Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes amenés à examiner le dernier budget de la défense de cette législature. Je le qualifierai d'emblée de réaliste, sincère et cohérent, dans un contexte économique et financier que nous savons très contraint.
Ce budget vise à donner à la France les moyens de garantir – encore – sa souveraineté, tout en défendant ses valeurs et en protégeant les Français.
Ce budget est surtout la marque d'une cohérence. Qu'il me soit permis de le rappeler : depuis 2007, nous avons adopté un Livre blanc adapté à un environnement géopolitique changeant, incertain, et nous avons donné à notre armée les moyens nécessaires pour que la France puisse prendre toutes ses responsabilités sur la scène internationale, comme on a pu le voir en Afghanistan, en Côte d'Ivoire ou, plus récemment, en Libye. Nous avons maintenu la priorité aux crédits d'équipement, tout en préparant l'avenir et en améliorant la condition du personnel, grâce au volet défense de la révision générale des politiques publiques, considéré comme exemplaire.
Nous avons porté la voix de la France en Europe et dans le monde. Nous avons développé la crédibilité de la France au sein de l'Alliance atlantique. Je note au passage que bien des voix discordantes s'étaient opposées à la volonté du Président de la République. Il me semble aujourd'hui qu'elles ont eu tort. Je le dis d'autant plus volontiers que j'étais plutôt modéré dans cette affaire.
La voix de la France, nous l'avons portée en permettant de rendre notre vision de la construction européenne en matière de défense plus crédible, en consolidant les capacités des Européens au plan opérationnel et en mettant en place des accords stratégiques ou des traités novateurs.
De plus, nous avons rénové la journée d'appel de préparation à la défense, devenue la journée Défense et citoyenneté, mis en place un service civique innovant et amélioré la reconnaissance due aux militaires engagés dans les opérations extérieures.
Enfin, nous avons développé notre industrie de défense, garantie d'indépendance et moteur de la croissance, en définissant une stratégie industrielle qui vise à identifier et à soutenir des secteurs stratégiques, en développant l'investissement grâce au plan de relance ; nous avons fait du soutien aux PME une priorité et amélioré la capacité d'exportation de nos industries.
Oui, nous demandons à nos concitoyens un effort important pour la défense, mais la France ne peut pas se contenter d'une vision strictement comptable de son avenir.
Nos armées ont déjà accompli des sacrifices de grande ampleur, monsieur le ministre : depuis 2009, elles ont procédé à la dissolution de cinquante-trois organismes majeurs, au transfert de vingt-cinq grands organismes et supprimé 30 000 postes sur les 54 000 réclamés à la défense – hors externalisation.
Ce qui est remarquable, c'est que, dans le même temps, le contrat opérationnel a toujours été tenu sans rupture du soutien. Qu'il me soit permis de souligner qu'aucune institution en France ne s'est autant réformée en si peu de temps, avec autant de remise en question, et ceci, tout en engageant en permanence et en moyenne 12 000 hommes sur sept théâtres différents.
Cette réussite, nous la devons au sens du devoir et de la responsabilité qui anime tous nos militaires, du plus humble au plus important.
Ce budget ne doit pas nous faire oublier que la défense contribue à l'effort de redressement défini par la loi de programmation des finances publiques, qui impose une nouvelle trajectoire financière, un peu en retrait par rapport à celle prévue par la LPM. Elle a déjà astreint nos armées à une difficile réduction de leurs crédits de fonctionnement courant, rendant d'ailleurs plus délicate la mise en place des bases de défense. Je sais, monsieur le ministre, que vous vous appliquez à les visiter.
Aujourd'hui, la défense contribue largement à l'effort d'économie défini par le Premier ministre, à hauteur de 167 millions d'euros, dont vous avez eu l'amabilité de détailler hier soir la répartition devant la commission de la défense. Nous avons appris également – désagréable surprise ! – qu'un nouvel effort de 100 millions d'euros était demandé à la défense, ce qui porte la restriction à 267 millions d'euros.
Du haut de cette tribune, qu'il me soit permis d'affirmer que les parlementaires comprennent le sens de cet effort. Mais tous considèrent que cela ne doit évidemment pas affecter le contrat opérationnel de nos armées. Nous avons tous conscience que l'on ne peut aller plus loin par rapport aux sacrifices déjà consentis.
Dans cette optique, j'attends avec impatience de découvrir le travail d'actualisation en cours du Livre blanc, qui pourrait aboutir à redéfinir le contrat opérationnel des forces en fonction des missions qui leur seront conférées.
La situation actuelle de nos armées reste tendue, car elles sont confrontées à la nécessité de financer des besoins non programmés, qu'il s'agisse des achats en procédure d'urgence opérationnelle, des engagements internationaux – notamment aux Émirats arabes unis –, des surcoûts de transition liés à la transformation des armées ou de la prise en compte des menaces cybernétiques. L'impact de la crise a aussi un effet inattendu sur le budget de la défense, l'indemnisation du chômage des militaires reconvertis ayant augmenté de plus de 30 %. Enfin, la défense a pris sa part dans le financement de la pénalité due à la suite de la décision prise dans le cadre de la vente des frégates de Taïwan.
Nos armées seront exposées à court terme à d'autres dépenses non prévues dans la loi de programmation militaire. En effet, suite à l'opération Harmattan, il faudra recompléter les stocks de munitions et avancer des opérations de maintenance. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner quelques indications sur ce que les armées devront dépenser à ce titre ?
Nos rapporteurs ont, depuis le début de la législature, fourni un travail remarquable pour nous éclairer sur le budget de la défense. Je tiens à les en remercier et à rendre hommage à leur engagement au service de notre défense. Cette année, ils ont démontré que, si le projet de budget était cohérent, des lacunes et des risques persistaient. Vous serait-il possible de nous apporter les éléments nécessaires pour nous rassurer ?
Nos armées viennent de démontrer leur grande capacité à honorer leur contrat opérationnel, notamment en Libye, M. Boucheron l'a rappelé, et en Côte d'Ivoire, comme elles le font tous les jours encore en Afghanistan. Je n'oublie pas que ces succès sont d'abord dus à nos militaires, mais également aux civils de la défense, qui s'engagent à son service avec beaucoup d'ardeur, et à notre industrie, qui a mis toutes ses compétences et sa capacité d'innovation au service de nos armées.
Je veux rendre hommage au Président de la République et au Gouvernement qui, depuis près de cinq ans, ont eu suffisamment de courage pour maintenir un effort de défense important en dépit de la crise qui sévit. Ils n'ont pas cédé à la tentation de la démagogie et, ce faisant, ont permis à la France de conserver son rang sur la scène internationale.
Pour les cinq années à venir, il me semble essentiel de garantir notre indépendance stratégique en maintenant la défense comme priorité budgétaire en dépit de la crise, notamment en mettant l'accent sur les crédits de recherche, comme cela a été excellemment expliqué par Yves Fromion. Il nous faudra stabiliser le modèle des ressources humaines de notre armée en renforçant les mesures de fidélisation et en améliorant le soutien aux familles des militaires. Nous devrons consolider les mesures de réforme, y compris en ce qui concerne le nouveau siège du ministère de la défense à Balard. Par ailleurs, il nous faudra faire progresser l'Europe de la défense en encourageant les coopérations entre les États les plus volontaristes et en proposant l'adoption d'un Livre blanc européen de la sécurité et de la défense, première étape de la définition d'une véritable stratégie européenne.
Enfin, il me paraît tout aussi essentiel de définir une stratégie industrielle au-delà du périmètre de la défense, de créer un fonds d'investissement pour les industries de souveraineté et de renforcer le tissu des PME de défense par l'innovation. Il nous faudra également trouver le moyen de mettre en place une forme de préférence européenne, afin de préserver nos industries lorsque les conditions de la concurrence ne sont pas ou ne sont plus équilibrées.
En conclusion, qu'il me soit permis d'insister sur le fait que, pour la défense des valeurs et de l'identité de la France, le budget de la défense ne peut constituer une variable d'ajustement. Ce gouvernement et cette majorité ont su maintenir l'effort de défense.