Il n'est sans doute pas utile, monsieur le ministre, mes chers collègues, de décrire ligne à ligne le budget consacré au soutien et à la logistique interarmées. J'évoquerai simplement les aspects les plus sensibles.
Le premier point concerne la politique immobilière. Le ministère s'est lancé dans un projet d'envergure visant à regrouper les sites franciliens à Balard. Ce projet avance et les emprises libérées devraient pouvoir être vendues pour contribuer aux fameuses ressources exceptionnelles. Cependant, tout ne s'est pas déroulé comme le Gouvernement l'escomptait en 2009 : le ministère a obtenu moins de 500 millions de recettes cumulées, alors qu'un montant de 700 millions d'euros était inscrit en loi de finances initiale. Encore faut-il préciser que ce montant de 500 millions inclut une recette facile, à savoir l'anticipation de dix années de loyers versée par la Société nationale immobilière.
En 2011, le montant des cessions doit atteindre entre 110 et 180 millions d'euros. Celui attendu en 2012 est de 163 millions d'euros.
Les recettes immobilières exceptionnelles n'ont donc pas été au rendez-vous et seront loin de l'être au niveau promis en 2009. Or les bonnes nouvelles liées à la vente des fréquences hertziennes ne viendront pas compenser ce manque à gagner. Cette situation est préoccupante, car les ressources immobilières sont censées financer d'importants projets d'infrastructures pour les armées ; je pense en particulier à l'accueil de l'A400M et à celui des hélicoptères de nouvelle génération, autant de projets pour lesquels de grandes masses d'autorisations d'engagement ont été votées et qu'il faudra bien financer. À deux ans de la fin de la programmation, il risque donc de se constituer une bosse de crédits de paiement dans le domaine des infrastructures.
Le projet de Balard suit son cours. Pour ma part, je suis inquiet quant à la capacité réelle du ministère à réaliser des économies dans le cadre de ce projet. Tout d'abord, il se fonde sur des hypothèses très optimistes. Les économies sont en effet évaluées à partir de comparaisons de périmètres difficiles à saisir. Comment faire des comparaisons sans savoir ce qui se passait auparavant ? Cela semble quelque peu difficile. Je crois aussi qu'il faut combattre l'illusion selon laquelle le partenariat public-privé fera gagner de l'argent à l'État. Les PPP de la gendarmerie devraient nous inciter à beaucoup de prudence.
Les systèmes d'information et de communication constituent un autre grand chantier. La mise en place du logiciel Chorus s'est révélée difficile en 2010 et en 2011. J'estime le surcoût à 63 millions d'euros pour la période 2009-2010, celui pour 2011 restant à évaluer. Je pense qu'il devrait faire l'objet d'une prise en charge interministérielle, au moins partielle, le ministère ayant joué un rôle pionnier dans sa mise en oeuvre.
Le programme 212 comporte également les crédits d'accompagnement des restructurations. Ceux liés au nouveau plan de stationnement ont été sous-consommés, et moins de la moitié des crédits de paiement prévus pour l'année 2010 ont été consommés. Une configuration similaire semble se dessiner pour 2011. Le retard cumulé des programmes pourrait faire peser une lourde charge sur la fin de programmation ou conduire à des annulations de crédits. Les annonces récentes sur la baisse des crédits du programme 212 sont d'ailleurs étroitement liées à cette question.
S'agissant du rapprochement interarmées, si la carte des bases de défense paraît aujourd'hui plus cohérente, nous ne disposons toujours pas d'évaluations précises des gains attendus et encore moins de ceux réalisés. Compter le nombre d'équivalents temps plein est une chose, parvenir à calculer le montant global des économies réalisées est plus compliqué.
Parmi les éléments positifs qu'il faut relever, la mise en place des structures interarmées que sont le service interarmées des munitions et le service du commissariat aux armées semble bien se dérouler.
En matière d'externalisations, soyons extrêmement prudents, et évitons le « tout ou rien ». Optons par exemple pour des régies optimisées ou encore des approches partenariales souples.
Disons deux mots du service de santé des armées pour souligner la mise en place d'un plan d'économies sur le coût de fonctionnement des hôpitaux d'instruction des armées, qui fait suite aux préconisations de la Cour des comptes.
L'enveloppe attribuée au service de santé des armées a diminué de 12,2 millions d'euros du fait de l'entrée en vigueur de nouvelles modalités de calcul du financement des missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation du secteur hospitalier militaire. Employées pour arrêter le montant de cette dotation qui relève du cadre général de la santé, elles ne sont pas du tout adaptées au service hospitalier militaire.
Le service des essences des armées, le SEA, poursuit également sa modernisation, dans le cadre du plan SEA 2014, qui prévoit le resserrement de son dispositif territorial. Il a entrepris la militarisation de ses effectifs afin de gagner en capacité de projection, et il semble que l'efficacité soit au rendez-vous.
Je ne reviens pas sur les opérations extérieures, sinon pour souligner que la provision de 630 millions d'euros pour l'exercice 2011 ne devrait couvrir que la moitié du surcoût. Celui-ci est effectivement estimé, au total, à près de 1,2 milliard d'euros. Précisons en outre que le retrait de nos troupes d'Afghanistan, qui se profile, ne diminuera pas considérablement l'empreinte logistique du déploiement.
Je souhaite conclure en évoquant les missions intérieures. Elles ne font pas l'objet d'une prise en charge interministérielle, sinon pour quelques crédits anecdotiques d'un montant total de 360 000 euros. Y figurent pourtant des missions essentielles pour la sécurité du territoire national, tels le plan Vigipirate, la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane, la recherche et la sauvegarde maritimes. Y figurent également des missions ponctuelles, comme, en 2010, les missions d'assistance aux populations à la suite de cyclones outre-mer, la recherche des débris du vol AF 447 ou encore la sécurisation de sommets internationaux. Il s'agit là de missions importantes, que nos concitoyens considèrent comme naturelles, mais je ne suis pas sûr que l'État prenne, du moins sur le plan financier, la mesure de l'implication de l'armée dans ces opérations.
Malgré toutes les interrogations qui marquent cette année encore le projet de budget, la commission a donné un avis favorable aux crédits que je viens d'évoquer. Pour ma part, beaucoup plus dubitatif que le reste de la commission, je m'en remets prudemment à la sagesse de l'Assemblée.