La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (nos 1210 rectifié, 1441, 1435).
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 830 à l'article 1er.
Cet amendement vise à ce que, lorsqu'un établissement de santé privé s'engage à assumer des missions de service public, les contrats qui le lient aux médecins libéraux exerçant en son sein puissent être rompus, sans que cette rupture entraîne une quelconque conséquence financière à la charge dudit établissement.
Le Gouvernement entend compléter ce dispositif en précisant que ni l'établissement ni le praticien concerné ne peuvent être lésés. Nous aboutirons donc à une rupture à l'amiable, en quelque sorte, qui n'aura de conséquence ni pour les uns ni pour les autres. C'est un bon équilibre, qui permettra à ces établissements de santé privés de participer aux missions de service public qui leur sont proposées par l'ARS.
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, pour défendre le sous-amendement n° 1560 .
Ce matin, nous avons largement abordé ce débat, au cours duquel un certain nombre d'explications ont déjà été données. À cette occasion, j'ai dit que les difficultés seraient levées par l'amendement que M. Bur vient de défendre. J'y suis donc favorable, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 1560 , qui vise à compléter l'alinéa 47 – une fois amendé – par les mots « ou du praticien ». Voilà qui permettra de préciser qu'aucune des parties, comme l'a dit M. Bur, ne pourra réclamer d'indemnisation financière lorsqu'un contrat d'exercice est rompu par refus d'assumer des missions de service public. Il s'agit donc un sous-amendement de précision et d'équilibre.
La parole est à M. Jean-Marie Rolland, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement et le sous-amendement.
J'ai connu M. Bur plus économe en matière de surcharges ! En l'occurrence, il voudrait le beurre, l'argent du beurre – je m'arrête là.
Je vais vous le dire. Lorsqu'un établissement privé – qui, somme toute, est une entreprise comme une autre – décide d'investir, non pas par philanthropie – personne ne le lui demande, d'ailleurs – dans une mission de service public…
Soit : lorsqu'il investit pour assumer une mission de service public, il lui faut souvent acquérir du matériel et, surtout, solliciter des professionnels de santé. Dès lors que l'établissement en question renonce, pour telle ou telle raison, à assumer cette mission de service public, pourquoi le praticien avec lequel il a contracté, qu'il soit salarié ou libéral…
Le problème ne se pose pas au moment où il y renonce, mais dès qu'il s'y engage !
Il me semble en effet que vous faites une petite confusion.
Pourquoi, dans ce cas, doit-il y avoir absence de rémunération du praticien ? C'est bien cela que dit l'exposé des motifs de l'amendement n° 830 : il s'agit de prévoir que la rupture du contrat qui interviendrait suite au refus d'un médecin d'en renégocier les conditions, ne peut entraîner d'indemnisation. Nous y sommes ! Pourquoi, dès lors que l'entreprise a décidé d'assumer une nouvelle tâche – et c'est son droit – ne pas laisser s'appliquer le droit civil ? Pourquoi faire intervenir la loi dans les ruptures de contrat entre un salarié ou un contractant et l'entreprise ? Laissez donc faire le droit commun ! Pourquoi prévoir une exemption qui protège l'établissement privé ? Je ne comprends pas : le droit commun existe, et régit les contrats.
En l'occurrence, vous allez, d'une façon ou d'une autre, exonérer les établissements de leur responsabilité au regard du contrat qu'ils ont signé avec un praticien. Il n'y a aucune raison d'agir ainsi !
Je comprends l'intérêt que suscite cet amendement mais, dans la pratique, lorsqu'un établissement qui a signé des contrats avec des praticiens a à sa charge de nouvelles missions de service public, lesdits contrats peuvent se trouver modifiés.
Tout le problème, dès lors, est de prévoir ce qui se passera si le praticien ne souhaite pas accepter ces missions, auquel cas le contrat risque d'être rompu : cette rupture est-elle à la charge de l'établissement ou du praticien ?
L'amendement proposé, tel que sous-amendé, semble équilibré, puisqu'il prévoit que ni l'un ni l'autre n'aura à payer. Cela étant, en réalité, il est peu praticable. Les amendements présentés ce matin, plus adaptés, me semblaient mieux répondre au problème. En effet, en pratique, c'est à la jurisprudence qu'il appartiendra de le régler, car le praticien dont le contrat aura été rompu saisira un tribunal pour obtenir une indemnité s'il le juge utile, ce que pourra également faire l'établissement privé dans le cas inverse.
M. Bur est certainement satisfait d'avoir obtenu une rédaction équilibrée de son amendement grâce au sous-amendement du Gouvernement, mais je ne suis pas sûr qu'elle soit viable.
Au contraire, cet équilibre est souhaitable. Vous nous dites, monsieur Le Guen, qu'il faut laisser faire le droit commun. Il est vrai qu'en l'occurrence, une rupture de contrat de travail représenterait, en termes juridiques, un « changement substantiel » qui ouvre au salarié concerné le droit de demander des indemnités de rupture à l'établissement.
Cependant, il va de soi que nous ne sommes pas dans une situation de droit commun : ce que nous voulons, en cas de problème, c'est que des établissements de santé privés remplissent des missions de service public utiles, pour soulager l'action de prise en charge des malades ou de permanence des soins, par exemple – nous en avons longuement parlé ce matin. Si, à chaque fois qu'ils s'engagent à assumer ces missions, ces établissements sont pénalisés, alors nous allons connaître de grandes difficultés.
En effet, ces établissements pourront refuser d'assumer ces missions, alors que leur participation serait bien utile.
Dès lors, pour des questions de santé publique et d'accès aux soins, nous évitons que le médecin soit soumis à une pénalité. À vous entendre, on pourrait imaginer que le médecin soit pénalisé une fois ces missions de service public imposées ! Ce n'est pas le cas ; nous ne voulons pas non plus que l'établissement le soit. Cette position équilibrée est avant tout conforme aux intérêts des malades !
Prolétarisation du corps médical ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous pouvez, comme le dit mon collègue, être sensible à la prolétarisation du corps médical. Nous voulons, quant à nous, permettre aux établissements de santé privés qui décident d'assumer des missions de service public – dont nous avons déjà dit, par ailleurs, qu'ils ont tendance à choisir ces missions à la carte, en retenant celles qui les intéressent et en délaissant celles qui sont trop coûteuses -…
Au nom de quoi devrions-nous accepter dans la loi que des médecins, fussent-ils libéraux, puissent se décharger d'un certain nombre de missions au motif qu'ils exercent dans des établissements privés ?
Puisqu'il s'agit de professions libérales, laissons faire le droit commun : voilà ce que nous disons !
Prenons un exemple – ils ne manquent pas. Imaginons qu'un établissement privé décide, pour telle ou telle raison, d'assumer la permanence des soins. S'il n'est pas déjà situé en zone rurale – le cas existe, mais il est moins fréquent –, il ouvre dans ce cas une antenne, l'équivalent d'un cabinet secondaire, un centre de santé, ou une annexe de l'établissement principal situé à une quarantaine de kilomètres. Il demande alors à ses médecins d'aller y assumer la permanence des soins. Voilà que le médecin refuse : que faire ? Faut-il l'admettre ?
Nous sommes au coeur de la problématique, que nous retrouverons à propos de l'installation des médecins sur les territoires ruraux ou urbains. Ici, il s'agit de l'hôpital public. Sans précision, le droit commun s'applique ; avec votre amendement, la logique de votre texte est renforcée, je le reconnais.
Cette logique consiste à dire que les établissements privés se protègent complètement et décident des missions qu'ils assumeront ou non.
Ainsi, ils obéissent à une logique de l'intérêt maximal. Au contraire, si l'on veut que les établissements privés assument des missions de service public, je pense que nous devons faire en sorte qu'ils les assument jusqu'au bout – sinon, qu'ils n'en assument pas.
Il faut expliquer concrètement de quoi nous parlons. La loi permettra, par exemple, à des établissements privés de créer un centre de santé ou une nouvelle clinique dans un lieu particulièrement isolé. Si, six mois après qu'un médecin a rejoint cette structure, l'établissement décide de participer à la permanence des soins et veut imposer à ce dernier une garde, un soir sur trois, vous voudriez qu'en cas de refus du médecin pour raisons personnelles, qu'on peut juger critiquables, l'établissement puisse se contenter de lui dire : « Dommage ! Votre contrat est rompu, vous n'avez droit à aucune indemnité. » Mais où sommes-nous ? Est-ce parce qu'on est médecin que le droit social ne s'applique pas ?
Lorsqu'un salarié ou un contractant libéral a signé un contrat de travail, son départ, s'il est motivé par la modification substantielle du contrat, doit donner lieu à versement d'indemnités ; un point c'est tout ! Il s'agit d'une donnée de base du droit social. Au nom des intérêts des établissements privés, vous interdisez finalement l'exercice du droit social, et même du droit des contrats. Vous instaurez un absolutisme qui donne tout pouvoir à ces établissements. C'est incroyable !
D'ailleurs, vous parlez des médecins, mais votre logique pourrait aussi s'appliquer aux infirmières ou aux secrétaires.
Mais non !
Vous créez un espace sans aucun droit social. C'est absolument invraisemblable ! Cela part dans tous les sens, et vous êtes vraiment prêts à faire n'importe quoi au bénéfice des établissements privés de santé !
Monsieur Bur, je suis surpris par votre amendement. Certes, il est présenté comme un moyen de maintenir un équilibre : ce serait un jugement de Salomon. Mais, dans le cas qui nous occupe, il faut faire un choix.
Si un établissement de santé privé veut assumer une mission de service public – et je suis, sans aucune ambiguïté, favorable à ce choix –, cela crée, par définition, un préjudice pour le médecin libéral qui a préalablement signé un contrat. Il est impossible de prétendre que la responsabilité de l'établissement en question n'est pas engagée ; cela ne serait pas raisonnable à l'égard des confrères libéraux. J'ai le sentiment de défendre une position à front renversé. En tout cas, votre position n'est pas acceptable.
M. Le Guen est en parfaite contradiction avec lui-même. Est-ce pour faire des effets de manche ou pour retourner le corps médical contre nous ?
Vous affirmez qu'il faut assurer la permanence des soins sur l'ensemble du territoire : c'est votre postulat de base. Mais vous n'arrivez pas à accepter que des missions de service public puissent être effectuées par un établissement privé.
Cela vous pose problème et, visiblement, cette perspective suscite chez vous un blocage.
Toutefois, dépassons ce point et imaginons qu'après une négociation avec l'agence régionale de santé, un établissement privé fasse le choix de participer à une mission de service public. Il faut évidemment qu'il soit en mesure d'exercer la mission qu'il s'est engagé à accomplir. Or on peut imaginer que certains des praticiens ayant une relation contractuelle avec cet établissement pourraient ne pas souhaiter participer à cette mission de service public. Le cas peut se présenter, même si, éthiquement, il est éminemment critiquable. Que doit alors faire l'établissement ? Doit-il accepter la situation ? Dans ce cas, il serait pénalisé par le droit social auquel vous faites référence. Ne doit-il pas plutôt régler le problème et assumer sa mission de service public ? Pour qu'il puisse le faire, il faut qu'une rupture contractuelle non-pénalisante soit possible.
Certes, je vous concède qu'il serait préférable que l'acceptation de la mission de service public par l'établissement se fasse après que ce dernier a obtenu l'accord des professionnels qui y participeront. En pratique, je pense d'ailleurs que les choses se passeront ainsi. Mais de grâce, ne nous faites pas l'offense d'affirmer que nous voulons revenir sur les règles de droit social qui régissent les relations entre les médecins et les établissements ; nous y sommes, au contraire, très attachés. Toutefois, ce qui nous motive avant tout, c'est de permettre l'exercice des missions de service public sur l'ensemble du territoire, dans l'intérêt des Français.
Nous sommes effectivement gênés qu'il soit possible d'exercer une mission de service public sans assurer un socle de mission de service public.
Mais nous avons toujours été très clairs sur ce point !
Quand la direction d'un établissement privé choisit d'assumer une ou des missions de service public, on pourrait imaginer qu'elle fasse preuve d'un état d'esprit correspondant à celui du service public et qu'elle respecte les règles qui le régissent – on ne lui en demandera pas tant. Mais tout de même, si elle doit rompre un contrat avec un médecin ou toute autre personne, on s'attend à ce que le droit commun s'applique. Pourquoi introduire, dans ce cas, des exceptions au droit général ? Pourquoi ouvrir une telle faille ? Les médecins ont déjà assez de responsabilités et d'obligations ; ils ne doivent pas vivre dans un état de non droit.
(Le sous-amendement n° 1560 est adopté.)
(L'amendement n° 830 , sous-amendé, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 865 .
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
Dans certains territoires, il existe une offre de soins à tarif opposable trop limitée. Le présent amendement vise à donner au directeur général de l'agence régionale de santé des outils permettant de garantir à la population la possibilité d'un accès à des soins respectant le tarif opposable, au moins pour les soins les plus lourds et coûteux, qui sont délivrés en établissements.
Ainsi, un nouvel article L. 6161-5 du code de la santé publique précisera qu'afin de remédier à une difficulté d'accès aux soins constatée par l'agence régionale de santé, un établissement de santé peut être assujetti, par son contrat pluriannuel à garantir, pour certaines disciplines ou spécialités et dans une limite fixée par décret, une proportion minimale d'actes facturés sans dépassement d'honoraires. L'établissement de santé pourra modifier, le cas échéant, les contrats conclus pour l'exercice d'une profession médicale.
Cet amendement a été repoussé par la commission alors que nous sommes attachés à l'idée de garantir une proportion d'actes facturés sans dépassement d'honoraires, même en dehors de l'exercice des missions de service public. Je suis donc un peu ennuyé.
L'amendement pose toutefois deux problèmes. Tout d'abord, il évoque « une proportion minimale d'actes », mais que signifie « proportion » ? Ensuite, il me semble qu'il aurait plutôt eu sa place au titre IV du projet de loi, quand nous discuterons des contrats à passer avec le directeur de l'agence régionale de santé.
En conséquence et à ce stade, je me contenterai de solliciter l'avis de la ministre de la santé.
Sur le plan des principes, je suis d'accord avec l'amendement de M. Préel, même si je partage le constat du rapporteur concernant les imprécisions de sa rédaction et les difficultés opérationnelles que son adoption entraînerait.
Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée nationale.
Indépendamment de la question de la place de cet amendement dans le projet de loi, nous constatons qu'il traite d'un problème de plus en plus important dans notre pays. Cependant, nous souhaitons qu'une réponse encore plus offensive que celle-ci soit apportée : il faut mener une véritable lutte contre les dépassements d'honoraires.
Nous débattons de la permanence des soins sur tout le territoire mais, en fait, ce sujet constitue l'autre face de la médaille. S'il est impossible de trouver dans certaines régions des soins à des tarifs opposables – qu'il s'agisse de soins de premier recours sur certains territoires urbains, ou de soins dispensés par des médecins spécialistes –, c'est parce que nous avons pris l'habitude de trouver normal que les praticiens dépassent de 20, 30 ou 50 euros le tarif normal, quand ce n'est pas bien davantage.
Pour notre part, nous souhaiterions aller beaucoup plus loin que l'amendement, afin que le tarif opposable redevienne la règle ou, au moins, la norme de référence – ce qui ne signifie pas que les dépassements ne doivent pas exister. Il faut faire la chasse à la multiplication des actes techniques, quand ils ne sont pas nécessaires et ne servent qu'à augmenter la facture. Les présidents des établissements privés ont eux-mêmes fait observer que la concurrence en échelle de perroquet entre les médecins, pour savoir qui aura le tarif le plus élevé, devient préoccupante et qu'elle a un effet d'éviction sur une partie de la clientèle.
L'amendement n° 865 est un moindre mal, il va dans le bon sens, cependant, madame la ministre, nous aurions souhaité que le Gouvernement s'engage dans une politique résolue de contrôle des tarifs et de lutte contre les dépassements d'honoraires.
L'amendement de M. Préel aborde la question des dépassements d'honoraires de la manière la plus étroite possible, par le biais des établissements de santé privés…
Certes, mais il se limite aux établissements de santé, alors que le problème se pose pour la médecine ambulatoire comme pour l'hôpital.
Il y a deux ans, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avions adopté un amendement qui obligeait tous les praticiens du secteur 2 à proposer à leur clientèle un pourcentage d'actes à définir au tarif opposable. Au cours de la navette, le Sénat avait supprimé ce dispositif et la commission mixte paritaire ne l'avait pas rétabli. Or j'ai déposé un amendement qui reprend cette mesure. Il a été examiné très rapidement, aujourd'hui, lors une réunion de la commission convoquée au titre de l'article 91 du règlement…
Il a été repoussé ! Il faudra donc que nous revenions sur cette question qui ne concerne pas seulement les établissements de santé, mais l'ensemble de l'offre tant ambulatoire qu'hospitalière.
Je souhaite tout d'abord remercier M. le rapporteur pour s'être montré ouvert à notre proposition et Mme la ministre pour s'en être remise à la sagesse de l'Assemblée.
Par ailleurs, je suis un peu étonné par les propos d'Yves Bur, qui juge la mesure trop limitée.
Sur le fond, je suis tout à fait d'accord, monsieur Bur. Mais nous examinons actuellement un article dont l'objet est de définir les missions des établissements de santé, qu'ils soient publics ou privés. Or il me paraît extrêmement important d'affirmer, dans ce cadre, le principe de l'accès de tous aux soins – dont je rappelle que c'est l'un des objectifs du projet de loi –, quitte à rappeler ce principe plus tard, à plusieurs reprises.
Je voterai cet amendement, car, dans certaines grandes villes de France, notamment à Paris, le dépassement des honoraires pose un véritable problème d'accès aux soins. (« Ah, enfin ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Je souhaiterais apporter deux précisions. Tout d'abord, je suis conscient, comme nous tous, que les dépassements d'honoraires peuvent entraver l'accès aux soins. Or il nous paraît essentiel que des soins de qualité puissent être accessibles à des tarifs opposables sur l'ensemble du territoire. C'est pourquoi nous proposons que le directeur de l'ARS puisse imposer aux établissements de santé une proportion minimale d'actes facturés à des tarifs opposables.
Certes, ainsi que l'a indiqué Yves Bur, cet amendement ne concerne que les établissements de santé, c'est-à-dire une partie seulement de notre système de soins. Mais cela s'explique par le fait que l'article 1er porte uniquement sur ce secteur.
Par ailleurs, M. le rapporteur a jugé notre amendement imprécis. Or il est prévu que la limite soit fixée par décret. Je n'ai pas voulu préciser dans l'amendement que la proportion minimale d'actes facturés sans dépassement d'honoraires devait être fixée à 40 % ou 50 %,…
…car ce n'est pas à moi d'en décider. Je suppose que, dans sa grande sagesse, Mme la ministre précisera ce point par décret.
Si cet amendement ne résout pas tous les problèmes, il me paraît néanmoins important, car il est essentiel que, dans les établissements de santé publics et privés, les patients puissent avoir accès à des soins à des tarifs remboursables.
La question de l'accès aux soins aurait dû être au coeur du projet de loi.
Or les problèmes liés aux dépassements d'honoraires, à la désertification médicale ou à la permanence des soins ne sont pas véritablement traités, comme nous le verrons tout au long de la discussion des articles. Du reste, de nombreux collègues de la majorité reconnaissent l'acuité de ces problèmes, notamment l'inflammation des dépassements d'honoraires. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est un terme médical, mais je ne suis pas certaine qu'il soit approprié !
Mais si, madame. C'est même une maladie consubstantielle au système conventionnel que la majorité a mis en place,…
…et qu'elle a aggravé en libérant les dépassements d'honoraires sur l'ensemble du territoire.
La proposition de M. Préel est, certes, modeste, mais elle va dans le bon sens. C'est pourquoi nous l'approuvons, et nous demandons à tous ceux de nos collègues qui sont un tant soit peu conscients des risques de la situation actuelle – je pense notamment à M. Bernier, dont le rapport avait été approuvé à l'unanimité – de faire de même. Le projet de loi fait l'impasse sur ces problèmes : profitons des initiatives parlementaires pour combler ses lacunes !
Je souhaite souligner un point technique, à ce stade de notre discussion. Il conviendrait en effet que l'amendement de M. Préel fasse référence à l'article L. 6161-4-1, plutôt qu'à l'article L. 6161-5. En effet, si l'on conservait la rédaction actuelle, son adoption risquerait de faire tomber un certain nombre d'amendements et de rendre notre texte illisible.
S'agissant des dépassements d'honoraires, je veux rappeler les mesures qui ont été prises, qu'il s'agisse de certaines dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale ou de mesures réglementaires.
Tout d'abord, nous avons voulu rendre effective l'obligation d'affichage, dont il faut bien reconnaître qu'elle n'est pas respectée. Par ailleurs, nous avons imposé l'obligation d'information pour tout honoraire dépassant quatre-vingts euros et contenant un dépassement d'honoraires et nous avons publié un décret sur le tact et la mesure pour le définir de façon claire. Nous ne sommes donc pas restés inertes : en 2008, nous avons pris un certain nombre de dispositions réglementaires très fortes pour juguler les dépassements d'honoraires.
Monsieur Préel, acceptez-vous, comme l'a suggéré le rapporteur, que votre amendement porte sur l'article L. 6161-4-1 et non plus sur l'article L. 6161-5 ?
Tout à fait !
(L'amendement n° 865 , tel qu'il vient d'être rectifié, est adopté.)
Je suis saisie de trois amendements, nos 1100 rectifié , 271 et 1099 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 271 et 1099 sont identiques.
La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour soutenir l'amendement n° 1100 rectifié .
Cet amendement nous paraît tout à fait important, puisqu'il vise à créer le statut d'établissement de santé d'intérêt collectif pour les établissements de santé qui s'engagent à respecter, dans l'exercice de leurs missions, les garanties attachées aux missions de service public. Cette disposition est indispensable pour affirmer le statut de ces établissements, leur place dans le système de santé et pour garantir aux patients une certaine sécurité dans leurs choix.
L'amendement n° 271 , qui a été adopté par la commission, vise à créer une nouvelle catégorie d'établissements de santé, que nous avons évoquée ce matin – les fameux ESPIC –, qui permettra à ces établissements de participer aux missions de service public dans le cadre d'un contrat conclu avec l'Agence régionale de santé.
Pour se voir reconnaître le statut d'établissement de santé d'intérêt collectif, les établissements de santé doivent s'engager à respecter, dans l'exercice de toutes leurs missions, les garanties pour le patient spécifiquement attachées aux missions de service public. Dans ce cadre, les établissements de santé privés gérés par des organismes sans but lucratif peuvent, jusqu'à la signature de leur prochain contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, recevoir la qualité d'ESPIC sur simple déclaration à l'agence régionale de santé. Leur appartenance à cette nouvelle catégorie d'établissements de santé sera réexaminée lors de la renégociation et de la signature du prochain contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens.
La rédaction proposée dans cet amendement répond aux attentes des établissements concernés et me paraît, en outre, plus satisfaisante et plus cohérente avec le rejet des blocs de mission de service public que nous avons adopté hier.
Il s'agit de créer, pour les établissements de santé, le nouveau statut d'établissement de santé d'intérêt collectif, sur lequel je souhaiterais vous interroger, madame la ministre, dans le prolongement du débat que nous avons eu ce matin sur le plan Hôpital 2012.
Ce plan concerne à la fois les établissements publics et privés. Or il se traduit, pour les premiers, par la prise en charge d'annuités d'intérêt d'emprunt et, pour les seconds, par une subvention en capital. Quelle sera donc la procédure pour les établissements bénéficiant de ce nouveau statut ? S'agira-t-il, comme pour les établissements publics, d'une prise en charge d'intérêts et du remboursement du capital ou, comme pour les établissements privés, de subvention à capital ?
La première solution me semblerait tout à fait licite, dans la mesure où les établissements privés sont, à l'heure actuelle, mieux traités que les établissements publics dans le cadre du plan Hôpital 2012.
L'amendement n° 1100 rectifié a été repoussé par la commission, car elle a jugé meilleure la rédaction de l'amendement n° 271 .
Je suis heureuse que la sécurisation juridique des établissements privés participant au service public hospitalier fasse l'objet d'un consensus. Cette sécurité leur est apportée tout en conservant, bien entendu, ce qui a fait la « richesse » de ce secteur…
…et, surtout, la qualité de la prise en charge des malades. J'aurais donc pu ajouter ce point consensuel à la liste de ceux que j'ai mentionnés dans mon propos hier soir.
L'amendement n° 271 me paraît meilleur que les autres. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il crée le statut d'établissement de santé privé d'intérêt collectif, que nous appellerons donc ESPIC, même si M. Néri nous a fait une remontrance ce matin à propos de ce sigle. L'opposition a déposé un amendement similaire. Je comprends la volonté de maintenir la mention de la spécificité des établissements privés à but non lucratif, en leur reconnaissant ce nouveau statut. Mais cette spécificité est mentionnée dans l'amendement n° 271 . Je suis donc favorable à ce dernier, ce qui ne signifie pas que je rejette les deux autres amendements.
(L'amendement n° 1100 rectifié n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 933 .
La parole est à M. Roland Muzeau.
Cet amendement vise, d'une part, à préciser les missions des centres de santé auprès des patients en premier recours et, d'autre part, à affirmer que ces centres de santé doivent poursuivre un but non lucratif.
Il s'agit donc de préciser, dans le texte du projet de loi, que les centres de santé mènent des actions d'éducation thérapeutique, de santé et de santé publique et qu'ils assurent la formation initiale des différentes professions de santé.
Par ailleurs, les centres de santé peuvent être placés sous la responsabilité de différents gestionnaires : collectivités publiques, associations, centres de santé sociaux, mutuelles et établissements de santé, publics ou privé. Il nous paraît important de préciser que ces établissements de santé doivent être à but non lucratif, selon les critères de la gestion désintéressée, définis par le code général des impôts.
La commission a rejeté cet amendement qui limiterait la création et la gestion des centres de santé aux seuls établissements publics, ou privés à but non lucratif. Cette situation exposerait à un risque de contentieux européen du fait d'une inégalité de traitement non justifiée.
L'essentiel, c'est le service apporté au malade, qui est au centre du dispositif. Or, les centres de santé passent convention avec l'assurance maladie pour garantir le tarif opposable et le tiers payant. À mes yeux, c'est cela qui est important, et pas le fait que l'établissement soit à but lucratif ou non lucratif.
Je le répète, l'essentiel est le service assuré au malade.
Madame la ministre, bon nombre des centres de santé sont en difficulté.
Qu'est-ce que ça change ?
Il est donc important de réaffirmer leur existence et leurs missions en leur donnant des conditions de fonctionnement, de financement et de fiscalité adaptées. En effet, ils sont souvent implantés dans des secteurs difficiles, notamment dans les banlieues…
Oui, et alors ?
…où ils assurent non seulement les soins, mais aussi l'éducation thérapeutique et la prévention.
Si vous estimez que cet amendement ne pèche que parce qu'il ne pourrait pas être créé de centres de santé d'initiative privée, il suffirait que vous proposiez un sous-amendement permettant d'affirmer l'intérêt des centres de santé et la volonté de les pérenniser.
L'amendement n° 933 indique que les centres de santé « constituent des lieux de formation initiale des différentes professions de santé ». Or cela me paraît quelque peu antinomique avec l'esprit des CHU. J'insiste sur le fait qu'il n'est pas dit que les centres de santé « peuvent constituer » des lieux de formation : il faut donc en déduire que les étudiants en premières années d'études de médecine se retrouveront au sein de ces centres. Cela me paraît pour le moins étrange ! Je voterai donc contre cet amendement.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Il s'agit des stages !
Les stages et la formation initiale, ce n'est pas la même chose !
Monsieur Debré, notre amendement ne vise évidemment pas à nier la vocation de lieu de formation initiale dévolue aux CHU. Ce que nous voulons dire, c'est que les centres de santé ont beaucoup évolué ces dernières années et n'ont plus grand-chose à voir avec ceux de grand-papa. Ainsi, les deux centres de santé qui se trouvent dans ma ville se sont efforcés, depuis de nombreuses années, de travailler en liaison avec les CHU, par exemple en accueillant des internes en stage. À cet égard, la complémentarité qui s'est instaurée en matière de formation générale des médecins est très utile. En tout état de cause, votre crainte ne nous paraît pas justifiée.
Je ne sais pas à qui vous pensez quand vous parlez de grand-papa, monsieur Muzeau (Sourires), mais je ne vois pas comment la formulation « ils constituent des lieux de formation initiale » pourrait prêter à confusion : la formation initiale correspond bien, pour moi, aux premières années d'études de médecine – P1, P2, et caetera. Pour ce qui est des internes, ils ont dépassé le stade de la formation initiale ! Si des stages peuvent être effectués au sein des centres de santé, je ne vois pas, en revanche, comment ces centres pourraient constituer des lieux de formation initiale.
Et les stages de second cycle des infirmières ?
(L'amendement n° 933 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 934 .
La parole est à M. Roland Muzeau.
L'amendement n° 934 vise à insérer à l'alinéa 60 de l'article 1er, après la première occurrence du mot « santé », les mots « et les maisons de santé ». Cet amendement poursuit deux objectifs. D'une part, maintenir une présence médicale sur l'ensemble du territoire, d'autre part, enrayer le développement d'une médecine à plusieurs vitesses. Pour cela, il convient d'intégrer dès maintenant les maisons de santé dans le système de santé, et de faire en sorte qu'elles fassent partie intégrante des projets de santé, au même titre que les centres de santé. N'oublions pas qu'un maillage sanitaire au plus proche de nos concitoyens nécessite de déterminer qui fait quoi – et d'en informer, bien sûr, la population.
La commission a repoussé cet amendement en considérant que le dispositif proposé relève plutôt du champ réglementaire. En tout état de cause, il est important de laisser d'abord les maisons de santé, au sein desquelles exercent des médecins libéraux, s'organiser, avant de les obliger à intégrer un projet global de santé, ce qui peut paraître quelque peu coercitif.
Il me paraît tout à fait pertinent que des professionnels réunis au sein d'une maison de santé élaborent un projet de santé. Toutefois, cela nécessite de pouvoir se baser sur une définition juridique précise, encore inexistante, de la notion de maison de santé. Ainsi, un cabinet de groupe doit-il être considéré comme une maison de santé ? Le cas échéant, des médecins regroupés depuis plusieurs années au sein d'un cabinet pourraient se voir imposer l'élaboration d'un projet de santé nécessitant de fastidieuses formalités administratives.
En revanche, il me paraît normal qu'un projet de santé constitue une condition préalable obligatoire à chaque fois qu'une demande de subvention publique est adressée à l'ARS. C'est d'ailleurs ce que nous proposerons dans une disposition subséquente du texte.
Plus sérieusement, je suis donc défavorable à cet amendement.
(L'amendement n° 934 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 935 .
La parole est à M. Roland Muzeau.
L'alinéa 64 de l'article 1er prévoit de supprimer l'article L 6323-2 du code de la santé public créant l'instance nationale regroupant notamment les représentants de l'État, des caisses nationales d'assurance maladie, des gestionnaires et des professionnels soignants des centres de santé, permettant « une concertation sur toutes les dispositions réglementaires qui peuvent concerner les centres de santé, ainsi qu'une réflexion sur les projets innovants sanitaires et sociaux qu'ils pourraient mettre en place ». Comme on peut le voir, l'objectif assigné à cette instance n'est pas anodin.
Premièrement, vous indiquez que cette instance n'a jamais été réunie, mais comment pourrait-il en être autrement, quand le décret en Conseil d'État devant fixer les conditions de fonctionnement ainsi que la liste des membres ayant vocation à participer aux travaux de cette instance nationale n'a jamais été publié ? Deuxièmement, les centres de santé sont associés aux réflexions en cours sur l'organisation des soins dans le cadre de leur participation aux conférences de territoire. Or, en l'état actuel, ces conférences sont facultatives et peu propices à une quelconque réflexion. Les raisons invoquées à l'appui de la proposition de suppression de l'instance nationale ne nous paraissent donc pas recevables.
À l'inverse, le maintien de cette instance, sous réserve d'en publier les décrets d'application, paraît intéressant dans la mesure où elle constitue un lieu de réflexion sur les spécificités des centres d'accueil de premiers secours et sur les projets innovants en matière sanitaire et social, ainsi qu'un lieu de promotion des formes d'exercice regroupé et coordonné de la médecine, respectant ainsi les recommandations des états généraux de la santé. Pour toutes ces raisons, nous demandons non seulement de maintenir l'existence de l'instance nationale, mais aussi de publier les décrets qui lui donneront corps. À défaut, nous vous proposons de créer une instance ayant les mêmes objectifs, mais intégrant les maisons de santé et les pôles de santé.
La commission a rejeté l'amendement n° 935 , même si nous avons constaté que l'instance nationale évoquée par M. Muzeau n'a effectivement jamais été mise en place. La commission a également rejeté l'amendement n° 936 dans la mesure où il ne paraît pas utile d'organiser une autre instance, les centres de santé ayant la possibilité de s'exprimer dans le cadre des conférences régionales de santé et des conférences de territoire, qui dépendront de chacune des régions.
Si l'on n'a jamais ressenti le besoin d'une instance nationale de concertation des centres de santé, c'est qu'il s'agissait d'une vision très cloisonnée du centre de santé, basée sur une organisation très verticale. Le centre de santé, dans sa pureté de cristal, ne pouvait pas vraiment pratiquer la concertation avec le reste du tissu de santé. Or, il me semble que pour répondre aux besoins de santé primaires, il est nécessaire de disposer d'une organisation horizontale. Le centre de santé communique avec d'autres structures, telles que les maisons de santé, et travaille en réseau avec d'autres professionnels de santé. Or, on se rend compte sur le terrain que pour bien fonctionner, le système a besoin de décloisonner encore et encore.
Sous peine de se révéler contreproductif, le système doit établir des jonctions sur le plan horizontal, au plus près du terrain. Les structures que nous proposons dans la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » – qui restent à créer, j'en conviens – doivent nous permettre de travailler ensemble au sein des futures conférences régionales de santé et des conférences de territoires. C'est seulement à cette condition que les centres de santé permettront de diffuser à l'ensemble des acteurs de soins la vraie culture dont ils sont détenteurs, sans qu'il soit nécessaire pour cela de recourir à une structure verticale. Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements.
(Les amendements nos 935 et 936 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58-1 de notre règlement et vise à faire deux observations relatives à l'exercice du droit d'amendement dans notre assemblée. Nous sortons à l'instant d'une réunion de la commission des affaires sociales, qui a examiné, au titre de l'article 88, un paquet de 200 ou 300 amendements…
…qui, certes, ont été examinés par la commission, mais qui, pour certains, portent sur des articles additionnels avant l'article 1er, ou proposent des modifications relatives à des parties de l'article 1er que nous avons déjà examinées en séance hier et ce matin.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Trop tard !
Ces amendements ont donc, en quelque sorte, été examinés a posteriori en commission au titre de l'article 88. C'est ce qui m'a été répondu lorsque j'ai posé la question en commission. On m'assure que ces amendements ont été examinés en séance publique, ce que je n'ai pas encore eu le temps de vérifier – mais je le ferai. Quoi qu'il en soit, cela nous ramène à un autre débat, celui que nous avons eu précédemment sur le projet de loi organique, où certains de nos amendements – et même de nos sous-amendements – s'étaient vu opposer l'argument selon lequel ils ne pouvaient être examinés en séance publique, n'ayant pas été examinés en commission. Or le président de la commission des lois aurait pu réunir la commission pour examiner ces amendements. En outre, nous faisons aujourd'hui la démonstration que cet argument n'était pas recevable, puisque nous avions examiné les amendements en séance publique hier soir et ce matin, et les avons examinés en commission a posteriori.
Par ailleurs, j'ai constaté tout à l'heure qu'entre les deux amendements nos 934 et 935 , une bonne dizaine d'amendements déposés à titre individuel par des députés du groupe UMP n'ont pas été appelés.
Les députés concernés étaient absents !
Cela démontre d'ailleurs que le droit d'amendement est bel et bien individuel. Ils n'étaient pas là pour défendre leurs amendements, soit. J'observe tout de même que certains de ces amendements sont rigoureusement identiques dans leur dispositif comme dans leur exposé des motifs.
J'aurais donc été curieux d'entendre nos collègues défendre leurs amendements, afin de voir si deux députés ayant déposé deux amendements rigoureusement identiques les défendaient dans les mêmes termes ou dans des termes différents.
Nous avons déjà eu cette discussion et nous l'aurons sans doute de nouveau. Pour ce qui nous concerne en tout cas, nous continuerons de défendre le droit d'amendement individuel des députés et notre droit à soutenir tous nos amendements en séance publique – les députés de l'UMP ne manqueront pas de nous en remercier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Monsieur Mallot, je prends acte de vos réclamations sur plusieurs amendements et sous-amendements et vais demander à nos services de procéder aux vérifications nécessaires.
Cela étant, je vous rappelle qu'en application de l'article 100, alinéa 3 et 7, l'Assemblée ne délibère pas sur les amendements qui ne sont pas soutenus en séance par l'un de leurs auteurs. C'est la raison pour laquelle je n'appelle pas les amendements dont les auteurs sont absents de l'hémicycle.
Madame la présidente, il me semble que vous avez oublié l'amendement n° 19 rectifié , que je souhaiterais défendre.
Monsieur Jeanneteau, l'amendement n° 19 rectifié est tombé du fait de l'adoption de l'amendement n° 271 .
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 272 .
Cosigné par nombre d'entre nous et accepté par la commission, l'amendement n° 272 est un amendement de cohérence destiné à tirer les conséquences de la nouvelle rédaction de l'article L. 6161-5 relatif à la création des ESPIC.
Favorable.
(L'amendement n° 272 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 468 .
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
Notre amendement précise que les établissements de santé privés qui ont été admis à participer à l'exécution du service public hospitalier à la date de la présente loi continuent d'exercer, dans les mêmes conditions, les missions pour lesquelles ils y ont été admis ou celles prévues à leur contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens jusqu'au terme de ce contrat.
Après quoi, chacun des établissements intégrera le service de santé privé d'intérêt collectif – sauf opposition expresse de sa part, notifiée par son représentant légal au directeur général de l'agence régionale de santé – pour permettre une continuité du service et des missions.
Cet amendement a été rejeté par la commission. Mais nous proposons un peu plus loin un sous-amendement n° 1432 , qui reprend l'objectif louable de Jean-Luc Préel et prévoit l'opposition expresse à l'intégration dans les ESPIC. Cela devrait donc le satisfaire.
Je suggère à M. Préel de retirer son amendement, qui devrait en effet être satisfait par le sous-amendement du rapporteur.
Puisque nous reparlons des ESPIC, je souhaiterais redemander à Mme la ministre, qui ne m'a pas répondu tout à l'heure, quel sera leur régime dans le plan Hôpital 2012.
Excusez-moi, mais je n'ai pas très bien compris votre question…
Le plan Hôpital 2012 prévoit deux régimes d'aide à l'investissement : la prise en charge du remboursement du capital et des intérêts pour les établissements publics et des subventions en capital pour les établissements privés. Qu'en sera-t-il pour les ESPIC, qui se situent entre les deux ?
Leur régime ne changera pas. Ce sera le même que pour les PSPH.
Je suis saisie par la commission d'un amendement rédactionnel, n° 273 rectifié.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Avis favorable.
(L'amendement n° 273 rectifié est adopté.)
Notre collègue Gérard Bapt a posé à plusieurs reprises une question précise à Mme la ministre. Nous comprenons que le Gouvernement ait besoin de rassembler quelques informations pour y répondre. Afin d'obtenir ces éléments d'information, nous demandons une suspension de séance.
Reprise de la discussion
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt.)
Cet amendement a été adopté par la commission. Il permet de garantir que les établissements de santé privés qui ont été admis à participer à l'exécution du service public hospitalier ne pourront se voir imposer de renoncer à exercer ni les missions pour lesquelles ils y ont été admis ni celles prévues par leur contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, avant la fin du processus de convergence intersectorielle.
Cet amendement vise à ajouter après les mots « ce contrat », les mots « s'ils le souhaitent ».
Il s'agit en effet, ici, de créer le statut d'établissement de santé d'intérêt collectif pour les établissements de santé qui s'engagent à respecter, dans l'exercice de toutes leurs missions, les garanties pour le patient attachées spécifiquement aux missions de service public, de la même manière qu'un établissement public.
Étant donné que cet article ouvre la possibilité aux établissements privés de participer à des missions de service public, dans le cadre d'un contrat avec l'agence régionale de santé, la particularité des établissements participant au service public hospitalier – les fameux PSPH – disparaît. Il apparaît donc important de mentionner la spécificité des ces établissements en leur reconnaissant le statut d'établissement de santé d'intérêt collectif – les fameux ESPIC.
Ainsi, les établissements de santé gérés par des organismes à but non lucratif peuvent, jusqu'à la signature de leur prochain contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, recevoir la qualité d'établissements de santé privés d'intérêt collectif sur simple déclaration à l'agence régionale de santé. Leur appartenance à cette nouvelle catégorie d'établissements de santé privés d'intérêt collectif sera réexaminée le moment venu, c'est-à-dire lors de la signature de leur prochain contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens.
Je voulais donner à M. Bapt, en réponse à son interrogation de tout à l'heure, un certain nombre d'indications chiffrées sur les sommes en jeu. J'aurai des estimations plus précises d'ici à quelques instants, mais voici déjà les grandes lignes.
La transformation des PSPH en ESPIC ne modifie pas le mode de financement par le plan Hôpital 2012. Il y a soit une dotation d'exploitation – pour payer les intérêts d'emprunt – soit, par le biais du fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés, une dotation d'investissement.
On utilise surtout les dotations d'exploitation. Toutefois, le fonds de modernisation des établissements de santé public et privés permet de renforcer le financement dans le cas, par exemple, où un établissement de santé est très endetté : on utilise alors un peu plus la seconde possibilité.
Pour fixer les ordres de grandeur, le rapport entre les subventions d'exploitation et les subventions d'investissement est environ de 80 à 20.
Je voulais aussi rappeler que, dans le plan Hôpital 2012, 90 % des enveloppes sont réservées aux établissements publics ou privés participant au service public – désormais ESPIC. Je vous donnerai par la suite la répartition exacte entre hôpital public et PSPH : je vous prie de m'excuser de n'avoir pas ces chiffres en séance.
Nous n'avions pas l'habitude qu'une ministre réponde à nos interrogations ! (Sourires)
Les amendements identiques n° 275 et 1103 ont été adoptés par la commission. Je précise que l'amendement n° 802 , qui n'est pas soutenu, a été repoussé par la commission car il est satisfait.
L'amendement n° 275 vise à ce que les établissements de santé privés qui ont été admis à participer à l'exécution du service public hospitalier deviennent automatiquement des établissements de santé privés d'intérêt collectif. Il ne serait donc pas nécessaire pour eux, à la différence des autres établissements de santé privés gérés par des organismes sans but lucratif, de faire une déclaration à l'agence régionale de santé.
Je propose, à titre personnel, un sous-amendement qui prévoit que les anciens PSPH ne deviennent automatiquement des ESPIC que s'ils n'ont pas fait connaître leur opposition expresse à cette transformation.
Il s'agit de préserver la liberté de ces établissements. Ce sous-amendement répond aussi aux préoccupations exprimées tout à l'heure par M. Jean-Luc Préel dans son amendement n° 468 , qu'il a bien voulu retirer. Ainsi, chacun devrait être satisfait.
Le groupe SRC a déposé cet amendement afin que la spécificité des PSPH soit bien prise en compte.
Sur le sous-amendement de M. le rapporteur, je comprends le souci de prévoir l'opposition des PSPH. J'ai peut-être mal compris, mais je crains qu'une question ne se pose : si un établissement s'oppose à cette transformation, dans quelle catégorie tombe t-il ?
Il devient privé.
Je suis favorable aux amendements et au sous-amendement du rapporteur, qui préserve la liberté des établissements.
Ils deviennent privés. Il ne peut pas y avoir un quatrième type d'établissement. On ne va pas faire une rencontre du quatrième type avec des anciens établissements privés à but non lucratif, sinon on ne s'en sort pas.
Il y aura trois sortes d'établissement : public, ESPIC et privé.
Cela signifie qu'un établissement PSPH qui choisirait de ne pas devenir un ESPIC…
C'est un cas d'école.
L'amendement n° 1083 est le premier d'une série de six concernant des dispositions qui avaient été adoptées par le Parlement à l'article 55 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, mais qui ont été disjointes par le Conseil constitutionnel. Il avait estimé que ces mesures n'auraient pas d'effet ou un effet trop indirect sur les dépenses des régimes d'assurance maladie.
Ces dispositions ont pour objet de permettre au directeur de l'agence régionale de santé de prendre les mesures nécessaires en cas de difficulté financière ou de dysfonctionnement d'un établissement de santé privé antérieurement sous dotation globale.
Le Gouvernement souhaitait, je crois, reprendre ces dispositions qui visent à garantir la continuité du service pendant la période transitoire.
La procédure proposée permet très rapidement au directeur de l'ARS, dans un premier temps, de mettre en place un plan de redressement par le gestionnaire de l'établissement, et, dans un second temps, si cela ne suffit pas, de nommer un administrateur provisoire pour mettre fin aux dysfonctionnements et mettre en oeuvre le plan de redressement.
Cet amendement est identique à l'amendement n° 1083 ; il a été accepté par la commission.
Ce sont d'excellents amendements. En effet, ils reprennent des mesures de la loi de financement de la sécurité sociale qui avaient été disjointes par le Conseil constitutionnel. Il avait jugé que leur caractère financier n'avait pas la pureté du cristal. Le Gouvernement est favorable à ces dispositions qu'il avait lui-même préconisées.
Nous en venons à une série d'amendements portant articles additionnels après l'article 1er.
Je suis saisie de trois amendements, nos 187 , 283 rectifié et 1185 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Paul Jeanneteau, pour soutenir l'amendement n° 187 .
À l'heure actuelle, les établissements d'hospitalisation à domicile qui ne disposent pas de PUI, pharmacie à usage interne, doivent s'approvisionner en médicaments de la réserve hospitalière exclusivement auprès des entreprises pharmaceutiques. Or ces derniers résistent à approvisionner les structures d'hospitalisation à domicile en l'absence de pharmacien responsable. En outre, les délais de livraison sont souvent très longs et incompatibles avec la réactivité nécessaire en hospitalisation à domicile.
Il est proposé de compléter la liste des dérogations concernant les PUI afin de leur permettre d'approvisionner les structures d'HAD sans PUI en médicaments de la réserve hospitalière comme elles l'assurent déjà aujourd'hui pour les autres préparations et les spécialités pharmaceutiques reconstituées.
Par ailleurs, l'approvisionnement en médicaments d'un établissement de santé est assuré soit par la pharmacie à usage interne soit par une ou des pharmacies d'officine. Un système mixte, PUI-officine, n'est juridiquement pas prévu.
Cette rigidité rend difficile la réactivité nécessaire à l'évolution de certaines prises en charge, rompt le lien avec les acteurs de proximité que sont les pharmaciens d'officine et génère des surcoûts dans l'approvisionnement en médicaments du patient.
Une modification des textes sur la gestion des médicaments pour les établissements de santé intervenant à domicile est indispensable pour permettre aux établissements d'HAD, ainsi qu'aux établissements de santé autorisés à la dialyse à domicile disposant d'une PUI, de s'approvisionner auprès des pharmacies d'officine dans certaines conditions.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 283 rectifié .
L'amendement n° 283 rectifié et l'amendement n° 1185 rectifié ont été adoptés par la commission contre l'avis du rapporteur. Il me semblait en effet que la rédaction proposée par notre collègue Jeanneteau était meilleure puisqu'elle couvrait l'ensemble de la problématique du circuit du médicament pour les établissements d'hospitalisation à domicile.
Le rapporteur est donc favorable à l'amendement n° 187 , qui a été adopté ultérieurement par la commission – dans le cadre d'un amendement portant article additionnel après l'article 13 – et il reste défavorable aux deux autres.
J'ai le même avis que le rapporteur. Je souscris bien évidemment aux attendus des autres amendements mais la rédaction de l'amendement de M. Jeanneteau me semble meilleure parce que plus globale.
Si les choses se sont passées ainsi en commission, c'est parce que nous n'avions pas connaissance alors de l'amendement de M. Jeanneteau. Je demande à être cosignataire de l'amendement de M. Jeanneteau.
On ne peut pas ajouter ainsi un nom mais votre souhait figurera au procès-verbal de la séance.
(L'amendement n° 187 est adopté.)
En conséquence, les amendements nos 283 rectifié et 1185 rectifié tombent.
Cet amendement, qui a été adopté par la commission, vise à introduire l'hospitalisation à domicile au sein de la loi en tant qu'activité de soin à part entière réalisée dans un établissement de santé soumise à autorisation.
C'est un sujet que nous avons déjà eu l'occasion d'aborder. Il nous semble que la reconnaissance du domicile comme un lieu de soin est une étape importante.
Je n'ai rien à ajouter, madame la présidente, aux explications du rapporteur.
Il s'agit de permettre le développement de l'hospitalisation à domicile. Le texte examiné permet de considérer la HAD comme une réelle modalité de soin et non pas comme une simple alternative à l'hospitalisation. Il convient de la considérer comme une activité de soins à part entière. La circulaire DHOS-03 n°2006-506 du 1er décembre 2006 relative à l'hospitalisation à domicile mentionne la nécessité de mettre en place des conventions de partenariat entre services de soins infirmiers à domicile et hospitalisation à domicile. La HAD est complémentaire des structures telles que les SSIAD.
Parfois, l'enfer est pavé de bonnes intentions. La place de l'hospitalisation à domicile dans l'offre de soins est essentielle. D'ailleurs, le projet de loi donne pour la première fois à l'hospitalisation à domicile une base légale en mentionnant à l'alinéa 3 de l'article 1er que les établissements de santé peuvent également exercer leurs missions de soin à domicile.
Toutefois, il est également essentiel que l'hospitalisation à domicile puisse répondre au même niveau d'exigence que les structures d'hospitalisation avec hébergement et aux mêmes conditions techniques de prise en charge des activités de soin, qu'il s'agisse de la médecine ou des soins de suite et de réadaptation.
Dans ces conditions, et je le dis de façon assez solennelle, l'hospitalisation à domicile demeure une modalité d'exercice des missions des établissements de santé auxquels s'applique le droit des autorisations et non une activité de soin en tant que telle.
Je vous rends attentifs au fait que, à travers un amendement dont je comprends bien les attendus, vous faites basculer l'hospitalisation à domicile hors du régime des autorisations. En voulant protéger l'hospitalisation à domicile, en quelque sorte vous l'affadissez.
Je vous demande le retrait de ces amendements qui sont un contresens. L'hospitalisation à domicile, ce n'est pas de la médecine de ville un peu améliorée, c'est de l'hospitalisation.
Nous maintenons l'amendement n° 1186 . Je comprends jusqu'à un certain point ce que nous dit Mme la ministre. Bien sûr, l'hospitalisation à domicile ne doit surtout pas être perçue comme autre chose qu'une forme du service de l'hospitalisation qui se trouve être déplacée au domicile du patient. Tout le monde a d'ailleurs à y gagner : tant le patient que la structure hospitalière et le budget de la collectivité.
Si la rédaction de cet amendement fragilise notre volonté de sécuriser et de garantir l'accès à l'hospitalisation à domicile, ne pourrait-on la modifier pour s'assurer que l'HAD ne se trouvera pas marginalisée par les réformes engagées ? Vous sous-entendez, madame la ministre, que les textes actuels suffisent, mais cela ne répond pas à notre demande d'inscrire dans la loi la nécessité d'un traitement égal de l'hospitalisation tout court et de l'hospitalisation à domicile. Nous n'avons pas le temps d'expertiser ce que vous nous dites. Nous en prenons acte, mais sous couvert de ne pas sortir l'hospitalisation à domicile du droit commun de l'hospitalisation, nous prenons le risque de la fragiliser et de ne pas en garantir la mise en oeuvre.
Je veux rassurer Mme Touraine : la rédaction du projet de loi donne une base légale à l'HAD en mentionnant, à l'alinéa 3 de l'article 1er, que les établissements de santé peuvent exercer leur mission de soins à domicile. Ce faisant, je donne pour la première fois un vrai statut à l'hospitalisation à domicile et je l'inscris bien dans le droit commun de l'hospitalisation.
(L'amendement n° 1186 n'est pas adopté.)
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 285 rectifié , 14 rectifié et 1184 .
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 285 rectifié .
Cet amendement, qui a été adopté par la commission, a pour objectif de labelliser le terme « HAD » et d'éviter ainsi son utilisation abusive qui pourrait engendrer nombre de confusions pour les patients et un surcoût pour la collectivité.
La parole est à M. Paul Jeanneteau, pour soutenir l'amendement n° 14 rectifié .
La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l'amendement n° 1184 .
Favorable. Une telle disposition est en parfaite logique avec ce dont nous venons de discuter.
Très bien !
(Les amendements identiques nos 285 rectifié , 14 rectifié et 1184 sont adoptés.)
Le secteur hospitalier privé à but non lucratif représente, à ce jour, une part importante de l'offre de soins hospitalière en court, moyen et long séjour, ainsi qu'en psychiatrie, tant en hospitalisation complète que sous forme d'alternative à l'hospitalisation.
Ces établissements sont gérés par des institutions juridiquement spécifiques – fondations, associations, mutuelles – qui les distinguent tant du secteur public que du secteur purement privé lucratif.
La suppression de cette spécificité nécessite une adaptation de fonctionnement, notamment vis-à-vis du statut des médecins, qui n'est pas envisagée dans le présent texte. Ainsi, il apparaît nécessaire, aux côtés des établissements publics et privés à but lucratif, de maintenir une entité juridique particulière intitulée : « Établissement de santé privé d'intérêt collectif. »
La commission a rejeté cet amendement, car le souhait de M. Delatte est satisfait par l'amendement dit « ESPIC ».
Je souhaite que M. Delatte retire son amendement. Il est en effet satisfait puisque nous venons de voter l'amendement de la commission qui crée l'établissement de santé d'intérêt collectif.
Je suis saisie de deux amendements, nos 1233 rectifié et 1224 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l'amendement n° 1233 rectifié .
Les établissements publics et privés sont actuellement engagés dans un processus de convergence d'application de la tarification à l'activité, mais les modalités de détermination des coûts des séjours sont différentes : les honoraires médicaux ne sont pas intégrés dans les coûts des séjours des cliniques privées, alors même que les rémunérations des professionnels médicaux font partie du coût des séjours des établissements publics qui est un coût global. Cet amendement vise donc à intégrer les honoraires médicaux dans le tarif des séjours des établissements privés, préalablement à la régulation prix-volume.
La commission a rejeté l'amendement n° 1224 , dont la rédaction est très proche de celle de l'amendement n° 1233 rectifié . En effet, il s'agit d'une modification considérable des règles de la tarification à l'activité des établissements privés. Les inconvénients liés à l'exclusion des honoraires des médecins libéraux dans les tarifs doivent être minimisés dans la mesure où la loi prévoit bien que la convergence intersectorielle s'effectue en prenant en compte les différences dans la nature des charges couvertes par les tarifs et que les études dont nous avons parlé hier, comme le dernier rapport au Parlement sur le processus de convergence intersectorielle dans le cadre de la T2A, isolent bien cette différence dans la construction des tarifs pour bâtir une échelle nationale des coûts commune.
Je ne suis pas favorable à ces amendements, et je profiterai de l'occasion pour tordre le cou à certaines approximations.
L'intégration des honoraires dans le tarif des cliniques privées conduirait à remettre en cause le mode d'exercice libéral des praticiens et l'auteur de l'amendement sera sans doute très sensible au fait qu'il n'existe pas de lien de subordination entre le propriétaire d'une clinique et les praticiens qui y exercent en libéral.
Comme l'a dit M. le rapporteur, le mécanisme de régulation prix-volume des tarifs des établissements de santé, qui est identique quel que soit le secteur d'hospitalisation, repose sur les dépenses facturées à l'assurance maladie, donc sur ce qui est réellement intégré dans les tarifs. J'entends parfois dire que, de ce fait, l'on ne tient pas compte des honoraires : c'est faux. Pour les cliniques privées, le Gouvernement régule des tarifs hors honoraires, la régulation du champ des honoraires des praticiens relevant d'une autre procédure. Il faut rappeler que, dans les travaux sur la convergence tarifaire, cette spécificité liée au mode d'exercice libéral des praticiens est évidemment prise en compte.
Pour ce qui est des coûts, nous ne sommes pas arrivés au terme du processus qui permettrait d'aboutir à un diagnostic partagé et à une évaluation tenant compte de l'ensemble des facteurs dans le secteur hospitalier public et dans le secteur privé.
C'est vrai !
Cela dit, s'il est tenu compte des honoraires, c'est en quelque sorte par soustraction, madame la ministre. Vous tenez compte des sommes facturées à l'assurance maladie, mais les établissements publics facturent les coûts dus aux salaires des médecins, alors que les établissements privés ne facturent pas ce qui relève des honoraires des médecins. Et lorsqu'il y a une régulation, comme après l'appel d'un comité d'alerte – cela risque de se produire par les temps qui courent ! –, on note une inégalité au détriment de l'hôpital public sur lequel la baisse proportionnelle des tarifs pèsera évidemment davantage. Voilà pourquoi il me semble important d'adopter cet amendement.
Je ne comprends pas votre argumentation, madame la ministre, ou plutôt je la comprends trop bien. Vous répondez à M. Muzeau que l'on ne peut remettre en cause le caractère libéral de l'exercice médical au sein des cliniques privées et introduire un lien de subordination entre les cliniques et les médecins : personne ne cherche à établir un quelconque lien de cette nature !
Encore une fois, la question est de savoir si les établissements privés doivent se désintéresser totalement des conditions dans lesquelles les médecins exercent dans leurs murs. Lorsque nous demandons l'intégration des honoraires médicaux dans la tarification appliquée aux établissements privés, c'est évidemment pour que soient pris en compte les dépassements d'honoraires. C'est la seule manière d'aboutir à leur régulation. Sinon les établissements publics subissent une double punition : non seulement les rémunérations des professionnels médicaux sont intégrées dans leur tarification, mais ils ne peuvent faire face à la concurrence des établissements privés qui, outre que leurs coûts de séjours n'incluent pas les honoraires des médecins, pratiquent des dépassements parfois excessifs.
Vous nous dites, madame la ministre, que la sécurité sociale prend en compte les honoraires des médecins, mais, comme l'a souligné Gérard Bapt, c'est en quelque sorte par soustraction. Cela n'a rien à voir avec l'honoraire médical effectivement pratiqué par le médecin dans l'exercice de sa profession. Qu'un médecin applique le tarif opposable, un tarif multiplié par deux ou un dépassement aboutissant à quadrupler le tarif opposable, cela ne change absolument rien pour la clinique où il exerce. Nous ne voyons donc pas où est l'incitation à la régulation et comment un tel système peut ne pas se traduire très concrètement par une distorsion de concurrence. Nous sommes là au coeur du débat que nous avons eu sur le fait que la convergence de la tarification à l'activité ne peut pas se mettre en oeuvre.
Pour nous, cet amendement n'est qu'un amendement de repli. En effet, à la base, nous n'acceptons pas le principe de la convergence, parce que les conditions d'exercice de la médecine à l'hôpital public et dans les établissements privés sont trop différentes pour que l'on puisse ne pas en tenir compte dans la tarification.
Nous continuerons la bataille, mais, si nous ne pouvons pas supprimer la convergence, il faut au moins intégrer à la tarification le prix des honoraires et – j'insiste – des dépassements.
J'ai déjà répondu sur l'amendement, mais je veux répondre aux questions de Mme Touraine, même si certains points de son intervention ont déjà été abordés lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Si, dans le cadre du calcul de la T2A, on constate un dépassement important de la tarification des activités, la régulation s'effectue bien entendu secteur par secteur. On nous reproche souvent d'effectuer un paquet global qui défavorise l'hôpital public.
C'est faux, puisque la régulation se fait secteur par secteur. Par ailleurs, nous tenons compte des dépassements d'honoraires dans la procédure de convergence tarifaire.
Je me souviens de vous avoir transmis des informations tirées d'études objectives sur les écarts de tarification : on ne peut pas prétendre que celle-ci serait identique dans le public et le privé. Des écarts de 30 % subsistent en défaveur du privé.
Par ailleurs, il existe des financements spécifiques,…
…notamment par le biais des MIGAC, qui tiennent compte des missions particulières de l'hôpital public.
J'ajoute que la prochaine campagne tarifaire prendra en compte la différence entre les patients qu'accueillent l'hôpital public et l'hôpital privé. La frontière entre l'un et l'autre n'étant pas totalement étanche, nous avons mis en place une modulation, qui s'appliquera à partir du 1er mars prochain.
Si le public et le privé accueillent parfois les mêmes populations, ce n'est pas dans la même proportion !
Cette modulation prévoit quatre niveaux de sévérité. Les résultats seront intéressants, par exemple, pour l'Assistance publique de Paris. En outre, elle tient compte du niveau de précarité des patients.
Cette mesure répond à une demande des professionnels, des élus et des gestionnaires.
(Les amendements nos 1233 rectifié et 1224 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Sur l'article 2, plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
L'article 2 traite de la qualité et de la sécurité des soins dans les établissements, ainsi que du rôle et de l'organisation de la commission médicale d'établissement dans les établissements publics et de la conférence médicale dans les établissements privés.
Cependant, je regrette qu'il ne définisse pas plus clairement les missions de la CME. Certes, il indique que celle-ci « contribue à l'élaboration de la politique d'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins » et qu'elle sera consultée « dans des matières et des conditions fixées par décret. » Mais j'aimerais que vous précisiez quelles sont ces matières, madame la ministre.
Il serait également souhaitable que le texte indique clairement que la CME élabore et vote le projet médical de l'établissement. Nous y reviendrons à l'article 6. Ce projet est en effet essentiel dans un établissement qui doit partir des besoins de santé de la population pour définir les moyens et l'organisation adéquate qui permettront d'y répondre.
C'est à partir du projet médical que doit être déterminé le projet de l'établissement, et sur la base de celui-ci que doivent être signés les contrats d'objectifs et de moyens. La mission des établissements est d'accueillir les patients dans les meilleures conditions et de leur prodiguer des soins de qualité, en évitant le plus possible événements et infections indésirables. En l'état, le texte manque de précision. On pourrait croire – sans doute à tort – que la CME et le projet médical deviennent secondaires.
L'article 6 prévoyant que le directeur « arrête le projet médical », il serait souhaitable que vous précisiez le contenu du décret prévu, et que vous envoyiez un signal à la communauté médicale, dont j'espère qu'elle sera appelée à émettre un avis sur le projet médical et à le voter.
Par ailleurs, je soutiendrai plusieurs amendements visant à renforcer le rôle de la conférence médicale des établissements privés. En effet, les médecins et les chirurgiens sont de plus en plus rarement propriétaires de leur outil de travail, et les groupes financiers qui rachètent les établissements n'ont souvent que la rentabilité pour but. Il convient donc que le projet médical de l'établissement privé soit validé par la conférence médicale, pour éviter, comme cela arrive parfois, que les professionnels de santé soient confrontés à l'abandon de telle activité sans en avoir été informés en amont. Là encore, il est nécessaire d'établir un lien entre le projet médical et les besoins de la population en matière de santé. Pour qu'un établissement public ou privé fonctionne correctement, une collaboration étroite entre la communauté médicale et le gestionnaire est indispensable.
La principale mission des établissements est bien de répondre aux besoins de santé de la population et d'assurer des soins de qualité. Pour la remplir, il convient d'établir un projet médical, qui doit être préparé et voté par la communauté médicale, et qui s'intégrera ensuite dans le projet d'établissement qu'arrêtera le directeur.
Je partage l'avis de M. Préel sur la nécessité d'affirmer la place de la communauté médicale dans l'établissement. Symboliquement, la définition des missions précises de la CME me semble indispensable. Nous en reparlerons sans doute quand nous débattrons du projet médical, qui doit, à mon sens, être voté par la CME.
Par ailleurs, l'exposé des motifs indique – c'est une petite révolution – que l'objectif de l'article 2 est « de simplifier et d'assouplir l'organisation interne des établissements en confiant à la commission médicale d'établissement la responsabilité de la définition de programme d'actions et d'indicateurs de suivi, en passant d'une logique de moyens à une logique de résultat et de gestion de projet ». Que signifie cette phrase ?
Au contraire !
Nous avons voté l'introduction du principe de précaution dans la Constitution, ce qui me paraissait nécessaire. Mais voilà que l'on passe à présent à une logique d'évaluation a posteriori, ce qui me semble appeler quelques explications de votre part, madame la ministre. Je ne sais plus si les CRU PCQ, les commissions de relation avec les usagers et de prise en charge de la qualité, seront liées aux comités de lutte contre les infections nosocomiales, qui ne sont nulle part nommés dans le texte. Puisque nous abordons l'article 2, qui porte sur le suivi, la qualité et la sécurité des soins dans les établissements publics, le moment me semble venu de nous répondre à ce sujet. Je ne suis pas opposé à un changement de logique, mais je voudrais en comprendre les tenants et les aboutissants.
L'article 2 est probablement l'un des plus importants du texte, du moins pour l'hôpital. Ce que nous appelons, dans un langage technocratique assez laid, la « gouvernance », désigne simplement la manière dont il est organisé : il s'agit de savoir quels principes régissent la définition et la mise en oeuvre de ses objectifs.
Certains ont voulu opposer, d'une manière qui paraît stérile, gestion administrative et gestion médicale. Mais le changement qu'introduit le texte n'est pas sans conséquences, puisqu'il prive la communauté soignante de sa primauté dans la définition du projet médical. Derrière le changement d'organisation et de structure, se cache évidemment un important changement d'objectifs.
Là où, dans le projet médical, le pilotage médical mettait en avant les besoins sanitaires et la santé de la population, le pilotage administratif insistera sur des priorités financières ou l'importance des réorganisations. Ce n'est pas un hasard si une grève du codage, c'est-à-dire de la tarification des actes, a éclaté dans les hôpitaux. Si, demain, le projet médical d'établissement est défini et mis en oeuvre par une direction administrative, on risque d'en venir à une sélection des actes, voire des malades. En outre, les médecins, qui se plaignent déjà de la lourdeur des contraintes administratives, seront submergés par des considérations de ce type.
En commission, pour expliquer son opposition à nos amendements, le rapporteur a indiqué que tout l'intérêt du projet de loi était d'établir un nouvel équilibre entre les manageurs de l'établissement et l'équipe médicale. Mais n'est-il pas paradoxal de présenter comme une loi de simplification de la gestion, au nom du bon sens, un texte qui ne fera qu'augmenter le poids de l'administration ? Le bon sens serait au contraire de soulager les hôpitaux de la contrainte des marchés publics, de ne pas multiplier les contraintes de codage pour les médecins, de confier les décisions médicales à ceux qui sont à même de les prendre, au lieu de les renvoyer vers des administratifs, qui n'ont pas les mêmes critères ?
Non seulement je doute que ce texte parvienne à simplifier la gestion, mais je crains qu'il n'introduise une transformation profonde dans les principes qui doivent conduire la vie hospitalière.
Je rappellerai d'abord les termes de l'article : « Les établissements de santé élaborent et mettent en oeuvre une politique d'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins et une gestion des risques visant à prévenir et traiter les événements indésirables liés à leurs activités.
« Dans ce cadre, ils organisent la lutte contre les événements indésirables et les infections associés aux soins. »
Il est d'autant plus important d'insister sur ce point que le secrétaire national de l'UMP chargé de la santé a cru bon, dans un article récent, d'affoler les Français en avançant le chiffre de 10 000 morts évitables chaque année à l'hôpital. Certes les événements indésirables graves y sont nombreux, puisqu'on en dénombre quelque 400 000, mais il faut savoir que ce chiffre mêle, notamment, les accidents médicaux et les infections. Il faut donc trier les données avant de commencer à s'affoler et ne pas donner à croire qu'on sort de l'hôpital plus malade qu'on y entre. Ce n'est pas le cas !
Cela dépend.
Les infections nosocomiales doivent toucher environ 4 000 patients par an, ce qui est déjà trop, assurément. Mais, quand on en a pris conscience, le plus important est de s'organiser pour réduire leur nombre. Selon le discours à la mode, il faudrait sanctionner : trouver le coupable et punir. Est-ce l'objectif ? Non, le maître mot doit être la prévention. Détectons les cas, analysons-les et prenons les mesures, les précautions qui les empêcheront de se produire.
Le patient qui a été victime d'une infection nosocomiale veut d'abord comprendre, ensuite être indemnisé, qu'il y ait eu faute ou pas. Des dispositifs existent, puisque les affections nosocomiales représentent un quart des dossiers traités par l'Office nationale d'indemnisation des accidents médicaux – ONIAM. Récemment se sont tenus des états généraux des infections nosocomiales et le médiateur constitue un pôle santé. Toutefois le Gouvernement est en retard puisque les membres de l'observatoire des risques, rattaché à l'ONIAM, qui est un outil utile, ne sont toujours pas renouvelés. Les travaux de l'observatoire sont donc au point mort alors que son renouvellement serait tout à fait simple à mettre en oeuvre.
Il est bon d'insister sur cette question : d'une part, sa médiatisation peut entraîner des réactions tout à fait inopportunes et, d'autre part, elle nous conduit nécessairement à nous poser celle des moyens dont dispose l'hôpital. Lorsqu'on travaille sous tension en raison d'un manque d'effectifs, on travaille moins bien : c'est humain. Il faut donc restaurer le climat de confiance et, pour cela, ne pas s'appuyer sur l'idée de la sanction en voulant à tout prix traquer celui qui a commis une faute. Créer la confiance permettra au contraire d'instaurer des conditions de travail cohérentes et donc de faire la bonne analyse, de prendre les bonnes mesures et de les respecter.
Cette question ne concerne pas seulement les chirurgiens et les anesthésistes mais également les infirmières, qui ont un rôle clé en la matière : les précautions qu'elles prennent, ou ne prennent pas, sont déterminantes. Certes, il convient que les établissements et leurs dirigeants s'organisent pour lutter contre les infections nosocomiales, comme le prévoit le deuxième alinéa de l'article 52, mais ils doivent le faire avec les personnels, notamment les personnels médicaux. Cette question concerne donc la manière dont les établissements sont dirigés et, par-delà, les relations, évoquées par Marisol Touraine, entre les différentes catégories de personnels travaillant dans les établissements. Il convient de remettre au premier plan la confiance que nous accordons aux personnels médicaux ainsi que la question de leurs méthodes et de leurs conditions de travail.
L'article 2 nous permet d'aborder un volet fondamental du projet de loi, mais c'est l'un de ceux qui suscitent le plus d'inquiétude.
En effet, selon la pensée que le Président de la République a exprimée à deux reprises, notamment à Bletterans, en septembre 2008,…
…il s'agit de transformer l'hôpital en entreprise. Il faudrait un patron à l'hôpital !
Le directeur sera nommé soit directement en conseil des ministres, soit, au terme d'une procédure plus complexe pour les centres hospitaliers, in fine par le ministre : en prise directe avec une gestion centralisée, il aura donc tous les pouvoirs pour « disposer » puisque, en effet, il est prévu que la commission médicale d'établissement « propose » et que le directeur « dispose ».
Certes, le président de la commission médicale d'établissement est vice-président du directoire, mais c'est le président du directoire qui arrêtera le projet médical, lequel devra concorder avec le contrat d'objectifs et de moyens passé entre lui-même et le directeur de l'ARS.
Madame la ministre, vous refusez de mesurer l'inquiétude qui s'empare actuellement de l'ensemble du corps médical des hôpitaux publics. Le quotidien Libération rapporte aujourd'hui les propos du professeur Grimaldi, chef de service de diabétologie à l'hôpital de La Pitié à Paris : « Dans les réunions, on ne parle plus que d'euros. Nous avons discuté récemment avec le conseiller de Nicolas Sarkozy. Il nous dit : “Je ne vois pas de différence entre l'hôpital et l'industrie aéronautique.” ». C'est clairement exprimé ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
On change donc la philosophie qui préside au fonctionnement de l'hôpital public et on en tire les conséquences logiques en donnant tout le pouvoir à l'administrateur principal, à savoir le directeur, dont le projet, je le répète, devra concorder avec le contrat d'objectifs et de moyens passé avec l'ARS.
Un tel changement provoque un trouble profond. Dans le même article, le professeur Grimaldi poursuit : « Aujourd'hui, on sent une résignation massive ». Un autre professeur tempère en disant : « Mes collègues sont perplexes ».
Madame la ministre, à l'heure actuelle, l'hôpital public est en détresse, il est même ébranlé dans ses fondements. Au cours de votre audition devant la commission des affaires culturelles, j'avais émis le souhait que les éléments du projet de loi relatifs à la gouvernance puissent être retirés, rediscutés et renégociés avec l'ensemble des partenaires, notamment médicaux. À cette fin, j'avais cité un médecin, qui est président de la Conférence nationale des CME de centres hospitaliers, le docteur Francis Fellinger. Vous m'avez répondu que M. Fellinger soutient le projet de loi et qu'il a même publié un communiqué en ce sens. Or le docteur Fellinger s'est exprimé dans La Tribune du 4 février. Après avoir, il est vrai, salué certaines avancées du texte – le pilotage régional, les comités hospitaliers de territoire ou la notion de nouveau contrat entre l'hôpital et le médecin –, il ajoute, toutefois – ce qui n'est pas sans concerner l'article 2 ni les articles relatifs à la commission médicale d'établissement – : « Pour nous, le patron à l'hôpital, c'est un leurre. Le projet concentre tous les pouvoirs dans les mains du directeur d'hôpital gestionnaire et de l'ARS. Au mieux les médecins adopteront une position de retrait, au pire ils seront en opposition. L'Élysée pense qu'un patron à l'hôpital va permettre de résorber les déficits des établissements mais, pour ça, il faut au contraire impliquer les médecins. »
Voilà pourquoi, madame la ministre, de manière constructive, nous vous informons que, à moins que ne soit adopté un amendement qui rompe avec la feuille de route donnée par le Président de la République, nous voterons contre l'article 2.
L'article 2, qui concerne la qualité et la sécurité des soins dans les établissements de santé, propose une architecture de rapport entre le médical et la fonction gestionnaire et administrative des établissements de santé.
Comme plusieurs de mes collègues, je suis inquiet de la façon dont le projet de loi traite le projet médical, notamment la commission médicale d'établissement qui, en tant que maître d'oeuvre du projet médical, doit en être également le maître d'ouvrage. Il faut que le pouvoir médical puisse s'exprimer clairement au sein de l'hôpital. En matière d'organisation de l'hôpital, nous devons tout d'abord nous interroger sur sa raison d'être, qui est de répondre aux besoins de la population en matière de santé. Telle est la fonction principale de l'hôpital qu'on ne saurait oublier même si, naturellement, des considérants économiques doivent également intervenir.
C'est la raison pour laquelle il importe que le projet médical de l'établissement puisse être arrêté par la commission médicale d'établissement, dans le cadre, naturellement, d'une confrontation avec le directoire. Car, de même que, en vertu de la réforme du Parlement, le texte examiné en séance sera désormais celui issu des travaux de la commission – et non plus celui du Gouvernement –, de même, le projet de loi doit requalifier le travail effectué par les médecins au sein de la commission médicale.
Madame la ministre, vous savez que le projet médical est important pour un hôpital : il doit être établi essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, en fonction des besoins de la population. Or le malade n'est pas au centre du projet de loi, notamment en matière de prévention, d'accès aux soins et de dépassement des honoraires. C'est pourquoi, alors que vous en appelez au tact et à la mesure, je préférerais que vous invoquiez la traque à la démesure. (Sourires.)
L'article 2 paraît instaurer comme un flou entre le projet médical et le projet d'établissement. En réalité, il s'agit d'un changement majeur, d'un gouffre, d'un canyon du Colorado. Désormais, le projet médical s'appuiera sur des fondements purement comptables, comme Gérard Bapt l'a rappelé en citant les propos d'un conseiller du Président de la République qui comparait la gestion d'un hôpital à celle de l'industrie aéronautique, ce qui est loin de nous rassurer, d'autant que ces propos ont été tenus par l'un de ceux que vous considérez comme vos amis.
Je connais le climat qui règne actuellement, sinon dans tous les hôpitaux de France, du moins dans les hôpitaux de ma région, notamment dans celui que je préside : on assiste à une montée de l'inquiétude, voire de la colère et de la révolte des médecins hospitaliers. Si vous n'y prenez pas garde, madame la ministre, vous pourriez être confrontée aux mêmes difficultés que votre collègue Valérie Pécresse, sur un autre sujet. Attention, madame la ministre, attention !
Le ministre Karoutchi pourrait s'y associer.
Il conviendra d'examiner avec soin les amendements que nous proposons, non seulement dans l'intérêt de l'hôpital, mais aussi dans l'intérêt national. Il s'agit de rendre toute sa place à la CME en matière de qualité et de sécurité des soins, d'accueil des usagers, tant il est vrai que ce projet médical est important.
L'article 2 est essentiellement construit autour de l'idée qu'il fallait compenser la marginalisation de la CME et, partant, celle de la pensée médicale au sein de l'hôpital.
Le diagnostic du Président de la République et de certains de nos collègues de la majorité – pas tous – est simple : l'hôpital public doit être géré comme une entreprise par un manager. Celui-ci doit avoir, enfin, la responsabilité de ce qui constitue, apparemment, le plus grand trouble à l'ordre public en matière de santé : l'insuffisant équilibre financier de nos hôpitaux.
Toute l'analyse des difficultés de notre système de santé revient à affirmer que l'hôpital n'est pas suffisamment bien géré. La philosophie première de la majorité est donc qu'il faut installer une logique…
…de l'équilibre, pour ne pas dire de la rentabilité. Pour cela, il faut un chef, il faut caporaliser l'hôpital. Dès lors, le Gouvernement est bien embarrassé avec la question de la CME…
…qui avait la responsabilité de la pensée médicale et de la définition du plan stratégique de l'hôpital.
Ce plan stratégique devait être validé par le conseil d'administration au sein duquel – horreur ! – siégeaient des élus. À l'évidence, l'alliance des élus et des professionnels de santé empêchait le bon fonctionnement de l'hôpital. Or on imagine ce qu'il en sera si l'on en juge, année après année, par l'exemple que donnent nos managers de la finance, voire ceux de l'administration publique – ne soyons pas chiens, il n'y a aucune raison de ne pas s'interroger sur le fonctionnement de l'État. Il faut donc absolument marginaliser ce système. Il s'agit, bien sûr, d'une erreur. Un tel changement d'orientation peut être fatal à nos hôpitaux : la logique managériale peut faire oublier la qualité des soins, prendre le pas sur la logique médicale, et, au-delà, décourager des professionnels de santé qui, dans leur adhésion à l'hôpital public, ne font pas de leur rémunération un objectif central.
En effet, chers collègues de la majorité, il existe des praticiens hospitaliers de très haut niveau, de très grande qualité,…
…dont la préoccupation première n'est pas la rémunération. Incroyable ! Ces gens sont-ils donc normaux ? On en doute ! (Sourires.)
Ces gens-là exercent en hôpital public, parce que leur pratique est conforme à leur éthique et – horrible chose –, ils peuvent peser sur le fonctionnement de l'institution. Il est en effet incroyable qu'au nom de leurs principes scientifiques et éthiques, ils s'avisent de peser sur le fonctionnement de l'hôpital !
On comprend que, dans de telles conditions, l'hôpital ne puisse pas fonctionner. Il est donc temps d'y mettre bon ordre.
C'est la vocation de l'article 2.
Cela dit, une fois le corps médical marginalisé, il faut composer avec la réalité. De quoi va-t-on donc bien pouvoir le charger ? Une idée surgit : la sécurité et la qualité des soins. Voilà qui est utile, surtout au moment où l'on proclame – pas forcément, d'ailleurs, de façon erronée, mais, en tout cas, de manière maladroite et malintentionnée – qu'il y aurait chaque année plusieurs milliers de morts pour des causes dites « évitables », à l'hôpital. Ce n'est peut-être pas une invention,…
Et les 4 000 morts à cause d'infections nosocomiales ?
…mais, pour partie, c'est une extrapolation de la réalité. En tout cas, c'est une préoccupation qui doit être prise en compte. On peut dès lors se dire que les médecins pourront au moins servir à quelque chose en prenant la responsabilité de la sécurité des soins, ce qui est déjà pas mal.
Mais peut-on être responsable de la sécurité et de la qualité des soins lorsqu'on n'est pas coresponsable de la définition de la stratégie médicale ? Certains d'entre nous connaissent la réponse : on nous propose un marché de dupes.
Ceux d'entre vous qui se passionnent pour l'industrie aéronautique savent qu'il serait utile d'introduire dans le texte des dispositions relatives à la sécurité et à la qualité des soins. Encore faut-il ne pas oublier ce principe fondamental très simple – qui n'a rien d'original puisqu'il régit toutes les organisations industrielles où l'on a été amené à réfléchir sur ces questions : ceux qui sont chargés de la production ne s'occupent ni de la qualité ni de la sécurité. Il s'agit du principe intangible du fonctionnement des systèmes modernes de qualité.
Or, comme vous n'avez trouvé aucune activité de substitution à la CME, vous chargez ses membres, eux qui s'occupent justement de la production des soins, de la qualité et de la sécurité de ces mêmes soins, contrairement à tous les principes fondamentaux de bon fonctionnement des institutions de services ou industrielles.
Je souhaite, madame la ministre, me faire le porte-parole de l'inquiétude des médecins hospitaliers et de leurs représentants au sein des commissions médicales d'établissement. Présidant un conseil d'administration, notre collègue Jacqueline Fraysse a pu constater leur implication dans les orientations stratégiques de l'hôpital ; elle a pu observer leur volonté d'être des acteurs à part entière du projet médical de l'établissement dans lequel elle siégeait ; elle a enfin constaté leur engagement pour la qualité des soins et leur souci pour une gestion responsable du budget.
Vous me permettrez de croire que les avis judicieux des représentants de la CME dans les conseils d'administration ne sont pas que le fruit de la qualité des présidents ou vice-présidents de ladite commission. C'est aussi, plus fondamentalement, parce que leur avis s'est forgé en son sein grâce à une concertation large et régulière entre médecins.
À l'hôpital Robert-Ballanger d'Aulnay-sous-Bois, la CME compte trente-deux internes médecins et responsables de pôles qui, ensemble, participent activement à la bonne marche de l'hôpital. Ils se préoccupent non seulement du règlement intérieur mais s'engagent tout autant dans la co-élaboration du schéma directeur avec l'administration et avec les membres du conseil d'administration.
Aussi l'article 2, soumis à l'examen de la représentation nationale, nourrit-il les inquiétudes du corps médical. Certes, votre texte accorde une part encore importante à la CME. Sa mission, aux termes du texte, est de « contribuer à l'amélioration continue de la qualité » des soins. Les médecins ne s'opposent pas à un tel projet, certes, mais, réduite à celui-ci, la CME perd l'essentiel de son rôle : être un lieu de concertation et d'implication de toute la communauté médicale sur l'ensemble du projet d'établissement.
Peut-être me répondrez-vous, madame la ministre, que les médecins seront les premiers partenaires du directeur au sein du futur directoire. À cet éventuel argument – du reste déjà entendu –, on peut répondre que les deux ou trois médecins qui en feront partie auront beau être très efficaces, nous serons loin d'un dialogue entre trente-deux professionnels. Du reste – mais j'anticipe sur l'examen d'autres articles –, le pouvoir qui sera accordé au futur directeur, lui-même sous la coupe du directeur de l'ARS, ne laissera que très peu de place au dialogue.
Madame la ministre, les médecins des hôpitaux publics ne souhaitent pas être un simple rouage de l'hôpital. Ils en sont des acteurs majeurs, ils sont des partenaires essentiels de la réussite d'un projet de santé. Ils sont les garants de l'intérêt des patients et du service public qui leur est dû. Aussi ne pouvons-nous que partager l'inquiétude de la communauté médicale et regrettons-nous que vous ayez choisi la voie de l'autoritarisme. Dans la gestion de l'hôpital public, les médecins attendent d'être écoutés et non caporalisés.
Cet article est important puisqu'il concerne la place des médecins et des soignants au sein de l'établissement de santé, en l'occurrence de l'hôpital.
Tant de choses ont été excellemment dites que je focaliserai mon attention sur un seul point, particulièrement sensible : la sécurité et la qualité des soins. Vous avez déclaré, madame la ministre, si je me souviens bien – et veuillez pardonner l'approximation de ma citation –,…
Dans ce cas, il vaut mieux ne pas tenter de me citer.
…que nous ne nous entendrions pas avec le personnel hospitalier, que nous risquions de le contrarier.
Or les déclarations du groupe UMP sur la sécurité ont produit un effet délétère auprès des hospitaliers.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. La déclaration de M. Juvin !
Je pense aussi à la déclaration de M. Juvin qui a affirmé que 10 000 ou 13 000 patients mouraient chaque année à l'hôpital à cause d'erreurs médicales. Cette déclaration très grave confond plusieurs éléments.
Les erreurs existent et tout le monde a conscience que le métier de médecin hospitalier est un métier à haut risque : il faut pouvoir l'exercer dans des conditions de travail satisfaisantes et non pas selon la logique du rendement, comme le laissent craindre les contrats dont vous parlez.
Quant aux effets indésirables, très difficiles à analyser, ils sont de deux ordres. Certains sont évitables quand d'autres sont imprévus et imprévisibles, dus à une disproportion, par exemple, entre les effets d'un médicament et ce qui est attendu ou scientifiquement connu. Or on n'a évoqué ce point que pour les hôpitaux. Personne n'a parlé des cliniques. Sans doute pensez-vous que ces effets indésirables n'existent pas dans les cliniques.
On a aussi parlé de sanctions. Or, en la matière, que faut-il envisager ? La loi devrait le prévoir et la totalité des établissements de santé devraient être concernés. C'est la déclaration qui est importante, car elle permet l'analyse.
Je voudrais bien avoir, pour les différents établissements, une estimation du taux de déclaration. Je suis sûre que les hôpitaux viendraient en tête. Nous aurions dû inscrire cette déclaration parmi les missions de service public…
En effet !
…et imposer qu'elle soit endossée par tous les établissements, publics et privés. Mais cela demande énormément de temps. Je puis vous assurer que, pour un essai thérapeutique, la déclaration des effets indésirables, qui correspond à un formulaire très détaillé, prend un temps infini.
Je terminerai comme j'ai commencé : cela aussi exige des conditions de travail certainement très éloignées de la rentabilité que peut apprécier un manager. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, dernier orateur inscrit sur l'article. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la ministre, si je prends la parole, c'est afin que vous puissiez mieux vous remémorer mes propos et y répondre avec pertinence.
Et impertinence !
Vous anticipez sur le décalage entre mon intervention et votre réponse : cela ne milite guère en votre faveur ! (Sourires sur divers bancs et rires sur les bancs du groupe NC.)
Tous ceux qui président ou ont présidé des conseils d'administration connaissent l'importance de la troïka qui dirige l'hôpital.
Vous montrez l'immensité de votre culture, mon cher collègue : je pensais que vous ne connaissiez du russe que la glasnost – que vous exprimez dans cette langue parce que vous ne la pratiquez qu'à l'étranger, et non chez nous !
Revenons à la troïka, qui a fait la preuve de son efficacité et se compose du président du conseil d'administration, de celui de la CME et du directeur de l'hôpital.
Chacun détient à sa manière une part de compétence, et l'on sait que la coopération entre ces trois personnages dans un hôpital garantit une capacité de renouvellement de l'hôpital public en phase avec l'évolution des besoins de santé publique.
Par ce texte, vous technocratisez, et l'on voit bien pourquoi. Nous devrions chanter tous ensemble un hymne de reconnaissance aux médecins hospitaliers, car, comme l'a dit tout à l'heure notre collègue Le Guen, ils ont fait un choix de vie, alors que leurs compétences leur auraient permis d'en faire d'autres et d'avoir de confortables comptes en banque : ils ont choisi de soigner, indépendamment de ce que cela rapporte. C'est là quelque chose d'original dans notre pays.
Ne croyons pas pour autant que, parce que les médecins placent au premier rang de leurs préoccupations la qualité du service de santé publique, ils en ignorent le coût. Mais ils ont raison de considérer que la qualité du service vient d'abord, et le coût ensuite.
En effet, la santé est un droit fondamental. On parle des droits de l'homme à tort et à travers ; voilà une occasion d'employer ces termes dans un domaine où ils sont particulièrement pertinents.
On voit bien votre logique : vous voulez que l'hôpital soit d'abord géré selon des critères économiques – je dirais même selon des critères comptables. Et celui qui sera responsable en dernière instance devant vous, par l'intermédiaire des agences régionales, sera le directeur, dont le déroulement de carrière dépendra de son esprit de soumission aux critères que vous aurez déterminés. La santé publique risque ainsi d'être oubliée au profit de la seule rentabilité : on omettra sa dimension sociale et humaine.
En outre, nous savons tous ici que vous ne traitez pas les établissements publics et privés de la même manière. Il ne s'agit pas personnellement de vous, madame la ministre, mais du Gouvernement ; de ce point de vue, reconnaissons que les gouvernements se suivent et se ressemblent. Nous connaissons tous des abus commis dans des établissements privés. Faut-il en citer des exemples en région parisienne, madame la ministre ? Voici celui qui me vient à l'esprit : la clinique des Jockeys, au nord de Paris.
C'est une clinique vétérinaire ! (Sourires sur quelques bancs du groupe UMP.)
J'en ai déjà parlé à la tribune, et, bizarrement, je n'ai jamais été mis en cause pour ces propos. Quand, pour rendre service, on autorise des patients à rentrer chez eux pour un week-end prolongé, vérifie-t-on bien que les journées ne sont pas facturées ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Remarquez la forme interro-négative de ma phrase ! Je vois, madame la ministre, que vous comprenez à demi-mot ce que je veux dire, et que vous vous demandez si vous allez m'approuver.
On est très sévère avec les médecins, que l'on jette en pâture à l'opinion publique… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
…par l'intermédiaire des médias, au moindre problème survenu dans un établissement public. J'aimerais que l'on soit aussi sévère avec les banquiers, les capitaines d'industrie… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai presque fini, madame la présidente.
Comparaison n'est pas raison, mais permet de mesurer la sincérité de la politique gouvernementale. Un exemple, madame la ministre : vous avez vu M. Carlos Ghosn, l'Attila de l'automobile,…
Je ne l'ai jamais vu !
… parce que la situation de Renault est très mauvaise. Et en même temps, madame la ministre, que fait Carlos Ghosn ? Il offre une croisière à 164 privilégiés pour 820 000 euros ! Voilà ce que l'on fait de l'argent public !
Eux, ils peuvent tout faire ! À quand la prison pour ces banquiers qui ont dilapidé de l'argent qui appartient en dernière instance à la nation, puisqu'on aligne des milliards pour les mettre à leur disposition ?
Ce sera ma dernière phrase, madame la présidente, et elle ne sera pas aussi longue que celles de Proust. Je rêve de l'égalité, je rêve que tout le monde soit traité de la même façon, et que l'on soit aussi exigeant avec ceux qui ne sont pas médecins qu'avec les médecins hospitaliers, qui conçoivent leur profession comme un sacerdoce.
Merci, mesdames et messieurs les députés, pour vos interventions, qui ont permis – c'est un point d'accord entre nous – de rendre hommage aux personnels soignants de l'hôpital public : les médecins, certes, mais aussi…
… les autres personnels soignants, qui sont absolument admirables et que plusieurs dispositions associeront d'ailleurs au pouvoir médical.
Au sein de l'hôpital public, on constate aujourd'hui des difficultés qui sont liées à l'absence de véritable responsable. Je veux redire avec force, comme plusieurs d'entre vous, que l'hôpital public n'est pas une entreprise ; mais ce n'est pas pour autant qu'il ne doit pas avoir un patron responsable, car c'est aussi comme cela que fonctionne un service public.
Mais il faut également un pouvoir médical fort. Or aujourd'hui, dans l'hôpital public, le pouvoir médical, faute d'être sanctuarisé, est parfois dilué et émietté. Je veux justement le sanctuariser, et c'est ce à quoi tend tout le texte que je vous propose.
Le pilotage des hôpitaux publics nécessite le renforcement des pouvoirs de ses équipes dirigeantes, dont le chef d'établissement : s'appuyant sur son directoire, le directeur se voit confier la responsabilité de l'établissement de santé. La clarification du pilotage est une condition essentielle de la mise en oeuvre des délégations de gestion dans les pôles, de l'assouplissement de la gouvernance.
Dans cette optique, je conçois la relation entre président et vice-président du directoire comme un véritable binôme. Le directeur doit pouvoir travailler en étroite concertation avec les médecins. Il est désormais compétent pour choisir, avec le président de la CME, les praticiens qu'il recrute, décider de l'organisation interne, évaluer les personnels, décliner la politique de qualité et de sécurité, et signer le contrat pluriannuel avec l'ARS. Toutefois, naturellement, il ne le fait pas seul, mais en concertation avec un directoire à majorité médicale. Monsieur Mallot, j'accepterai l'amendement qui fait du directeur des soins un membre de droit de ce directoire. Cela me paraît très important.
Le directeur pourra également s'appuyer sur des chaînes de responsabilité clarifiées, sur des circuits décisionnels déconcentrés au niveau des pôles, confiés à des médecins chefs de pôle.
Je le répète, revoir l'organisation interne actuelle de l'hôpital, c'est responsabiliser les différents acteurs et leur permettre de réaliser des projets qui, à cause de cette désorganisation, pouvaient être noyés dans des conflits d'intérêt particuliers.
Je veux rassurer les médecins, les praticiens hospitaliers : encore une fois, le directoire est bien composé en majorité de médecins. À ce titre, les présidents de CME, vice-présidents du directoire, voient leur rôle de sages, de garants de la qualité médicale et de celle des projets, accru et valorisé. Il s'agit bien pour eux d'être vice-présidents d'une instance dotée de pouvoirs très importants. Les chefs de pôle sont également responsabilisés : on leur fournit de nouveaux leviers, en particulier l'autorité fonctionnelle sur tous les agents affectés au pôle, notamment les médecins. C'est là un point très important auquel on n'a pas suffisamment prêté attention.
J'ai voulu une réforme pragmatique, enracinée dans les valeurs et le savoir-faire des professionnels de l'hôpital, auxquels je tiens à rendre hommage. Je réponds ainsi à de nombreux intervenants : MM. Bapt, Rogemont, Roy et Le Guen, Mme Delaunay et M. Brard.
Plusieurs questions plus spécifiques m'ont été posées. M. Préel m'a ainsi interrogée sur le contenu du futur décret d'attribution de la CME. Je vais vous en indiquer les grandes lignes, et nous pourrons y revenir. Bien entendu, le texte précise déjà que c'est la commission médicale, la communauté de soins et des médecins, qui élabore le projet médical ; ce point ne fait aucun doute. Le décret précisera par ailleurs que la CME sera chargée de la qualité, des infections nosocomiales – j'y reviendrai brièvement –, de la vigilance, des indicateurs de qualité et de sécurité, de la politique du médicament, de la formation continue, d'émettre des avis sur le projet de soins infirmiers, enfin des relations avec les usagers – aspect essentiel.
Une question posée par M. Leteurtre me fournira l'occasion de répondre également à M. Mallot. Vous avez très justement souligné, monsieur Leteurtre, le changement de paradigme qui consiste à passer d'une logique de moyens à une logique de résultats.
C'est précisément ce que nous sommes en train de faire à propos des infections nosocomiales. Voici en quoi consiste leur suivi dans notre système hospitalier actuel : nous garantissons par exemple l'utilisation de solutions hydro-alcooliques, mais nous ne vérifions pas que des infections ne surviennent pas par la suite. Passer d'une culture d'indicateurs à une culture de résultats suppose de se montrer beaucoup plus exigeants.
Certes, il est important de savoir qu'on a utilisé tant de milliers de litres de solution hydro-alcoolique ; mais ce sur quoi le malade veut être informé, c'est le nombre d'infections nosocomiales à souche résistante qui ont touché l'hôpital, et l'augmentation ou la diminution de ces indicateurs.
Non. Mon père est mort d'une infection nosocomiale, monsieur Brard, et je suis particulièrement attentive à ces questions.
Vous voyez donc que l'on change, dans ce domaine, de culture.
Mme Delaunay a soulevé un point très important s'agissant de l'obligation de déclaration des événements indésirables. Le texte apporte déjà quelques éléments. Sur ce sujet, la transparence est absolument indispensable. Je suis en train de travailler à un certain nombre de procédures et nous pourrons encore préciser le texte. Je suis tout à fait disposée à donner suite à l'excellente observation de Mme Delaunay.
Je crois avoir répondu de façon globale sur les préconisations qui m'ont été adressées.
Sur l'ONIAM, je vous communiquerai des éléments très précis. En ce qui concerne les maladies nosocomiales, notre pays a fait des efforts considérables, qui méritent d'être amplifiés. La création des centres de référence sur les infections ostéo-articulaires est un moyen d'accroître encore la qualité.
Je veux véritablement vous rassurer, mesdames et messieurs les députés : oui, ce sont les médecins qui élaboreront le projet médical de l'hôpital public,…
…projet qui ne saurait être opposé à la bonne gestion. C'est parce que l'hôpital sera bien géré qu'il pourra mettre en oeuvre, de la façon la plus efficace et la plus optimisée, le projet médical.
Nous passons à la discussion des amendements sur l'article 2.
Je suis saisie d'un amendement n° 286 .
La parole est à M. le rapporteur.
C'est un amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 286 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 1052 .
La parole est à M. Jean Mallot.
L'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins doit se faire en concertation avec tous les professionnels intervenant dans l'établissement de santé : les médecins, mais aussi les infirmiers, les aides-soignants et les autres catégories de personnels – psychologues, animateurs socioculturels, et autres. C'est le sens de cet amendement que, après le long échange que nous venons d'avoir, nous devrions être tous d'accord pour voter, puisqu'il intervient comme la conclusion logique de cette discussion.
La commission a repoussé cet amendement, considérant qu'il alourdit inutilement la rédaction du texte.
Défavorable pour les mêmes raisons.
On ne cesse de dire que la sécurité et la qualité des soins exigent un engagement beaucoup plus large que celui des seuls médecins. Au-delà du projet médical et de la commission médicale d'établissement, il y a un vrai problème d'adhésion des professionnels de santé autres que les médecins.
De deux choses l'une, ou bien on continue à favoriser l'expression des professions de santé en silo, en mettant toujours en avant telle ou telle catégorie médicale ; ou bien on considère que l'hôpital moderne fonctionne avec des équipes, dont tous les membres n'ont certes pas le même poids lorsqu'il s'agit de prendre des décisions stratégiques en matière de santé et de soins, mais, à l'évidence, il est temps d'élargir le projet de soins à d'autres corps que le seul corps médical. Il nous semblait donc utile d'indiquer que le projet de soins pourrait être élaboré non seulement par le corps médical, mais par l'ensemble des personnels soignants.
Je veux réfuter la présentation de l'hôpital comme un lieu d'inorganisation absolue et de déresponsabilisation partagée. Il ne faut pas oublier que l'hôpital public est le lieu où tout citoyen se rend en dernier recours, face à un système de l'offre de soins, qui, lui, est globalement désorganisé. Arrêtons de faire ce scandaleux procès en désorganisation à l'hôpital public !
On n'arrête pas de dire qu'il faut réorganiser l'hôpital, qui serait devenu une sorte de tour de Babel.
Je vais vous faire part de mon expérience de médecin, qui prend encore des gardes à l'hôpital, comme un certain nombre d'entre vous ici, et qui, en tant que responsable de service, en assume le fonctionnement avec l'ensemble des soignants. Avant de n'être plus que vacataire, j'organisais des réunions de service qui rassemblaient, pour une partie de la réunion, tous les personnels, de la personne responsable de l'entretien jusqu'aux médecins. Car, pour combattre les infections nosocomiales, par exemple, la personne chargée de l'entretien du service est aussi importante que le médecin.
Bien sûr !
Pour un malade en urgence vitale, on a beau faire le meilleur diagnostic et administrer les traitements les plus appropriés, si l'infirmière ou le médecin fait une faute d'asepsie, si la salle de déchoquage n'est pas d'une propreté irréprochable, ce patient très fragile risque d'être contaminé par une infection, ce qui peut avoir des conséquences dramatiques.
Il y a donc une chaîne de soins, des compétences et des responsabilités partagées. L'amendement qui vous est proposé est fondamental pour remotiver l'ensemble du personnel hospitalier, qui en a assez d'être cloué au pilori et de voir la qualité de son travail mise en doute. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je suis saisie d'un amendement n° 937 .
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
Je regrette que l'amendement précédent n'ait pas été adopté. Les médecins sont, en effet, la condition absolument nécessaire mais non suffisante à la qualité des soins et à la sécurité, la communauté hospitalière dans son ensemble y contribue.
Madame la ministre, je suis choqué et je me demande si vous êtes convaincue de ce que vous dites. Vous connaissez bien la réalité de l'hôpital. Comment pouvez-vous dire qu'il est désorganisé ?
Vous savez bien qu'il n'est pas désorganisé. L'investissement des personnels a même pallié, dans une large mesure, la restriction des moyens.
Ai-je dit qu'il était désorganisé ?
Le Journal officiel en fera foi. Je me réconcilierais avec vous si vous reconnaissiez que votre langue a fourché. Dans ce cas, venez à résipiscence, madame la ministre, nous vous accorderons notre pardon ! (Sourires.) Mais vous avez parlé de désorganisation, et je trouve cela choquant, car ce n'est pas la réalité que nous connaissons dans nos hôpitaux, même s'il peut toujours y avoir une exception qui mérite d'être redressée.
J'ai parlé d'un pouvoir émietté qu'il fallait sanctuariser.
Pour sanctuariser, vous parlez de directoire, et on sait comment le Directoire a fini dans l'histoire. Après le Consulat, ce fut l'Empire, et on sait ce que cela veut dire !
Pardon ! (Sourires.)
Bien ! Cinq Pater et trois Ave ! (Sourires.)
Je reviens à mon amendement. La politique de qualité ne doit pas se limiter à la seule qualité des soins et à la lutte contre les maladies nosocomiales, même si cela est sans aucun doute très important. Cela dit, pas de démagogie, il ne faut pas laisser croire que la mort n'existe plus à l'hôpital. La politique de qualité des établissements de santé doit aussi prendre en compte l'accueil et l'information des patients, et l'accès à leur dossier médical.
C'est une demande constante qui ne peut être ignorée. Qui n'a pas, un jour, été confronté à des difficultés pour obtenir des renseignements de la part du corps médical ou pour accéder à son dossier ? Ce n'est pas de la mauvaise volonté de la part du corps médical, mais il faut du temps pour répondre dans un domaine où les réponses ne sont jamais simples. La charge de travail dans les services est telle que ce temps n'est jamais suffisant pour expliquer tout en respectant la souffrance des familles, qui ne prédispose pas à une écoute objective des explications du corps médical.
Il est souvent indispensable de commenter les données, de donner des explications précises et compréhensibles pour tout un chacun. Les médecins présents sur ces bancs comprendront parfaitement ce que je veux dire. Le pire, c'est la langue de bois, qui donne à la famille ou au patient l'impression, infondée la plupart du temps, qu'on veut dissimuler quelque chose.
Le principe de l'accès à son dossier médical doit être réaffirmé et faire partie des obligations auxquelles les établissements de santé ne doivent pouvoir se soustraire. Aussi, faut-il que du temps puisse être réservé à ces tâches et donc donner des moyens pour les exécuter. J'espère, monsieur le rapporteur, que vous ne vous en tirerez pas, cette fois, en disant que cela alourdit le texte. Ce genre de formulation ne fait qu'indiquer le défaut d'arguments pour contredire les amendements.
Je ne dirai pas que cela alourdit le texte, mais, dès lors que l'alinéa 2 mentionne l'« amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins », une telle proposition me paraît superfétatoire. La commission a repoussé cet amendement.
Cela n'alourdit pas le texte, mais l'amélioration des conditions d'accueil et d'information des patients, et de l'accès au dossier médical est un objectif dévolu aux commissions de relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge, les CRU. Celles-ci verront leur rôle renforcé par une disposition que je soutiendrai, qui vise à intégrer, dans le programme d'action proposé par la commission médicale d'établissement, les informations issues du rapport de la CRU. Il me semble souhaitable de favoriser un travail de synergie entre ces deux commissions, CRU et CME, pour bien indiquer que toutes ces questions font partie véritablement du projet médical de l'établissement. Nous nous rejoignons, sinon sur les modalités, du moins sur les finalités.
Cet aspect est donc tout à fait important, et votre demande étant déjà prise en compte par les dispositions existantes et par celles que je vais soutenir, je vous demande de retirer votre amendement.
Ce n'est pas fromage ou dessert ! CME, CRU, tout ce que vous voulez ! (Sourires.)
Monsieur le rapporteur, dans mon amendement, il n'est pas question de la qualité des soins. Vous ne l'avez pas lu !
De l'accueil des patients.
Un bon point pour vous, madame la ministre, vous l'avez lu ! (Sourires.)
Je parle de l'accueil, de l'information et du droit d'accès au dossier médical. C'est autre chose. La qualité des soins est supposée acquise. Les commissions de relations avec les usagers font un excellent travail, je l'ai vécu à l'hôpital de ma ville, à Montreuil. Il faut garder cela, tout en l'améliorant si possible. Mais je parle d'autre chose : de l'information, du droit d'accès des patients à leur dossier.
N'allez pas me faire croire que vous n'avez pas compris ce que je propose dans mon amendement. D'ailleurs, je vois à votre regard malicieux, madame la ministre, que vous avez parfaitement compris mais que vous avez décidé de ne pas brancher le sonotone. (« Comment ? » et sourires sur les bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 937 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 1055 .
La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
Cet amendement propose de ne pas mettre en oeuvre, pour les problèmes de qualité, la responsabilité directe de la commission médicale d'établissement, mais d'essayer de dégager la chaîne d'information et d'analyse pour les incidents ou les insuffisances touchant à la qualité et à la sécurité des soins. Une chaîne autonome devrait permettre une distinction entre ceux qui sont chargés de la production des soins et ceux qui sont chargés de l'analyse des soins et du recueil des informations.
C'est un principe de plus en plus avéré en matière d'amélioration de la qualité et de la sécurité d'une production, de quelque nature qu'elle soit.
La commission a repoussé cet amendement. Il nous semble essentiel de passer d'une logique de moyens à une logique de résultats et de gestion de projet.
Il est important de préserver la liberté d'organisation des établissements de santé qui doivent pouvoir s'organiser librement, selon leur taille, pour répondre aux objectifs de qualité et de sécurité.
Je suis défavorable à l'amendement pour une motivation qui rejoint celle de M. Le Guen : le refus de la caporalisation.
M. Le Guen la craint.
La proposition d'un personnel qualifié et d'une fonction autonome de responsable de l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins est pertinente. Cette préconisation est déjà mise en oeuvre dans un certain nombre d'établissements.
Mais je ne vois pas la nécessité de figer dans la loi l'ensemble des fonctions, titres et postes en matière de qualité et de sécurité des soins. Laissons au contraire une grande liberté aux établissements pour leur organisation interne. C'est le plus important, et c'est ce à quoi vous aspirez.
Madame la ministre, nous sommes d'accord : il ne faut pas surcharger les textes législatifs. Je me rappelle avoir mené, pour le ministre de l'industrie de l'époque, une mission sur la qualité dans l'industrie, au moment où notre industrie automobile, notamment, souffrait d'un lourd handicap de qualité par rapport aux industries allemande, suédoise et japonaise.
J'avais étudié, lors de voyages à l'étranger, l'organisation nécessaire à l'élaboration d'une chaîne de qualité la plus efficace possible. J'avais pu constater que le directeur de la qualité était directement rattaché au directeur général ou au président-directeur général et qu'il était le seul, en dehors de ces deux personnes, à avoir la capacité d'interrompre l'activité d'une chaîne de production, au nom de la qualité. C'est pourquoi je pense que la proposition exposée tout à l'heure par M. Le Guen est pertinente.
Le travail de l'association Le Lien est né de souffrances consécutives aux infections nosocomiales. Elle mérite un prolongement législatif.
M. Bapt a évoqué les affections nosocomiales. Il existe, au sein des établissements hospitaliers, les comités de lutte contre les affections nosocomiales. Ils font la preuve de leur efficacité. La proposition de M. Le Guen, qui va dans le sens d'une évaluation plus générale de la qualité des soins, me semble importante.
L'argument développé sur la différence entre la production de soins et l'évaluation de la qualité des soins – et j'allais dire « sur leur indépendance » – est tout à fait nécessaire. La proposition de notre collègue ne surchargerait pas le fonctionnement des hôpitaux, qui pourraient, sur d'autres points, bénéficier de simplifications de fonctionnement.
(L'amendement n° 1055 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 938 .
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
Les médicaments coûtent cher. Le dire confine à la banalité. Les profits de l'industrie pharmaceutique sont scandaleux. Les gaspillages en colloques dans des îles exotiques, par exemple, sont tout à fait déplacés.
Mais, en attendant la nationalisation nécessaire – il faudra bien y venir –, qui est le principal, pour ne pas dire l'unique, client de l'industrie pharmaceutique ? La sécurité sociale. Au nom de quoi y aurait-il une industrie pharmaceutique privée, alors que l'on peut réaliser des économies importantes ? Mais je ne suis pas sûr, si je proposais un amendement allant dans le sens de la nationalisation, que vous y adhéreriez, madame la ministre.
Que diraient vos amis socialistes ?
Ils seraient d'accord avec moi, bien sûr, dès lors qu'il s'agit de l'intérêt général. Rappelez-vous une excellente ministre, Martine Aubry. Vous êtes perplexe, madame la ministre ?
Elle a nationalisé l'industrie pharmaceutique ?
J'ai fait cette proposition, il y a deux ans, lors de l'université d'été du PS à La Rochelle.
Vous allez plus loin que nous dans les nationalisations : les banques, hop ! l'industrie automobile, hop !
Sans être une grande révolution, capable de rétablir l'équilibre financier de la sécurité sociale, l'emploi des médicaments génériques doit être une source d'économies. Nous connaissons la pression extraordinaire, parfois excessive, exercée par la sécurité sociale sur les pharmaciens – vos anciens collègues, madame la ministre. Alors que l'on incite les médecins de ville et les patients à utiliser les génériques, il semble que le recours aux génériques dans les hôpitaux ne soit pas aussi fréquent. Sans doute serait-il intéressant d'analyser les raisons de cette situation, afin de trouver des solutions – redoute-t-on un risque de confusion d'une spécialité présentée sous plusieurs emballages ? – et d'envisager, à terme, une meilleure utilisation des génériques, moins coûteux.
Monsieur le rapporteur, vous ne pourrez pas dire que j'alourdis le texte. Je l'oriente dans une direction qui génère des économies. C'est votre credo, madame la ministre, que vous chantez sur tous les tons ; nous allons voir si vous serez capable de passer à l'acte, et pas seulement de nous servir la mélodie.
C'est formidable : M. Brard défend son amendement et donne l'avis du rapporteur.
Je suis d'accord avec lui quant à l'intérêt des médicaments génériques. Mais l'achat du médicament dépend non de la loi, mais des conditions tarifaires, de la politique menée par le pharmacien de l'établissement. Il ne me semble pas nécessaire de légiférer sur les achats de médicaments. La commission a donc émis un avis défavorable à cet amendement.
M. Brard me somme de passer à l'acte. Mais nous l'avons déjà fait. La diffusion des génériques fait partie intégrante de ma politique du médicament. Elle commence d'ailleurs à porter ses fruits.
La démarche de maîtrise médicalisée est déjà engagée dans les établissements de santé et la mesure que vous préconisez est déjà largement mise en oeuvre et ne relève pas de la loi.
Je suis donc défavorable à votre amendement. Au demeurant, il est déjà satisfait. Je ne puis être défavorable aux buts que vous poursuivez ; ce sont aussi les miens. Je les ai mis en oeuvre sans vous avoir attendu.
Il serait bon que Mme la ministre et M. le rapporteur se mettent d'accord pour dire à peu près la même chose.
Ils habillent cela différemment.
Madame la ministre, je ne me permettrais pas de vous « sommer ».
Ce n'est pas le genre de la maison ?
Non !
Monsieur le rapporteur, il ne s'agit pas d'une injonction. Vous avez dit en aparté qu'il arrivait que les génériques soient plus chers que les médicaments princeps. C'est pourquoi la rédaction de l'amendement est prudente : « notamment en faveur de l'usage des médicaments génériques, ».
Madame la ministre, je ne demande qu'à vous croire – vous êtes, la plupart du temps, tellement convaincante (Sourires) – si vous m'indiquez le pourcentage de recours au générique, lorsque c'est possible, à l'hôpital public. Je serai prêt, dans un geste de bonne volonté, à retirer l'amendement.
Je ne voudrais pas venir épauler Mme la ministre, qui n'en a certainement pas besoin, mais, à l'hôpital, le problème se pose de manière différente. Pour les médicaments ordinaires, les marques entrent en compétition sur ce marché, si bien que le prix hospitalier est parfois inférieur à celui des médicaments génériques.
De nombreux progrès peuvent être réalisés dans la négociation avec les firmes pharmaceutiques. Je tiens à la disposition de Mme la ministre différents exemples où il aurait été possible d'obtenir des prix plus intéressants si les laboratoires avaient été mis en concurrence, notamment à l'approche de la mise sur le marché des génériques.
Le dossier est complexe. Si, comme vous l'avez dit, madame la ministre, l'amendement est satisfait, il nous reste encore des progrès à faire.
Les propos de Mme Delaunay sont très pertinents. Les établissements hospitaliers marchent sous une sorte de régime TFR, du fait de l'appel d'offres. Quelquefois, les produits princeps peuvent se révéler moins chers que les génériques. L'amendement pourrait donc avoir un effet pervers.
C'est la raison pour laquelle j'avais utilisé l'adverbe « notamment ». Je suis, en effet, conscient des contradictions qui peuvent exister.
De ce point de vue, il en va des pharmaciens hospitaliers comme des médecins de l'hôpital public. Ils ont le souci de gérer au plus juste, en assurant aux patients la meilleure qualité de soins
Compte tenu de vos propos et comme vous prenez en compte nos préoccupations, je retire l'amendement.
J'aurai vu ça une fois dans ma vie ! (Sourires.)
(L'amendement n° 938 est retiré.)
Je suis saisie d'un amendement n° 287 .
La parole est à M. le rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 287 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Tout à l'heure, madame la ministre, vous aviez quasiment des trémolos dans la voix en nous expliquant que les médecins garderont leur pouvoir à l'hôpital. Voici, avec cet amendement, l'occasion de vérifier si vous allez jusqu'au bout de vos affirmations. Modifier un verbe change tout dans la réalité du pouvoir donné au médecin.
Ce qui se joue à travers cet amendement, apparemment anodin, c'est l'équilibre des pouvoirs entre le chef d'établissement et la communauté médicale, et plus généralement entre les impératifs budgétaires et les impératifs sanitaires – les impératifs budgétaires devant être subordonnés aux impératifs sanitaires, et non l'inverse.
On peut comprendre que le directeur ait, in fine, la main sur le projet d'établissement si le dialogue a été suffisant en amont.
En revanche, le poids de la communauté hospitalière doit prédominer pour toutes les questions qui concernent les soins, les pratiques médicales et leur amélioration.
Si ces deux impératifs de l'hôpital – soins et bonne gestion – ne sont pas clairement distingués, les considérations budgétaires risquent d' influer sur les pratiques médicales, ce qui est intolérable. Or ce n'est pas une vision d'apocalypse, madame la ministre : il suffit de regarder ce qui se passe en Grande-Bretagne, par exemple, où l'on tient même compte de l'âge des patients, pour savoir si le serment d'Hippocrate doit s'appliquer ! Il faut tout faire pour que, chez nous, nous n'en arrivions pas à de telles extrémités, inadmissibles du point de vue de nos valeurs et de leur mise en oeuvre dans le champ de la santé.
C'est pourquoi nous vous proposons d'affirmer la prédominance des soignants sur les questions les concernant en écrivant que la CME ne se contente pas de contribuer – contribuer est à l'affirmation de leur participation ce que l'élastique est à la barre d'acier ! – à l'élaboration de la politique d'amélioration continue de la qualité de la sécurité des soins, mais qu'elle « élabore » cette politique, ce qui n'est pas du tout la même chose.
Accessoirement, on voit mal comment une telle politique qui concerne le coeur même de la pratique médicale, pourrait être efficacement appliquée si elle n'était pas élaborée par ceux-là même qui devront la mettre en oeuvre.
La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l'amendement n° 1106 .
M. Le Guen lisait son journal ! (Sourires.)
Je lisais un article sur la révolution institutionnelle que nous sommes en train de vivre et dont j'ai pris conscience l'autre soir à la télévision quand le Président de la République a expliqué – s'agissant du dossier de l'audiovisuel – que ce n'était pas lui qui décidait, mais le conseil des ministres ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je me posais la question de savoir à quel moment le conseil des ministres était devenu un soviet où le Président Sarkozy, avec beaucoup d'humilité, consultait les ministres présents et passait, ensuite, éventuellement au vote contradictoire sur les différentes orientations.
Qu'est-ce que cela a à voir avec notre débat, me direz-vous ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Cela a tout à voir, puisque le Président de la République s'occupe de tout. Je ne peux m'empêcher de penser, après le match désastreux d'hier soir, que le Président de la République devrait également s'intéresser à l'équipe de France de football et se pencher sur le cas Domenech, car la place est à prendre ! (Sourires.)
Mme Bachelot étant également ministre des sports, je me permets de l'interpeller à ce sujet ! Comme elle ne peut pas prétendre, à elle seule, user de son autorité, j'imagine sans peine que le Président de la République lui donnera les consignes les plus fermes sur ce qu'il convient de faire pour battre la Lituanie. (Sourires.) D'autant qu'un certain pays d'Europe centrale et orientale n'est pas sans nous poser problème au sein de l'Union européenne.
Pourquoi une telle comparaison ? Parce que l'on essaie de vendre à la communauté médicale l'idée que, dans la mesure où elle sera majoritaire au sein du directoire, elle aura la possibilité de s'exprimer. La réponse est clairement non et elle doit le savoir. Le seul responsable du directoire, sera son président, qui dirigera seul. Les autres seront de sympathiques conseillers qui pourront y être conviés, au même titre que la secrétaire du président du directoire, de son directeur de cabinet ou de je ne sais qui encore ! Bref, le directoire ne sera pas un lieu de pouvoir. La CME, telle qu'elle existait précédemment, loin d'être un organe décisionnel,…
Pas vraiment !
… avait, au moins, d'un point de vue institutionnel, la possibilité de s'exprimer et d'émettre un avis.
En fait, vous tendez un piège aux médecins en leur faisant croire qu'ils détiendront des pouvoirs parce qu'ils auront la possibilité de faire partie du directoire et en leur faisant miroiter que le président de la CME sera vice-président du directoire, titre qu'il pourra même faire imprimer sur sa carte de visite. Leurre que tout cela. Il est vrai que les médecins n'ont pas toujours une vision très claire des problèmes institutionnels et peut-être se laissent-ils abuser.
Ce n'est pas une raison pour leur faire croire que leur présence en nombre et les titres ronflants auront la moindre influence sur la réalité du pouvoir qui sera dorénavant concentré autour du directeur général.
C'est la raison pour laquelle nous proposons, par le biais de l'amendement n° 1106 , que la commission médicale d'établissement ait un réel pouvoir, à égalité dans l'élaboration du projet médical. Les médecins ne doivent plus être des cadres vaguement supérieurs consultés par un patron, mais ils doivent codiriger l'hôpital. Je rappelle que l'hôpital public n'est pas une entreprise, mais une institution dans laquelle s'agrègent des logiques différentes – administratives et soignantes – représentées par des personnes différentes, les pouvoirs de chacune devant être clairement identifiés afin qu'ils soient respectés.
L'intérêt de la loi est d'établir un équilibre entre le pouvoir médical et les managers de l'hôpital.
Tout comme troïka ! (Sourires.)
Cet équilibre doit être réalisé dans un tandem formé par le président de la CME, qui en est le vice-président, et le directeur de l'hôpital, qui en est le président. Ce tandem est la clé de voûte de l'organisation de l'établissement hospitalier. Tout le monde doit contribuer à l'élaboration de la politique générale de l'établissement sans qu'il y ait de possibilités de blocages.
En fait, ces deux amendements sont réducteurs en ce qu'ils confient à la seule commission médicale d'établissement l'élaboration de la politique d'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins. Il est important, et nous n'avons cessé de le dire, que d'autres personnels soient conviés à l'élaboration de cette politique d'amélioration de la qualité, comme les personnels infirmiers ou les personnels techniques.
La commission médicale d'établissement proposera, certes, au directoire un programme d'action dans ce domaine, assorti d'indicateurs de suivi, mais il est important que d'autres acteurs de la communauté hospitalière y soient associés. Confier cette responsabilité à la seule commission médicale d'établissement n'est pas envisageable. Pilote : oui ! Acteur unique : non !
Nous n'avons pas été dupes, monsieur Le Guen : nous vous avons vu venir ! (Sourires.)
En comparant la gouvernance hospitalière à celle de l'État, vous avez oublié une chose fondamentale. J'ai cru comprendre que vous avez voulu comparer le directeur de l'établissement au Président de la République…
Est-ce possible sans attenter à l'autorité du Président de la République ?
… et la commission médicale d'établissement au Gouvernement. C'est oublier que le directeur de l'établissement est nommé alors que le Président est élu.
Le Gouvernement est nommé alors que la commission médicale d'établissement est élue !
Votre comparaison, cher collègue, n'a donc pas lieu d'être !
Je ne suis pas toujours d'accord avec M. Brard, mais une fois n'est pas coutume. Il a, certes, employé le mot « troïka », mais passons.
Cela étant, il est vrai que, pour assurer le bon fonctionnement d'un établissement de santé, il faut associer la communauté médicale, le directeur et ce qui était jusqu'ici le président du conseil d'administration.
J'aurais, pour ma part, souhaité que l'on renforce le rôle du conseil d'administration et que les élus participent à l'investissement, ce qui les aurait responsabilisés.
Les trois parties doivent s'entendre, car, en cas de déséquilibre, l'établissement ne fonctionne pas correctement.
J'ai été sensible aux arguments de Mme la ministre lorsqu'elle a fait valoir que l'ensemble des personnels était concerné par la qualité des soins. La CME peut, c'est vrai, contribuer à l'élaboration de la politique d'amélioration de la qualité et il ne lui revient peut-être pas de l'assumer à elle seule.
En revanche, il faut renforcer la CME et il est indispensable qu'elle établisse le projet médical de l'établissement. La communauté médicale doit veiller à répondre aux besoins de santé de la population. À cet effet, je proposerai, à l'article 6, un amendement ayant pour objet de faire voter le projet médical par la CME, lequel s'intègrerait ensuite dans le projet d'établissement arrêté par le directeur.
La communauté médicale est, aujourd'hui, pour le moins, désabusée et votre projet, en déséquilibrant le fonctionnement actuel, ne va pas contribuer à les rassurer. Jusqu'à présent, une certaine entente régnait entre la CME et le directeur. Si le directeur a tous les pouvoirs et que le CME ne peut même plus voter le projet médical, vous créez un déséquilibre que, pour ma part, je désapprouve.
De grâce, madame la ministre, donnez un signal fort à la communauté médicale. Cela vous évitera bien des soucis !
Notre amendement a le souci d'associer à la qualité des soins la qualité des conditions d'accueil et de prise en charge des usagers qui sont, vous le savez, extrêmement importantes lorsqu'un patient arrive dans ce monde difficile, déroutant et agressif qu'est l'hôpital.
Nous souhaitons que la commission médicale d'établissement élabore pleinement ce qui dépend aussi de la qualité, c'est-à-dire l'accueil et la prise en charge des « usagers », en regrettant que, même nous, nous ayons, dans notre exposé sommaire de l'amendement n° 1107 , utilisé ce terme épouvantable d' « usager » !
Je ne prendrai pas une comparaison sportive comme mon collègue Le Guen. Je dirai simplement, madame la ministre, que le fil à plomb n'a pas de couleur. Il n'est ni rouge, ni vert, ni bleu. Et c'est ainsi que la banlieue rouge rejoint la Vendée pour constater que vous êtes dans l'erreur.
Le système actuel de direction des hôpitaux fonctionne bien. Si vous le changez, c'est que vous avez quelques intentions…
…malignes, comme me le souffle mon collègue ; je dirais même perverses.
Comme l'a souligné M. Préel, la communauté médicale est désabusée. Or elle a fait des efforts gigantesques tout comme la communauté hospitalière dans son ensemble, car les médecins ne sont rien sans les autres catégories. Plus on lui impose des efforts, plus elle se rapproche des objectifs qui ont été négociés, plus on lui en impose d'autres.
Vous dites, madame la ministre, que vous ne voulez pas donner l'exclusivité du pouvoir aux médecins, mais qu'il y a d'autres catégories : médicales, paramédicales,…
Il y a les personnels soignants, administratifs, et même techniques.
Eh bien, cela tombe bien ! On mesure à l'aune du pouvoir que vous réservez aux médecins ce que vous allez accorder aux autres catégories ! Ainsi que vous l'avez souligné, il y aura un chef. Or ce chef sera formé par l'école de Rennes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Pas uniquement.
Et d'abord, qu'avez-vous contre l'école de Rennes ?
Ceux qui sont formés dans ces écoles ont pour point commun de n'avoir aucune compétence médicale. Ils n'ont pas de compétence en termes de santé, mais seulement dans le champ de la gestion.
Oui, cela pourra être le directeur de la Générale des eaux, d'autant qu'elle avait un département santé.
On ne peut donc pas vous suivre, madame la ministre, puisque le président du directoire n'a pas de légitimité sur le plan de la santé elle-même. On voit bien que vous marginalisez les médecins. Vous dites qu'il ne faut pas les privilégier au détriment des autres catégories, mais vous ne donnez de réels pouvoirs ni aux uns ni aux autres.
En outre, vous avez passé les élus à la moulinette, alors qu'ils expriment les besoins des territoires dans le domaine de la santé.
Cela étant, je suis en total désaccord avec notre collègue Préel quand il dit que les élus doivent participer à l'investissement.
D'abord, je rappelle que cela est déjà prévu, puisque la loi de décentralisation Raffarin, au détour d'une phrase, dispose que les régions sont autorisées à participer au financement des hôpitaux.
Ensuite, l'on voit bien la perversité de la démarche : l'État et la sécurité sociale se désengageant de plus en plus et l'on rompt l'égalité républicaine. Les régions qui ont de l'argent pourront acheter le meilleur équipement d'imagerie médicale alors que celles qui n'en ont pas ne pourront embaucher que des rebouteux pour soigner les gens. Vous voyez bien qu'on ne peut pas vous suivre.
(Les amendements identiques nos 939 et 1106 ne sont pas adoptés.)
Article 2
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-neuf heures.)
Cet amendement important porte sur les indicateurs de mesure de la qualité, outil indispensable à l'amélioration de l'information mais surtout de la qualité.
Dans un souci de transparence, notre objectif est de disposer, pour chaque établissement de santé, d'un tableau de bord de pilotage de la qualité. D'ores et déjà, la plateforme PLATINES est accessible par internet. Il s'agit également de mieux informer les médecins traitants, afin qu'ils fassent entrer leurs patients dans la bonne filière dès le départ.
Notre amendement vise ainsi à rendre obligatoire, pour chaque établissement de santé, la mise à disposition de ces informations au public.
J'ajoute, madame la présidente, que la commission a accepté un sous-amendement de M. Tian et M. Le Fur, précisant que ces résultats devraient être publiés chaque année.
En effet, madame la présidente. Veuillez m'excuser, j'ai défendu l'amendement n° 289 au lieu de l'amendement n° 288 . Je vais réparer mon erreur.
L'amendement n° 288 vise à étendre la contribution de la commission médicale d'établissement à l'élaboration de la politique de conditions d'accueil et de prise en charge des usagers, notamment pour les urgences, même s'il revient finalement au directeur d'en décider, après consultation du directoire, aux termes de l'alinéa 9 de l'article 6.
La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour soutenir l'amendement n° 1107 .
Comme on le sait, l'accueil et la prise en charge des usagers sont essentiels : les patients, vulnérabilisés par leur maladie, sont souvent déroutés par ces structures complexes que sont les hôpitaux et ils les considèrent parfois comme étant agressives.
M. le rapporteur parlait de rendre obligatoire le livret d'accueil, déjà prévu dans la charte des droits du malade. Je pense que ce serait particulièrement opportun car, malheureusement, certains établissements – davantage les structures du privé que les grands établissements publics, reconnaissons-le – ne le distribuent pas systématiquement.
Il nous apparaît nécessaire de confier à la commission médicale d'établissement la politique d'accueil et de prise en charge, ce qui implique, bien évidemment, la collaboration des soignants, comme nous l'avons souligné à maintes reprises.
J'ai la même considération pour l'ensemble des groupes.
Tout à l'heure, j'indiquais à M. Brard qu'il convenait que la commission médicale d'établissement ne soit pas seule à la manoeuvre. De la même façon, je dis à M. le rapporteur que si la commission médicale d'établissement pilote, elle doit aussi convoquer d'autres acteurs pour les associer. Or la rédaction de ces amendements risque d'avoir un effet démobilisateur sur certains acteurs extrêmement importants. C'est la raison pour laquelle je demande leur retrait.
Nous voyons bien les contradictions auxquelles votre texte conduit, madame la ministre.
L'exposé sommaire de votre amendement, monsieur le rapporteur, indique que la commission médicale d'établissement doit « élaborer » la politique relative aux conditions d'accueil. Il ne s'agit donc plus pour elle de « contribuer ». Vous reconnaissez ainsi que, au fond, il faut s'en remettre aux médecins qui ont la compétence.
Ils ne sont pas les seuls !
Vous savez, madame la ministre, j'ai deux fiertés dans ma vie : fils d'ouvrier et instituteur de la République. En revanche pour ce qui du diagnostic, je préfère que ce soit le médecin plutôt que la lingère de l'hôpital qui l'établisse.
Vous méconnaissez les bienfaits des acquis de l'expérience ! (Sourires.)
La CME pilote selon vous, madame la ministre. Or, avec votre système, elle discute mais ne pilote plus rien puisque la décision revient au président du directoire.
Oh, là, là !
En outre, cet amendement ne me semble pas refléter la complexité du fonctionnement des urgences. Nous savons tous qu'à la période où sévit telle ou telle pathologie saisonnière, comme la bronchiolite, mieux vaut ne pas avoir de douleurs à la poitrine du côté gauche, car les services d'urgence sont complètement embouteillés.
Les ministres de la santé successifs ont encouragé la création de maisons médicales, qui se mettent en place très laborieusement, pour des raisons que nous n'allons pas développer ce soir. En fait, il y a deux types d'urgences : celles qui relèvent de ce que les médecins appellent la bobologie et provoquent un engorgement des services, et puis les cas réellement graves.
Le problème, c'est que l'amendement fait reposer la responsabilité des ces dysfonctionnements sur les médecins alors que, selon le texte, c'est au directeur qu'il revient de décider. C'est donc sur lui qu'il faut faire porter cette responsabilité si l'on veut être cohérent.
Je dois dire que je ne sais que penser de cet amendement.
Ayez le courage de dire que vous y êtes opposé !
C'est un amendement de la commission ; or tout le monde sait que l'UMP et le Gouvernement, c'est bonnet blanc et blanc bonnet.
Toujours est-il que, si je suis dans la perplexité, madame la ministre, c'est que vous placez tout le système dans des contradictions ingérables.
Mais c'est un amendement socialiste !
Ils sont identiques !
Je tiens à répondre à Mme la ministre.
L'amendement propose de réécrire le début de l'alinéa 6 de l'article 2 de la manière suivante : « La commission médicale d'établissement contribue à l'élaboration de la politique d'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins ainsi que des conditions d'accueil et de prise en charge des usagers, notamment pour les urgences ». Peut-être que l'exposé sommaire ne correspond pas parfaitement à la rédaction.
Ce doit être cela, en effet !
Vous ne pouvez donc nous opposer l'argument selon lequel cette rédaction laisserait entendre que la commission médicale serait seule à décider des conditions d'accueil et de prise en charge des usagers. L'emploi du verbe « contribuer » suffit à le faire comprendre.
Nous estimons que cet amendement adopté par la commission est particulièrement important car la prise en compte des conditions d'accueil, notamment dans les urgences, est fondamentale. Michèle Delaunay rappelait que le livret d'accueil n'était pas délivré dans tous les établissements alors que la loi relative aux droits des malades remonte à 2002.
Comme quoi !
Je l'ai déjà dit en défendant l'exception d'irrecevabilité !
Je n'ai pas à vous rappeler l'importance de la responsabilisation individuelle de nos concitoyens qui va de pair avec le respect de leurs droits. La totale transparence des relations entre le soignant et le soigné que nous revendiquons doit pouvoir reposer sur des supports tels que le livret d'accueil.
Nous savons que 50 % à 70 % des personnes se rendent aux urgences alors que leur état nécessite un autre type de prise en charge. Dans un circuit qui ne correspond pas à leur pathologie, elles se sentent forcément perdues. En outre, même si les soins qui y sont prodigués sont de qualité, la prise en charge du patient n'est pas satisfaisante puisque, à sa sortie des urgences, il ne reçoit plus de soins. Il n'y a pas de notion de médecin traitant.
Dans ces conditions, il est nécessaire de retenir cette disposition de bon sens, qui, du reste, n'a rien de contradictoire avec vos objectifs, madame la ministre.
Favorable.
Madame la présidente, je ne suis pas professionnel de santé, mais je fais de mon mieux pour suivre les débats Cela dit, j'ai parfois un peu de mal. En effet, tout à l'heure, le rapporteur a défendu un amendement qui n'était pas celui qui avait été appelé. Le Gouvernement s'est exprimé, mais je ne sais pas sur quoi.
J'avoue donc ne pas avoir bien compris ses arguments.
Madame la présidente, certes vous présidez les débats de votre mieux (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP)...
Avec de tels amis, on n'a pas besoin d'adversaire ! (Sourires.)
Aussi, madame la présidente, pourriez-vous demander à M. le rapporteur d'avoir l'extrême obligeance de nous présenter à nouveau, de façon précise et complète, l'amendement n° 289 ? Cela nous permettrait de savoir de quoi nous parlons et de voter en toute connaissance de cause la loi que les uns et les autres devront appliquer le moment venu dans des conditions parfois difficiles.
La suspension de séance a entraîné une légère confusion. Nous en sommes à l'amendement n° 289 que M. le rapporteur va présenter à nouveau.
Monsieur Mallot, tout à l'heure j'ai défendu l'amendement n° 289 alors que nous en étions à l'amendement n° 288 et je vous prie de m'en excuser.
L'amendement n° 289 porte sur les indicateurs de mesure de la qualité, notamment en termes de maladies nosocomiales et d'infections. J'ai expliqué qu'un certain nombre de dispositifs étaient accessibles sur internet et que la présente disposition prévoyait de rendre obligatoire la mise à disposition de ces résultats au public par chaque établissement de santé.
J'avais indiqué aussi que la commission a accepté le sous-amendement n° 1503 qui prévoit de publier ces résultats chaque année.
Effectivement, madame la présidente.
..parce que les Français souhaitent avoir quelques données sur la sécurité de leur prise en charge, ses modalités et les risques qu'ils peuvent encourir à l'occasion d'une hospitalisation par exemple.
Nous proposons d'en déduire que les établissements qui ne répondraient pas à des indicateurs satisfaisants seraient pénalisés par une modulation des dotations de financement. Ce point est intéressant puisqu'il permet de sanctionner des établissements défaillants. Il n'empêche qu'il ne faudrait pas que cette modulation financière se substitue ou apparaisse comme se substituant à des sanctions plus fortes et plus radicales. Il va de soi, en effet, que, si certains indicateurs n'étaient pas respectés, il conviendrait d'aller au-delà de la simple modulation financière et d'exiger des établissements incriminés qu'ils répondent aux exigences de qualité.
Qu'il soit bien clair entre nous que la modulation financière ne sert pas à amortir tout autre contestation ou tout autre mode de sanction d'une qualité défaillante dans les établissements.
Il est important de souligner que nous montrons collectivement notre sens des responsabilités en proposant l'instauration d'un système d'indicateurs objectifs. Les mêmes indicateurs seraient utilisés dans tous les établissements, voire cohérents avec ceux appliqués dans d'autres pays comparables au nôtre, de façon à évaluer, mais aussi à faire connaître le résultat de cette évaluation et probablement d'ouvrir la voie à des comparaisons entre établissements comparables.
En tout cas, ce système permettrait d'éviter de laisser le soin à d'autres d'établir ces comparaisons, de les répandre dans les médias et d'en faire du sensationnel, ce qui risquerait d'aboutir à des effets qui ne sont pas toujours positifs et qui peuvent être contestés. Vous savez en effet que, une fois lancée, une réputation est très difficile à changer.
Il est donc important que la puissance publique se dote d'indicateurs objectifs, transversaux, qui soient les mêmes pour tout le monde et dont l'utilisation soit maîtrisée de manière que nos concitoyens disposent de cette information objective. À partir de cette démarche, nous construisons un système d'évaluation à la fois public et solide qui nous permettra d'éviter les dérives que l'on a pu constater.
(Le sous-amendement n° 1503 est adopté.)
(Les amendements identiques nos 289 et 1108 , ainsi modifiés, sont adoptés.)
J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer combien je souhaitais voir revalorisée la place de la CME dans les établissements publics de santé et faire en sorte qu'elle puisse préparer et voter le projet médical de l'établissement. Nous y reviendrons à l'article 6.
Cet amendement a pour but de prévoir, dans chaque établissement privé, une conférence médicale à laquelle participeraient les praticiens qui exercent régulièrement leur activité dans un établissement de santé privé auxquels ils sont contractuellement liés. Ceux-ci formeraient de plein droit une conférence médicale chargée de veiller à l'indépendance professionnelle des praticiens et de participer à l'évaluation des soins.
Si de nombreuses dispositions réglementaires évoquent les nécessaires avis, consultations préalables, informations, participations de la conférence médicale d'établissement et ou de son président, seule une disposition légale, l'article L. 6161-2 du code de la santé publique, mentionne de façon très lapidaire l'existence de plein droit de la conférence médicale d'établissement et ses missions générales.
Aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit de conséquences juridiques, pour ne pas dire de sanction, en cas d'omission de la consultation préalable, même normalement obligatoire, de la CME par les établissements de santé privés.
Il arrive ainsi fréquemment que les praticiens libéraux exerçant dans un établissement de santé privé ne soient informés qu'a posteriori des demandes d'autorisations ou d'agréments entraînant des modifications, voire parfois la suppression d'activités médicales, ou des conventions y afférant conclues par leur établissement.
Il convient donc de remédier à cette situation en prévoyant désormais la nécessité pour l'établissement de santé privé de joindre à ses demandes ou d'annexer aux conventions conclues l'avis de la CME.
De même, il faut remédier à cette situation parfaitement anormale qui fait que les représentants du personnel salarié d'une clinique peuvent être mieux informés du devenir et des perspectives de la société de l'établissement de santé privé, grâce aux dispositions protectrices les concernant, que les praticiens libéraux qui y assurent l'activité médicale.
Aucun développement d'un établissement de santé privé ne peut se faire sans que soient impliqués et associés les praticiens y exerçant régulièrement et liés contractuellement.
Le renforcement du rôle de la CME implique nécessairement de la doter de la personnalité morale et de prévoir l'élaboration d'un règlement intérieur précisant ses modalités essentielles de représentation et de fonctionnement dans des conditions qui devront être précisées par voie réglementaire.
La commission a rejeté cet amendement pour deux raisons : premièrement, il existe déjà des conférences médicales dans les établissements privés ; deuxièmement, la notion d'exercice régulier nous semble pour le moins imprécise et sujette à discussion.
Il est important que la CME, qui est le pendant de la commission médicale d'établissement dans le secteur public, ait des missions bien précises. Je reconnais qu'il y a un vide juridique en la matière...
..et je suis sensible à ce que vient de dire Jean-Luc Préel. C'est en proposant un programme d'action assorti d'indicateurs de suivi que la conférence médicale d'établissement participera effectivement à l'évaluation des soins.
Toutefois, je préférerais retenir un amendement que M. Bur présentera ultérieurement sur ce sujet, prévoyant d'ailleurs une disposition réglementaire qui permettrait de faire le travail que j'ai proposé quand j'ai répondu à votre question sur la commission médicale d'établissement.
Si vous acceptiez de retirer votre amendement, nous pourrions en rediscuter au moment de cette préconisation.
Voilà qui est fort intéressant.
Notre collègue Jean-Luc Préel a été très pédagogue et nous a bien expliqué en quoi sa proposition consiste. Résumons-la – j'espère ne pas trahir sa pensée profonde : M. Préel considère que le service de la santé, sa qualité et la participation des médecins doivent l'emporter sur la logique de l'actionnaire ; cela était en filigrane dans son propos.
Je vous remercie de le confirmer ; convenez que j'ai été plus explicite que vous, mais je comprends votre timidité. (Sourires.)
Dans notre pays, madame la ministre, le secteur public s'emboîte avec le secteur libéral. Ce système fonctionne cahin-caha, même si l'on peut toujours y apporter des améliorations. Vous avez d'ailleurs indiqué à notre collègue Jean-Luc Préel – qui en a sans doute été profondément ému – qu'il avait raison. Comme c'est légitime, avez-vous poursuivi – je traduis quelque peu votre pensée, madame la ministre – …
Ne la travestissez pas, c'est tout ce que je vous demande !
Chez vous, c'est permanent ! (Rires.)
Ne voyez pas les autres à votre image, madame ! Vos interlocuteurs en seraient marris !
Comme c'est légitime, disiez-vous donc à M. Préel, et bien qu'il y ait un vide juridique, vous ne retenez pas son amendement, au profit de celui de M. Bur.
En réalité, ces amendements sont différents, et l'un comme l'autre ont leur légitimité. Pourquoi donc se priver d'une vision complète et enrichie, fût-elle celle de M. Préel ? Son amendement est excellent, et j'espère qu'il ne le retirera pas. Si d'aventure il le retirait, je le reprendrais !
Vous avez, monsieur le rapporteur, reproché à notre collègue – en gros – l'imprécision de son amendement. Il va de soi que vous connaissez parfaitement le sujet, non seulement parce que vous rapportez le texte, mais aussi par vos responsabilités professionnelles. Vous avez donc la possibilité de sous-amender l'amendement de M. Préel si sa rédaction ne vous convient pas.
L'amendement de M. Préel est intéressant à deux titres : d'abord parce qu'il permet de réaffirmer haut et fort que le projet médical est aussi important dans un établissement privé que dans un établissement public, d'où la conférence de santé ; je ne reviens pas sur la démonstration qui en a été faite. Surtout, comme le rapport Larcher le souligne avec insistance, les établissements privés sont très hétérogènes : il existe des établissements mutualistes, mais aussi – M. Brard y faisait allusion – les établissements dont les professionnels sont actionnaires, obéissant à une logique presque familiale. La relation entre public et privé y est très intéressante.
Il existe aussi un troisième groupe d'établissements qui sont malheureusement de plus en plus nombreux, tant l'outil de travail est ardu à financer par le seul fruit du travail, précisément, et tant les praticiens actionnaires éprouvent des difficultés à conserver les actions de leurs cliniques : il s'agit de cliniques qui, vendues à des investisseurs, passent sous la coupe de grands groupes financiers, français ou étrangers. Or, comme je le rappelais en défendant la motion d'irrecevabilité, 60 % des actes de chirurgie – voire plus de 90 % dans certains endroits – sont déportés vers ces établissements. Il est donc essentiel de disposer de contre-pouvoirs permettant de réagir à des décisions qui ne relèveraient en rien d'une logique d'optimisation de la qualité des soins, mais bien plutôt d'une logique de rentabilisation des capitaux et de satisfaction des actionnaires.
À ce titre, l'amendement de M. Préel est important ; il doit être soutenu et voté par l'ensemble de nos collègues !
Je répondrai sur deux points.
Tout d'abord, j'ai lu l'amendement n° 293 rectifié de M. Bur, accepté par la commission : il ne règle en rien le problème. En effet, il indique que « la conférence médicale d'établissement est consultée dans des matières et des conditions fixées par décret ».
Non ! Quant à moi, je propose que la conférence médicale soit instituée. Aujourd'hui, en effet, comme l'a reconnu Mme la ministre, elle manque de bases juridiques.
Je n'ai pas dit cela du tout !
Dans de nombreux établissements, elle n'existe pas vraiment. Vous pouvez être en désaccord et juger – pourquoi pas ? – que l'on peut se passer d'une conférence médicale d'établissement. À mon sens, elle est indispensable dans chaque établissement. Or, aujourd'hui, aucune disposition légale ou règlementaire ne prévoit de conséquences juridiques en l'absence de conférence médicale. Celle-ci n'est pas consultée dans un certain nombre de domaines. Il est donc indispensable d'écrire dans la loi que les praticiens qui exercent dans un établissement forment de plein droit une conférence médicale. Tel est l'objet de mon amendement.
Par ailleurs, j'ai entendu l'argumentation de M. le rapporteur, qui serait rendue caduque si je sous-amendais mon amendement en en ôtant l'adverbe « régulièrement » : les conférences médicales seront ainsi constituées de plein droit dans chaque établissement. C'est précisément la modification que je vous propose, madame la présidente.
L'amendement n° 607 est donc ainsi rectifié.
La parole est à Mme la ministre.
Afin d'éclaircir notre débat, je me suis procuré le code de santé publique.
L'article L. 6161-2 est ainsi rédigé : « Les praticiens qui exercent leur activité dans un établissement de santé privé ne participant pas au service public hospitalier forment de plein droit une conférence médicale, chargée de veiller à l'indépendance professionnelle des praticiens et de participer à l'évaluation des soins. La conférence donne son avis sur la politique médicale de l'établissement ainsi que sur l'élaboration des prévisions annuelles d'activité de l'établissement ». Autrement dit, la conférence médicale existe ! (Approbations sur les bancs du groupe UMP.) L'amendement de M. Préel n'apporte aucun élément nouveau.
Si nous avons supprimé dans la loi la référence à la participation au service public hospitalier, c'est pour répondre à la création de l'ESPIC adoptée tout à l'heure. Quoi qu'il en soit, monsieur Préel, le code de la santé publique est parfaitement clair : la conférence médicale d'établissement est formée dans chaque établissement. Elle est active comme elle peut ne pas l'être mais, en tout état de cause, votre amendement ne la rendra pas davantage active.
Je le répète : la conférence médicale d'établissement existe. Je propose d'agir par décret, comme je l'ai fait pour la commission médicale d'établissement dans le secteur public, pour donner du contenu à ces missions – il va de soi que cela relève du domaine règlementaire – tout en liant cette proposition à l'adoption de l'amendement ultérieur de M. Bur.
Je répète, monsieur Préel, quevous ne pouvez pas dire que le code de santé publique ne précise pas l'existence de la conférence médicale d'établissement dans les termes les plus clairs.
Ce débat est très intéressant, madame la ministre.
Primo, il faudrait nous assurer que la conférence médicale et la commission médicale possèdent des pouvoirs identiques.
D'autre part, madame la ministre, vous apportez bien involontairement de l'eau à mon moulin.
Je vous ai déjà indiqué que vous faisiez preuve de bien plus de mansuétude avec les établissements privés, qui ne sont pas assujettis aux mêmes rigueurs que les établissements publics. Ainsi, s'agissant de la durée moyenne de séjour, les hôpitaux publics sont extrêmement contraints, en maternité comme en chirurgie, tandis que les établissements privés ne le sont pas.
Je vous mets au défi de comparer la maternité de l'hôpital de Montreuil, où la durée de séjour n'excède pas deux ou trois jours et demi, à une maternité privée ; nous en reparlerons alors !
Si vos propos sont exacts, madame la ministre…
Bien sûr qu'ils le sont, et c'est heureux : j'ai lu le code de santé publique !
Comme la lecture de la Bible, celle-ci autorise des interprétations différentes !
Cesserez-vous donc enfin ? Vous êtes envoûté par l'Église catholique !
Non, justement : je conserve de la distance, contrairement à d'autres !
Revenons à notre sujet : vous avez apporté la preuve qu'il existe des textes qui ne sont pas appliqués.
Qu'y changera l'amendement de M. Préel ?
Est-il possible, à l'hôpital public, de ne pas réunir la commission médicale d'établissement ? Bien sûr que non !
C'est une autre question.
Pourquoi, pour le secteur privé, existe-t-il des textes qui n'ont d'autre fonction que décorative et qui ne sont jamais appliqués ? Que fait le Gouvernement ? Que fait votre ministère ?
Vous le voyez : vous apportez de l'eau à mon moulin, et vous faites preuve d'une incompréhensible mansuétude avec le secteur privé.
Je ne fais aucun procès d'intention : M. Préel, qui n'est ni membre du groupe GDR ni même de gauche, a bien souligné que ces conférences médicales ne se réunissent pas.
Son amendement ne les y obligera pas davantage !
Au fond, les préoccupations de M. Préel, les affirmations de Mme la ministre et les volontés de M. Brard concordent. Cette conférence existe, n'en doutons pas. Encore faut-il, et c'est là l'exigence de M. Préel, qu'elle soit soumise aux mêmes missions et obligations que la commission médicale d'établissement.
Or ce n'est pas le cas dans le texte que vous venez de nous lire, madame la ministre.
Permettez-moi de vous relire les deux textes !
D'ailleurs comment cela pourrait-il l'être, alors que nous sommes précisément en train de définir les missions de la commission médicale d'établissement ?
Il restera donc à mettre en adéquation les missions de la conférence médicale d'établissement avec celle de la commission correspondante dans le secteur public. Cela répond-il à vos souhaits, monsieur Préel ?
Permettez-moi donc de relire les deux textes : c'est important.
L'amendement de M. Préel rédige ainsi la première phrase du premier alinéa de l'article : « Les praticiens qui exercent régulièrement… » – il est vrai que M. Préel a bien voulu admettre la nécessité de supprimer cet adverbe – «… leur activité dans un établissement de santé privé auquel ils sont contractuellement liés forment de plein droit une conférence médicale, chargée de veiller à l'indépendance professionnelle des praticiens et de participer à l'évaluation des soins ».
L'article L. 6161-2 du code de la santé publique, quant à lui, est ainsi rédigé : « Les praticiens qui exercent leur activité dans un établissement de santé privé ne participant pas au service public hospitalier… » – nous avons supprimé cette dernière référence pour les raisons que j'ai expliquées – «… forment de plein droit une conférence médicale, chargée de veiller à l'indépendance professionnelle des praticiens et de participer à l'évaluation des soins ».
Voulez-vous bien m'expliquer la différence entre ces deux textes ?
Vous m'avez mal comprise : je n'ai pas demandé une relecture des deux textes mot à mot, mais j'ai voulu souligner le souhait de M. Préel.
Ces deux textes sont identiques, mot pour mot !
Je propose pour ma part de sous-amender le texte de M. Préel afin d'y ajouter la mention suivante : « en adéquation avec les missions et les obligations de la commission médicale d'établissement dans les établissements équivalents ».
N'exagérez pas ! Vous êtes butée !
Plusieurs députés du groupe UMP. Il est temps de voter !
Cet amendement vise à prendre en compte les remarques de la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge, la CRUQPC, présente dans chaque établissement. Il me semble important que l'analyse des plaintes et des réclamations adressées à l'établissement par les usagers ou leurs proches soient utilisée afin d'améliorer la qualité et la sécurité des soins.
La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour soutenir l'amendement n° 1109
Bien que son nom soit difficile à prononcer, le CRUPQC est considéré comme l'un des succès de notre management hospitalier…
Vous avez raison monsieur Brard, je le reconnais, et je viens à résipiscence.
Puisque le CRUPQC est un succès de l'administration ou du gouvernement de l'hôpital, il est important que la commission médicale puisse s'appuyer sur son travail.
(Les amendements identiques nos 290 et 1109 , acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)
Certaines décisions prises par les chefs d'établissements de santé privés sont susceptibles de modifier les conditions d'exercice et la qualité de la pratique des médecins qui y travaillent. Il est donc légitime, comme le prévoit cet amendement, que la communauté médicale de ces établissements soit consultée avant certaines décisions, notamment celles qui engagent l'établissement vis-à-vis des pouvoirs publics.
La commission a adopté cet amendement ; mais c'est bien le moins qu'elle pouvait faire !
Pour notre part, nous souhaitons aller au-delà. Le représentant légal de l'établissement ne doit pas se contenter de consulter la conférence médicale, il est indispensable qu'il prenne son avis…
Très bien, puisque c'est pareil, alors pourquoi ne pas l'écrire dans la loi ? (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
En fait, la différence est de taille. Alors que sans avis conforme, c'est-à-dire sans l'accord de la conférence médicale, le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens ne pourrait être signé, une simple consultation, permettrait la signature du document, que la conférence soit d'accord ou non.
Nous souhaitons donc sous-amender l'amendement n° 291 en remplaçant les mots « la consulte » par les mots « prend l'avis conforme de la conférence médicale de l'établissement ».
Ce débat démontre, a contrario, la marginalisation de la communauté médicale à l'hôpital.
Aujourd'hui, le conseil d'administration de l'hôpital vote sur le budget de l'établissement et, en règle général, la composition de cette instance permet au corps médical de jouer un rôle majeur dans l'adoption ou le rejet de ce document. La communauté médicale détient donc un véritable pouvoir : voter ou ne pas voter le budget. Or vous lui proposez, demain, après le vote de ce projet de loi, d'être seulement « consultée » par le directeur, notamment sur la question budgétaire.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement présenté par Mme Génisson et qui prend le numéro 1850 ?
La commission s'est prononcée en faveur de la consultation de la conférence médicale. Je ne suis donc pas favorable au sous-amendement.
À l'instar de ce que nous avons déjà décidé pour les établissements de santé publics, il s'agit de rendre obligatoire, pour les établissements de santé privés, la mise à disposition du public des résultats des indicateurs de qualité et de sécurité des soins.
La commission a accepté le sous-amendement n° 1504 , qui prévoit que les résultats en question doivent être publiés chaque année, comme dans les établissements de santé publics.
Cet amendement et ce sous-amendement sont excellents : j'y suis favorable.
Pour les établissements de santé publics, l'article L. 6144-1 du code de la santé publique prévoit que la commission médicale d'établissement peut être consultée. Dès lors, il semble juste que, pour les établissements privés, la conférence médicale puisse l'être également, dans des matières et des conditions fixées par décret.
Cet amendement établit un parallélisme de forme entre la commission médicale et la conférence médicale. Nous avons donc déjà eu un débat similaire concernant les établissements de santé publics
Dans les établissements privés, ce dispositif permettra aux professionnels de santé d'être consultés lors de choix importants, par exemple sur le projet d'établissement. Cela pourrait aussi être le cas si l'établissement fait le choix d'assumer certaines missions de service public. Une telle consultation pourrait alors permettre de faciliter l'accomplissement de ces missions par les personnels de santé.
Les établissements de santé privés auront tout intérêt à consulter les professionnels de santé, dans les matières qui seront prévues par le décret…
Monsieur le rapporteur, pour la lisibilité de la loi, serait-il possible de rectifier l'amendement n° 293 en remplaçant le mot « Elle », par les mots « La conférence médicale d'établissement » ?
Je suis favorable à l'amendement tel qu'il vient d'être rectifié en faisant référence à la conférence médicale qui concerne les établissements de santé privés.
Nos échanges en sont la preuve : l'utilisation de deux termes différents crée de la confusion alors que notre projet consiste à mettre en adéquation les deux structures.
Ne confondons pas le public et le privé !
Vous vouliez de la fluidité, madame la ministre ; il faut aussi de la lisibilité.
Cela dit, ce point est secondaire, ce qui n'est pas le cas de vos intentions concernant le décret.
Je m'associe évidemment à la question de Mme Delaunay.
Je précise, à l'intention de M. Bur, que, si nous souhaitons tous un parallélisme des formes entre la commission et la conférence médicale, il faut constater que l'hôpital public et les établissements privés n'ont pas les mêmes tuteurs…
Certes, vous prévoyez que la conférence médicale est consultée, qu'elle fournit des indicateurs ; tout cela est très gentil mais les amendements que nous adoptons ne permettent absolument pas de protéger le projet médical d'un établissement privé. Certes les actionnaires consulteront autant que vous voulez, ils liront des indicateurs, mais cela ne les empêchera pas de décider, quand bon leur semblera, de changer le projet médical pour des impératifs de rentabilité.
Nous devrions plutôt, les uns comme les autres, prendre des mesures qui protègent vraiment le projet médical dans les établissements hospitaliers privés.
Je souhaite savoir si l'adoption de l'amendement n° 293 rectifié ferait tomber cinq amendements dont je suis l'auteur.
Ces amendements, qui viennent immédiatement après celui que nous examinons, précisent sur quels thèmes la conférence médicale doit être consultée. J'ai ainsi souhaité qu'elle puisse préparer et voter le projet médical de l'établissement, donner un avis sur le budget de l'établissement et émettre un avis sur les praticiens recrutés par l'établissement. J'ai également rédigé un amendement afin que le président de la conférence médicale soit membre du conseil d'administration de l'établissement, ce qui assurerait un parallélisme avec le secteur public. Mais peut-être, madame la ministre, ces éléments figureront-ils dans le décret ?
Enfin, mon amendement n° 1411 donne à la conférence médicale d'établissement la personnalité morale de droit privé. Je regrette que nous n'ayons pas pu l'examiner auparavant, car cela nous aurait permis de discuter du rôle et de la place de la conférence médicale.
Monsieur Préel, nous examinerons vos amendements dans la séance de ce soir.
La parole est à Mme la ministre.
J'ai déjà indiqué à Jean-Luc Préel les grands chapitres sous lesquels seront énumérées les compétences des commissions médicales d'établissement ; nombre d'entre eux vaudront aussi pour la conférence médicale d'établissement.
Je rappelle quelques-uns de ces chapitres : qualité, infections nosocomiales, indicateurs de qualité et de sécurité, politique du médicament, formation continue, avis sur le projet de soins infirmiers, relations avec les usagers et, évidemment, élaboration du projet médical, mais cela est déjà le cas.
Après l'énoncé d'un certain nombre de principes et la communication, à titre indicatif, du contenu du décret, je souhaite discuter de ces questions avec les professionnels, les fédérations, les médecins. La rédaction d'un décret demande un travail de consultation et de concertation très important pour que celui-ci soit efficace.
Madame la ministre, nous vous avons entendue. Cependant il ne faudrait pas que les discussions à venir défigurent le parallélisme que Jean-Luc Préel cherche à établir entre les commissions médicales d'établissement et les conférences médicales d'établissement. Cela dépendra, en fait, de ceux que vous écouterez le plus !
Nous sommes ici quelques députés à savoir, pour avoir quelques heures de vol, que ce qui sort de l'hémicycle ne se retrouve pas toujours dans les décrets.
Il ne vous fait pas confiance, madame la ministre. En tout cas, je suis gêné que vous ne soyez pas plus explicite. Ne renvoie-t-on pas trop au décret ?
Ces dispositions sont de nature réglementaire. En tant que ministre, j'ai tenu à définir un certain nombre de lignes de force, de têtes de chapitre. Je ne pense pas que nous soyons très nombreux à être dans cette disposition d'esprit,…
…à donner ainsi des détails sur le travail réglementaire, auquel, du reste, nous associons les acteurs.
En tant que législateurs, nous fixons ensemble un cadre, mais il convient que les dispositions fassent l'objet d'une concertation avec les acteurs de terrain. Les professionnels de la santé et de l'hospitalisation publique et privée ne comprendraient pas que le travail réglementaire se fasse sans eux. C'est ainsi qu'il faut procéder et, sur ce point, vous ne pouvez me faire ni de reproches ni de procès d'intention.
Votre clarté me rappelle encore Martine Aubry et un fameux décret ! (Sourires.)
Dans votre bouche, je ne suis pas sûre que ce soit un compliment !
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma