Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Gilbert Le Bris

Réunion du 9 novembre 2011 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2012 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilbert Le Bris :

Même si les objectifs avaient été fixés dès le début par un Livre blanc et, dans la foulée, par une loi de programmation militaire, ce qui a caractérisé toutes ces années est l'important coefficient de dérive financière, avec des perspectives de financement irréalistes.

Alors, pourquoi tant de crédits pour des réorganisations dont certaines ne s'imposaient pas, des infrastructures toujours dispendieuses, alors même que le financement d'équipements indispensables n'est pas suffisamment assuré ?

Nous dressons tous un bilan assez positif des opérations concernant la Libye. C'est un fait que nos militaires ont fait preuve d'un grand professionnalisme durant toute l'opération Harmattan. Cela étant, est-ce que nos armées étaient en surchauffe ? Non, répond le chef d'état-major des armées, tandis que l'ancien chef d'état-major de la marine nous met en garde sur le fait que nous approchons de nos limites opérationnelles dans plusieurs domaines. La vérité est sans doute entre les deux.

C'est vrai que la crédibilité de certains de nos matériels en sort renforcée. Je pense aux Rafale, aux BPC et autres moyens de renseignement image.

Mais il faut aussi regarder en face nos lacunes capacitaires : les drones, le ravitaillement en vol, notre incapacité à transférer en mer un missile SCALP ou un moteur d'avion, car trop lourds pour nos hélicoptères puisque nous n'avons plus le Super Frelon et pas encore le NH 90.

Oh, bien sûr, nos alliés ont eu eux aussi des problèmes. On peut penser aux Britanniques, avec la disponibilité de leurs Tornado ou la qualification des pilotes de Typhoon. Je connais le fameux : « Quand je me compare, je me console ». Mais sans aller jusqu'à se désoler en se considérant, je crois qu'il est plus que temps que des choix soient faits.

L'année dernière, j'étais intervenu pour déplorer qu'en termes de forces de souveraineté, la rupture capacitaire soit déjà là. Je dois donner acte de l'inscription au budget 2012 de trois patrouilleurs multimissions de type supply ship, ainsi que de la commande d'un bâtiment de soutien et d'assistance hauturier. Mais vivement le programme BATSIMAR !

Nous avons tous conscience du caractère contraint de ce budget. Et s'il en était besoin, votre démonstration d'hier, monsieur le ministre, sur la récupération imposée de 167 millions d'euros suffirait à nous en convaincre. Et quand on pense qu'il vous faut supprimer encore 100 millions de plus ! Alors là, il est bien sûr important de débusquer les économies potentielles. Et je ne suis pas sûr qu'il faille en chercher dans des réformes – je ne reviendrai pas sur Balard – qui engendreront plus de coûts que d'améliorations.

Prenons la sous-action 85 du programme 178, consacrée au service du commissariat des armées. Je le dis fermement, la défense fait fausse route dans cette réforme. Du décret du 12 septembre 2008, qui prévoyait une formule souple et acceptable – style économat des armées, qui fonctionne bien depuis des années –, on est passé au décret du 5 octobre 2009, qui, pour la première fois, a ouvert la porte à la création d'une armée d'administrateurs, lourde et coûteuse. Et vous verrez qu'au lieu d'une structure interarmées, qui avait sa logique, on glissera progressivement vers une armée de soutien, qui finira sans doute par ne plus dépendre du CEMA mais du SGA !

Pourquoi ce culte du regroupement, de la massification, alors que, et c'est la Cour des comptes qui l'a dit le 18 février dernier, on ne gagne pas à créer de la complexité par rapport à la situation préexistante ?

Est-il opportun de dépenser notre précieux argent pour confier à un cabinet privé, BearingPoint, une enquête sur la « perception » et les « attentes » de la réforme du commissaire des armées ?

Puisque le principe d'ancrage d'armée, que je défends absolument, a été retenu après quelques hésitations, alors je pense qu'il faut revoir la formation. Pourquoi faire des frais pour permettre l'accueil des reçus au concours du commissariat dans la seule école de Salon ? Une fois l'arme choisie, faites-leur suivre les cours dans chacune des écoles d'officiers qui existent – Coëtquidan, Brest, Salon –, un tronc commun et des cours spéciaux de droit maritime ou aérien, de service à la mer ou de fonctionnement d'une base, de technologies de l'information et de la communication liées à l'arme. Et lorsqu'ils auront ainsi servi, disons, de huit à dix ans dans la proximité du soutien, dont on sait l'importance au moins depuis la guerre de 1870, alors les commissaires d'ancrages différents pourraient se retrouver dans une école interarmées de spécialité qui les préparerait aux hautes fonctions administratives et juridiques.

Ce serait une façon de tenir compte du principe d'ancrage d'armée en optimisant les deux phases de carrière des militaires : la première, à proximité du terrain et du milieu opérationnel ; et la deuxième, plus proche des états-majors et des centres de décision.

Monsieur le ministre, n'adaptez pas à la défense le trop fameux « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué » !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion