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Intervention de Alain Rousset

Réunion du 9 novembre 2011 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2012 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Rousset :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, chers collègues, je souhaite vous dire quelques mots à propos de l'impact de ce budget sur notre industrie de la défense.

Pour ce qui concerne les commandes de la DGA à l'industrie, ce PLF met en ligne les crédits d'équipement des forces et les crédits d'études amont avec la loi de programmation militaire.

Je voudrais m'attarder sur la question des études amont, notamment sur leur rôle dans la politique industrielle de la France. Le budget des études amont voit le montant de ses autorisations d'engagement augmenter à 732 millions, mais les crédits de paiement baissent à 633 millions. Si l'on étudie la séquence entre 2005 et 2012, on s'aperçoit qu'en crédits de paiement 500 millions d'euros ont été perdus. Quels arbitrages ont été faits ? Créer une telle bosse entraînera inévitablement des annulations de crédits le moment venu. Le Gouvernement a-t-il une stratégie à ce sujet, ou bien allons-nous vers une nouvelle improvisation ?

Les études amont ont besoin de tout sauf d'improvisation. Ces crédits sont indispensables au développement et au maintien, sur le long terme, de nos capacités technologiques et militaires ; ils ont un effet dual important sur l'ensemble du potentiel industriel. Faut-il rappeler que la DGA est le dernier instrument de politique industriel de notre État ?

Cela confirme ce que chacun sait : le montant des études amont est insuffisant pour soutenir l'ensemble de nos secteurs industriels encore compétitifs au plan international, ce qui entraînera à terme des pertes de compétences irréversibles. On le sait, une part importante des études amont, 40 %, est sanctuarisée vers le nucléaire et vers le soutien aux bureaux d'études des industriels du Rafale, compte tenu de l'absence de contrats à l'export malgré les triomphes plusieurs fois annoncés par le Président de la République. Cela conduit inévitablement à sacrifier d'autres domaines, comme le souligne mon collègue Yves Fromion dans l'avis présenté au nom de la commission de la défense. Les crédits consacrés au spatial ont chuté de 80 % entre 2009 et 2012, contrairement aux recommandations du Livre blanc. Or chacun sait le rôle de l'accès à l'espace pour le développement de notre technologie.

Pendant ce temps, les perspectives de contrats à l'export comportent des conditions de transferts de technologies de plus en plus sévères, comme le démontrent les exemples de la Russie, ou la vente de Rafale au Brésil. La faiblesse de notre investissement en recherche et R et D met à mal notre avantage technologique indispensable pour permettre à notre industrie de rester compétitive face à l'émergence de concurrents, à moyen ou long terme.

Un certain nombre de questions se posent, auxquelles nous n'avons pas de réponses pour le moment, et nous devrions peut-être en débattre au sein de notre commission.

Premièrement : la France est devenue le premier acquéreur de l'A 400 M ; quel retour aurons-nous sur le plan de la maintenance ? Nous savons qu'un emploi de construction vaut, pendant la vie de l'appareil, deux emplois.

Quels projets industriels pour les entreprises comme Thalès, Safran – on entend parler de restructuration –, Dassault ? Il faudra bien que nous ayons, à cette échelle, des projets industriels cohérents. Il ne me semble pas que le ministère de la défense ait la capacité de payer deux fois la même étude amont dans des groupes différents.

Les grands groupes sont-ils suffisamment attentifs à ce que les aides que l'État leur attribue – pour la construction de l'A 400 M, pour le Rafale – soient bien redescendues auprès des PME ? Il en va de même pour le crédit d'impôt recherche. Apprendre que les crédits d'impôt recherche sont dispersés un peu partout alors qu'ils ne sont pas diffusés jusqu'à nos propres entreprises est un vrai problème, même si l'Europe ne veut pas, s'agissant du crédit d'impôt recherche, jouer la défense ou assurer la conditionnalité. Comme d'autres l'ont dit à cette tribune, je pense qu'il faut éviter toute naïveté.

Est-ce que l'intervention en Libye peut nous éclairer sur le coût d'intervention d'un porte-avions ou de bases terrestres du point de vue opérationnel ? Je vois que cette question fait très plaisir à l'un de mes collègues.

Ces questions se posent alors que nous observons que l'Allemagne est en train de structurer une industrie de la défense forte et dynamique ; et que l'Italie structure également une industrie de la défense sur le plan spatial. Il faut impérativement remettre à plat le Livre blanc et la stratégie industrielle, tant ces décisions sont importantes pour l'industrie duale et pour chacun de nos territoires.

Enfin, un dernier mot qui n'a rien à voir, monsieur le ministre, avec les aspects industriels. J'ai déposé sur le bureau de l'Assemblée, il y a plus d'un an et demi, une proposition de loi pour la décristallisation des pensions des anciens combattants d'Afrique. Les tribunaux, la culture, les films sont intervenus à ce sujet. Je pense qu'il est temps, pour l'honneur de la France, pour une nouvelle relation entre la France et l'Afrique, d'engager la décristallisation des pensions. Attendre le dernier combattant vivant serait un parjure de notre part. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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