Comme nous l'a sans cesse montré notre rapporteur, Jean Leonetti, le débat sur la bioéthique repose plutôt sur l'écoute, sur le dialogue, sur le respect mutuel, ce qui contribue non seulement à la forme, à l'ambiance du débat, mais aussi à la définition de son contenu. C'est tout l'honneur de notre pays que d'avoir su, dès 1994, se doter de lois sur la bioéthique. Avec cette loi de 2011, nous nous inscrivons dans ce qui est désormais une tradition, après de longs mois de réflexion qui ont mobilisé tous les acteurs concernés par ces questions et qui ont passionné nombre de nos concitoyens.
L'heure est donc à la conclusion de nos travaux. Je ne reprendrai pas, point par point, les choix que nous avons opérés. Nous en avons longuement débattu. Notons toutefois qu'en adoptant certains amendements, nous avons courageusement dit non à la dérive individualiste de notre société, qui s'exprime, par exemple, dans la revendication d'un droit à l'enfant. Nous avons pu, je le crois, défendre au maximum la dignité de la personne humaine et promouvoir à plusieurs reprises une éthique de la vulnérabilité qui protège le plus faible.
Je souhaiterais, à présent, évoquer trois des questions qui restent aujourd'hui en suspens et qui reviendront, sans aucun doute, dans les prochains mois au premier rang de l'actualité.
La première question concerne le diagnostic prénatal. Les amendements adoptés à l'article 9 tendaient à apporter quelque sérénité dans le dialogue entre le médecin et la femme enceinte et d'éviter la systématisation du dépistage, notamment de la trisomie 21. En effet, est-ce vraiment un progrès que de transformer les premières semaines de grossesse, qui devraient être source de joie et d'espérance partagée, en une période synonyme d'inquiétude, d'angoisse et de solitude ? De plus, je ne suis pas certain que nous ayons vraiment répondu à la question du risque de dérive eugéniste. Ce risque avait été pointé par le Premier ministre qui, dans sa saisine du Conseil d'État, le 11 février 2008, posait la question suivante : « Les dispositions encadrant les activités d'assistance médicale à la procréation et, en particulier, celles de diagnostic prénatal et de diagnostic préimplantatoire, garantissent-elles une application effective du principe prohibant toute pratique eugénique tendant à l'organisation et à la sélection des personnes ? » Trois ans plus tard, nous n'avons toujours pas répondu avec clarté à cette question. Mais je crois qu'aujourd'hui, elle est enfin posée dans le débat public et je suis convaincu que notre société restera très attentive, dans les mois qui viennent, à la réponse qui sera apportée notamment dans la mise en oeuvre de l'article 9 de cette loi relative à la bioéthique.
La deuxième question intéresse l'assistance médicale à la procréation. Dans ce domaine, les échanges ont été passionnés entre les uns, qui conçoivent exclusivement la filiation et la parenté comme une relation affective et éducative entre des adultes et des enfants, et les autres qui, tout en admettant l'importance de cette dimension affective, reconnaissent également une place spécifique à la dimension corporelle, à l'ancrage corporel de la filiation et de la parenté.
En prolongement de ce débat se profile une question cruciale : notre société doit-elle ou non reconnaître la différence sexuelle ? Nous savons bien que l'idéologie du gender, qui nie cette différence sexuelle, cherche à s'imposer dans notre pays par tous les moyens, comme en témoigne la récente polémique sur la propagande insidieuse contenue dans les programmes de SVT au lycée. La question de la différence sexuelle est donc clairement posée, et nous aurons à y répondre tout aussi clairement.
La troisième question concerne ce que nous pourrions appeler la gouvernance de la bioéthique.
Le projet de loi initial avait suscité sur ce point de nombreuses inquiétudes, puisque l'idée qui le sous-tendait était de confier les clés de la bioéthique aux seules autorités administratives. Nous avons apporté de nombreuses améliorations, en demandant par exemple que le rapport annuel de l'agence de la biomédecine fasse l'objet d'un débat devant le Parlement ou en prévoyant que des états généraux de la bioéthique seront régulièrement organisés.
Le compromis qui a été trouvé, puisqu'il s'agit bien là d'un compromis, en l'occurrence une révision de la loi dans sept ans, traduit bien toute notre hésitation. Le Parlement et la société doivent-ils régulièrement débattre des questions de bioéthique, au risque que nous nous retrouvions devant ce que notre rapporteur a appelé l'angoisse de la feuille blanche, ou devions-nous supprimer cette clause de révision périodique de nos lois de bioéthique au risque de déléguer ces questions aux seules autorités administratives, experts scientifiques ?
Je suis personnellement convaincu que le débat sur ces sujets de bioéthique doit être permanent et le plus largement ouvert à l'ensemble de notre société. Dans cet esprit, l'élaboration de cette loi restera une étape importante dans la démarche de réflexion sur la bioéthique dont notre assemblée et notre pays peuvent être fiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)