Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me paraît utile et nécessaire, au terme de l'examen de cette proposition de loi, de tirer les enseignements de cette phase parlementaire et politique tout à fait exceptionnelle. Tous ceux, citoyens et élus, qui se sont mobilisés dans les territoires pour s'opposer à la mise en oeuvre des autorisations accordées dans la plus grande opacité, s'adressaient avant tout au ministre qui les avait attribuées afin de procéder à leur annulation.
Face au mutisme et à l'inaction du Gouvernement, les parlementaires de toutes sensibilités ont considéré que la responsabilité leur revenait de se faire l'écho des préoccupations exprimées et de les porter à travers différentes propositions de loi.
Derrière la proposition de loi déposée par Jean-Marc Ayrault se trouvait une passagère clandestine, la proposition de loi du groupe UMP, qui fit seule l'objet d'une déclaration d'urgence avec inscription à l'ordre du jour du 10 mai, manoeuvre que nous tenons à nouveau à dénoncer, cher Christian Jacob.
C'est seulement lorsque le groupe SRC a inscrit son propre texte à l'ordre du jour de sa niche parlementaire du 12 mai que le Gouvernement a dû accepter le débat sur un sujet dont chacun, aujourd'hui, reconnaît qu'il n'est pas mineur, puisqu'il peut constituer, demain, un marqueur de notre stratégie énergétique.
C'est aussi à l'honneur du Parlement de s'être saisi de ce dossier dont l'importance et les enjeux, tant financiers qu'environnementaux, n'auraient dû échapper à personne, et surtout pas aux responsables de ce Gouvernement.
Alors que régnait entre nous, il y a encore quelques semaines, une certaine unanimité – le Premier ministre n'a-t-il pas déclaré qu'il soutenait les propositions de loi déposées ? –, comment expliquer que le texte proposé ne soit pas en mesure de nous réunir ?
Je crois tout d'abord que nous avions sous-estimé un désaccord profond, exprimé très clairement par les rapporteurs de la mission d'information qui a rendu ses conclusions le 8 juin dernier. En effet, quand François-Michel Gonnot considère qu'il « sera opportun, un jour, que notre pays se pose la question de savoir s'il ne vaudrait pas mieux produire sur notre territoire les quantités de gaz et de pétrole qui nous sont indispensables, plutôt que de les importer », Philippe Martin pense que « la France doit […] renoncer aux gaz de schiste […] car, dans le cas contraire, elle tournera le dos à la nécessaire transition environnementale qu'imposent l'état de la planète et celui de nos ressources naturelles ».
Je crois ensuite que la volonté, affirmée très fortement par les sénateurs de la majorité, de mettre en oeuvre des projets scientifiques d'expérimentation, donc des opérations de facturation hydraulique entraînant de lourdes conséquences pour l'environnement, ne peut recueillir notre assentiment.
Je crois enfin que les hésitations que nous avons relevées et constatées au niveau gouvernemental n'ont contribué ni à clarifier le débat ni à accompagner les parlementaires dans leur réflexion.
En effet, si l'engagement politique du Premier ministre était incontestable lorsqu'il a reconnu le 13 avril dans cet hémicycle la nécessité d'« annuler les autorisations déjà données », qui l'avaient été « dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes », les déclarations faites par Mme la ministre de l'écologie, lors de la discussion au Sénat, ne pouvaient qu'accroître la confusion, puisqu'elle indiquait que, si l'on n'abroge pas les permis, c'est pour « ne pas être contraint de payer des dédits absolument effrayants aux industriels » – avec l'argent du contribuable –, ajoutant même que « l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels [risquait] d'accentuer les changements climatiques » et de « retarder le développement des énergies renouvelables ».
Nous pouvons affirmer aujourd'hui qu'à notre grand regret, le texte qui sera voté pourra être, sans aucune difficulté, contourné par les industriels.
L'analyse de l'article 2 faite par Arnaud Gossement est, à cet égard, riche d'enseignements : « La loi met en place une procédure totalement originale […] dont la portée est aussi complexe que le sens. Il s'agit d'une abrogation par la loi d'un acte administratif, différée de deux mois et conditionnée à l'intervention du bénéficiaire du permis lui-même ». Et de conclure : « En somme, l'avenir des permis exclusifs de recherche dépend de leurs bénéficiaires. »
Ce que confirme M. de Margerie, PDG de Total, qui a déclaré devant ses actionnaires – avec, je le crains, une certaine morgue – que « ce qui a été voté n'exclut pas la possibilité pour les compagnies de rester titulaires de leurs droits miniers, ce qui est d'ailleurs assez habile de la part » des auteurs du texte. « On va garder nos droits, et puis faire en sorte qu'un jour les gens comprennent qu'on peut faire de la fracturation hydraulique de manière propre », a-t-il ajouté.
Tout est dit. Invoquant tour à tour des raisons juridiques ou financières, vous ne vous êtes pas donné, madame la ministre, les moyens de tenir les engagements pris, ici même, par le Premier ministre.
Demain, c'est-à-dire dans un peu plus de deux mois, vous devrez faire face aux réactions des élus locaux et des populations qui auront le sentiment d'avoir été trompés. Alors que les politiques avaient su s'approprier ce débat, il est à craindre que le texte voté ne les décrédibilise encore un peu plus aux yeux des citoyens, ce qu'ils ne peuvent pourtant guère se permettre, compte tenu des sentiments de méfiance et de défiance qu'ils suscitent déjà.
Au-delà du vote de chacun, l'examen de cette proposition de loi nous aura montré l'obsolescence de certaines dispositions du code minier.
C'est pourquoi, tous, à nouveau, nous insistons auprès du Gouvernement pour qu'il inscrive sa réforme dans les meilleurs délais à l'ordre du jour de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)