Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, mesdames et messieurs les députés, le texte proposé aujourd'hui à votre adoption est un texte équilibré, qui recueille l'approbation du Gouvernement.
Je tiens à remercier les membres de la CMP, qui ont su trouver les compromis nécessaires sur les dispositions restant en discussion, sous la présidence éclairée de Jean Leonetti.
Ce texte, monsieur le rapporteur, est le fruit des échanges de très grande qualité que vous avez su promouvoir conjointement avec le président Alain Claeys depuis la mise en place de votre commission spéciale, voici trois ans. Je tiens particulièrement à saluer votre implication dans ces travaux, votre souci constant d'ouverture, de dialogue, et votre argumentation approfondie sur ces questions délicates.
La bioéthique touche à la question même de la vie humaine et de son commencement. Elle nécessite de concilier les principes éthiques, le progrès médical et scientifique, les attentes individuelles.
C'est au législateur qu'il revient de fixer les règles appropriées pour les équilibrer. Les équilibres instaurés ne sont pas immuables. Les évolutions de la science et de la société peuvent nécessiter de les adapter. Le législateur de 1994 avait souhaité soumettre l'ensemble des dispositions adoptées à une clause de révision à échéance de cinq ans. La dimension novatrice de la loi justifiait ce choix.
Près de vingt ans après l'adoption des premières lois de bioéthique, le socle des principes et des règles posées apparaît stabilisé. On peut estimer que la loi de bioéthique nécessite aujourd'hui davantage des adaptations qu'une remise en chantier périodique. C'était la position du Gouvernement. Le Sénat a néanmoins souhaité maintenir une clause de révision à échéance de cinq ans, portée à sept ans par la CMP. Le Gouvernement en prend acte.
Le texte soumis à votre adoption est équilibré. Il propose plus des ajustements que des bouleversements. Pour autant, les ouvertures sont réelles. (Protestations sur les bancs du groupe SRC) Elles répondent à deux préoccupations majeures : mieux répondre aux besoins des patients face aux techniques biomédicales ; promouvoir le débat public sur les questions de bioéthique.
Par ailleurs, les exigences du vivre ensemble ont conduit la représentation nationale à fixer des bornes claires aux évolutions de la loi, en conformité avec les choix du Gouvernement.
Je voudrais, en premier lieu, insister sur les avancées de ce texte, pour les patients et leurs droits, d'une part ; pour le débat public, d'autre part.
Le projet de loi conforte les droits des patients et des personnes face aux techniques biomédicales.
Premier point : les patients bénéficieront d'une information renforcée sur l'intérêt et les limites des applications biomédicales.
J'en prends trois exemples.
Premièrement, l'Agence de biomédecine mettra à leur disposition une information sur l'utilisation des tests génétiques. La femme enceinte se verra délivrer une information claire et loyale sur les examens de dépistage proposés dans le cadre du diagnostic prénatal. Le Sénat a souhaité – et il a été suivi par votre commission mixte paritaire – préciser que l'information devait, en outre, être adaptée à la situation de la femme enceinte. Pour être bien comprise, l'information doit, en effet, être personnalisée et répondre aux attentes de la patiente. Si la patiente ne souhaite pas être informée sur le dépistage prénatal, son choix doit, bien entendu, être respecté. Enfin, les résultats des centres d'AMP seront publiés.
Deuxième point : la protection des patients et de leurs droits fait l'objet d'une vigilance accrue.
En cas de diagnostic de maladie génétique grave chez un patient, les membres de sa parentèle pourront accéder au diagnostic et une prise en charge, dans le respect des souhaits de ce dernier. C'est l'article 1.
L'article 4 ter réprime pénalement la commande de tests génétiques en dehors des cas prévus par la loi, par exemple pour des tiers en dehors d'une prescription médicale.
L'article 5 quinquies A affirme la protection des donneurs d'organes vis-à-vis des discriminations en matière d'assurance.
Enfin, l'article 24 bis prévoit que les techniques d'imagerie cérébrale ne peuvent être utilisées qu'à des fins médicales et scientifiques, et doivent faire l'objet de recommandations de bonnes pratiques.
Dernier point : le don d'organes et de gamètes sera facilité.
Le projet de loi renforce, tout d'abord, l'information sur le don d'organe délivrée notamment aux jeunes, dans les établissements d'enseignement et lors des journées d'appel de la Défense. Ce sont les articles 5 bis et 5 septies.
La carte Vitale et le dossier médical personnel mentionneront la délivrance de cette information, comme le spécifient les articles 5 sexies et 5 ter.
Surtout, le champ des donneurs vivants est étendu. Le don croisé d'organes proposé par le Gouvernement est adopté. Vous avez souhaité aller au-delà et l'autoriser pour les personnes unies par des liens étroits et stables, d'une durée minimale de deux ans. C'est l'article 5.
Dans le champ de l'AMP, vous avez complété le projet initial sur deux points essentiels. Premièrement, vous avez autorisé expressément, à l'article 19, la vitrification des ovocytes, ce qui facilitera les parcours d'AMP. Bien entendu, il ne s'agit pas de vitrifier des ovocytes pour « convenance personnelle », c'est-à-dire pour retarder le moment de concevoir un enfant. Deuxièmement, avec l'article 19 A, vous avez étendu aux donneurs n'ayant pas procréé la possibilité de donner leurs gamètes, ce qui permettra de réduire la pénurie actuelle d'ovocytes en France.
Enfin, l'article 1A autorise la ratification de la convention d'Oviedo sur les droits de l'homme et la biomédecine, signée le 4 avril 1997.
En deuxième lieu, le projet de loi s'attache à promouvoir le débat public sur les questions de bioéthique, parce qu'il est indispensable de donner la parole aux citoyens dans ce domaine.
Tout d'abord, la transparence des recherches est renforcée. Le rapport de l'Agence de biomédecine comportera un bilan détaillé des avancées de la recherche sur l'embryon, notamment un comparatif des recherches sur les cellules souches embryonnaires et les autres cellules pluripotentes.
L'article 12 bis prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur les recherches relatives aux anomalies cytogénétiques et sur leur financement.
Ensuite, le champ des applications biomédicales relevant d'une veille éthique est étendu.
L'article 24 sexies prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur les enjeux éthiques des sciences émergentes.
L'article 24 ter prévoit un rapport du Comité consultatif national d'éthique sur le champ de compétences élargi de l'Agence de biomédecine.
Par ailleurs, les réformes dans le champ de la bioéthique seront obligatoirement soumises au débat public : C'est l'article 24 ter A.
Enfin, un débat annuel sera organisé au Parlement à l'occasion de la remise du rapport de l'Agence de biomédecine.
Pour conclure, le projet de loi écarte les évolutions qui fragiliseraient notre vivre ensemble dans le domaine de l'AMP et des recherches sur l'embryon.
Dans le domaine de l'AMP, tout d'abord, le projet de loi supprime la levée de l'anonymat sur les dons de gamètes. Vous avez en effet souhaité privilégier les liens éducatifs et affectifs sur les liens biologiques, et le Gouvernement s'est rallié à votre point de vue.
Le projet de loi confirme également la finalité médicale de l'AMP, réponse médicale à un problème médical.
Je le répète, il ne s'agit pas de porter un jugement sur les aspirations des individus, hommes et femmes, qui souhaitent accéder à l'AMP pour d'autres motifs que l'infertilité médicale. Il convient au contraire d'y être attentif et d'accompagner les personnes en souffrance. Pour autant, l'AMP doit rester une réponse médicale à un problème médical, et le projet de loi écarte en conséquence le recours à l'AMP pour d'autres motifs d'infertilité.
Le projet de loi rejette, enfin, le recours à l'AMP lorsqu'il met en jeu les principes éthiques fondamentaux : respect de la dignité humaine et refus de la marchandisation dans le cas de la grossesse pour autrui, intérêt supérieur de l'enfant dans le cas du transfert post mortem d'embryons.
Dans le domaine de recherches sur l'embryon, est appliqué le principe énoncé à l'article 2 de la convention d'Oviedo, à savoir que «l'intérêt et le bien de l'être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science ».
La science n'est pas au-dessus des lois et des principes éthiques, elle doit s'y conformer.
Le respect de la dignité humaine, l'exigence de protection de l'embryon et le refus de la marchandisation constituent, je le rappelle, le socle des lois de bioéthique.
C'est pourquoi le projet de loi maintient l'interdiction de principe des recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires.