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Séance en hémicycle du 21 juin 2011 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • bioéthique
  • exploitation
  • schiste

Sommaire

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que, grâce à la retransmission télévisée de la séquence des questions au Gouvernement, nombreux sont nos concitoyens qui nous regardent. Ils sont également nombreux à regretter nos comportements trop souvent tumultueux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Il est tout à fait normal que nos débats soient passionnés, mais je vous invite solennellement à observer un comportement digne et respectueux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Monsieur le Premier ministre, l'industrie automobile représente 750 000 emplois en France. C'est un secteur structurant pour notre économie. La qualité de notre production liée au savoir faire des salariés, de l'ouvrier à l'ingénieur, est reconnue. Mais après avoir reçu de l'argent public et bénéficié de la prime à la casse, les groupes poursuivent leur politique de délocalisation, de restructuration et de suppressions d'emplois.

Cette fois, c'est particulièrement la Seine-Saint-Denis qui est frappée avec la fermeture, annoncée dans les projets de la direction, du site de PSA-Aulnay – un drame cyniquement programmé pour les 3 500 salariés qui y travaillent, pour leurs familles et pour les jeunes du département qui verront ainsi mourir des perspectives d'embauche.

Pourtant, PSA annonce un résultat net en progression de plus d'un milliard d'euros. C'est donc bien pour nourrir les actionnaires que PSA supprime des sites. Pour eux, un peu plus de dividendes vaut bien le site d'Aulnay. Ils n'ont que faire des hommes et des femmes qui, par leur travail, répondent aux besoins. Ils n'ont que faire du développement industriel et de l'intérêt de la France.

En défendant leurs emplois, leurs acquis sociaux et notre industrie, les ouvriers d'Aulnay défendent l'intérêt général.

Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement se doit d'être aux côtés des salariés. Depuis les révélations faites par les syndicats, la direction n'a donné aucune garantie fiable pour l'avenir. Or l'État doit assumer ses responsabilités et imposer aux groupes qui perçoivent de l'argent public le maintien de la production et de l'emploi en France.

Aussi, concernant le site d'Aulnay, comment comptez-vous obtenir de la direction de PSA le maintien de la production de la C3 sans suppression d'emplois et l'arrivée d'un nouveau véhicule sur le site pour une activité pérenne ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe GDR.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Demandez donc à Mélenchon !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Madame Buffet, le président de Peugeot, M. Warin, a très clairement indiqué que le document auquel vous avez fait allusion n'était qu'un document de travail dont il ne niait pas l'existence mais non suivi de concrétisation au niveau opérationnel, et qu'il démentait sa mise en oeuvre.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Peugeot produit plus en France qu'il ne vend. L'année dernière, le groupe PSA a investi 700 millions d'euros en France et, cette année, investira 800 millions d'euros dans ses usines.

Vous vous inquiétez plus particulièrement pour le site d'Aulnay. Je note que le maire socialiste de la ville considère pour sa part que le plan de charge lui paraît garanti jusqu'en 2016, dans la mesure où la C3, réussite commerciale incontestable puisque produite à près de 200 000 exemplaires par an, a un plan de charge qui va au moins jusqu'aux années 2015-2016. Pour la suite, il appartiendra au groupe, en fonction de l'état de la production et de la commercialisation, de définir au besoin d'autres objectifs pour les sites d'Aulnay et Sevelnord.

Le Premier ministre a indiqué la semaine dernière, et j'ai relayé ses propos, que les pouvoirs publics auraient jugé inacceptable le plan conçu dans ce document de travail, justement pour la raison que vous avez indiquée : pendant la crise, l'État a aidé ces deux principaux constructeurs en leur prêtant 6 milliards d'euros – qu'ils ont d'ailleurs remboursés depuis. Les constructeurs ont en outre bénéficié, vous l'avez souligné à juste titre, de la prime à la casse, des fonds d'OSÉO pour les sous-traitants, et du fonds de modernisation des équipementiers automobiles.

Soyez assurée, madame la ministre, que le Gouvernement suit ce dossier avec la plus grande vigilance. Pour l'heure, il n'y a pas d'inquiétude particulière à avoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du groupe d'amitié Israël-France, de la Knesset de l'État d'Israël, conduite par son président, M. Daniel Bensimon. (Mmes et MM. les députés, ainsi que les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Alors que le texte relatif à la justice des mineurs arrive en discussion devant l'Assemblée nationale, hier, à Florensac, dans l'Hérault, Carla, une jeune fille de treize ans, est décédée à la suite des coups violents qui lui ont été portés par un adolescent de moins de quinze ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Les Français sont aujourd'hui sous le choc. Je veux d'abord penser aux familles. Et je veux aussi réaffirmer que l'aggravation de la délinquance des mineurs est bien une réalité. Même si elle est inégalement répartie sur le territoire français, elle est en augmentation.

J'ai fait des propositions à M. le Président de la République. Vous avez repris, monsieur le ministre, un certain nombre d'entre elles dans votre projet de loi, qui va dans le bon sens.

Mais je voudrais réaffirmer devant la représentation nationale qu'il faut améliorer la rapidité et l'effectivité des réponses, s'agissant de ces mineurs délinquants. On ne peut plus accepter qu'un mineur qui commet un délit dans la journée retourne chez lui le soir. C'est incompréhensible pour lui, ce l'est encore plus pour la victime qui le croise.

Je voudrais réaffirmer qu'il est impensable qu'un mineur placé sous contrôle judiciaire ne soit pas effectivement contrôlé, le soir, chez lui, et qu'on le retrouve dans la rue. Le bracelet électronique est certainement une bonne solution.

Je voudrais réaffirmer que les centres éducatifs fermés sont une bonne alternative à la prison. Ils permettent de réinsérer ces jeunes-là. La prison est un échec pour tous. La réinsertion par les centres éducatifs fermés, ça fonctionne. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

S'occuper de la sécurité des Français, c'est une action sociale, car c'est protéger les plus faibles d'entre nous, les jeunes et les personnes âgées, qui sont les premières victimes.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que le Gouvernement va dans ce sens-là, et mettra les moyens nécessaires ? Les Français l'attendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le député, vous comprendrez que je veuille tout d'abord, au nom du Gouvernement, témoigner notre compassion à la famille de cette jeune fille qui a été tuée à la sortie de son collège.

Le Gouvernement est tout à fait conscient que les mineurs délinquants sont de plus en plus jeunes et de plus en plus violents. Le projet de loi dont votre assemblée va délibérer dans quelques heures vise à apporter à ce problème un certain nombre de réponses.

La première idée est simple : il faut qu'il y ait un lien entre la décision de justice et la commission des faits. Aujourd'hui, dix-huit mois s'écoulent en moyenne entre ces deux événements. Pour un mineur, dix-huit mois, c'est très long. Et, souvent, lorsque la décision est prononcée, il ne fait pas le rapport avec les faits qu'il a commis. Aussi le texte prévoit-il que, sur décision du parquet, un officier de police judiciaire pourra le convoquer directement devant le tribunal pour enfants dès lors que la justice aura en sa possession suffisamment d'éléments pour apprécier sa personnalité. Votre commission des lois a d'ailleurs complété ce projet en y introduisant la possibilité d'une césure dans la procédure, permettant, dès lors que les faits sont établis, qu'une décision de culpabilité soit rendue sans délai.

Nous allons avoir, monsieur le député, l'occasion de reprendre toutes ces questions et de donner à ce projet, si vous en décidez ainsi, force de loi dans les jours qui viennent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Michel Boucheron, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Boucheron

Monsieur le Premier ministre, il faut que nous quittions maintenant l'Afghanistan, que la coalition internationale quitte l'Afghanistan. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

Dans toute guerre, il est essentiel que les hommes et leurs familles sachent clairement pourquoi ils combattent et quels sont les buts poursuivis. Récemment encore, nous pouvions dire avec certitude à nos soldats qu'ils combattaient là-bas pour notre sécurité. C'était la vérité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Boucheron

Les choses ont changé. Les printemps démocratiques dans les pays arabes ont brisé le projet idéologique d'Al-Qaida et les forces spéciales américaines ont décapité la centrale terroriste. Le danger se déplace. La guerre contre le terrorisme ne passe plus par l'Afghanistan. Alors, rester encore, pour quoi faire ? Pour imposer une structure d'État qui n'a jamais existé ? Pour organiser la démocratie dans les vallées ? Admettons que ce sont des objectifs à long terme, qui pourraient d'ailleurs concerner les deux tiers de la planète.

La culture afghane n'est pas la nôtre et, surtout, le temps afghan n'est pas le nôtre. Ceux qui nous combattent aujourd'hui ne sont plus les complices d'Al-Qaida, mais les nationalistes pachtounes qui veulent être maîtres chez eux. Laissons les Afghans construire leur histoire.

Le contexte nous offre une opportunité Si nous ne commençons pas à partir maintenant, nous partirons trop tard et dans des conditions bien plus difficiles.

Engageons le dialogue avec le président Obama et disons clairement que nous souhaitons le désengagement très rapide de la coalition en Afghanistan. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Monsieur le député, vous posez une question grave. Et je souhaiterais que nous l'abordions dans un esprit d'union, autant que faire se peut.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

C'est ce que vous avez fait, monsieur Boucheron. Je n'ai pas dit le contraire.

Je voudrais tout d'abord rendre hommage aux soldats français morts en opération en Afghanistan. (Applaudissements sur tous les bancs.) Je salue leur courage, je partage la souffrance de leurs familles. J'ai eu, hélas, l'occasion de devoir expliquer à plusieurs d'entre elles pourquoi nous étions là-bas. Je n'y reviendrai pas. Vous le savez très bien, monsieur le député. Je voudrais simplement revenir sur notre stratégie, qui repose sur deux piliers.

D'abord, une montée en puissance des forces afghanes, pour qu'elles soient en mesure d'assurer la sécurité de leur pays, donc de permettre un retrait progressif et ordonné des troupes françaises.

Deuxièmement, une solution politique, qui permette la réconciliation nationale en Afghanistan.

Cette stratégie commence à donner des résultats. Le transfert de responsabilités a déjà commencé dans trois provinces. Sur les deux zones que nous avons sous notre responsabilité, au moins une, celle de Surobi, devrait être transférée aux autorités afghanes cette année.

Nous pensons par ailleurs que les conditions se mettent progressivement en place pour un processus de réconciliation inter-afghan. La mort de Ben Laden pourrait inciter les talibans à couper les liens avec le terrorisme international. C'est la décision prise par les Nations unies : distinguer les talibans afghans des terroristes d'Al-Qaida.

Certes, il y a encore des difficultés. Je ne les énumérerai pas. Certaines zones, en particulier, ne sont pas encore entièrement sécurisées. C'est face à cette situation, devant les succès remportés dans la mise en oeuvre d'une stratégie courageuse et cohérente, que nous étudions les options de l'évolution de notre dispositif militaire.

Vous avez commencé par dire : « Il faut partir maintenant. » Vous avez dit ensuite : « Il faut commencer à partir. » Il y a là une grande différence. Nous allons continuer à travailler avec nos alliés américains pour que la coalition adapte sa stratégie aux réalités nouvelles. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Monsieur le ministre de l'intérieur, l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que nul ne doit être inquiété pour ses opinions… (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, écoutons les questions et les réponses, gardons notre dignité !

Veuillez poser votre question, monsieur Copé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

…tandis que l'article 3 de la Constitution de la Ve République rappelle que le suffrage est toujours universel, égal et secret.

Personne n'a de raisons de contester l'initiative, de la part d'un grand parti politique comme le parti socialiste, d'organiser des élections internes, en son sein, pour désigner son candidat à l'élection présidentielle.

En revanche, je voudrais vous faire part de nos interrogations sérieuses et profondes sur ce qu'il en sera du respect de ceux de nos compatriotes qui, dans telle ou telle ville socialiste, soit parce qu'ils en sont fonctionnaires, soit parce qu'ils y sont présidents d'association et bénéficient de subventions de la mairie, soit encore parce qu'ils sont demandeurs d'un service public, de places en crèche, par exemple, n'iront pas voter à ces primaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Nous avons en effet entendu que les listes électorales, qui sont d'ailleurs accessibles de droit, seraient détruites après le vote ; mais rien n'est dit des garanties pendant le déroulement de ce vote. Or il sera possible de recenser ceux qui auront été voter, et d'en déduire ceux qui n'y seront pas allés ; en clair, il y a là un problème de liberté individuelle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Mesdames et messieurs les députés, je voudrais tout d'abord rappeler une évidence : le Gouvernement n'a pas d'appréciation à porter sur le choix du parti socialiste de recourir à des élections primaires.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

La question est de savoir si ces primaires sont conformes à la loi. À cet égard, le code électoral dit clairement que tout électeur ou parti peut avoir communication de la liste électorale. Le code des collectivités locales prévoit également que des locaux municipaux peuvent être mis à disposition des associations, des syndicats ou des partis politiques.

L'organisation des primaires apparaît donc régulière. Mais vous avez raison : il se pose un problème dans la mesure où les listes d'émargement feront très clairement apparaître les noms de ceux qui ont décidé d'afficher leur sympathie à l'égard du parti socialiste, et, par différence, les noms de ceux qui n'ont pas décidé de le faire.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Nous aurons donc ni plus ni moins une liste nominative des opinions politiques des Français, alors même que le vote est secret et que la loi informatique et libertés déclare illégale la collecte de données personnelles qui pourraient faire apparaître des opinions politiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Je ne mets aucunement en doute les intentions du parti socialiste : il a simplement voulu organiser des primaires pour désigner son candidat ou sa candidate. Mais nous avons un problème de fait, et il nous faut obtenir des garanties sur la destruction immédiate des listes d'émargement.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Et il faut s'entendre sur le sens du mot « immédiat » : j'ai entendu un représentant du parti socialiste dire qu'immédiat signifiait plusieurs jours après ; immédiat, c'est tout de suite, et sous contrôle. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Primaires

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Naturellement, les séances de questions au Gouvernement au cours desquelles le secrétaire général de l'UMP interroge le Gouvernement sur une initiative du parti socialiste appellent une réponse. Nous portons d'ailleurs beaucoup d'attention, monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, aux propos d'un spécialiste des fichiers quand il s'intéresse à leurs conséquences. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Il ne faudrait pas, au travers de cette question, que vous nous prêtiez vos propres turpitudes !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Nous essayons d'organiser les primaires parce que c'est un nouvel espace démocratique et un nouveau souffle, même si c'est pour vous, c'est un paysage politique que vous n'osez soupçonner du fait de votre mode de fonctionnement. C'est évidemment plus simple que le chef se désigne lui-même, et que tout le monde marche derrière ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Mais pour moi, ce sont là des pratiques politiques qui appartiennent à un autre âge.

En décidant d'organiser des primaires, nous avons consulté la CNIL, le ministère de l'intérieur et l'ensemble des autorités qui pouvaient nous donner des réponses, en s'inscrivant dans le cadre de la Constitution, qui rappelle que les partis politiques concourent à la démocratie.

Vous voulez des garanties supplémentaires ? Vous les aurez.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Nous souhaitons répondre à toutes les demandes que vous ferez. Nous avons déjà dit que si vous voulez que des assesseurs UMP participent, ils seront les bienvenus. (Rires sur les bancs du groupe UMP.) Si vous voulez que l'on tire au sort des assesseurs citoyens, ils seront également les bienvenus. Nous nous engageons très clairement, monsieur le ministre, à ce que les listes d'émargement soient mises sous scellés à l'issue du scrutin, et détruites sous constat d'huissier. Nous avons compris votre offensive politique, vous ne nous empêcherez pas de donner cet espoir et cette forme d'expression démocratique aux Français ! (Les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Claude Birraux (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC), pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Birraux

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique (De nombreux députés du groupe SRC se lèvent et scandent : « La réponse ! La réponse ! »),…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je vous en prie, mes chers collègues !

Poursuivez monsieur Birraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Birraux

…le soutien de parlementaires de tous bords, celui du comité de direction et des syndicats n'ont rien changé. (« La réponse ! La réponse ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Birraux

La présidente du directoire d'AREVA a été remplacée. Elle avait fait de cette entreprise un leader mondial du nucléaire,… (La clameur continue sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Birraux

…premier fournisseur de services aux États-Unis, et créant des emplois aux usines de Saint-Marcel et de Chalon, chères à Jean-Paul Anciaux.

Dans la période troublée d'après l'accident de Fukushima, quelle est la logique industrielle qui sous-tend cette décision du Gouvernement ?

AREVA est un groupe intégré. Le demeurera-t-il ?

AREVA et EDF sont deux entreprises dont l'État est le patron. Garderont-elles leur indépendance l'une par rapport à l'autre ?

Mes chers collègues, je vous remercie d'avoir bien voulu me laisser poser ma question, dans le climat apaisé et serein de la démocratie…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, je vous présente mes excuses : le brouhaha m'a fait omettre de donner la parole à M. le ministre de l'intérieur en réponse à M. Alain Vidalies.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Monsieur le président, je n'ai pas entendu de question, mais simplement des réflexions. Il n'empêche que je me réjouis que le parti socialiste, par la voix de M. Vidalies, reconnaisse qu'il existe un problème. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je pense qu'il y a même un problème grave, car publier une liste des opinions politiques des Français est une chose sérieuse, qui mérite autre chose que le brouhaha et les échanges d'onomatopées !

Il n'empêche que j'ai bien noté que vous reconnaissiez l'existence de ce problème et que vous étiez prêts à y travailler. Nous y travaillerons ensemble ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, pour répondre à la question de M. Claude Birraux.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Je voudrais vous rassurer, monsieur le député, la France dispose, avec AREVA, du numéro un mondial du nucléaire. Le Premier ministre l'a rappelé lui-même très clairement : le changement de direction à la tête du groupe ne signifie pas un changement de stratégie.

Le modèle intégré, recouvrant l'ensemble des étapes du cycle du combustible – extraction de l'uranium, conception et construction des réacteurs, services de maintenance, traitement et recyclage des déchets –, est un atout pour le développement de l'entreprise et le restera.

La présence d'AREVA dans les énergies renouvelables est un autre élément fondamental de cette stratégie, qu'il s'agisse de l'éolien, du solaire, des bioénergies, de l'hydrogène ou du stockage d'énergie.

Concernant la relation avec EDF qui, apparemment, vous préoccupe, le Président de la République a demandé, lors du Conseil de politique nucléaire, la construction d'un partenariat stratégique. Cette construction est en cours. Un premier accord devrait être signé d'ici à la fin de l'été. La France a la chance de disposer, avec EDF, du premier électricien mondial, et, avec AREVA, du premier industriel mondial du nucléaire.

Il faut construire sur ces deux piliers, en France comme sur les grands marchés d'exportation, qu'il s'agisse de la Chine, de l'Inde, du Royaume-Uni ou d'autres pays encore, d'autant qu'AREVA possède de nombreux atouts pour le nucléaire à venir, celui de la troisième génération : l'EPR aujourd'hui, l'ATMEA bientôt.

Avec ce modèle intégré, ce partenariat stratégique et leurs compétences, les 48 000 collaborateurs d'AREVA et les trente et un sites industriels basés en France vont continuer à fournir au plus grand nombre une énergie qui sera toujours plus sûre, plus propre et plus économique.

Monsieur le député, vous qui connaissez bien ces sujets, vous devriez être, je le crois, rassuré. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Monsieur le président, je voudrais, au nom de mes collègues du Nouveau Centre, interroger M. le garde des sceaux.

Monsieur le ministre de la justice, nous allons discuter aujourd'hui du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale. Pouvez-vous rappeler à la représentation nationale les objectifs de ce projet de loi, notamment celui de redonner confiance à nos concitoyens dans la justice ?

Des problèmes se posent, que les députés du groupe Nouveau Centre n'ont pas manqué de soulever, à l'occasion de l'examen d'un certain nombre de projets de loi : l'exécution des peines, la place de la victime et, surtout, les moyens financiers et humains.

Le Gouvernement, je le sais, s'est engagé à recruter des magistrats et des greffiers. Pouvez-vous rappeler à la représentation nationale, comme vous l'avez fait il y a quelques instants en répondant à Yvan Lachaud sur la justice des mineurs, les objectifs de ce projet de loi ? Nous pouvons, je le crois, nous rassembler sur les objectifs, mais il est urgent de trouver les moyens qui permettront de redonner confiance dans la justice. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le député, comme vous venez de le rappeler, les travaux de l'Assemblée seront consacrés, cette semaine, à la discussion du projet de loi sur l'association des citoyens à la justice correctionnelle et la modification des règles relatives à la justice pénale des mineurs.

Le but recherché par le Gouvernement en adjoignant à une formation du tribunal correctionnel deux assesseurs citoyens est simple et clair. Il s'agit d'associer de plus près les Français à l'oeuvre de justice, afin qu'ils comprennent et soutiennent celle-ci et accomplissent, ce faisant, un acte civique, ce dont notre pays a particulièrement besoin.

Il est vrai qu'il ne peut y avoir de réforme sans moyens supplémentaires. M. le Premier ministre a accepté de créer un certain nombre de postes de magistrats et de greffiers. Nous allons à la fois augmenter le nombre de postes mis au concours et organiser des concours exceptionnels pour rattraper le retard, s'agissant notamment des greffiers. Nous reviendrons tout au long de nos débats sur les nombreuses autres questions que vous avez soulevées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Monsieur le Premier ministre, où va la zone euro ? C'est peu dire que l'attitude des différents gouvernements, dont le vôtre, ne contribue pas à apporter une réponse satisfaisante à une question qui engage notre économie, nos emplois, nos finances publiques.

Aujourd'hui, les peuples européens et le peuple français ont besoin d'une réponse claire !

Comment, à cet égard, justifier l'attitude du Président de la République, qui a refusé la participation des banques à l'effort demandé à tous alors que l'on sait que les intérêts de la dette représentent près de la moitié du déficit européen ?

Il a fallu l'insistance de l'Allemagne pour que leur participation soit sollicitée et qu'elle soit volontaire. Mais la contribution exigée des peuples, elle, n'est ni volontaire ni négociable : elle est imposée.

Dans ces conditions, comment accepter que les risques pris par les créanciers soient uniquement supportés par les États et les contribuables ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Comment considérer comme juste que ce soient les jeunes européens, les salariés européens, et parmi les plus modestes, les retraités européens, qui paient la facture d'une crise dont ils ne sont en rien responsables ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Ce sont les gouvernements socialistes qui sont responsables !

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Comment ne pas voir que faire de l'euro un outil d'austérité, c'est nuire à l'euro ? Comment ne pas voir que faute de justice et de solidarité, c'est l'idée européenne que vous laissez mettre en cause ?

Une autre politique est possible, qui passe par la taxation des banques pour soutenir la demande et l'investissement. Pourquoi la refusez-vous ?

Ne croyez-vous pas enfin, monsieur le Premier ministre, et je m'adresse également à l'ensemble des membres du Gouvernement et de la majorité, que vous auriez mieux à faire que d'entretenir de misérables querelles sur les primaires du parti socialiste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Monsieur le député, je ne vais pas vous cacher que la situation de l'euro est difficile : depuis un an et demi, notre monnaie est attaquée. Mais grâce aux efforts conjoints de la France et de l'Allemagne, nous avons réussi à la sauver. Et cette décision de sauver l'euro, prise il y a un an et demi, n'est pas remise en cause ; elle demeure. Vendredi dernier, à Berlin, le Président de la République et la Chancelière allemande l'ont rappelée.

L'an dernier, vous aviez voté, à la quasi-unanimité, à l'Assemblée et au Sénat, la quote-part française au plan de soutien à la Grèce de 110 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Vous avez également voté la quote-part française au plan de soutien à la zone euro : 440 milliards d'euros abondés par ailleurs par le FMI à hauteur de 25 milliards d'euros.

Que se passe-t-il aujourd'hui ? La France, l'Allemagne ainsi que l'ensemble de l'Europe ont, cette fois encore, décidé d'aider nos amis grecs. Et je regrette, monsieur Gorce, que sur un sujet aussi grave, alors que les spéculateurs sont à la manoeuvre, vous profériez des contrevérités sur la position de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Non, le Président de la République n'a pas dit ce que vous avez dit. Nous sommes d'accord avec les Allemands pour que la contribution du monde financier privé soit volontaire. (Murmures sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Les Européens sont en droit de demander à l'ensemble des forces politiques grecques, monsieur Gorce, de droite comme de gauche, qu'elles mènent les réformes nécessaires, notamment en matière de privatisation, de fiscalité, pour que l'aide de l'Europe soit utilement utilisée. Sinon, nous aboutirions à transformer la zone euro en zone de transferts budgétaires et financiers du nord vers le sud de l'Europe, ce qui poserait d'autres problèmes politiques.

La réponse est donc politique et je ne doute pas que, sur l'ensemble de ces bancs, monsieur Gorce, nous voulions sauver notre monnaie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Patrice Calméjane, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, j'associe à ma question mes collègues Éric Raoult et Gérard Gaudron.

Mercredi dernier, un de vos prédécesseurs, Daniel Vaillant, a voulu jeter un pavé dans la mare en relançant une énième fois le débat sur la légalisation du cannabis.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Scandaleux !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

En réalité, le pavé, c'est surtout dans la mare socialiste, qu'il l'a lancé. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Décidément, un petit joint lui ferait du bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Immédiatement après sa proposition de légaliser le cannabis sous contrôle, la cacophonie habituelle n'a pas manqué de se faire entendre entre les pour, les contre, les « ça se discute »… Embarras révélateur des innombrables contradictions du parti socialiste, depuis des mois, sur tous les sujets d'importance.

Mais revenons sur le fond de cette proposition : que nous proposent les adeptes de la légalisation ? Ni plus ni moins que l'État autorise, mieux, contrôle la production et la vente de cannabis !

Que dit le parti socialiste ? La répression des trafics ne marche pas, prenons la place des trafiquants ! Beau programme ! Cela pourrait faire sourire, mais c'est la santé des Français qui est en cause…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

…et pour commencer celle de nos enfants, car le cannabis est bien une drogue aux effets dramatiques sur la santé des jeunes.

Et quoi qu'en pensent certains, l'interdit empêche la très large majorité de notre jeunesse de consommer cette drogue. Cet interdit empêche ceux qui l'ont testée d'aller plus loin et évite l'étape d'après, les drogues encore plus nocives.

Les Français ne s'y trompent pas, ils sont, en effet, une très large majorité à s'opposer à la dépénalisation de la consommation de drogues dites douces.

Du côté des consommateurs, nous pensons que la seule et unique réponse valable contre ce fléau est la fermeté face aux trafics et aux criminels, qui les alimentent. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Ce n'est pas la première fois que le PS nous prouve que la fermeté, ce n'est pas son fort. Baisser les bras face aux trafiquants de drogue, nous, nous ne l'acceptons pas.

Monsieur le ministre, je ne doute pas de votre fermeté en la matière ni de celle du Gouvernement. Hier, vous étiez une nouvelle fois dans mon département, à Sevran, dont le maire également a eu cette idée insensée. Je vous remercie de rappeler, surtout à la gauche de cet hémicycle, la position du Gouvernement et les réponses que vous avez apportées sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Monsieur le député, je veux vous rassurer : le Gouvernement n'a aucunement l'intention de dépénaliser l'usage du cannabis – ni de toute autre drogue d'ailleurs. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Le cannabis est une drogue et, contrairement à la réputation qu'on lui prête, c'est souvent une drogue dure. Sa consommation pose un grave problème sanitaire avec des conséquences sur la santé physique. Il faut savoir qu'un joint d'herbe, c'est 50 à 70 % d'agents cancérigènes de plus qu'une cigarette de tabac. Sa consommation a aussi des conséquences sur la santé mentale, anxiété, dépression, baisse de la mémoire, difficultés de concentration et, pour les plus jeunes, l'échec scolaire. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

J'étais effectivement hier soir à Sevran. J'y ai vu des parents bouleversés, morts d'inquiétude à l'idée que leurs enfants puissent tomber dans l'addiction au cannabis. Je le dis clairement : le Gouvernement refuse que l'on puisse proposer à notre jeunesse un avenir dont la drogue serait le chemin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Un certain nombre de responsables socialistes proposent la dépénalisation du cannabis (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Auclair

Dont un qui a été ministre de l'intérieur ! Honteux !

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Je me permets de leur dire que je trouve ahurissant que l'on prétende faire baisser la consommation de cannabis en facilitant son accès. Contrairement à ce qui est souvent dit, la consommation de cannabis baisse dans notre pays.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Un interdit social, cela compte et a des effets. À huit ans d'intervalle, la consommation de cannabis chez les jeunes de dix-sept ans a baissé de 25 %…

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Ce n'est pas ce que disent les services de votre ministère ! Venez à Grigny !

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Ce sont des enquêtes, monsieur Dray !

…et l'interdit demeurera. Ce n'est pas parce que la lutte contre la drogue est difficile, qu'il faut baisser les bras. Il faut, au contraire, continuer le combat ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Philippe Plisson, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Plisson

Tout d'abord, je voudrais dire à la majorité qu'elle n'a plus que quelques mois à attendre pour poser directement ses questions à un gouvernement socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Plisson

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

M. André-Claude Lacoste, président de l'Autorité de sûreté nucléaire reconnaissait le 30 mars dernier que la France n'était pas à l'abri d'un accident nucléaire, diagnostic confirmé samedi par Jacques Repussard, directeur de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, selon lequel « il faut imaginer l'inimaginable » afin de prévenir le risque potentiel d'un accident nucléaire tous les dix ans.

Si le discours du Gouvernement se veut rassurant, les faits ne viennent pas forcément corroborer son engagement. Mardi 7 juin, la grand-messe des trente-trois pays de l'OCDE sur la sûreté nucléaire a accouché d'une souris. Plus grave encore, comme le soulignait le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, les gouvernements français et anglais ont mené bataille pour assouplir les critères et, en particulier, exclure les scénarios impliquant une chute d'avion.

Jeudi 16 juin, alors que la catastrophe de Fukushima déstabilise toute l'industrie nucléaire mondiale, le Président de la République a choisi d'éconduire la présidente d'AREVA, Anne Lauvergeon, dont la compétence est unanimement reconnue.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Plisson

Enfin, comme si tout cela ne suffisait pas, dans un contexte où nos concitoyens ont besoin d'écoute, de dialogue et de pédagogie, le ministre de l'industrie, Éric Besson, s'est « cassé », selon son expression, en plein milieu d'un débat organisé par M6 sur les risques nucléaires, démontrant ainsi de façon éclatante que ces questions gênent le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Au moment où l'Allemagne et l'Italie ont pris la décision d'abandonner le nucléaire, le Gouvernement ne pense-t-il pas que ces faits et ces attitudes sont de nature à conforter dans leur opinion les 60 % de Français qui exprimaient dans un sondage paru lundi leur défiance à l'égard de cette énergie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Monsieur le député, tout d'abord, permettez-moi de vous dire que je suis extrêmement surpris par la position qui est la vôtre et celle du groupe socialiste. Si je vous comprends bien, vous prônez la sortie du nucléaire, mais vous tenez à ce qu'Anne Lauvergeon soit à la tête d'AREVA pour opérer cette sortie : il y a là un paradoxe. Vous voulez couler le paquebot tout en laissant en place le chef d'orchestre pour qu'il continue à jouer. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Pour notre part, nous allons, non pas couler le paquebot, mais lui faire emprunter une trajectoire simple, celle de la politique énergétique de la France, dont le Président de la République et le Premier ministre ont suffisamment rappelé les principes : économies d'énergie, efficacité énergétique, développement des énergies renouvelables…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

…– avec, depuis 2007, une multiplication par quatre de la production d'énergie éolienne et par cent pour l'énergie photovoltaïque –, et, dans le même temps, efforts pour un nucléaire plus sûr, qui assure notre indépendance énergétique, contribue à une moindre diffusion de gaz à effet de serre et fait bénéficier les Français d'une énergie de 35 % à 40 % moins chère que la moyenne des autres pays européens.

Le choix de Luc Oursel, le nouveau pilote, est parfaitement adapté. Il a toute l'expérience requise : haut fonctionnaire, industriel, il est passé – accessoirement, si je puis dire – par le cabinet de Pierre Joxe du temps de François Mitterrand. Vous le voyez, les remarques politiciennes n'ont pas lieu d'être.

Quant aux autorités de sûreté nucléaire, loin d'avoir accouché d'une souris, elles ont donné naissance à une importante avancée, sur une base volontaire : un audit, proposé dès le départ par la France, auquel elles participeront toutes et dont la mise en oeuvre sera transparente. Le Président de la République a d'ores et déjà indiqué qu'il serait prêt, le cas échéant, si cela était nécessaire, à fermer une centrale nucléaire.

Pour ce qui me concerne, ne craignez rien, mesdames et messieurs de l'opposition : je ne quitte que les organisations sectaires. Je suis donc bien, là où je suis. (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Huyghe

Tout d'abord, compte tenu du fichage généralisé des opinions politiques organisé par le parti socialiste dans le cadre de ses primaires (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), j'invite l'ensemble de nos concitoyens à faire valoir leur droit d'opposition, reconnu par la loi, en exigeant de sa direction nationale, rue de Solférino à Paris, que leur nom soit retiré des listes électorales établies à cette fin s'ils veulent échapper à ce fichage. (Même mouvement.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Huyghe

Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Ce soir, nous allons commencer l'examen du projet de loi relatif à la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et au jugement des mineurs. Ce texte concrétisera deux engagements de campagne du Président de la République : il souhaitait en effet que les citoyens participent au jugement des affaires délictuelles les plus graves et que le droit pénal des mineurs soit réformé. Ce sera chose faite et je m'en réjouis.

Ainsi, le projet de loi accroît la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale en les associant, tant en première instance qu'en appel, y compris pour l'application des peines, au jugement des délits portant atteinte aux personnes, de façon à réconcilier enfin nos concitoyens avec leur justice.

Le projet de loi vise également à lutter contre le phénomène de correctionnalisation de certains crimes, qui n'est pas admissible. En raison de l'encombrement des cours d'assise, des crimes sont en effet requalifiés artificiellement en délits.

En outre, le texte adapte la justice pénale des mineurs à l'évolution de la délinquance en conciliant l'efficacité de la répression et la primauté des mesures éducatives, selon les principes posés lors de l'élaboration de l'ordonnance du 2 février 1945.

Monsieur le ministre, cette réforme est ambitieuse et nécessitera des moyens importants pour sa mise en oeuvre. Pouvez-vous nous préciser ce qu'a prévu le Gouvernement à cet effet ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le député, toute cette semaine, votre assemblée se consacrera à l'examen du projet de loi relatif à la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et au jugement des mineurs, dont vous êtes le rapporteur. C'est donc principalement à vous qu'il reviendra de mener les débats.

Ce texte a pour objectif d'associer plus largement les citoyens au jugement du délit et à l'oeuvre de justice, mais aussi de combattre la correctionnalisation des crimes, point sur lequel j'aimerais insister. Aujourd'hui, dans notre pays, des infractions identiques ne sont pas jugées de la même façon selon les départements : dans certains, les cours d'assises sont surchargées alors que, dans d'autres, elles le sont moins, ce qui permet d'y juger les crimes comme tels. Le Parlement détermine certes les infractions criminelles, mais, dans les faits, elles ne sont parfois considérées que comme des délits. Cette inégalité dans la manière dont la justice est rendue n'est pas acceptable. Dans tel département, une personne accusée de viol sera jugée pour viol alors que, dans tel autre, elle sera jugée pour agression sexuelle.

Comme vous l'avez fort bien indiqué, monsieur le député, un tel projet nécessite des moyens. Le Premier ministre a accepté que des moyens supplémentaires soient alloués : 40 000 affaires devant être jugées par la nouvelle formation du tribunal correctionnel, 263 postes de magistrats et de greffiers seront créés pour faire face à la double charge que constituera cette façon nouvelle, plus citoyenne, de rendre la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Guillaume Garot, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Garot

Monsieur le ministre de l'agriculture, vous et le Président de la République avez annoncé, à grand renfort de publicité, des mesures pour les éleveurs victimes de la sécheresse : « la tonne de fourrage à 25 euros », avez-vous même dit.

Les éleveurs vous ont cru, monsieur le ministre. Mais aujourd'hui, député d'un département agricole, je peux témoigner de leur souffrance et de leur amertume.

En Mayenne, la tonne de fourrage arrive à 95 euros, car il faut ajouter au prix de vente celui de la logistique et du transport. À ce prix-là, les agriculteurs n'ont d'autre choix que d'abattre leurs animaux. On est loin, très loin, des 25 euros annoncés.

Monsieur le ministre, il ne suffit pas d'accompagner la crise. Il faut la stopper, de toute urgence. Nous vous faisons pour cela trois propositions.

Pour commencer, il faut interdire dans tous les départements le broyage de la paille pour nourrir les animaux ; ensuite, il faut réquisitionner du fourrage pour le revendre à un prix juste aux éleveurs ; enfin, il faut réorienter vers l'alimentation du bétail une partie des céréales destinées au bioéthanol.

Les éleveurs appellent au secours, monsieur le ministre. Ils attendent une aide directe : quand le gouvernement est capable de trouver 2 milliards d'euros pour alléger l'impôt sur la fortune, que faites-vous pour nos éleveurs ? Tous les éleveurs de France attendent votre réponse. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Guillaume Garot, je remercie le parti socialiste de se mobiliser sur la sécheresse quand il commence à pleuvoir… (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est assez représentatif de votre action !

Nous ne vous avons pas attendus pour agir et pour apporter des réponses concrètes aux éleveurs. Vous proposez d'interdire le broyage des pailles ; nous avons mobilisé un million de tonnes de paille au prix garanti de 25 euros la tonne – à ce propos, ne confondez pas paille et fourrage, ce n'est pas exactement la même chose pour les éleveurs. (Applaudissements et sourires sur plusieurs bancs du groupe UMP. — Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je vous rappelle également que, dans tous les cantons où il y aurait des abus, les préfets, que nous avons réunis, ont la faculté d'interdire le broyage des pailles, afin d'éviter une inacceptable spéculation de la part de certains paysans.

Quant à votre troisième proposition, celle qui consisterait à réquisitionner une partie des récoltes de blé et d'orge pour nourrir des bêtes, ce serait le meilleur moyen de faire flamber les prix du blé et de l'alimentation. (Approbations sur les bancs du groupe UMP.) Ce n'est pas la bonne réponse pour les éleveurs aujourd'hui.

La bonne réponse, c'est de mobiliser les pailles : c'est ce que nous faisons : un million de tonnes ont été contractualisées. C'est aussi d'organiser les transports, ce que nous sommes en train de faire avec Nathalie Kosciusko-Morizet, en mobilisant la SNCF, en exonérant de péage tous les transports, et en faisant en sorte de trouver les moyens de transporter le fourrage et les pailles.

Réquisitionner les fourrages, dites-vous : encore faudrait-il qu'il y en ait ! Le problème, c'est le transport des fourrages sur tout le territoire, beaucoup plus que leur mobilisation.

Enfin, les éleveurs rencontrent des problèmes de trésorerie. Je n'ai pas besoin de vous rappeler tout ce que nous avons fait en la matière : mobilisation, de façon anticipée, du Fonds national de garantie des calamités agricoles ; versement anticipé des aides de la PAC ; exonération de taxes sur le foncier non bâti, pour 200 millions d'euros ; possibilité de reporter d'un an l'échéance du prêt destiné aux éleveurs. Cela, ce sont des réponses concrètes. Les paysans français ont parfaitement compris que c'est du côté de la majorité qu'ils trouveraient des réponses concrètes – et pas ailleurs ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. — Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bernard Carayon, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

Monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, l'ouverture du salon du Bourget offre l'occasion de rappeler que la compagnie Air France va choisir, pour renouveler sa flotte long-courrier, entre Airbus et Boeing. Cent soixante-douze députés, issus de l'UMP, du centre, du PS et du PC, ont demandé à Air France de faire le choix naturel et légitime du constructeur européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

L'industrie aéronautique est stratégique ; partout dans le monde, elle est financée et accompagnée par les États. Ses technologies ont une vocation civile et militaire. Le marché mondial est dominé par l'européen EADS et l'américain Boeing. Tout succès commercial, ou toute défaite, dans ce secteur industriel, est donc symbolique et politique.

Or les succès commerciaux d'aujourd'hui financeront la recherche de demain ; ils garantiront notre avance technologique sur nos concurrents asiatiques et américains. Ce marché de 20 milliards d'euros consoliderait et créerait des milliers d'emplois chez nous, la sous-traitance française atteignant 50 % pour l'Airbus, alors que sa part tomberait à 10 % si Air France faisait le choix de Boeing.

Alors que les compagnies américaines s'équipent de long-courriers américains, alors que les européens Lufthansa et Iberia se sont équipés de long-courriers Airbus, Air France a fait jusqu'à présent le choix étrange de s'équiper à 70 % d'avions Boeing.

Air France, monsieur le ministre, n'est pas une entreprise hors-sol : elle a été sauvée de la faillite par le contribuable français, et l'État détient encore 16 % de son capital. Il ne peut se désintéresser ni d'Airbus ni d'Air France, pas plus que l'État américain ne se désintéresse de Boeing, pour reprendre les mots le Président de République.

Le Gouvernement français vient de rappeler au groupe Peugeot qu'une industrie sauvée de la crise par l'État ne pouvait songer à délocaliser ses usines à l'étranger.

Pouvez-vous rappeler aux dirigeants d'Air France qu'il est naturel de promouvoir, dans le respect des règles du commerce international, les meilleurs appareils, issus des territoires que nous représentons et produits par les salariés, ouvriers et ingénieurs, qui sont aussi nos compatriotes ? En un mot, pouvez-vous faire partager à Air France notre fierté d'une Europe industrielle ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Monsieur Carayon, je crois l'avoir dit publiquement dès la semaine dernière : vous, parlementaires, êtes dans votre rôle en défendant l'industrie française et européenne. L'exportation, vous l'avez compris, c'est l'emploi, et l'emploi, c'est notre priorité absolue !

Oui, le Gouvernement français, et singulièrement le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, défendent à travers le monde les produits français et européens. Il serait donc paradoxal que je ne défende pas Airbus auprès d'une compagnie française !

C'est ce que j'ai voulu faire en demandant au président Gourgeon de bien vouloir passer me voir pour m'expliquer ses plans pour l'avenir.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

D'autres pays font de même ; comme le Président de la République l'a rappelé hier, les États-Unis ne s'interdisent pas de défendre les intérêts de leur industrie aéronautique.

Mais, je veux être très clair sur ce point, si nous encourageons les ventes d'Airbus, nous le faisons dans le cadre du droit international, et notamment des règles de l'Organisation mondiale du commerce.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Je veux rappeler à l'ensemble des parlementaires ici présents que le tiers des avions qui volent aujourd'hui dans le ciel américain sont des Airbus ; 10 % des long-courriers sont des Airbus. Notre intérêt est de continuer de vendre ces avions aux États-Unis.

J'invite les parlementaires à ne pas tomber dans le piège du protectionnisme, et dans le débat que certains, à l'extrême gauche, à l'extrême droite ou ailleurs – M. Montebourg, par exemple –, essayent d'instaurer sur le thème de la « démondialisation ». (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) La solution pour nos emplois, ce n'est pas le protectionnisme ; c'est d'être plus compétitifs et de nous battre à l'étranger, avec des règles valables pour tous.

Telle est la position du Gouvernement. Mais je vous remercie de votre mobilisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-René Marsac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Marsac

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Je souhaite l'interroger, en tant que successeur, depuis janvier dernier, de mon collègue Jean-Louis Dumont à la présidence du groupe d'études sur l'économie sociale et solidaire, sur ses intentions à l'issue des états généraux qui se sont déroulés en fin de semaine dernière.

Les coopératives, mutuelles, associations et fondations, qui constituent ce qu'on appelle « l'autre économie », l'économie sociale et solidaire, participent fortement au développement économique et à la création d'emplois. Elles représentent, en effet, 10 % de l'activité et des emplois, résistent plutôt mieux à la crise que les autres formes d'entreprises, créent de nouveaux emplois à un rythme plus élevé. Elles sont également, par définition, ancrées dans leur territoire.

Pourtant, elles sont faiblement présentes dans la gouvernance politique, économique et sociale de notre pays. Le rapport de notre collègue Francis Vercamer, le Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire relancé en octobre 2010, le « Labo » de l'économie sociale et solidaire présidé par Claude Alphandéry, contiennent des propositions visant à inscrire davantage l'économie sociale dans les politiques de développement de notre pays.

Or, pour l'instant, le Gouvernement n'a abordé ce secteur que sous l'angle des solidarités et de la cohésion sociale, sous la conduite de Mme la ministre en charge des solidarités. Il s'agit pourtant d'un secteur qui apporte des réponses pertinentes en matière d'accès au crédit, de création et d'accompagnement des créateurs d'entreprises, de gestion des PME, de production et de commercialisation des produits agricoles, de protection des consommateurs, de tourisme, de construction et de gestion de logements, de production d'énergie, et dans bien d'autres domaines encore.

Bien que les employeurs de l'économie sociale et solidaire aient réuni 19 % des voix patronales aux élections prud'homales, ils ne sont pas associés aux grandes négociations entre partenaires sociaux. Leurs propositions sont très différentes de celles du MEDEF.

Monsieur le Premier ministre, comptez-vous, après les états généraux, proposer une loi-cadre pour l'économie sociale et solidaire, comme le demandent les acteurs concernés ? Pensez-vous donner une meilleure visibilité à l'économie sociale dans votre organisation gouvernementale ? Pouvez-vous vous engager à ouvrir le débat sur la représentation des employeurs de l'économie sociale et solidaire dans les négociations sociales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Monsieur le président, monsieur le député, l'économie sociale et solidaire représente, c'est vrai, un pan très important de notre économie, vous l'avez vous-même rappelé : 10 % des emplois, 8 % du produit intérieur brut, 200 000 structures économiques. Le Gouvernement a décidé de relancer et de mobiliser ce secteur très important.

C'est ainsi que, le 8 décembre dernier, j'ai installé le nouveau Conseil de l'économie sociale et solidaire, profondément rénové, auquel j'ai confié des tâches structurantes, notamment celle de bâtir des référentiels de l'économie sociale et solidaire puisque, des grands groupes bancaires ou d'assurances aux toutes petites structures associatives de terrain, des entreprises extrêmement différentes oeuvrent dans ce secteur.

D'autres actions sont d'ores et déjà en mesure de démarrer. La semaine prochaine, je lancerai l'opération « Jeun'ESS » – ESS comme économie sociale et solidaire – à laquelle je consacre 1,6 million d'euros, pour faire connaître l'économie sociale et solidaire aux jeunes.

Dans le cadre des dépenses d'avenir, nous mobilisons 100 millions d'euros à destination de l'économie sociale et solidaire. Jamais autant n'avait été fait pour ce secteur d'activité.

Les travaux de Francis Vercamer sont tout à fait importants. Nous discutons beaucoup aussi avec Claude Alphandéry. Le 10 mai dernier, lors de la dernière réunion du Conseil de l'économie sociale et solidaire, j'ai confié à mes services, qui travailleront en relation avec ce secteur, un travail de réflexion et de mise en oeuvre d'un projet de loi-cadre relative à l'économie sociale et solidaire. Vous avez raison de dire que l'ensemble de l'économie peut puiser des méthodes et des process dans ce secteur particulièrement performant.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.

Plus que jamais, l'heure est à la mobilisation pour l'emploi, et la baisse des chiffres du chômage nous encourage à renforcer notre action. D'ailleurs, le ministre Xavier Bertrand exprime sa détermination dans ce domaine. Toutefois, la situation, des jeunes en particulier, ne peut nous satisfaire. Il nous faut les conduire plus facilement et plus durablement vers un métier.

Dans ce but, nous adopterons cet après-midi la proposition de loi du groupe UMP sur le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels, qui a été portée par Gérard Cherpion, Jean-Charles Taugourdeau et moi-même. Ce texte a fait l'objet de nombreuses discussions avec les acteurs de terrain et les partenaires sociaux. Il comporte de nombreuses avancées qui permettront de développer l'apprentissage, de valoriser les jeunes grâce au statut d'étudiant des métiers, et d'atteindre l'objectif fixé par le Président de la République et le Premier ministre.

Chacun le sait, l'apprentissage est un moyen d'insertion immédiate dans l'emploi, mais également une voie de qualification permettant une insertion professionnelle durable. Pour les entreprises, c'est un levier essentiel de développement. L'apprentissage n'est pas une orientation par défaut, mais bel et bien une voie d'excellence.

Les dispositions mises en oeuvre par le Gouvernement et celles que nous adopterons aujourd'hui sont des mesures pragmatiques pour l'apprentissage. Elles concernent également les groupements d'employeurs et la sécurisation des parcours professionnels.

Madame la ministre, nous connaissons votre détermination. Quelles sont vos priorités et comment mobiliserez-vous les branches professionnelles et les entreprises ? Comment favoriserez-vous une meilleure connaissance des métiers, renforcer l'offre de formation et engager l'ensemble des régions dans cet objectif commun en faveur des jeunes et de l'apprentissage ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Monsieur le député, toute votre question tend à montrer que l'emploi des jeunes doit être un objectif national partagé entre tous : les entreprises, les régions, l'État et l'ensemble des acteurs.

La proposition de loi que vous avez portée avec Jean-Charles Taugourdeau et Gérard Cherpion, et que l'Assemblée s'apprête à adopter après les questions au Gouvernement, transcrit les engagements du Président de la République, l'accord national interprofessionnel des partenaires, ainsi que le travail fait par le groupe UMP sous l'autorité de Christian Jacob. Elle constitue une avancée majeure qui s'inscrit dans la politique globale du Gouvernement. Je rappelle ses dispositions essentielles.

D'abord, la création de la carte d'étudiant des métiers, extrêmement importante pour les apprentis, qui attendaient cette mesure, leur permettra de bénéficier des mêmes conditions tarifaires que les étudiants, ce qui est fondamental.

Ensuite, la possibilité est ouverte aux employeurs saisonniers de recourir à l'apprentissage. Dans un souci de pragmatisme, deux employeurs saisonniers pourront embaucher un même apprenti.

Des mesures de simplification permettront de favoriser le recours à l'alternance, notamment à travers le service dématérialisé de l'alternance. C'est une nécessité absolue pour les chefs d'entreprise.

Enfin, le texte rend possible le renouvellement d'un contrat de professionnalisation, ce qui permettra à un jeune engagé dans une formation de continuer dans cette voie.

J'étais, hier, en Côte-d'Or où j'ai signé le contrat régional d'objectifs et de moyens. Je suis heureuse de voir que, sur ces sujets, les régions nous suivent, en mettant un euro pour chaque euro apporté par l'État. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Apprentissage

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

J'ai reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République, en date du 20 juin 2011, portant convocation du Parlement en session extraordinaire le vendredi 1er juillet 2011.

L'ordre du jour de cette session extraordinaire est publié au Journal officiel de ce jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 (nos 3459, 3513).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote, la parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Monsieur le président, madame la ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle, mes chers collèges, le projet de loi que nous nous apprêtons à voter, outre diverses dispositions rectificatives ayant trait aux comptes de la sécurité sociale, comporte une mesure importante et symbolique sur le partage de la valeur.

Dans un contexte de sortie de crise, nos concitoyens attendent, à juste titre, d'une mesure de répartition juste et équitable de la valeur ajoutée.

Il était donc urgent d'agir. Le Nouveau Centre n'a cessé de demander au Gouvernement de s'attaquer à la question du pouvoir d'achat. Il se félicite aujourd'hui qu'une mesure concrète vienne traduire une inflexion de la politique gouvernementale vers plus de justice sociale.

Nous pensons qu'il est nécessaire d'améliorer le pouvoir d'achat des salariés et qu'il est souhaitable d'aboutir à une meilleure répartition des bénéfices entre les salariés, le capital et l'investissement.

Pour autant, si cette mesure va dans la bonne direction, vers un meilleur partage des richesses créées, elle n'en reste pas moins un nouveau levier actionné de manière isolée. Elle n'aura pas d'effet positif pour l'ensemble des Français, puisqu'elle ne concernerait que quatre millions de salariés du secteur marchand.

En outre, attachés au dialogue social, nous regrettons que les négociations entre partenaires sociaux sur ce sujet n'aient pas encore abouti.

Il est important que les discussions se poursuivent, car les enjeux et défis restent de taille pour permettre aux foyers les plus modestes et aux classes moyennes de bénéficier de réelles mesures d'amélioration du pouvoir d'achat.

C'est d'ailleurs dans cet esprit que nous avions déposé un amendement visant à la création d'un vrai dividende social.

Notre proposition élargissait la base des bénéficiaires et prévoyait qu'une partie des dividendes versés aux actionnaires soit redistribuée à l'ensemble des salariés. Un tel mécanisme créait la possibilité de donner un dividende social à l'ensemble des salariés, y compris ceux qui ne sont pas salariés associés.

Enfin, et au-delà du caractère obligatoire de la prime, le groupe Nouveau Centre tient à rappeler la nécessité de créer un nouveau pacte de croissance qui permette à chacun d'être reconnu à sa juste valeur et d'améliorer significativement et durablement le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Ce nouveau pacte de croissance pour l'amélioration du pouvoir d'achat appelle un débat sincère sur la mise en place d'une TVA sociale et sur la remise en question des 35 heures.

Ce pacte implique également la mise en place, en concertation avec les partenaires sociaux, de mesures portant sur le partage de la valeur ajoutée et des profits, ainsi que sur la limitation des écarts de rémunération en France.

Ainsi, vous l'aurez compris mes chers collègues, si le Nouveau Centre estime que la prime salariale ne peut être qu'un début de réponse aux problèmes du pouvoir d'achat et du partage de la croissance, nous considérons qu'il s'agit d'une vraie mesure d'encouragement et de justice. Voilà pourquoi nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Joyandet, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collèges, le PLFSS-« R » pour 2011 – premier projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale – prévoit, à la demande de Nicolas Sarkozy, la mise en place d'une prime pour les salariés des entreprises.

C'est un dispositif d'équité et de justice. Alors que la croissance économique repart à la hausse et que les bénéfices réalisés par un certain nombre de nos entreprises reviennent, le Président de la République a souhaité lancer le débat sur le partage de ces bénéfices au-delà de la juste et nécessaire rémunération des actionnaires, sans les capitaux desquels nos entreprises ne pourraient pas fonctionner. Il convient de prévoir un coup de pouce supplémentaire pour les salariés, dont le travail fourni à l'entreprise est également essentiel à sa bonne marche.

Le nouveau système prévoit ainsi, dans les entreprises de cinquante salariés et plus dont les dividendes versés aux actionnaires sont en augmentation, en comparaison de la moyenne des dividendes des deux années précédentes, l'obligation pour l'employeur d'ouvrir une négociation avec les représentants du personnel, en vue du versement d'une prime qui pourra prendre aussi la forme d'un supplément d'intéressement ou de participation. Le système est très ouvert. L'État s'engage de son côté à exonérer cette prime jusqu'à 1 200 euros, prime qui, je le rappelle, serait soumise au forfait social.

Pour les entreprises de taille inférieure, la mise en oeuvre du système est également possible, mais de manière facultative et sur la base du volontariat. Pourtant, de nombreuses PME-PMI de moins de cinquante salariés ne distribuent pas de dividendes. C'est la raison pour laquelle nous avons considéré qu'il fallait assouplir et ouvrir le dispositif dans le cas de ces entreprises.

Nous avons donc proposé que les entreprises de moins de cinquante salariés, quelle que soit d'ailleurs leur forme juridique – société, mais aussi entreprise individuelle, profession libérale, etc. – puissent verser à leurs employés une prime sous forme d'accord d'intéressement, non plus sur trois ans mais sur un an. Ce dispositif vise à inciter les chefs d'entreprise, en ouvrant l'intéressement sur un an, à passer des accords souples avec leurs salariés, afin de faire profiter ceux-ci du redémarrage économique, même partiel.

Cette nouvelle possibilité, attendue depuis longtemps par les petites entreprises, a été largement plébiscitée par les membres de notre groupe et adoptée bien au-delà d'ailleurs par la commission des affaires sociales de notre Assemblée. À cet égard, je tiens à remercier le Gouvernement d'avoir réservé un accueil favorable à cette initiative parlementaire.

Mes chers collègues, qui aurait pu croire, en 2008 et en 2009, au plus fort de la crise financière, que l'on parlerait déjà en 2011, pour les entreprises françaises, de retour à la croissance et aux bénéfices ? C'est la preuve éclatante que les mesures mises en oeuvre courageusement par le Président de la République et le Gouvernement sont les bonnes. Aujourd'hui, les choses s'améliorent, l'horizon s'éclaircit, et c'est tant mieux !

C'est sûr, le chemin du redressement est encore long, mais le texte que nous allons voter enregistre une baisse de 16 % du déficit de la sécurité sociale. C'est bien la confirmation que la France va mieux et qu'elle va dans la bonne direction.

Cette prime est une bonne chose pour les salariés. Plusieurs millions d'entre eux en profiteront. C'est pourquoi le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Le scrutin public sur l'ensemble du projet de loi est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Monsieur le président, la question du pouvoir d'achat est aujourd'hui au premier rang des attentes de nos concitoyens pour qui les fins de mois sont de plus en plus difficiles. L'augmentation des dépenses contraintes telles l'essence, le gaz, les assurances, les mutuelles, l'électricité, comprime leur pouvoir d'achat alors que les salaires n'augmentent que faiblement.

Le Gouvernement assume ce choix politique d'un retour espéré à la croissance fondé uniquement sur la relance de l'investissement en rejetant toute proposition d'une croissance renforcée par le moteur de la consommation.

Nous contestons ce choix pour des raisons économiques et politiques. Sur le plan économique, votre stratégie est vouée à l'échec, ou à une croissance molle, dès lors que, faute d'une augmentation de la consommation, vous avez délibérément choisi de ne faire marcher la France que sur une seule jambe. Sur le plan politique, votre choix est celui d'une politique de droite qui s'oppose à toute idée d'un meilleur partage de la richesse et qui s'illustre à nouveau par votre réforme de l'ISF au bénéfice des plus favorisés.

Face à l'expression d'un mécontentement de plus en plus vif, vous avez une nouvelle fois inventé le coup de la prime. En réalité, votre objectif, peut-être d'ailleurs atteint, est d'occuper l'espace médiatique avec une prétendue réponse à la question du pouvoir d'achat.

Au départ, vous avez annoncé aux Français que huit millions de salariés bénéficieraient d'une prime de mille euros obligatoire.

À l'arrivée, la prime est réservée aux salariés des entreprises dont le dividende a augmenté deux années consécutives, c'est-à-dire entre un et demi et deux millions de salariés.

À l'arrivée, la prime n'est plus obligatoire car les entreprises concernées n'auront pour seule obligation que d'ouvrir une négociation, sans obligation de résultat. Si les négociations échouent, il ne se passera rien.

À l'arrivée, la prime n'est plus de 1 000 euros mais commence à un euro, sans autre obligation pour les entreprises.

À l'arrivée, cette prime est au surplus exonérée de cotisations sociales, créant ainsi une nouvelle niche sociale parfaitement incohérente avec l'état de nos finances publiques et les objectifs annoncés dans la loi initiale de financement de la sécurité sociale.

En résumé, la prime se dégonfle ou, pour reprendre une expression connue, elle fait « pschitt » !

Nous sommes évidemment très éloignés des engagements du Président de la République pour qui, dans son discours de candidat à Périgueux le 12 octobre 2006, le maintien des exonérations de charges pour les entreprises devrait dorénavant être « conditionné à la hausse des salaires et à la revalorisation des grilles de rémunération fixées par les conventions collectives ».

Et il y a quelques semaines, le 19 avril 2011, Nicolas Sarkozy, revenant dans les Ardennes où, le 18 décembre 2006, il avait prononcé son fameux discours à la France qui se lève tôt, a déclaré : « J'affirme qu'il est normal que les salariés à qui on demande des efforts pendant la crise bénéficient de la reprise. Qui peut comprendre qu'on distribue plus de 80 milliards d'euros aux actionnaires et que, dans le même temps, on explique aux salariés qu'il n'y a pas de quoi augmenter les salaires ? »

En matière de pouvoir d'achat et d'augmentation des salaires, pour reprendre une expression récente du Premier ministre, vous êtes des croyants non pratiquants. (« Bla bla ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Cette distance, pour ne pas dire cette rupture, entre les discours et les actes pose une sérieuse question de crédibilité de la parole politique.

Le projet du parti socialiste, au contraire, présente des orientations et des mesures concrètes qui répondent à cette question. Nous nous engageons sur une revalorisation du SMIC, sur l'organisation annuelle d'une conférence salariale tripartite, sur une modulation des cotisations sociales en fonction des résultats des négociations annuelles sur les salaires. (« Bla bla ! » sur les bancs du groupe UMP.)

C'est une autre politique, une autre vision de la France. Dans quelques mois, les Français choisiront. En attendant, nous voterons contre ce texte qui n'est que d'affichage. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

En 2007, Nicolas Sarkozy s'est fait élire en promettant d'être le Président du pouvoir d'achat. C'est une promesse qu'il a partiellement tenue. En effet, entre le bouclier fiscal, la réduction des droits de succession et, aujourd'hui, le relèvement du plafond de l'impôt sur la fortune, Nicolas Sarkozy aura bien été le Président du pouvoir d'achat, mais de celui des riches !

Pour les autres, qui constatent l'augmentation des prix et la stagnation de leurs salaires, le résultat n'est pas convaincant, voire franchement décevant. C'est pour eux, pour tenter de les rassurer, ou plutôt de les tromper, qu'a été imaginé ce dispositif de primes contre dividendes, mesure phare de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, et qui se révèlent au bout du compte anecdotique.

Il ne concernera en effet qu'une infime minorité de salariés, un peu moins d'un sur huit, qui recevront peut-être une prime dont le montant n'est pas connu et pourra être fixé unilatéralement par les dirigeants.

C'est peu de dire que ce texte pose également la question de la démocratie dans les entreprises. Comment se fait-il que les salariés, qui produisent les richesses, n'aient aucun pouvoir face aux actionnaires qui fixent eux-mêmes le montant de la rémunération de leur « prise de risque », entre guillemets, via leur assemblée générale ?

De plus, ce texte ne concernera pas les entreprises versant de forts dividendes mais uniquement celles versant des dividendes en augmentation, ce qui exonère par exemple Total, dont les bénéfices indécents ont augmenté de 10 % en 2010 par rapport à 2009.

Enfin, ce dispositif pourra être facilement détourné. D'ailleurs, les patrons ne s'en cachent même pas.

Pour anecdotiques qu'elles soient, ces dispositions devraient néanmoins coûter environ 300 millions par an à l'État, ce qui, en ces périodes de disette budgétaire, paraît pour le moins inconvenant.

Plus fondamentalement, ce dispositif ne propose en aucun cas d'alléger le poids grandissant que font peser sur les entreprises les actionnaires et leurs exigences de forte rentabilité à court terme.

Bien plus, il tente de brouiller les cartes pour arracher le consentement des salariés à cette pression, tout en s'inscrivant dans un mouvement inquiétant de transfert d'une partie de leur rémunération vers des éléments non soumis à cotisations sociales (« Bla bla ! » sur les bancs du groupe UMP), ce qui est dommageable à la fois pour les finances publiques, notamment celles de la protection sociale, et pour les droits des salariés, notamment le montant de leurs futures retraites.

La défiscalisation des heures supplémentaires…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Très bonne mesure pour le pouvoir d'achat des salariés !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

…qui, d'après le Conseil des prélèvements obligatoires, coûte plus cher à l'État qu'elle ne rapporte en termes de croissance économique, s'inscrivait déjà dans le même mouvement. Il est pour le moins surprenant de voir l'État lui-même impulser de tels dispositifs.

Vous tentez, par ce texte, de vous parer des atours de la justice sociale. Permettez-moi de dire qu'ils ne vous vont pas bien et que vous vous trompez si vous croyez que nos concitoyens tomberont dans ce piège, car les salariés savent que les hauts niveaux de dividendes ne sont obtenus que grâce à une pression sur les salaires. C'est bien un transfert supplémentaire d'une partie de la rémunération des salaires soumis à cotisation sociale vers une prime qui en est exonérée que vise cette mesure. Les députés du groupe GDR y sont totalement opposés et voteront donc contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 531

Nombre de suffrages exprimés 528

Majorité absolue 265

Pour l'adoption 320

Contre 208

(Le projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi de MM. Gérard Cherpion, Bernard Perrut, Jean-Charles Taugourdeau et plusieurs de leurs collègues pour le développement de l'alternance, la sécurisation des parcours professionnels et le partage de la valeur ajoutée (nos 3369, 3519, 3512).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote, la parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Monsieur le président, mes chers collègues, plus que jamais, l'heure est à la mobilisation pour l'emploi. La baisse régulière du chômage nous encourage à renforcer notre action, et les ministres Xavier Bertrand et Nadine Morano démontrent chaque jour, dans ce domaine, leur totale détermination.

La situation ne saurait toutefois nous satisfaire, même si la baisse du chômage des jeunes de l'ordre de 7 % que vous avez annoncée, madame la ministre, est une première avancée significative.

C'est dans le cadre de cette mobilisation pour l'emploi que nous avons déposé la présente proposition de loi sur l'apprentissage et la sécurisation des parcours professionnels, voulue par le groupe UMP et son président Christian Jacob, et portée par trois députés de notre groupe, Gérard Cherpion, Jean-Charles Taugourdeau et moi-même.

Ce texte a fait l'objet de nombreuses discussions avec l'ensemble des acteurs de terrain, qu'il s'agisse des entreprises, des organismes de formation ou encore, bien évidemment, des partenaires sociaux, dont ce texte reprend ou prolonge plusieurs accords.

Cette proposition de loi permettra de développer l'apprentissage, de valoriser les jeunes, avec la véritable reconnaissance des étudiants des métiers, mais aussi d'atteindre l'objectif fixé par le Président de la République et le Premier ministre de quelque 800 000 alternants d'ici à 2015.

Chacun le sait, l'apprentissage est un moyen d'insertion immédiate dans l'emploi – les chiffres le prouvent – mais également une voie de qualification permettant une insertion professionnelle durable. Pour nos entreprises, ces formations sont un levier essentiel de leur développement car elles permettent d'embaucher des jeunes qui seront d'autant plus motivés qu'ils apprendront un métier où leurs aptitudes et leurs talents seront reconnus. Comme je le disais tout à l'heure en posant une question à Mme Morano, l'apprentissage n'est pas une voie d'orientation par défaut mais une voie d'excellence. C'est bien l'esprit de ce texte.

Les décisions prises par le Gouvernement, celles que nous adopterons dans un instant sont avant tout pragmatiques. Ce texte, au-delà de l'apprentissage, concerne également les groupements d'employeurs et la sécurisation du parcours professionnel.

En ce qui concerne les groupements d'employeurs, leur évolution est nécessaire, compte tenu du niveau élevé de rotation de la main-d'oeuvre dans les entreprises et du besoin d'apporter toutes les garanties de sécurisation aux salariés, en favorisant la conclusion de contrats à durée indéterminée et à temps plein pour des tâches ponctuelles dont les entreprises peuvent avoir besoin.

Sur l'important sujet de la sécurisation des parcours professionnels, nous connaissons tous l'engagement de Gérard Cherpion. Cette proposition de loi offre une base légale au nouveau dispositif spécifique d'accompagnement des salariés d'entreprises de moins de 1 000 salariés qui sont l'objet d'un projet de licenciement économique : le contrat de sécurisation professionnelle. Celui-ci remplacera la convention de reclassement personnalisé, la CRP, et le contrat de transition professionnelle, le CTP. Les salariés éligibles pourront y adhérer de leur propre initiative. Ils auront également la possibilité d'effectuer durant l'accompagnement des périodes de travail en entreprise, avec un droit au retour en cas de reprise d'emploi s'il y a rupture du nouveau contrat de travail avant le terme du contrat de sécurisation.

C'est dire que cette proposition de loi permet des avancées considérables, avec pour seul objectif l'emploi, tant des jeunes que des adultes. Il s'agit d'un texte pragmatique, avec des mesures concrètes, qui témoigne de la mobilisation de notre majorité pour lutter contre le chômage et la précarité. C'est la raison pour laquelle j'invite tous mes collègues, même au-delà des bancs de la majorité, à adopter cette proposition de loi utile pour l'emploi, pour l'insertion et pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Avant d'aborder les raisons de notre désaccord avec ce texte, rappelons qu'il contient des dispositions qui sont le fruit de la négociation des partenaires sociaux et que nous soutenons. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

C'est le cas, tout d'abord, de la transposition de l'accord national interprofessionnel, qui a fait l'unanimité, sur la création du contrat de sécurisation professionnel. Ce contrat réalise la fusion du contrat de transition professionnelle et de la convention de reclassement personnalisé, c'est-à-dire en fait la généralisation du CTP que nous proposions nous-mêmes. Toutefois, nous serons vigilants quant à l'engagement de l'État dans les expérimentations permettant d'ouvrir le dispositif à de nouveaux publics, ceux qui arrivent en fin de CDD et en fin d'intérim.

C'est le cas, ensuite, de la transposition de la partie de l'accord sur l'alternance relative à l'encadrement des stages.

Mais nous nous souvenons que l'inscription dans la loi, l'an passé, de l'interdiction des stages hors cursus a été très largement contournée par le décret d'application. Nous serons donc particulièrement méfiants quant à la concrétisation de ces engagements.

Quant aux groupements d'employeurs, nous les soutenons puisque nous sommes à l'origine de leur création dans la loi de 1985. Mais en faisant sauter, comme vous le proposez, madame la ministre, mesdames, messieurs les députés de la majorité, tous ces verrous, selon votre expression, toutes ces garanties en réalité, qui encadrent leur création et leur fonctionnement, vous en changez profondément la nature au risque d'en faire un dispositif d'intérim low cost. Ainsi, vous avez refusé notre proposition de prévoir un taux minimum de CDI alors que les groupements sont faits pour les développer.

C'est d'ailleurs animés par cette même logique de déréglementation que vous avez engagé le débat sur l'alternance voulu par le Président de la République. Si nous sommes clairement pour le développement de l'apprentissage, nous ne cautionnons pas le dévoiement de l'apprentissage qu'organise ce texte. En effet, avec l'ouverture de l'apprentissage aux employeurs saisonniers et à l'intérim – ce qui vous permet de porter le contrat d'intérim à trente-six mois –, avec la possibilité d'enchaîner jusqu'à quatre ans de contrats de professionnalisation, et surtout avec la possibilité de signer un contrat d'apprentissage avant quinze ans, c'est-à-dire dès quatorze ans,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

…vous remettez en cause l'obligation scolaire jusqu'à seize ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Vous engagez ainsi une politique du chiffre qui fait de la formation en alternance une forme de sous-emploi. Vous comptez de surcroît faire financer cette politique par les régions. Or, pour 200 000 apprentis en plus, il faut un milliard d'euros et pour le moment, il est prévu que l'État apportera seulement 70 millions. Alors que vous comptez, je le répète, faire payer les régions, vous remettez gravement en cause les efforts que celles-ci ont engagés sur la qualité et sur la revalorisation de l'apprentissage.

Cette proposition de loi s'inscrit dans une démarche essentiellement comptable et électoraliste qui vise à dégonfler à court terme les chiffres du chômage au prix d'une augmentation de la précarité et de la flexibilité, et sans créer d'emplois.

Pour notre part, nous pensons qu'au-delà du développement de l'apprentissage, il faut aussi développer des contrats d'avenir qui permettront à 300 0000 jeunes de bénéficier rapidement d'un véritable emploi. C'est une proposition centrale et une mesure à prendre d'urgence.

C'est pour toutes ces raisons, mes chers collègues, que le groupe SRC votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte sur lequel nous devons nous prononcer est censé favoriser le « développement de l'alternance », et la « sécurisation des parcours professionnels ». Ces deux objectifs sont louables et ambitieux. On peut douter, au final, de la capacité de ce texte à les atteindre : amputé de deux de ses dispositions initiales importantes, c'est-à-dire la réforme de l'obligation d'embauche en alternance, renvoyée à la loi de financement de la sécurité sociale, et celle de la répartition de la valeur ajoutée, restée dans le titre mais finalement placée dans la loi de finances rectificative, votre texte, monsieur le rapporteur, est donc bien maigre.

Mais examinons un instant les résultats de cette proposition de loi au regard des objectifs affichés dans son intitulé.

La sécurisation des parcours professionnels tout d'abord : au passage, on ne peut que se réjouir que cette question fasse enfin l'objet des préoccupations de la majorité mais, faute de pouvoir illustrer le « travailler plus pour gagner plus » par des résultats tangibles, vous voilà ramenés, madame la ministre, mes chers collègues, au principe de réalité et contraints à prendre en compte la préoccupation principale de nos concitoyens : travailler tout court, et de façon durable ! Dommage que cette préoccupation ne trouve pas sa traduction concrète dans ce texte. Certes, vous créez un contrat de sécurisation professionnelle, certes, il bénéficiera désormais aux salariés en fin de contrat à durée déterminée, de mission d'intérim ou de contrat de chantier – autant de contrats n'offrant aucune sécurité que vous entendiez, il y a quelques mois encore, développer, voire généraliser… ce qui est en soi un aveu – ; mais, dans la pratique, qu'est-ce que ce nouveau dispositif apportera de réellement nouveau à ses bénéficiaires ? Pas grand-chose en réalité. Cette nouveauté n'est pour une part que le résultat d'une nécessité d'ordre pratique et légale puisque la convention de reclassement personnalisé et le contrat de transition professionnelle étaient arrivés à expiration le 31 mars dernier.

Il n'y a donc rien de nouveau dans tout cela, tandis que sur de nombreux points, votre texte insécurise les salariés, singulièrement ceux qui relèvent de groupements d'employeurs. Vous autorisez désormais la double appartenance. Sous couvert d'une volonté de lever les obstacles juridiques, cette déréglementation de fait conduira à la coexistence, dans une même entreprise, de salariés issus de groupements d'employeurs différents, appliquant des conventions collectives différentes : où est, pour les salariés concernés, la sécurisation ? Comment ne pas voir le risque d'un nivellement par le bas des droits des salariés ? Je n'insisterai pas davantage sur le risque de détournement du statut de la fonction publique inscrit dans la suppression des conditions encadrant la mise à disposition de salariés d'un groupement auprès d'une collectivité locale. De sécurisation, il n'y en a donc point.

Mais qu'en est-il du développement de l'alternance ?

Certes, nous sommes amenés à nous prononcer sur des enjeux majeurs, mais – pardonnez-moi l'ironie – des étudiants en droit public de première année seraient sans conteste ahuris de voir traités dans un texte de loi certains des sujets que vous y avez introduits : par exemple, le principe de création d'un site internet, ou encore la création d'une carte d'étudiant des métiers au bénéfice des apprentis… mais pas une carte d'étudiant comme les autres, qui ouvrirait à ses bénéficiaires les mêmes droits qu'aux étudiants. En réalité, c'est de l'anecdotique. En matière de développement de l'alternance, votre texte contient de l'anecdotique, et du contestable souvent. Je pense notamment à la soi-disant clarification de la condition d'âge de quinze ans pour l'accès à l'apprentissage, qui ne réglera rien ! Elle risque fort de n'aboutir qu'à un contournement de l'obligation scolaire. On est bien loin de la revalorisation de l'apprentissage ! Et pour cause : à l'anecdote, au contestable, le texte ajoute une autre tare, rédhibitoire celle-là : comme d'habitude, il n'est pas financé ! Augmenter, comme vous en affichez l'objectif, madame la ministre, le nombre d'apprentis de 200 000 coûterait un milliard d'euros. Or la loi de finances rectificative que vous avez votée, mes chers collègues, ne prévoit que 70 millions d'euros. Où trouver le reste ? Vous allez sans conteste, encore une fois, vous tourner vers les régions, que pourtant vous avez complètement oubliées dans ce texte.

Vous l'aurez compris : les députés de la gauche démocrate et républicaine, les députés écologistes, communistes, du parti de gauche et de l'outre-mer voteront contre ce texte. Démonstration est faite que pour atteindre les objectifs de sécurisation des parcours professionnels et de développement de l'alternance, le meilleur chemin sera encore celui... d'une vraie alternance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Monsieur le président, mes chers collègues, la proposition de loi que nous allons voter dans quelques instants porte principalement sur deux sujets d'actualité, à l'heure où notre économie s'engage vers la sortie de crise : l'accès à l'emploi des jeunes via la formation en alternance, la sécurisation des périodes de transition professionnelle.

Les formations entrant dans le cadre de l'alternance et de l'apprentissage sont encore trop souvent associées à des filières réservées aux jeunes en difficulté scolaire. Les dispositions de ce texte s'inscrivent dans une volonté de revaloriser l'attractivité de ces voies de formation. Il crée ainsi une carte d'étudiant des métiers pour les jeunes en apprentissage. Notre groupe a particulièrement tenu au cours du débat à ce que les principales dispositions concernant les jeunes en apprentissage puissent également concerner, dans un esprit d'équilibre, les jeunes en contrat de professionnalisation. Ces derniers bénéficieront donc également de la carte d'étudiant des métiers. De même, à l'instar des mesures concernant l'apprentissage, nous avons tenu à ce que deux employeurs saisonniers puissent embaucher un jeune en contrat de professionnalisation.

Cette proposition de loi organise par ailleurs le dispositif d'accompagnement renforcé des salariés frappés par un licenciement économique, avec un contrat de sécurisation professionnelle qui prend le relais de la CRP et du CTP. Notre groupe est très attaché à ces mesures de sécurisation des parcours professionnels, qui reposent sur un accompagnement davantage personnalisé du salarié licencié. Nous pensons que ce contrat de sécurisation professionnelle instaure un mécanisme unique plus lisible et plus souple pour permettre une nouvelle expérience en entreprise, plus ouvert aux expérimentations en direction des publics dont la situation professionnelle est fragile, tels que les intérimaires, les CDD ou les personnels en fin de mission.

Il est donc indispensable que le fonctionnement du dispositif sur le terrain soit conforme à l'esprit de ce texte, et que les garanties qu'il contient sécurisent véritablement la personne licenciée dans son parcours vers un nouvel emploi. En effet, notre groupe a la conviction que nous ne sommes pas encore parvenus au terme du chantier de la sécurisation des parcours professionnels, celle qui permet de passer de la sécurité de l'emploi à la sécurité d'obtenir un nouvel emploi. C'est la raison pour laquelle, en lien avec l'emploi des jeunes, nous avons proposé que notre assemblée apporte une pierre supplémentaire à l'édifice en construction de la sécurisation des transitions professionnelles en déposant un amendement en commission sur la création d'un crédit formation inversement proportionnel au niveau d'études atteint. Il s'agirait d'un droit social qui dériverait non plus de l'exercice préalable d'une activité professionnelle ou d'un statut, mais qui serait attaché à la personne : tout individu entrant sur le marché du travail bénéficierait de ce droit.

Enfin, le texte intègre un certain nombre de dispositions adoptées par les partenaires sociaux concernant l'encadrement juridique des stages, et pose les principes qui permettront d'éviter les abus en la matière.

Avec cette proposition de loi, nous avons ainsi examiné un texte concret, empreint d'un certain pragmatisme, et c'est au regard des avancées auxquelles il procède que nous voterons en sa faveur. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 518

Nombre de suffrages exprimés 518

Majorité absolue 260

Pour l'adoption 320

Contre 198

(La proposition de loi est adoptée.)

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la bioéthique (3536).

La parole est à M. Jean Leonetti, rapporteur de la commission mixte paritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le débat riche et fructueux que nous avons eu en commission mixte partiaire s'est soldé par l'adoption de ce texte qui emprunte parfois à celui de l'Assemblée nationale, parfois à celui du Sénat, mais qui résulte le plus souvent d'un compromis entre les deux.

Nous alignant sur la position de l'Assemblée nationale, nous avons ainsi confirmé le droit à l'aide médicale à la procréation pour les couples stériles, sans définir leur statut social ni la durée de leur union. Nous avons aussi confirmé que le don d'ovocytes par les nullipares pouvait être effectué sous certaines conditions. Nous avons inscrit l'information de dons d'organes sur la carte Vitale et confirmé l'information de la parentèle.

Dans certains cas, nous nous sommes rangés à l'avis du Sénat, en particulier sur le fait que les états généraux – expériences qui avaient été extrêmement fructueuses – doivent obligatoirement précéder toute modification du texte sur la bioéthique.

Le plus souvent, nous avons réussi à élaborer un texte de compromis, en particulier quand il s'agit d'informer une femme enceinte d'anomalies potentielles de l'embryon ou du foetus. Dans tous les cas, l'information doit être claire, loyale et adaptée à la situation.

En ce qui concerne la révision des lois de bioéthique, l'Assemblée nationale n'avait pas fixé de date tandis que le Sénat souhaitait une révision tous les cinq ans. Nous sommes finalement parvenus à un compromis : une information et une alerte annuelle, mais une révision systématique tous les sept ans, précédée obligatoirement par le rapport de l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques et par le rapport des états généraux de la bioéthique.

De manière générale, ce texte aboutit à des propositions souvent concrètes et innovantes mais qui, malheureusement, ne franchissent que rarement l'enceinte de l'Assemblée nationale car elles n'accrochent pas la lumière médiatique, ce qui donne une impression de statu quo. Comme les rapports du Conseil d'État, de l'agence de biomédecine ou de l'OPECST avant lui, ce texte est accusé de favoriser l'immobilisme.

Pour autant, il permet l'élargissement encadré des dons d'organes entre vivants et de gamètes dans le cadre de l'aide médicale à la procréation. Il supprime le moratoire de cinq ans sur la recherche sur l'embryon. Il autorise de nouvelles techniques comme la congélation ultrarapide des ovocytes, ce qui est une avancée pour le don d'ovocytes et de gamètes et permet aussi la diminution considérable du nombre d'embryons surnuméraires conservés.

La loi est riche de ce qu'elle autorise, mais elle est aussi forte de ce qu'elle interdit. Rappelons que les panels et les conférences de citoyens mises en place à l'occasion des états généraux de la bioéthique prônaient aussi l'interdiction des mères porteuses, de l'aide médicale à la procréation chez les couples homosexuels ou de la levée de l'anonymat des donneurs de gamètes.

Contrairement à l'idée généralement répandue, ces mêmes panels et conférences préconisaient l'interdit fondamental de la recherche sur l'embryon. Ils n'étaient favorables à une recherche très encadrée que sur les seuls embryons surnuméraires et donc voués à la destruction en l'absence de projet parental.

Nos concitoyens et tous ces rapports nous ramènent à des idées simples : non marchandisation de l'humain, respect de la dignité de la personne, indisponibilité du corps, bienfaisance. C'est plutôt rassurant dans une société où l'égoïsme et le repli sur soi seraient la mode et la règle.

Dans ce débat, il n'y a pas de querelle entre les anciens et les modernes, pas de combat entre la science et la morale ou entre le progrès et l'humain. Ce n'est pas non plus une lutte entre le bien et le mal.

À la lumière de nouvelles découvertes scientifiques et technologiques, il s'agit seulement de revisiter nos valeurs communes, et de nous interroger sur nos liens et l'importance que nous attachons à la dignité de la personne.

La modernité, au nom de l'efficacité et de la compétition, cache parfois de spectaculaires reculs du respect dû à la personne humaine. Dans ce contexte, il nous faut revenir, comme le disent parfois les rugbymen, aux fondamentaux.

Quels sont les fondamentaux en bioéthique ? L'éducatif et l'affectif priment sur la génétique et le biologique, et dans chaque enfant qui naît, un Mozart sommeille. Antoine de Saint-Exupéry écrivait que si Mozart peut être assassiné par les hommes, il a en lui les potentialités génétiques et biologiques pour être un artiste et s'exprimer pleinement dans la communauté humaine. « Seul l'Esprit, s'il souffle sur la glaise, peut créer l'homme » écrivait-il encore.

La médecine soigne, répare et corrige les pathologies, les anomalies, les imperfections. Elle n'a pas vocation à créer un surhomme en améliorant son acuité visuelle nocturne, par exemple, et le rendre ainsi plus apte à tuer ses semblables pendant les guerres. Son but n'est pas non plus de répondre à toutes les demandes sociétales ou à toutes les insatisfactions individuelles, au risque de privilégier l'individu par rapport au collectif, et le projet égoïste par rapport au projet global.

C'est pourquoi je vous propose de revenir à la raison du plus faible. Faisons en sorte, dans nos délibérations et nos décisions en matière de bioéthique, de donner toujours la primauté à la vulnérabilité sur l'autonomie. Dans l'éthique de l'autonomie – « C'est mon choix ! » –, l'individu se pose en revendicateur vis-à-vis d'une société à laquelle il demande de satisfaire ses demandes. L'éthique de la vulnérabilité défend l'humain, la compréhension de l'imperfection de la personne, l'idée de protéger le plus fragile.

Henri Lacordaire le disait d'une autre façon sur le plan politique : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. » Je crois que dans ce domaine, la liberté de faire tout ce qui est possible est contraire à l'intérêt de l'humain.

À l'issue de cette longue période de réflexions et de débats – plus de cent auditions en un an, les navettes parlementaires, la commission mixte paritaire – le texte d'aujourd'hui est un compromis. Devant vous, je le revendique. Faire un compromis c'est accepter que l'autre ait sa part dans un débat qui reste ouvert, c'est considérer que l'on n'a pas toujours raison sur tout, c'est donner sa place à l'autre dans la recherche d'un équilibre nécessaire, de la moins mauvaise solution plutôt que de la perfection.

Cependant, il n'y a dans ce texte aucune compromission, aucun renoncement aux valeurs républicaines et humaines de dignité de la personne, aucun fléchissement vers une régression de la science à cause de la morale établie ou étatique, aucun asservissement aux puissances de l'argent ou de l'industrie pharmaceutique.

La fin de l'examen de ce texte à l'Assemblée nationale nous laisse une impression d'inachevé, bien sûr : la science et la réflexion évoluent ; le débat de la bioéthique est la confrontation de la science et de l'homme à ses propres limites. Mais il nous laisse aussi la satisfaction de savoir que chacun a pris de l'autre une certaine part de raison, d'émotion et de participation.

Les Grecs invoquaient la déesse Hybris qui punissait l'orgueil ou l'excès des hommes. Ce texte échappe à cet anathème. Lors du débat précédent, nous trouvions qu'il était préférable d'avoir comme modèle Ulysse – divers, ondoyant, faible et vulnérable, mais s'opposant aux dieux et respectant l'humain – plutôt que Prométhée se prenant pour Dieu et finissant torturé sur un rocher pour avoir voulu conquérir le feu de la divinité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la santé.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, mesdames et messieurs les députés, le texte proposé aujourd'hui à votre adoption est un texte équilibré, qui recueille l'approbation du Gouvernement.

Je tiens à remercier les membres de la CMP, qui ont su trouver les compromis nécessaires sur les dispositions restant en discussion, sous la présidence éclairée de Jean Leonetti.

Ce texte, monsieur le rapporteur, est le fruit des échanges de très grande qualité que vous avez su promouvoir conjointement avec le président Alain Claeys depuis la mise en place de votre commission spéciale, voici trois ans. Je tiens particulièrement à saluer votre implication dans ces travaux, votre souci constant d'ouverture, de dialogue, et votre argumentation approfondie sur ces questions délicates.

La bioéthique touche à la question même de la vie humaine et de son commencement. Elle nécessite de concilier les principes éthiques, le progrès médical et scientifique, les attentes individuelles.

C'est au législateur qu'il revient de fixer les règles appropriées pour les équilibrer. Les équilibres instaurés ne sont pas immuables. Les évolutions de la science et de la société peuvent nécessiter de les adapter. Le législateur de 1994 avait souhaité soumettre l'ensemble des dispositions adoptées à une clause de révision à échéance de cinq ans. La dimension novatrice de la loi justifiait ce choix.

Près de vingt ans après l'adoption des premières lois de bioéthique, le socle des principes et des règles posées apparaît stabilisé. On peut estimer que la loi de bioéthique nécessite aujourd'hui davantage des adaptations qu'une remise en chantier périodique. C'était la position du Gouvernement. Le Sénat a néanmoins souhaité maintenir une clause de révision à échéance de cinq ans, portée à sept ans par la CMP. Le Gouvernement en prend acte.

Le texte soumis à votre adoption est équilibré. Il propose plus des ajustements que des bouleversements. Pour autant, les ouvertures sont réelles. (Protestations sur les bancs du groupe SRC) Elles répondent à deux préoccupations majeures : mieux répondre aux besoins des patients face aux techniques biomédicales ; promouvoir le débat public sur les questions de bioéthique.

Par ailleurs, les exigences du vivre ensemble ont conduit la représentation nationale à fixer des bornes claires aux évolutions de la loi, en conformité avec les choix du Gouvernement.

Je voudrais, en premier lieu, insister sur les avancées de ce texte, pour les patients et leurs droits, d'une part ; pour le débat public, d'autre part.

Le projet de loi conforte les droits des patients et des personnes face aux techniques biomédicales.

Premier point : les patients bénéficieront d'une information renforcée sur l'intérêt et les limites des applications biomédicales.

J'en prends trois exemples.

Premièrement, l'Agence de biomédecine mettra à leur disposition une information sur l'utilisation des tests génétiques. La femme enceinte se verra délivrer une information claire et loyale sur les examens de dépistage proposés dans le cadre du diagnostic prénatal. Le Sénat a souhaité – et il a été suivi par votre commission mixte paritaire – préciser que l'information devait, en outre, être adaptée à la situation de la femme enceinte. Pour être bien comprise, l'information doit, en effet, être personnalisée et répondre aux attentes de la patiente. Si la patiente ne souhaite pas être informée sur le dépistage prénatal, son choix doit, bien entendu, être respecté. Enfin, les résultats des centres d'AMP seront publiés.

Deuxième point : la protection des patients et de leurs droits fait l'objet d'une vigilance accrue.

En cas de diagnostic de maladie génétique grave chez un patient, les membres de sa parentèle pourront accéder au diagnostic et une prise en charge, dans le respect des souhaits de ce dernier. C'est l'article 1.

L'article 4 ter réprime pénalement la commande de tests génétiques en dehors des cas prévus par la loi, par exemple pour des tiers en dehors d'une prescription médicale.

L'article 5 quinquies A affirme la protection des donneurs d'organes vis-à-vis des discriminations en matière d'assurance.

Enfin, l'article 24 bis prévoit que les techniques d'imagerie cérébrale ne peuvent être utilisées qu'à des fins médicales et scientifiques, et doivent faire l'objet de recommandations de bonnes pratiques.

Dernier point : le don d'organes et de gamètes sera facilité.

Le projet de loi renforce, tout d'abord, l'information sur le don d'organe délivrée notamment aux jeunes, dans les établissements d'enseignement et lors des journées d'appel de la Défense. Ce sont les articles 5 bis et 5 septies.

La carte Vitale et le dossier médical personnel mentionneront la délivrance de cette information, comme le spécifient les articles 5 sexies et 5 ter.

Surtout, le champ des donneurs vivants est étendu. Le don croisé d'organes proposé par le Gouvernement est adopté. Vous avez souhaité aller au-delà et l'autoriser pour les personnes unies par des liens étroits et stables, d'une durée minimale de deux ans. C'est l'article 5.

Dans le champ de l'AMP, vous avez complété le projet initial sur deux points essentiels. Premièrement, vous avez autorisé expressément, à l'article 19, la vitrification des ovocytes, ce qui facilitera les parcours d'AMP. Bien entendu, il ne s'agit pas de vitrifier des ovocytes pour « convenance personnelle », c'est-à-dire pour retarder le moment de concevoir un enfant. Deuxièmement, avec l'article 19 A, vous avez étendu aux donneurs n'ayant pas procréé la possibilité de donner leurs gamètes, ce qui permettra de réduire la pénurie actuelle d'ovocytes en France.

Enfin, l'article 1A autorise la ratification de la convention d'Oviedo sur les droits de l'homme et la biomédecine, signée le 4 avril 1997.

En deuxième lieu, le projet de loi s'attache à promouvoir le débat public sur les questions de bioéthique, parce qu'il est indispensable de donner la parole aux citoyens dans ce domaine.

Tout d'abord, la transparence des recherches est renforcée. Le rapport de l'Agence de biomédecine comportera un bilan détaillé des avancées de la recherche sur l'embryon, notamment un comparatif des recherches sur les cellules souches embryonnaires et les autres cellules pluripotentes.

L'article 12 bis prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur les recherches relatives aux anomalies cytogénétiques et sur leur financement.

Ensuite, le champ des applications biomédicales relevant d'une veille éthique est étendu.

L'article 24 sexies prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur les enjeux éthiques des sciences émergentes.

L'article 24 ter prévoit un rapport du Comité consultatif national d'éthique sur le champ de compétences élargi de l'Agence de biomédecine.

Par ailleurs, les réformes dans le champ de la bioéthique seront obligatoirement soumises au débat public : C'est l'article 24 ter A.

Enfin, un débat annuel sera organisé au Parlement à l'occasion de la remise du rapport de l'Agence de biomédecine.

Pour conclure, le projet de loi écarte les évolutions qui fragiliseraient notre vivre ensemble dans le domaine de l'AMP et des recherches sur l'embryon.

Dans le domaine de l'AMP, tout d'abord, le projet de loi supprime la levée de l'anonymat sur les dons de gamètes. Vous avez en effet souhaité privilégier les liens éducatifs et affectifs sur les liens biologiques, et le Gouvernement s'est rallié à votre point de vue.

Le projet de loi confirme également la finalité médicale de l'AMP, réponse médicale à un problème médical.

Je le répète, il ne s'agit pas de porter un jugement sur les aspirations des individus, hommes et femmes, qui souhaitent accéder à l'AMP pour d'autres motifs que l'infertilité médicale. Il convient au contraire d'y être attentif et d'accompagner les personnes en souffrance. Pour autant, l'AMP doit rester une réponse médicale à un problème médical, et le projet de loi écarte en conséquence le recours à l'AMP pour d'autres motifs d'infertilité.

Le projet de loi rejette, enfin, le recours à l'AMP lorsqu'il met en jeu les principes éthiques fondamentaux : respect de la dignité humaine et refus de la marchandisation dans le cas de la grossesse pour autrui, intérêt supérieur de l'enfant dans le cas du transfert post mortem d'embryons.

Dans le domaine de recherches sur l'embryon, est appliqué le principe énoncé à l'article 2 de la convention d'Oviedo, à savoir que «l'intérêt et le bien de l'être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science ».

La science n'est pas au-dessus des lois et des principes éthiques, elle doit s'y conformer.

Le respect de la dignité humaine, l'exigence de protection de l'embryon et le refus de la marchandisation constituent, je le rappelle, le socle des lois de bioéthique.

C'est pourquoi le projet de loi maintient l'interdiction de principe des recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Seules des perspectives de progrès médicaux majeurs justifient de les autoriser par dérogation, sous conditions strictes. Ce choix est cohérent avec notre législation. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Il ne stigmatise pas et ne pénalise pas la recherche, porteuse de progrès et de mieux-être.

À ceux qui auraient souhaité autoriser les recherches sur l'embryon, je souhaite apporter quelques précisions propres à les rassurer.

Le cadre proposé ne pénalise pas la recherche. Il donne aux chercheurs la visibilité nécessaire, en pérennisant le régime d'autorisations par dérogation. Il dote les équipes d'un cadre rigoureux, conforme aux exigences de protection de l'embryon. Le bilan des recherches menées jusqu'à aujourd'hui montre que de nombreuses équipes sont impliquées, et que plusieurs d'entre elles sont reconnues au plan international. L'Agence de biomédecine qui a su réguler ce domaine de recherche très sensible est confirmée dans ses missions. Il n'y a donc pas lieu de craindre la pénalisation de la recherche.

En conclusion, le texte soumis à votre adoption est un texte d'équilibre. Il permet des évolutions positives, pour les patients et leurs droits. Il renforce la transparence et la vigilance sur les questions de bioéthique. Il préserve le vivre ensemble, et donne des repères clairs aux individus et à la société.

Je vous demande donc de l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.- Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai mon intervention là où avez terminé la vôtre, monsieur le rapporteur. Vous avez fait référence à Prométhée. C'est une référence intéressante, notamment si l'on se reporte à ce qu'en ont dit les philosophes. Je pense en particulier à Günther Anders, malheureusement oublié, qui a beaucoup écrit sur ce qu'il appelait la « honte prométhéenne ». Jacques Ellul, dès 1953, qualifiait la technique d'enjeu du siècle et expliquait que, lorsque le progrès technique n'est pas contrôlé démocratiquement, il peut se retourner contre le progrès humain et contribuer à nous aliéner.

C'est parce qu'il y a eu des philosophes pour nous ouvrir les yeux et nous expliquer les risques encourus que nous, législateurs, débattons dans cet hémicycle, pour éviter de nous laisser déborder par un progrès technique non contrôlé. Nous sommes donc ici pour fixer un cadre. En même temps, nous devons savoir nous adapter aux évolutions sociales et aux nouvelles structures de la famille et donc fixer, comme on le doit dans une démocratie, les nouvelles frontières de l'éthique.

Je reviens sur la question de la vulnérabilité. Jamais notre monde, qui se croit si puissant, n'a été aussi vulnérable, comme l'a montré la récente catastrophe de Fukushima qui n'est pas un accident industriel mais un accident de civilisation.

Jamais nous ne nous sommes sentis aussi vulnérables devant les menaces du réchauffement climatique, la précarité et ce que certains appellent notre nécessité.

Le droit a pour mission non seulement de civiliser la nature, mais également de protéger les plus faibles. Et c'est parce que nous sommes ici pour protéger les plus vulnérables que nous aurions sans doute dû, à l'occasion de la révision des lois de bioéthique, être plus offensifs – pardonnez-moi l'expression. Être « plus moderne », « plus progressiste » peut-être, mais je ne sais pas trop ce que cela veut dire. Mais nous aurions peut-être dû être un peu moins « hors-sol » et surtout accepter de nous adapter à la réalité sociale d'aujourd'hui.

Certes, un petit progrès a été réalisé en commission mixte paritaire. Vous y avez fait référence, madame la secrétaire d'État et monsieur le rapporteur : une clause de révision a été maintenue et le comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé sera informé chaque année.

Mais, si l'on regarde les domaines qui ont été examinés dans le cadre de ce débat de bioéthique, nous voyons que nous en avons oublié un certain nombre.

Je pense non seulement, comme je l'ai déjà dit, au droit de mourir dans la dignité, mais également à un secteur, auquel s'applique le concept de honte prométhéenne d'Anders : celui des nanotechnologies.

Pourquoi n'avons-nous pas évoqué cette technologie qui est déjà à l'oeuvre et a déjà des conséquences sur notre santé et sur notre dignité, sur notre singularité ? Nous savons qu'aujourd'hui, il y a des utopies qui sont financées lourdement par des États et par des groupes privés. Je pense, en particulier, au mouvement qui s'appelle le transhumanisme, qui n'est pas simplement américain, et qui est une pure honte prométhéenne. Nous sommes là au coeur de ce que disait Anders. Les scientifiques et les philosophes de ce mouvement nous expliquent que, demain, la part de l'humain sera résiduelle, grâce à la conception de cyborgs.

Selon eux, le transhumanisme, présenté comme la convergence entre les nanotechnologies, les biotechnologies, les sciences de la vie et l'éthique, permettrait de faire naître un homme parfait. Ils ne se rendent pas compte qu'en imaginant libérer l'homme de la technique, ils vont le livrer à celle-ci pieds et poings liés et en faire un nouvel esclave. C'est contre cela aussi que nous luttons.

Je regrette que les discussions en commission mixte paritaire aient abouti à ce texte contre lequel les députés écologistes voteront, à l'exception d'une de nos représentantes. On ne peut pas se contenter du statu quo car, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, dans un débat comme celui-ci, le statu quo vaut recul. Il est aussi la traduction de ce que nous avons préféré fermer les yeux ou pratiquer la politique de Ponce Pilate plutôt que de regarder la réalité en face.

Par exemple, si l'on note quelques progrès en matière de don d'organes, on ne revient pas sur l'interdiction de mener des campagnes annuelles dans les écoles. Je ne comprends pas davantage l'obstination à interdire la recherche sur les embryons surnuméraires et sur les cellules souches. Il ne me semble pas que le maintien de l'exception en faveur de la recherche médicale – la règle demeurant l'interdiction – soit adapté à la situation : notre rôle doit plutôt être d'encadrer la recherche par la loi. Nous aurions pu mettre à profit la révision des lois de bioéthique pour le faire, pour nous ouvrir un peu plus, et nous aurions ainsi contribué à améliorer la situation de certains de nos concitoyens.

Vous avez également considéré que l'assistance médicale à la procréation devait rester cantonnée dans le domaine médical. Vous prenez donc le risque de perpétuer le phénomène bien connu des « bébés Thalys », qui a fait l'objet de nombreux reportages et de bien des critiques. Certains pays de l'Union européenne ont décidé de s'ouvrir plus que nous sur ces questions. En privilégiant une politique de prohibition ou d'interdiction, nous obligeons des femmes célibataires ou des couples de lesbiennes à se rendre en Belgique pour pouvoir bénéficier de leur droit à la parentalité. Allons-nous ignorer longtemps encore cette demande de la société ? Vous invoquiez tout à l'heure une contradiction entre deux éthiques. Il ne s'agit aucunement de satisfaire à l'égoïsme d'individus qui compteraient sur le progrès scientifique pour exaucer leurs désirs. Il s'agit de tenir compte de l'état de la société et de la capacité dont l'homme dispose aujourd'hui de fonder une famille autrement que par des relations charnelles. Nous l'autorisons d'ailleurs en cas de problèmes médicaux.

Au-delà de cette restriction que vous avez maintenue et qui me paraît trahir un certain conservatisme, il faut noter le recul du Gouvernement. Votre prédécesseur, madame la secrétaire d'État, avait accepté le principe de la divulgation du nom du donneur de gamètes. Il s'agit ici de la question éternelle, en tout cas aussi ancienne que l'humanité : à qui dois-je d'être né ? Le Gouvernement avait accepté ce principe. Il a reculé sous la pression de sa majorité, et il est aujourd'hui impossible de lever l'anonymat. On a expliqué que la levée de l'anonymat risquait d'entraîner une baisse importante du nombre de donneurs. C'est une contrevérité, pour ne pas dire un mensonge, si l'on observe ce qui se passe en Suède, en Grande-Bretagne, en Irlande et dans d'autres pays. En Grande-Bretagne, par exemple, toutes les enquêtes ont montré que la levée de l'anonymat avait au contraire contribué à l'augmentation du nombre de donneurs. Il ne s'agit pas ici d'étaler ses lectures, mais permettez-moi tout de même de faire référence à Marcel Mauss, à la question du don et du contre-don. Celui qui donne ses gamètes à un couple qui ne peut pas avoir d'enfant accomplit un geste fort, qui n'a rien de commercial, puisqu'il n'est pas rémunéré. Il est anormal que, au moment même où nous acceptons l'idée que l'on peut enfanter autrement que par un rapport charnel direct, on refuse au donateur la possibilité d'aller jusqu'au bout de son geste, et donc de répondre à l'enfant qui est né de ce don et qui cherche à savoir à qui il le doit. La commission spéciale a recueilli divers témoignages, notamment ceux d'enfants nés d'un don de gamètes : chacun d'eux voulait savoir d'où il venait mais aucun ne remettait en cause sa parenté sociale, c'est-à-dire le couple formé par ceux qu'il reconnaît comme son père et sa mère, ceux qui l'ont élevé. Nous avons donc été plusieurs à considérer qu'il fallait voter la levée de l'anonymat dans le cadre de cette révision des lois de bioéthique.

Je me suis trouvé relativement isolé à propos d'un autre sujet, la gestation pour autrui. Nous y reviendrons forcément. Nous avons beau être contre la marchandisation des ventres, pour le respect de la dignité, opposés à tout échange commercial en la matière, nous voyons bien ce qui est en train de se passer. Au lieu d'encadrer, de répondre à la proposition du Sénat ou aux interrogations et aux propositions formulées par des sociologues, des philosophes, des spécialistes de ces questions – et je ne prétends pas pour autant qu'ils détiennent la vérité –, on préfère laisser se développer la marchandisation des ventres et se voiler la face pour ne pas voir ces familles qui partent loin, voire très loin, dans des pays pauvres, et continuer une forme de colonisation par le ventre. Nous n'avons pas le droit d'accepter cela, et c'est parce que nous ne l'acceptons pas que nous devons l'encadrer. Le Sénat et les écologistes avaient formulé, à cet égard, des propositions très sérieuses et très fermes, qui auraient permis d'éviter cette marchandisation des ventres.

Tels sont les quelques arguments que je voulais développer pour soutenir la motion de rejet préalable. Je m'exprime ici au nom de mes collègues députés d'Europe Écologie-les Verts, à l'exception d'Anny Poursinoff, qui s'abstiendra. François de Rugy, Yves Cochet et moi-même, nous voterons contre ce texte. Nos autres collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine auront l'occasion d'exprimer leur position.

Pour conclure, je considère que ce texte représente un gâchis. Je suis sûr que, dans l'hémicycle, et y compris sur les bancs de la droite, de nombreux collègues étaient prêts à des ouvertures, non pas pour s'adapter à des évolutions sociales, mais pour les encadrer, en faisant preuve d'un peu de courage. Si l'on peut adresser un reproche au personnel politique, dans sa globalité – personne n'est visé nommément –, c'est que trop souvent nous manquons de courage, trop souvent nous avons peur de prendre le risque de la responsabilité. Chaque fois que nous savons faire preuve de courage, chaque fois que nous prenons des risques au nom de l'intérêt général, les électeurs, qui sont aussi des citoyens, savent le reconnaître. Ne prenons pas les Français pour des imbéciles et des ignorants : comme dans d'autres circonstances où nous avons dû essuyer bien des quolibets, affronter la violence, notre mission, comme celle des journalistes – mon ancien métier –, c'est de lutter contre l'ignorance et la peur de soi. Tous les politiques qui excitent et attisent les peurs, qui maintiennent les citoyens dans l'ignorance, ne font que contribuer, d'une certaine manière, au conservatisme, à la réaction. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Je voudrais remercier Noël Mamère pour le ton modéré, mesuré – j'allais dire amical – sur lequel il a évoqué les réticences que lui inspire le texte. Il a commencé – assez bien, me semble-t-il – en évoquant le principe de précaution : celui-ci ne s'applique pas qu'au maïs transgénique, il doit aussi s'appliquer à l'homme et à l'enfant à naître. Je suis, comme lui, méfiant vis-à-vis de la dérive prométhéenne qu'il décrit et du « transhumain » ; la perfection est totalitaire. M. Mamère est imparfait…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

…mais c'est pour cela qu'il est unique et exceptionnel, comme nous tous ici, et je le préfère imparfait et exceptionnel, plutôt que parfait et clonable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Notre politique n'est pas non plus le statu quo : nous menons une politique de l'interrogation et du cheminement. Certains dispositifs marquent des avancées sur le plan scientifique comme sur le plan humain, car je ne crois pas qu'il y ait d'avancées, sur le plan scientifique qui fasse régresser l'humain.

Je veux bien qu'on reprenne, une fois encore, le débat sur l'interdiction et l'autorisation, mais il suffit de relire la loi et les actes des états généraux de la bioéthique : nous posons d'abord le principe de l'interdiction, car on ne doit pas faire d'essais d'homme sur l'embryon destiné à naître. Mais nous précisons ensuite que la recherche sur l'embryon est autorisée dans des circonstances déterminées. Ainsi, comme le souhaitaient les états généraux de la bioéthique, nous combinons une interdiction de principe pour les essais sur l'enfant destiné à naître, et une autorisation encadrée pour les recherches sur les embryons surnuméraires.

Je vous ai senti très seul en ce qui concerne la levée de l'anonymat du don de gamètes. Il n'y a eu, en la matière, ni recul du Gouvernement ni pression de la majorité : c'est l'hémicycle dans son ensemble qui a fait pression. Je rappelle que, en commission spéciale, une seule voix a été favorable à la levée de l'anonymat. La question est donc un peu plus consensuelle que vous n'avez bien voulu le dire. Je sais que, être seul, cela ne vous gêne pas : en l'occurrence, vous ne l'étiez pas complètement, mais vous l'avez été bien davantage lorsque vous avez prôné la gestation pour autrui.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Nous considérons en effet que la location du corps de la femme constitue une véritable régression, une violation de l'indisponibilité du corps et de la dignité de la personne humaine. On n'a pas forcément raison quand on est dans la majorité, mais on n'a pas forcément raison quand on est seul. Galilée avait raison tout seul, Darwin avait raison tout seul, contre la morale établie. Nous ne sommes plus à l'époque où celui qui est seul, incompris, est obligatoirement un génie, quand les autres sont des peureux, où celui qui transgresse est le courageux, quand les autres sont des couards qui ont peur de leur ombre ou de leurs électeurs.

On l'a dit, ce n'est pas ici la victoire du bien sur le mal : ce n'est pas non plus la lutte des courageux contre ceux qui s'abaissent devant l'opinion publique. L'opinion publique était pour la peine de mort, mais celle-ci fut abolie ; d'après les sondages, l'opinion publique est favorable à la gestation pour autrui. Peut-être le courage politique est-il de ne pas suivre l'air du temps, de ne pas être la feuille qui s'envole et tournoie dans le vent. Il ne s'agit pas de dire : regardons la société telle qu'elle est et adaptons-nous. Il vaut mieux regarder la société telle que nous la souhaitons, telle que nous la voulons, se fonder sur les principes républicains qui nous unissent et sur l'idée que nous nous faisons de l'homme : elle ne peut être asservie ni à la morale établie ni à l'air du temps.

Tout en vous remerciant donc, monsieur Mamère, je propose le rejet de votre motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Au titre des explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Sans vouloir entrer dans le débat pour savoir si Noël Mamère est imparfait et exceptionnel, je dois reconnaître qu'il est en effet unique. J'ai apprécié le ton de son intervention, et de voir le débat se prolonger de manière positive et sereine.

J'ai simplement été gêné par sa conclusion. Il place la question sur le plan du courage. Or le courage n'est pas de dire que l'on a raison, de prétendre que l'on a raison parce que l'on va dans le sens de l'évolution des moeurs et d'en déduire que l'on est courageux. Si vous me le permettez, monsieur Mamère, il ne faut pas conclure ainsi, il faut avoir plus d'humilité, et ma vie de chirurgien m'a donné un principe : on ne doit pas nuire, c'est la première règle, primum non nocere.

Ce texte est ce qu'il est, nous en débattrons, mais, au nom du groupe Nouveau Centre, je rejette cette motion de rejet préalable car il faut – je crois – avoir un peu plus d'humilité.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Claude Leteurtre.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous apprêtons à voter aujourd'hui même un texte qui entend régir les principes éthiques qui fondent les rapports entre l'homme et la science. Il ne saurait être de loi bioéthique sans que les principes philosophiques qui président à la conception de notre société, à la construction de notre avenir et à la place que nous donnons à l'humain fussent énoncés comme un préalable nécessaire.

Si la loi de bioéthique est destinée à encadrer les recherches et les pratiques médicales, c'est toujours en suivant un seul et même impératif, celui de garantir le respect de la dignité humanité, et je crois que le texte s'y attache tout particulièrement. Les avancées de la science et de la médecine sont toujours porteuses d'espoir mais souvent, ne l'oublions pas, elles sont également porteuses de craintes.

C'est en répondant à des attentes et à des besoins – les attentes de couples souffrant de ne pas pouvoir donner la vie, les besoins de malades contraints de recourir à une greffe d'organe – que la science ouvre également des perspectives nouvelles, jusqu'alors inenvisageables. La recherche sur l'embryon et les cellules-souches, les greffes, l'assistance médicale à la procréation, la médecine prédictive, les diagnostics prénatal et préimplantatoire sont des questions si sensibles et si décisives qu'elles nous concernent tous ; elles touchent à la conception même de la vie humaine. Elles nous interpellent tous, sur des sujets aussi profonds que les limites de l'action humaine et les répercussions des avancées techniques de la science sur notre condition d'homme, de sorte qu'elles doivent être traitées avec la plus grande précaution, au regard de principes éthiques fondamentaux, tels que l'indisponibilité du corps humain ou la non-commercialisation du vivant.

Je le rappelle au nom de mon groupe : la science, les scientifiques et les progrès techniques tirés de la science ne peuvent se prévaloir d'être une quelconque fin en soi. Ils doivent être considérés par toute instance de régulation comme de simples instruments au service de la dignité de tous les hommes, au profit de la cohésion nationale, afin de ne jamais asservir quiconque, sous quelque forme que ce soit.

Il convient de rappeler que la bioéthique, loin d'être un concept immuable, est un domaine évolutif et mouvant, qui appelle à la conscience de tout un chacun, et, de facto, au respect des convictions des autres. Tel est l'esprit qui a présidé aux débats que nous avons eus à ce sujet et qui a permis d'aboutir au texte équilibré que nous voterons aujourd'hui.

Ainsi, la possibilité de pratiquer un don croisé d'organes est une avancée que je salue : on pourra désormais sauver plus de vies pourront être sauvées ; c'est dans cette même logique qu'il fallait – je crois – que la liste des donneurs potentiels fût étendue.

Enfin, je me félicite du fait que les discussions en CMP ont été l'occasion de maintenir une clause de revoyure pour les lois de bioéthique. Il s'agit de permettre un rendez-vous important avec notre société, dont la science ne saurait faire fi.

Qu'il nous soit toutefois permis de regretter que cette loi n'ait pas été l'occasion de créer un fichier positif des donneurs d'organes, comme nous l'avions proposé par deux amendements. Cela aurait été un moyen efficace de faire face à la pénurie de dons, un moyen efficace de sauver plus de vies encore.

Compte tenu de ces diverses considérations, je me félicite de l'esprit d'écoute et d'apaisement qui a présidé aux échanges constructifs dont ce projet de loi a été l'objet. Pour notre part, nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la commission mixte paritaire s'est réunie mardi 15 juin afin de permettre aux sénateurs et aux députés de parvenir à une rédaction commune du projet de loi relatif à la bioéthique.

Ces deux lectures ont permis à l'Assemblée et au Sénat de confronter leurs visions, initialement divergentes, pour finalement se retrouver autour de valeurs partagées. Ainsi, les deux chambres ont voté le principe d'interdiction avec dérogation de la recherche sur les embryons et réaffirmé le fait que l'aide médicale à la procréation est réservée au traitement d'une stérilité médicale, non sociale. Toutes deux se sont également prononcées contre la gestation pour autrui, le transfert d'embryon post mortem et la levée de l'anonymat du don de gamètes.

Néanmoins, certaines dissensions persistaient.

À l'issue de cette concertation, nos deux assemblées sont parvenues à s'accorder sur un texte commun, équilibré, fidèle aux grands principes éthiques de notre pays.

La commission mixte paritaire a décidé d'interdire les dons de gamètes dans les centres privés à but lucratif, tout comme la possibilité de conserver des cellules de sang de cordons dédiées, excepté en cas de nécessité thérapeutique avérée et dûment justifiée lors du prélèvement. En effet, le Parlement est attaché au principe d'anonymat et de gratuité du don, qu'il s'agisse de gamètes, d'organes ou de cellules.

Les députés et les sénateurs ont également souhaité confier aux gynécologues une mission d'information sur le don de gamètes et, conscients des besoins importants en ovocytes, ils ont voulu permettre aux nullipares qui le veulent, de donner les leurs.

L'une des difficultés persistantes concernait la question de la révision systématique de la loi de bioéthique. Après un débat passionnant et riche, et dans un esprit de consensus, la commission a arbitré en prévoyant l'organisation d'états généraux de la bioéthique tous les cinq ans. L'année suivante, l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques rendra un rapport sur ce même thème de la bioéthique avant que n'intervienne, un an plus tard, une révision de la loi. Cette dernière sera donc réexaminée périodiquement, tous les sept ans.

Le contrôle du Parlement en matière de bioéthique s'exercera également lors de la discussion en séance publique du rapport annuel de l'Agence de la biomédecine sur ses activités.

Enfin, les députés et sénateurs ont jugé que la question de la recherche sur la personne humaine n'avait pas sa place dans la loi de bioéthique. Ils ont donc supprimé le titre VII quater qui lui était consacré.

Comme en 1994 et 2004, le Parlement a choisi, cette fois encore, de se doter d'un texte législatif exigeant sur le plan des valeurs mais aussi parfaitement conforme à notre corpus législatif.

Ainsi, par ce projet de loi, nous réaffirmons que la non-patrimonialité du corps, le respect qui lui est dû, la dignité de l'être humain et l'intérêt de l'enfant sont autant de valeurs immuables. Y déroger reviendrait à nier l'homme dans ce qui fait son humanité.

Le préambule de la déclaration universelle des droits de l'homme consacre d'ailleurs l'intangibilité de ces principes en rappelant que « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ».

Ces valeurs se retrouvent également dans notre droit national, notamment dans l'article 16 du code civil qui dispose que « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ».

La dignité, c'est-à-dire le fait que la personne humaine a une valeur absolue et donc qu'elle n'a pas de prix, est intrinsèque à l'homme. C'est pourquoi, il ne saurait être question de la rendre proportionnelle à quelque chose ou fonction d'un élément quelconque.

Si toutes les sociétés sont concernées par les questions de bioéthique, aucun consensus international ne prévaut en ce domaine. Nous sommes seuls face à ces interrogations et aucune loi d'aucun autre pays ne peut y répondre à notre place. Rien ne s'impose à nous, que notre propre conscience.

Certaines nations ont fait le choix d'une approche éthique moins exigeante et moins régulatrice que la nôtre. La France, quant à elle, a pris le parti de respecter un certain nombre de valeurs essentielles qui cimentent notre société.

La loi de bioéthique que nous allons voter aujourd'hui s'inscrit dans un contexte social, philosophique, culturel, juridique propre à notre pays, que nous ne pouvons ignorer.

Notre système juridique repose sur la recherche de l'intérêt général. La détermination des droits se fait par la communauté, en opposition à toute forme d'individualisme. La recherche du bien commun doit guider l'action du législateur, indépendamment de toute compassion. En effet, si chaque expérience, chaque parcours de vie, chaque souffrance ou désir est éminemment respectable, les parlementaires ne doivent pas se laisser gouverner par leurs émotions ou se contenter de transcrire mécaniquement dans la loi les évolutions techniques ou sociales. Notre devoir est d'élaborer des règles applicables à tous, fondées sur une éthique partagée. Plus encore que dire ce qui est permis, la loi doit fixer ce qui est interdit.

Le texte proposé par la commission mixte paritaire respecte cet équilibre entre principes éthiques et évolutions scientifiques. Les progrès de la science sont incessants, et nous ne pouvons que nous en féliciter. Pour autant, nous ne devons pas en devenir tributaires.

Avec ce projet de loi de bioéthique, le législateur français affirme que le droit ne doit pas autoriser tout ce qui est techniquement réalisable. Il montre qu'il refuse d'instaurer dans son pays un droit d'enregistrement que l'on pourrait qualifier de notarial ou d'hypothécaire.

Si le droit ne peut ignorer les évolutions scientifiques et sociales, il doit, avant tout, faire preuve de cohérence, car sa légitimité repose sur sa capacité à traduire et à faire respecter un système de valeurs autour duquel la société se construit. Certes, l'équilibre est difficile à trouver, comme en attestent les échanges passionnés que nous avons eus au sein de nos assemblées, mais nous avons – je crois – atteint cet objectif.

La France fait donc un choix éthique courageux, conforme à sa vision de l'humain et du vivant, sans céder à la peur de la page blanche ou à la tentation du moins-disant éthique.

Kant définissait le droit comme « l'ensemble des conditions qui permettent à la liberté de chacun de s'accorder à la liberté de tous ».

Le texte qui nous est présenté aujourd'hui, fruit de longs débats de grande qualité, répond parfaitement à cette exigence. Il apparaît comme le meilleur consensus possible pour notre société.

C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à le voter comme le fera le groupe UMP. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la France des droits de l'homme a toujours été à l'avant-garde des réflexions sur l'éthique. Les progrès de la science ouvraient de telles perspectives en matière médicale que le législateur a dû très vite fixer les frontières entre le permis et l'interdit, le licite et l'illicite. On était donc très ambitieux avant l'examen de ce projet de loi.

Cette révision de 2011 des lois bioéthiques a pourtant toutes les chances, à mon sens, d'être oubliée très vite. Ce n'est pas, madame la secrétaire d'État, contrairement à ce que vous avez dit tout à l'heure, un texte équilibré ; en tout cas, nous ne le pensons pas. Ce n'est pas non plus, contrairement à ce qu'a prétendu le rapporteur, un texte de compromis. Le mot le plus approprié pour le qualifier est sans doute celui de conservatisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

La discussion qui se conclut aujourd'hui a été celle des occasions manquées. « Inachevée », disiez-vous, monsieur le rapporteur. C'est si vrai qu'après y avoir renoncé lors des discussions initiales à l'Assemblée et au Sénat, la commission mixte paritaire réintroduit, contre l'avis du Gouvernement, l'obligation d'un réexamen dans un délai maximal de sept ans. C'est bien la preuve que le texte soumis à notre vote est loin de répondre aux attentes de nombreux parlementaires. Le rapporteur du Sénat a été jusqu'à déclarer en conclusion de cet examen que sa présidente et lui voteraient contre…

Mais au-delà de cette appréciation, c'est l'ambiance même de l'examen de cette loi qui m'a interpellé. J'ai eu la chance de participer aux discussions de toutes les lois bioéthiques depuis vingt ans. En 1992 ou en 1994, en 2002 ou en 2004, les députés s'étaient approprié ces sujets et avaient véritablement débattu de l'impact des nouvelles technologies sur la procréation médicalement assistée, des connaissances et des conséquences de la connaissance des caractéristiques génétiques d'une personne, du développement des recherches sur la fécondation, sur les premiers stades du développement de l'embryon, ou encore sur le clonage. Ils avaient exprimé leurs convictions intimes et personnelles.

Aujourd'hui, j'ai eu le sentiment que les parlementaires ne se sont pas écoutés, que certains d'entre eux venaient défendre leur vérité, je dirais même celle d'un clan. La messe était en quelque sorte dite avant le début du débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Sur les bancs de gauche, ils ne trouvent pas cela excessif !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

C'est un euphémisme de dire que vous avez préféré procéder à des ajustements plutôt qu'à une révision. Car plusieurs points ont été totalement occultés dans ce débat à mon sens atrophié. J'en citerai quelques-uns.

Qui peut bénéficier de la procréation médicalement assistée ? Doit-elle être réservée aux seuls cas d'infertilité ?

Les couples féminins homosexuels dont une des personnes souffre d'une stérilité peuvent-ils bénéficier d'une procréation médicalement assistée ?

Comment mieux sensibiliser les Français au don d'organes ?

L'avènement de la médecine personnalisée va-t-elle conduire à une augmentation exponentielle des tests génétiques ?

Le développement de nouvelles méthodes de diagnostic prénatal risque-t-il de favoriser le tri des embryons ?

Le diagnostic préimplantatoire doit-il être étendu à d'autres maladies génétiques ?

La gestation pour autrui peut-elle être autorisée dans certains cas et comment faut-il traiter le cas d'enfants nés d'une gestation pour autrui à l'étranger ?

Même si nous n'avons pas tous la même approche sur ces sujets, ces questions auraient, à mon sens, dû être débattues au Parlement. Cela n'a malheureusement pas été le cas. L'exemple des recherches sur les cellules souches embryonnaires, que je vais développer, illustre de verrouillage de ce débat.

Je suis persuadé, comme l'a dit M. Mamère, que si le texte n'avait porté que sur ce seul sujet, la loi aurait évolué, car je ne peux pas penser qu'une majorité de députés de l'UMP aient une position aussi conservatrice. Pourquoi n'a-t-on entendu qu'une partie d'entre eux à l'occasion de l'examen de ce texte ? Pourquoi, par exemple, le rapporteur UMP de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Jean-Sébastien Vialatte, favorable à la recherche sur les embryons, a-t-il été totalement absent lors de nos débats ? Pourquoi n'a-t-on entendu qu'une partie d'entre vous lors de l'examen de ce texte ?

La solution retenue dans le texte final, interdire la recherche en assortissant cette interdiction de dérogations, est hypocrite. Un de vos collègues, Marc Le Fur, qui préside nos débats cet après-midi, a déclaré qu'il ne s'agissait que d'« une anesthésie pour cathos ». Il faut être clair : ou l'on autorise la recherche sur les cellules souches, ou celle-ci est interdite. Comment réagirait le grand public, monsieur le rapporteur, si on lui disait que la vitesse est limitée à cinquante kilomètres-heure en ville, mais que, par dérogation, il est possible de rouler jusqu'à soixante-dix kilomètres-heure ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Par dérogation, on peut aussi descendre à trente kilomètres-heure !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Il dénoncerait à coup sûr une politique de gribouille.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

On peut faire cette comparaison dans le cas de la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

Tous les chercheurs ont dit, lors des auditions, que les conséquences de l'interdiction de la recherche seraient très graves. Quel investisseur dans le domaine thérapeutique acceptera de s'installer dans un pays où la recherche sur les cellules souches embryonnaires, ainsi que l'innovation thérapeutique, sont interdits ? Les jeunes s'investiront-ils dans des domaines où règne le flou législatif ?

Cela est d'autant plus stupide que le raisonnement sur lequel s'appuie cette interdiction est totalement spécieux. Il ne s'agit pas de recherches sur l'embryon – ni sur l'intégrité de l'enfant à naître, comme vous l'avez dit tout à l'heure avec passion, monsieur le rapporteur – qui conduiraient automatiquement à leur destruction, mais de prélèvement de cellules sur des embryons surnuméraires, qui, bien sûr, n'ont pas été conçus pour la recherche, mais qui, dans tous les cas, étaient voués à être détruits dès lors que l'on constatait qu'il n'y avait plus de projet parental.

Comment parler, comme certains de vos collègues, monsieur le rapporteur, de manquement à des règles d'éthique en affirmant que les chercheurs vont détruire des embryons, alors que tous les embryons surnuméraires, comme le prescrit la loi, sont détruits au bout de cinq ans ?

Le pire est sans doute que, par idéologie, vous refusez toute recherche sur les premiers instants qui suivent la fécondation de l'oeuf. Or c'est précisément lors de ces premières divisions cellulaires que l'on pourra comprendre le mécanisme de différenciation qui fait qu'une cellule, avec la même information génétique, va donner une, quatre, huit, seize cellules et que, plus tard, celles-ci vont se différencier pour donner des cellules nerveuses, des cellules hépatiques, des cellules musculaires, des cellules épithéliales, etc. C'est précisément en comprenant tous ces mécanismes que l'on pourra plus tard soigner et préserver des vies.

Recherche à tous les stades de la vie, c'est ce qui devrait nous guider dans notre quête de l'éthique. On peut faire des recherches sur la personne humaine, aux conditions définies dans la loi Huriet-Sérusclat. On peut même prélever des cellules sur un cadavre, dans des conditions intégrées par la législation. Or le régime que vous proposez interdit de travailler sur les premiers stades de la vie.

Certains d'entre vous ont même soutenu la position de monseigneur d'Ornellas, qui a déclaré qu'il n'y avait plus besoin de travailler sur des cellules souches embryonnaires puisque des chercheurs étaient capables de reprogrammer des cellules adultes pour en faire des quasi-cellules souches embryonnaires. De quel droit un représentant de la société civile peut-il affirmer qu'une recherche est licite et souhaitable et que d'autres ne le sont pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Pourquoi ne serait-il pas autorisé à le faire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Ceux qui disent cela auraient dû tirer les conséquences de l'expérience menée sur la brebis Dolly, clonée à partir de cellules souches adultes et rapidement morte, sans doute parce que née déjà vieille.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

M. Le Déaut détient la vérité ! Lui seul sait !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Monsieur Jeanneteau, je ne vous ai pas interrompu lors de votre intervention…

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Oui, mais je n'étais pas un provocateur, comme vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Personne ne peut affirmer si le compteur de la vie est revenu au véritable zéro après la reprogrammation d'une cellule adulte en cellule embryonnaire. C'est précisément par des recherches comparatives qu'il aurait été possible de répondre à ces questions.

Mais la nécessité de ces recherches s'impose également pour comprendre le processus de la fécondation grâce au mécanisme d'adhérence, de pénétration des spermatozoïdes, mais aussi dans les études de réussite de conservation des oeufs ou des embryons.

Je veux réaffirmer avec force qu'une cellule souche embryonnaire n'est pas un embryon et qu'il n'y a aucune objection, au nom de l'éthique, à refuser à des chercheurs de travailler sur des cellules destinées à être éliminées.

Je voudrais également réaffirmer qu'une recherche sur une cellule souche embryonnaire ne détruit pas obligatoirement l'embryon, car chacun sait que lorsque l'oeuf est au niveau de huit cellules, on peut en prélever une, par exemple, pour faire un diagnostic préimplantatoire et que les cellules restantes vont pouvoir se développer sans qu'il y ait d'atteinte à l'intégrité de l'embryon.

Ce débat a été d'une grande confusion, car des positions idéologiques préconçues n'ont pas permis d'aborder sereinement la question de l'autorisation de la recherche à mon sens nécessaire sur les cellules souches embryonnaires.

Cette confusion a entraîné un texte d'une grande instabilité juridique et je crains que certains chercheurs aillent mener leurs recherches ailleurs qu'en France, que des controverses se développent et que l'avance que nous avions dans les domaines de l'innovation thérapeutique ne soit perdue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Comment se fait-il que nous ayons de l'avance, monsieur Le Déaut, alors que nous sommes dans un régime d'interdiction ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

C'est globalement que nous sommes en avance dans les domaines de la biologie, monsieur le rapporteur.

Voter des lois bioéthiques devrait être, pour un député, un moment de grande fierté.

Il faut soupeser en permanence les bénéfices de l'innovation au regard des valeurs et des principes fondamentaux. Dans une loi bioéthique, nous avons le devoir d'affirmer notre vision de l'homme : c'est donner la primauté à l'humanisme, c'est refuser la marchandisation et l'asservissement. C'est sans doute un moment privilégié, pour un parlementaire, de voter en conscience. Mais, en conscience, je ne peux voter une loi qui interdit de comprendre les premiers instants de la vie.

Pour toutes ces raisons, le groupe SRC votera contre le texte qui nous est proposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, au terme du processus législatif de révision des lois bioéthiques, je veux d'emblée exprimer mon désappointement quant au déroulement des débats et à la vacuité des arguments de la majorité, notamment sur la question de la recherche. Ils en disent long des postures partisanes que ne méritait pas la réflexion éthique.

Alors qu'en première lecture, nos débats ont été, dans l'ensemble, sereins, il n'a échappé à personne que des pressions d'une rare intensité ont pesé sur les parlementaires de la majorité, au point que le silence de ceux d'entre vous dont les positions s'éloignaient de la ligne fixée par l'UMP en est devenu assourdissant. Manifestement, sur la question importante de la recherche, votre réflexion éthique s'est progressivement dissoute dans des considérations partisanes exprimant davantage la soumission que les convictions. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Il suffit de regarder comment cela se passe au PS !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Ce choix a tout particulièrement pollué le débat constituant la pierre angulaire de ce texte : la recherche sur l'embryon sans projet parental et sur les cellules souches embryonnaires.

Pourtant, l'Agence de la biomédecine, le Conseil d'État, l'Académie de médecine, l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et même, dans un premier temps, notre rapporteur, avaient préconisé la sortie du régime actuel d'interdiction au profit d'une autorisation très encadrée.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Comment comprendre qu'après plusieurs années de légitimes dérogations autorisant dans les faits des recherches interdites dans la lettre, se perpétue longtemps encore ce qui est devenu, sept ans après la loi de 2004 et le travail sérieux de l'Agence de la biomédecine, une hypocrisie ?

Permettez-moi de rappeler les quatre exigences que le Sénat avait posées pour créer les conditions du passage au régime d'autorisation : premièrement, la limitation de la recherche aux embryons conçus dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation, qui ne font plus l'objet d'un projet parental et qui seront, de toute manière, destinés à être détruits ; deuxièmement, l'interdiction de la création d'embryons aux seules fins de recherche ; troisièmement, le recueil du consentement exprès des parents, ; quatrièmement, la recherche menée dans un but exclusivement médical.

Dès lors, il ne s'agissait pas, comme vous avez pu injustement le faire valoir, d'un glissement éthique ou d'une extension incontrôlée des possibles, mais bien de mettre fin à un régime d'interdiction qui n'a aujourd'hui plus aucun sens. Pas plus que n'a de sens le revirement de certains sénateurs en CMP, ce qui donne encore plus de relief aux interventions courageuses du rapporteur du Sénat.

Pourquoi vous y êtes-vous opposés ? Fondamentalement pour une seule raison : la confusion persistante que vous entretenez entre « vie » et « vie humaine ».

Vous refusez d'admettre que l'humain est d'une autre essence que le biologique, que l'humanité est une réalité historico-sociale. Vous peinez à vous dégager plus nettement de l'homo sapiens sapiens, vous refusez d'admettre que l'homme est le monde de l'homme. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) J'ai fait mes choix philosophiques ! Votre cécité à ce sujet nourrit votre incapacité à changer le monde en changeant l'homme pour un devenir plus humain. Pour ces raisons, vous pataugez dans de redoutables contradictions. Leur illustration la plus éclairante s'est manifestée dans votre rejet d'un amendement, issu pourtant de vos propres bancs, peut-être trop humain pour que certains d'entre vous y soient sensibles : celui de la possibilité, dans des conditions très particulières et très encadrées, du transfert post mortem.

Pour ce qui nous concerne, fidèles à nos principes éthiques, nous ne contraignons aucun des membres de notre groupe à un vote qui heurterait sa conscience. Chacun de nous se déterminera comme il l'entend.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Pour ce qui me concerne, je m'abstiendrai, car je considère que notre débat aurait pu aboutir à un consensus, dès lors que, seules, les préoccupations éthiques l'auraient, de bout en bout, traversé. Tel n'a pas été le cas, et je le regrette d'autant plus profondément que cette perversion du débat éthique signe la mise à mal du contre-pouvoir qui devrait caractériser le pouvoir législatif. Nous verrons, dans le débat de ce soir, que le contre-pouvoir judiciaire n'est pas mieux loti. C'est navrant et, ce qui est sans doute pire, c'est dangereux pour la démocratie et pour les institutions de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Sur le vote de l'ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Vuilque.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vuilque

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, après l'examen en commission mixte paritaire, nous arrivons à la fin de la discussion du texte relatif à la bioéthique. Depuis le début de nos travaux, le débat a été riche, particulièrement intéressant tant à l'Assemblée qu'au Sénat et a donné lieu à des prises de position qui ont transcendé les appartenances politiques. Nous devons rendre hommage à la qualité des travaux, à Alain Claeys, président de la commission spéciale, et à Jean Leonetti, rapporteur du projet, qui a défendu ses convictions avec beaucoup de talent. Ce débat sur la bioéthique figure parmi ceux qui honorent notre assemblée.

Le texte que nous examinons aujourd'hui est donc celui issu de la commission mixte paritaire qui a examiné trente-six articles sur lesquels nos deux Assemblées étaient restées en désaccord. Paradoxalement, l'article le plus important – l'article 23 – relatif à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, n'était pas concerné, puisque voté conforme par le Sénat. Il n'en reste pas moins que ce débat sur l'interdiction-autorisation ou l'autorisation encadrée est resté constamment en toile de fond de nos discussions. La décision prise en CMP de réviser la loi tous les sept ans, issue d'un compromis entre nos deux Assemblées, en est l'illustration.

Les différents articles que nous avons examinés, quoique d'inégale portée, sont tous fondamentaux. Je me félicite particulièrement du rétablissement dans les termes de l'Assemblée nationale de l'article 19 portant sur l'autorisation de la congélation ultrarapide des ovocytes dans le cadre d'une AMP. Cette inscription dans la loi en permettra une application plus rapide.

Soulignons au passage que, parce que le Conseil d'État a considéré que la vitrification relevait de la recherche sur les embryons et qu'une dérogation était, par conséquent, indispensable, cette technique n'a pu être utilisée pendant trois ans. Trois ans perdus ! Cela montre que, contrairement à ce qui est affirmé, le régime d'interdiction-autorisation pose problème.

Nous pouvons également nous féliciter du retour au texte de l'Assemblée, s'agissant de l'article 20. En effet, le Sénat avait fixé à deux ans la stabilité du couple pour les personnes recourant à l'assistance médicale par procréation. Comme l'a souligné notre rapporteur, l'AMP est une demande médicale pour laquelle la stabilité du couple n'a pas à être prouvée. D'ailleurs, la durée de l'engagement pour une AMP est longue et excède souvent les deux ans. Nous devons continuer à considérer le couple sous l'angle médical et non social. Au-delà de cette durée de stabilité, je pense que le législateur ne doit pas s'immiscer dans la vie privée du couple. Comment pourrait-il d'ailleurs apprécier une stabilité du couple dans le temps et selon quels critères ?

Concernant la clause de révision de la loi relative à la bioéthique, à l'article 24 ter B, un large débat s'est engagé en CMP, le Sénat étant favorable au maintien de la clause de révision tous les cinq ans. Les positions ont évolué sur le sujet. Reconnaissons qu'à partir du moment où l'on accepte le principe d'interdiction avec dérogation, qui risque éventuellement de figer les décisions pour un certain temps, nous devons nous poser la question de la nécessité de réviser la loi à date fixe. Je rappelle que, si nous n'avions pas prévu cette révision dans la loi précédente, nous aurions rencontré de graves difficultés sur de nombreux sujets de recherche. La congélation rapide que j'ai évoquée tout à l'heure en est l'illustration. Force est de constater que la majorité UMP a été mise en difficulté sur cette question. Le compromis auquel sont parvenus le Sénat et l'Assemblée nationale sur un délai de sept ans en est l'illustration. Il est une garantie contre ce que j'appellerai « les accidents politiques éventuels », sachant qu'il n'est pas toujours facile de faire adopter certaines dispositions par l'Assemblée. La logique voudrait que, lorsque l'on est pour l'interdiction, le législateur ne maîtrisant pas les dérogations dont la conception peut d'ailleurs évoluer jusqu'à l'interdiction de toute recherche, il soit nécessaire de prévoir la révision de la loi. J'espère que le processus sera plus rapide et interviendra bien évidemment avant les sept ans prévus.

Enfin, dans sa grande sagesse, la CMP a supprimé les articles 24 octies à 24 duovicies reprenant des dispositions figurant dans la proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine, dispositions repoussées par l'Assemblée nationale. Cette réintroduction par le Sénat manifestait davantage un mouvement d'humeur de sa part, comme nous l'ont expliqué les sénateurs, et une arme de négociation avec le Gouvernement, qu'une véritable volonté d'intégrer cette proposition de loi dans le texte relatif à la bioéthique. Nous pouvons nous féliciter du rétablissement du texte de l'Assemblée qui supprime la référence à la proposition de loi.

Pour conclure, la CMP a été riche d'enseignements. Elle a montré la division du groupe UMP sur le sujet, bon nombre de sénateurs UMP, plus progressistes que leurs collègues de l'Assemblée, se déclarant favorables à l'autorisation de la recherche sur l'embryon. Ainsi, selon Alain Milon, rapporteur du texte au Sénat, cette position engendre l'ambiguïté et la peur, contrairement à la clarté et à la responsabilité. Il considère qu'en adoptant une interdiction de principe, nous ne respectons ni la transparence des décisions politiques ni la responsabilité de ceux qui les prennent. Pour lui, il faut soit interdire complètement, soit autoriser de manière encadrée. Interdire avec dérogation ne constitue pas un compromis, mais revient à faire prévaloir l'exception sur la règle, ce qui n'est pas conforme aux principes qui sous-tendent notre démocratie. C'est un choix de clarté et de responsabilité. On ne saurait mieux dire ! C'est, par conséquent, un rendez-vous manqué. Certains ont parlé de gâchis, mais n'allons peut-être pas jusque-là. Je pense simplement que nous commettons collectivement une erreur. De nombreux députés et sénateurs UMP le pressentent aussi, mais la pression de l'Élysée a été forte. Certains noms ont été cités tout à l'heure, mais il y en a d'autres ! Nous ne nous faisons aucune illusion sur le résultat du vote. Si, en 2012, nous sommes majoritaires, nous procéderons à un ajustement à la loi relative à la bioéthique et proposerons d'autoriser la recherche sur l'embryon. Là aussi, les choses doivent être claires.

Nous ne voterons donc pas ce texte qui n'est pas la hauteur de ce que nous espérons pour l'avenir de la recherche française sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de notre périple législatif dans l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique. La navette parlementaire a été un long cheminement qui a largement permis l'expression des différentes convictions et qui a également été propice à l'approfondissement de nos réflexions et à la prise en compte de nos interrogations et de nos doutes. On ne peut, en matière éthique, raisonner en termes de négociations ou de compromis.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Comme nous l'a sans cesse montré notre rapporteur, Jean Leonetti, le débat sur la bioéthique repose plutôt sur l'écoute, sur le dialogue, sur le respect mutuel, ce qui contribue non seulement à la forme, à l'ambiance du débat, mais aussi à la définition de son contenu. C'est tout l'honneur de notre pays que d'avoir su, dès 1994, se doter de lois sur la bioéthique. Avec cette loi de 2011, nous nous inscrivons dans ce qui est désormais une tradition, après de longs mois de réflexion qui ont mobilisé tous les acteurs concernés par ces questions et qui ont passionné nombre de nos concitoyens.

L'heure est donc à la conclusion de nos travaux. Je ne reprendrai pas, point par point, les choix que nous avons opérés. Nous en avons longuement débattu. Notons toutefois qu'en adoptant certains amendements, nous avons courageusement dit non à la dérive individualiste de notre société, qui s'exprime, par exemple, dans la revendication d'un droit à l'enfant. Nous avons pu, je le crois, défendre au maximum la dignité de la personne humaine et promouvoir à plusieurs reprises une éthique de la vulnérabilité qui protège le plus faible.

Je souhaiterais, à présent, évoquer trois des questions qui restent aujourd'hui en suspens et qui reviendront, sans aucun doute, dans les prochains mois au premier rang de l'actualité.

La première question concerne le diagnostic prénatal. Les amendements adoptés à l'article 9 tendaient à apporter quelque sérénité dans le dialogue entre le médecin et la femme enceinte et d'éviter la systématisation du dépistage, notamment de la trisomie 21. En effet, est-ce vraiment un progrès que de transformer les premières semaines de grossesse, qui devraient être source de joie et d'espérance partagée, en une période synonyme d'inquiétude, d'angoisse et de solitude ? De plus, je ne suis pas certain que nous ayons vraiment répondu à la question du risque de dérive eugéniste. Ce risque avait été pointé par le Premier ministre qui, dans sa saisine du Conseil d'État, le 11 février 2008, posait la question suivante : « Les dispositions encadrant les activités d'assistance médicale à la procréation et, en particulier, celles de diagnostic prénatal et de diagnostic préimplantatoire, garantissent-elles une application effective du principe prohibant toute pratique eugénique tendant à l'organisation et à la sélection des personnes ? » Trois ans plus tard, nous n'avons toujours pas répondu avec clarté à cette question. Mais je crois qu'aujourd'hui, elle est enfin posée dans le débat public et je suis convaincu que notre société restera très attentive, dans les mois qui viennent, à la réponse qui sera apportée notamment dans la mise en oeuvre de l'article 9 de cette loi relative à la bioéthique.

La deuxième question intéresse l'assistance médicale à la procréation. Dans ce domaine, les échanges ont été passionnés entre les uns, qui conçoivent exclusivement la filiation et la parenté comme une relation affective et éducative entre des adultes et des enfants, et les autres qui, tout en admettant l'importance de cette dimension affective, reconnaissent également une place spécifique à la dimension corporelle, à l'ancrage corporel de la filiation et de la parenté.

En prolongement de ce débat se profile une question cruciale : notre société doit-elle ou non reconnaître la différence sexuelle ? Nous savons bien que l'idéologie du gender, qui nie cette différence sexuelle, cherche à s'imposer dans notre pays par tous les moyens, comme en témoigne la récente polémique sur la propagande insidieuse contenue dans les programmes de SVT au lycée. La question de la différence sexuelle est donc clairement posée, et nous aurons à y répondre tout aussi clairement.

La troisième question concerne ce que nous pourrions appeler la gouvernance de la bioéthique.

Le projet de loi initial avait suscité sur ce point de nombreuses inquiétudes, puisque l'idée qui le sous-tendait était de confier les clés de la bioéthique aux seules autorités administratives. Nous avons apporté de nombreuses améliorations, en demandant par exemple que le rapport annuel de l'agence de la biomédecine fasse l'objet d'un débat devant le Parlement ou en prévoyant que des états généraux de la bioéthique seront régulièrement organisés.

Le compromis qui a été trouvé, puisqu'il s'agit bien là d'un compromis, en l'occurrence une révision de la loi dans sept ans, traduit bien toute notre hésitation. Le Parlement et la société doivent-ils régulièrement débattre des questions de bioéthique, au risque que nous nous retrouvions devant ce que notre rapporteur a appelé l'angoisse de la feuille blanche, ou devions-nous supprimer cette clause de révision périodique de nos lois de bioéthique au risque de déléguer ces questions aux seules autorités administratives, experts scientifiques ?

Je suis personnellement convaincu que le débat sur ces sujets de bioéthique doit être permanent et le plus largement ouvert à l'ensemble de notre société. Dans cet esprit, l'élaboration de cette loi restera une étape importante dans la démarche de réflexion sur la bioéthique dont notre assemblée et notre pays peuvent être fiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Après ces dizaines et ces dizaines d'heures de débat passionnantes pendant lesquelles la tension a parfois été perceptible, je voudrais revenir sur quelques réflexions entendues ici ou là, et encore cet après-midi.

Non, monsieur Le Déaut, monsieur Vaxès, il n'y a pas ici de postures partisanes, ni un clan contre un autre. En revanche, nous pouvons avoir, et c'est bien légitime, des visions différentes de la famille, de la société et des conséquences qui en découlent. Nous parlons d'un sujet éminemment sensible, intime, où l'expérience et les convictions personnelles comptent aussi ; et elles sont diverses, à l'image des bancs de notre assemblée et de l'expérience de chacun.

Il y eut parfois des dérapages, des propos péremptoires. Pourquoi ne pas reconnaître que, sur la bioéthique, le doute est possible, permis ? Pourquoi refuser le dialogue singulier avec soi-même ? Dans ces domaines si particuliers, la prudence est une vertu, et il me semble nécessaire de légiférer la main tremblante, comme d'autres l'avaient fait avant nous. Qui serions-nous pour être aussi sûrs de détenir la vérité ? Je doute encore sur certains sujets, comme certains de mes collègues, un grand nombre d'entre eux peut-être.

Ce texte ne fera pas l'unanimité, c'est vrai. Il n'est pas toujours équilibré sur tous les points, il ne balaie pas tous les sujets possibles et imaginables. Il revient sur plusieurs points de la version initiale, d'autres ont été mis de côté. Nous pouvons nous réjouir en tout cas qu'il y ait eu de sérieuses avancées sur le don, le don d'organes, le don de sang. Nous donnons ainsi l'assurance que le don d'organes pourra se développer en France. Nous avons pris en compte les difficultés de ceux qui restent inscrits trop longtemps sur une liste d'attente. J'attends avec impatience les mesures que devrait nous proposer Xavier Bertrand d'ici à quelques jours, puisqu'il avait promis de les annoncer à la fin du mois de juin.

L'article 23, l'autorisation ou non de la recherche sur l'embryon, aura sans doute été le sujet le plus controversé. C'est lui qui anime encore nos échanges en cette fin d'après-midi.

Pour ma part, je reste attaché au principe de l'interdiction de la recherche, parce que les cellules souches embryonnaires ne sont pas des cellules comme les autres, parce que des recherches alternatives peuvent et doivent être développées.

L'on a évoqué l'éthique de conviction, à laquelle je suis attaché, mais il y a aussi l'éthique de responsabilité, et il faut passer au vote. Après avoir refusé le premier projet, parce qu'il pouvait être amélioré, je crois qu'il faut être responsable et avancer. Je voterai ce texte, sans avoir subi de pression de mon groupe, sans me sentir l'otage d'un clan et en ayant comme d'autres gardé en toutes occasions ma liberté de parole.

Plusieurs sujets seront sans doute à nouveau évoqués rapidement. Tout dépendra des alternances. Nous avons bien compris le souhait de certains, mais tout ne se réalise pas nécessairement aussi rapidement qu'on le souhaiterait. La gestation pour autrui fera partie de ces sujets, nous y reviendrons peut-être. Il y aura d'autres rendez-vous. Le fait assez amusant, si j'ose dire, c'est qu'au détour d'une CMP, nous avons réintroduit le septennat dans nos institutions avec cette clause de revoyure – sans doute faut-il y voir un clin d'oeil au débat permanent.

Comme d'autres, je doute, je pense, donc je suis. Je doute, je pense, et je voterai ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 167

Nombre de suffrages exprimés 162

Majorité absolue 82

Pour l'adoption 94

Contre 68

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique (3537).

La parole est à M. Michel Havard, rapporteur de la commission mixte paritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Havard

Monsieur le président, madame la ministre de l'écologie, mes chers collègues, l'Assemblée nationale est aujourd'hui chargée d'examiner la proposition de loi visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique, dans sa rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire réunie au Sénat le mercredi 15 juin.

Nos collègues sénateurs avaient introduit quelques modifications au texte voté par l'Assemblée le 11 mai dernier. Certaines en changeaient profondément le sens. Ainsi le Sénat avait-il décidé d'autoriser dès à présent des programmes d'expérimentation. Nous ne pensions pas que cette évolution fût une bonne chose, préférant laisser au Parlement la responsabilité de décider des modalités de tels projets. En CMP, nous avons échangé avec nos collègues sénateurs et sommes parvenus à les convaincre de rétablir le texte dans la version que nous avions votée.

À l'inverse, le Sénat a ajouté un nouvel article 1er bis qui crée une commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation. Pour être honnête, je n'étais pas personnellement favorable, au départ, à l'apparition d'un nouvel organisme. Néanmoins, permettre des échanges entre parlementaires, élus locaux, associations et représentants des professionnels du secteur, notamment, ne peut que participer à l'amélioration de la connaissance et nul ne peut refuser le débat. Je me suis donc rallié à ce nouvel article.

Au fond, dans sa nouvelle rédaction, cette proposition de loi poursuit un triple objectif. D'abord, elle vise à garantir la protection de l'environnement et la sécurité sanitaire par l'interdiction d'une technologie qui apparaît encore perfectible et peu conforme aux objectifs de développement durable que nous nous sommes fixés. Ensuite, en prévoyant une abrogation des permis contestés, elle entend répondre à une inquiétude de nos concitoyens que nous avons tous ressentie sur le terrain, au contact des élus, des associations et des populations. Enfin, elle n'insulte pas l'avenir en prévoyant une information du Parlement et les conditions d'un débat au service d'une politique énergétique ambitieuse et conforme à nos engagements.

Permettez-moi de ne pas détailler à nouveau le contexte de du dépôt de cette proposition de loi. Il y a encore quelques mois, nous le savons, les techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux mises en oeuvre sur notre territoire étaient méconnues, et peu de nos concitoyens, voire peu d'entre nous, avaient connaissance de l'existence de permis exclusifs de recherches si nombreux, voire connaissance du gaz de schiste.

Face à l'émotion, légitime, de nos concitoyens, nous nous sommes donc saisis d'une affaire mal engagée, et avons tenté de répondre au mieux à l'inquiétude de la population, tout en respectant les principes de droit qui guident notre démocratie.

Ce texte me semble aujourd'hui présenter un équilibre tout à fait satisfaisant, je vais tenter de vous en convaincre.

L'article 1er pose l'interdiction de 1'exploration et de l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche.

Aussi le texte vise-t-il bien l'interdiction d'une technique d'extraction, la fracturation hydraulique, qui présente un certain nombre de risques environnementaux et sanitaires. Ces risques sont aujourd'hui connus : eau, additifs chimiques, bilan carbone, destruction de la biodiversité, etc.

En ce qui concerne la question de l'eau, permettez-moi de souligner la situation catastrophique des territoires touchés par la sécheresse. D'après le Bureau de recherches géologiques et minières, le 1er juin 2011, 79 % des réservoirs affichent un niveau inférieur à la normale. La seconde réunion du comité sécheresse, le 17 juin, a permis de faire le point : des mesures de restrictions de l'usage de l'eau ont été prises dans 58 départements.

À travers le Grenelle de l'environnement et la charte de l'environnement, nous avons manifesté un engagement fort en faveur de la protection de notre environnement et de la santé humaine. Il nous faut donc nous en prémunir et c'est l'objet de l'article 1er.

Pour ce qui est de l'abrogation des permis, nos collègues sénateurs n'ont pas jugé utile de modifier la rédaction de l'article 2 votée par l'Assemblée. Il n'a donc pas fait l'objet de débat au cours de la réunion de la CMP et je n'évoquerai donc que très rapidement la question.

Je souhaite simplement répondre, par avance, aux accusations qui ne manqueront pas de surgir de certains bancs.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Havard

Non, la version initiale du texte n'était pas meilleure ou plus limpide ou plus efficace. Non, la version initiale du texte ne permettait pas d'éviter les recours des titulaires de permis devant le juge. Non, la version initiale du texte n'aurait pas rassuré plus amplement nos concitoyens. En fait, la version initiale du texte les aurait trompés.

Nous aurions pu la voter en l'état et la soutenir, cela aurait certainement été plus simple pour nous car elle apparaît plus limpide. Mais qu'aurions-nous dit à nos concitoyens lorsque le juge, la presse ou les industriels auraient souligné l'impossibilité d'appliquer un article ainsi rédigé ?

Je vais donc le répéter : il n'existe pas de permis exclusifs de recherches de mines d'hydrocarbures non conventionnels, le droit français n'opérant pas de distinction entre le conventionnel et le non conventionnel.

En somme, ce que certains jugeraient plus efficace, ce serait l'abrogation de quelque chose qui n'existe pas, par simple souci de communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Havard

Vous avez, comme moi, eu connaissance de certains dossiers de demandes de permis. Comme moi, vous vous êtes rendus compte que plusieurs dossiers faisaient référence à la fracturation hydraulique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Havard

Mais, comme moi, vous auriez dû constater que les permis, eux, ne font nullement référence à la technique employée.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Havard

Vous voudriez fonder l'abrogation des permis sur ces dossiers d'instruction. Permettez-moi à nouveau de juger cette solution de manière négative.

D'abord, une telle procédure serait juridiquement contestable mais, surtout, que faire des permis dont les dossiers de demande ne mentionnaient pas le recours à la fracturation hydraulique, ce qui était le cas, notamment, du permis de Pontarlier ?

En fait, ce que certains proposent, ce n'est pas d'établir une solution juridique satisfaisante, mais de réussir un coup médiatique en abrogeant certains permis, et tant pis pour les populations et les territoires situés à proximité des autres permis, ceux dont on ne parle pas, ceux dont les titulaires n'envisageaient pas, au départ, de rechercher du gaz ou de l'huile de schiste.

La solution votée par l'Assemblée et reprise par le Sénat est plus respectueuse de notre droit, donc plus efficace ; elle permettra d'abroger les permis contestables qui n'auraient pas dû être délivrés.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Havard

La volonté de nous engager vers l'avenir a été notre préoccupation constante.

Les débats qui ont surgi depuis le début de l'année 2011 sur la question des gaz et huile de schiste ont mis en évidence plusieurs écueils : le Parlement ne dispose pas d'informations satisfaisantes sur la mise en valeur de notre sous-sol, composante essentielle de la politique énergétique qu'il doit contribuer à élaborer ; le cadre législatif et réglementaire encadrant les activités minières est obsolète…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Havard

…et doit être modernisé d'urgence ; enfin, les élus et les populations se sont trouvés confrontés à des enjeux dont ils ne maîtrisaient pas nécessairement les spécificités techniques.

C'est l'objet des deux autres articles de remédier à ces difficultés. D'abord, le Sénat a introduit un nouvel article 1er bis qui vise la création d'une commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation, composée de parlementaires, de professionnels, d'élus locaux, de fonctionnaires et de représentants associatifs. Il s'agira, dans l'esprit du Grenelle, de susciter les échanges et les débats, afin d'améliorer la connaissance d'un sujet complexe. Par ailleurs, cette commission devra rendre un avis sur d'éventuels programmes d'expérimentation sous contrôle public que déciderait de mettre en place le Parlement.

Ensuite, comme nous l'avions souhaité lors du vote du 11 mai dernier, le Parlement doit être plus amplement associé à la mise en valeur du sous-sol national. Doit-on à nouveau rappeler que l'article L. 110-1 du code de l'environnement dispose que les ressources naturelles font partie du patrimoine commun de la nation ?

Il est nécessaire de prévoir la remise d'un rapport annuel au Parlement sur l'évolution des techniques, la connaissance du sous-sol, les conditions de mise en oeuvre d'expérimentations réalisées à seules fins de recherche scientifique sous contrôle public, sur les travaux de la commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation créée par l'article 1er bis, sur la conformité du cadre législatif et réglementaire à la Charte de l'environnement dans le domaine minier et sur les adaptations législatives ou réglementaires envisagées.

Au final, ce texte me semble respecter les règles en vigueur dans un État de droit, satisfaire l'émotion légitime qui anime nos territoires et prévoir les conditions d'une politique énergétique stratégique.

Je ne manifesterai qu'un regret et un souhait.

Le regret, c'est celui de ne pas avoir réussi à obtenir un consensus transpartisan sur un sujet aussi crucial, dont nous avons tous ressenti l'importance sur le terrain. Pourtant, avec Jean-Paul Chanteguet,

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Plisson

Notre remarquable collègue Jean-Paul Chanteguet !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Havard

…nous étions parvenus à travailler ensemble et je l'en remercie. C'est pourquoi je regrette que le groupe SRC, pour des raisons médiatiques ou politiques à un an de l'élection présidentielle, se soit soudainement désolidarisé d'un projet qu'il soutenait initialement et qu'il soutient certainement encore, tout en prétendant le contraire. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Allons, mes chers collègues, seul l'orateur a la parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Havard

Nous partagions les mêmes objectifs ; ce texte y répond, il est dommage que vous vous y opposiez.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

La position des socialistes est incompréhensible !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Havard

Le souhait, c'est celui de voir s'engager rapidement la discussion sur la modernisation, nécessaire, de notre code minier. Il serait réellement souhaitable que celle-ci soit lancée avant la fin de la législature. Cette réforme est indispensable si nous voulons protéger nos territoires tout en menant une politique énergétique ambitieuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Monsieur le président, monsieur le président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, nous arrivons à la fin d'un processus parlementaire long, dense et très important. Long et dense si j'en juge par le fait que cinq propositions de loi qui ont été déposées dans les deux chambres par plus de 400 parlementaires. Je pense également aux courriers reçus, aux pétitions adressées au ministère, à la cinquantaine de délibérations ou d'arrêtés d'interdiction pris par les municipalités, aux manifestations qui ont réuni plusieurs dizaines de milliers d'opposants à la recherche des gaz de schiste. Je pense, enfin, à la très forte couverture médiatique de ce débat, aux schémas présentés par tous les journaux, si bien que nul n'ignore plus rien de l'exploration du gaz de schiste.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Le principe qui a guidé mon action sur ce sujet a d'emblée consisté à mettre en oeuvre le principe de précaution en suspendant très rapidement les forages avec fracturation hydraulique.

En effet, localement, l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels est une activité industrielle qui présente de multiples risques et nuisances : pollution des nappes souterraines et des sols, impact paysager, bruit, augmentation du trafic routier – on en a peu parlé mais c'est une réalité dans certains projets.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

C'est une exploitation qui, en outre, consomme énormément d'eau en une année, eau dont on voit bien qu'elle se raréfie.

Même si certaines technologies utilisées sont en fait relativement anciennes, notre capacité collective à maîtriser ces risques a très vite fait débat. La question s'est aussi avérée difficile en raison de ses enjeux économiques et énergétiques.

Les conclusions de la mission conjointe du conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies, et du conseil général de l'environnement et du développement durable ont permis, à ce titre, d'enrichir les débats sans pour autant lever certaines hypothèques. De même, la mission parlementaire conduite par les députés François-Michel Gonnot et Philippe Martin, qui a récemment rendu ses travaux, a mis en lumière le fait que l'exploitation des gaz et huiles non conventionnels dans le monde est susceptible de modifier profondément et durablement notre production d'énergie. Les répercussions géopolitiques sont en effet considérables, on le sait, dans certaines régions du monde.

Le débat paraissait donc comme complexe et il a fallu l'aborder avec des idées simples. Comme l'avaient justement indiqué Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet dans leur rapport, en première lecture, au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, « nous ne pouvons pas prendre le risque de voir se développer sur le territoire national le recours à des techniques problématiques, et accepter que ne soient portés à l'environnement des dommages irréversibles. La sécurisation des approvisionnements énergétiques est un enjeu majeur, auquel il ne faut pas sacrifier nos valeurs ». Cette ligne directrice qui me semble compléter, éclairer utilement le principe de précaution que j'invoquais tout à l'heure, principe désormais constitutionnel, nous a guidés au cours de ces travaux.

Les débats qui ont eu lieu dans les deux chambres ont parfois été passionnés, mais ont permis d'esquisser une réflexion sur les orientations que nous souhaitons prendre pour l'avenir en l'absence de certitudes sur cette technique.

La solution de compromis trouvée à l'occasion de la commission mixte paritaire du 15 juin dernier me semble de nature à rassurer chacune et chacun d'entre vous car il est des textes, comme celui-ci, sur lesquels on voudrait trouver une belle unanimité comme celle que j'avais cherchée, en d'autres temps, sur la Charte de l'environnement et le principe de précaution qui, j'y insiste, marque l'esprit de notre action.

Cette solution de compromis est aussi celle que je défends, au nom du Gouvernement, cela pour quatre raisons.

D'abord, elle reprend la position défendue par les deux rapporteurs de l'Assemblée, qui prévoit que l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche est interdite sur le territoire national.

Deuxième point, elle organise l'abrogation des permis de recherche des hydrocarbures non conventionnels tout en limitant les risques juridiques et financiers liés à une telle abrogation. Personne sur ces bancs ne souhaite devoir payer des dédits considérables à des compagnies pétrolières.

Troisièmement, elle maintient l'obligation pour le Gouvernement de remettre chaque année un rapport au Parlement, de sorte que celui-ci sera à la pointe de la réflexion sur ce sujet, qui se prolonge en une réflexion sur notre système énergétique.

Quatrièmement, elle instaure une commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation. Cette commission, introduite dans le texte par le Sénat, émettra un avis sur les conditions d'éventuelles expérimentations. Cet avis sera entièrement élaboré sous contrôle public. Je pense que cela avait son importance.

Je crois que ce vote vient à point nommé. Nous recherchons la plus grande cohérence dans les démarches entreprises. Or c'est cette semaine que l'UNESCO doit se prononcer sur l'inscription de l'espace Causses-Cévennes au patrimoine mondial de l'humanité. Cette problématique du gaz de schiste a pu être, à un moment donné, une hypothèque pesant sur cette candidature. J'espère grandement que ce vote sera le facteur déclencheur qui permettra de rendre justice à ce territoire remarquable, par le biais de cette inscription que nous souhaitons tous.

Mesdames et messieurs les députés, cette proposition de loi est d'une importance majeure pour notre avenir. C'est également l'intérêt général qui est en jeu. Je le redis, je souhaite qu'elle puisse obtenir l'assentiment du plus grand nombre d'entre vous. Soyez en tout cas assurés de la vigilance pleine et entière du Gouvernement, qui veillera à l'application de ce texte dès sa promulgation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Germinal Peiro.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, nous voici à nouveau dans l'hémicycle pour examiner une proposition de loi qui, à bien des égards, ne permet ni d'apaiser la colère de nos concitoyens, ni de répondre à leurs attentes en matière de politique énergétique.

Le groupe socialiste, radical et citoyen souhaite, madame la ministre, vous dire une nouvelle fois, une dernière fois, son rejet de ce texte, qui se contente d'interdire une technique qu'il omet par ailleurs de définir.

Cette proposition de loi est contestable depuis le début. D'abord, parce qu'elle a été examinée dans un contexte qui n'honore ni la République, ni les principes qu'elle devrait défendre. Ce texte a été motivé par le dépôt, en mars dernier, d'une proposition de loi de notre groupe, qui devait être examinée en séance publique lors de la journée qui lui était réservée, le 12 mai. C'est alors que le Gouvernement a décidé d'inscrire un autre texte à l'ordre du jour, et de l'y inscrire le 10 mai, soit deux jours avant. Il a ainsi, ni plus ni moins, offert à sa majorité l'opportunité de rayer de l'ordre du jour défini près d'un mois plus tôt l'examen du texte du groupe socialiste.

Celui-ci était clair. Il visait à interdire toute exploration et toute exploitation des gaz de schiste, ainsi qu'à abroger les permis accordés. Par contre, avec le texte dont nous débattons aujourd'hui, vous vous êtes contentés de répondre hâtivement à la mobilisation citoyenne contre le gaz de schiste, tout en ménageant les intérêts des industriels.

Depuis le début, vous n'aviez pas l'intention de saisir la chance que ce débat nous offrait de lancer une réflexion sereine sur la politique énergétique du pays. Pour être plus clair, vous n'aviez pas l'intention de vous situer dans le cadre d'un projet politique intelligible. La preuve en est que le Gouvernement, qui avait délivré les permis quelques mois avant l'examen de la loi « Grenelle 2 », n'a cessé, depuis, de se poser en fervent opposant à la transition énergétique.

La préparation de l'ère post-pétrole, que ce texte semblait préparer, s'est révélée une illusion. La politique énergétique de la majorité n'a pas bougé depuis le timide élan du Grenelle de l'environnement, ni depuis la déception de Copenhague, qui fut un échec de la communauté internationale, mais qui aurait pu permettre à la France de rebondir et de reprendre le leadership dans la lutte contre le changement climatique en s'engageant dans des programmes innovants d'efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables. Enfin, comment passer sous silence l'accident de Fukushima ?

Le manque d'ambition de ce texte peu clair et très controversé nous révèle, en fait, qu'il n'est le fruit d'aucune volonté de changement, mais a simplement été déposé dans le but de calmer la colère grandissante de la population, à la veille d'échéances politiques majeures.

Relevons ici les propos du Premier ministre et du ministre chargé de l'industrie et de l'énergie, qui ne ferment pas la porte à l'exploitation des gaz et huiles de schiste.

Leurs arguments – demande de pétrole en forte croissance, augmentation inéluctable du prix du baril, indépendance énergétique – sont imprégnés d'un productivisme aujourd'hui dépassé.

Face aux défis climatiques et environnementaux auxquels nous devons faire face, et suite au Grenelle de l'environnement, il apparaît totalement inopportun de chercher à exploiter la dernière goutte de pétrole ou le dernier mètre cube de gaz potentiellement présents sous nos pieds. Un tel choix politique enfermerait davantage la France dans sa dépendance aux énergies fossiles et sacrifierait le développement des énergies renouvelables.

Selon le Centre d'analyse stratégique, les conséquences d'une exploitation de mines de gaz de schiste sur le mix énergétique européen de 2020, tel que prévu dans le troisième paquet climat-énergie – c'est le « trois fois vingt », décliné en France dans le Grenelle de l'environnement – peuvent être importantes, tant en termes d'émission de gaz à effet de serre, surtout si l'on considère l'ensemble de la chaîne, qu'en termes de développement des énergies renouvelables, qu'il faudra subventionner de manière plus importante si l'on veut atteindre l'objectif fixé, soit 20 % de la production d'énergie finale. Et pourtant, le Gouvernement souhaite engager la France sur cette voie insensée.

Enfin, ce texte nous démontre aisément, une nouvelle fois, que les parlementaires de la majorité sont plus sensibles aux réclamations des industriels – en l'espèce, le puissant lobby des pétroliers – qu'aux protestations des populations et à la défense de notre environnement. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Dès lors, nous sommes, une fois encore, en droit de nous interroger sur la concrétisation des bonnes paroles du Grenelle de l'environnement : plus de transparence, une société durable où la prospérité économique irait de pair avec le progrès social et la protection de l'environnement.

Le texte qui nous est soumis n'a plus rien à voir avec la proposition du groupe socialiste. Celle-ci a été tout bonnement vidée de son objectif originel, qui était d'interdire l'exploration des gaz et huiles de schiste et d'abroger purement et simplement les permis litigieux. Elle a laissé la place à un texte téléguidé par les lobbyistes à la recherche de pétrodollars.

Premièrement, le texte sur lequel nous devons nous prononcer n'interdit plus l'exploration et l'exploitation des gaz et huiles de schiste, mais se contente d'interdire le recours à la technique de la fracturation hydraulique, sans pour autant, comme je l'ai déjà indiqué, définir ce qu'il entend par là. Cela offre aux pétroliers la possibilité de déclarer qu'ils n'auront pas recours à cette technique interdite, mais, comme nous avons déjà pu le lire dans la presse, à celle du « carottage vertical », à la « perforation horizontale de la roche mère », ou à toute autre technique actuellement expérimentée aux États-Unis, comme la « fracturation pneumatique » qui consiste à injecter, non pas de l'eau, mais de l'air comprimé dans la roche mère afin de la désintégrer, ou encore à la fracturation par injection de propane gélifié.

L'imagination humaine n'a pas de limites : peu importent, finalement, les conséquences sanitaires et environnementales des autres techniques, à l'impact tout aussi fort sur l'environnement que la fracturation qui fait l'objet de l'interdiction, toute relative, de l'article 1er.

L'article 1er interdit en effet la fracturation hydraulique en raison de son impact avéré sur les ressources hydriques, la qualité de l'air et du sous-sol, l'environnement et les paysages, tandis que l'article 4 permet au Gouvernement de définir les conditions de sa mise en oeuvre dans le cadre d'expérimentations. Ce qu'un article interdit au début du texte est permis dans un autre article, à la fin du texte. Où est la cohérence dans tout cela ?

Deuxièmement, ce texte de loi n'abroge plus les permis de recherches litigieux. Il oblige tout au plus les industriels titulaires de permis de recherches à transmettre à l'autorité compétente un rapport faisant état des techniques utilisées dans le cadre de l'exploration du sous-sol. S'ils admettent avoir prévu de recourir à la technique de fracturation hydraulique, leur permis sera abrogé.

Ce dispositif visant, selon vous, madame la ministre, à abroger les permis litigieux, est très peu convaincant. Pour tout dire, il confine même à l'arnaque intellectuelle. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Oh !

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Mais oui, madame la ministre ! Si les industriels recourent à la fracturation hydraulique, leurs permis seront annulés. Mais vous savez parfaitement, depuis le début, qu'ils vont recourir et qu'ils recourent – c'est dans leurs dossiers – à cette technique.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Il n'était donc pas nécessaire, monsieur Jacob, de modifier l'article 2.

Puis-je vous rappeler vos propos, madame la ministre, ainsi que ceux du Premier ministre, il y a quelques semaines de cela, dans ce même hémicycle ? Vous assuriez alors que les permis seraient abrogés, qu'il n'y aurait pas d'exploration et d'exploitation de gaz et huiles de schiste à tout prix. Voilà ce que vous nous disiez il y a quelques semaines.

Puis-je vous rappeler que, puisque votre gouvernement a délivré les permis, il a également le loisir de revenir sur sa décision ? Il peut les annuler s'il le veut. Or, plus d'un mois après vos déclarations rassurantes, aucun permis n'a été abrogé.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Il est inutile d'argumenter sur un quelconque silence des permis. Vous savez aussi bien que nous que ces permis sont identifiables, et donc aisément annulables.

Les dossiers d'instruction que possède l'administration, et qui ont été transmis par la commission d'accès aux documents administratifs aux collectifs anti-gaz de schiste, identifient en effet clairement les techniques utilisées par les industriels pour récupérer les hydrocarbures. Ils indiquent assez clairement que la fracturation hydraulique est au programme des travaux. Ce n'est d'ailleurs pas une surprise, puisque seule cette technique permet aujourd'hui d'explorer et d'exploiter les mines d'hydrocarbures de schiste.

Il est également inutile de plaider qu'une abrogation ouvrirait des droits à indemnisation colossaux. Vous savez aussi bien que nous que l'indemnisation des industriels n'est pas automatique après l'annulation d'un acte administratif qui leur était favorable. S'il y a indemnité, celle-ci doit être obligatoirement fixée selon des critères objectifs et selon une procédure exceptionnelle ou ponctuelle. Vu l'état d'avancement des travaux, l'indemnisation serait, en l'espèce, assez faible.

Au fond, il est assez simple pour vous, madame la ministre, de respecter votre promesse. Nul besoin pour cela de passer par une loi mal ficelée. Abrogez dès aujourd'hui les permis, et répondez enfin à l'appel des collectifs anti-gaz de schiste qui se mobilisent tous les jours, depuis plus de six mois, contre l'exploration et l'exploitation !

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Plus généralement, répondez aux citoyens, qui se sont maintes fois prononcés en faveur d'une transition énergétique !

La « République irréprochable », qui n'aurait, logiquement, pas dû délivrer en catimini ces permis de recherches, aurait dû et pu, afin de réparer l'erreur de son ministre, abroger il y a déjà plusieurs mois les permis litigieux. Au lieu de cela, vous préférez que le Parlement vote un texte jouant le jeu des industriels et leur offrant la possibilité d'explorer et d'exploiter les mines d'hydrocarbures sous couvert de l'expérimentation. Personne n'est dupe !

Il semble malheureusement peu probable que les permis litigieux soient abrogés dans les mois à venir, et tout aussi peu probable que les hydrocarbures soient délogés de la roche mère dans lesquels ils sont emprisonnés.

Il suffit de se référer aux propos de Christophe de Margerie pour s'en persuader aisément. Après avoir déclaré, lors de la dernière assemblée générale des actionnaires de Total, que la loi dite « gaz de schiste » n'avait aucune conséquence sur l'activité des pétroliers et ne privait pas la compagnie de son droit minier, il a affirmé que le texte était habile et permettait à l'entreprise de s'en sortir, pour peu qu'elle joue profil bas en cette période préélectorale.

Les propos du PDG de Total s'inscrivent dans la continuité des politiques d'un autre âge défendues actuellement par le Gouvernement. Le Grenelle de l'environnement est décidément bien loin !

En ce moment, madame la ministre, je pense à mes amis du collectif de Sarlat, qui ont manifesté samedi dernier devant la sous-préfecture pour la quatrième fois en trois mois. Je pense aussi aux habitants de Cahors, des Grands Causses, des Cévennes et de l'Ardèche.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Je pense à tous ceux qui n'ont pas envie de voir leurs paysages défigurés.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Je pense à tous ceux qui n'ont pas envie de voir les nappes phréatiques polluées.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

En maintenant la loi inchangée ? Vous manquez de courage, vous fuyez vos responsabilités !

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Je pense à ceux qui ont envie de transmettre à leurs enfants et leurs petits-enfants une terre propre. Voilà à qui je pense aujourd'hui, monsieur Jacob !

Madame la ministre, vous devez à tous ces citoyens la vérité sur l'abrogation des permis accordés par votre Gouvernement. Vous devez aussi la vérité sur les permis déposés, dont l'instruction se poursuit.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Madame la ministre, je vous demande solennellement : qu'en est-il du permis de Cahors ? Où en sommes-nous de la procédure ? Qu'en est-il du permis de Beaumont-de-Lomagne, pouvez-vous nous affirmer ce soir que ces permis-là ne seront pas accordés ?

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Je me suis déjà exprimée cent fois sur ce sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Si c'est vrai, dites-le, madame la ministre ! N'essayez pas de tergiverser.

Au regard des arguments développés, afin de respecter les engagements internationaux, européens et nationaux de réduction d'émissions de gaz à effet de serre de la France et afin d'inscrire la France dans une trajectoire vertueuse vers la transition énergétique, je vous demande, mes chers collègues, de rejeter ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Au titre des explications de vote, la parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Nous sommes dans une situation paradoxale : la majorité UMP doit finalement se dire qu'il est dommage qu'il y ait des électeurs ! S'il n'y avait pas eu d'élections, et l'obligation corollaire de tout essayer pour ne pas les perdre, l'UMP ne se serait pas précipitée pour déposer une proposition de loi prévoyant l'interdiction de la poursuite de l'exploration et de l'exploitation des gaz de schiste et l'abrogation des permis déjà attribués.

Mais, une fois cette proposition de loi déposée et inscrite en urgence à l'ordre du jour de l'Assemblée, il fallait bien que l'UMP et le Gouvernement trouvent comment la gérer. Et puis, les cantonales passées, restent les sénatoriales, et les échéances de 2012.

Beaucoup de nos compatriotes ne veulent pas de cette exploitation des gaz de schiste, parce qu'ils sont très conscients des dégâts environnementaux qui vont en résulter. Des manifestations très importantes ont eu lieu : 20 000 personnes se sont réunies à Villeneuve-de-Berg, en Ardèche, en février, des manifestations très importantes ont eu lieu partout en France le 16 avril, et des élus, y compris des élus UMP, ont participé au rassemblement de Meaux, en Seine-et-Marne.

Tous ces électeurs s'opposent à l'exploitation des gaz de schiste. L'UMP est donc obligée de faire un pas de deux pour trouver une solution : un article 1er qui interdit, un article 4 qui autorise ! À force de tant de paradoxes, personne ne va croire ce que vous allez voter.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Personne ne va vous croire, monsieur Jacob, n'oubliez pas la banderole : « Non au gaz de schiste » suspendue au fronton de votre mairie !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Il n'y a pas de banderole sur ma mairie ! Je respecte les mairies ! Sur ma mairie, il y a un drapeau, mais pas de banderole !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Ce que vous allez nous faire voter, c'est l'autorisation de la recherche sur les gaz de schiste !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Pas d'interpellations, madame Billard : vous n'avez pas à vous adresser à l'un de vos collègues, vous vous adressez à l'ensemble de l'Assemblée et à moi-même.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Mais je m'adresse à vous, monsieur le président, ainsi qu'à l'ensemble de nos collègues de la majorité et au Gouvernement, pour leur dire qu'aujourd'hui, ils se trouvent dans la situation absurde de devoir faire voter une proposition de loi qui n'est pas celle qu'ils souhaitaient par rapport aux enjeux électoraux.

Personne, dans notre pays, ne peut croire que votre proposition de loi va stopper l'exploitation des gaz de schiste, puisque vous n'abrogez pas les permis en cours et que vous permettez, par ce texte, la poursuite de l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste sous prétexte de recherche. Nous avons déjà vécu cela avec les OGM, nous allons le revivre avec les gaz de schiste, et il y aura, comme dans le cas des OGM, une mobilisation citoyenne, qui s'exprimera dans les manifestations, et dans les urnes, nous en sommes convaincus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Franck Riester, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Contrairement au parti socialiste, aux communistes et aux verts, nous prenons nos responsabilités. Il était urgent d'interdire la technique de la fracturation hydraulique. Christian Jacob et les députés UMP ont déposé une proposition de loi, soutenue par le Sénat, qui permettra l'interdiction, sur le territoire français, de cette technique qui a des conséquences sur l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Vous pouvez dire ce que vous voulez, le texte l'interdit clairement. D'autre part, les permis qui ont été octroyés seront abrogés dès lors qu'ils reposeraient sur la fracturation hydraulique. On peut dire ce qu'on veut – y compris à l'Assemblée nationale, semble-t-il – mais le texte est très clair : il n'y aura pas de fracturation hydraulique sur notre territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Je trouve dommage que le parti socialiste qui, en commission, avait soutenu ce texte, ne le soutienne plus dans l'hémicycle. Je trouve cela regrettable. Pour notre part, nous le soutenons d'une façon claire, nette, définitive, et les Français qui nous écoutent peuvent être confiants : il n'y aura pas de fracturation hydraulique en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Frédérique Massat, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Comme il est lointain, le consensus qui semblait régner lors de l'examen du premier texte, qui n'a absolument rien à voir avec le texte proposé aujourd'hui !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

On a écrit ce texte avec vous, on a repris tous vos amendements !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Ma chère collègue, je vous interromps un instant pour informer l'Assemblée que, sur le vote de la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Pardonnez cette interruption, mais je souhaitais ne pas retarder les travaux de l'Assemblée. Je vous rends la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Face à l'inquiétude et aux contestations des populations, et parce que ce sujet dépasse largement les clivages politiques, il semblait logique que nous puissions nous rassembler sur un texte commun, clair, transparent, visant à l'interdiction et l'abrogation des permis donnés. Mais, au fil du débat parlementaire, nos craintes initiales ont été confirmées : cette loi n'est pour vous qu'un texte d'opportunité.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Plus nous avons avancés dans la procédure législative, et plus ce texte s'est éloigné de notre proposition de loi initiale. Tout d'abord, un amendement déposé en commission par le groupe UMP de l'Assemblée a supprimé la garantie d'abrogation de tous les permis. Ensuite, le Sénat a accepté d'ouvrir une brèche en rendant possible la fracture hydraulique à des fins scientifiques. Si la CMP est revenue sur cette disposition, la brèche n'est pas pour autant refermée puisque le texte prévoit en son article 4 que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur la question. Cela signifie qu'à vos yeux l'hypothèse de la fracturation hydraulique n'est pas abandonnée, mais simplement repoussée dans le temps. Pour notre part, nous considérons qu'il faut fermement combattre l'hypothèse de l'expérimentation, qui n'est qu'une porte ouverte à l'exploitation future.

Nous continuons de demander, comme nous le faisons depuis le début, l'interdiction pure et simple de l'exploration et de l'exploitation des huiles et gaz de schiste ainsi que l'annulation de tous les permis de recherches en cours. Sur ce dernier point, contrairement à ce qui a été promis, le Gouvernement ne semble visiblement pas pressé d'abroger les permis délivrés par Jean-Louis Borloo en mars 2010.

Le texte que vous nous demandez aujourd'hui de voter ne va pas assez loin. Pire, vous avez préféré, cédant aux intérêts de certains grands groupes industriels, reculer au détriment des objectifs de santé publique et de protection de l'environnement que nous nous étions fixés.

C'est pourquoi, mes chers collègues, le groupe SRC votera cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la motion de rejet préalable.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 126

Nombre de suffrages exprimés 125

Majorité absolue 63

Pour l'adoption 58

Contre 67

(La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Je ne pensais vraiment pas prendre la parole, après tous les débats que nous avons eus en commission, dans cet hémicycle et en CMP. Il me semblait que les choses étaient parfaitement claires. Mais je ne peux pas m'empêcher de le faire, après les contrevérités que je viens d'entendre lors des prises de parole de nos collègues, notamment SRC.

Je voudrais d'abord rappeler un point de méthodologie : en tant que président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, j'avais pris l'initiative, étant donné l'état de l'opinion et les craintes exprimées, de tenter d'objectiver le débat en réunissant deux de nos collègues, l'un de la majorité et l'autre de l'opposition, MM. Martin et Gonnot, et en leur confiant une mission d'analyse et de proposition dont le rendu devait arriver le 8 juin. La date est importante.

Nous étions tous d'accord pour leur permettre de travailler dans les meilleures conditions, et je les remercie tous les deux car ils ont fait un travail remarquable. À l'issue de ce travail, nous aurions dû faire notre travail de législateur.

Que s'est-il passé ? Le groupe SRC a déposé dans l'intervalle une proposition de loi, ne laissant pas la mission mandatée par la commission du développement durable terminer son travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Soyez sérieux, elle est intervenue dans l'intervalle. J'ai désigné cette mission avec les deux corapporteurs, et avant qu'elle ait pu rendre ses conclusions, vous avez déposé une proposition de loi. C'est totalement incohérent !

Le sérieux de cette assemblée mérite que l'on respecte le travail des rapporteurs et que l'on puisse les entendre avant de commencer à légiférer. Vous avez choisi, pour des motifs de basse démagogie, de faire autrement. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Mais ne venez pas dire maintenant que c'est une proposition de loi de l'UMP. Cette proposition de loi n'existe que parce que vous aviez pris cette initiative. Les faits sont là, c'est la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

C'est sur le fond que nous ne sommes pas d'accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

J'en viens justement au fond, monsieur Peiro, vous n'allez pas être déçu !

Vous avez énoncé dans votre propos des choses totalement contradictoires.

Premièrement, vous nous avez reproché de ne pas interdire la totalité des explorations et exploitations possibles de gaz de schiste, mais simplement une technologie, qui est la fracturation hydraulique. C'est effectivement ce qui figure dans le texte.

Et vous avez dit exactement l'inverse à la fin de votre propos,…

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

…à savoir qu'il n'y a que la fracturation de la roche qui est en cause et que c'est elle qu'il faut interdire. Chacun pourra relire les propos que vous avez prononcés à la tribune. Vous êtes dans l'incohérence la plus totale.

Mme Billard a également énoncé d'impressionnantes contre-vérités. Elle a prétendu que les articles 1er et 4 du texte étaient identiques. (« Non ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

L'article 1er interdit l'exploration et l'exploitation par fracturation hydraulique. On ne peut être plus clair ! L'article 4 prévoit – et qui peut le contester ? – que le Gouvernement remettra un rapport au Parlement sur les évolutions scientifiques et technologiques. Quel rapport avec les autorisations d'exploration et d'exploitation ? Il n'y en a pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

En CMP – certains d'entre nous étaient présents, nous savons donc ce qui s'y est passé – nos collègues sénateurs ont formulé des propositions intéressantes. Afin de renforcer la transparence, nous avons accepté un amendement, proposé par le Sénat, visant à créer une commission chargée de veiller à ce que nous ayons toutes les informations nécessaires.

Nous dire aujourd'hui – ce sont les propos que vous avez tenus – que l'article 4 réintroduit subrepticement la possibilité d'exploration et d'exploitation est une contre-vérité. J'ajoute qu'en CMP – cela ne fait que témoigner de votre embarras et de vos contradictions – certains de vos collègues du groupe SRC ont déposé un amendement identique à celui de notre excellent rapporteur Michel Havard. Il a été refusé et vous avez alors voté contre celui proposé par le rapporteur, ce qui prouve vos contradictions.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Je vais recommencer mes explications, si vous n'avez pas compris.

M. Havard et vos collègues du groupe SRC ont déposé un amendement identique,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

J'étais aussi en CMP, je n'ai pas eu le même sentiment que vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

identique à la virgule près ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous avez retiré votre amendement et voté contre celui du rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Telle est la réalité : vous êtes en permanence dans l'embrouillamini !

Si nous vous suivions, mes chers collègues – j'aurai presque envie de dire « chiche », mais nous sommes responsables et nous ne le ferons pas –, nous ne voterions aucun texte législatif et permettrions, pour le coup, l'exploration et l'exploitation sur la base des permis actuels.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Je veux prendre l'opinion publique à témoin : si nous vous suivons dans cette voie et refusons ce texte, l'exploration et l'exploitation commenceront dans les prochains jours.

Ce texte permet au contraire – l'article 1er est très clair – l'interdiction de l'exploration et de l'exploitation par fracturation hydraulique, et je me permets, au nom de la commission, d'en remercier les rapporteurs, en particulier Michel Havard, qui nous a permis d'avoir un texte extrêmement clair, au-delà de votre embarras et des contre-vérités que vous ne cessez de répéter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Martin.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Martin

Monsieur le président, permettez-moi de remercier M. Yves Cochet qui a eu la gentillesse de me céder son tour de parole.

Madame la ministre, mes chers collègues, « un monde plus sûr ne peut être qu'un monde qui respecte davantage la nature et encourage la sobriété plutôt que la satisfaction d'exigences matérielles démesurées ». Ce sont ces mots, justes et forts, du physicien Wolfgang Kromy qui doivent nous donner le courage et la lucidité de renoncer à extraire de notre sous-sol les hypothétiques gaz et huiles de schiste qui s'y trouveraient, le courage et la lucidité d'abroger – effectivement et définitivement – les permis exclusifs d'exploration imprudemment accordés par votre Gouvernement au mois de mars 2010.

Madame la ministre, que vous le vouliez ou non, le texte qui nous est proposé aujourd'hui ne répond ni à l'un, ni à l'autre de ces objectifs.

Les nombreux témoignages recueillis à l'occasion de la mission parlementaire, que j'ai eu l'honneur de conduire avec mon collègue François-Michel Gonnot, les non moins nombreuses constatations in situ, dont nous avons été les témoins privilégiés, l'opacité financière des accords industriels qui se sont noués à l'occasion de l'attribution de ces autorisations, et qui perdurent aujourd'hui encore ; tout invite à cette conclusion de bon sens, et j'oserai dire d'avenir.

Depuis les conflits relatifs à l'usage de l'eau, massivement utilisée en la circonstance, jusqu'à la modification des paysages, en passant par les risques que font courir à la nappe phréatique les explosions souterraines qui précèdent nécessairement la fracturation hydraulique elle-même, ou bien encore le devenir des dizaines de tonnes d'additifs chimiques qui, de l'avis même des industriels concernés, ne pourront être remontées à la surface à l'issue de la phase d'exploitation, les arguments ne manquent pas à l'appui de notre opposition résolue à une activité minière agressive qui a pu se développer en France sans contrôle démocratique des élus et des citoyens concernés et, à l'entendre, en toute méconnaissance de cause de la part du ministre de tutelle au moment où ces permis ont été accordés.

La France doit renoncer aux gaz de schiste parce qu'entre les zones d'ombre qui entourent à chaque étape cette activité, et les atteintes, bien réelles celles-là, à l'environnement, le principe constitutionnel de précaution – que j'ai voté, madame la ministre – ne saurait, en la circonstance, se fondre en un principe d'expérimentation, celle-ci fut-elle scientifiquement et publiquement encadrée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Martin

La France doit renoncer aux gaz de schiste, sans quoi elle devra tirer un trait sur l'objectif ambitieux qu'elle s'était fixé de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre à l'horizon de 2050.

L'émission, en 2010, de 30,6 milliards de tonnes de gaz carbonique et l'augmentation de 5 % des rejets de dioxyde de carbone énergétique, au cours de cette même année, devraient nous faire réfléchir, et pousser l'Europe comme la France à faire preuve de plus de volontarisme et d'allant.

Au lieu de cela, les déclarations récentes du Président de la République assurant le Premier ministre polonais Donald Tusk de la « neutralité » de la France en cas de développement par la Pologne de l'exploitation des gaz de schiste apparaissent comme un formidable bond en arrière de la France au regard de l'ambition environnementale qu'elle avait affiché jusqu'au sommet de Copenhague.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Martin

Être neutre envers la Pologne sur la question des gaz de schiste, c'est oublier l'interdépendance de tout ce qui concourt au réchauffement de la planète. Être neutre sur les gaz de schiste, c'est être en réalité partisan du laisser-faire climatique.

La France doit renoncer aux gaz de schiste car on ne peut, d'un côté, prétendre réduire notre dépendance aux énergies fossiles, et, de l'autre, accroître cette dépendance en se lançant dans l'exploitation d'une nouvelle énergie fossile !

La France doit renoncer aux gaz de schiste car on ne saurait agresser des territoires entiers – leurs paysages, leurs sous-sols, leur ressource en eau – contre l'avis unanime des citoyens et des élus qui y vivent, et qui nous ont réaffirmé, tout au long de notre mission, leur refus d'une pratique qui leur a été imposée.

La France doit enfin renoncer aux gaz de schiste – et c'est probablement le plus important à mes yeux – car dans le cas contraire elle tournera le dos à la nécessaire transition environnementale qu'imposent l'état de la planète et celui de nos ressources naturelles.

Passer de l'ébriété énergétique à la sobriété énergétique suppose que nous cessions d'épuiser sans fin des ressources naturelles finies et que nous rompions avec l'égoïsme environnemental des pays riches, dont le réchauffement climatique, année après année, est la manifestation la plus visible.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Martin

Nous devons impérativement stabiliser notre consommation d'énergies, faire plus d'efforts pour améliorer l'efficacité énergétique de nos bâtiments et de nos logements, investir massivement dans les énergies renouvelables – éolien, photovoltaïque, biomasse. Voilà, madame la ministre, les orientations qui doivent être les nôtres et qui ne s'accommodent pas d'un énième fric-frac de notre sous-sol.

À court terme, et par voie de conséquence, la France doit abroger effectivement, et définitivement, les permis exclusifs accordés « à l'insu de son plein gré » par M. le ministreBorloo.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Martin

Madame la ministre, disons les choses clairement : si l'impact de l'extraction des huiles et gaz de schiste sur l'environnement avait été précisément et préalablement évalué, puis porté à la connaissance de l'autorité ministérielle compétente, ces permis, vous le savez bien, n'auraient pas été délivrés.

Dès lors, vous n'avez pas d'autre choix que de les abroger. Il n'est pas nécessaire d'accorder, pour je ne sais quelle raison, un délai de deux mois aux industriels détenteurs de ces permis, si ce n'est celle de leur permettre de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, en l'occurrence la fracturation hydraulique pour un procédé conventionnel et sans risque.

Le Parlement lui-même, s'il ne se laisse pas enfermer dans un débat biaisé sur les champs respectifs de compétence du pouvoir législatif et du pouvoir réglementaire, peut décider de cette abrogation en indiquant qu'aucun régime d'indemnisation du fait des lois n'est prévu.

Je suis plus que jamais convaincu que l'avenir énergétique de notre pays passe par la réduction de notre consommation et par le développement d'énergies de substitution aux énergies fossiles et au tout-nucléaire, et non par cette fuite en avant qu'on nous propose une fois encore avec l'exploitation des huiles et gaz de schiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

J'invite l'Assemblée et le Gouvernement à faire le choix des générations futures, à dire non à l'exploitation d'une ressource incertaine, anti-écologique, qui se traduirait immanquablement par un affaiblissement de la voix de la France dans la lutte internationale contre le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre, en même temps qu'elle constituerait une nouvelle grave entorse à un Grenelle de l'environnement déjà moribond. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi a été modifiée en profondeur par les deux assemblées, et le résultat final est que la confusion règne, même au sortir de la commission mixte paritaire.

Deux rapports, aussi intéressants soient-ils l'un et l'autre, sont parus pendant l'examen législatif de ce texte. C'est le premier point sur lequel les centristes souhaitent revenir. La commission du développement durable avait commandité un rapport dès le mois de mars. Il nous a été rendu alors même que la première lecture du texte avait déjà eu lieu dans l'hémicycle. Rien n'est plus absurde. Nous souhaitons que cet épisode malheureux serve de leçon pour l'organisation future de nos travaux.

De plus, la procédure accélérée n'a pas permis un débat dépassionné. La précipitation qui a prévalu au moment de l'inscription de la proposition de loi à l'ordre du jour a été, fortement dommageable et le demeure. L'émoi des populations concernées par les permis octroyés est grand, et seule une communication renforcée et apaisée aurait pu permettre un débat constructif. C'est regrettable, car le travail législatif que nous avons effectué n'a finalement pas atteint son objectif premier : informer clairement nos concitoyens et répondre à leurs inquiétudes.

Si l'origine de cette confusion tient à la méthode employée, elle tient aussi à l'obsolescence du traitement de cette question en droit français.

La proposition de loi de M. Jacob prévoyait à l'origine l'interdiction de l'exploration des hydrocarbures issus des gaz et huiles de schiste, mais souffrait d'une insécurité juridique forte. En effet, nous nous sommes aperçus que le droit français ne faisait pas de distinction entre les hydrocarbures conventionnels d'une part, les huiles et gaz de schiste d'autre part, les titres miniers s'appliquant à tous les types d'hydrocarbures de manière indifférenciée. Le groupe Nouveau Centre appelle à une actualisation, à une réforme en profondeur du code minier.

Le rapport d'étape de la mission mise en place par le Gouvernement a d'ailleurs retenu le terme de gaz ou d'huile de « roche mère » pour qualifier ces hydrocarbures dispersés au sein d'une formation de roche non poreuse, qu'il faut fissurer pour les en extraire. Il faudra reprendre ces notions dans la réforme du code minier. C'est un enjeu majeur.

Cette obsolescence du code minier n'a pas permis, en outre, de faire de distinguo entre expérimentation, exploration et exploitation.

Le Sénat, sur proposition des centristes, avait permis l'expérimentation, avec constitution d'une commission de suivi qui aurait encadré, sous contrôle public, certains travaux d'exploration à des fins scientifiques. Cette proposition nous semblait intéressante en raison notamment de la diversité de sa composition, mais la CMP est revenue sur cet article au nom du sacro-saint principe de précaution, et nous le regrettons.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Comment ? Vous êtes contre le principe de précaution ?

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

En effet, l'état de nos connaissances en la matière nous pousse plus à la prévention qu'à la précaution. Pour le Nouveau Centre, le principe de précaution ne doit pas faire de notre société une société figée et apeurée.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Malheureusement, le manque de transparence de la part des industriels, la légèreté de notre code minier actuel et la précipitation du Parlement ont contribué à évacuer une véritable évaluation de cette question.

Le Nouveau Centre est favorable à une interdiction de l'exploitation, sauf à titre scientifique. Il ne faut pas complètement fermer la porte. Hormis la fracturation, il y a peut-être des possibilités nouvelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Sans expérimentation, on ne les découvrira pas, et nous continuerons d'importer l'énergie au prix fort.

Ce débat aura toutefois révélé le besoin de débat sur les gaz et huiles de schiste et, de façon plus générale, sur la stratégie énergétique de notre pays pour les années à venir.

En l'état, vous comprendrez que le groupe Nouveau Centre s'abstiendra de voter cette proposition de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Monsieur le président, j'ai été surpris, pour ne pas dire estomaqué, par les propos de nos collègues du groupe SRC. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

On voit beaucoup de choses dans la vie politique, mais on ne peut être qu'atterré par une telle dérobade de votre part, chers collègues, par un tel désengagement, une telle incapacité à assumer vos responsabilités ! (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Nous avons travaillé ensemble en commission. Le président de la commission, que je remercie une nouvelle fois, a accepté, fait exceptionnel, la nomination de deux rapporteurs, qui ont fait un travail approfondi. Nous avons accepté vos amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Nous avons voté le texte à l'unanimité. Or que s'est-il passé en première lecture ? M. Bové, présent dans les tribunes, toisait M. Ayrault qui baissait les yeux tel un petit garçon. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

M. Ayrault n'a fait preuve d'aucun courage, n'a exprimé aucune conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Voilà ce qui s'est passé en première lecture ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous êtes prisonniers de vos accords politiciens. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ayez un peu de courage ! Vous n'êtes pas obligés de vous comporter en couards ! (Mêmes mouvements.) Le courage, c'est d'accepter l'article 1er comme l'ensemble des articles de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Que l'on m'apporte le rapport ! On verra qui dit la vérité !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Vous étiez en commission. Pourquoi n'avez-vous pas réagi ? Je ne vous ai pas entendus !

Vous n'avez pas voté, dites-vous, parce que vous n'apparteniez pas à la même commission. Quel courage ! Quelle solidarité ! Rien ne vous empêchait d'intervenir, monsieur Terrasse. Vous n'avez pas remis en cause les amendements présentés par vos collègues ! À aucun moment, vous ne vous êtes manifesté ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il n'est pas interdit d'être courageux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

J'en reviens aux articles. L'article1er dit de la façon la plus nette que la fracturation hydraulique à des fins d'exploitation et d'exploration est interdite. N'est-ce pas suffisamment clair ? Cet article a été voté en commission à l'unanimité, je vous le rappelle, chers collègues. Il n'y a pas l'ombre d'une ambiguïté !

Quant à l'article 2 concernant l'abrogation des permis et les relations entre l'administration et les entreprises, c'est vous qui en avez proposé la rédaction : nous avons repris votre amendement…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

…car il était frappé au coin du bon sens. Là encore, cet amendement a été adopté à l'unanimité.

Sur l'article 4, nous avions, en CMP, déposé le même amendement, identique à la virgule près. Mais vous l'avez ensuite retiré pour voter contre l'amendement de Michel Havard.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Nous parlons du texte qui est proposé aujourd'hui !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Vous êtes complètement englués dans vos accords électoraux. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Mais si ! Vous êtes prisonniers de l'extrême gauche. Vous tremblez devant M. Bové et l'extrême gauche. Vous ne savez plus comment vous en sortir. Vous ne vous préoccupez que de sujets politiciens. Abordez les sujets de fond ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Il n'est pas interdit d'avoir du courage en politique !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Or votre politique aujourd'hui, c'est celle de la dérobade.

J'en reviens à l'article 4. Il prévoit la remise d'un rapport sur l'évolution des techniques d'exploration et d'exploitation. Il ne s'agit pas de verser dans l'obscurantisme, mais de se tenir informé des différentes techniques et de leur évolution. C'est important,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

…sauf à nier toute possibilité d'évolution de la science !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Vous refusez la recherche ? Bravo !

L'article 4 insiste aussi sur l'importance de connaître l'évolution du sous-sol français, pour savoir dans quelles conditions l'expérimentation aux fins de recherche scientifique peut être conduite. Si vous ne votez pas cet article, cela signifie que vous refusez la recherche scientifique encadrée sous contrôle public.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Jamais l'on n'a assisté à un tel revirement entre le travail en commission, la première lecture et la CMP : c'est invraisemblable. Comment réussirez-vous à vous justifier, à vous regarder dans un miroir ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

D'accord, mais vous m'expliquerez pourquoi nous avons adopté à l'unanimité les amendements déposés par le groupe SRC !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

En commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, où vous étiez présent et n'avez pas dit un mot. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Si vous voulez, et nous relirons également les amendements déposés par M. Chanteguet, repris à l'unanimité par la commission, et auxquels vous vous opposez aujourd'hui. Il faudra que vous m'expliquiez où est la cohérence. C'est sur ce point que je vous attends, monsieur Terrasse. Je veux que vous me relisiez l'amendement de M. Chanteguet, repris à l'unanimité, soutenu par la commission et les membres SRC de la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Et maintenant, vous votez contre ? Où est la logique, monsieur Terrasse ? J'imagine déjà le numéro de grand-guignol auquel nous aurons droit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

La situation est la suivante. Soit la majorité vote le texte, soit nous vous suivons. Si nous vous suivons, dès demain les opérations de fracturation hydraulique pourront reprendre en toute quiétude…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

…dans les régions évoquées tout à l'heure par Germinal Peiro. Bravo !

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

C'est vous qui avez accordé les permis ! C'est votre gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Si ce procédé incertain est stoppé, ce sera grâce à la volonté politique du groupe UMP, qui a déposé cette proposition de loi et qui l'a fait adopter. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Reconnaîtriez-vous donc que vous étiez favorables au texte et que vous vous y opposez pour de pures raisons politiciennes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Si vous considérez que c'est un « hold-up », c'est qu'il s'agit du même texte, et vous ne pouvez que le voter. Mais s'il s'agit d'une opération politicienne, cela signifie que vous êtes aux ordres, comme de petits garçons baissant la tête quand M. Bové les regarde. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) C'est cela, la réalité ! Vous avez peur de M. Bové. Ayez un peu de courage, dites à M. Bové que vous assumez vos responsabilités, au lieu de vous coucher devant lui. Continuez ainsi, les Français jugeront ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je ne me prononcerai pas sur le fond de l'intervention de M. Jacob, je veux seulement faire remarquer que sa fougue l'a fait s'emporter contre notre président de groupe, Jean-Marc Ayrault, d'une façon jamais vue dans cet hémicycle. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.) Jamais aucun président de groupe n'a nommément mis en cause un autre président de groupe en des termes aussi inacceptables !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je souhaiterais, monsieur Jacob, que vous présentiez vos excuses (Rires sur les bancs du groupe UMP), car ce que vous avez dit de Jean-Marc Ayrault n'est pas convenable.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Monsieur le président, aurai-je l'occasion de m'exprimer puisque j'ai été mis en cause ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, la proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui a été tellement modifiée en profondeur par les deux assemblées et en CMP qu'il ne s'agit plus du même texte. Trois éléments sont venus confirmer les craintes que nous avons exprimées dès le début.

Tout d'abord, les conclusions du rapport de la mission d'information de M. Philippe Martin et de M. François-Michel Gonnot doivent être prises en compte. L'analyse de Philippe Martin est sans appel : la conclusion à laquelle il parvient est que la France doit renoncer à extraire de son sous-sol les gaz et huiles de roche mère qui s'y trouveraient.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Elle doit y renoncer en raison de ses engagements nationaux, européens et internationaux. Elle doit respecter ses engagements nationaux – loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique –, européens avec le « paquet énergie-climat », internationaux avec le protocole de Kyôto et les engagements de Copenhague – pour autant qu'ils aient une réalité.

Adopter cette loi, c'est contribuer à massacrer un peu plus le Grenelle qui n'aura été qu'une vaste perte de temps

Ensuite, nous sommes en profond désaccord sur l'article 2. Tout au long des débats au Parlement, la ministre et les rapporteurs nous ont dit que les permis accordés étaient muets. Grâce aux recherches effectuées par M. Pierre Morel-A-L'Huissier, qui a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, nous savons désormais que c'est faux.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Les techniques employées en matière de recherche et d'exploitation étaient connues.

L'article 2, tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale et par le Sénat, ne tient plus : pourquoi, en effet, demander aux titulaires de permis dans les deux mois suivant la promulgation de la loi quelles seront leurs techniques d'exploration, alors qu'on les connaît déjà ?

Certains scientifiques ont, depuis deux mois, publié des rapports. Les industriels pétroliers voudraient nous convaincre que les huiles et les gaz de roche mère seraient les sources d'énergie dominantes du XXIe siècle et prétendent que les réserves sont énormes. Cependant, ils ne répondent pas à la question du coût environnemental et économique de leur exploitation éventuelle. Les partisans des gaz de roche mère prétendent que le gaz naturel est une énergie fossile plus propre que le pétrole ou le charbon. C'est faux comme le montrent deux récents rapports américains, le premier signé David Hughes pour le Post Carbon Institute, l'autre, émanant de Duke University et publié par l'académie des sciences des États-Unis le 17 mai 2011.

Je vous traduis le titre de cet article (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : « Contamination par le méthane de l'eau potable accompagnant le forage de la roche mère et la fracturation hydraulique. »

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Je vous communiquerai le titre anglais si vous le souhaitez…

Ces deux rapports montrent que l'effet de serre des gaz de schiste est supérieur à celui de toutes les autres formes d'énergie fossile, y compris le pétrole, le charbon et le gaz naturel.

J'en viens à ma deuxième question, qui porte sur le coût économique de ces extractions.

Il est stupéfiant que des industriels puissent affirmer publiquement qu'il existe d'énormes gisements de gaz ou d'huiles de roche mère sans même préciser combien coûterait leur extraction. Actuellement, sur le marché américain, le coût de l'extraction du gaz se situe à 4,50 dollars par million de BTU – British thermal units. Mais il faut bien voir que moins le coût sera élevé, moins il y aura de réserves économiquement exploitables. Dans la plupart des zones connues de gisements de gaz de schiste en Europe et, plus particulièrement en France, le coût d'extraction sera de l'ordre de 7 à 12 dollars par million de BTU. Les choses sont claires : il est possible de produire un peu de gaz de schiste bon marché ou beaucoup de gaz de schiste à un coût élevé, mais en aucun cas beaucoup de gaz de schiste à un coût peu élevé.

Toutes nos craintes sont hélas vérifiées. Sans qu'il soit besoin d'attendre la réforme du code minier, nous nous opposons à cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, il était question, dans le texte initial de cette proposition de loi du groupe UMP, d'interdire l'exploitation des gaz et huiles de schiste et d'abroger les permis d'exploitation déjà attribués. Les huit semaines de débat dont le texte a fait l'objet au cours de la navette parlementaire ont abouti, je le maintiens, à un recul de la majorité. Nous sommes passés d'une interdiction d'exploitation des hydrocarbures non conventionnels à l'interdiction de la fracturation hydraulique. En outre, le texte de la CMP, s'il interdit cette fracturation dans l'article 1er, l'autorise à l'article 1er bis et à l'article 4. Ainsi, à l'alinéa 3 de l'article 1er bis, il est prévu que la commission nationale d'orientation « émet un avis public sur les conditions de mise en oeuvre des expérimentations, réalisées à seules fins de recherche scientifique ».

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Pour qu'elle émette un avis, il faut bien que les expérimentations aient lieu !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Vos collègues sénateurs de l'UMP ont clairement indiqué, en commission mixte paritaire, qu'en prévoyant des expérimentations, on ne refermait pas totalement la porte et que la procédure d'autorisation n'avait pas pour objectif d'empêcher quiconque d'expérimenter. Personne, dans les rangs de la majorité, n'a critiqué ces déclarations.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Le texte tel qu'il ressort de la CMP autorise les expérimentations en vue de la poursuite de l'exploration et de l'exploitation des gaz de schiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Je le répète, nous avons vécu la même situation avec l'autorisation des essais en plein champ pour les OGM, qui aurait abouti à une expansion de ces cultures en l'absence de mobilisations citoyennes.

Vous avez argué qu'il ne fallait pas agir dans la précipitation. Mais nous disposons à présent du rapport de la mission parlementaire menée par nos collègues François-Michel Gonnot et Philippe Martin. Ses conclusions sont très claires et viennent confirmer les inquiétudes exprimées par les citoyens comme par les élus, compte tenu de l'importance des nuisances et des pollutions introduites par ce type d'exploration.

Au-delà de l'impact sur l'environnement, le débat porte aussi sur l'utilité d'exploiter les gaz de schiste. Nous disons clairement qu'il n'y a aucun intérêt à le faire, compte tenu des obligations que nous nous sommes fixées en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre : une division par quatre, d'ici à 2050, en France, une réduction de 50 % à l'échelle de la planète. Il est donc absurde, dans ces conditions, de se lancer tête baissée dans une exploitation toujours plus intense des énergies fossiles, précisément responsables du réchauffement climatiques.

À cet égard, il est significatif qu'aux États-Unis toutes les recherches sur les énergies renouvelables et leur développement aient été arrêtées du fait de l'importance prise par l'exploitation des gaz de schiste et de la manne qu'elle représente pour les industries pétrolières. Il serait particulièrement absurde que la France se retrouve dans la même situation, alors que nous accusons déjà un énorme retard du fait du diktat imposé par l'industrie nucléaire, qui absorbe des milliards de financement et ne laisse que quelques millions aux énergies non conventionnelles.

Les conséquences pourraient être dramatiques pour le développement industriel des énergies renouvelables, qui subissent déjà un énorme retard. Les tentatives de développer industriellement la production d'énergies renouvelables – photovoltaïque, éolienne ou autre – sont étouffées. Nous l'avons encore constaté avec le budget pour 2011 qui a réduit les subventions qui leur étaient destinées. Ce faisant, nous aggravons notre retard par rapport à l'Allemagne.

Vous nous proposez de continuer dans cette voie, si bien que nous serons confrontés d'un côté à l'absurdité du nucléaire et, de l'autre, à l'absurdité des gaz de schiste. Les émissions de gaz à effet de serre continueront de se développer, l'industrie liée aux énergies renouvelables reculera et les possibilités de création d'emplois qu'elle porte, bien plus importantes que dans le nucléaire ou l'exploitation des gaz de schiste, en seront affectées.

Chercher à exploiter jusqu'à la dernière goutte de pétrole sur notre planète ne fait que repousser les échéances inéluctables auxquelles nous sommes confrontés et risque de provoquer, voire d'amplifier l'emballement du réchauffement climatique, le portant à un point où nous ne saurons plus le maîtriser. Les derniers rapports indiquent que nous avons déjà dépassé une augmentation de deux degrés à l'échelle de la planète et que nous allons vers les quatre degrés d'augmentation.

Continuer dans cette voie est totalement irresponsable. Il faut consacrer tous nos efforts d'investissement aux économies d'énergie, à l'efficacité énergétique, au développement de l'ensemble des énergies renouvelables au lieu de s'accrocher à un modèle qui appartient au passé.

Finalement, toutes les rodomontades de l'UMP ont fait « pschitt ». Nous voici face à une opération politicienne qui consiste uniquement à repousser les décisions après les échéances de 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Nous sommes toutefois confiants : les électeurs sauront faire le tri entre ceux qui défendent leurs convictions et ceux qui font semblant.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Les députés du Front de gauche voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, Christian Jacob s'est dit estomaqué, et le groupe socialiste me paraît quelque peu ratatiné par les excellents arguments qu'il a pu développer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Mobilisé depuis plusieurs mois par la problématique de l'exploration et de l'exploitation des gaz de schiste, c'est avec satisfaction et avec un certain soulagement que je prends la parole aujourd'hui pour ce qui est la dernière phase de ce dossier – du moins faut-il l'espérer, compte tenu de l'éventualité d'une saisine du Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Ce dossier était complexe car des enjeux environnementaux lourds étaient en cause. Il arrive à sa conclusion en donnant une totale satisfaction à ceux et à celles qui, comme moi, se sont mobilisés pour préserver leurs territoires.

La CMP nous a permis de revenir globalement au texte voté par notre assemblée le 11 mai dernier, texte approuvé à l'unanimité par les députés du groupe SRC en commission avant qu'ils n'adoptent une regrettable posture politicienne lors du vote en séance publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

La présente proposition de loi, dans sa dernière mouture, a le mérite d'être effective, transparente et, surtout, juridiquement solide.

Effective, tout d'abord, en ce qu'elle interdit toute exploitation d'hydrocarbures par la technique de l'hydrofracturation. C'était le point central de notre combat car cette technique n'est pas maîtrisée et a des impacts négatifs sur notre environnement. Son interdiction n'était pas négociable. C'est la raison pour laquelle, en CMP, j'ai soutenu l'amendement de Michel Havard supprimant la dérogation introduite par le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Ce texte est, en second lieu, transparent. Depuis le début, je n'ai eu de cesse de dénoncer l'opacité dans laquelle les permis exclusifs d'exploration ont été établis, ainsi que le manque d'informations dont les élus de la nation disposent. C'est seulement à la suite d'une demande déposée auprès de commission d'accès aux documents administratifs que j'ai pu avoir connaissance de l'ensemble des documents administratifs concernant la délivrance de ces permis.

Il était important que, dans ce dossier, tout soit fait dans la plus grande transparence : c'est acquis grâce à l'adoption d'un amendement que j'ai déposé, et qui oblige les détenteurs de permis exclusifs de recherche à faire état des techniques qu'ils entendent utiliser.

J'ai entendu çà et là qu'il suffirait aux entreprises de pratiquer l'hydrofracturation sans le dire – notre collègue Yves Cochet a parlé de « kärcher souterrain ». Grâce à la disposition introduite par cet amendement, ce ne sera pas possible, car ils seront soumis au contrôle des acteurs locaux, dont la mobilisation ces derniers mois a montré la détermination à empêcher la dénaturation de leurs territoires. En outre, le Parlement sera informé chaque année de l'évolution des techniques et pourra ainsi en débattre en toute connaissance de cause. La nécessaire transparence est donc acquise.

Ce texte, enfin, est juridiquement solide. La version initiale déposée par Christian Jacob, auquel je m'étais pleinement associé, comportait quelques aléas juridiques. À la première question prioritaire de constitutionnalité, tout le dispositif législatif aurait pu tomber, comme l'a très bien montré le rapporteur.

Grâce au travail de nos deux rapporteurs, appartenant l'un au groupe socialiste et l'autre à l'UMP, nous avons pu, en commission, modifier le texte initial, main dans la main avec nos collègues socialistes, pour lui donner sa forme actuelle qui garantit une solidité juridique au dispositif.

Quand je regarde le chemin parcouru en cinq mois, je ne peux que me féliciter car rien n'était gagné d'avance. Lorsque nous avons créé, avec Pascal Terrasse, le comité parlementaire de surveillance et de précaution sur le gaz de schiste, nous n'étions pas nombreux à nous mobiliser : très peu de gens avaient entendu parler du gaz de schiste, même chez les écologistes. Aujourd'hui, nous pouvons refermer avec satisfaction ce dossier, grâce à la mobilisation des élus locaux, des citoyens, des parlementaires mais également du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Je regrette simplement que ce texte ne recueille pas l'unanimité et que la politique ait repris le dessus. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Pour répondre à Pascal Terrasse, je dirai que ce texte n'a pas de caractère « environnementalicide » comme il le dit puisque, au contraire, il préserve durablement notre environnement en interdisant l'hydrofracturation.

S'il s'était agi de votre texte, chers collègues du groupe SRC, vous l'auriez adopté

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Notre proposition avait le mérite d'être claire !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Aujourd'hui, seul le buzz médiatique vous intéresse.

Enfin, je souhaite saluer François-Michel Gonnot et Philippe Martin pour les conclusions de leur mission d'information, qui confortent pleinement mon analyse des dangers de l'exploitation gazière dans la zone des Causses-Cévennes, puisqu'ils se sont déclarés « particulièrement dubitatifs et même réticents devant la perspective d'une exploitation gazière réalisée sur ces territoires » et que la complexité des sols et la spécificité du réseau hydrologique les incite à « la plus grande prudence ».

Je suis heureux que la Lozère ait su se mobiliser à travers l'action d'élus comme André Baret, maire d'Hures-la-Parade, ou de simples citoyens, membres de collectifs contre les gaz de schiste. Cette action fut d'autant plus importante que notre département a déposé sa candidature pour être classé au patrimoine de l'UNESCO, en cours de discussion cette semaine.

Le texte issu de la CMP garantit les avancées que nous avons votées il y a un mois dans cette assemblée et permet de régler définitivement ce dossier, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Sur le vote de l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Chanteguet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me paraît utile et nécessaire, au terme de l'examen de cette proposition de loi, de tirer les enseignements de cette phase parlementaire et politique tout à fait exceptionnelle. Tous ceux, citoyens et élus, qui se sont mobilisés dans les territoires pour s'opposer à la mise en oeuvre des autorisations accordées dans la plus grande opacité, s'adressaient avant tout au ministre qui les avait attribuées afin de procéder à leur annulation.

Face au mutisme et à l'inaction du Gouvernement, les parlementaires de toutes sensibilités ont considéré que la responsabilité leur revenait de se faire l'écho des préoccupations exprimées et de les porter à travers différentes propositions de loi.

Derrière la proposition de loi déposée par Jean-Marc Ayrault se trouvait une passagère clandestine, la proposition de loi du groupe UMP, qui fit seule l'objet d'une déclaration d'urgence avec inscription à l'ordre du jour du 10 mai, manoeuvre que nous tenons à nouveau à dénoncer, cher Christian Jacob.

C'est seulement lorsque le groupe SRC a inscrit son propre texte à l'ordre du jour de sa niche parlementaire du 12 mai que le Gouvernement a dû accepter le débat sur un sujet dont chacun, aujourd'hui, reconnaît qu'il n'est pas mineur, puisqu'il peut constituer, demain, un marqueur de notre stratégie énergétique.

C'est aussi à l'honneur du Parlement de s'être saisi de ce dossier dont l'importance et les enjeux, tant financiers qu'environnementaux, n'auraient dû échapper à personne, et surtout pas aux responsables de ce Gouvernement.

Alors que régnait entre nous, il y a encore quelques semaines, une certaine unanimité – le Premier ministre n'a-t-il pas déclaré qu'il soutenait les propositions de loi déposées ? –, comment expliquer que le texte proposé ne soit pas en mesure de nous réunir ?

Je crois tout d'abord que nous avions sous-estimé un désaccord profond, exprimé très clairement par les rapporteurs de la mission d'information qui a rendu ses conclusions le 8 juin dernier. En effet, quand François-Michel Gonnot considère qu'il « sera opportun, un jour, que notre pays se pose la question de savoir s'il ne vaudrait pas mieux produire sur notre territoire les quantités de gaz et de pétrole qui nous sont indispensables, plutôt que de les importer », Philippe Martin pense que « la France doit […] renoncer aux gaz de schiste […] car, dans le cas contraire, elle tournera le dos à la nécessaire transition environnementale qu'imposent l'état de la planète et celui de nos ressources naturelles ».

Je crois ensuite que la volonté, affirmée très fortement par les sénateurs de la majorité, de mettre en oeuvre des projets scientifiques d'expérimentation, donc des opérations de facturation hydraulique entraînant de lourdes conséquences pour l'environnement, ne peut recueillir notre assentiment.

Je crois enfin que les hésitations que nous avons relevées et constatées au niveau gouvernemental n'ont contribué ni à clarifier le débat ni à accompagner les parlementaires dans leur réflexion.

En effet, si l'engagement politique du Premier ministre était incontestable lorsqu'il a reconnu le 13 avril dans cet hémicycle la nécessité d'« annuler les autorisations déjà données », qui l'avaient été « dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes », les déclarations faites par Mme la ministre de l'écologie, lors de la discussion au Sénat, ne pouvaient qu'accroître la confusion, puisqu'elle indiquait que, si l'on n'abroge pas les permis, c'est pour « ne pas être contraint de payer des dédits absolument effrayants aux industriels » – avec l'argent du contribuable –, ajoutant même que « l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels [risquait] d'accentuer les changements climatiques » et de « retarder le développement des énergies renouvelables ».

Nous pouvons affirmer aujourd'hui qu'à notre grand regret, le texte qui sera voté pourra être, sans aucune difficulté, contourné par les industriels.

L'analyse de l'article 2 faite par Arnaud Gossement est, à cet égard, riche d'enseignements : « La loi met en place une procédure totalement originale […] dont la portée est aussi complexe que le sens. Il s'agit d'une abrogation par la loi d'un acte administratif, différée de deux mois et conditionnée à l'intervention du bénéficiaire du permis lui-même ». Et de conclure : « En somme, l'avenir des permis exclusifs de recherche dépend de leurs bénéficiaires. »

Ce que confirme M. de Margerie, PDG de Total, qui a déclaré devant ses actionnaires – avec, je le crains, une certaine morgue – que « ce qui a été voté n'exclut pas la possibilité pour les compagnies de rester titulaires de leurs droits miniers, ce qui est d'ailleurs assez habile de la part » des auteurs du texte. « On va garder nos droits, et puis faire en sorte qu'un jour les gens comprennent qu'on peut faire de la fracturation hydraulique de manière propre », a-t-il ajouté.

Tout est dit. Invoquant tour à tour des raisons juridiques ou financières, vous ne vous êtes pas donné, madame la ministre, les moyens de tenir les engagements pris, ici même, par le Premier ministre.

Demain, c'est-à-dire dans un peu plus de deux mois, vous devrez faire face aux réactions des élus locaux et des populations qui auront le sentiment d'avoir été trompés. Alors que les politiques avaient su s'approprier ce débat, il est à craindre que le texte voté ne les décrédibilise encore un peu plus aux yeux des citoyens, ce qu'ils ne peuvent pourtant guère se permettre, compte tenu des sentiments de méfiance et de défiance qu'ils suscitent déjà.

Au-delà du vote de chacun, l'examen de cette proposition de loi nous aura montré l'obsolescence de certaines dispositions du code minier.

C'est pourquoi, tous, à nouveau, nous insistons auprès du Gouvernement pour qu'il inscrive sa réforme dans les meilleurs délais à l'ordre du jour de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, dernière oratrice inscrite dans la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si aujourd'hui on devait rendre hommage à Nicolas Boileau, disparu il y a exactement trois cents ans, ce ne serait certainement pas en lui dédiant ce texte élaboré par la CMP.

En effet, qu'aurait bien pu penser de ce texte fumeux, qui entretient l'opacité et le flou les plus complets quant à l'exploration et l'exploitation des gaz et huiles de schistes, l'auteur de la formule : « Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément » ? (Sourires.)

Une fois de plus, la majorité nous mène en bateau ; une fois de plus, on noie le poisson : rien dans ce texte, absolument rien, ne permet de dire qu'il n'y aura jamais d'exploration et d'exploitation des gaz de schiste sur notre territoire ! Mais le Gouvernement et la majorité préfèrent temporiser et entretenir l'ambiguïté.

Le seul texte qui serait compréhensible par nos concitoyens tiendrait en quelques lignes : « L'exploration et l'exploitation d'huiles et gaz ne sont pas autorisés sur le territoire national. Les permis délivrés ou en cours de délivrance sont abrogés. »

Le problème, c'est que le Gouvernement qui a délivré des permis, en catimini, à des grands groupes énergétiques, parfois dirigés par des amis – le groupe Toreador, par exemple – ne veut pas se déjuger. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

C'est la raison d'être de l'article 2, article que nous avions déjà condamné lors de la première lecture et dans lequel on demande aux grands groupes énergétiques de remettre un rapport deux mois après la délivrance d'un permis.

Dans ce rapport, les industriels devront jurer la main sur le coeur qu'ils ne pratiquent pas la fracturation hydraulique lors de leurs travaux d'exploration. Il leur suffira donc de ne pas appeler un chat un chat pour faire prendre des vessies pour des lanternes à l'autorité administrative qui leur aura délivré le permis, laquelle autorité confirmera leur permis. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. — Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Il ne pourra en être autrement puisque de toutes façons, au risque de nous répéter, il n'existe aucune alternative à la fracturation hydraulique de la roche !

Mais il y a plus grave encore. Le Sénat a rajouté un article 1er bis et un article 4 qui ouvrent la voie à la légalisation de la fracturation hydraulique.

L'article 1er bis crée ce que le général de Gaulle appelait un « comité Théodule » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : en l'occurrence, une commission nationale d'orientation, de suivi, d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux – rien de moins !

Ce comité, sous couvert de travaux à visée scientifique, aura pour objet « d'évaluer les risques environnementaux liés aux techniques de fracturation hydraulique ». Autrement dit, une fois de plus, on reconnaît – alors qu'on est censé les interdire – les expérimentations par fracturation hydraulique.

La seule raison d'être de ce comité est donc d'évaluer les risques liés à ce procédé. Mais les risques, on les connaît ! Ils sont, du reste, décrits, et de façon claire, dans le rapport de Philippe Martin et François-Michel Gonnot.

Cela veut dire très clairement que le Gouvernement, s'il en a jamais eu la tentation, refuse maintenant de renoncer à l'exploration et à l'exploitation des hydrocarbures schisteux, et donc à la facturation hydraulique.

C'est la raison pour laquelle, du reste, Nicolas Sarkozy…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

…a d'ores et déjà assuré le Premier ministre polonais Donald Tusk de la neutralité de la France pour le développement en Pologne de l'exploitation de ces hydrocarbures schisteux.

On va ainsi s'asseoir sur les promesses du Grenelle, ne pas favoriser les énergies alternatives et douces et exploiter une énergie fossile en procédant à un véritable massacre écologique.

Quand Joseph Caillaux, le père de l'impôt sur le revenu, qui, entre nous, aurait eu une bien mauvaise surprise s'il avait pu avoir connaissance des propositions gouvernementales étudiées récemment dans le projet de loi de finances rectificative,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

…se souvenait des années de combat qu'il avait dû mener pour imposer cet outil de justice sociale, il évoquait une « commission sénatoriale qui mettait en oeuvre les procédés dilatoires trop souvent en honneur au Luxembourg, étudiait, réétudiait, approuvait, désapprouvait, atermoyait ».

Le gouvernement agit de même depuis bientôt un an sur les gaz de schiste : ce ne sont que temporisation, manoeuvres dilatoires, atermoiements et retours à la case départ.

Nous, nous voulons un texte simple, un texte qui opère une distinction claire entre hydrocarbures conventionnels et non conventionnels ; nous voulons un texte qui remette à plat le code minier, et qui soumette toute délivrance de permis à une enquête publique préalable, à une étude d'impact et à une consultation du public ; nous voulons un texte qui abroge les permis déjà délivrés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

Aucune de ces exigences n'est présente dans ce texte.

Et tout ceci arrive au moment même où la France doit plaider pour l'inscription des Causses et des Cévennes au patrimoine mondial de l'humanité ! Quel paradoxe !

Face aux risques encourus par nos concitoyens et nos territoires, je vous invite, mes chers collègues, à voter contre ce texte qui ne règle rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Aujourd'hui, ne pas interdire, c'est autoriser : voilà, je crois, le sens de ce texte. La CMP a choisi l'option la plus forte, puisque le texte du Sénat laissait planer un doute : vous revenez pour l'essentiel au texte de l'Assemblée nationale, et je crois que c'était attendu.

Réclamer l'abrogation, c'est arriver au même résultat en passant par la case « indemnisation », ce que personne ici ne souhaite.

Bref, je voudrais vous féliciter et vous remercier pour les choix opérés par ce texte. Je voudrais aussi vous faire part d'un regret et d'une espérance : très souvent, dans cet hémicycle, nous réussissons à mener des débats consensuels, ouverts, sur les questions environnementales – au début ; mais au moment du vote, la gauche s'arrête.

Cela a été le cas sur la Charte de l'environnement et le principe de précaution, où le débat a été de qualité.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Cela a été le cas sur le Grenelle de l'environnement : alors que le Grenelle 1 a été voté à l'unanimité, la gauche s'est arrêtée et n'a pas voté le Grenelle 2. C'est encore le cas aujourd'hui sur ce texte de mise en oeuvre du principe de précaution. C'est dommage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans les explications de vote, la parole est à M. Pascal Terrasse, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

On sait bien comment vous allez voter, ça ne vaut pas la peine de donner des explications !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

J'ai le sentiment que certains sont agacés par ce texte et préféreraient aller à la Fête de la musique ; s'ils se sentent concernés, qu'ils évitent les hurlements !

J'ai été surpris, je le dis, de la qualité des débats qui se sont tenus à propos de ce texte de la commission mixte paritaire ; j'ai été également surpris par les propos très durs du président du groupe UMP. Je voudrais tout de même lui rappeler que lui et ses amis ne peuvent pas avoir raison seuls contre tous. Il me semble qu'au moins quatre groupes organisés sont représentés à l'Assemblée nationale ; or j'ai cru comprendre, en écoutant les uns et les autres, que seul le groupe UMP allait voter ce texte.

Alors peut-être avez-vous raison contre toutes et tous, mais en l'occurrence vous avez, je crois, encore une fois raconté des histoires.

Monsieur Jacob, je voudrais vous dire combien j'ai été surpris de l'aplomb avec lequel vous avez dit ici, à la tribune de l'Assemblée nationale, que M. Terrasse n'aurait pas pris la parole lors de la réunion de la commission du développement durable !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Pourquoi parlez-vous de vous-même à la troisième personne ? Détendez-vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Je vais donc parler de moi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Je vous renvoie, monsieur Jacob, au compte rendu, qui compte soixante-treize pages : j'ai bien dû intervenir une dizaine de fois.

Je voudrais aussi vous dire que, sur l'article 2, je suis intervenu sur l'un de nos amendements, qui était très précis et que je tiens à votre disposition. Sa rédaction était très simple : « Les permis de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux sont abrogés avec effet rétroactif. »

Vous n'avez pas souhaité voter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Vos collègues socialistes ne l'ont pas voté non plus ! Pourquoi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Depuis le début de ce débat, nous ne sommes pas d'accord. Qui, au fond, a changé : le groupe socialiste, ou le groupe UMP ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) J'essaye de regarder le texte que vous aviez vous-même présenté, monsieur Jacob : le texte de l'article 2 était identique au nôtre ! Entre-temps, vous avez changé. Pourquoi ?

C'est, je crois, que nous n'avons pas les mêmes amis. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Vous avez cité José Bové ; je vous le dis : je suis fier d'être son ami.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Très bien ! Moi aussi, d'ailleurs ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Vous auriez pu citer vos amis, ceux qui aujourd'hui ont obtenu un certain nombre de permis – je pense en particulier à la famille Balkany ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Nous n'avons donc pas les mêmes amis, nous n'avons pas non plus les mêmes intérêts, et je peux comprendre votre malaise. Mme la ministre nous dit qu'elle interdit la recherche des gaz de schiste, mais vous avez réintroduit, avec vos collègues sénateurs, la notion d'expérimentation. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Très concrètement, cela veut dire que vous interdisez d'un côté pour autoriser de l'autre. (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.) Nous ne pouvons plus vous croire. Aujourd'hui, les collectifs, toutes celles et tous ceux qui se battent, dans nos territoires, contre les gaz de schiste, ne nous font plus confiance.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

C'est la raison pour laquelle le parti socialiste votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Madame la ministre, vous vous demandez pourquoi les discussions sur les textes relatifs à l'environnement se terminent toujours mal : c'est pour la simple raison que le Gouvernement et l'UMP n'arrivent jamais, sur ces questions, à aller jusqu'au bout de la cohérence. Si vous aviez un peu plus de volonté politique, un souci plus grand de répondre rapidement à la crise écologique, nous pourrions nous retrouver sur les textes environnementaux. Malheureusement, si cela ne commence pas trop mal, à chaque fois vous cédez, sans reprendre l'expression employée par M. Jacob, à la pression de certains groupes, et les reculs se succèdent au fil du débat parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Vous, vous ne risquez pas de reculer, vous ne savez pas où vous allez !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Nous ne pouvons donc pas voter les textes que vous nous proposez.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 142

Nombre de suffrages exprimés 142

Majorité absolue 72

Pour l'adoption 96

Contre 46

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures :

Projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures trente.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma