A 400 M faciliteront l'exécution des missions tactiques de l'aviation de transport. Un bâtiment de projection et de commandement BCP, le Dixmude, commandé dans le cadre du plan de relance il y a seulement un peu plus de deux ans, sera également livré. Nous avons tous pu mesurer avec l'opération Harmattan l'utilité de ce type de plateforme polyvalente, notamment dans sa fonction porte-hélicoptères.
Il y a ensuite les commandes effectuées : la rénovation de nos C l35, la poursuite de la réalisation des deux satellites MUSIS, si importants pour disposer d'une capacité de décision autonome, ou encore la commande de trente-quatre nouveaux NH 90. Le montant élevé de ces commandes se répercute directement et principalement sur les cahiers des charges de nos entreprises de défense, à qui elles donneront de la visibilité et des moyens de se développer.
La composante industrielle est essentielle parce qu'elle nous permet, grâce à l'acquisition de matériel, de disposer des matériels les plus performants, essentiels pour prendre les bonnes décisions stratégiques. N'oublions pas non plus que l'industrie de défense est riche de savoir-faire importants que nous devons nous efforcer de maintenir sur notre territoire afin de ne pas nous retrouver à l'avenir à la traîne. Enfin, ces industries, grands groupes et PME permettent de maintenir de l'emploi sur nos territoires.
Le financement des opérations extérieures est lui aussi préservé.
Depuis 2008, nous avons accompli des progrès considérables dans le financement des OPEX. Celui-ci ne repose plus sur des ponctions sur les crédits d'équipement comme nous en avons connu au cours des précédentes lois de programmation pour des montants très élevés, au détriment de nos forces. C'était la soupape de sécurité d'ajustement du budget. C'est une grande victoire. Nous sommes parvenus à sanctuariser l'un et à financer l'autre sur la réserve de précaution interministérielle.
Grâce à notre capacité d'investissement et à notre force d'intervention sur les théâtres extérieurs, nous sommes en mesure de conserver notre rang, qui est celui d'un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, d'un membre influent, et même, j'ose le dire, d'un leader en matière de défense européenne. Notre force, en effet, est également de comprendre que le monde actuel est en évolution : la carte géopolitique se modifie, les États sont soumis à de nouvelles menaces et à des contraintes financières nouvelles.
Tout cela nous pousse à être « intelligents », c'est-à-dire à travailler avec les Britanniques mais également avec les Allemands et, à terme, tous les États européens qui exprimeront le désir de construire une défense européenne et y mettront les moyens nécessaires, ce dont nous sommes, il faut le reconnaître, assez éloignés aujourd'hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) C'est dommage que ce soit la gauche qui m'applaudisse. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
J'aimerais évoquer à présent un dernier point, la réforme du ministère.
C'est cette réforme, profonde, qui nous permet, ne l'oublions pas, de dégager les moyens nécessaires au maintien de notre capacité d'investissement et d'engagement sur les théâtres extérieurs.
Cette année 2011, la réforme a franchi une étape décisive, avec, au niveau local, la généralisation des bases de défense et, au niveau régional, la mise en place de la chaîne interarmées du soutien et des centres de services partagés. Pour la masse salariale, l'objectif est de 11,6 milliards en 2012 contre 11,7 milliards en 2011, du fait de la suppression, malheureusement, de 7 462 emplois. À ce titre, permettez-moi de vous féliciter, monsieur le ministre, pour l'effort de pédagogie que vous avez entrepris en réalisant votre tour de France de la réforme.
J'aimerais également dire un mot du projet de regroupement des états-majors et de l'administration centrale à Balard. Je sais que certains aimeraient faire quelques économies. Ce projet est l'axe majeur de modernisation de l'administration centrale du ministère de la défense. Il crée aussi les conditions d'application concrète du décret de 2009 relatif à la gouvernance et aux compétences des autorités civiles et militaires.
Sur le plan financier, il a été démontré que le projet était plus économique en contrat de partenariat qu'en maîtrise d'ouvrage publique, plus économique que le maintien sur les actuels sites historiques pour les trente prochaines années, soutenable financièrement pour le ministère sans crédits supplémentaires, par redéploiement des moyens actuellement consacrés au fonctionnement de notre administration centrale.
Ce Pentagone à la française, mes chers collègues, est un instrument au service d'une défense moderne et opérationnelle.
En conclusion, au-delà des chiffres, il y a des hommes. L'armée est une institution solide, respectée et populaire, à juste titre. Nos soldats ont fait preuve d'un professionnalisme unanimement reconnu en Côte d'Ivoire, en Libye et en Afghanistan. J'aimerais leur rendre un hommage appuyé et me féliciter pour les succès qu'ils ont obtenus en Côte d'Ivoire et en Libye. Ces succès sont dus à l'impulsion donnée par le Président de la République ainsi qu'à l'implication et au professionnalisme de tous les acteurs de la chaîne de commandement. Je crois que nous pouvons en être fiers.
Au nom de mon groupe parlementaire et, j'espère, mes chers collègues, en votre nom à tous, je tiens à m'incliner avec respect pour saluer la mémoire de ceux qui sont allés jusqu'au sacrifice suprême dans l'accomplissement des missions qui leur ont été confiées.
En attendant la révision du Livre blanc, qui interviendra en 2012, ce budget nous permettra de maintenir le rang qui est le nôtre au sein de la communauté internationale, c'est-à-dire de défendre nos intérêts et nos valeurs, bref d'être acteurs plutôt que spectateurs dans le monde dangereux qui est le nôtre aujourd'hui.
Monsieur le ministre, en dépit de la situation budgétaire difficile, le groupe UMP votera dans son ensemble et sans aucune réserve le budget de la mission « Défense » pour 2012. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le ministre, ce dernier examen de votre budget de la présente législature nous donne une ultime occasion de débattre. Cela rend l'exercice un peu plus singulier qu'à l'accoutumée et je veux insister sur quelques éléments qui ajoutent à cette singularité et qui tiennent particulièrement au contexte.
Je pense tout d'abord au contexte économique, financier, budgétaire et à la problématique de la dette souveraine dans l'Union européenne, qui fera durablement peser sur les gouvernements, quels qu'ils soient, une exigence de rigueur dans la gestion des ministères qui engagent des financements significatifs sur des équipements lourds.
Généralement, l'examen des budgets est l'occasion pour la majorité de dire que tout va bien et pour l'opposition que tout va mal. Compte tenu du fait que les questions de défense ont longtemps été considérées, à juste titre, comme très consensuelles, que des soldats tombent sur les théâtres d'opérations extérieures où ils paient un lourd tribut pour que nos valeurs soient défendues à travers le monde, il est légitime que nous essayions de dépasser cet exercice classique pour regarder, dans ce contexte particulièrement contraint, quelle réalité se présente à nous, sans chercher à dissimuler les aspects les plus complexes et ceux qui interpellent le plus ceux qui ont la charge de la responsabilité politique.
Le deuxième élément de contexte tient au fait que votre ministère fait face à une réforme extrêmement importante, très fortement voulue par le Président de la République. Cette réforme étant engagée depuis un peu plus de quatre ans, nous avons désormais le recul nécessaire à un travail de mise en perspective, c'est-à-dire d'analyse et de bilan.
Nous disposons également de quelques éléments chiffrés qui nous permettent de mesurer – c'est l'intérêt de l'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui - le décalage qui peut exister entre les objectifs que le Gouvernement s'était assignés en engageant cette réforme et les résultats qu'il a obtenus.
Je m'empresse de dire à tous ceux qui pourraient considérer qu'il y a dans cette démarche une forme de perversité ou de recherche systématique de la polémique que le but de l'exercice est de faire en sorte que nos armées, auxquelles nous devons les équipements dont elles ont besoin pour exercer leurs missions, puissent en disposer quels que soient le contexte politique et la couleur de ceux qui exerceront la responsabilité publique au terme des élections qui se profilent.
Je veux tout d'abord insister, vous n'en serez pas étonné, sur la question budgétaire, et évoquer par conséquent le lien entre la réforme que vous avez initiée et les résultats budgétaires qui ont été obtenus. En effet, une grande partie des économies budgétaires qui permettaient d'assurer la soutenabilité de la loi de programmation militaire prenaient leur source dans cette réforme.
Je souhaite rappeler quelques éléments et poser quelques questions auxquelles je sais que vous vous attacherez, comme à l'accoutumée, à répondre avec une grande précision.
Je me souviens de ce dont nous débattions au moment de l'examen du budget pour 2008 du ministère de la défense, alors que le précédent ministre et le Président de la République lançaient la réforme, et de l'équation qui nous était alors présentée.
La réussite de la loi de programmation militaire et de la réforme dépendait en réalité de la réunion de trois critères. D'abord que les économies engendrées par la réforme du ministère soient bien au rendez-vous. Je rappelle l'équation de l'époque : 54 000 suppressions d'emplois, 2,7 milliards d'économies attendues après que l'on avait pris en compte l'impact des coûts d'infrastructures et des mesures d'accompagnement social, cette somme devant être intégralement versée au budget d'équipement de nos forces. Le Président de la République avait pris porte de Versailles l'engagement, que nul n'a rappelé depuis le début de nos débats, d'augmenter d'un pour cent le budget d'équipement de nos forces à compter de 2012.
Non, ce ne sera pas fait !
En aval de tout cela, les coûts d'objectifs des équipements financés par ces économies devaient être évalués de façon suffisamment fine pour qu'il n'y ait pas de décalage avec leurs coûts réels.
Je souhaite que vous nous disiez, monsieur le ministre, quel est le niveau exact des économies engendrées par cette réforme, car c'est de cela que dépend la soutenabilité de la loi de programmation.
En juillet 2010, votre ministère indiquait que les économies pourraient atteindre 4,9 milliards avant d'annoncer, en janvier 2011, qu'elles seraient de 6,7 milliards. La Cour des comptes, qui examinait tous ces éléments chiffrés émanant de vos propres services, insistait pour sa part sur la volatilité des chiffres avancés par votre ministère, dès lors qu'il s'agissait de mesurer l'impact des économies dégagées au terme d'un effort significatif – 30 000 suppressions d'emplois ! – sur le budget du ministère. Si l'on ajoute à cela qu'il y a un surcoût d'infrastructures – 124 % de plus que ce qui avait été envisagé pour l'exercice budgétaire précédent – et que les mesures d'accompagnement social ont été plus ou moins bien budgétées, il paraît important que vous nous disiez quel est exactement le niveau des économies réalisées dans le cadre de la réforme du ministère de la défense. Ainsi, nous pourrons collectivement évaluer la soutenabilité de la loi de programmation.
Je souhaite par ailleurs revenir sur l'idée, largement développée au cours de ce débat, de la sanctuarisation des crédits du ministère de la défense par une bonne majorité, qui serait menacée par une mauvaise opposition si elle devait arriver au pouvoir… La réalité est un peu plus complexe. En effet, je ne suis sûr ni que les crédits ont été fortement sanctuarisés par l'actuelle majorité ni qu'ils sont aussi menacés par l'opposition qu'on nous le dit.
Votre ministère a été taxé de 3,7 milliards d'euros pour la période 2009-2013 à l'occasion de la régulation budgétaire que votre prédécesseur nous a présentée en commission des finances. Le Gouvernement avait en effet décidé l'an dernier que votre ministère contribuerait très largement au plan de rigueur. Aux 3,7 milliards précédemment évoqués s'ajoutent les 300 millions prévus par le collectif budgétaire qui nous a été soumis il y a quelques semaines, mais aussi deux nouveaux éléments de correction que vous nous avez présentés hier soir, l'un portant sur 185 millions d'euros et l'autre sur 100 millions.
On nous a dit l'an dernier que tout cela n'avait pas de grande gravité puisque les recettes exceptionnelles viendraient en compensation des 3,7 milliards d'euros de taxation pour la période 2009-2013. Ces recettes ont souvent été inscrites mais rarement réalisées... Elles le sont cette année un peu plus. Je rappelle les chiffres qui émanent de votre propre ministère. En 2009, 1,6 milliard d'euros de recettes exceptionnelles ont été budgétés et 600 millions réalisés. En 2010, 1,2 milliard a été inscrit et 100 millions réalisés. Si bien qu'avant la vente des fréquences dont parlait notre collègue Louis Giscard d'Estaing et qui s'élèvera à 400 milliards d'euros, le décalage entre ce qui avait été inscrit et réalisé était au total de 2,4 milliards.
Au total, quand on prend la taxation budgétaire, malgré l'effort, les taxations récentes et l'insatisfaisante réalisation de recettes exceptionnelles, il paraît difficile de considérer qu'il y aurait d'un côté les bons et de l'autre les méchants, qu'il faudrait que les bons tremblent en raison de l'action que pourraient engager les méchants. J'ai tendance à penser que la réalité est plus complexe que cela et que la contrainte sur votre ministère est telle - et le demeurera quels que soient les gouvernements - que la tentation sera toujours grande d'en faire une variable d'ajustement du budget de l'État. Il faudra donc des efforts sur tous les bancs pour que nos armées aient les moyens de leurs ambitions.
Quand on regarde l'histoire de la Ve République, notamment depuis la crise du début des années 1970, on constate que les gouvernements de toutes sensibilités ont eu cette tentation et que tous l'ont fait, mais aussi qu'il y a eu des parlementaires de toutes tendances pour s'ériger contre cela. Pour nos armées, qui ont besoin de visibilité, il serait sage que nous dépassions ces clivages et ces postures pour dire enfin la vérité.
Je souhaite également vous indiquer la position de notre groupe sur l'affaire de Balard, à propos de laquelle nous avons commencé à avoir un échange hier.
D'abord, nous sommes favorables au regroupement des états-majors sur un site unique, tout simplement parce que cela paraît utile dans le cadre de l'interarmisation, qui est une orientation souhaitable.
Ensuite, nous n'avons pas d'hostilité à l'égard du rassemblement des états-majors à Balard et nous n'avons pas de doute quant à la qualité du travail accompli par les services des différents ministères, en particulier du vôtre.
En revanche, nous nous interrogeons fortement sur la réalité de l'équation financière et budgétaire de ce dossier. C'est ce qui justifie les amendements que nous allons présenter, non pas pour condamner un projet de rassemblement des états-majors mais simplement pour nous assurer que la totalité des sujets liés à ce dossier ont bien été envisagés.
Pour être bien sûr que nous nous comprenons, je reprends les termes de la conversation que nous avons eue hier. Ce projet de partenariat public-privé représente, nous avez-vous dit, 700 millions d'euros d'investissement de la part de l'entrepreneur privé. En contrepartie, l'État va payer 4,2 milliards d'euros – ce n'est pas rien en pleine crise et l'on peut comprendre que nous interrogions –, dont 800 millions de frais financiers. Vous nous avez dit hier que toute opération, y compris en maîtrise d'ouvrage publique, faisait l'objet de tels frais. Bien sûr. Mais vous savez très bien que lorsque c'est l'État qui emprunte quand il est en maîtrise d'ouvrage, les conditions de taux ne sont pas tout à fait les mêmes, surtout en période de crise, que lorsque des opérateurs privés interviennent. Qui plus est, les taux d'intérêt à acquitter et les frais financiers à mobiliser dépendent en grande partie de la nature du projet et des modalités de sa réalisation. Par conséquent, si l'on peut accepter le principe de ces frais, il faut que l'on puisse regarde très concrètement quel aurait été le coût en investissement de la rénovation des emprises actuelles et celui du rassemblement d'une partie des états-majors sur des emprises existantes, après rénovation et remise aux normes des bâtiments.
Pour pouvoir évaluer la réalité de l'équation financière de cette affaire et son intérêt économique, j'ai demandé que nous disposions de tels tableaux comparatifs. J'ai vérifié aujourd'hui même : ils ne figurent pas dans la réponse à la question écrite que François Cornut-Gentille et moi-même vous avons posée et je ne puis donc procéder à la comparaison. J'ai également cherché ces chiffres dans le questionnaire, je ne les ai pas trouvés.
Deuxièmement, le coût par personnel localisé à Balard est de 16 500 euros, contre 13 000 euros aujourd'hui. On m'explique que cela intègre le coût des frais financiers, prestations externalisées et autres prestations de location. Il n'en demeure pas moins qu'il faudrait comparer ce chiffre, encore une fois, avec ce que nous auraient coûté la modernisation du bâtiment existant et le maintien sur place.
Troisièmement, les emprises actuelles seront vendues. S'il se produit des retards dans la réalisation de Balard, vous paierez des loyers pour des emprises qui ne vous appartiennent plus et sont la propriété d'autrui, comme cela a d'ailleurs commencé à Latour-Maubourg. Si les retards devaient être importants, le montant des loyers à acquitter est évalué à 4 millions d'euros, soit 133 000 euros par jour. Avec la crise financière que nous connaissons, un tel risque peut-il être pris sans inventaire ?
Enfin, dans la corne ouest de Balard vont être aménagés, par un consortium, 90 000 mètres carrés de bureaux n'ayant rien à voir avec le projet de localisation des états-majors, en contrepartie de quoi l'État recevra 220 millions en déduction du montant des loyers, sans que l'on soit capable de nous dire les profits que réalisera l'opérateur privé pour l'exploitation, pendant soixante ans, de cette emprise. Ce serait la moindre des choses de regarder si l'opération que nous menons, en récupérant ces 220 millions d'euros de loyer, a un quelconque rapport avec le niveau de profits qui sera engrangé par l'opérateur privé.
Il ne s'agit pas de questions pour nuire mais de questions qui, dans un contexte de rigueur budgétaire et de difficultés financières extrêmes, s'imposent à n'importe quel parlementaire, de gauche comme de droite, soucieux de la bonne allocation des deniers de l'État.
Voilà ce que je voulais dire, monsieur le ministre, sur ces quelques sujets budgétaires. Je forme le voeu que ce dernier débat sur les questions de défense ne soit pas emporté par l'excitation qui résulte de l'approche d'un certain nombre d'échéances, et que nous puissions, de façon technique, apporter les réponses qui conviennent afin d'assurer la consolidation du budget de la défense, seule manière de garantir à nos forces le meilleur niveau d'équipement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je souhaiterais tout d'abord rendre un hommage appuyé à l'ensemble de nos concitoyens servant sous les drapeaux, et plus particulièrement à ceux qui se trouvent en opérations extérieures. Ils exercent une mission particulièrement difficile. Nous pensons tous à ceux qui, en Afghanistan, au coeur de la vallée de Kapisa, portent, en agissant dans le cadre du droit international, les couleurs de la France.
Le député de la ville de Castres que je suis,…
Je vois, mes chers collègues, que vous vous associez à l'hommage que je souhaite rendre aux hommes du huitième RPIMa, et en particulier à ceux de la onzième brigade parachutiste, ainsi qu'à tous nos soldats,…
…quelle que soit l'unité dans laquelle ils servent, car ils font tous un métier difficile, avec un engagement à nul autre comparable, qui peut impliquer le sacrifice suprême, celui de la vie. M'étant rendu en Afghanistan il y a quelques mois, ainsi qu'au Tchad, j'ai pu constater le grand professionnalisme et les vertus d'abnégation de nos militaires.
Arrêtons-nous quelques instants sur les grands chiffres de ce budget. Alors qu'il devait augmenter de près de 480 millions d'euros, les différents coups de rabot portés sont cause qu'il n'augmente au bout du compte pratiquement pas. La progression des crédits que nous jugions indispensable n'est malheureusement plus à l'ordre du jour, et c'est un peu inquiétant. Au groupe du Nouveau centre, nous nous posons donc des questions et souhaitons émettre quelques réserves.
Que penser en effet d'un budget qui ne progressera pas autant que prévu en 2012 et qui bute sur les perspectives qui se dégagent à partir de 2013 ? Nous savons que ce budget repose pour beaucoup sur des recettes exceptionnelles.
Ces recettes, que ce soient les ventes de fréquences ou les cessions immobilières, arriveront un jour ou l'autre à leur terme. Ce n'est pas sans nous interpeller quant à l'avenir, car cela s'ajoute à la problématique du Rafale, que nous n'arrivons malheureusement pas à exporter,…
…alors que la loi de programmation militaire prévoyait que, sur les cinq années de programmation, la production d'un avion par mois, onze avions par an, serait financée pendant deux ans par les exportations.
Dès lors, compte tenu également des contraintes financières et budgétaires, ainsi que des coups de rabot passés et à venir, si ce budget 2012 va nous permettre de passer le cap sans trop de difficultés, nous pouvons avoir des craintes pour la suite.
La question qui se pose à nous, c'est de savoir si ce budget va nous permettre d'assumer notre fonction de puissance militaire globale présente sur l'ensemble du spectre. À terme, nous avons quelques inquiétudes à cet égard. Nous avons certes constaté la qualité et le professionnalisme de nos aviateurs, de nos marins, de nos terriens, tout particulièrement ceux de l'aviation légère de l'armée de terre, l'ALAT, en Libye, mais force est de constater que, si nous avions dû mener une autre opération concomitamment ou même tout de suite après, nous aurions été rapidement en rupture capacitaire.
Les militaires ont fait preuve par le passé d'un grand sens des responsabilités pour que ce que l'on a appelé un temps la « bosse » budgétaire soit rabotée sans trop de difficultés. Quand une unité fermait dans une ville, cela faisait souvent moins de bruit que la fermeture d'un simple TGI, alors que les conséquences étaient autrement plus importantes.
Il me paraît essentiel que ces efforts soient reconnus à leur juste valeur et, en tout état de cause, monsieur le ministre, que cette exception de la défense, par laquelle les économies engendrées sur le fonctionnement sont consacrées à l'investissement, puisse être maintenue le plus longtemps possible.
En conclusion, pour être l'auteur d'un rapport sur les opérations civilo-militaires, je suis convaincu de la nécessité de mettre l'accent sur celles-ci. Après la phase d'intervention sur les théâtres viennent une phase de stabilisation puis une phase de sortie de crise. Nous avons aujourd'hui, en Afghanistan, l'impérieuse nécessité de nous doter des moyens de sortir de ce conflit avec les meilleures perspectives de stabilité pour l'avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l'examen du budget de la défense est chaque année un grand moment de la vie parlementaire. C'est, bien sûr, une échéance obligatoire en termes de finances publiques, mais ce n'est pas que cela. C'est aussi l'occasion de faire le point sur le contexte stratégique, sur la doctrine d'emploi de nos armées, et de juger du rayonnement et de la place de notre pays au sein des instances internationales auxquelles nous appartenons : Union européenne, ONU, OTAN, OSCE.
Cela nous permet également de faire le point sur l'état de l'opinion publique face aux menaces, face à la conjoncture géopolitique, bref, de donner un sens pour chaque citoyen à la relation armée-nation.
Au-delà de l'importance des préoccupations financières, il nous faut avoir une vision dynamique de notre avenir et toujours garder à l'esprit qu'investir dans notre défense, en hommes et en matériel, c'est assurer notre sécurité, bien sûr, mais aussi faire en sorte que nul ne décide pour nous de ce qui nous concerne.
C'est continuer d'exister sur la scène mondiale et, en même temps, garantir la pérennité de centaines de milliers d'emplois de haut niveau ainsi que notre capacité à créer et à innover.
Évidemment, c'est aussi l'occasion de manifester à nos armées, aux femmes et aux hommes qui les composent, que la représentation nationale connaît leurs soucis et sait ce que la nation leur doit, et de les assurer de l'intérêt qu'elle leur porte.
C'est enfin saisir l'occasion de convaincre nos concitoyens que, si nous ne prenons pas les moyens d'assurer notre défense et notre sécurité, personne ne les prendra pour nous. Sécurité qui, d'ailleurs, ne s'arrête plus, comme au siècle dernier, sur les frontières du Rhin, mais peut être mise en cause sur n'importe quel point du globe. C'est pourquoi nous devons avoir les moyens d'y parvenir et convaincre nos partenaires, en particulier européens, que tel est aussi leur intérêt.
Ce budget 2012 est le quatrième de la loi de programmation militaire 2009-2014. Présenté initialement à 31,72 milliards d'euros, en légère augmentation de 1,6 % par rapport à la loi de finances pour 2011, il est, du fait du double rabotage de 267 millions d'euros, ramené à 31,45 milliards hors pensions, soit toujours en progression, de 0,9 %.
Vous nous avez détaillé, monsieur le ministre, les mesures que vous alliez prendre pour réduire le budget que vous avez présenté il y a quelques semaines en commission, et nous constatons avec satisfaction qu'elles n'entraînent ni réduction ni retard de programmation des matériels et des infrastructures. Ce budget 2012 va donc permettre de poursuivre la réforme profonde du format de nos armées et la modernisation de nos forces.
L'inquiétude qui est la nôtre aujourd'hui et qui nous a, à chaque audition, été signifiée par les divers états-majors, concerne les ressources humaines. Depuis 2009, comme nous l'a précisé l'amiral Guillaud, cinquante-trois organismes majeurs ont été dissous et vingt-cinq organismes transférés ; soixante bases de défense ont été créées, ainsi que cinq états-majors de soutien de défense, cinq directions de soutien, l'inspection des armées et la direction de l'enseignement militaire supérieur. Oui, force est de le constater, nos armées se sont profondément réformées.
Au total, 30 000 des 54 000 postes réclamés au ministère de la défense au titre de la RGPP ont été supprimés. Pour 2012, ce sont 7 462 postes que nous allons perdre, qui représentent à eux seuls 25 % des réductions des effectifs de l'État. Le chef d'état-major nous a fait part des difficultés à atteindre cet objectif du fait de nouvelles décisions et de nouveaux besoins.
Il conviendra, monsieur le ministre, dans le cadre de la réflexion actuellement menée, sous la houlette du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, sur notre concept stratégique et sur la révision du Livre blanc de 2008, de prendre en considération le fait qu'une trop importante déflation de nos armées pourrait amener à une perte de cohérence ; et, comme l'a dit l'amiral Guillaud, « les militaires vivraient mal l'incohérence entre l'ambition et l'effort ».
Nous sommes d'autant plus inquiets que la plupart de ces 7 462 emplois sont dans le soutien et qu'il est prévu de dégager, au-delà des 54 000 postes, 16 000 postes au titre de l'externalisation. Toutefois, celle-ci se déroule beaucoup plus lentement que prévu parce que nous avons renoncé à certains dogmes et que nous avons tiré les leçons de l'expérience de nos amis britanniques à ce sujet.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous fassiez part de votre vision du back office dont nos armées ont besoin et des conséquences que vous en tirez en termes de réduction de postes dans le domaine du soutien.
Hormis cette interrogation légitime que je crois partagée par beaucoup de collègues, je ne peux que me réjouir de constater que ce budget apporte beaucoup de satisfaction, que ce soit en termes d'effort d'équipement – plus 3 % –, de disponibilité des matériels – plus 7,5 % –, de recherche et développement intéressant les grands donneurs d'ordres, mais aussi les PME et PMI grâce au dispositif RAPID – 3,5 milliards d'euros – et d'amélioration de la condition des personnels,
Mes chers collègues, nous devons avoir d'abord l'exigence permanente d'adapter aux menaces nos capacités opérationnelles, et surtout être prêts à toute surprise stratégique. La difficulté consiste à combiner en permanence une vision de long terme avec l'exigence de réactivité de court terme. De plus, comme l'histoire récente nous l'a démontré, nous devons garder la capacité de participer au même moment à plusieurs conflits de haute intensité tout en assurant notre propre sécurité. En ce sens, l'élaboration de coopérations de plus en plus structurées est une exigence car, au rythme de contraction des budgets de défense européens, il est grand temps d'arrêter de parler de mutualisation communautaire, et bien de la mettre en place !
Ce n'est pas parce que l'européisme est un pacifisme qu'il doit signifier obligatoirement antimilitarisme. Notre continent est en paix depuis soixante-cinq ans, mais ce n'est pas une raison pour que l'Europe puisse se passer d'une armée. Or il est triste et inquiétant de constater qu'en 2010 les dépenses militaires ont diminué de 2,8 % en Europe, tandis qu'elles continuent d'augmenter au Moyen-Orient – plus 2,5 % –, en Afrique – plus 5,2 % – et en Amérique latine – plus 5,8 %. En Europe, l'année dernière, quatre pays ont réduit leurs dépenses de plus de 20 % et quatre autres de plus de 10 %, seuls les pays de la bordure orientale ont augmenté leur budget. Si les États-Unis ont encore fait un effort significatif de 2,8 %, c'est uniquement du fait de leurs engagements majeurs et très coûteux, mais ils vont fatalement être contraints à des choix drastiques du fait d'une situation économique et financière bien compromise. Ils s'intéresseront alors beaucoup moins à l'Europe et le centre de gravité de la planète basculera vers l'océan Pacifique et l'Asie.
Aussi, permettez-moi d'applaudir à la mise en place hier, 8 novembre 2011, d'une Task Force européenne de défense qui va regrouper en une seule entité tous les organismes de l'Union européenne s'occupant de défense, à savoir, entre autres, l'Agence européenne de défense, le service diplomatique européen, la direction générale du marché intérieur, la direction générale Entreprise, et ce à l'initiative de notre commissaire européen Michel Barnier. Trois objectifs : faire face aux défis de sécurité ; préserver une base industrielle ; élargir le marché défense et sécurité pour que nos industries restent compétitives en Europe et dans le monde. Toute mutualisation, économie d'échelle ou interdépendance est une bonne nouvelle. C'est pourquoi j'attends une déclinaison opérationnelle à bref délai du traité franco-britannique signé il y a maintenant un an. Monsieur le ministre, où en est ce partenariat ?
Mes chers collègues, ce budget, dans la conjoncture mondiale actuelle, assure l'essentiel, c'est-à-dire le financement des cinq missions stratégiques que nous avons confiées à nos armées. Beaucoup de nos concitoyens s'étonnent des sommes que nous consacrons à notre défense ; à nous de leur expliquer qu'ils vivent dans une sécurité trompeuse et qu'il est nécessaire de maintenir notre garde haute, car ne pas disposer de moyens pour nos interventions pourrait coûter beaucoup plus cher à la nation.
Gardons toujours en tête ce que disait Frédéric le Grand : « La diplomatie sans armes, c'est comme la musique sans instruments. ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, j'associe Françoise Olivier-Coupeau à mon intervention. Elle aurait aimé être là aujourd'hui. Beaucoup d'entre vous la connaissaient et l'appréciaient.
Nous examinons le dernier budget de la défense de cette législature, dans des conditions difficiles, voire éprouvantes, surtout pour vous, monsieur le ministre. La crainte de la perte du triple A entraîne de facto ce que vous nous avez annoncé hier soir : une perte supplémentaire de 285 millions. De plus, j'ai découvert tout à fait par hasard, parce que je serai demain en CMP sur l'ÉPIDE, que la défense va devoir engager 2 millions pour le financement de cet établissement consacré aux délinquants mineurs et si cher à M. Ciotti.
Je l'ai découvert tout à l'heure, et j'en suis assez surprise. À cela s'ajoutent les différentes réductions budgétaires qui ont été décidées dans la deuxième loi de finances rectificative et les 3,7 milliards prélevés sur la programmation triennale. Ce sont des montants importants.
Bernard Cazeneuve et Jean-Michel Boucheron ont, avec brio, détaillé pour notre groupe l'équation budgétaire à laquelle nous sommes confrontés. Après l'exercice RGPP, qui a touché particulièrement nos armées, les chefs d'état-major, comme d'ailleurs le responsable de la DGA, nous ont tous indiqué que l'année 2012 serait particulièrement difficile, les marges de manoeuvre étant très étroites, voire inexistantes.
Depuis la décision unilatérale de Nicolas Sarkozy de faire revenir la France dans le commandement intégré de l'OTAN et sa conséquence immédiate, le renforcement des moyens humains de la France en Afghanistan, je rappelle que le budget des OPEX a considérablement augmenté. Il aura plus que doublé en trois ans. Je rejoins tout à fait Jean-Michel Boucheron sur la nécessité de partir d'Afghanistan, et au plus vite, parce que je pense que, malheureusement, la situation dans trois ans ne sera pas meilleure.
La réserve interministérielle de précaution doit abonder le budget de la défense. Vous nous avez assuré hier en commission qu'elle serait effective. J'espère, commeFrançois Cornut-Gentille, qu'elle sera véritablement versée avant la fin de ce mois.
À ces annulations de crédits s'ajoutent les réductions budgétaires que j'ai évoquées. L'effet cumulé de ces mesures invalide l'équation sur laquelle reposait l'équilibre budgétaire de la défense depuis 2007 et il aboutira à un décrochage d'un milliard d'euros en 2012 par rapport à la LPM. Nous le savons, le constat est malheureusement toujours le même en fin de programmation : les crédits de paiement ne sont pas à la hauteur des engagements budgétaires. Tous ici, que ce soit à droite ou à gauche, nous le déplorons chaque fois.
Pour ne pas avoir été sincères, les quatre dernières lois de finances risquent de reproduire la fameuse bosse budgétaire. Mais, cette fois-ci, l'équivalent d'un exercice budgétaire ne suffira pas pour honorer nos engagements. En effet, à mi-parcours de la programmation, la lecture des fascicules budgétaires nous enseigne qu'il faudra mobiliser 40 milliards d'euros pour honorer nos commandes ; fin 2012, ce sera 46 milliards, pour arriver à 60 milliards en fin de LPM si on continue ainsi. Je crains qu'une seule législature ne suffise malheureusement pas à honorer cette dette. Monsieur le ministre, je voudrais que vous confirmiez ou infirmiez ces chiffres. J'ai demandé confirmation de leur véracité lors des différentes auditions mais, à ce jour, je n'ai toujours pas reçu de réponse.
De tels montants démontrent à eux seuls qu'il est irréaliste de poursuivre la LPM en l'état sans sacrifier d'autres ressources, tous ici nous le savons en le déplorant, mais lesquelles ? Il est nécessaire de parler un langage de vérité sur ces aspects budgétaires à la fois par respect pour nos armées mais aussi bien sûr pour le monde industriel. Il devient plus que nécessaire, M. Teissier l'a rappelé, que le Livre blanc et l'ajustement de la LPM prévu à mi-parcours soient réalisés très rapidement. Ils le seront après les élections.
J'ai trois questions à vous poser, monsieur le ministre.
Pouvons-nous réduire encore davantage les crédits de recherche et de développement sans fragiliser notre tissu industriel et obérer notre indépendance, et cela pour au moins trente ans ? Pour ma part, je ne le pense pas.
Pouvons-nous réduire davantage les crédits de fonctionnement alors que les forces ont été particulièrement sollicitées et que l'incertitude du monde nous conduit à encore plus de vigilance ? Je pense qu'il faudrait au contraire les stabiliser.
M. le délégué général à l'armement nous a indiqué qu'il y aurait des décalages dans la mise en oeuvre des programmes futurs. De quels programmes parlait-il ?
Cinq minutes, c'est trop court, mais, monsieur le ministre, je vous remercie particulièrement d'être très présent devant la commission de la défense. Je le dis en tant que membre de l'opposition, mais nous n'y avons pas été habitués durant cette législature. Vous avez rectifié le comportement de vos prédécesseurs et je vous en sais gré. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de budget de la défense qui nous est présenté pour 2012 est soumis à une double contrainte nationale : celle qui place la France en première ligne dans la résolution des crises financières monétaires et budgétaires systémiques, et celle qui a appelé notre pays à multiplier au cours de l'année écoulée, avec succès, les engagements de nos armées. Dans ces conditions, notre assemblée doit au travers de son vote exprimer sa confiance au Gouvernement ainsi que son soutien indéfectible aux personnels militaires et civils de la défense dans leur engagement au service de la France.
Chers collègues, le budget de la défense n'est pas un budget comme les autres. Il n'a pas, même si cela a malheureusement été trop souvent le cas, vocation à être la variable d'ajustement des dépenses de l'État. Il est l'instrument incontournable de notre volonté de souveraineté et d'indépendance nationales. Il est aussi l'outil régalien qui permet à la France de tenir son rang au sein de la communauté internationale et d'exercer son influence. Il est enfin l'assurance que les Français peuvent contribuer à la paix de notre continent.
Au moment où les effets de la triple crise systémique que je viens d'évoquer frappent notre environnement le plus proche, il est plus que jamais nécessaire de maintenir l'effort de la nation en faveur de ses armées. Le Gouvernement s'y est engagé. Notre assemblée, je le répète, doit lui témoigner sa confiance.
À ceux qui sur les bancs de l'opposition s'emploient – ils ne sont pas si nombreux, mais ils existent –, à coups de contre-vérités, à disqualifier les succès de nos armées en Afghanistan ou dans d'autres parties du monde, je tiens à rappeler trois réalités.
La première est que ces mêmes déclinologues, lorsqu'ils avaient la charge de l'État, ont, malgré un contexte économique favorable, privé les armées de 20 % des ressources qu'ils leur avaient pourtant promises. En effet, dans la programmation militaire 1997-2002, les ressources, déjà calculées au plus juste, n'ont pas été au rendez-vous.
Le meilleur budget de la défense, c'était sous la gauche : 3 % du PIB !
La deuxième est qu'avec les deux lois de programmation suivantes, nos gouvernements successifs ont fait progresser le budget de la défense de 10 %.
La troisième est que les armées demeurent la seule institution qui a réussi globalement à atteindre les objectifs de la RGPP en termes d'effectifs et d'organisation. Moins nombreux et plus opérationnels, nos militaires doivent être reconnus et cités en exemple dans la fonction publique ! Sans eux, sans leurs efforts, sans leur courage, leur attachement au devoir et à la mission, la France n'occuperait pas la place qu'elle a au sein du Conseil de sécurité des Nations unies et au sein de l'OTAN.
Chers collègues, l'année 2011 a été une année exceptionnelle. Dix ans après le 11 Septembre, elle a définitivement refermé la page du XXe siècle. Avec le printemps arabe, sur les rivages de la Méditerranée, une page d'histoire a été tournée entre les peuples de ce qu'André Siegfried qualifiait de « continent liquide », au coeur duquel la France honore son histoire. Ainsi, en Libye, l'efficience de nos forces, sans préavis ni préparation particulière, a été remarquable. Elle a servi une politique ambitieuse et courageuse dont le premier succès a été d'éviter un bain de sang. Aucun d'entre nous ne peut le nier. Sans intervention militaire, je n'ose imaginer ce qui serait advenu.
À ce propos, je défends budget après budget les choix stratégiques qui ont été au coeur du succès de la France et de ses alliés lors de l'opération Harmattan. Ces choix portent sur les capacités de nos armées à diriger des opérations combinées et à entrer en premier sur un théâtre d'opérations par la maîtrise de l'espace et de ce que les spécialistes qualifient de C3 I ou C4 I – commandement, contrôle, communication et renseignement. Notre pays a démontré de façon éclatante qu'il avait une parfaite maîtrise des capacités demandées. Je veux ainsi rappeler à ceux qui doutent, critiquent, qu'en dix ans nous avons construit la capacité stratégique qui faisait cruellement défaut à nos armées. En effet, lors de la première guerre du Golfe et lors des opérations au Kosovo, c'est-à-dire lorsque la gauche avait en charge notre défense, il ne me semble pas que, malgré le grand professionnalisme de nos armées, nous ayons joué un tel rôle. Nos alliés d'alors, qui sont toujours les mêmes aujourd'hui, ne s'y étaient d'ailleurs pas trompés.
Je conclurai sur les acquis à préserver et sur les efforts à poursuivre. S'agissant des acquis, nous avons le devoir en 2012 d'être extrêmement vigilants pour la préparation des forces. Ensuite, s'agissant des efforts, ceux-ci portent bien entendu sur la régénération des matériels, qui doit être simultanée.
À mon sens, il conviendra d'accorder la priorité à l'armée de terre notamment à ses programmes de blindés – le véhicule blindé multirôles et l'engin blindé à roues de contact – et à l'armée de l'air en ce qui concerne l'Airbus militaire A 400 M, qui devient une urgence en matière de capacité, et le MRTT – multi-role transport tanker.
Il n'y a pas d'armée crédible sans capacités de projection. Prenons les décisions nécessaires pour l'armée de l'air, tout comme nous l'avons fait au titre du plan de relance pour la marine qui, elle aussi, se trouve engagée dans de vastes programmes.
Ces choix, mes chers collègues, retiendront notre vigilance en 2012, année de préparation de la prochaine programmation militaire.
Enfin, vous me permettrez de conclure en évoquant une étude récente qui montre que l'armée est l'institution dans laquelle les jeunes Français ont le plus confiance. Juste retour pour nos armées et pour tous ceux qui les soutiennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de la défense, mes chers collègues, je vais intervenir quelques minutes sur un budget qui a motivé des pages d'écrits et de chiffres.
Je pourrais revenir sur le détail de certains choix très en retrait par rapport aux besoins de notre nation, de nos armées et de leurs hommes, mais mon temps de parole n'y suffirait pas.
J'ajoute que cette nouvelle forme de gouvernance qui consiste, pour le Président de la République, à déclarer le jeudi insincères les recettes votées par les parlementaires le lundi, invite à la prudence. D'autant que le Premier ministre aura suivi le même chemin puisqu'en pleine discussion sur les dépenses ici, les amendements budgétaires de la majorité – une dizaine de milliards d'euros, excusez du peu – sont présentés non pas aux parlementaires mais aux journalistes et aux présentateurs du journal télévisé de 20 heures.
Je le dis : cette façon de considérer le Parlement, et à travers lui les Français qu'il représente, n'est pas digne de notre République. C'est une raison de plus d'espérer un vrai changement.
Au fond, d'une réduction à l'autre, d'un choix contraint – voire d'un non-choix – à l'autre, tout se passe comme si la défense, en France, allait devenir une variable d'ajustement.
Je veux alerter contre cette façon de considérer la défense de notre nation, parfois au détriment de nos armées. Certes, j'entends le discours qui s'appuie sur une réalité : l'effacement des pouvoirs durs face à une diplomatie d'influence ; la puissance des blocs qui cède face à un monde multipolaire ; le fort qui ne peut plus imposer dans un monde d'interdépendance.
Ce discours, les radicaux, qui comptent Léon Bourgeois dans leurs grands ancêtres – l'inventeur de l'interdépendance –, peuvent naturellement le comprendre. Mais il ne peut pas servir de base à un rognage, année après année, de notre appareil de défense. Celui-ci doit plutôt se renforcer, premièrement pour pouvoir affronter cette interdépendance dont chacun sait qu'elle est une source d'insécurité, deuxièmement pour être en état de construire et de peser dans la défense européenne que nous aurons tôt ou tard à bâtir.
Un mot à ce sujet. Depuis 2002 – deux ans après Saint-Malo –, cet horizon européen que j'ai, avec d'autres, inlassablement rappelé à cette tribune, a souvent été considéré avec une certaine ironie, refusé par passéisme ou par posture, voire par mimétisme proaméricain.
La proposition des radicaux, évoquant dans les mêmes termes le fédéralisme européen ou un gouvernement économique européen, fut accueillie par les mêmes railleries. J'observe qu'elle est désormais devenue un horizon stable, défendu par une grande majorité de la classe politique.
La défense européenne suivra le même chemin, mais quelle crise faudra-t-il et de quelle ampleur faudra-t-il qu'elle soit pour que nous en prenions collectivement conscience, monsieur le ministre ?
Dans cet outil de défense et de sécurité, un élément est déterminant : l'industrie. Dans les années 2000, notre appareil industriel a été reformaté, néologisme pour dire qu'en réalité on l'a détruit pour partie. Chez moi, dans l'Allier, on a ainsi fermé Manurhin, au motif que l'on pouvait se fournir sur étagères, au Royaume-Uni, au Brésil ou en Israël.
À présent, que fait-on ? On cherche de nouveau des participations dans ces secteurs, on essaie de retrouver ces fabrications. Bref, on va bientôt chercher à refaire ce qui a été piétiné il y a dix ans.
Entre-temps, on a mis à la retraite des employés de 40 ans ou 50 ans qui étaient à la tête de fabrications ayant affiché pendant près de quarante ans des taux de service de 100 %, ce qui ne se voit plus actuellement. Il est encore temps de faire marche arrière, mais il faut aller beaucoup plus vite que les atermoiements industriels qui transpirent de votre budget de crise.
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, à ce moment de notre discussion, les radicaux ne pourront pas voter pour votre budget qui n'est pas – n'y voyez rien de personnel – un budget à la hauteur des enjeux actuels.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui a trouvé sa traduction législative dans la dernière loi de programmation militaire, a validé une stratégie consistant à redéployer, au profit de l'équipement de nos forces et par le biais d'une forte mutualisation, les économies dégagées par la réforme du ministère de la défense, qui s'est déjà traduite par la suppression de 30 000 postes tout en renforçant l'opérationnel.
Si nos forces armées ont pu démontrer toutes leurs capacités dernièrement en Libye et sur les autres théâtres d'opérations, c'est certes grâce à la qualité de nos équipements. Nos collègues rapporteurs ont parfaitement présenté l'effort maintenu dans ce domaine : 16,5 milliards d'euros y seront consacrés l'an prochain.
Mais derrière les matériels, il y a aussi et surtout des hommes et des femmes, car « il n'est de richesses que d'hommes », comme le disait le penseur Jean Bodin au XVIe siècle. C'est eux que je souhaite évoquer aujourd'hui, pour la discussion de ce dernier budget de la législature.
La fin de la conscription et la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques ont conduit le ministère de la défense à connaître, plus qu'aucune autre administration, d'importantes réductions d'effectifs et une profonde réorganisation.
Les personnels, tant civils que militaires, en ont bénéficié puisque 50 % des économies engendrées ont été consacrées à la condition du personnel. Cet effort sera poursuivi l'an prochain : 90 millions d'euros sont prévus à cet effet.
Le nouveau format des armées a rendu nécessaire une gestion plus fine des ressources humaines, tant en termes de recrutement que de fidélisation ou d'aide à la reconversion.
Quelque 22 000 recrutements sont prévus en 2012. Le nombre de candidats se maintient, voire augmente, témoignant de l'attractivité des emplois et des carrières militaires. Pour autant, tous les besoins pourront-ils être pourvus ?
Le dernier rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire a pointé des « difficultés persistantes de fidélisation » des effectifs. Je pense en particulier aux améliorations qu'il serait possible d'apporter au statut du militaire, notamment en opérations, et à la réserve opérationnelle.
Enfin, le maintien d'une pyramide fonctionnelle jeune suppose aussi des mesures efficaces d'encouragement des départs. Quel bilan peut-on tirer des dispositifs existants, monsieur le ministre ? Que peut-on faire pour les améliorer ?
Si, cette année encore, nos soldats ont fait preuve d'un professionnalisme qui témoigne de la qualité de leur formation et de leur entraînement, je souhaiterais attirer l'attention sur les propos tenus par le général Ract-Madoux, chef d'état-major de l'armée de terre, lors de son audition par la commission de la défense.
Compte tenu de l'allégement des opérations extérieures l'an prochain, il a souligné que la diminution du nombre de jours d'activité opérationnelle sur les théâtres devrait être compensée par un entraînement plus soutenu. Or il a relevé que le budget 2012 traduisait une diminution du nombre de jours de préparation et d'activités opérationnelles avec 111 jours seulement, contre 120 jours en 2010.
La question se pose aussi pour l'armée de l'air et la marine. Quelles mesures entendez-vous prendre, monsieur le ministre, pour permettre à nos troupes de conserver leur savoir-faire et de demeurer immédiatement opérationnelles ?
Si l'opération Harmattan s'est heureusement conclue sans aucune perte humaine, soixante-quinze de nos soldats sont tombés en Afghanistan depuis 2001, et, cette année, 588 militaires ont été blessés en service.
C'est pourquoi il faut se réjouir que la protection des combattants demeure une priorité. Je pense en particulier à la livraison du programme FÉLIN, dont le premier déploiement opérationnel va avoir lieu en Afghanistan d'ici à la fin de cette année. Il témoigne de l'excellence du tissu industriel français en matière de protection.
Peut-être serait-il d'ailleurs pertinent de promouvoir cette filière grâce à l'élaboration d'une norme française sur l'évaluation des équipements de protection ? Cette réussite est l'un des symboles d'une recherche et développement qu'il faut absolument maintenir à un haut niveau d'engagement financier, comme l'affirmait notre rapporteur Yves Fromion tout à l'heure.
La prise en charge des blessés fait l'objet d'un travail remarquable des personnels du service de santé des armées, tant sur les théâtres d'opérations que dans les hôpitaux militaires, et je souhaitais naturellement leur rendre hommage.
L'accompagnement des blessés ne se limite pas aux soins médicaux immédiats. Il comprend aussi un volet humain – soutien moral du blessé et de sa famille – et social : assistance matérielle, aide à la réinsertion ou à la reconversion. Le dernier rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire a jugé le dispositif existant « complet et de très bon niveau », tout en estimant qu'il comporte néanmoins quelques lacunes. Quelles dispositions entendez-vous prendre pour les combler, monsieur le ministre ?
Au-delà des aspects matériels, je voudrais, à l'instar de Jean-Louis Bernard, évoquer la reconnaissance que ces blessés attendent de la communauté nationale.
Quant aux soldats morts pour la France sur les théâtres d'opérations extérieures, je me réjouis que la nation leur rende l'hommage qui leur est dû, tant à l'occasion du 11 novembre, désormais, que par l'intermédiaire du futur monument à la mémoire des militaires français tués lors d'opérations extérieures – hors la Corée, hélas, monsieur le ministre.
Les différents thèmes que j'ai abordés dépassent a priori le cadre de ce budget, mais je crois que le renforcement, sinon la refondation du lien entre l'armée et la nation, doit être un sujet majeur pour les années à venir. Notre défense – et ses hommes – a besoin d'être comprise et soutenue par le peuple français et irriguée dans la nation.
À cet effet, je voudrais faire une suggestion : que l'équipe de France de football qui va jouer contre les États-Unis vendredi prochain, 11 novembre, porte le bleuet, comme les Anglais, le même jour, vont porter le coquelicot à Londres.
Pour en revenir au présent budget, son esprit demeure conforme à la loi de programmation militaire que nous avons adoptée en 2009. S'il traduit l'effort commun à toutes les administrations dans le contexte de crise que nous traversons, il est moins affecté que d'autres, ce qui témoigne de la conscience que nos forces armées sont un instrument majeur du rôle de la France dans le monde, et de la confiance dans le courage et le professionnalisme de nos soldats.
C'est donc avec confiance, monsieur le ministre, que je voterai pour ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le dernier budget d'une législature est forcément l'occasion d'un bilan et, en même temps, d'une mise en perspective.
En préambule, je reviendrai sur les propos tenus par le premier rapporteur, M Fourgous, sur la manière dont le budget aurait été géré depuis dix ans, par tous les ministres successifs : nul n'aurait réussi à combler les déficits créés autrefois. J'ai trouvé sa démonstration très dure pour les deux mandatures qui s'achèvent et je ne serai pas aussi injuste que lui.
Revenons-en à votre budget, monsieur le ministre. Le Président de la République a voulu être présent sur la scène internationale et nous l'avons soutenu, en particulier dans le cas de la Libye, comme l'ont très bien expliqué mes collègues. Alors que cet engagement est très fort, nous constatons que 54 000 postes ont été supprimés et que le budget a été réduit de 3,6 milliards d'euros. C'est pourquoi l'inquiétude qui sourd de toutes les interventions, quand on les épluche bien, est particulièrement forte chez nous.
Comme Bernard Cazeneuve, je pense que, dans un contexte budgétaire violent – c'est le mot qui convient –, nous aurons tous, pour la prochaine législature, à nous poser des questions graves, y compris en matière d'équipements.
Nous sommes à moment de notre histoire où nous avons l'impression d'avoir tiré sur toutes les ficelles, si vous me permettez cette expression populaire, et qu'il n'y a plus rien à chercher dans les tiroirs. Nous l'avons constaté hier en commission – où nous vous remercions d'être venu si vite – quand il a fallu rectifier une nouvelle fois un budget pas encore adopté.
Vous avez en plus à tirer quelques « boulets », y compris Balard. J'y reviens, bien que cela ait été excellemment décrit tout à l'heure, parce qu'une telle expérience démontre bien que nous devons cesser de penser que le partenariat public-privé est une bonne solution.
Dans ce genre de partenariat, la charge de la dette existe, même si elle est portée par un privé. Or, même dans le contexte actuel de baisse des taux de la BCE, le partenaire privé n'obtiendra jamais des taux d'intérêt plus bas qu'un État qui se porte assez bien malgré tout et encore pour longtemps, je l'espère. En outre, le partenaire privé doit rémunérer son capital, ce qui représente un poids supplémentaire.
Il faut donc en finir avec cette idée répandue selon laquelle le recours au privé serait un gage d'efficacité. On voit bien que ce n'est pas le cas pour cette fraction de votre budget même si, tous les orateurs l'ont dit, le regroupement était attendu.
Fermer des unités ici pour les rassembler là-bas n'est pas forcément une bonne solution non plus, quels que soient les budgets. La réforme de la carte militaire a coûté fort cher en engagements financiers et en moral des troupes. Elle coûte cher aussi aux territoires, qui trouvent que la négociation des contrats avec le Fonds pour les restructurations de la défense est un peu longue et qui s'inquiètent d'un retour à un développement économique.
Tous nos territoires contribuent à la production et nous sommes tous accrochés à l'idée de faire évoluer le PIB de la France dans le bon sens. Or, y compris dans la gestion de la carte militaire, nous sommes en retard.
Le ministre de l'économie nous a vertement tancés, hier, à propos des vieilles lunes socialistes. À mon tour j'évoquerai vos vieilles lunes idéologiques, comme celle consistant à vouloir tout confier au secteur privé. Nous avons collectivement démontré, monsieur le ministre, que le secteur public pouvait se révéler efficace, comme l'illustre le cas du SIAé qui, inscrit au registre du commerce, doit équilibrer ses comptes, établir un bilan annuel, prendre en considération toute charge de structure quelle qu'en soit la nature.
Ainsi, ce service public, soutenu par l'État, a non seulement montré sa compétence mais encore ses performances : il gagne 50 millions d'euros par an. Et pourtant, on annonce aux personnels qu'il va peut-être falloir fermer un atelier à Landivisiau et opérer des regroupements d'activités à Bordeaux.
Pourquoi donc, face à son excellence, ne pas affirmer que le SIAé serait capable de prendre en charge la maintenance ou la réparation des hélicoptères civils, par exemple ? Cela permettrait au ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité civile, de réaliser lui aussi des économies.
Quand on mobilise des moyens en recherche et développement, quand on permet à un service d'être bien géré, quand il est soutenu par des autorités publiques déterminées, quand il a chaque année des comptes à rendre, des discussions à mener avec ses personnels, le secteur public est lui aussi capable de performances.
Cela vous semble peut-être un détail mais il s'agissait pour moi de combattre l'une de vos vieilles lunes idéologiques selon laquelle rien ne peut fonctionner, être bien géré sans relever du secteur privé. C'est faux, et le SIAé l'a largement démontré. Aussi tiens-je à en féliciter les personnels, que je vous demande d'aider.
Nous avons cité le nom de Françoise Olivier-Coupeau à deux reprises. Elle regretterait, monsieur le ministre, que nous n'évoquions pas la gendarmerie, pourtant composée, précisément, de « gens d'armes ». Il est dommage que la réforme rapide qui a réuni police et gendarmerie n'ait jusqu'à présent fait l'objet d'aucun bilan qui montrerait que les gendarmes tiennent à leur spécificité et qu'ils ont besoin de nous parce qu'ils ne se sentent pas reconnus à la hauteur des tâches qui leur sont confiées ; je pense notamment à leur rôle en Afghanistan. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget de la mission « Défense » est emblématique à plus d'un titre.
Il est tout d'abord le dernier budget de cette législature, marquée par la volonté du Parlement d'inscrire nos armées au coeur d'une stratégie globale et ambitieuse de défense, notamment sur la base du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, et de la loi de programmation militaire votée en 2009 pour les années 2009-2014.
Ce budget s'inscrit ensuite dans le contexte particulièrement difficile de la crise financière et économique que traversent la France et l'Europe tout entière. Ainsi, tout en préservant les orientations fondamentales fixées par le ministère, comme les dépenses d'équipement, ce budget tient compte de l'impératif de maîtrise des dépenses publiques et de la participation de la défense à la réduction des dépenses de l'État. Au total, en 2012, les ressources de la mission « Défense » s'élèveront, hors pensions, à 31,45 milliards d'euros.
Enfin, il s'agit d'un budget particulier dans la mesure où il sera voté au terme d'une année intensément active pour nos armées, engagées sur de nombreux théâtres d'opération, en particulier, ces derniers mois, en Libye.
Sur ce dernier point, permettez-moi de rendre hommage au succès des actions menées cette année par la France.
Au-delà des succès politiques et diplomatiques, c'est surtout la victoire de nos militaires et de leurs chaînes de commandement que nous devons saluer. Le dévouement et le professionnalisme de nos armées, qui n'ont jamais été autant sollicitées, sont exemplaires.
L'opération Harmattan en Libye est arrivée à son terme fin octobre. Il convient donc de rendre un hommage appuyé aux équipes qui ont contribué à ce succès. Vous le ferez d'ailleurs demain, monsieur le ministre, à Mont-de-Marsan, entouré de certains d'entre nous.
Outre la Libye et l'Afghanistan, où nos hommes ont été ou sont encore militairement engagés, il faut aussi saluer l'action de nos forces mobilisées dans des opérations de maintien de la paix ou de coopération militaire, notamment au Liban, au Kosovo ou en Afrique.
En tant qu'ancien officier de la troisième génération du feu, je suis fier de ces réussites, de l'engagement et du professionnalisme de nos forces armées. Le succès de leurs actions ne peut que faire honneur à leurs prédécesseurs et à tous nos soldats tombés au champ d'honneur, dont le souvenir sera célébré dans deux jours au cours des célébrations nationales du 11 novembre.
Au demeurant, les succès à venir de nos armées ne seront assurés que si l'on maintient les budgets, notamment d'équipement.
Permettez-moi d'insister sur ce point tant il conditionne l'engagement militaire de la France sur les théâtres d'opérations extérieures. En effet, depuis la guerre du Golfe, l'armée française n'a jamais été aussi engagée en OPEX. Comment, dès lors, assurer le maintien et la sécurité de nos militaires ? Comment conserver une armée professionnelle, instruite et équipée, si les budgets d'équipement, tant pour les hommes que pour les engins ou les armements, ne suivent pas ?
Fort heureusement, pour 2012, la priorité en faveur de l'effort d'équipement sera maintenue. Après une très forte hausse des crédits d'équipement en 2009, de l'ordre de 20 %, correspondant à un nombre record de commandes pluriannuelles liées à la mise en oeuvre de la loi de programmation militaire, les crédits d'équipement pour 2012 sont en progression de près de 3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2011 et devraient atteindre 16,5 milliards d'euros.
Je ne peux que saluer ces décisions qui permettront d'assurer l'envoi, le maintien et la sécurité de nos militaires en opérations extérieures ou en opérations de maintien de la paix. C'est une condition sine qua non pour garantir le succès de nos opérations.
Malgré un contexte économique difficile nous intimant des restrictions budgétaires, il s'agit aussi d'assurer les crédits suffisants pour former et entraîner nos armées afin que nous continuions de réussir nos interventions.
La question de l'entraînement a été très clairement posée par le général Bertrand Ract-Madoux, chef d'état-major de l'armée de terre, que nous avons récemment auditionné dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012. En effet, lorsqu'il n'est pas engagé sur un théâtre d'opérations, la vocation principale d'un militaire est de s'entraîner pour être prêt le jour où il sera mobilisé.
Or il semblerait que la préparation opérationnelle soit actuellement insuffisante. Les ressources strictement indispensables à la préparation des opérations ont aujourd'hui atteint un niveau plancher qui peut menacer à court terme la préparation opérationnelle de nos forces. De même, la réduction du nombre de militaires en OPEX, avec le départ programmé de l'Afghanistan par exemple, va automatiquement réduire le nombre de journées d'activité opérationnelle, qui devraient théoriquement être compensées par des journées de préparation opérationnelle. Il est donc important d'être vigilant sur ce point, même si je sais, monsieur le ministre, que vous en avez pleinement conscience.
En ce qui concerne l'intervention militaire de la France en Libye, elle a certes mis en évidence le professionnalisme et le savoir-faire de nos soldats mais elle a aussi coûté très cher. Cette année, les surcoûts des opérations extérieures, du fait de l'opération Harmattan, battent des records, surcoûts que vous estimiez d'ailleurs, fin septembre, entre 300 et 350 millions d'euros.
C'est malheureusement le prix de la paix, de la démocratie et de la lutte contre le terrorisme. Sans remettre en cause la légitimité de notre intervention, la question du financement des surcoûts liés à l'opération Harmattan est posée.
Depuis 2009, les surcoûts liés aux OPEX sont pris en charge sur la réserve de précaution interministérielle au lieu de faire l'objet de ponctions sur les crédits d'équipement – nous avons connu cela en d'autres temps et je me souviens très bien que le fameux titre V était amputé très fréquemment avant la fin de l'année. Nous pouvons par conséquent nous rassurer puisque ces surcoûts sont pris en charge par la réserve interministérielle.
Permettez-moi enfin, pour conclure, quelques mots pour rendre hommage aux soldats morts cette année en Afghanistan. L'année 2011 fut particulièrement lourde pour nous puisque, depuis le mois de janvier, 23 soldats sont morts alors qu'on compte 75 morts pour l'ensemble de l'opération depuis 2001. Ces hommes ont donné leur vie pour leur pays et pour une certaine idée de la paix et de la démocratie ; il est indispensable que la nation sache, en retour, leur rendre hommage.
Je souscris donc pleinement aux propositions formulées en octobre dernier par le général Bernard Thorette, ancien chef d'état-major de l'armée de terre et actuellement président de l'association Terre fraternité, qui visent à ériger à Paris un monument dédié à la mémoire des militaires français de la quatrième génération du feu, morts depuis 1962 au cours d'une opération extérieure. J'y vois là l'hommage légitime et la reconnaissance de la nation à ces soldats et à leurs familles ainsi qu'un lien avec les autres générations du feu. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous assurer de la prochaine mise en oeuvre de cette proposition ? (M. le ministre acquiesce.)
Enfin, il va sans dire que je voterai le budget de la défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année 2011 a été marquée par un engagement opérationnel très important de nos armées, notamment sur les théâtres d'Afghanistan, de Côte d'Ivoire et de Libye.
Nos forces armées ont fait preuve d'une réactivité et d'un professionnalisme unanimement reconnus, tout en poursuivant leurs activités quotidiennes au service de la sécurité des Français sur le territoire national comme à l'extérieur de nos frontières. Cette performance, qui a permis à notre pays d'assumer pleinement ses responsabilités sur la scène internationale, est d'autant plus remarquable qu'elle s'est accompagnée d'un rythme soutenu de réformes avec la généralisation des bases de défense ou la signature du regroupement de l'administration centrale et des états-majors sur le site de Balard.
Ces réformes et ces adaptations nécessaires dans un monde en mouvement se traduisent aussi sur le plan budgétaire. La stratégie définie en 2008 par la loi de programmation militaire 2009-2014 est ainsi confirmée en 2011, puis pour 2012 : les économies dégagées par les réductions d'effectifs et la rationalisation des soutiens sont redéployées au profit de l'équipement de nos forces et de la condition du personnel civil et militaire.
Je me félicite de cette position car, malgré la nécessaire maîtrise des finances publiques et dans un environnement que nous savons difficile pour la France comme pour nos voisins, les ressources allouées à la défense nationale sont conformes au budget triennal et aux orientations de la loi de programmation militaire 2009-2014.
Pour cela, le budget de la défense a concentré ses efforts d'économies sur la diminution des effectifs de la défense et sur l'augmentation des cessions immobilières, qui s'élèveront en 2012 à plus de 160 millions d'euros. Le montant des économies réalisées sur les crédits de la défense pour 2012 s'élève à 180 millions d'euros.
Si les économies budgétaires sont une nécessité absolue, je me félicite que cette politique de rigueur ne soit pas menée au détriment des grands enjeux de la défense, et notamment du financement de nos missions extérieures ni aux dépens de la modernisation de nos matériels de combat et de dissuasion.
Ainsi, nos efforts de modernisation des équipements et des matériels s'élèveront à 16,5 milliards d'euros en 2012 contre 16 milliards en 2011. Nous pourrons par conséquent poursuivre la modernisation de nos armées ainsi que la consolidation de notre industrie de défense, dont les emplois sont implantés sur le territoire national.
J'insiste plus particulièrement sur ce point car le renouvellement de nos programmes d'armement et la modernisation de nos équipements contribueront à nous rendre encore plus performants sur le théâtre des opérations, à faire de la France un pays aux équipements militaires de très haute technologie, et à réduire ainsi le nombre de pertes humaines dans les conflits où nous sommes engagés.
Ces crédits seront notamment utilisés pour la construction d'une frégate multimissions, de trois hélicoptères Caracal dont nous connaissons les grandes capacités en manoeuvre, mais également de matériels structurants comme les 11 avions Rafale, les 6 hélicoptères Tigre, ou les 5 avions de transport CASA 235, ou pour la mise en chantier de l'exceptionnel bâtiment de projection et de commandement porte-hélicoptères Dixmude.
Avec un financement de la recherche-développement de 3,5 milliards d'euros, la défense nationale continuera de susciter et d'accompagner l'innovation technologique, moteur essentiel de croissance et de développement économique.
Si la modernisation de nos équipements est une priorité, le financement des opérations extérieures est aussi nécessaire. Le budget 2012 maintient ce financement, qui permettra de faire face à de nouveaux dangers qui pourraient menacer certaines régions, voire l'équilibre de la planète, ou fragiliser nos intérêts.
Avec 630 millions d'euros, les OPEX continueront de recevoir des crédits conformes à la loi de programmation militaire et ne pâtiront d'aucune réduction.
De plus, je me félicite que les surcoûts des opérations extérieures, dus notamment à notre fort engagement cette année en Libye, évalué à près de 350 millions d'euros, soient financés intégralement sur la réserve de précaution ministérielle, comme s'y est engagé le Premier ministre. Ainsi ces surcoûts ne provoqueront pas d'augmentation des dépenses sur le budget de la défense, et je m'en réjouis.
Telles sont les orientations budgétaires que je privilégie dans les crédits de la défense, que je voterai sans aucune réserve. Il s'agit d'un bon budget pour la France, monsieur le ministre, et je tiens à vous en féliciter.
Au-delà des chiffres, il y a les hommes. Je tenais à rendre hommage à nos soldats, à nos personnels civils qui, au sein de la défense nationale, effectuent un travail si difficile et souvent au péril de leur vie. Je tenais à rendre hommage à leur bravoure, à leur dévouement et à leur professionnalisme.
Tout comme le budget de 2011,celui de 2012 donne à nos soldats les moyens d'accomplir leurs missions partout où cela sera nécessaire, partout où l'enjeu sera la paix et la liberté, partout où les intérêts de la France sont en jeu. Il donne à notre armée les moyens d'agir, pour que la France conserve son rang dans le concert des nations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, l'heure des bilans est venue. Le budget 2011 était le dernier pour une année pleine. Celui que vous nous présentez est plus aléatoire, puisqu'il est celui du quinquennat finissant du président Sarkozy. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Même si les objectifs avaient été fixés dès le début par un Livre blanc et, dans la foulée, par une loi de programmation militaire, ce qui a caractérisé toutes ces années est l'important coefficient de dérive financière, avec des perspectives de financement irréalistes.
Alors, pourquoi tant de crédits pour des réorganisations dont certaines ne s'imposaient pas, des infrastructures toujours dispendieuses, alors même que le financement d'équipements indispensables n'est pas suffisamment assuré ?
Nous dressons tous un bilan assez positif des opérations concernant la Libye. C'est un fait que nos militaires ont fait preuve d'un grand professionnalisme durant toute l'opération Harmattan. Cela étant, est-ce que nos armées étaient en surchauffe ? Non, répond le chef d'état-major des armées, tandis que l'ancien chef d'état-major de la marine nous met en garde sur le fait que nous approchons de nos limites opérationnelles dans plusieurs domaines. La vérité est sans doute entre les deux.
C'est vrai que la crédibilité de certains de nos matériels en sort renforcée. Je pense aux Rafale, aux BPC et autres moyens de renseignement image.
Mais il faut aussi regarder en face nos lacunes capacitaires : les drones, le ravitaillement en vol, notre incapacité à transférer en mer un missile SCALP ou un moteur d'avion, car trop lourds pour nos hélicoptères puisque nous n'avons plus le Super Frelon et pas encore le NH 90.
Oh, bien sûr, nos alliés ont eu eux aussi des problèmes. On peut penser aux Britanniques, avec la disponibilité de leurs Tornado ou la qualification des pilotes de Typhoon. Je connais le fameux : « Quand je me compare, je me console ». Mais sans aller jusqu'à se désoler en se considérant, je crois qu'il est plus que temps que des choix soient faits.
L'année dernière, j'étais intervenu pour déplorer qu'en termes de forces de souveraineté, la rupture capacitaire soit déjà là. Je dois donner acte de l'inscription au budget 2012 de trois patrouilleurs multimissions de type supply ship, ainsi que de la commande d'un bâtiment de soutien et d'assistance hauturier. Mais vivement le programme BATSIMAR !
Nous avons tous conscience du caractère contraint de ce budget. Et s'il en était besoin, votre démonstration d'hier, monsieur le ministre, sur la récupération imposée de 167 millions d'euros suffirait à nous en convaincre. Et quand on pense qu'il vous faut supprimer encore 100 millions de plus ! Alors là, il est bien sûr important de débusquer les économies potentielles. Et je ne suis pas sûr qu'il faille en chercher dans des réformes – je ne reviendrai pas sur Balard – qui engendreront plus de coûts que d'améliorations.
Prenons la sous-action 85 du programme 178, consacrée au service du commissariat des armées. Je le dis fermement, la défense fait fausse route dans cette réforme. Du décret du 12 septembre 2008, qui prévoyait une formule souple et acceptable – style économat des armées, qui fonctionne bien depuis des années –, on est passé au décret du 5 octobre 2009, qui, pour la première fois, a ouvert la porte à la création d'une armée d'administrateurs, lourde et coûteuse. Et vous verrez qu'au lieu d'une structure interarmées, qui avait sa logique, on glissera progressivement vers une armée de soutien, qui finira sans doute par ne plus dépendre du CEMA mais du SGA !
Pourquoi ce culte du regroupement, de la massification, alors que, et c'est la Cour des comptes qui l'a dit le 18 février dernier, on ne gagne pas à créer de la complexité par rapport à la situation préexistante ?
Est-il opportun de dépenser notre précieux argent pour confier à un cabinet privé, BearingPoint, une enquête sur la « perception » et les « attentes » de la réforme du commissaire des armées ?
Puisque le principe d'ancrage d'armée, que je défends absolument, a été retenu après quelques hésitations, alors je pense qu'il faut revoir la formation. Pourquoi faire des frais pour permettre l'accueil des reçus au concours du commissariat dans la seule école de Salon ? Une fois l'arme choisie, faites-leur suivre les cours dans chacune des écoles d'officiers qui existent – Coëtquidan, Brest, Salon –, un tronc commun et des cours spéciaux de droit maritime ou aérien, de service à la mer ou de fonctionnement d'une base, de technologies de l'information et de la communication liées à l'arme. Et lorsqu'ils auront ainsi servi, disons, de huit à dix ans dans la proximité du soutien, dont on sait l'importance au moins depuis la guerre de 1870, alors les commissaires d'ancrages différents pourraient se retrouver dans une école interarmées de spécialité qui les préparerait aux hautes fonctions administratives et juridiques.
Ce serait une façon de tenir compte du principe d'ancrage d'armée en optimisant les deux phases de carrière des militaires : la première, à proximité du terrain et du milieu opérationnel ; et la deuxième, plus proche des états-majors et des centres de décision.
Monsieur le ministre, n'adaptez pas à la défense le trop fameux « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué » !
Non, ça, c'est pour le parti socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de la défense, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les forces françaises engagées sous mandat international représentaient, en milieu d'année, 9 812 hommes, répartis sur dix opérations, dont cinq importantes.
Si, en Afghanistan, le départ progressif de nos troupes a été programmé – 200 hommes sont déjà partis en octobre, 200 devraient le faire fin décembre et encore 200 fin mars 2012 –, il n'en demeure pas moins que 1 300 sont toujours positionnés au Liban dans des conditions pour le moins discutables. En témoignent leur récente attaque, dans le village d'Aita al-Shaab, par des membres du Hezbollah, ou encore les multiples obstructions dont elles sont victimes.
Au Kosovo, où 300 hommes sont encore stationnés, les incidents qui se sont déroulés il y a peu dans le nord du pays peuvent laisser penser qu'un retrait de nos forces serait prématuré dans une région qui cependant accède, peu à peu, à la stabilité. La volonté commune de la Serbie et du Kosovo d'intégrer l'Union européenne constitue notre meilleure arme pour obtenir leur réconciliation.
Les 3 800 hommes engagés dans l'opération Harmattan, en Libye, ont fait la démonstration du rôle majeur joué par la France, sous l'impulsion du Président de la République, pour la libération de ce pays.
Et on ne louera jamais assez le courage de nos troupes. Parties de Solenzara, d'Italie, de nos navires, de nos hélicoptères de l'armée de terre, elles ont multiplié leurs interventions, dans des conditions extrêmes, à la merci de missiles sol-air. Elles méritent d'être saluées aujourd'hui.
Cette guerre aura également été l'occasion de démontrer l'efficacité de notre matériel : Rafale, Mirage, hélicoptères Tigre, Puma, Gazelle. Avec deux bémols cependant : nous avons constaté notre dépendance vis-à-vis de nos collègues américains concernant les ravitailleurs – et sur ce point, il nous faudra bien trouver des solutions palliatives –, l'autre bémol résidant dans la limite de l'exercice et la nécessité d'effectuer des choix. Notre Atlantique 2 a ainsi dû quitter l'océan Indien et le Sahel pour se rapprocher du théâtre libyen, pendant que nos SNA désertaient quelques mois l'Atlantique. En juillet, la mission Corymbe dans le golfe de Guinée a dû être interrompue, alors que les actes de piraterie se multipliaient. Et je ne parle pas de la lutte contre le narcotrafic.
L'autre sujet dont je voudrais vous entretenir est la piraterie maritime dans l'océan Indien. Si l'opération Atalante a été exemplaire, l'on en voit aujourd'hui les limites. Se cantonner, comme nous le faisons, comme le fait le reste du monde, à une protection des vaisseaux qui y transitent est une erreur. Les actes de piraterie se multiplient et cela nous coûte très cher. Tant que le monde n'aura pas compris que la résolution des problèmes est à terre et passe par des solutions économiques, humanitaires, environnementales, judiciaires, rien n'évoluera !
Alors que cette région de la Corne de l'Afrique doit constituer l'une des priorités essentielles, l'Europe n'affiche pas cette volonté. La France, qui dispose de 2 900 hommes à Djibouti, ne doit pas l'oublier. C'est là que se situent les principaux enjeux de demain. Qu'il me soit permis, à cette occasion, de rappeler le rôle essentiel de l'hôpital Bouffard, en termes d'image et d' « d'indispensabilité ». Cet établissement ne doit pas disparaître, mais évoluer dans des solutions de coopération, pourquoi pas européennes.
Je ne puis citer ici toutes nos forces présentes dans le monde, mais tout au moins rappeler les missions exercées par nos gendarmes dans nos DOM-TOM, dans des conditions extrêmement périlleuses et dont on parle peu en métropole. Certains de mes collègues, tout comme moi-même, dans le cadre de missions ou de stages, avons eu l'occasion de le découvrir. Ils honorent la France.
Toutes ces opérations ont bien sûr un coût. Coût humain d'abord, et c'est ce que nous déplorons. À cet égard, je tiens à saluer nos soldats qui, en Afghanistan, ont fait le sacrifice de leur vie. La France ne les oubliera pas.
Coût financier, ensuite. Il faut savoir que nous avons dépensé 430 millions d'euros – coût direct – pour l'opération Harmattan, et 520 millions pour l'Afghanistan. Pour Atalante, les chiffres varient beaucoup, de 30 à 300 millions. Aujourd'hui, l'ensemble des surcoûts des opérations extérieures pour la France a été évalué entre 1,2 et 1,3 milliard d'euros, soit un débordement de 600 millions d'euros par rapport à l'enveloppe votée pour 2011.
Aujourd'hui, nous allons voter 630 millions d'euros pour les OPEX en 2012, alors qu'il nous faudrait 1,2 milliard.
La France ne peut malheureusement plus assumer seule certaines de ces dépenses, même si elle en a la volonté. Alors que l'Europe s'inquiète à juste titre de la situation grecque, de l'avenir de l'euro, il est plus que temps qu'elle s'interroge sur la situation de sa défense. Il y va de son avenir et de sa crédibilité. Demain, il sera trop tard ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos rapporteurs ont successivement rappelé que l'année 2011 avait été pour nos armées une année exceptionnelle en termes d'engagements extérieurs, tant en Afghanistan qu'en Libye ou en Côte d'Ivoire.
L'opération Harmattan, où nous avons eu la redoutable tâche d'intervenir en premier, a montré tous les progrès accomplis dans notre capacité interarmes nationale, mais aussi au sein de la coalition de l'OTAN. Elle a toutefois montré nos limites en termes d'équipement – les ravitailleurs, les drones – et de durée d'opérations à la mer.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, dans un contexte de rigueur confirmée, je suis heureux de constater que ce budget préserve pour l'essentiel nos programmes d'équipement, de préparation et d'emploi des forces, ainsi que la capacité de recruter les effectifs nécessaires.
Autre satisfaction, celle de constater que les recettes exceptionnelles – cession de la bande passante Rubis – ont apporté des produits supérieurs de 85 millions d'euros à ceux escomptés, déboutant ainsi les habituels pessimistes et ouvrant des espoirs pour l'avenir.
J'espère que le deuxième volet d'économies de 100 millions qui a été annoncé ne contredira pas le premier effort en préservant l'essentiel et qu'il sanctuarisera quoi qu'il arrive les crédits de recherche de défense à hauteur de 3,5 % des crédits annuels.
Désormais, le souci de dépenser mieux à défaut de dépenser plus devient prioritaire. Mais, pour dépenser mieux, il faut avoir la volonté de revoir certaines procédures, de faire évoluer une culture centralisée qui a privilégié les grands marchés globalisés, et sans doute un peu trop oublié les PME de la défense.
Les auditions faites avec mon collègue Michel sur ce sujet ont confirmé qu'il y avait des sources d'économies en facilitant l'accès aux commandes publiques des PME, soit en direct, soit en sous-traitance agréée.
Il est étonnant que des PME nationales aient plus facilement accès aux marchés de l'armée américaine ou des armées de pays asiatiques en raison de leurs capacités d'innovation, alors qu'en France le seul critère de taille et de chiffre d'affaires crée un blocage.
En effet, si le budget protège les crédits d'équipement, et par là même les emplois des grands industriels, il ne faut pas perdre de vue le rôle essentiel tenu par nos PME dans le secteur de la défense.
Les innovations dont elles sont porteuses conditionnent la qualité de nos équipements et sont des leviers économiques forts et durables.
J'espère, monsieur le ministre, que vous saurez mettre fin à l'exception, propre à la défense, qui veut que la sous-traitance ne soit possible qu'à partir d'un seuil de 10 % des marchés. Dans ces conditions, la sous-traitance devient quasi inaccessible, compte tenu des marchés globalisés. Éviter des sous-traitances superposées réduirait sensiblement le prix d'un certain nombre d'offres. Un accès direct facilité et une reprise en compte par la DGA de ces PME est une attente forte de ces entreprises.
Autre proposition : un pourcentage minimum de sous-traitance agréée dans les marchés importants serait un gage de transparence financière et de mise en valeur des capacités d'innovation de nos petites entreprises.
Le projet de budget préserve notre capacité de recrutement des 22 000 femmes et hommes nécessaires au renouvellement de nos forces – qui en comptent 300 000 en 2012 –, pour tendre vers l'objectif de 276 000 ETP, objectif qui paraît très « limite » dans un contexte d'opérations extérieures.
Pour atteindre cet objectif et améliorer l'attractivité de la carrière militaire, 2009 et 2010 ont permis les revalorisations indiciaires des personnels militaires, des hommes du rang aux sous-officiers et aux jeunes officiers. L'adaptation des grades aux responsabilités exercées a complété ces mesures, douze millions d'euros y sont affectés.
Les personnels administratifs de la défense ont pu profiter en 2011 des requalifications de la filière et des revalorisations indiciaires. Ces mesures permettent de conserver une pyramide des âges compatible avec la disponibilité opérationnelle et l'amélioration du niveau qualitatif.
L'effort de fidélisation au-delà de cinq ans doit permettre d'éviter une rotation trop rapide de personnels bien formés.
L'indemnité proportionnelle de reconversion, le PAR pour ceux qui sont victimes des restructurations, et un ensemble de mesures sociales sur les bases de défense et pour les familles des engagés en OPEX complètent un dispositif social qui trouve son total engagement près de nos blessés et des familles des morts en opération extérieure, juste respect dû à nos soldats.
Je peux vérifier avec le CMFP de Fontenay-le-Comte la qualité et la diversité des reconversions proposées, et j'espère que l'ensemble des freinages budgétaires ne compromettra pas l'atout indispensable à un bon recrutement que constitue une reconversion réussie pour ceux qui s'engagent au service de nos armes. Le taux de reconversion atteint est excellent, proche de l'objectif de 75 %.
Pour conclure sur une note réconfortante, je vous invite à consulter la dernière enquête de l'IRCEM et du CEVIPOF sur la perception par les jeunes Français des armées et de leurs valeurs. Il en résulte que 85 % de nos jeunes ont confiance dans l'armée et 42 % jugent même nécessaire de la renforcer.
Aux côtés des valeurs emblématiques du sens du devoir, du courage, du sacrifice, ils privilégient l'engagement au nom de l'intérêt collectif avec la motivation de faire quelque chose pour le pays et le goût du travail en équipe.
La recherche d'un emploi stable n'est plus une priorité pour la majorité d'entre eux. Il y a là pour notre budget de communication quelquefois décrié un véritable enjeu stratégique pour sensibiliser nos jeunes aux opportunités qu'offre l'institution.
Les attentes des jeunes à cet égard sont chargées de valeurs et d'idéaux qui redonnent un sens nouveau à l'engagement. C'est un message qui n'est pas si courant, qui nous rassure sur notre jeunesse et sur l'avenir de notre pays, qui met en valeur l'exemplarité de nos soldats et de nos officiers.
En vous faisant confiance, monsieur le ministre, pour les prochains choix d'adaptation aux contraintes générales financières, je voterai sans états d'âme ce budget 2012 et je vous incite, mes chers collègues, à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, chers collègues, je souhaite vous dire quelques mots à propos de l'impact de ce budget sur notre industrie de la défense.
Pour ce qui concerne les commandes de la DGA à l'industrie, ce PLF met en ligne les crédits d'équipement des forces et les crédits d'études amont avec la loi de programmation militaire.
Je voudrais m'attarder sur la question des études amont, notamment sur leur rôle dans la politique industrielle de la France. Le budget des études amont voit le montant de ses autorisations d'engagement augmenter à 732 millions, mais les crédits de paiement baissent à 633 millions. Si l'on étudie la séquence entre 2005 et 2012, on s'aperçoit qu'en crédits de paiement 500 millions d'euros ont été perdus. Quels arbitrages ont été faits ? Créer une telle bosse entraînera inévitablement des annulations de crédits le moment venu. Le Gouvernement a-t-il une stratégie à ce sujet, ou bien allons-nous vers une nouvelle improvisation ?
Les études amont ont besoin de tout sauf d'improvisation. Ces crédits sont indispensables au développement et au maintien, sur le long terme, de nos capacités technologiques et militaires ; ils ont un effet dual important sur l'ensemble du potentiel industriel. Faut-il rappeler que la DGA est le dernier instrument de politique industriel de notre État ?
Cela confirme ce que chacun sait : le montant des études amont est insuffisant pour soutenir l'ensemble de nos secteurs industriels encore compétitifs au plan international, ce qui entraînera à terme des pertes de compétences irréversibles. On le sait, une part importante des études amont, 40 %, est sanctuarisée vers le nucléaire et vers le soutien aux bureaux d'études des industriels du Rafale, compte tenu de l'absence de contrats à l'export malgré les triomphes plusieurs fois annoncés par le Président de la République. Cela conduit inévitablement à sacrifier d'autres domaines, comme le souligne mon collègue Yves Fromion dans l'avis présenté au nom de la commission de la défense. Les crédits consacrés au spatial ont chuté de 80 % entre 2009 et 2012, contrairement aux recommandations du Livre blanc. Or chacun sait le rôle de l'accès à l'espace pour le développement de notre technologie.
Pendant ce temps, les perspectives de contrats à l'export comportent des conditions de transferts de technologies de plus en plus sévères, comme le démontrent les exemples de la Russie, ou la vente de Rafale au Brésil. La faiblesse de notre investissement en recherche et R et D met à mal notre avantage technologique indispensable pour permettre à notre industrie de rester compétitive face à l'émergence de concurrents, à moyen ou long terme.
Un certain nombre de questions se posent, auxquelles nous n'avons pas de réponses pour le moment, et nous devrions peut-être en débattre au sein de notre commission.
Premièrement : la France est devenue le premier acquéreur de l'A 400 M ; quel retour aurons-nous sur le plan de la maintenance ? Nous savons qu'un emploi de construction vaut, pendant la vie de l'appareil, deux emplois.
Quels projets industriels pour les entreprises comme Thalès, Safran – on entend parler de restructuration –, Dassault ? Il faudra bien que nous ayons, à cette échelle, des projets industriels cohérents. Il ne me semble pas que le ministère de la défense ait la capacité de payer deux fois la même étude amont dans des groupes différents.
Les grands groupes sont-ils suffisamment attentifs à ce que les aides que l'État leur attribue – pour la construction de l'A 400 M, pour le Rafale – soient bien redescendues auprès des PME ? Il en va de même pour le crédit d'impôt recherche. Apprendre que les crédits d'impôt recherche sont dispersés un peu partout alors qu'ils ne sont pas diffusés jusqu'à nos propres entreprises est un vrai problème, même si l'Europe ne veut pas, s'agissant du crédit d'impôt recherche, jouer la défense ou assurer la conditionnalité. Comme d'autres l'ont dit à cette tribune, je pense qu'il faut éviter toute naïveté.
Est-ce que l'intervention en Libye peut nous éclairer sur le coût d'intervention d'un porte-avions ou de bases terrestres du point de vue opérationnel ? Je vois que cette question fait très plaisir à l'un de mes collègues.
Ces questions se posent alors que nous observons que l'Allemagne est en train de structurer une industrie de la défense forte et dynamique ; et que l'Italie structure également une industrie de la défense sur le plan spatial. Il faut impérativement remettre à plat le Livre blanc et la stratégie industrielle, tant ces décisions sont importantes pour l'industrie duale et pour chacun de nos territoires.
Enfin, un dernier mot qui n'a rien à voir, monsieur le ministre, avec les aspects industriels. J'ai déposé sur le bureau de l'Assemblée, il y a plus d'un an et demi, une proposition de loi pour la décristallisation des pensions des anciens combattants d'Afrique. Les tribunaux, la culture, les films sont intervenus à ce sujet. Je pense qu'il est temps, pour l'honneur de la France, pour une nouvelle relation entre la France et l'Afrique, d'engager la décristallisation des pensions. Attendre le dernier combattant vivant serait un parjure de notre part. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Défense
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt heures cinq.)
La séance est reprise.
La parole est à M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, c'est un très grand honneur pour moi de monter à la tribune pour répondre aux rapporteurs, au président de la commission et aux orateurs sur le budget de la défense, qui est, en effet, le dernier budget du premier mandat du Président de la République, Nicolas Sarkozy. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je voudrais remercier l'ensemble des intervenants pour la qualité de leurs propos et surtout pour l'intérêt qu'ils portent à la défense nationale, à l'ensemble de la communauté militaire, des personnels civils et militaires, et notamment à ceux qui sont exposés dans les opérations extérieures aux risques les plus grands. Ils seront tous sensibles aux mots qui leur ont été adressés, en termes de solidarité et de reconnaissance.
De même, les mots utilisés pour signaler l'importance de l'engagement français dans le cadre de l'opération Licorne et sa conclusion heureuse, les efforts conduits sur le terrain afghan, la réussite de l'opération Harmattan soulignent une caractéristique de notre République, souvent méconnue de nos compatriotes, y compris d'ailleurs des responsables politiques - je veux parler de la clarté de nos institutions, avec l'identification d'un responsable : la Constitution indique très précisément que le Président de la République est le chef des armées et donne ainsi à la France une autorité particulière dans l'ordre international. Je puis en témoigner avec beaucoup de franchise, pour exercer ces responsabilités depuis peu de temps, mais pour les avoir exercées dans des périodes de crise. Nos institutions en Europe nous placent dans une position de responsabilité qui retient l'attention des autres pays européens, parce qu'ils savent que la France est en mesure de prendre, par la clarté même de son dispositif constitutionnel, des engagements rapides. Les Européens se tournent donc naturellement vers elle, pour connaître sa décision.
C'est avec le Parlement que se construit une armée car, si la Président de la République est le chef des armées, il met en oeuvre des moyens auxquels, par votre vote, vous apportez la réponse technique. Il n'y a pas d'armée non plus sans loi de programmation et il n'y a pas d'armée sans une ténacité, une continuité, une persévérance dans un effort qui a été précisément défini.
Presque tous les intervenants ont reconnu la validité du Livre blanc comme socle de discussion, même si nous savons les uns et les autres – c'était, en 2008, dans son esprit même – que sa réactualisation doit être engagée. Elle le sera, comme prévu, au printemps 2012. Il n'est pas sans intérêt de rappeler cette date. Ce sera l'occasion, comme l'ont souligné nombre d'intervenants, d'ouvrir un débat national. Nous avons déjà travaillé sur le contexte stratégique de la réflexion nouvelle de réactualisation du Livre blanc.
Défendre un budget, c'est défendre une continuité. En matière de défense, rien ne peut se faire dans l'improvisation. Tous les orateurs se sont calés sur la loi de programmation et se sont demandé si nous étions ou non dans cette ligne. La réponse est très clairement oui.
Je remercie notamment M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial de la commission des finances, qui a dû s'absenter compte tenu de contraintes inhérentes à sa circonscription. Dans son intervention très passionnée. Il a rappelé qu'il y avait dans ce budget une cohérence liée à un effort de long terme.
M. Louis Giscard d'Estaing, lui aussi rapporteur spécial de la commission des finances, a porté une attention toute particulière, que je salue, aux travaux du ministère de la défense pour mettre son fonctionnement en adéquation avec les observations de la Cour des comptes. Nous nous efforçons d'être dans cette ligne.
Vous avez, monsieur le rapporteur, rendu hommage à la stabilité du budget, évoqué une volonté politique ; elle correspond à nos institutions. Vous êtes mieux placé que personne pour connaître la responsabilité toute particulière du Président. Vous avez salué l'arrivée des recettes exceptionnelles – ce qui est une façon de démentir le pessimisme structurel affiché – qui sont au rendez-vous. Vous avez évoqué, comme l'ensemble des intervenants, les OPEX. Je note votre « valeur ajoutée » sur le sujet très particulier de l'escadron de transport, d'entraînement et de calibration. Le décret est en préparation, il supprimera la contribution obligatoire de 30 % au budget général. Le ministère de la défense se réjouit à cet égard du soutien de la Cour des comptes et des parlementaires. Il aura permis d'obtenir une disposition réglementaire satisfaisante.
La communication de la Cour des comptes sur les systèmes d'information et de communication du ministère de la défense me permettra de rappeler à ceux qui ne connaissent pas complètement les contraintes du ministère de la défense, ce qui n'est pas le cas des parlementaires présents et certainement pas du rapporteur spécial, que nous sommes, chaque année, l'un des grands recruteurs. Nous organisons chaque année une mobilisation de jeunes qui acceptent de signer, par contrat, un engagement majeur, dont on peut reconnaître qu'il revêt, à bien des égards, un caractère exceptionnel.
Cette politique de formation a deux objets : renforcer la cohérence interne de la défense en établissant une solidarité entre tous ceux qui participent à l'effort de défense, quel que soit leur degré d'exposition, et intéresser ceux qui sont à l'extérieur, qui peuvent nous rejoindre et dont nous avons besoin.
Les problèmes posés par M. Fourgous, que nous retrouvons dans d'autres interventions, y compris dans celle d'Alain Rousset, sont parfaitement légitimes, notamment le Pod Reco-NG. C'est un sujet très technique, il n'est pas oublié, notamment dans les crédits d'études.
Votre intervention, monsieur le rapporteur Jean-Michel Boucheron, était très mesurée. Je l'ai appréciée pour son équilibre. Je suis cependant en désaccord sur un point : le retrait trop lent en Afghanistan. Nous ne sommes pas dans ce pays par hasard ou par erreur. Nous sommes membres d'une coalition qui a le projet ambitieux de faire émerger un État de droit dans cette partie du monde trop longtemps meurtrie par une guerre civile permanente, entretenue par des forces extérieures. Nous avons, certes, le devoir de respecter et de préserver l'intérêt de nos combattants – l'effort d'équipement réalisé a été salué d'ailleurs à gauche comme à droite –, mais nous devons participer, comme membre de la coalition et solidaire de celle-ci à un débat politique d'ensemble sur l'avenir de l'Afghanistan. Ce n'est pas à nous de régler notre régime de retrait, si l'on excepte l'effort particulier engagé de 2008 à 2011 ; nous devons bâtir, à l'intérieur de cette coalition, une stratégie de long terme pour l'Afghanistan. Le sérieux de votre rapport m'oblige à vous répondre aussi sérieusement sur un sujet qui n'est pas strictement de ma compétence, mais qui est plutôt de celle du ministre d'État.
En ce qui concerne le fiasco de l'Europe de la défense, les pays européens n'ont effectivement pas la même sensibilité aux questions de défense. Si la Grande-Bretagne et la France ont le sens tragique de l'histoire et en tirent les conséquences en termes d'équipements et de mobilisation des hommes, cette singularité n'est hélas pas suffisamment partagée. Vous avez tout à fait raison d'évoquer le difficile problème de l'AGS et de la DAMB. Ces sujets nous éloignent des dispositions budgétaires, mais ayez la certitude, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, que nous sommes complètement mobilisés sur ces sujets.
Monsieur le rapporteur Yves Fromion, votre satisfecit pour l'effort de renseignement me va droit au coeur. C'est en effet une des missions du Livre blanc : anticiper, savoir, connaître. Nous nous en donnons les moyens, merci de le rappeler et de souligner que le programme 144 est respecté, notamment pour tout ce qui concerne la recherche et développement.
Le « creux de l'espace » évoqué par Alain Rousset s'explique. Nous sommes entre deux satellites, HELIOS et MUSIS. Il y a en effet, non un passage à vide, mais une diminution, car nous ne sommes plus dans le système HELIOS et nous ne disposons pas encore de la montée en puissance totale du dispositif MUSIS.
Il y a le dispositif CERES, c'est-à-dire les renseignements d'origine électromagnétique, mais c'est un autre problème.
Nous aurons l'occasion en commission d'approfondir cette question.
M. Philippe Nauche, rapporteur pour avis pour le soutien et la logistique interarmées, a eu l'élégance de considérer qu'il se ralliait à la position de sa commission et je l'en remercie. Je répondrai tout à l'heure à M. Cazeneuve sur le projet Balard.
Je tiens à préciser qu'il n'y a pas, au ministère de la défense, une idéologie de l'externalisation. Il y a un regard permanent sur la meilleure façon d'organiser le service public. Le service public, c'est la régie. Cela peut être la régie optimisée, rationalisée. Notre devoir absolu est de comparer, mais cela n'a rien à voir, je le répète, avec une idéologie de l'externalisation. Le chiffre de 16 000 emplois évoqué par l'un d'entre vous fait partie du mythe de l'externalisation. Il n'a tout simplement aucun fondement. Il est vrai, monsieur Vitel, que 16 000 emplois externalisables ont été envisagés au début de la réflexion sur la RGPP et vous avez eu raison de le rappeler. Mais, lors d'une réunion territoriale au sein de la base de défense de Toulon à laquelle vous assistiez, nous avons eu une très belle démonstration de la régie optimisée pour la restauration de la base aéronautique navale de Hyères. Vous avez pu constater que nous avions l'esprit ouvert. Dès lors qu'il y a une solution, nous l'adoptons. Aucune menace ne pèse donc sur ces 16 000 emplois.
Je vous remercie également, monsieur Nauche, de rappeler que nous avons des missions civiles que nous ne facturons pas à leur juste prix aux administrations qui en bénéficient. Je saurai m'en souvenir dans les réunions interministérielles ! (Sourires .)
À Jean-Louis Bernard, je dirai que sa formation et son expérience de médecin transparaissaient dans son intervention, en particulier lorsqu'il a manifesté son intérêt pour les blessés et les efforts qui peuvent être accomplis en leur faveur. À cet égard, j'indique que le projet d'appartements pour les familles sur le site de Percy, projet modeste mais significatif, est en cours de réalisation. Quant aux efforts en faveur de l'armée de terre, toutes vos demandes sont légitimes et s'inscrivent dans le cadre de ce budget, soyez-en assurés.
Mme Lamour est intervenue sur la marine avec une compétence qui force l'admiration du ministre que je suis. Nous avons en effet un problème de pétrolier ravitailleur, mais je la rassure car il y aura une continuité entre la génération qui vieillit et la nouvelle. J'y suis d'autant plus attaché que l'un de ces bâtiments porte le nom de mon département, la Meuse. Et je souhaite que le La Meuse soit relayé un jour, car il a rendu d'honnêtes services. Vous avez évoqué l'arrivée du Dixmude, de la frégate Aquitaine. Vous avez également parlé du sujet majeur de l'environnement. Le ministère de la défense, quand cela est possible, prend des mesures en faveur du respect de l'environnement, en particulier pour les projets de déconstruction.
M. Viollet s'est exprimé dans des termes qui me paraissent être ceux d'un homme responsable s'intéressant à la défense et voulant, par son intervention, laisser une sorte d'héritage. Vous avez fait le choix, monsieur le député, de ne pas vous représenter, choix que je respecte et qui est suffisamment rare en politique pour être souligné. Mon ami député de Nancy, André Rossinot, avait fait le même choix, pour être maire à temps plein. Quant à mon ami Claude Gaillard, il l'a fait pour laisser place à un jeune. Vous voyez que les hommes politiques savent faire preuve d'esprit de responsabilité et savent transmettre le témoin. Et si vous le transmettez à la majorité, nous ne vous en voudrons pas. (Sourires .)
Vous avez évoqué l'armée de l'air. En ce qui concerne le drone de moyenne altitude longue endurance, nous avons la volonté d'assurer cette situation intermédiaire. Nous avons vu que c'était un point faible, même si le Harfang a rendu des services en Libye qu'il ne faudrait pas sous-estimer ni dévaloriser. Notre dispositif actuel est insuffisant, parce qu'il n'est pas prospectif, mais il fonctionne. En revanche, nous allons nous engager dans un nouveau programme qui devrait nous permettre, à nous Européens, à partir d'une base française, d'être présents dans ce dispositif.
Vous avez évoqué une demande d'assouplissement de la gestion financière des OPEX ; c'est un sujet extrêmement technique, mes collaborateurs en ont pris note. C'est en effet un service que vous nous rendez pour les futures réunions interministérielles. Je ne reprendrai pas l'ensemble de vos autres observations, qui témoignent d'un véritable professionnalisme mais relèvent davantage de travaux en commission.
François Cornut-Gentille a eu raison d'évoquer les mois à venir. Ce qui est formidable, dans ce débat, c'est que tout le monde reconnaît que l'armée française est au rendez-vous et que le système de commandement fonctionne, du commandement politique au commandement technique. Nous ne sommes plus dans la situation de Daguet, où nous accompagnions en suiveurs, pour être les premiers intervenants. Et cependant une inquiétude se dessine : les uns se demandent si l'effort actuel se poursuivra et les autres, qui ne disent rien sur l'effort qu'ils seront prêts à faire, s'inquiètent pour l'avenir. Il existe une solution simple, messieurs de l'opposition : soutenez notre majorité pour assurer la continuité de ce programme. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
En effet, les mois à venir sont importants. Indépendamment du contexte politique, ils sont essentiels en raison du débat stratégique par le biais du Livre blanc. Et nous formons le voeu que ce soit un vrai débat national, associant non seulement les militaires, mais tous ceux qui ont la passion de notre pays et qui veulent qu'il soit en mesure d'assumer ses responsabilités.
Vous avez évoqué des pistes : le franco-britannique. Nous aurons une rencontre le 2 décembre prochain. Sur la coopération en matière de dissuasion, il y aura de véritables avancées et, en ce qui concerne le drone, une consolidation pour le projet de moyen terme, c'est-à-dire le projet 2020.
La DGA est le dernier outil de politique industrielle, avez-vous dit. C'est tout à fait vrai. À titre personnel, je regrette que nous n'ayons pas toujours le temps d'approfondir ce que devrait être une politique industrielle. Votre collègue Alain Rousset a soulevé un point intéressant. On veut à la fois de la rationalité et de la concurrence, de l'économie avec les achats sur étagères et une maîtrise des filières. C'est un débat industriel majeur.
J'ai presque envie de dire qu'il nous est commun. Si nous demandons de la rationalité en matière de regroupement des participations de l'État chez Safran et Thales, il faut d'abord se souvenir que ce sont des entreprises. Ce n'est pas à vous que j'apprendrai que les entreprises, ce sont d'abord des hommes qui ont mis de la passion dans leur projet et qui n'ont pas nécessairement envie de voir toute leur histoire professionnelle reconstruite par d'autres. Cela mérite le respect.
Nous sommes dans une situation de mise en concurrence pour optimiser les prix. Lorsque nous avons un fournisseur unique, on nous reproche de dépendre de lui, ce qui n'est pas complètement faux, et lorsque nous avons deux fournisseurs, on nous reproche de gaspiller les participations de l'État avec des doubles emplois.
Le problème de la politique industrielle est majeur, mais je considère qu'il y a plus de questions que de réponses. Nous aurons, dans certains secteurs où le double emploi serait insupportable, des réponses pratiques qui montrent que l'on peut être libéral, ce qui est mon cas, et avoir une volonté de politique industrielle lorsqu'il s'agit de l'argent du contribuable, et surtout de l'intérêt national en termes d'autonomie de la défense.
M. Cornut-Gentille a posé une vraie question. Lorsqu'on dépense en équipements sur la capacité, on prend le risque d'être plus faibles pour les études en amont et les efforts de développement. Nous devions rattraper un retard.
La loi de programmation a donné la priorité aux capacités. Le choix du drone intermédiaire, que nous avons retenu, a pour principale légitimité de maintenir des compétences dans un secteur où une absence de commandes aurait sans doute abouti à une dispersion des moyens. Vous voyez que nous partageons les mêmes convictions.(« Très bien ! sur les bancs du groupe UMP.)
Je voudrais dire à Guy Teissier que c'est un bonheur pour un ministre de la défense d'avoir un président de commission qui fasse preuve d'autant de passion et d'intérêt pour le sujet et qui accepte une position d'État, laquelle consiste à savoir faire la part des choses entre une politique de long terme à laquelle il est passionnément attaché et des contraintes financières dont il accepte qu'elles s'appliquent aussi au ministère de la défense.
Lorsqu'on appartient à une majorité, monsieur le président, on peut avoir la tentation d'une certaine schizophrénie, et celle d'oublier – ce que vous ne faites pas. Soyez-en remercié. Je retiens votre phrase, car c'est une phrase forte : contrairement à certaines déclarations, le budget de la défense n'est pas une variable d'ajustement.
Et s'il y a des ajustements, c'est parce que, comme toutes les grandes administrations de l'État, comme d'ailleurs toutes les structures privées ou publiques, nous avons l'obligation permanente de nous remettre en question. Vous êtes plusieurs à avoir évoqué cette remise en question, qui n'est pas une rupture dans la loi de programmation militaire.
Soyez remercié également pour la façon dont vous animez la commission de la défense.
Mme Adam a fait aimablement remarquer que je répondais aux parlementaires. Bien sûr ! À quoi sert un ministre de la défense si ce n'est à établir le lien entre vous et le Président de la République, dont vous savez qu'il ne peut se rendre à l'Assemblée nationale ?
Il peut uniquement s'exprimer devant le Parlement réuni en congrès. Il faut donc bien que quelqu'un le représente à l'Assemblée.
Je suis donc totalement disponible vis-à-vis des parlementaires. Je me suis assis la première fois, il y a trente-quatre ans de cela, sur un siège de l'Assemblée nationale en tant que député. J'entendais être respecté, j'entends vous respecter, c'est une question de culture et d'éducation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je suis par contre en désaccord avec l'intégralité de l'intervention de M. Candelier.
Plusieurs députés du groupe UMP. Nous aussi !
M. Hillmeyer a raison : l'indemnisation des victimes des essais nucléaires n'est pas parfaite. Nous sommes en train de nous pencher sur le deuxième alinéa de l'article 4. C'est une disposition adoptée par le Sénat, à l'initiative de Marcel-Pierre Cleach. J'ai réuni la commission compétente, on doit pouvoir faire mieux.
Votre intervention, cher Michel Voisin, était parfaite.
J'aurais aimé la prononcer ! Je retiens simplement votre observation sur l'effort européen. L'effort européen, cela peut être la meilleure des choses, mais cela peut être aussi la tarte à la crème. Nous avons, ensemble, à construire l'Europe. Je connais vos convictions européennes et nous les partageons. Je rappelle simplement qu'en matière de défense il y a de véritables écarts culturels entre les vingt-sept pays de l'Union.
La France a une singularité, c'est que, sur le terrain de l'euro, elle est avec l'Allemagne, et sur le terrain de la défense avec la Grande-Bretagne. Elle est en réalité, du fait de sa position géographique et culturelle, le point commun de toute l'Europe. Le seul ennui, c'est que certains de nos partenaires européens n'ont pas encore compris que la défense réclamait un effort de long terme, qui ne supportait pas un système alternatif et ne pouvait être sous-traité. On n'achète pas à l'extérieur une sécurité, nous avons subi trop d'épreuves sur notre sol pour oublier cela.
Je comprends parfaitement que de nouveaux adhérents de l'Union européenne aient encore l'image de la bipolarisation de la guerre froide mais, aujourd'hui, nous nous situons dans une logique toute différente et nous sommes rejoints petit à petit par d'autres pays.
Le Danemark – dont je recevais récemment le ministre de la défense – est ainsi marqué par une singularité étonnante : ce pays a choisi ne de pas participer à la politique européenne de sécurité et de défense et, pourtant, il s'est montré très présent à nos côtés dans l'affaire libyenne. Cela prouve bien qu'il ne faut pas désespérer de nos partenaires.
La force de la France en matière de défense, c'est qu'elle fait preuve de détermination, pour les raisons constitutionnelles que j'évoquais tout à l'heure, tout en ayant une position européenne, ce qui n'est pas tout à fait le cas de la Grande-Bretagne, reconnaissons-le.
Certes, une petite épreuve nous attend avec le programme AGS, Alliance Ground Surveillance. On en connaîtra sans doute l'issue lors de la prochaine réunion de l'OTAN à Chicago.
Il ne faut pas se contenter de sauter sur sa chaise comme un cabri, en disant : « l'Europe ! l'Europe ! », pour reprendre les mots du général de Gaulle. Il faut amener nos partenaires européens à prendre chacun leurs responsabilités.
Bernard Cazeneuve a évoqué dans sa longue intervention les économies réelles. Je précise que le solde net des économies dégagées par la réforme sur la période 2008-2016 sera de 6, 682 milliards. Au 31 décembre de cette année, la diminution d'effectifs épousera exactement la pente de la diminution globale de 54 000 postes, qui concernera, je le répète, un tiers de combattants et deux tiers de personnels de support. Il est vrai que ces personnels connaissent des difficultés, mais c'est principalement parce qu'ils doivent encaisser le plus gros de l'effort de suppression. L'économie réalisée est aujourd'hui de 540 millions, car nous avons aussi dépensé, vous avez raison, monsieur le député. Toutefois, il faut bien voir que le coût des restructurations est toujours plus élevé au début. C'est en fin de période, en 2016, que nous bénéficierons pleinement des économies dégagées par la réforme, sans que des dépenses viennent peser sur le solde. Avec 6,682 milliards d'économies finales en huit ans, nous nous situons à environ 800 millions d'économies par an.
S'agissant du projet de Balard, je ne rouvrirai pas le débat dans sa totalité. Les partenariats public-privé sont difficiles à comprendre et ils divisent toutes les familles politiques. Je crois savoir, madame Lebranchu, que le grand stade de Lille repose sur un PPP.
Certes, mais je voulais dire par là que des personnes ayant des convictions proches des vôtres considèrent que cela peut être une solution pour un équipement municipal majeur.
Le PPP a une force : il permet d'avoir un interlocuteur unique, responsable, qui oblige l'État, ou une collectivité locale, à tenir sa parole. Nous savons tous - car, à un moment ou à un autre, nous avons eu affaire à des maîtrises d'ouvrage - qu'en cours de route, les projets dérapent : la décision initiale est toujours remise en cause par des considérations sur l'opportunité de faire un peu mieux, plus intégré, plus écologique, plus grand, plus diversifié. Le PPP a cette vertu d'obliger le commanditaire du projet à définir son objectif et à s'y tenir. Le partenaire privé met sur la table tous les coûts, sans en dissimuler aucun, et s'en tient au contrat. Cela permet de savoir exactement où l'on va.
C'est la raison pour laquelle la formule du PPP a été retenue et cette décision qui a été prise avant moi, je l'assume totalement. Le chantier de construction ne représente que 700 millions d'euros, je suis d'accord avec vous, monsieur Cazeneuve, mais un bâtiment vide n'est rien. Il est appelé à accueillir 9 000 personnes et à vivre ; et pour cela il faut organiser les télécommunications, les services, l'entretien, la vie quotidienne. Parce qu'il y a un interlocuteur unique qui garantit un prix pour l'ensemble de ces prestations, l'État peut être rassuré et établir un équilibre. Je ne vais pas entrer ce soir dans un débat à ce sujet. Comme j'ai proposé de le faire hier en commission, je peux vous fournir par écrit la démonstration que le coût n'est pas de 16 500 euros par poste de travail contre 13 500 euros.
Quant à la question des 200 millions, elle ne me paraît pas pertinente. Si l'État était promoteur immobilier, il pourrait peut-être gagner plus. Mais telle n'est pas sa vocation. D'ailleurs, lorsqu'il endosse ce rôle, il échoue. Je n'aurai pas la cruauté de vous rappeler les conditions dans lesquelles les locaux de l'Imprimerie nationale, rue de la Convention, ont été vendus puis rachetés pour accueillir des services du ministère des affaires étrangères.
Au ministère de la défense, nous sommes basiques : nous aimons savoir ce que nous allons payer et ce que nous allons économiser. Et s'il y a des problèmes, ce sera le partenaire qui aura à les résoudre et non pas nous. Notre métier est de pouvoir faire la guerre et combattre les ennemis de la France, pas d'assumer ce type de difficultés.
Je tiens à remercier Philippe Folliot, avec qui je suis en plein accord, pour l'hommage qu'il a rendu aux combattants. Je sais quelles sont ses convictions, ce n'est pas une surprise pour moi.
S'agissant des recettes exceptionnelles, il n'y a pas de risques pour 2011 et 2012. Pour l'avenir, qu'il y ait des craintes, oui. Mais l'avenir, à qui appartient-il ? Il appartient à ceux qui font des efforts et, au ministère de la défense, nous faisons des efforts de productivité. Nous apportons ainsi notre contribution à la construction d'un avenir radieux pour notre pays.
Philippe Vitel a évoqué la question des 16 000 emplois, à laquelle j'ai déjà répondu pour dissiper les craintes. En ce qui concerne l'évolution des dépenses militaires en Europe, je partage son inquiétude. Je ne connais pas la proposition Barnier, nous allons nous pencher dessus. Quant à la réalité franco-britannique, je n'y reviens pas. Je connais, monsieur Vitel, votre attachement personnel aux questions de défense en tant que vice-président de la commission de la défense et en tant qu'élu de Toulon. Il n'y a pas de malentendu, je sais que vous soutenez ce budget parce qu'il correspond aux réflexions que vous avez vous-même conduites.
Patricia Adam a évoqué la contribution de 2 millions d'euros demandée au ministère de la défense pour l'élargissement de l'EPIDE. Je ne peux pas dire que ce soit la meilleure nouvelle possible pour le ministère sur le plan des principes, car nous ne sommes en rien gestionnaires de cet établissement qui relève du ministère du travail et que nous n'avons jamais mis un sou dans ce projet, même s'il porte en quelque sorte notre signature avec son intitulé équivoque d'« Établissement public d'insertion de la défense ». Mais, après tout, voilà qui fait parler de notre ministère et en bien : ces 2 millions qui nous sont demandés, je les mettrais sur le budget dédié à la communication si je devais faire de la comptabilité analytique. (Sourires.)
S'agissant des restes à payer, s'ils sont spectaculaires, c'est qu'ils s'insèrent dans une loi de programmation qui s'étale sur une dizaine d'années pour certains équipements.
Quant aux crédits de recherche et de développement, ils sont maintenus. À l'exception du secteur spatial, qu'évoquait Yves Fromion, vous verrez que l'évolution budgétaire en ce domaine s'insère dans une continuité qui a des bases solides. Il en va de même pour les crédits de fonctionnement. J'apporterai des réponses à propos des 100 millions mardi prochain, comme j'en ai pris l'engagement.
Enfin, je tiens à préciser que je ne constate pas de décalage dans les programmes physiques. L'ampleur du budget d'équipement, qui s'élève à 16 milliards, permet d'accepter que certains programmes évoluent à un rythme moins rapide que d'autres, ce qui nous autorise à avoir des reports.
Bernard Cazeneuve a affirmé que nous ne pourrions rattraper la diminution de 3,5 milliards que nous avons connue en 2008.
En réalité, elle a été rattrapée par les cessions d'actifs exceptionnelles et par la consommation totale des reports de crédits annuels. C'est la raison pour laquelle il ne se constitue pas de bosse, car les dépenses sont bel et bien couvertes par les recettes. Il n'y a pas de retard pour les programmes physiques de la loi de programmation. La situation est claire.
Monsieur Deflesselles, j'aimerais vous dire combien votre intervention est satisfaisante pour un ministre. Je connais votre implication personnelle et votre intérêt pour l'engagement militaire. S'agissant de la RGPP, vous avez raison de parler de réussite. Les réformes embarrassent généralement tout le monde et il faut bien reconnaître que les baisses de dépenses ne sont pas faciles à mettre en oeuvre car elles obligent à changer les habitudes. Toutefois, dès lors que l'on explique que la totalité des sommes économisées est réinjectée dans le matériel et dans l'amélioration de la condition militaire, les perspectives changent. La mise en place du nouvel espace indiciaire et toutes les mesures catégorielles ont été facilitées par la RGPP.
M. Charasse affirme que notre budget n'est pas à la hauteur des enjeux. Eh bien, tant mieux ! Cela veut dire que, la prochaine fois, il votera un budget de la défense augmenté, ce dont je me réjouis d'avance. On ne peut pas à la fois dire qu'un budget n'est pas à la hauteur des enjeux et se refuser à voter un budget que l'on estime insuffisant. Si vous voulez davantage d'augmentations, commencez par voter celui-ci.
Monsieur Beaudouin, je précise que si nous avons diminué notre force combattante, les réductions d'effectifs portent avant tout sur le soutien : les diminutions, je le répète, concernent pour deux tiers les personnels de support.
S'agissant de la condition militaire, je voudrais rappeler que l'engagement pris par le Président de la République sur la campagne double au bénéfice des militaires ayant combattu en opérations extérieures et en Afghanistan est maintenant réalité : les deux décrets ont été publiés. Vous avez aujourd'hui satisfaction sur ce sujet à propos duquel vous êtes intervenu à plusieurs reprises.
Certes, il existe des lacunes pour le soutien aux blessés. Vous les connaissez bien puisque vous avez dans votre circonscription un très bel hôpital militaire d'instruction. Votre remarque est parfaitement légitime. Je m'efforcerai d'y donner suite le plus rapidement possible.
Monsieur Ménard, je suis d'accord avec vous, il faut trouver une solution pour l'hôpital Bouffard à Djibouti. On ne peut pas l'abandonner, mais l'armée française ne peut pas non plus porter à elle seule le poids de l'entretien d'un établissement hospitalier dont les utilisateurs sont pour leur quasi-totalité des militaires djiboutiens.
Nous avons plutôt bien négocié le nouvel accord avec la République de Djibouti mais, si l'on maintient cet hôpital, il faut le maintenir au nom de la coopération. Vous avez ouvert une porte, et après tout, pourquoi pas ? Atalante est une affaire européenne ; Djibouti peut devenir l'hôpital d'Atalante. C'est l'occasion ou jamais d'intéresser nos partenaires européens à cet effort.
Monsieur Viollet, vous avez évoqué plusieurs faiblesses de nos moyens, notamment les ravitailleurs ; je vous indique que les efforts engagés sur les avions C-135 consistent à les mettre aux normes. Il ne s'agit pas de prolonger indéfiniment la vie des C-135 sans les remplacer ; il s'agit de leur permettre de voler dans des conditions compatibles avec les règles qui sont aujourd'hui celles de l'Organisation de l'aviation civile internationale. C'était le sens de mon intervention.
Monsieur Dominique Caillaud, je vous remercie de votre soutien, et de votre formule : « préserver ». Vous avez raison et c'est ce que nous faisons. Les équipements ne sont pas remis en cause.
Vous êtes intervenu sur un sujet majeur : les PME et la défense. Nous avons, à la DGA, une mission PME ; le Service général pour l'administration de la défense a vocation à aider les PME, afin de leur permettre d'accéder aux marchés de la défense, mais nous devons encore beaucoup progresser. Lors de la transposition de la directive européenne sur le marché de l'armement, l'Assemblée a inscrit dans la loi la possibilité d'introduire dans les appels d'offres des clauses de « préférence PME ». Cette disposition, il faut maintenant la faire vivre. Vous nous rappelez à l'ordre sur ce point, et cela me paraît légitime.
Je voudrais dire plusieurs choses à Alain Rousset ; mais je vois qu'il est parti : je les lui dirai très prochainement, lorsque je me rendrai à Bordeaux pour évoquer la base de défense de cette ville.
Je voudrais lui dire en particulier, ainsi qu'à vous, madame Lebranchu, que nous n'en voulons pas au service industriel de l'aéronautique ! Il est de plein exercice ; il n'est pas persécuté, il n'est pas externalisé. Bien sûr, des questions lui sont posées, on regarde combien cela coûte et si cela ne pourrait pas coûter moins cher.
Mais, pour l'instant, que ce soit en Bretagne, à Cuers, à Clermont, le SIAé fonctionne. Nous n'avons absolument pas l'intention de nous en priver.
Sur les contrats du Fonds pour la restructuration de la défense, nous avons l'argent, il n'y a pas de problème. Les collectivités locales, qui ont parfaitement compris que c'était leur intérêt, jouent le jeu, quelle que soit leur couleur politique. Cela fonctionne donc plutôt bien.
Monsieur Jean-Pierre Dupont, je vous remercie de cet hommage rendu au général Bernard Thorette. Effectivement, ce projet ne comprend pas la Corée ; mais nous en reparlerons.
Monsieur Damien Meslot, je vous remercie d'avoir constaté qu'il n'y avait pas de remise en cause des équipements. Il n'y a pas de défense sans continuité, et en matière de politique industrielle, s'il faut effectivement maintenir un équilibre entre les capacités opérationnelles et la recherche, nous essayons d'avoir un statut commun.
Je ne comprends pas du tout l'intervention de Gilbert Le Bris sur la réforme du commissariat des armées, mais quand je ne comprends pas, j'approfondis. La création du SCA est une bonne réforme !
Il y aura une adaptation ; certains commissaires iront plutôt dans la marine, plutôt dans l'armée de l'air, plutôt dans la défense. Nous avons des bases de défense qui sont interarmées ; il faut que les commissaires aient une culture interarmées ! C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place cette formation de Salon-de-Provence.
Voilà, pour l'essentiel, ce que je voulais dire aux intervenants ; je vous prie de m'excuser si j'ai été un peu long. Mais, chacun l'aura compris ici, je partage avec vous la passion de la défense de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Nous en arrivons aux questions.
La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le ministre, hier, une enquête a révélé que les jeunes Français faisaient confiance à leur armée. Cette enquête, je crois, n'a échappé à personne.
Nous avons voté la fin du service militaire il y a une quinzaine d'années ; aujourd'hui se pose la question du lien entre les jeunes Français et l'armée. Sans remettre en cause la suppression du service national, le Gouvernement est-il prêt à réfléchir à la façon dont les jeunes qui le voudraient pourraient s'investir et apporter leur contribution à nos forces armées ? Je pense à la sécurité civile, mais aussi, puisque nous en avons débattu il y a deux jours, à l'aide au développement. Vous savez combien les jeunes Français s'investissent dans les associations à caractère humanitaire.
Je me permets, à l'occasion de ce budget, de vous faire partager cette réflexion. Je suis certain que cette question vous préoccupe également.
Oui, naturellement, la culture de la défense mérite d'être connue et partagée ; nous nous efforçons de la rendre accessible, avec les préparations militaires, qui existent toujours et qui mériteraient d'être mieux connues, avec la réserve, qui a fait l'objet d'un texte important destiné à faciliter sa mobilisation.
Des dispositifs existent, et aujourd'hui ils ne sont pas saturés. Nous avons donc un devoir de communication, d'ouverture, de mobilisation.
Je voudrais cependant rappeler une vérité : le but des armées, c'est de combattre. Ce qui justifie l'engagement, la discipline, la formation, le maintien en conditions opérationnelles, c'est la nécessité de pouvoir affronter un adversaire et le détruire. L'armée, ce n'est pas une équipe de boys-scouts ! Nous avons une discipline, nous avons un uniforme ; les boys-scouts ont une discipline, ont un uniforme : mais notre métier, c'est la guerre. C'est grave, c'est sérieux, et ce n'est comparable à rien d'autre. Je souligne cette gravité, car elle marque une différence et une singularité.
Nous en venons aux questions du groupe UMP.
La parole est à M. Nicolas Dhuicq.
Monsieur le ministre, au moment où l'Occident traverse une crise tout autant financière que morale, nous observons deux phénomènes : tout mort en opération extérieure choque les opinions publiques, et de plus en plus profondément ; seuls finalement deux grands États-nations fournissent, contre vents et marées, un effort significatif de défense. Et la France est la seule à être totalement autonome, notamment en matière de dissuasion.
Je crains donc que les opérations prolongées au sol ne dépassent progressivement nos moyens. Il nous faudra donc pouvoir frapper vite et fort, être mobiles, et conserver notre capacité de décision et de reconnaissance comme notre autonomie.
Deux questions se posent.
D'une part, les futures économies provoqueront-elles un redéploiement stratégique entre nos trois armes ? Amèneront-elles, en particulier, à une réflexion sur le fait que la marine pourrait redevenir, pour les trente ans à venir, notre bouclier et notre épée ? Dans ce cadre, nous savons bien l'intérêt de posséder un groupe aéronaval : parce que nous ne pouvons pas dépendre toujours de tierces parties, parce que nous n'aurons pas toujours des bases au sol, il me semblerait important de conserver au moins une capacité de réflexion sur une seconde coque de porte-avions.
D'autre part, même si je suis particulièrement attaché à la dissuasion nucléaire qui, en même temps que la construction européenne, a apporté une période de paix inégalée à notre peuple et aux peuples européens, ne faut-il pas craindre – même si vous avez commencé à nous rassurer sur ce point – que des économies à venir puissent mettre en danger la capacité de la France à offrir au monde occidental et particulièrement à l'Europe des briques technologiques, notamment dans le domaine de la défense antimissile balistique ?
Il est relativement facile de répondre à votre première question : oui, je crois à la marine nationale ; avec la mondialisation, 90 % du commerce extérieur de l'Europe se fait par la mer : la mer doit donc être sûre. Aussi avons-nous besoin d'une marine nationale forte, et je pense que ce point sera pris en considération lors de la réactualisation du Livre blanc.
Pouvoir intervenir à partir de la mer est un atout considérable : 75 % de la population du globe habite à 200 kilomètres d'un rivage. Cependant, je dois souligner que, dans les zones d'influence de notre pays, entre les alliances, les solidarités, les bases disponibles et la mobilisation d'un outil extrêmement cohérent associant la marine et l'armée de terre, c'est-à-dire le Tonnerre et le groupe aéroterrestre, nous disposons d'une bonne réponse immédiate.
Nous n'avons pas renoncé au principe d'une deuxième coque, puisque des crédits d'études existent. Mais très honnêtement, dans le contexte budgétaire actuel, nous disposons des atouts et des armes d'une présence immédiate dans des conditions qui ne font pas d'un second porte-avions – appelons un chat un chat – un préalable nécessaire.
Je ne suis pas capable de répondre aussi brièvement à votre seconde question ; ce sont des sujets majeurs. La défense antimissile balistique pourrait effectivement constituer, d'une certaine façon, une prison pour notre dissuasion.
Il faut en fixer les règles : il ne faudrait pas que la DAMB reconstruise une division Est-Ouest, alors que je pense profondément qu'aujourd'hui, la Russie est durablement notre allié : elle aura en effet durablement besoin de l'Europe de l'Ouest.
C'est Poincaré, notamment, qui avait resserré l'alliance franco-russe !
Monsieur le ministre, l'ensemble des dispositions contenues dans le budget de la défense pour l'année 2012 nous donne les moyens d'assurer la protection de la population et l'intégrité du territoire, et de préserver la paix, dans le respect du droit international et des droits de l'homme.
La France, l'une des principales puissances mondiales, se doit d'honorer ses engagements internationaux, particulièrement en matière d'opérations de maintien de la paix dans les zones de conflits, tout en assurant impérativement à nos soldats les meilleures conditions de sécurité, dans les missions militaires et civiles qu'ils mènent.
Je souhaite vous interpeller aujourd'hui sur l'utilité du pigeon voyageur en cas de conflit ou de catastrophe.
Au début de l'année 2011, l'armée chinoise a décidé de recruter et d'entraîner 10 000 pigeons voyageurs, en plus des 200 déjà existants. L'officier militaire chinois en charge de ce nouveau contingent est catégorique : le pigeon voyageur constitue l'outil de communication le plus pratique et le plus efficace sur les petites et moyennes distances s'il y a une interférence électromagnétique ou une panne de signaux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Respectez-les, je vous en prie, mes chers collègues.
En effet, en cas de conflit grave, une panne généralisée sur les réseaux de communication, même les plus performants, pourrait survenir. Dès lors, le pigeon voyageur resterait l'un des seuls outils de communication capable de transporter des messages.
Le pigeon voyageur a sauvé des vies en transportant des échantillons sanguins ; harnaché d'un appareil photographique, il a même survolé les lignes ennemies malgré les bombardements, la fumée, les projectiles, la brume et la poussière, alors que les liaisons étaient interrompues et les signaux optiques inopérants.
Personne n'a oublié le célèbre pigeon-soldat Vaillant, héros du Fort de Vaux en 1916, lors de la première guerre mondiale. (Sourires.)
À ce jour, alors que l'armée française ne dispose plus que du seul colombier militaire de la forteresse du Mont Valérien, les experts militaires chinois de l'Armée populaire de libération sont formels : dans la guerre moderne, le pigeon voyageur est indispensable ! Nous souhaitons bien sûr la paix des peuples. Mais ne soyons pas en retard d'une guerre !
Monsieur le ministre, à la vue de ces éléments, et en l'état actuel de nos infrastructures, pouvez-vous nous assurer que la capacité de communication de notre défense nationale serait bien assurée en cas de rupture des liaisons de communication, et quelle place donnez-vous au pigeon voyageur ? (Applaudissements sur tous les bancs.)
Monsieur le député, vous avez mille fois raison de rappeler que les pigeons ont été utiles ; je crois toutefois qu'il existe des technologies de substitution qui méritent d'être prises en considération, et dont la diversité et les redondances permettent de répondre à vos inquiétudes. (Rires.)
Cependant, l'armée est riche de ses traditions ; il n'est pas question de remettre en cause le colombier du Mont Valérien.
Nous aurons toujours la possibilité d'avoir des échanges technologiques avec la Chine ; s'ils ont à nous apprendre sur le pigeon, nous nous enrichirons mutuellement de nos connaissances, dès lors, naturellement, que les pigeons chinois restent chinois et les pigeons français restent français. (Sourires.) Il ne faudrait pas qu'une confrontation des performances aboutisse à ce que des pigeons chinois accueillis dans nos colombiers aillent ensuite porter des messages français aux Chinois ! (Rires.– Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, vous nous présentez un bon budget que je voterai.
Je vous poserai deux questions.
Premièrement, s'agissant de l'acquisition des MRTT, le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle sur l'externalisation préconise l'acquisition patrimoniale. Partagez-vous cette conclusion ?
Deuxièmement, l'acquisition de drones F-Heron TP suscite encore quelques interrogations, notamment sur la liaison satellite et l'armement. Pour ma part, je souhaiterais des éclaircissements sur deux points précis. D'une part, est-il exact, comme le rapporte Air&Cosmos, que le coût de possession devrait être supérieur d'un peu moins de 40 % à celui du Reaper ? D'autre part, ce choix s'inscrit dans une stratégie industrielle à long terme. Est-ce à dire que le futur drone MALE franco-britannique sera produit par une alliance Dassault-BAE, ou le jeu reste-t-il encore ouvert pour d'autres alliances ?
Monsieur le député, je dois présider, dans les semaines à venir, un comité ministériel d'investissement sur les MRTT. Vous devriez avoir gain de cause puisqu'il est question d'une acquisition patrimoniale.
Par ailleurs, l'expérience britannique nous a ouvert les yeux sur les limites de l'externalisation.
S'agissant des drones, il y a deux étapes très différentes.
À court terme, une solution intermédiaire consiste à demander à Dassault de rendre sa copie, ce qu'il fera bientôt.
A moyen terme, nous travaillons avec les Britanniques sur un système prévu à l'horizon 2020. Nous avons déjà investi des sommes importantes dans la définition du projet, et nous en reparlerons lors du sommet franco-britannique. La solution industrielle sera ouverte. Nous n'excluons aucune hypothèse. Comme nous sommes deux sur ce projet, nous sommes obligés de travailler avec les Britanniques. Mais le fait qu'il y ait une alliance franco-britannique n'est pas exclusif et n'interdit pas une compétition.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler la petite anecdote que m'a racontée un ami britannique qui fut le secrétaire particulier de Mme Thatcher au moment de la crise des Falkland ou des Malouines. La tâche la plus difficile de sa vie, m'a-t-il dit, a été d'aller à Washington pour demander des photos aériennes de l'état des forces argentines présentes sur ces îles. En effet, la Grande-Bretagne n'avait pas d'yeux et ne pouvait donc pas regarder ce qui se passait.
Vous vous souvenez que la France a développé le programme satellitaire Hélios, ce qui a permis au président Chirac d'éviter d'être manipulé par les Américains qui nous assuraient que Saddam Hussein était reparti pour le Koweït. Malheureusement, ce système arrive en fin de course. Il faut donc développer maintenant à la fois le programme MUSIS et le satellite CERES, car il ne suffit pas de voir, encore faut-il entendre. La France se doit de n'être ni aveugle, ni sourde.
Pouvez-vous nous dire où en sont ces projets ? Je ne peux que vous demander de vous appuyer sur les parlementaires de tous bords, comme le rappelait Jean-Michel Boucheron dans son intervention. Il est impératif que nous développions ces programmes essentiels en matière de recherche et développement. La France doit rester en tête et avoir une réelle politique industrielle en matière satellitaire. Enfin, il est indispensable que nous puissions parer à toute éventualité : savoir, entendre et frapper.
Monsieur le député, je m'appuierai sur un texte plus précis pour être certain de ne pas commettre d'erreur parce que les dates sont importantes.
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a prévu de doubler jusqu'en 2023 les crédits moyens annuels consacrés aux programmes spatiaux militaires, ce qui est le cas. Il souligne le caractère indispensable du déploiement dans l'espace de satellites de toutes missions – communication, observation, écoute, alerte, navigation, météo – au profit des fonctions stratégiques du Livre blanc. D'ici à 2020, nous aurons quatre grandes capacités que devrait pouvoir satisfaire la loi de programmation militaire telle qu'elle est engagée. Nous aurons l'imagerie sécurisée, optique, infrarouge et radar, principalement au travers du programme MUSIS. Nous aurons des communications de grande distance, de grande élongation, avec les satellites Sicral et Athéna réalisés en coopération avec l'Italie. Notons encore le programme CERES sur l'écoute des signaux électromagnétiques et, enfin, le travail effectué sur l'alerte avancée qui nous met dans une position assez forte dans la négociation DAMB puisque nous pouvons dire à nos partenaires européens que nous n'avons pas à payer car nous apportons notre propre brique, comme vous le disiez à l'instant.
La partie défense du plan d'engagement à moyen terme du contrat État-CNES 2010-2015 vise à accompagner et soutenir la préparation de ces futurs programmes. Je vous rappelle que la DGA versera au CNES une subvention de 162 millions d'euros au-delà des 20 millions inscrits programme 144.
Il y a donc une volonté ; elle est mise en oeuvre.
Le 7 décembre 2010, j'ai interrogé le ministre de la défense sur l'avenir du site de Salbris, dans le Loir-et-Cher, au sujet de la réforme en cours du service interarmées des munitions.
Répondant au nom du ministre de la défense, le ministre présent au banc du Gouvernement m'avait alors affirmé : « À la création du SIMU, le site de Salbris poursuivra les missions et activités qui lui incombent actuellement et la pérennité du site n'est pas menacée. » Il ajoutait : « Des évolutions pourraient cependant intervenir à moyen terme, en fonction des actions de rationalisation et de meilleure répartition des charges de travail entre les différents entrepôts de munitions. Ces évolutions feront l'objet de propositions du service fin 2011, à l'issue d'une année d'activité dans la nouvelle configuration. » Il m'indiquait encore : « Le ministère de la défense examinera, à cette échéance, les propositions du service et engagera une concertation avec les sites éventuellement concernés par une restructuration, qui ne se produira pas avant 2014 selon le calendrier actuellement envisagé. ».
Comme je l'indiquais alors, le bassin économique de Salbris a déjà payé un lourd tribut au titre des différentes restructurations des industries de défense. En effet, depuis une quinzaine d'années, la disparition ou le transfert de la quasi-totalité des établissements de défense en activité à Salbris - GIAT, MBDA, Thomson, Lhotellier – a causé la perte d'environ 2 000 emplois.
Je veux réaffirmer ici qu'au-delà de toutes les raisons techniques et de qualité du site et de la main-d'oeuvre qui militent pour la pérennité du site, le nouvel effort de restructuration de la défense ne peut pas être payé par le bassin d'emploi de Salbris.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de me faire part de l'état actuel des réflexions et des décisions, surtout si elles sont positives, quant à la place qu'occupera le site de Salbris dans le futur schéma directeur « Infrastructures munitions ».
Monsieur le député, quels sont les effectifs sur Salbris ?
C'est considérable à l'échelle d'une petite ville comme Salbris, qui a été très éprouvée par les reconversions.
À l'instant où je vous parle, le SIMU n'a pas pris de décision, il n'a présenté au ministre aucune proposition de suppression du site de Salbris. Les points de vue sont divergents.
Je vous propose de vous rendre à mon ministère où nous pourrions organiser une réunion travail avec le SIMU et la délégation aux restructurations. D'autres solutions sont peut-être possibles, le plus simple étant sans doute de conserver ce qui existe.
Sur ces crédits, je suis saisi de plusieurs amendements.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement n° 560 .
Cet amendement a pour objet de diminuer de 167 millions d'euros les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de cette mission, pour mettre en oeuvre le programme de réduction de la dépense publique annoncé au mois d'août par le Premier ministre, François Fillon.
J'ai eu l'occasion de présenter la répartition des diminutions les plus importantes en commission de la défense, mais je le fais à nouveau bien volontiers devant ceux des députés qui n'étaient pas présents ou qui ne sont pas membres de cette commission.
Le programme « Environnement et prospective de la politique de défense » diminue de 9,2 millions d'euros, le programme « Préparation et emploi des forces » de 25 millions et le programme « Soutien de la politique de défense » de 30,5 millions. La diminution la plus spectaculaire est relative au programme « Équipement des forces » puisqu'il voit ses crédits baisser de 102,3 millions d'euros. Mais, comme je l'ai indiqué en commission, cette réduction est compensée par l'augmentation des produits de cessions d'actifs, en l'occurrence les plus-values sur la cession des fréquences Rubis.
Mesdames, messieurs les députés, je vous demande de bien vouloir adopter cet amendement.
Cet amendement n'a pas pu être examiné par la commission des finances. Mais il s'agit de l'amendement bien connu qui précise, en l'occurrence, la contribution de la mission « Défense » au plan d'économies annoncé par le Premier ministre le 24 août dernier. Le budget de la mission « Défense » étant l'un des plus importants de l'État, il n'est pas illogique qu'il apporte une contribution proportionnelle, en tout cas significative.
Le Gouvernement propose donc de réduire de 167 millions d'euros un budget de 38,3 milliards de crédits de paiement, ce qui représente une baisse de 0,4 %.
En 2012, le budget bénéficie de recettes exceptionnelles avec la vente des fréquences Rubis. Ces fréquences, vendues aux opérateurs de téléphonie mobile ont rapporté 936 millions d'euros, soit 86 millions d'euros de plus que prévu, ce qui permet d'avoir un impact bien moindre du rabot sur le programme « Équipement des forces ».
Dans ces conditions, le véritable effort de la défense porte, semble-t-il, sur 81 millions d'euros, soit 0,2 % de son budget, somme qu'il est possible de réunir sans trop de difficultés, d'autant qu'une partie de ce montant résultera d'économies.
À cet égard, monsieur le ministre, vous avez pris des dispositions dont nous prenons bonne note. Le Gouvernement s'engage à réaliser 5 millions d'euros d'économies sur les crédits destinés à financer l'indemnité compensatrice du quart de place que paient les militaires à la SNCF – les négociations sont en cours avec la SNCF –, à baisser de 6,5 millions d'euros la subvention versée à la République de Djibouti et à réduire de 10 millions d'euros les crédits destinés au FRED mais en les décalant dans le temps, enfin à obtenir quelques économies sur des études, ce qui paraît raisonnable.
Deux mesures sont d'un montant plus élevé. D'une part, le Gouvernement réduit de 34 millions d'euros en crédits de paiement les opérations d'infrastructures. Il s'agit là de décaler dans le temps des opérations, et non de les abandonner. D'autre part, il réduit de 20 millions d'euros les crédits destinés à l'entretien programmé du matériel.
Les tenants et aboutissants de ces mesures, tels qu'ils viennent d'être présentés par le Gouvernement, me permettent de donner un avis favorable à l'adoption de son amendement.
Je profite de l'examen de cet amendement pour préciser un certain nombre de choses.
Les armées, nous le savons tous, ont certainement été les meilleurs élèves en matière d'application de la RGPP.
Oui, c'est une certitude, nous sommes tous d'accord sur ce point.
Répondant à une question de Bernard Cazeneuve, vous avez dit, monsieur le ministre, que l'économie réalisée au titre de la RGPP serait, au 31 décembre de cette année, d'environ 540 millions d'euros. Or les suppressions budgétaires survenues cette année, sans parler de la loi de programmation militaire qui prévoyait plus de 3 milliards d'euros, sont, quasi exactement, du même montant.
En fait, la défense paie deux fois. C'est la double peine : en bonne élève, elle a payé et, parce qu'elle s'est montrée bonne élève, on lui demande de doubler la somme !
On nous annonçait que les économies réalisées au titre de la RGPP permettraient ensuite d'améliorer les équipements, mais on voit bien que, le 31 décembre, la réalité sera différente.
C'est pourquoi nous voterons contre cet amendement.
(L'amendement n° 560 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 431 .
La parole est à M. Bernard Cazeneuve.
Comme nous avons déjà débattu de la question, je considère que cet amendement est défendu.
Vous l'imaginez bien : je ne puis donner un avis favorable.
Je vous invite, mes chers collègues, à vous reporter à mon rapport spécial : vous y trouverez un certain nombre d'éléments qui justifient cette position.
Même avis.
(L'amendement n° 431 n'est pas adopté.)
J'ai déposé cet amendement, adopté par notre commission, avec mon collègue Jean-Claude Viollet.
Il n'est guère besoin de développer : tout le monde sait ce qu'il en est des ravitailleurs.
Nous voulons simplement nous assurer de deux choses. Tout d'abord, il faut que les crédits nécessaires pour mener à bien en 2012 les études requises soient prévus, en vue d'une commande dès l'année 2013. Ensuite, nous souhaitons, monsieur le ministre, que vous nous confirmiez votre attachement à un achat patrimonial de ces appareils.
La parole est à M. Yves Vandewalle, pour défendre l'amendement n° 281 .
Je suis sensible aux propos tenus tout à l'heure par le ministre à ce sujet.
Dans notre rapport en conclusion des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle, Bernard Cazeneuve et moi-même avons précisément préconisé une acquisition patrimoniale. C'est l'objet de notre proposition n° 9.
Cela dit, en tant que rapporteur spécial du programme « Préparation et emploi des forces », je ne puis, pour ma part, émettre un avis très favorable à un amendement qui a pour objet de lui retirer 12 millions d'euros de crédits. Je n'en écouterai pas moins avec intérêt la réponse du ministre sur le principe des études.
Je comprends parfaitement la teneur de cet amendement, dont je reconnais la légitimité.
Je pense qu'il est satisfait par l'engagement de passer le programme MRTT en comité ministériel d'investissement. En outre, nous avons mobilisé, pour l'année 2012, des crédits suffisants pour financer ce que l'on appelle les études de levée de risques.
Vous pouvez donc considérer que l'amendement est satisfait.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'air.
Monsieur le ministre, nous prenons acte de vos engagements, et nous avons bien noté votre annonce d'un comité ministériel d'investissement.
Cela dit, si vous avez dit oui à une acquisition patrimoniale, la question de la procédure demeure : acquisition de gré à gré ou appel d'offres ? Cette affaire a assez traîné : le premier ravitailleur aurait dû être livré en 2010 ; il le sera en 2017. Procédons donc de gré à gré, comme nous le permet l'article 346 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne si nous évoquons la protection des intérêts essentiels de la sécurité de l'État ; cela se justifie parfaitement, les ravitailleurs étant un élément de la composante aéroportée de notre dissuasion. Pouvez-vous prendre l'engagement de suivre cette voie, monsieur le ministre ?
Je le dis d'autant plus facilement que l'A330 MRTT est, de loin, le meilleur ravitailleur. Nous avons la chance d'avoir un tel avion en Europe !
Les montants nécessaires étaient prévus dans le cadre de crédits OTAN, et j'entends bien ce que dit notre rapporteur spécial. Cependant, cette solution est un encouragement à poursuivre, en préparation du sommet qui se tiendra à Chicago au mois d'avril 2012, la réflexion sur la rationalisation du dispositif de l'OTAN. Ce serait aussi aller dans le sens voulu par le Président de la République, c'est-à-dire dans le sens du retour dans le commandement intégré de l'OTAN, puisque ce n'est ni plus ni moins qu'y réintégrer la France et promouvoir un pilier européen de défense.
Oui, donc, à une acquisition patrimoniale, oui à une acquisition de gré à gré. Si ces conditions sont remplies, je serai disposé moi aussi à retirer l'amendement n° 283 , dont je suis le cosignataire.
Je comprends très bien votre démarche, monsieur Viollet, d'autant que mes convictions me portent à donner les meilleurs moyens à l'armée française, et les techniciens qui ont examiné le problème considèrent que l'appareil proposé par la société Airbus est le plus approprié.
Cependant, je me heurte à une difficulté d'ordre juridique. L'article 346 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne me permet-il effectivement de répondre favorablement à votre demande ? Je ne veux pas vous donner, en séance, une réponse sympathique qui serait ensuite invalidée, dans un monde où la judiciarisation de la moindre décision risque à tout moment d'affaiblir la parole publique.
Si vous maintenez cet amendement, monsieur Viollet, je ne vous en voudrai pas, mais je pense qu'il ne faut pas le voter. Très franchement, il est inutile, même si je comprends votre intention. Je ne veux pas exposer le ministère de la défense au risque de se retrouver publiquement dans une impasse juridique. Je ne peux pas vous dire publiquement que je vais acheter tel appareil, car je n'ai pas le droit de le faire.
Pour être constructif, je profite de ce qui est mon dernier budget de la défense pour remercier mes collègues et le président de la commission pour le travail accompli tout au long de ces années. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Cela dit, j'accepte, comme le proposait François Cornut-Gentille, de retirer cet amendement, à la condition expresse que la possibilité de procéder de gré à gré à une acquisition patrimoniale nous soit très rapidement confirmée. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous répondre lors de votre prochain passage en commission.
Je suis saisi d'un amendement n° 282 .
La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la marine.
Je crains que cet amendement ne connaisse le même sort que les amendements nos 283 et 281 , puisqu'il porte à peu près sur la même question, à ceci près qu'il s'agit non plus d'avions, mais de pétroliers ravitailleurs. Nous l'avons déposé car nos pétroliers ravitailleurs ne sont plus au maximum de leurs capacités opérationnelles.
J'ai bien entendu les explications données. Je vous ai bien entendu, monsieur le ministre, dire que vous adhériez au principe de leur remplacement. Peut-être cet amendement pose-t-il cependant le même problème juridique que les amendements identiques nos 283 et 281 .
La commission n'ayant pas étudié cet amendement, J'attends avec intérêt la réponse du Gouvernement.
L'amendement n° 282 ne pose pas le même type de problème juridique que les amendements identiques nos 283 et 281 : vous ne me demandez pas, madame la députée, d'acheter tel type de pétrolier ; votre amendement a simplement pour objet de prévoir des crédits d'études.
Cela dit, le programme « Flotte logistique » prévoit le renouvellement de l'ensemble des bâtiments et la notification du contrat de réalisation est prévue en 2015, pour une livraison de quatre pétroliers ravitailleurs entre 2018 et 2021. Tout cela est très loin, me direz-vous, mais les études préliminaires ont commencé dès 2010, et les crédits nécessaires aux travaux de conception sont bien inscrits au budget 2012, en cohérence avec le calendrier prévu : 11 millions d'euros en autorisations d'engagement, 6 millions d'euros en crédits de paiement.
Même si je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée nationale, je tenais à vous rassurer, madame la députée.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Défense », modifiés par l'amendement n° 560 .
(Les crédits de la mission « Défense », ainsi modifiés, sont adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 456 de M. Bernard Cazeneuve, portant un article additionnel susceptible d'être rattaché à cette mission.
Il est défendu, monsieur le président.
(L'amendement n° 456 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Prochaine séance, jeudi 10 novembre 2011, à neuf heures trente :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2012 :
Justice ;
Enseignement scolaire ;
Sport, jeunesse et vie associative ;
Culture ;
Solidarité, insertion et égalité des chances ;
Ville et logement.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures vingt-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron