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Intervention de Germinal Peiro

Réunion du 21 juin 2011 à 15h00
Interdiction de la fracturation hydraulique — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGerminal Peiro :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, nous voici à nouveau dans l'hémicycle pour examiner une proposition de loi qui, à bien des égards, ne permet ni d'apaiser la colère de nos concitoyens, ni de répondre à leurs attentes en matière de politique énergétique.

Le groupe socialiste, radical et citoyen souhaite, madame la ministre, vous dire une nouvelle fois, une dernière fois, son rejet de ce texte, qui se contente d'interdire une technique qu'il omet par ailleurs de définir.

Cette proposition de loi est contestable depuis le début. D'abord, parce qu'elle a été examinée dans un contexte qui n'honore ni la République, ni les principes qu'elle devrait défendre. Ce texte a été motivé par le dépôt, en mars dernier, d'une proposition de loi de notre groupe, qui devait être examinée en séance publique lors de la journée qui lui était réservée, le 12 mai. C'est alors que le Gouvernement a décidé d'inscrire un autre texte à l'ordre du jour, et de l'y inscrire le 10 mai, soit deux jours avant. Il a ainsi, ni plus ni moins, offert à sa majorité l'opportunité de rayer de l'ordre du jour défini près d'un mois plus tôt l'examen du texte du groupe socialiste.

Celui-ci était clair. Il visait à interdire toute exploration et toute exploitation des gaz de schiste, ainsi qu'à abroger les permis accordés. Par contre, avec le texte dont nous débattons aujourd'hui, vous vous êtes contentés de répondre hâtivement à la mobilisation citoyenne contre le gaz de schiste, tout en ménageant les intérêts des industriels.

Depuis le début, vous n'aviez pas l'intention de saisir la chance que ce débat nous offrait de lancer une réflexion sereine sur la politique énergétique du pays. Pour être plus clair, vous n'aviez pas l'intention de vous situer dans le cadre d'un projet politique intelligible. La preuve en est que le Gouvernement, qui avait délivré les permis quelques mois avant l'examen de la loi « Grenelle 2 », n'a cessé, depuis, de se poser en fervent opposant à la transition énergétique.

La préparation de l'ère post-pétrole, que ce texte semblait préparer, s'est révélée une illusion. La politique énergétique de la majorité n'a pas bougé depuis le timide élan du Grenelle de l'environnement, ni depuis la déception de Copenhague, qui fut un échec de la communauté internationale, mais qui aurait pu permettre à la France de rebondir et de reprendre le leadership dans la lutte contre le changement climatique en s'engageant dans des programmes innovants d'efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables. Enfin, comment passer sous silence l'accident de Fukushima ?

Le manque d'ambition de ce texte peu clair et très controversé nous révèle, en fait, qu'il n'est le fruit d'aucune volonté de changement, mais a simplement été déposé dans le but de calmer la colère grandissante de la population, à la veille d'échéances politiques majeures.

Relevons ici les propos du Premier ministre et du ministre chargé de l'industrie et de l'énergie, qui ne ferment pas la porte à l'exploitation des gaz et huiles de schiste.

Leurs arguments – demande de pétrole en forte croissance, augmentation inéluctable du prix du baril, indépendance énergétique – sont imprégnés d'un productivisme aujourd'hui dépassé.

Face aux défis climatiques et environnementaux auxquels nous devons faire face, et suite au Grenelle de l'environnement, il apparaît totalement inopportun de chercher à exploiter la dernière goutte de pétrole ou le dernier mètre cube de gaz potentiellement présents sous nos pieds. Un tel choix politique enfermerait davantage la France dans sa dépendance aux énergies fossiles et sacrifierait le développement des énergies renouvelables.

Selon le Centre d'analyse stratégique, les conséquences d'une exploitation de mines de gaz de schiste sur le mix énergétique européen de 2020, tel que prévu dans le troisième paquet climat-énergie – c'est le « trois fois vingt », décliné en France dans le Grenelle de l'environnement – peuvent être importantes, tant en termes d'émission de gaz à effet de serre, surtout si l'on considère l'ensemble de la chaîne, qu'en termes de développement des énergies renouvelables, qu'il faudra subventionner de manière plus importante si l'on veut atteindre l'objectif fixé, soit 20 % de la production d'énergie finale. Et pourtant, le Gouvernement souhaite engager la France sur cette voie insensée.

Enfin, ce texte nous démontre aisément, une nouvelle fois, que les parlementaires de la majorité sont plus sensibles aux réclamations des industriels – en l'espèce, le puissant lobby des pétroliers – qu'aux protestations des populations et à la défense de notre environnement. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Dès lors, nous sommes, une fois encore, en droit de nous interroger sur la concrétisation des bonnes paroles du Grenelle de l'environnement : plus de transparence, une société durable où la prospérité économique irait de pair avec le progrès social et la protection de l'environnement.

Le texte qui nous est soumis n'a plus rien à voir avec la proposition du groupe socialiste. Celle-ci a été tout bonnement vidée de son objectif originel, qui était d'interdire l'exploration des gaz et huiles de schiste et d'abroger purement et simplement les permis litigieux. Elle a laissé la place à un texte téléguidé par les lobbyistes à la recherche de pétrodollars.

Premièrement, le texte sur lequel nous devons nous prononcer n'interdit plus l'exploration et l'exploitation des gaz et huiles de schiste, mais se contente d'interdire le recours à la technique de la fracturation hydraulique, sans pour autant, comme je l'ai déjà indiqué, définir ce qu'il entend par là. Cela offre aux pétroliers la possibilité de déclarer qu'ils n'auront pas recours à cette technique interdite, mais, comme nous avons déjà pu le lire dans la presse, à celle du « carottage vertical », à la « perforation horizontale de la roche mère », ou à toute autre technique actuellement expérimentée aux États-Unis, comme la « fracturation pneumatique » qui consiste à injecter, non pas de l'eau, mais de l'air comprimé dans la roche mère afin de la désintégrer, ou encore à la fracturation par injection de propane gélifié.

L'imagination humaine n'a pas de limites : peu importent, finalement, les conséquences sanitaires et environnementales des autres techniques, à l'impact tout aussi fort sur l'environnement que la fracturation qui fait l'objet de l'interdiction, toute relative, de l'article 1er.

L'article 1er interdit en effet la fracturation hydraulique en raison de son impact avéré sur les ressources hydriques, la qualité de l'air et du sous-sol, l'environnement et les paysages, tandis que l'article 4 permet au Gouvernement de définir les conditions de sa mise en oeuvre dans le cadre d'expérimentations. Ce qu'un article interdit au début du texte est permis dans un autre article, à la fin du texte. Où est la cohérence dans tout cela ?

Deuxièmement, ce texte de loi n'abroge plus les permis de recherches litigieux. Il oblige tout au plus les industriels titulaires de permis de recherches à transmettre à l'autorité compétente un rapport faisant état des techniques utilisées dans le cadre de l'exploration du sous-sol. S'ils admettent avoir prévu de recourir à la technique de fracturation hydraulique, leur permis sera abrogé.

Ce dispositif visant, selon vous, madame la ministre, à abroger les permis litigieux, est très peu convaincant. Pour tout dire, il confine même à l'arnaque intellectuelle. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

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