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Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 9 novembre 2011 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2012 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Cazeneuve :

Quand on regarde l'histoire de la Ve République, notamment depuis la crise du début des années 1970, on constate que les gouvernements de toutes sensibilités ont eu cette tentation et que tous l'ont fait, mais aussi qu'il y a eu des parlementaires de toutes tendances pour s'ériger contre cela. Pour nos armées, qui ont besoin de visibilité, il serait sage que nous dépassions ces clivages et ces postures pour dire enfin la vérité.

Je souhaite également vous indiquer la position de notre groupe sur l'affaire de Balard, à propos de laquelle nous avons commencé à avoir un échange hier.

D'abord, nous sommes favorables au regroupement des états-majors sur un site unique, tout simplement parce que cela paraît utile dans le cadre de l'interarmisation, qui est une orientation souhaitable.

Ensuite, nous n'avons pas d'hostilité à l'égard du rassemblement des états-majors à Balard et nous n'avons pas de doute quant à la qualité du travail accompli par les services des différents ministères, en particulier du vôtre.

En revanche, nous nous interrogeons fortement sur la réalité de l'équation financière et budgétaire de ce dossier. C'est ce qui justifie les amendements que nous allons présenter, non pas pour condamner un projet de rassemblement des états-majors mais simplement pour nous assurer que la totalité des sujets liés à ce dossier ont bien été envisagés.

Pour être bien sûr que nous nous comprenons, je reprends les termes de la conversation que nous avons eue hier. Ce projet de partenariat public-privé représente, nous avez-vous dit, 700 millions d'euros d'investissement de la part de l'entrepreneur privé. En contrepartie, l'État va payer 4,2 milliards d'euros – ce n'est pas rien en pleine crise et l'on peut comprendre que nous interrogions –, dont 800 millions de frais financiers. Vous nous avez dit hier que toute opération, y compris en maîtrise d'ouvrage publique, faisait l'objet de tels frais. Bien sûr. Mais vous savez très bien que lorsque c'est l'État qui emprunte quand il est en maîtrise d'ouvrage, les conditions de taux ne sont pas tout à fait les mêmes, surtout en période de crise, que lorsque des opérateurs privés interviennent. Qui plus est, les taux d'intérêt à acquitter et les frais financiers à mobiliser dépendent en grande partie de la nature du projet et des modalités de sa réalisation. Par conséquent, si l'on peut accepter le principe de ces frais, il faut que l'on puisse regarde très concrètement quel aurait été le coût en investissement de la rénovation des emprises actuelles et celui du rassemblement d'une partie des états-majors sur des emprises existantes, après rénovation et remise aux normes des bâtiments.

Pour pouvoir évaluer la réalité de l'équation financière de cette affaire et son intérêt économique, j'ai demandé que nous disposions de tels tableaux comparatifs. J'ai vérifié aujourd'hui même : ils ne figurent pas dans la réponse à la question écrite que François Cornut-Gentille et moi-même vous avons posée et je ne puis donc procéder à la comparaison. J'ai également cherché ces chiffres dans le questionnaire, je ne les ai pas trouvés.

Deuxièmement, le coût par personnel localisé à Balard est de 16 500 euros, contre 13 000 euros aujourd'hui. On m'explique que cela intègre le coût des frais financiers, prestations externalisées et autres prestations de location. Il n'en demeure pas moins qu'il faudrait comparer ce chiffre, encore une fois, avec ce que nous auraient coûté la modernisation du bâtiment existant et le maintien sur place.

Troisièmement, les emprises actuelles seront vendues. S'il se produit des retards dans la réalisation de Balard, vous paierez des loyers pour des emprises qui ne vous appartiennent plus et sont la propriété d'autrui, comme cela a d'ailleurs commencé à Latour-Maubourg. Si les retards devaient être importants, le montant des loyers à acquitter est évalué à 4 millions d'euros, soit 133 000 euros par jour. Avec la crise financière que nous connaissons, un tel risque peut-il être pris sans inventaire ?

Enfin, dans la corne ouest de Balard vont être aménagés, par un consortium, 90 000 mètres carrés de bureaux n'ayant rien à voir avec le projet de localisation des états-majors, en contrepartie de quoi l'État recevra 220 millions en déduction du montant des loyers, sans que l'on soit capable de nous dire les profits que réalisera l'opérateur privé pour l'exploitation, pendant soixante ans, de cette emprise. Ce serait la moindre des choses de regarder si l'opération que nous menons, en récupérant ces 220 millions d'euros de loyer, a un quelconque rapport avec le niveau de profits qui sera engrangé par l'opérateur privé.

Il ne s'agit pas de questions pour nuire mais de questions qui, dans un contexte de rigueur budgétaire et de difficultés financières extrêmes, s'imposent à n'importe quel parlementaire, de gauche comme de droite, soucieux de la bonne allocation des deniers de l'État.

Voilà ce que je voulais dire, monsieur le ministre, sur ces quelques sujets budgétaires. Je forme le voeu que ce dernier débat sur les questions de défense ne soit pas emporté par l'excitation qui résulte de l'approche d'un certain nombre d'échéances, et que nous puissions, de façon technique, apporter les réponses qui conviennent afin d'assurer la consolidation du budget de la défense, seule manière de garantir à nos forces le meilleur niveau d'équipement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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