Au fond, d'une réduction à l'autre, d'un choix contraint – voire d'un non-choix – à l'autre, tout se passe comme si la défense, en France, allait devenir une variable d'ajustement.
Je veux alerter contre cette façon de considérer la défense de notre nation, parfois au détriment de nos armées. Certes, j'entends le discours qui s'appuie sur une réalité : l'effacement des pouvoirs durs face à une diplomatie d'influence ; la puissance des blocs qui cède face à un monde multipolaire ; le fort qui ne peut plus imposer dans un monde d'interdépendance.
Ce discours, les radicaux, qui comptent Léon Bourgeois dans leurs grands ancêtres – l'inventeur de l'interdépendance –, peuvent naturellement le comprendre. Mais il ne peut pas servir de base à un rognage, année après année, de notre appareil de défense. Celui-ci doit plutôt se renforcer, premièrement pour pouvoir affronter cette interdépendance dont chacun sait qu'elle est une source d'insécurité, deuxièmement pour être en état de construire et de peser dans la défense européenne que nous aurons tôt ou tard à bâtir.
Un mot à ce sujet. Depuis 2002 – deux ans après Saint-Malo –, cet horizon européen que j'ai, avec d'autres, inlassablement rappelé à cette tribune, a souvent été considéré avec une certaine ironie, refusé par passéisme ou par posture, voire par mimétisme proaméricain.
La proposition des radicaux, évoquant dans les mêmes termes le fédéralisme européen ou un gouvernement économique européen, fut accueillie par les mêmes railleries. J'observe qu'elle est désormais devenue un horizon stable, défendu par une grande majorité de la classe politique.
La défense européenne suivra le même chemin, mais quelle crise faudra-t-il et de quelle ampleur faudra-t-il qu'elle soit pour que nous en prenions collectivement conscience, monsieur le ministre ?
Dans cet outil de défense et de sécurité, un élément est déterminant : l'industrie. Dans les années 2000, notre appareil industriel a été reformaté, néologisme pour dire qu'en réalité on l'a détruit pour partie. Chez moi, dans l'Allier, on a ainsi fermé Manurhin, au motif que l'on pouvait se fournir sur étagères, au Royaume-Uni, au Brésil ou en Israël.
À présent, que fait-on ? On cherche de nouveau des participations dans ces secteurs, on essaie de retrouver ces fabrications. Bref, on va bientôt chercher à refaire ce qui a été piétiné il y a dix ans.
Entre-temps, on a mis à la retraite des employés de 40 ans ou 50 ans qui étaient à la tête de fabrications ayant affiché pendant près de quarante ans des taux de service de 100 %, ce qui ne se voit plus actuellement. Il est encore temps de faire marche arrière, mais il faut aller beaucoup plus vite que les atermoiements industriels qui transpirent de votre budget de crise.
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, à ce moment de notre discussion, les radicaux ne pourront pas voter pour votre budget qui n'est pas – n'y voyez rien de personnel – un budget à la hauteur des enjeux actuels.