Le moment est venu de faire un rapide bilan de ces cinq dernières années en matière d'équipement, priorité justifiant tout l'effort de réorganisation de notre défense.
On peut dire, sans exagérer, que ce bilan est extrêmement satisfaisant en matière d'équipement. Il est satisfaisant parce que nous nous sommes dotés d'outils puissants, la NTM – NATO training mission – et le Livre blanc, qui a fait l'objet d'un travail approfondi. Au-delà de ces outils, la réalisation a pu être à la hauteur parce qu'il y a eu une volonté politique forte et constante. La réussite, en matière d'équipement au cours des cinq dernières années, est due à cette volonté politique forte et constante qui a permis d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.
Cette volonté s'est exprimée dans le financement sécurisé croissant des OPEX ; elle s'est aussi traduite par la réactivité : chacun se rappelle la crise qui a nécessité, notamment, le plan de relance. La crise aurait pu compromettre cet effort, mais cela n'a pas été le cas. Puis, il y a les recettes exceptionnelles, qui ont parfois fait rire certains de nos collègues ; en l'absence de recettes exceptionnelles, les autorisations de consommer les crédits de report ont permis de pallier le manque, et donc de tenir politiquement les objectifs que nous nous étions assignés.
Tous les efforts de ces dernières années ont contribué à crédibiliser notre effort de défense et sont, notamment, à l'origine de nos récents succès en Libye.
Ce qui a constitué la troisième vague d'équipement de nos armées après la Seconde guerre mondiale est en passe de réussir et d'être un véritable succès. Toutefois, j'apporterai deux nuances, déjà évoquées par Jean-Claude Viollet : les drones et les ravitailleurs.
Après le succès que je viens de souligner, j'insisterai sur l'importance des semaines et des mois à venir. À court terme, je n'ai pas d'observation particulière à faire sur l'effort de solidarité, à hauteur de 267 millions, qui est demandé au ministère de la défense. Je ne pense pas que cela pose un problème majeur et, dans le contexte budgétaire que nous connaissons, il est tout à fait normal que la défense ne soit pas exemptée.
En revanche, je voudrais souligner l'importance extrême du remboursement rapide et intégral des OPEX. C'est un enjeu décisif, puisque nous en sommes à plus de 600 millions d'euros. Pour la préparation et l'emploi des forces, ce n'est pas accessoire. S'il y avait une difficulté en la matière, tout ce que j'ai dit précédemment se trouverait fragilisé, et ce serait vraiment dommage.
À plus long terme, l'horizon 2013-2014 est un peu plus compliqué. Selon que l'on est plus ou moins diplomate, on peut utiliser différentes expressions. Pour être compris de tous, je dirai que ce qui ressemble un peu à une bosse budgétaire est en train de se reformer. C'est tout à fait normal, nous sommes dans une phase de production exceptionnelle et très intense. Cela va se préciser dans les deux années à venir. Il faudra, bien sûr, maintenir cet effort. Parallèlement, nous devrons veiller à préserver les compétences et à faire travailler les bureaux d'études. Nous devrons donc poursuivre notre effort pour sortir tout ce qui a été prévu. Puis, au nom de la production immédiate, indispensable, il faudra ne pas compromettre les études, l'avenir, et préparer les équipements de demain. Nous aurons donc deux difficultés à gérer à la fois et il nous faut y être attentifs dès aujourd'hui.
Tout cela implique sans doute de redéfinir en profondeur la stratégie que nous voulons pour nos équipements et pour notre défense. Je ne crois pas qu'il y ait une seule possibilité : certains estiment que l'externalisation serait la solution, d'autres pensent à tel ou tel remède miracle. À mon avis, il faudra regarder dans toutes les directions, y compris vers l'externalisation, mais pas uniquement. Il va falloir être très pragmatique. Notre stratégie devra combiner plusieurs objectifs. Nous devons encore réfléchir en matière de mutualisation. Un approfondissement franco-britannique est absolument nécessaire ; un approfondissement franco-allemand est évidemment indispensable dans beaucoup de domaines, mais en matière de défense, cela reste assez virtuel. Donc, je pense que le franco-britannique est ce qui permet d'avancer concrètement. Il faut essayer de l'exploiter au maximum.
Nous devons aussi réfléchir à une meilleure intégration de la DGA dans la politique industrielle globale de l'État. Il faut redéfinir les connexions entre notre stratégie industrielle globale et notre stratégie industrielle de défense. Par conséquent, nous devrons veiller à procéder à des restructurations industrielles au niveau national et européen.
Pour conclure, j'appelle votre attention sur le nucléaire. Le contexte budgétaire et politique nous conduira probablement à nous poser, dans les mois qui viennent, des questions sur le nucléaire.
Il faudra, tant dans le civil que dans le militaire, refonder le nucléaire. Les uns seront tentés de tout mettre de côté, les autres d'en prendre un bout et d'en retirer un autre. En procédant ainsi, nous ne ferons pas d'économies. Je suis partisan de maintenir la double composante, mais de la refondre et de ne pas se priver de la réflexion, y compris sur les vecteurs de cette double composante.
Si ce débat n'est pas engagé sereinement et sur des bases de réflexion intelligentes, nous risquons de faire des choix rapides et irrationnels. Je terminerai d'ailleurs sur ce point, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de la défense : les mois à venir doivent permettre de travailler sereinement pour éclairer les grands choix auxquels nous sommes confrontés en matière d'équipement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)