Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Philippe Vuilque

Réunion du 21 juin 2011 à 15h00
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vuilque :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, après l'examen en commission mixte paritaire, nous arrivons à la fin de la discussion du texte relatif à la bioéthique. Depuis le début de nos travaux, le débat a été riche, particulièrement intéressant tant à l'Assemblée qu'au Sénat et a donné lieu à des prises de position qui ont transcendé les appartenances politiques. Nous devons rendre hommage à la qualité des travaux, à Alain Claeys, président de la commission spéciale, et à Jean Leonetti, rapporteur du projet, qui a défendu ses convictions avec beaucoup de talent. Ce débat sur la bioéthique figure parmi ceux qui honorent notre assemblée.

Le texte que nous examinons aujourd'hui est donc celui issu de la commission mixte paritaire qui a examiné trente-six articles sur lesquels nos deux Assemblées étaient restées en désaccord. Paradoxalement, l'article le plus important – l'article 23 – relatif à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, n'était pas concerné, puisque voté conforme par le Sénat. Il n'en reste pas moins que ce débat sur l'interdiction-autorisation ou l'autorisation encadrée est resté constamment en toile de fond de nos discussions. La décision prise en CMP de réviser la loi tous les sept ans, issue d'un compromis entre nos deux Assemblées, en est l'illustration.

Les différents articles que nous avons examinés, quoique d'inégale portée, sont tous fondamentaux. Je me félicite particulièrement du rétablissement dans les termes de l'Assemblée nationale de l'article 19 portant sur l'autorisation de la congélation ultrarapide des ovocytes dans le cadre d'une AMP. Cette inscription dans la loi en permettra une application plus rapide.

Soulignons au passage que, parce que le Conseil d'État a considéré que la vitrification relevait de la recherche sur les embryons et qu'une dérogation était, par conséquent, indispensable, cette technique n'a pu être utilisée pendant trois ans. Trois ans perdus ! Cela montre que, contrairement à ce qui est affirmé, le régime d'interdiction-autorisation pose problème.

Nous pouvons également nous féliciter du retour au texte de l'Assemblée, s'agissant de l'article 20. En effet, le Sénat avait fixé à deux ans la stabilité du couple pour les personnes recourant à l'assistance médicale par procréation. Comme l'a souligné notre rapporteur, l'AMP est une demande médicale pour laquelle la stabilité du couple n'a pas à être prouvée. D'ailleurs, la durée de l'engagement pour une AMP est longue et excède souvent les deux ans. Nous devons continuer à considérer le couple sous l'angle médical et non social. Au-delà de cette durée de stabilité, je pense que le législateur ne doit pas s'immiscer dans la vie privée du couple. Comment pourrait-il d'ailleurs apprécier une stabilité du couple dans le temps et selon quels critères ?

Concernant la clause de révision de la loi relative à la bioéthique, à l'article 24 ter B, un large débat s'est engagé en CMP, le Sénat étant favorable au maintien de la clause de révision tous les cinq ans. Les positions ont évolué sur le sujet. Reconnaissons qu'à partir du moment où l'on accepte le principe d'interdiction avec dérogation, qui risque éventuellement de figer les décisions pour un certain temps, nous devons nous poser la question de la nécessité de réviser la loi à date fixe. Je rappelle que, si nous n'avions pas prévu cette révision dans la loi précédente, nous aurions rencontré de graves difficultés sur de nombreux sujets de recherche. La congélation rapide que j'ai évoquée tout à l'heure en est l'illustration. Force est de constater que la majorité UMP a été mise en difficulté sur cette question. Le compromis auquel sont parvenus le Sénat et l'Assemblée nationale sur un délai de sept ans en est l'illustration. Il est une garantie contre ce que j'appellerai « les accidents politiques éventuels », sachant qu'il n'est pas toujours facile de faire adopter certaines dispositions par l'Assemblée. La logique voudrait que, lorsque l'on est pour l'interdiction, le législateur ne maîtrisant pas les dérogations dont la conception peut d'ailleurs évoluer jusqu'à l'interdiction de toute recherche, il soit nécessaire de prévoir la révision de la loi. J'espère que le processus sera plus rapide et interviendra bien évidemment avant les sept ans prévus.

Enfin, dans sa grande sagesse, la CMP a supprimé les articles 24 octies à 24 duovicies reprenant des dispositions figurant dans la proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine, dispositions repoussées par l'Assemblée nationale. Cette réintroduction par le Sénat manifestait davantage un mouvement d'humeur de sa part, comme nous l'ont expliqué les sénateurs, et une arme de négociation avec le Gouvernement, qu'une véritable volonté d'intégrer cette proposition de loi dans le texte relatif à la bioéthique. Nous pouvons nous féliciter du rétablissement du texte de l'Assemblée qui supprime la référence à la proposition de loi.

Pour conclure, la CMP a été riche d'enseignements. Elle a montré la division du groupe UMP sur le sujet, bon nombre de sénateurs UMP, plus progressistes que leurs collègues de l'Assemblée, se déclarant favorables à l'autorisation de la recherche sur l'embryon. Ainsi, selon Alain Milon, rapporteur du texte au Sénat, cette position engendre l'ambiguïté et la peur, contrairement à la clarté et à la responsabilité. Il considère qu'en adoptant une interdiction de principe, nous ne respectons ni la transparence des décisions politiques ni la responsabilité de ceux qui les prennent. Pour lui, il faut soit interdire complètement, soit autoriser de manière encadrée. Interdire avec dérogation ne constitue pas un compromis, mais revient à faire prévaloir l'exception sur la règle, ce qui n'est pas conforme aux principes qui sous-tendent notre démocratie. C'est un choix de clarté et de responsabilité. On ne saurait mieux dire ! C'est, par conséquent, un rendez-vous manqué. Certains ont parlé de gâchis, mais n'allons peut-être pas jusque-là. Je pense simplement que nous commettons collectivement une erreur. De nombreux députés et sénateurs UMP le pressentent aussi, mais la pression de l'Élysée a été forte. Certains noms ont été cités tout à l'heure, mais il y en a d'autres ! Nous ne nous faisons aucune illusion sur le résultat du vote. Si, en 2012, nous sommes majoritaires, nous procéderons à un ajustement à la loi relative à la bioéthique et proposerons d'autoriser la recherche sur l'embryon. Là aussi, les choses doivent être claires.

Nous ne voterons donc pas ce texte qui n'est pas la hauteur de ce que nous espérons pour l'avenir de la recherche française sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion