Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui a trouvé sa traduction législative dans la dernière loi de programmation militaire, a validé une stratégie consistant à redéployer, au profit de l'équipement de nos forces et par le biais d'une forte mutualisation, les économies dégagées par la réforme du ministère de la défense, qui s'est déjà traduite par la suppression de 30 000 postes tout en renforçant l'opérationnel.
Si nos forces armées ont pu démontrer toutes leurs capacités dernièrement en Libye et sur les autres théâtres d'opérations, c'est certes grâce à la qualité de nos équipements. Nos collègues rapporteurs ont parfaitement présenté l'effort maintenu dans ce domaine : 16,5 milliards d'euros y seront consacrés l'an prochain.
Mais derrière les matériels, il y a aussi et surtout des hommes et des femmes, car « il n'est de richesses que d'hommes », comme le disait le penseur Jean Bodin au XVIe siècle. C'est eux que je souhaite évoquer aujourd'hui, pour la discussion de ce dernier budget de la législature.
La fin de la conscription et la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques ont conduit le ministère de la défense à connaître, plus qu'aucune autre administration, d'importantes réductions d'effectifs et une profonde réorganisation.
Les personnels, tant civils que militaires, en ont bénéficié puisque 50 % des économies engendrées ont été consacrées à la condition du personnel. Cet effort sera poursuivi l'an prochain : 90 millions d'euros sont prévus à cet effet.
Le nouveau format des armées a rendu nécessaire une gestion plus fine des ressources humaines, tant en termes de recrutement que de fidélisation ou d'aide à la reconversion.
Quelque 22 000 recrutements sont prévus en 2012. Le nombre de candidats se maintient, voire augmente, témoignant de l'attractivité des emplois et des carrières militaires. Pour autant, tous les besoins pourront-ils être pourvus ?
Le dernier rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire a pointé des « difficultés persistantes de fidélisation » des effectifs. Je pense en particulier aux améliorations qu'il serait possible d'apporter au statut du militaire, notamment en opérations, et à la réserve opérationnelle.
Enfin, le maintien d'une pyramide fonctionnelle jeune suppose aussi des mesures efficaces d'encouragement des départs. Quel bilan peut-on tirer des dispositifs existants, monsieur le ministre ? Que peut-on faire pour les améliorer ?
Si, cette année encore, nos soldats ont fait preuve d'un professionnalisme qui témoigne de la qualité de leur formation et de leur entraînement, je souhaiterais attirer l'attention sur les propos tenus par le général Ract-Madoux, chef d'état-major de l'armée de terre, lors de son audition par la commission de la défense.
Compte tenu de l'allégement des opérations extérieures l'an prochain, il a souligné que la diminution du nombre de jours d'activité opérationnelle sur les théâtres devrait être compensée par un entraînement plus soutenu. Or il a relevé que le budget 2012 traduisait une diminution du nombre de jours de préparation et d'activités opérationnelles avec 111 jours seulement, contre 120 jours en 2010.
La question se pose aussi pour l'armée de l'air et la marine. Quelles mesures entendez-vous prendre, monsieur le ministre, pour permettre à nos troupes de conserver leur savoir-faire et de demeurer immédiatement opérationnelles ?
Si l'opération Harmattan s'est heureusement conclue sans aucune perte humaine, soixante-quinze de nos soldats sont tombés en Afghanistan depuis 2001, et, cette année, 588 militaires ont été blessés en service.
C'est pourquoi il faut se réjouir que la protection des combattants demeure une priorité. Je pense en particulier à la livraison du programme FÉLIN, dont le premier déploiement opérationnel va avoir lieu en Afghanistan d'ici à la fin de cette année. Il témoigne de l'excellence du tissu industriel français en matière de protection.
Peut-être serait-il d'ailleurs pertinent de promouvoir cette filière grâce à l'élaboration d'une norme française sur l'évaluation des équipements de protection ? Cette réussite est l'un des symboles d'une recherche et développement qu'il faut absolument maintenir à un haut niveau d'engagement financier, comme l'affirmait notre rapporteur Yves Fromion tout à l'heure.
La prise en charge des blessés fait l'objet d'un travail remarquable des personnels du service de santé des armées, tant sur les théâtres d'opérations que dans les hôpitaux militaires, et je souhaitais naturellement leur rendre hommage.
L'accompagnement des blessés ne se limite pas aux soins médicaux immédiats. Il comprend aussi un volet humain – soutien moral du blessé et de sa famille – et social : assistance matérielle, aide à la réinsertion ou à la reconversion. Le dernier rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire a jugé le dispositif existant « complet et de très bon niveau », tout en estimant qu'il comporte néanmoins quelques lacunes. Quelles dispositions entendez-vous prendre pour les combler, monsieur le ministre ?
Au-delà des aspects matériels, je voudrais, à l'instar de Jean-Louis Bernard, évoquer la reconnaissance que ces blessés attendent de la communauté nationale.
Quant aux soldats morts pour la France sur les théâtres d'opérations extérieures, je me réjouis que la nation leur rende l'hommage qui leur est dû, tant à l'occasion du 11 novembre, désormais, que par l'intermédiaire du futur monument à la mémoire des militaires français tués lors d'opérations extérieures – hors la Corée, hélas, monsieur le ministre.
Les différents thèmes que j'ai abordés dépassent a priori le cadre de ce budget, mais je crois que le renforcement, sinon la refondation du lien entre l'armée et la nation, doit être un sujet majeur pour les années à venir. Notre défense – et ses hommes – a besoin d'être comprise et soutenue par le peuple français et irriguée dans la nation.
À cet effet, je voudrais faire une suggestion : que l'équipe de France de football qui va jouer contre les États-Unis vendredi prochain, 11 novembre, porte le bleuet, comme les Anglais, le même jour, vont porter le coquelicot à Londres.
Pour en revenir au présent budget, son esprit demeure conforme à la loi de programmation militaire que nous avons adoptée en 2009. S'il traduit l'effort commun à toutes les administrations dans le contexte de crise que nous traversons, il est moins affecté que d'autres, ce qui témoigne de la conscience que nos forces armées sont un instrument majeur du rôle de la France dans le monde, et de la confiance dans le courage et le professionnalisme de nos soldats.
C'est donc avec confiance, monsieur le ministre, que je voterai pour ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)