Le programme FELIN et les bâtiments de projection et de commandement exportés vers la Russie sont aussi d'excellentes vitrines de nos industries d'armement.
Au titre des regrets, je me dois de citer le montant trop faible des sommes allouées à la recherche et au développement : diminution de 20 millions d'euros des crédits de recherche amont. Le rapport de force stratégique se situe aussi dans la course aux technologies du futur.
Mais le principal reproche que je fais à votre politique est le trop lent retrait de nos forces d'Afghanistan. Vous savez comme moi que ce ne sont pas les forces de l'OTAN qui ont abattu Al-Qaida, que notre mission là-bas est terminée, que la situation dans trois ans ne sera pas meilleure qu'aujourd'hui, que les Afghans veulent construire leur avenir eux-mêmes, que ces coûts financiers – un demi-milliard d'euros au minimum par an – sont aujourd'hui supportés en pure perte.
En revanche, l'intervention en Libye a été un succès politique et militaire.
Un succès politique, parce que la coalition n'a pas déployé de troupes au sol, qu'elle a puissamment et je dirai intelligemment aidé le peuple libyen sans jamais se placer, contrairement à ce qui s'est produit en Irak et en Afghanistan, dans la posture de troupe d'occupation. Elle a appliqué les principes de la guerre asymétrique.
Je crois que l'on peut dire que l'on a changé d'époque. L'Afghanistan et l'Irak sont des guerres du passé, des guerres du xxe siècle dans la lignée du Vietnam ou de l'Afghanistan version soviétique. Un peuple sur son propre sol a toujours la légitimité du combat. Tôt ou tard, celui qui vient d'ailleurs s'épuise.
Un succès militaire, car il n'y a pas eu de perte, pas d'attrition d'appareils, pas de dommages collatéraux, en revanche une grande adaptation des moyens aux objectifs, un renseignement humain compétent. Certes les ravitailleurs américains, leurs armes anti-défense anti-aérienne, leur renseignement en temps réel ont joué un grand rôle, mais cela ne doit en rien minimiser la qualité de nos matériels, de nos hommes et du commandement. La représentation nationale doit leur rendre hommage.
De terribles massacres ont été évités et un peuple peut prendre son destin en main. Que les Libyens organisent leur société comme ils le souhaitent ! La Libye d'aujourd'hui n'est ni l'Afghanistan du xxe siècle ni l'Iran des années 80. Il a fallu à la France près d'un siècle, trois restaurations, deux empires et quelques carnages pour passer de la Révolution à la République. Que les esprits chagrins fassent un peu plus confiance à la modernité !
Ce succès ne doit en aucun cas faire baisser notre vigilance. Dans chaque OPEX, même africaine, ce sont des matériels très performants qui ont été engagés et en grand nombre. Nos concitoyens doivent faire l'étrange constat que pendant la guerre froide nos armées avaient peu d'activités et que depuis elles n'ont jamais autant de travail. Ce monde nouveau est instable et imprévisible ; nos dépenses de défense sont plus utiles que jamais.
Il n'est cependant pas possible d'évoquer l'histoire du conflit libyen sans parler du fiasco absolu de la politique européenne de sécurité et de défense. L'Europe Arlésienne politique parce qu'Arlésienne budgétaire ou plutôt Arlésienne budgétaire parce qu'Arlésienne politique ? La vérité s'impose. Si, en matière économique, il y a, et avec combien de difficultés, un couple franco-allemand, en matière stratégique c'est le couple franco-britannique qui s'impose durablement. Quelle Europe construirions-nous si celle-ci acceptait à ses frontières des massacres de populations civiles ?
Ce conflit a été une épreuve de vérité. Nous n'avons pas fini d'en tirer les leçons politiques et militaires.
Monsieur le ministre, si l'Europe de la défense a été inexistante sur le plan stratégique, elle ne se porte pas mieux sur le plan industriel. La création du groupe EADS a bientôt quinze ans ; depuis rien. L'Agence européenne de défense est morte, les coopérations structurées ne verront jamais le jour.
Un simple commentaire sur la proposition de nos amis américains de parapluie antimissile. Les petits pays se sont rués sur cette proposition, pensant acheter une sécurité assurée par d'autres. J'espère pour eux que l'histoire ne les décevra pas.
Pour ce qui nous concerne, je ne vois pas comment nous pourrions dépenser de l'argent pour un système techniquement inopérant, répondant à une menace virtuelle, décrédibilisant notre dissuasion, absorbant nos crédits de recherche. Ce concept obsolète au service d'industries lointaines serait en fait un signal de démission collective.
Je me réjouis de la bonne santé de nos services de renseignement et des décisions positives qui ont été prises dans le cadre de la cybersécurité. Avec la dissuasion nucléaire, le poids stratégique des nations du xxie siècle se mesurera à la capacité de renseignement. Il y aura ceux qui sauront et ceux qui attendront les informations. La véritable ligne de partage politique du futur passera par là.
En conclusion, et après avoir considéré l'état des systèmes de défense de nombreux pays, je veux dire ma conviction que la défense française a un excellent taux coût-performances. Nous avons une dissuasion crédible et indépendante, un système satellitaire de renseignement, des capacités de projection modernes, des équipements de dernière génération, des hommes motivés ayant le sens de la nation. Nous fabriquons l'essentiel de nos armements et disposons d'une force politique majeure : un consensus de défense qu'à ma modeste place j'ai l'honneur de servir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et UMP.)