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Intervention de Louis Giscard d'Estaing

Réunion du 9 novembre 2011 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2012 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour le budget opérationnel de la défense :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de la défense et des forces armées, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en 2012, les autorisations d'engagement s'élèveront à 40,2 milliards d'euros contre 41,9 milliards d'euros en 2011, soit une baisse de 4,1 %. Mais cette diminution fait suite à une année 2011 dont le niveau d'engagement était particulièrement élevé, après une année 2009 exceptionnellement faste en raison d'un grand nombre de commandes groupées. En matière de défense plus qu'en toute autre, les autorisations d'engagement connaissent une évolution inégale, liée à la signature de commandes volumineuses, et elles sont moins représentatives de l'évolution globale du budget que les crédits de paiement.

Ceux-ci s'élèvent dans ce projet de loi de finances à 38,2 milliards d'euros contre 37,4 milliards d'euros en 2011, ce qui correspond à ce stade à une hausse supérieure à l'inflation : cela traduit l'effort consenti par la nation dans le domaine de la défense, à l'issue, il est vrai, d'une année où nos forces ont été fortement mises à contribution.

Les moyens du programme 178 « Préparation et emploi des forces », le mieux doté de la mission, s'élèveront à 22,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, soit une augmentation de 1,8 %. Compte tenu du faible niveau de l'inflation mais aussi de la réduction du nombre de fonctionnaires civils et militaires – 7 500 en moins pour le programme, 8 000 en tout pour la mission « Défense » –, on peut considérer que les crédits du programme sont de nature à préserver l'outil de défense.

Ce projet de budget apporte notamment une attention toute particulière à l'entretien programmé des matériels, dont les crédits de paiement s'élèveront en 2012 à 3,1 milliards d'euros, soit une nette hausse de 252 millions d'euros, c'est-à-dire de 8,7 % par rapport à 2011. Cette augmentation fait suite à une hausse à peine moins élevée de 6,8 % en 2011. Cette évolution dans la durée traduit une forte volonté politique d'améliorer la disponibilité des équipements, coûteux et désormais comptés, dont disposent nos forces armées. Elle est d'autant plus nécessaire que les moyens aériens des trois armées ont été très sollicités cette année, notamment lors de l'opération Harmattan en Libye : la régénération de leur potentiel est plus que jamais nécessaire.

Si le budget de la défense peut sembler préservé en 2012, cela est dû à la conjonction de deux facteurs : tout d'abord l'existence d'une volonté politique déterminée à protéger un outil de défense efficace – nous l'avons vu cette année en Côte d'Ivoire, puis en Afghanistan et en Libye –, mais aussi l'arrivée tant attendue des premières recettes exceptionnelles.

L'ARCEP, l'Autorité de régulation des communications électroniques et postales, dont j'ai rencontré le président dans mes fonctions de rapporteur spécial à deux reprises, a en effet enfin pu procéder à la vente de la première tranche des fréquences hertziennes. Il s'agit des fréquences hautes issues du système Rubis de la gendarmerie nationale.

Les prévisions établies en 2009 tablaient sur un montant de recettes de l'ordre de 600 millions d'euros pour l'ensemble des fréquences, desquels devaient être retranchés les frais techniques de basculement de fréquences, estimés à 185 millions d'euros. Il serait donc resté 415 millions d'euros net pour le budget de la défense. Or, la vente de la seule première tranche a rapporté 936 millions d'euros nets de frais de dégagement, c'est-à-dire que la première bande a rapporté plus du double de ce qui était attendu pour l'ensemble des deux bandes de fréquences.

Selon l'ARCEP, ce résultat est le plus élevé de tous ceux obtenus dans les pays européens comparables, Allemagne, Italie et Espagne.

Cette somme de 936 millions d'euros sera versée avant la fin de l'année au ministère de la défense qui, pour des raisons techniques, bénéficiera d'un report sur l'année 2012.

Quant à la bande basse, seconde tranche d'ondes hertziennes mise en vente, elle présente des qualités de pénétration dans les bâtiments qui la font surnommer « la fréquence en or » et elle est encore plus prisée des opérateurs. Les sommes recueillies par la vente de cette tranche qui interviendra au mois de décembre pourraient dépasser largement le milliard d'euros ; en Italie, la vente d'une fréquence similaire dans des circonstances analogues a rapporté 3 milliards d'euros à l'État italien, qui en a bien besoin lui aussi. D'ailleurs, l'ARCEP a fixé le prix de réserve à 1,8 milliard d'euros.

Mais seule une fraction de trente-deux soixante-douzièmes de cette bande est constituée d'ondes cédées par le ministère de la défense, le reste provenant du « dividende numérique », c'est-à-dire des économies réalisées par le passage au numérique hertzien, moins gourmand en fréquences. La mission « Défense » ne pourra donc prétendre recevoir qu'une partie de cette somme, l'arbitrage revenant in fine à Matignon.

Permettez-moi de me réjouir du succès, certes attendu de longue date, de cette opération ; il arrive à un moment où le budget de la nation a plus que jamais besoin d'une telle ressource.

En tant que rapporteur spécial de la commission des finances et plus encore en tant qu'ancien co-rapporteur, avec notre regrettée collègue Françoise Olivier-Coupeau, de la mission d'évaluation et de contrôle sur les recettes exceptionnelles, je tiens à féliciter les acteurs qui ont su valoriser cette ressource et la mettre en vente au bon moment. La commission des finances suivra avec d'autant plus d'attention la vente de la seconde tranche, au mois de décembre.

J'en arrive maintenant au budget des opérations militaires extérieures, qui a atteint cette année un niveau record. Le budget de l'année 2012 permettra de continuer à réformer et moderniser une armée particulièrement sollicitée, en 2011, par trois opérations extérieures de grande ampleur qui ont démontré l'efficacité des armes de notre pays.

Tout d'abord, le rôle essentiel des forces françaises a permis à la Côte d'Ivoire de sortir d'une situation de blocage qui la pénalisait depuis 2002, et a permis au président légitimement élu d'accéder au pouvoir.

Ensuite, en Afghanistan, les forces françaises ont continué à mener un travail - peu gratifiant sur le plan médiatique, ingrat et périlleux mais indispensable - de présence, de soutien et de formation de la jeune armée afghane. Je tiens à rendre hommage à mon tour à ceux de nos soldats tombés sur ce théâtre.

Enfin, dans l'espace aérien et naval libyen, les aviateurs de l'armée de l'air, les marins de l'aéronavale et les équipages de l'aviation légère de l'armée de terre ont mené ensemble une formidable opération, en coopération avec l'OTAN et sous mandat de l'ONU, avec le souci permanent de limiter au strict minimum les dommages collatéraux au sol. Cette opération s'est achevée avec les résultats que nous connaissons et a été menée à bien, comme l'a souligné avant moi Jean-Michel Fourgous, sans perte humaine ni matérielle pour nos forces.

Si elles ont été les plus visibles, ces trois opérations n'ont pas été les seules : nos armées sont toujours présentes au Tchad, au sud-Liban, au Kosovo ainsi que dans l'océan Indien pour l'opération Atalante de lutte contre la piraterie.

Sur le plan financier, ces opérations ont certes un coût. Hors Libye, le coût des OPEX s'élève à 878 millions d'euros, un niveau proche de celui de 2010, qui était de 860 millions pour 630 millions d'euros inscrits en loi de finances. Je me permets de souligner, à titre de rappel historique et de comparaison, que ce montant était de zéro euro dans la loi de finances initiale en 2002.

L'opération libyenne ayant coûté entre 300 et 350 millions d'euros, c'est au total 1,2 milliard d'euros environ que la France a dépensé au titre des opérations extérieures en 2011, un record absolu en raison de la multiplicité des théâtres. Dès lors, les recettes exceptionnelles ne pouvaient pas arriver à un meilleur moment.

Je souhaite également m'arrêter un moment sur la réorganisation du dispositif prépositionné.

En effet, pendant ces opérations, le ministère de la défense continue à redéployer ses forces prépositionnées. Le Sénégal et la Côte d'Ivoire voient leurs effectifs réduits au profit des forces stationnées au Gabon, pays qui devient le principal point d'appui sur la façade atlantique du continent africain. Dans la partie orientale de l'Afrique, le dispositif implanté à Djibouti, même s'il reste substantiel, est rééquilibré au profit de la nouvelle implantation d'Abou Dhabi : le nombre d'avions passe de dix à sept, tandis que celui des Émirats arabes unis passe simultanément de trois à six ; la treizième demi-brigade de la Légion étrangère a été transférée de Djibouti aux Émirats.

Cette réorganisation a permis de remettre à plat le traité de défense qui lie la France à Djibouti. Le volet financier est modifié. Le principe de base selon lequel la présence française doit se traduire par une compensation de 30 millions d'euros pour le Trésor djiboutien est conservé, mais deux ajustements sont à signaler.

D'une part, pour compenser le manque à gagner provoqué par la baisse des effectifs présents, la France a accepté d'augmenter de 1,18 million d'euros l'enveloppe versée aux autorités djiboutiennes, même s'il peut apparaître paradoxal d'augmenter une indemnité censée compenser la présence des troupes françaises, au motif qu'elles sont moins nombreuses.

Mais, d'autre part, les autorités djiboutiennes ont accepté la demande française qui consiste à prendre en compte dans l'enveloppe de 30 millions d'euros les recettes de TVA payées par nos militaires, qui vont directement dans les caisses de l'État djiboutien. La prise en compte de cet élément est favorable à notre budget de la défense puisqu'il devrait permettre d'économiser environ 8,5 millions d'euros, dans une enveloppe constante.

Les négociations ne sont pas achevées pour autant. La cession de l'hôpital Bouffard aux autorités djiboutiennes est décidée, les modalités de sa réalisation restant encore à préciser. En tant que rapporteur spécial, je me suis rendu sur place en 2010, et j'avais relevé le fait que les prestations qui y sont effectuées sont pour l'essentiel réalisées au profit des forces armées djiboutiennes et de leurs ayants droit, pour un montant que l'on peut évaluer à 11 millions d'euros, non défalqués de l'indemnité versée par la France.

Compte tenu du coût non négligeable du fonctionnement de cet établissement, surtout dans un contexte de diminution sensible de la présence militaire française, la réalisation d'un centre de santé plus modeste que l'hôpital Bouffard et mieux adapté au nouveau format de nos forces devrait être suffisant pour satisfaire les besoins futurs de nos militaires et de leurs familles.

Peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur l'état d'avancement de la renégociation de notre accord de défense avec Djibouti, dans un esprit de coopération mutuelle.

Je ne voudrais pas terminer mon propos sans dire quelques mots sur l'ETEC, cet escadron chargé du transport aérien des personnalités gouvernementales.

Comme vous le savez, j'avais mené l'an dernier un contrôle sur pièces et sur place avec Jean-Michel Fourgous. Nous avions insisté sur la nécessité, pour les différentes administrations, de rembourser avec plus de célérité les déplacements des autorités gouvernementales. Notre action semble avoir porté ses fruits. Les remboursements en 2010 et au début de 2011 n'ont pas été plus rapides, mais selon l'armée de l'air, la faute n'en revient pas aux ministères mais cette fois au logiciel Chorus, bien connu de tous les parlementaires, dont les débuts difficiles ont perturbé les opérations. Toutefois, pour prouver leur bonne foi et leur volonté de rembourser, la plupart des ministères ont ouvert des comptes bloqués où ont été déposées les sommes en question. Le pli semble donc pris pour que ces remboursements se fassent dans de bonnes conditions, et nous nous en réjouissons.

Notre contrôle a eu un autre effet. Nous avions dénoncé la règle selon laquelle 30 % du remboursement revenait au budget général, 70 % seulement étant versé à l'armée de l'air qui supporte pourtant la totalité de la charge. Grâce à la pression exercée et au contrôle parlementaire, et peut-être aussi à tous ceux qui se sont manifestés lors du débat budgétaire de l'année dernière, le décret qui est à la base de cette règle est en cours de modification. Un projet de nouveau décret vient de recevoir un avis favorable du Conseil d'État, et l'armée de l'air devrait être remboursée, à compter du 1er janvier 2012, de la totalité des sommes en question. La mission de rapporteur spécial de la commission des finances peut donc avoir, monsieur le ministre et monsieur le président de la commission de la défense, des effets intéressants et positifs pour le budget de la défense.

Je veux saluer également le rôle complémentaire et utile qu'a pu jouer la Cour des comptes dans le cadre de sa nouvelle mission d'assistance au Parlement telle que consacrée par l'article 58-2 de la LOLF et l'article 47-2 de la Constitution introduit par la réforme constitutionnelle de juillet 2008. C'est la raison pour laquelle figure en annexe de mon rapport le travail de la Cour des comptes sur les systèmes d'information et de communication du ministère de la défense.

En conclusion, malgré la situation économique particulière dans laquelle se trouvent non seulement notre pays mais aussi une bonne partie de l'Europe, le budget de la défense sera préservé en 2012, en particulier grâce aux recettes exceptionnelles dont l'arrivée est désormais certaine. Compte tenu de l'effort consenti par nos militaires, notamment en opérations extérieures, c'est bien le moindre geste que la nation pouvait faire à leur égard.

Monsieur le ministre, j'ai l'honneur de formuler un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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