La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Mercredi 13 avril dernier, l'Assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 5A.
En application de l'article 95 du Règlement, le Gouvernement demande la réserve de la discussion des articles 5A à 23.
La réserve est de droit. Nous passons donc à l'article 24.
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, pour soutenir l'amendement n° 277 rectifié .
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je veux vous parler d'un sujet dont il est question depuis des années – ce qui montre qu'il n'a malheureusement pas encore été réglé de manière durable et solide –, à savoir la responsabilité civile des professionnels de santé.
Nous savons que ce sujet suscite, depuis des années, des débats et des craintes de la part des professionnels concernés. J'ai le souvenir d'avoir eu à connaître, durant mes précédentes fonctions de ministre de la santé, certains dossiers de cette nature particulièrement difficiles à régler. J'avais indiqué que le Gouvernement apporterait des réponses à ces problèmes et, à cette fin, nous avions confié en octobre dernier à Gilles Johanet, dont chacun connaît la qualité de l'expertise dans ce domaine, la mission de réfléchir à une amélioration des dispositifs existants, l'idée étant de garantir une plus grande mutualisation des sinistres lourds. Le Gouvernement a ensuite entrepris des concertations et des travaux techniques pour analyser dans le détail les propositions contenues dans le rapport de M. Johanet et tenter d'évaluer l'impact de la mise en oeuvre de ses préconisations.
Le présent amendement, qui met en oeuvre le résultat de ces travaux et concertations, modifie l'article 24 du texte adopté par votre commission à l'initiative de votre rapporteure Valérie Boyer. J'en profite pour la remercier de son apport à ce débat car, si elle n'avait pas insisté comme elle l'a fait, je ne suis pas sûr que chacun aurait profité de la fenêtre législative que constituait la proposition de loi Fourcade. Il faut rendre à César ce qui appartient à César, et à Valérie Boyer ce qui appartient à Valérie Boyer ! (Sourires.)
Pour des raisons de lisibilité, nous avons cependant réécrit l'article 24. Ses orientations tiennent en deux principes.
Il s'agit, premièrement, d'apporter une réponse générale et durable aux trous de garantie. Je rappelle en effet que, aujourd'hui, les garanties assurantielles doivent couvrir les sinistres au moins jusqu'à 3 millions d'euros. Par ailleurs, l'article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale 2010 avait prévu une couverture par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux – l'ONIAM – en cas d'épuisement des garanties pour des accidents liés à la naissance, avec possibilité d'action récursoire de cet organisme. Afin d'apporter une réponse globale à la question des trous de garantie, le Gouvernement propose de s'appuyer sur le dispositif de mutualisation élaboré par Mme la rapporteure pour apporter une réponse à l'ensemble des risques de trous de garantie, quelle que soit la nature de l'accident et pour l'ensemble des professionnels.
Dans ce but, l'amendement inscrit au I de l'article 24 le principe selon lequel le dispositif de mutualisation assurantiel s'entend « sans possibilité d'action récursoire contre le professionnel de santé concerné ». Dès lors, il est possible de supprimer le V de l'amendement adopté par la commission qui mettait fin à l'action récursoire de l'ONIAM, cette disposition étant satisfaite.
Par ailleurs, je souhaite vous donner une vision d'ensemble du dispositif proposé, afin de vous faire connaître précisément les intentions du Gouvernement quant à son fonctionnement.
Le dispositif sera de nature publique et financé de manière entièrement mutualisée entre les professionnels concernés. Le seuil de déclenchement devrait être fixé à 8 millions d'euros par sinistre afin de ne pas empiéter sur le marché existant. Je rappelle en effet que la plupart des assureurs proposent aujourd'hui des couvertures excédant le minimum réglementaire de 3 millions d'euros. Enfin, pour éviter l'existence d'un trou de garantie entre les 3 millions d'euros que j'ai déjà évoqués et les 8 millions d'euros, le seuil minimal sera relevé à 8 millions d'euros, c'est-à-dire au point de déclenchement du dispositif de mutualisation.
J'ajoute que, corrélativement à l'élargissement de la couverture, nous actualiserons le barème de l'aide financière versée par l'assurance maladie aux médecins conventionnés exerçant une spécialité à risque. Quand je parle d'actualiser, il ne s'agit pas de le faire tous les trente-six du mois, mais très régulièrement. Il ne s'agit pas non plus de le faire sous la pression, comme cela a été le cas durant des années. Je préfère régler les problèmes à froid, sereinement, plutôt que dans le contexte d'une situation de crise.
De cette façon, nous apportons aux professionnels de santé la garantie que leur solvabilité ne sera pas affectée par la survenance d'un accident médical. Nous agissons également sans empiéter sur le marché existant, ce qui est une exigence primordiale.
Par ailleurs, votre commission avait prévu une entrée en vigueur en 2013 du dispositif de mutualisation et l'amendement du Gouvernement indique que ce dispositif sera opérationnel au plus tard à cette date. Toutefois, je souhaite aller plus vite, et je me fixe comme objectif une entrée en vigueur au début de l'année 2012. Si l'on pense avoir trouvé la bonne solution, il ne sert à rien de retarder d'un an sa mise en application.
Notre deuxième objectif est d'améliorer la lisibilité et la prévisibilité du risque. Le rapport Johanet a posé, de ce point de vue, un diagnostic très clair. Il a montré que le marché de la responsabilité civile médicale était fortement affecté par l'absence de références communes dans la tarification, le calcul et – j'insiste sur ce dernier point – le provisionnement du risque. L'amendement adopté par votre commission, qui reprend les propositions formulées par Guy Lefrand, prévoyait déjà de recourir à un référentiel commun pour la quantification des atteintes physiques et psychiques. Je vous propose d'aller plus loin en reprenant d'autres mesures de cette proposition de loi.
Ainsi, l'amendement du Gouvernement prévoit : au II, d'harmoniser les missions d'expertise médicale transmises aux médecins, ce qui est un préalable indispensable à une technique d'évaluation des dommages corporels ; au IV d'instaurer un barème unique de conversion des rentes en capital ; au VI, d'instaurer une nomenclature unique des postes de préjudices, qui pourra consacrer la nomenclature Dintilhac déjà appliquée par les juridictions.
Enfin, au VII, le Gouvernement vous propose d'étudier l'opportunité et les modalités de mise en oeuvre d'une ou plusieurs bases de données en matière d'indemnisation du préjudice corporel, qui seraient accessibles au public, afin de recenser à la fois les transactions et les décisions judiciaires. Cette proposition, également inspirée de la proposition de loi de Guy Lefrand en matière d'indemnisation des préjudices corporels consécutifs à des accidents de la circulation, nous permettra de disposer d'une meilleure information sur la sinistralité.
J'ajoute que nous devrons y voir plus clair dans la façon dont les assureurs provisionnent les risques. Je connais un peu ce secteur d'activité (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)
L'année 2004 n'est pas si éloignée, et je me souviens de la façon dont procèdent les assureurs : ils provisionnent les risques de façon plus élevée que les sommes qui seront effectivement déboursées. En attendant, les primes sont, elles, calculées en fonction des provisions.
Ce sont, bien évidemment, les professionnels de santé qui font les frais de cette manière de procéder.
Sur ces points, il nous faut davantage de lisibilité afin de pouvoir ajuster les choses le plus finement possible, ce dont chacun bénéficiera. Les mesures prévues apporteront des clarifications essentielles au fonctionnement du marché de la responsabilité civile médicale. Elles sont aujourd'hui, à mon sens, la condition d'une meilleure concurrence au sein du marché, et le meilleur levier pour agir sur le tarif des garanties.
Pour conclure, je veux souligner que ce dossier ne concerne pas seulement, comme on a longtemps pu le croire, les chirurgiens, les anesthésistes ou les gynécologues obstétriciens. Potentiellement, la question de la responsabilité civile médicale concerne l'ensemble des professionnels de santé. Des sinistres ont eu lieu, occasionnant des préjudices très importants à réparer, je pense notamment à un généraliste dont la responsabilité avait été engagée en raison d'un retard de diagnostic. La question que vous allez régler ce soir ne concerne pas seulement certaines spécialités chirurgicales : je le répète, c'est potentiellement une garantie pour l'ensemble des professionnels de santé, ce qui m'intéresse pour aujourd'hui, demain et après-demain.
Pour apporter des solutions aux questions qui nous étaient posées, il a fallu faire des choix. En nous appuyant sur les travaux de Valérie Boyer, de Guy Lefrand et de nombreux parlementaires qui, depuis des années, s'investissent sur ces sujets – je pense notamment à Jean-Pierre Door –, nous nous donnons les moyens d'apporter de la visibilité sur ces questions essentielles tout en garantissant le droit des patients et en renforçant la sérénité dont ont besoin les professionnels de santé dans l'exercice de leur profession.
La parole est à Mme Valérie Boyer, rapporteure, pour donner l'avis de la commission des affaires sociales sur l'amendement n° 277 rectifié .
Je veux commencer par remercier M. le ministre pour les précisions qu'il a données et les paroles aimables qu'il a eues pour le travail de la commission.
Cette dernière n'a pas examiné l'amendement n° 277 rectifié mais, à titre personnel, j'y suis extrêmement favorable.
Si nous adoptons les mesures proposées, nous allons engager durablement l'avis de notre assemblée et faire honneur au texte que nous sommes en train d'examiner. Comme l'a très bien souligné M. le ministre, cela faisait huit ans que nous attendions une réponse dans ce domaine. Aujourd'hui, il nous est proposé une solution complète, à la fois pour les patients et pour l'ensemble des médecins, généralistes et spécialistes.
Je vais vous rappeler les objectifs visés par la commission en adoptant, à mon initiative, l'article 24.
Premièrement, il s'agissait, dans le prolongement du deuxième rapport Johanet, des travaux de notre collègue Guy Lefrand et de nombreux autres députés, de proposer la création d'un pool de mutualisation visant à couvrir les sinistres dépassant le plafond couvert par les assurances, afin de combler les trous de garantie.
Deuxièmement, nous souhaitions harmoniser, en reprenant certaines dispositions de la proposition de loi de Guy Lefrand, l'évaluation des atteintes à l'intégrité physique et psychique lors de l'indemnisation d'un dommage corporel.
Enfin, et c'est peut-être le plus important, nous avions pour objectif de supprimer la possibilité d'une action récursoire de l'ONIAM contre des professionnels de santé qui ne seraient plus couverts par une assurance, afin de lever cette épée de Damoclès, cette malédiction qui pesait sur eux, sur leur patrimoine et même sur leur descendance, en cas de faute.
On nous a dit pendant très longtemps que la couverture assurantielle était un frein aux vocations médicales dans certaines spécialités et qu'elle posait donc des problèmes pour la santé dans notre pays, notamment, s'agissant de gynécologie-obstétrique, de celle des femmes et des enfants. Je me permets de rappeler que la commission avait adopté mon amendement à l'unanimité, l'opposition s'étant abstenue. Cela montre bien la volonté, sur tous ces bancs, de régler ce problème majeur pour les médecins, notamment les spécialistes.
L'amendement présenté aujourd'hui par le Gouvernement répond parfaitement aux objectifs poursuivis par le travail de la commission, puisqu'il précise la structuration du pool afin d'assurer sa cohérence avec le droit communautaire. Par ailleurs, le fait qu'il s'agisse d'un pool public est une très bonne évolution par rapport aux propositions du rapport Johanet.
Je rappelle aussi que cet amendement s'inscrit tout à fait dans l'esprit de la loi HPST, puisqu'il s'agit de soins qui sont de toute façon délivrés et remboursés par de l'argent public, et qu'il est ici question de patients victimes d'accidents, qu'il convient donc de traiter de façon égale.
Ensuite, il clarifie la nomenclature des postes de préjudice en cas d'indemnisation. Le fait de consacrer la nomenclature Dintilhac constitue un gage de transparence et d'homogénéité sur l'ensemble de notre territoire. C'est aussi la garantie d'un traitement équitable dans les juridictions, ce qui n'est pas tout à fait le cas aujourd'hui. Il est quand même important de proposer un tel encadrement.
Enfin, et c'est un point majeur, il étend la suppression de l'action récursoire à tous les professionnels de santé. Le ministre ayant excellemment détaillé ses propositions, je n'y reviendrai pas. J'insiste toutefois pour souligner que tous les médecins sont concernés, ce qui signifie que tous les patients bénéficieront de la transparence à la fois sur les préjudices et sur la façon dont ces préjudices peuvent être indemnisés, ou en tout cas pris en charge. Tous les médecins étant concernés par ces difficultés assurantielles, c'est à tous les médecins que nous apportons une réponse.
Permettez-moi donc de souligner que je suis très fière que nous puissions examiner ce texte et que nous soyons à l'origine de cette modification attendue depuis plus de huit ans par tous les professionnels de santé et par les patients. J'y suis donc extrêmement favorable et je remercie le Gouvernement et la commission d'avoir répondu aux attentes des professionnels de santé. J'espère, mes chers collègues, que nous voterons sans difficulté cet article, qui est une avancée majeure pour les relations entre les professionnels de santé, les assurances et les patients.
Je tenais moi aussi à intervenir car j'étais, fin 2002, lorsque les problèmes dans ce domaine étaient majeurs, le rapporteur de la future loi About. Plus tard, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de vous interroger et de débattre avec vous sur la responsabilité civile professionnelle. Chaque année, lors du PLFSS, nous essayons ensemble de revenir sur le sujet, souvent sans succès malheureusement, y compris lors des commissions mixtes paritaires.
Depuis maintenant dix ans, les médecins libéraux, surtout ceux exerçant des spécialités à risque, nous interpellaient, en raison du danger que constituait pour eux l'engagement de leur responsabilité en cas d'accident médical. Il est vrai que les indemnités, compte tenu de la judiciarisation croissante, pouvaient dépasser le plafond de garantie réglementaire, fixé à 3 millions et qui avait même, à un moment, été porté à 6 millions. Le praticien devait verser le reste sur ses fonds personnels. Tout cela a conduit à une explosion des primes d'assurance sans aucun rapport avec la sinistralité observée, et ce afin de constituer des provisions.
Nous nous souvenons, à cet égard, des débats que nous avons eus avec les compagnies d'assurance. Certes, les primes ont aussi été prises en charge par les caisses d'assurance maladie, en particulier par la sécurité sociale, entraînant donc pour elles des frais supplémentaires.
Il est vrai également qu'il y avait – Mme Boyer l'a rappelé – le trou de garantie, sans oublier l'action récursoire envers les professionnels.
L'amendement que vous proposez reprend certaines pistes du rapport de Gilles Johanet, que j'ai pu rencontrer à la fin de l'année dernière, lors de la remise de son premier travail, le second ayant seulement été publié le 24 février dernier. Vous évoquez en effet la mutualisation de l'ensemble des professionnels de santé pour tout ce qui dépasserait le trou de garantie de 3 millions d'euros.
Vous avez compris, monsieur le ministre, que, faute de réponse à ce problème, il existait depuis longtemps un risque important de voir l'exercice médical de ces spécialités disparaître, ou au moins se déplacer du privé vers le public. Le directeur de l'assurance maladie se plaignait ainsi du fait que, dans le domaine de l'obstétrique, tous les professionnels se reportaient sur le secteur public, alors que cette spécialité pouvait aussi bien être exercée dans le privé.
Pour ma part, je vous remercie donc d'avoir pris aujourd'hui ce problème à bras-le-corps et d'y apporter une solution. Le trou de garantie n'existe plus et l'action récursoire est éliminée ; une mutualisation est instaurée avec un plafond dont le niveau est correct car il est situé à 3 millions d'euros et, au-dessus, l'ONIAM agira. Cela me semble une excellente réponse. Merci au ministre et à la rapporteure !
Je vais commencer par vous remercier moi aussi, monsieur le ministre, ainsi que la rapporteure, qui avait déjà bien travaillé.
Cette mesure est bienvenue car il s'agissait effectivement d'un problème majeur, que l'on traînait depuis longtemps, comme cela vient d'être rappelé. Il posait effectivement de véritables difficultés, notamment, comme l'a souligné Jean-Pierre Door, en raison du trou de garantie, de l'action récursoire et du niveau des primes pour les professionnels, qui avaient un coût élevé qui dissuadait certains dans plusieurs spécialités, notamment l'obstétrique.
Je vous félicite de régler ces problèmes. L'amendement est bienvenu car vous supprimez l'action récursoire et le trou de garantie. De plus, vous proposez d'appliquer le dispositif dès 2012, ce qui signifie que la mesure s'appliquera très rapidement, ce qui me paraît souhaitable. Par ailleurs, il semble que vous mettiez en place un barème de capitalisation avec une nomenclature unique, ce qui me paraît intéressant, sans oublier la mutualisation.
J'ai toutefois une question à vous poser. En effet, n'ayant eu connaissance que très tard de l'amendement, je n'ai pas pu envisager tous les problèmes qu'il est susceptible de poser.
Vous avez souligné que le dispositif s'adressait à l'ensemble des professionnels et que tous seraient appelés à le financer par des primes. Celles-ci tiendront-elles compte du risque de chaque profession, ou bien y aura-t-il une prime unique ? Les généralistes, qui n'ont pas les mêmes revenus que les chirurgiens, les anesthésistes-réanimateurs ou les obstétriciens, par exemple, auront-ils à payer la même prime qu'eux ? Pourriez-vous nous fournir quelques explications sur ce point et nous préciser votre état d'esprit ?
J'interviendrai sur la forme et mon collègue Christian Paul s'exprimera sur le fond.
Je sais que la réserve est de droit, mais de là à sauter de l'article 4 à l'article 24 ! D'ailleurs, on voit bien que cet article, que l'amendement tend à réécrire, n'est pas du tout anodin. Certes, le dispositif répond à une demande, et l'on voit bien de quelle catégorie elle émane.
On nous parle de spécialités à risque. J'espère que ce n'est pas parce que nous sommes à un an des présidentielles ! Par ailleurs, les spécialités à risque dont il était question jusqu'à maintenant étaient celles d'anesthésiste, de chirurgien et d'obstétricien. Or vous nous parlez des professions de santé libérales au sens large. Cela ne vous a pourtant pas empêché, lorsque vous avez présenté l'amendement, d'indiquer qu'il s'agissait surtout des spécialités à risque. Bref, personnellement, je n'y vois pas bien clair dans votre affaire.
Je voudrais donc savoir ce qui a motivé ce saut, qui n'est pas un saut de puce, de l'article 4 à l'article 24, tel que le Gouvernement propose de le réécrire.
Bien évidemment, personne ici, et certainement pas au sein du groupe SRC, ne méconnaît l'importance de la responsabilité médicale, d'abord pour les patients, ensuite pour les professionnels de santé.
Néanmoins, comme l'a dit Mme Lemorton, nous sommes un peu surpris, même si la réserve est de droit, que l'examen du texte se porte directement à l'article 24. Il faudrait, au moins par courtoisie, nous en donner l'explication.
Sur le fond, je rappelle que l'amendement présenté en commission qui a produit l'article 24 nouveau de ce texte a été proposé par notre rapporteure. Il est donc le fruit d'un intense travail parlementaire, ce qui ne prête évidemment pas à contestation. On peut tout de même considérer que, sur des sujets comme ceux-là, un peu de préparation interministérielle ne serait pas totalement inutile. Quoi qu'il en soit, la commission a adopté l'amendement en question.
À ce stade de la discussion, plusieurs amendements arrivent en séance, à commencer par des amendements de suppression. Ces amendements sont-ils tous de même nature ? Si je comprends bien la position du Gouvernement, celui-ci veut supprimer la rédaction actuelle et lui en substituer une autre. J'ai aussi cru comprendre qu'il y avait, au sein même de la majorité, des amendements, dont l'un émane de M. Tardy, visant à la suppression pure et simple de l'article, pour des raisons que nous pouvons comprendre au vu de l'importance de ce sujet.
Mon groupe, au nom duquel je m'adresse à vous en cet instant, monsieur le président, découvre en séance l'amendement du Gouvernement. Or le sujet est loin d'être mineur ; il peut même devenir l'un des points importants de ce texte. Pour que nous puissions examiner techniquement et dans des conditions sereines la portée exacte de cet amendement du Gouvernement, je vous demande une suspension de séance qui ne devrait pas durer moins d'un quart d'heure.
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.
En ce qui concerne la forme, M. le ministre nous a demandé que cet article soit examiné ce soir, dans la mesure où il ne pourra être présent demain après-midi. D'ailleurs, nous ne savons pas combien de temps durera la séance de demain. Or il tenait à être présent pour la discussion de cet élément important et je l'en remercie.
Je le remercie également, en ce qui me concerne, pour cette heureuse conclusion. En effet, c'est un sujet difficile, qui est revenu un grand nombre de fois devant la commission, sans espoir de voir se concrétiser une issue heureuse. Comme l'a dit Mme la rapporteure, c'est un soulagement pour beaucoup de professionnels et de patients.
Enfin, pour la commission des affaires sociales, qui est sensible aux contraintes financières, je dirai que c'est un espoir de mieux maîtriser les dépenses publiques.
Voilà toutes les raisons qui nous font recevoir cette proposition avec beaucoup de plaisir. Compte tenu de cette réponse sur la forme, qui m'avait été demandée, je pense que la suspension de séance pourrait être beaucoup plus brève.
Pourquoi avons-nous souhaité commencer par l'article 24 ? Tout simplement parce qu'il s'agit d'un article additionnel par rapport au texte initial. L'ajout provient d'un amendement de Mme la rapporteure, qui avait souhaité inscrire la disposition dans le texte. S'il n'y avait pas eu cet article additionnel, j'aurais présenté l'amendement du Gouvernement à l'article 6 et je n'aurais pas demandé la réserve. C'est tout simple ! C'est la seule raison, madame Lemorton, du passage de l'article 4 à l'article 24. Rien de plus, rien de moins.
Y a-t-il eu un travail interministériel ? Bien évidemment, monsieur Paul. D'ailleurs, je ne vous le cacherai pas, j'ai beaucoup insisté sur ce dossier, qui ne date pas d'aujourd'hui.
En effet, j'ai toujours eu à coeur que l'on apporte des solutions durables sur ce sujet, parce que j'ai toujours été persuadé, comme je l'ai dit déjà rappelé – et pour être très précis –, que cela ne concerne pas seulement certaines spécialités de bloc opératoire. Potentiellement, le problème peut concerner tout professionnel de santé.
Jean-Pierre Door a très justement parlé de la judiciarisation croissante. Les choses sont ainsi et je sais pertinemment que l'un des sinistres les plus importants qui aient été réglés en France l'a été par un généraliste. J'ai aussi en tête un cas de manipulation de cervicales qui a occasionné un sinistre de 7,5 millions d'euros. Cela ne concernait donc ni un gynécologue-obstétricien, ni un anesthésiste, ni un chirurgien ! Dans toute profession, aujourd'hui, on peut se trouver confronté à un risque. Il ne s'agit pas d'avoir peur du risque, mais tout simplement de savoir le couvrir.
En fait – et je le dis aussi à Jean-Luc Préel –, le problème se présente sous deux aspects différents.
Le premier, purement technique, c'est celui de la prime, qui peut aller d'environ 150 euros jusqu'à parfois cent fois plus, en fonction des spécialités. Le second, c'est celui de la surprime et de sa mutualisation. Il faudra d'abord en déterminer le montant de la surprime, ce qui suppose d'y regarder de plus près : dix, quinze, vingt, vingt-cinq ? Pas davantage en tout cas, peut-être même un peu moins. La mutualisation permettra de faire en sorte que chacun soit à l'abri de demandes d'indemnisation auxquelles il ne pourrait plus faire face. C'est la logique des trous de garanties, la logique des plafonds. Si nous voulions que les praticiens puissent exercer sereinement, il fallait que nous nous donnions de la marge : c'est justement ce que nous avons voulu faire.
Dès que j'ai repris mes fonctions dans ce ministère, je m'étais promis que ce dossier serait réglé. Très sincèrement, je ne crois pas que ce soit un sujet de droite ou de gauche ; je sais seulement que, lorsqu'il sera réglé, cela profitera avant tout à l'ensemble de nos concitoyens.
Article 24
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures, est reprise à vingt-deux heures quinze.)
Merci, monsieur le président, pour cette suspension de séance qui nous a permis de prendre connaissance dans le détail de l'amendement du Gouvernement.
Je regrette une nouvelle fois, monsieur le ministre, que nous n'ayons pas été prévenus du changement dans le déroulement de la séance. Il aurait été bon de nous en informer, non seulement par courtoisie, mais également parce que, s'agissant d'un sujet important, nous aurions pu mobiliser certaines expertises pour apprécier totalement la portée de votre amendement.
Puisqu'il était difficile de le faire dans le délai donné par la séance, nous souhaitons vous adresser un certain nombre de questions ainsi qu'à la rapporteure.
Il est tout d'abord regrettable qu'il n'y ait pas eu d'étude d'impact. Nous n'avons pas le culte des études d'impact tous azimuts, mais – M. Tardy le dira sans doute encore mieux que nous –, sur un tel sujet, l'absence d'étude d'impact est une faiblesse dans le travail législatif et dans celui du Gouvernement.
Si nous avons bien compris, M. le ministre et Mme la rapporteure cosignent cet amendement, puisque l'on nous informe qu'il y a eu aussi un travail interministériel. Vous pourrez donc répondre tous deux à nos questions.
D'abord quels sont les professionnels concernés ? S'agit-il de tous les professionnels de santé ? Dans l'affirmative, y a-t-il eu une concertation précise avec l'ensemble des professionnels concernés ? En effet les médecins ne sont pas tous exposés dans les mêmes conditions selon leur pratique professionnelle, de la même façon que les patients ne sont pas tous exposés dans les mêmes conditions selon la nature des pathologies pour lesquelles ils ont consulté. Y a-t-il eu concertation, et quel est le degré d'adhésion des professionnels de santé dans leur diversité à l'égard de cet amendement ?
Ensuite, quelle est la portée obligatoire de ce dispositif ?
Enfin, est évoqué, à la fin de l'exposé sommaire de cet amendement, un rapport de M. Gilles Johanet. Or, d'après les informations que nous avons recueillies à l'instant, ce rapport n'a pas été rendu public. S'il l'a été, vous nous le direz ; sinon, nous souhaiterions qu'il soit porté à la connaissance de notre groupe.
Nos questions portent donc sur le périmètre des professionnels concernés, la concertation, le caractère obligatoire du dispositif, l'absence d'étude d'impact, et enfin sur le rapport Johanet.
Je tiens à m'exprimer brièvement, n'ayant pu défendre mon amendement de suppression en début de séance.
Cet amendement n° 277 rectifié touche véritablement un point dur, qui suscite des interrogations.
Tout d'abord, s'agissant du déroulement de nos débats, les travaux ont été suspendus depuis le 13 avril. Nous sommes aujourd'hui le 18 mai et, à 18 heures 30, cet amendement n'était toujours pas disponible sur le site de l'Assemblée nationale. Expertiser quatre pages en cinq minutes, c'est très difficile.
Or l'adoption de cet amendement va faire tomber tous les autres amendements à l'article 24. Il est donc en fait question de cet article dans son ensemble, lequel résulte d'un amendement adopté en commission. Il comprend plusieurs dispositions portant sur des sujets très sensibles qui méritent que l'on s'y arrête et que des informations précises nous soient fournies.
D'abord, un dispositif de mutualisation des risques encourus par les professions de santé au titre de leur responsabilité civile est mis en place. La loi fixe un principe, et tout est ensuite renvoyé à un décret. Nous aimerions en savoir un peu plus. Qu'y aura-t-il dans ce décret ? Quels seront les mécanismes ? Nous nous doutons que des échanges ont déjà eu lieu avec les assureurs et les organisations de médecins. Où en sont ils ?
Une étude d'impact n'aurait pas été inutile, cela a déjà été précisé.
S'agissant de l'indemnisation des dommages corporels, beaucoup de questions se posent. Nous avons déjà traité ce sujet avec la proposition de loi Lefrand, qui est loin d'être reprise en intégralité. Il y a visiblement eu du « tri sélectif ». Nous ne pouvons pas laisser faire ce genre de pratique consistant à passer en douce des parties de texte, alors même qu'il n'y a pas eu le moindre débat, ni même la moindre consultation.
Enfin, mais cela ne semble plus figurer dans l'amendement n° 277 rectifié , la disposition la plus significative de l'article 24 était la suppression pure et simple de la possibilité d'action récursoire de l'ONIAM contre les professions de santé. Cette disposition a disparu, a priori, mais je n'ai pas eu le temps de lire précisément l'amendement. Même la rapporteure avait convenu en commission que cela allait trop loin, et que le cadeau était trop beau.
Sur toutes ces dispositions qui n'ont pas grand-chose à voir avec le texte d'origine, il nous est demandé de légiférer à l'aveugle. Il n'est pas acceptable de recevoir cet amendement ce soir à 21 h 30, sachant que nous avons eu un mois pour travailler.
Nous savons tous que, dans certaines spécialités, les médecins sont particulièrement exposés et doivent verser des montants de cotisations d'assurance RCP très élevés, qui s'avèrent dissuasifs. Ou bien les médecins se rattrapent par les dépassements d'honoraires, ce qui n'est pas sain.
Ce problème est bien réel, mais il n'est pas nouveau. Il y a un moment que nous tournons en rond et que des discussions ont lieu, provoquant des oppositions syndicales ou parmi certaines spécialités.
Que soit instauré un mécanisme de mutualisation afin de couvrir la responsabilité des médecins, par la mise en oeuvre de la solidarité, me semble une bonne chose. Néanmoins, dans certaines professions de santé, certains exercices sont dénués de tout risque. Les syndicats ou les ordres professionnels concernés ont-ils été consultés ?
Ma seconde question concerne l'action récursoire contre les professionnels de santé concernés.
À ce sujet a peut-être joué un effet d'opportunité lié au fait que, il y a une huitaine de jours, les syndicats de médecins ont été très inquiets à la lecture du paragraphe concernant le fonds d'indemnisation des victimes du Mediator, au sujet de leur éventuelle mise en cause.
Monsieur le ministre, nous sommes ouverts à toute solution de solidarité qui pourrait éviter de dissuader les médecins de s'assurer. Nous connaissons tous le cas de tel gynéco-obstétricien qui a abandonné la chirurgie parce que les risques devenaient trop élevés. Toutefois beaucoup de questions restent en suspens et je note, monsieur le ministre, qu'elles proviennent également de vos propres rangs.
Monsieur Tardy, j'ai expliqué l'ensemble du dispositif ; j'ai même précisé que je présentais le dispositif y compris dans sa partie réglementaire au nom de la transparence, afin que chacun puisse avoir en tête l'étendue de la solution que nous apportons.
Ce soir, l'heure n'est pas très avancée et nous ne traitons pas de ce sujet en cinq minutes. Ainsi cela fait maintenant quarante minutes – sans compter la durée de la suspension de séance – que nous parlons de ce sujet. Quarante minutes, ce n'est pas la même chose que cinq minutes. De plus cette question est régulièrement évoquée depuis des années.
Nous n'allons pas entrer dans le débat de savoir qui a réglé la question des retraites.
Participons à la séance de ce soir avec un maximum de sérénité.
En la matière, il y a un problème, et je pense que nous sommes en mesure d'apporter une solution durable. Je ne suis pas le seul à le pressentir puisque de nombreux intervenants l'ont déjà souligné. La tonalité des questions qui ont été posées par Mme Lemorton et M. Bapt montre que nous partageons le souci d'apporter une réponse à ce problème.
Concernant l'étude d'impact, s'il n'y en avait pas eu, je n'aurais pas pu vous préciser que notre estimation donnait une surprime qui se situerait entre 10 et 25 %. Cela reste à affiner, mais nous avons étudié ce qu'elle pourrait représenter.
Monsieur Bapt, dites-moi quelle est la profession médicale qui n'est pas potentiellement exposée au risque de voir sa responsabilité engagée. Certes ce ne peut être de façon identique pour toutes les professions, et je vous comprends quand vous avancez que certains ont renoncé à la chirurgie pour faire de la consultation. Néanmoins si l'on prend en compte la question du défaut de conseil, ou du retard de diagnostic qui a été imputé à un médecin généraliste, je ne vois pas quelle profession de santé serait exclue de ces questions d'engagement potentiel de la responsabilité. Si l'on considère en parallèle la question de la judiciarisation croissante de la société française, il n'est pas une profession qui puisse affirmer qu'elle n'est pas concernée. Je ne connais pas un professionnel de santé qui ne souscrive pas d'assurance responsabilité civile. Potentiellement, cela concerne tout le monde.
Par rapport à l'amendement de la commission qui est devenu l'article 24, la différence est que, dans notre proposition, il ne revient pas à la solidarité nationale de faire face. Je pense que la mutualisation est la bonne réponse, car je ne souhaite pas entendre que la solution que nous avons trouvée pour les professionnels de santé est que les patients, qui sont aussi les contribuables, paient. Il s'agit bien d'une mutualisation sur l'ensemble des seuls professionnels.
La concertation, nous l'avons évidemment menée. Vous pensez bien que nous avons rencontré les autres professions de santé, qu'il s'agisse des infirmiers ou des kinésithérapeutes. Ils adhèrent au projet, parce que cela fait des années qu'il est attendu. Bien évidemment, si la surprime était de 100, 500, ou 1 000 euros, ils ne seraient pas d'accord, et je les comprendrais. Mais je pense que nous avons trouvé la bonne formule.
La mesure aura effectivement une portée obligatoire, parce que c'est la loi de la République. Si la mesure était facultative, le principe de mutualisation ne serait pas du tout opérant, et nous n'apporterions pas de réponse.
Le rapport de Gilles Johanet a été publié en février. Je l'ai reçu ; il a été rendu public ; une communication immédiate a été faite et il a été mis en ligne aussitôt sur le site du ministère de la santé. De nombreux articles ont été publiés à son sujet.
Sur la question de la solidarité, je précise à Gérard Bapt qu'il ne s'agit pas de solidarité nationale, mais de mutualisation. Je suis persuadé que nous sommes en mesure d'apporter des réponses durables.
Je sais que cet amendement arrive tard. Initialement, je ne souscrivais pas totalement à la proposition de Valérie Boyer parce qu'il n'apportait qu'une réponse partielle, tandis que les professionnels attendent une réponse globale. Cependant le fait que son amendement ait été adopté en commission nous a amenés à aller plus vite. C'est une bonne chose et cela nous permettra d'être opérationnels au début de l'année 2012, plutôt qu'en 2013.
À la suite du vote de ce texte, je ferai comme je l'ai toujours fait sur tous les textes législatifs pour ce qui concerne la partie réglementaire : je mènerai un travail concomitant avec les rapporteurs de l'Assemblée et du Sénat ainsi que les présidents de commission afin qu'ils puissent informer l'ensemble des parlementaires des développements réglementaires pour compléter le vote de cet amendement.
Je tiens à apporter quelques précisions en réponse aux questions posées par nos collègues.
Effectivement, le risque assurantiel concerne aujourd'hui tous les professionnels de santé. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, toutes les professions sont touchées, des pharmaciens aux biologistes. Les chirurgiens sont les plus concernés, mais les cas présentant les risques les plus élevés concernent les sages-femmes, les ostéopathes ou les kinésithérapeutes. Bien évidemment, cette mesure s'adresse à l'ensemble des professionnels de santé.
En agissant ainsi nous voulons les rassurer, ce qui est bien pour les patients. Des professionnels de santé qui exercent sans stress et qui n'ont pas un risque démesuré par rapport à leur exercice professionnel, cela profite aux patients.
Cette proposition est juste et adaptée. Je rappelle que plusieurs propositions de loi ont été déposées à l'Assemblée nationale. Récemment, j'en ai porté une avec cinquante collègues, dont l'actuel ministre, et une autre a été déposée à l'identique au Sénat.
Ce dialogue, nous l'avons eu. Le débat a eu lieu et il n'a que trop duré. Aujourd'hui, l'opportunité nous est offerte de régler enfin ce problème extrêmement délicat pour tout le monde. Nous nous honorerions de le régler tous ensemble, car ce n'est une question ni de droite ni de gauche. C'est une réponse apportée aux professionnels de santé et aux patients. Dans l'intérêt de nos concitoyens, je vous invite à adopter cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ce n'est peut-être ni un problème de droite ni un problème de gauche, mais il y a la droite qui légifère vite et la gauche qui veut réfléchir ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Au lieu de vous agiter, chers collègues, écoutez-moi.
Cet amendement concerne tous les professionnels de santé, nous dit-on.
Cela peut être le cas, par exemple, du masseur-kinésithérapeute qui peut faire une fausse manipulation.
J'ai, l'année dernière, présidé une mission sur les auxiliaires médicaux. Dans la partie du code de la santé publique consacrée aux auxiliaires médicaux, où sont mentionnés les masseurs kinésithérapeute, on trouve également les orthophonistes, les diététiciens, les manipulateurs radio. Or les risques pris par un orthophoniste n'ont rien à voir, me semble-t-il, avec ceux d'un chirurgien qui ouvre la cage thoracique d'un patient. Quant aux manipulateurs radio, ils ne peuvent pratiquer un examen que sous le contrôle d'un radiologue. Ces praticiens qui sont sous le contrôle de celui qui doit signer le compte rendu – cela concerne également les techniciens de laboratoire pour les analyses – accepteront-ils, dans le cadre de la mutualisation, de payer pour des professions de santé qui affrontent cent fois plus de risques ?
Nous avons bien compris, monsieur le ministre, votre volonté de mettre un terme aux conflits d'intérêt dans le domaine de la santé. C'est pourquoi je m'étonne de la rédaction du III 2° de l'amendement : « Une commission comprenant des médecins ayant des compétences en évaluation du dommage corporel et exerçant les fonctions d'expert judiciaire, assistant des victimes « ou » prêtant habituellement leur concours à des assureurs, élabore une proposition pour le barème médical unique… »
Si la commission n'est composée que d'experts judiciaires qui prêtent habituellement leur concours à des assureurs, c'est-à-dire les mêmes qui seront juge et partie, nous sommes dans le conflit d'intérêts. J'aurais préféré que vous remplaciez « ou » par « et » : « assistant des victimes et prêtant habituellement leur concours à des assureurs ».
Si vous ne procédiez pas à cette correction, monsieur le ministre, nous serions en plein conflit d'intérêts, en pleine contradiction avec votre objectif. Or cela ne vous ressemblerait pas.
Votre proposition ne modifiant pas fondamentalement les choses, je ne vois pas d'inconvénient à l'accepter. Ce n'est pas le même médecin qui interviendrait, mais, pour lever toute ambiguïté, je suis prêt à m'y rallier.
Tous ceux qui sont soumis à une obligation d'assurance, comme les auxiliaires médicaux, sont concernés, mais ils ne paieront pas pour les autres. Le supplément qu'ils auront à acquitter leur permettra d'être couverts. Pour les pédicures et podologues, il y a également une obligation d'assurance et les risques qu'ils encourent n'ont rien à voir avec ceux d'un chirurgien. Ainsi le pédicure-podologue ne supportera pas la même prime que le gynécologue obstétricien par exemple. En revanche, il sera concerné par le supplément lié à la mutualisation parce qu'il a une obligation d'assurance. Ce supplément lui permettra d'être couvert de la même façon que les autres, au titre de la mutualisation. Je fais la différence entre la prime de base qui va de 150 euros à 15 000 euros dans certains cas avec ce supplément, qui n'a rien à voir avec l'activité en elle-même. Autrement, cela ne serait pas normal, vous avez entièrement raison, madame la députée.
Je mets aux voix l'amendement n° 277 rectifié et modifié comme vient de l'indiquer M. le ministre.
(L'amendement n° 277 rectifié , ainsi modifié, est adopté.)
Cet article est le résultat d'un amendement présenté par le groupe SRC et adopté par la commission, avec l'avis favorable de Mme la rapporteure.
Il prévoit un représentant des usagers dans la composition du collège de la Haute autorité de santé. Je rappelle que, dans le cadre de l'année des patients et de leurs droits, un rapport a été publié en janvier dernier. Il préconise de « favoriser les conditions nécessaires à l'implication des usagers dans les instances décisionnelles du système de santé » afin de permettre l'émergence d'une véritable démocratie sanitaire ; c'est bien le moins.
Dans le même esprit, l'article vise à aligner la composition du collège de la Haute autorité de santé sur celle des conseils d'autres instances nationales, en particulier l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé ou l'Institut de veille sanitaire. Il s'agit de promouvoir le rôle des patients dans le système de santé ainsi que dans d'autres organismes.
Sur cet article 5 A, je suis saisi de l'amendement n° 262 .
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement vise à supprimer l'article 5A.
Compte tenu du caractère de la Haute autorité de santé, certains estiment que les usagers ne doivent pas être représentés au sein du collège. Ma position n'est pas aussi vindicative, même si j'ai, avec Philippe Douste-Blazy, défendu le texte de 2004. Selon moi, la participation des usagers peut être pensée autrement.
Dans le cadre des assises de médicament, je ferai des propositions pour renforcer non seulement la place des usagers, mais également celle des parlementaires au sein de l'ensemble des institutions liées à la santé.
Une telle proposition est aujourd'hui prématurée. À chaque fois qu'une décision est prise par une institution, se pose la question de la représentativité et de la légitimité des décisions. Le fait de prévoir un membre supplémentaire représentant les usagers changera-t-il complètement la donne ? Je n'en suis pas persuadé. En revanche, il me semble intéressant d'envisager différemment la place des usagers dans les modes de décision, de consultation et de concertation.
Si je ne suis pas plus précis ce soir, c'est parce que j'attends les conclusions des deux missions parlementaires et des assises du médicament sur ce point. Il faudra faire davantage de place aux parlementaires et à la société civile, c'est évident. En tout état de cause, le fait de rajouter un membre au collège ne réglera pas tout et ne modifie pas suffisamment les choses.
Notre commission a adopté cet article à l'initiative du groupe socialiste. Il prévoit de compléter la composition du collègue de la HAS par un représentant des associations de patients. Nous avons en effet été favorables à cet amendement – c'est l'année du patient – comme à tout ce qui peut promouvoir la place du patient dans notre système de santé. Même si l'on a observé de nombreux progrès depuis la loi de 2004, les patients ne sont pas pris en considération autant qu'ils le mériteraient.
J'ai bien entendu qu'une telle disposition interférait avec les conclusions des assises du médicament qui sont en cours.
Même si, à titre personnel, j'ai émis un avis favorable en commission, je m'en remets à la sagesse de mes collègues.
Je pense qu'il est important que les représentants des usagers siègent au sein de la HAS. Il est cependant prématuré d'en parler aujourd'hui. Si l'on prévoit un représentant des usagers au collège de la HAS, d'autres voudront également siéger. Or ce n'est pas prévu dans le texte. De plus, cela nous obligerait à rééquilibrer la composition de la HAS.
Nous ne sommes pas fermés à cette proposition, mais nous préférons attendre les conclusions des assises du médicament.
Je ne vois pas en quoi cette proposition pose problème. En revanche, j'ai bien compris que vous allez systématiquement nous renvoyer aux assises du médicament pour vous opposer à nos amendements, comme si ces assises étaient la panacée.
La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, votée à l'unanimité – je n'étais pas encore élue, mais cela ne m'a pas empêché de suivre l'actualité –, permet de prévoir, par la voie réglementaire, la présence de représentants des usagers du système de soins dans des institutions comme l'Institut de veille sanitaire ou l'Institut national de prévention et d'éducation à la santé.
Je ne vois pas ce qui nous empêche de légiférer en ce sens dès ce soir dès lors que les propositions que vous avez adoptées auront des conséquences plus importantes. Les usagers d'associations ont des compétences, une expertise en la matière. Je vous rappelle que la HAS vient d'être désavouée par le Conseil d'État à propos de ses recommandations thérapeutiques. Celles-ci s'adressant en premier lieu aux malades, il me semble légitime que ceux qui vont subir ces recommandations soient présents.
La présence des associations de patients avec un représentant dans les instances, agences et institutions diverses me paraît importante, mais peut-on l'envisager pour une seule structure ? Je mène actuellement une réflexion globale sur les agences. À l'issue des missions parlementaires – notamment sur le Mediator –, et des assises du médicament, nous devrons avoir une position sur la présence des associations dans l'ensemble des agences, des institutions où il est question de la santé des Français.
Régler ce problème par le biais d'une seule structure, la Haute autorité de santé, ne me paraît pas une réponse satisfaisante aujourd'hui. Je souhaite savoir, monsieur le ministre, si nous pourrons régler cette question à l'automne non au sein du PLFSS, qui est une loi de financement et non d'organisation, mais dans le cadre d'une loi spécifique.
À ce moment-là, nous devrons traiter de la question de la présence des patients dans l'ensemble des structures. Quelle sera leur mission ? Quelle sera leur fonction ? S'agira-t-il d'une fonction de représentation ? Interviendront-ils au coeur du système ? Cela méritera débat.
Toujours est-il que je suis depuis longtemps convaincu que la loi du 4 mars 2002 a encore de beaux jours devant elle pour ce qui est de la présence des patients, d'un point de vue symbolique mais aussi d'un point de vue dynamique.
Je souhaite que la question soit abordée globalement au lieu d'être traitée au coup par coup, agence par agence. Il s'agit d'un vrai problème. La présence des patients ne se résume pas à leur représentation à la Haute autorité de santé. Il importe également de la prendre en compte au sein de l'AFSSAPS, de l'INPES, de l'INVS et de toutes les autres structures qui traitent de la santé des Français.
J'entends les propos de M. Bur. Il reconnaît l'importance de la participation des usagers à des structures qui traitent de sujets les touchant directement et je m'en félicite : nous avons au moins cet avis en commun ; il faut le souligner.
Cela étant, les arguments qu'il a avancés pour dire qu'elle est prématurée ne sont pas recevables. Tout d'abord, cette mesure renvoie à la démocratie et à l'intelligence collective : il n'y a pas lieu de la retarder. Ensuite, rien n'empêche, à l'issue des intéressants travaux menés dans le cadre de la mission sur les agences, de procéder à des ajustements et à des harmonisations entre diverses structures et de préciser le rôle et la place des associations d'usagers.
Il me paraît donc possible d'adopter dès aujourd'hui cet article qui améliore la situation actuelle et n'empêche aucunement que des modifications ultérieures tenant compte des conclusions de la mission interviennent. L'amendement de suppression qui nous est présenté ne consiste qu'à retarder une décision dont tout le monde s'accorde pourtant à souligner l'importance. Je ne comprends pas ce choix.
Je veux rappeler combien la Haute autorité de santé est spécifique.
En effet, il ne s'agit pas d'une agence au même titre que l'INVS. Au moment de sa création, elle a été conçue comme un organisme scientifique donnant des orientations et édictant des obligations. Ainsi, elle doit accréditer des établissements, elle a la responsabilité de la transparence, elle doit mettre en place les référentiels médicaux et établir les bonnes pratiques, point sur lequel son action a suscité la déception, et qui pourrait être grandement amélioré.
De plus, ses neuf membres sont nommés de manière tout à fait solennelle : trois par le Président de la République, trois par le président de l'Assemblée nationale et trois autres par le président du Sénat. Lors de sa création, nous avions longuement débattu de l'opportunité d'assurer une solennité semblable à celle qui entoure la nomination des membres du CSA ou d'autres organismes fondamentaux de notre République.
La place des usagers est bien sûr importante. On pourrait envisager leur présence de deux façons différentes : à travers des auditions régulières et leur participation aux travaux de la HAS, ce qui est en réalité déjà le cas ; à travers la nomination d'un représentant des associations parmi les neuf membres du collège. Les personnalités qui désignent les membres du collège représentent la démocratie à son plus haut niveau ; elles doivent nommer dans cette instance les personnes qu'elles considèrent comme étant les plus compétentes, ce qui mérite réflexion car je ne suis pas certain qu'un représentant d'association puisse avoir un avis éclairé sur l'ensemble des sujets concernant la santé, même s'il s'agit d'une instance collégiale.
L'exposé sommaire de l'amendement du Gouvernement se conclut de façon un peu étrange : « Les conclusions sont attendues fin mai. Pour ces raisons, dans l'attente des conclusions des assises du médicament, cet article semble prématuré et doit être supprimé. » La coexistence des verbes « semble » et « doit » fait bien sentir que le rédacteur s'est heurté à des difficultés.
Nous voyons bien comment le tandem Bertrand-Bur opère. M. Bertrand déclare qu'il faut attendre les assises du médicament et qu'il est favorable à la représentation des usagers puis M. Bur ajoute la deuxième couche : il faut attendre le rapport sur les agences sanitaires qui sera publié plus tard.
Alors que l'exposé sommaire indique fin mai, M. Bur parle de septembre ! Pourquoi pas 2012 ou 2025 ? Mañana, mañana, mañana ! On connaît la chanson, vous nous avez fait le coup trop souvent.
Votons contre cet amendement, maintenons l'article 5A et nous aurons fait oeuvre utile. D'ailleurs, vous savez comme moi qu'il y aura une deuxième lecture au Sénat et une deuxième lecture à l'Assemblée. Le moment venu, nous aurons le temps, au vu des conclusions des assises du médicament, de modifier l'article 5 A et, bien plus tard, au vu des conclusions de la mission de M. Bur.
Cet amendement vise à ce que les patients soient totalement informés des efforts consentis par les professionnels pour respecter les bonnes pratiques et s'impliquer dans la réalisation des objectifs de santé publique.
Avis défavorable.
Je comprends et je partage l'objectif de M. Tian, mais son amendement soulève un problème d'opportunité. En effet, les contrats de bonnes pratiques de santé publique sont appelés à être remplacés par de nouveaux outils contractuels créés par la loi HPST. Nous les rétablissons temporairement pour assurer la continuité entre les anciens et les nouveaux contrats. Il ne me semble donc pas utile d'inscrire dans la loi une information des patients sur l'adhésion des professionnels de santé à ces contrats puisque cette disposition sera très prochainement obsolète.
C'est la raison pour laquelle nous suggérons à Dominique Tian de retirer son amendement, qui sera satisfait par l'évolution de la législation.
M. Tian est un adepte permanent de la simplification et je le rejoins sur ce point. En l'occurrence, au lieu d'un décret en Conseil d'État tel que le prévoit l'amendement, nous pouvons penser que les négociations conventionnelles aboutiront à ce type de disposition. Cela évitera ainsi une strate supplémentaire. Je ne sais pas si vous-même serez satisfait, monsieur Tian, mais, d'une certaine façon, votre amendement le sera.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 82 , deuxième rectification.
Comme vous le savez, nous sommes de plus en plus préoccupés par les conditions d'accès aux soins de nos concitoyens dont un nombre toujours plus important renonce à se faire soigner, faute de moyens financiers.
C'est la raison pour laquelle nous proposons que les compléments forfaitaires de rémunération auxquels peuvent prétendre les professionnels conventionnés ou les maisons de santé qui adhéreraient à un contrat de bonnes pratiques soient soumis au respect des tarifs opposables de façon que les patients ne subissent pas des dépassements d'honoraires qu'ils ne pourraient pas supporter.
Cet amendement propose donc que le respect des tarifs opposables soit explicitement inscrit dans les contrats de bonnes pratiques.
Comme je l'ai déjà indiqué, les contrats de bonnes pratiques sont amenés à disparaître et à être remplacés par de nouveaux outils créés par la loi HPST. La disposition proposée par Mme Fraysse est donc inutile à stade. Les nouveaux contrats comprendront des dispositions relatives non seulement aux tarifs mais aussi à la continuité des soins et à leur qualité.
Aujourd'hui, on ne peut avoir une approche seulement tarifaire car elle est trop restreinte. C'est la raison pour laquelle nous avons donné un avis défavorable à cet amendement dans l'attente de ces nouveaux outils.
(L'amendement n° 82 , deuxième rectification, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
J'ai oublié de préciser un point, monsieur le ministre, même si cela ne change rien à ma position.
S'agissant des tarifs opposables, l'assurance maladie vient de publier des éléments que chacun doit avoir à l'esprit. Disons les choses très clairement : pourquoi le nombre des dépassements est-il aujourd'hui aussi élevé et pourquoi est-il en accroissement dans certains secteurs ? Pour plusieurs raisons qui renvoient au fait que, dans la vie politique, il faut savoir affronter les problèmes au lieu de les laisser prospérer parce qu'on ne veut pas les régler.
Il convient ainsi de rappeler que, dans de nombreux secteurs, on n'a pas revalorisé comme il le fallait les actes et que, dans ces conditions, on a laissé filer les dépassements.
Je prends deux exemples, dont le premier concerne les généralistes de secteur 1.
Lorsque j'ai pris la décision de revaloriser leurs honoraires, je me suis fait critiquer à de nombreuses reprises, notamment de 2005 à 2007. Que n'avais-je pas fait en poussant jusqu'à 22 euros et en indiquant très clairement la direction des 23 euros ? Je l'assume et je ne regrette rien, sinon le fait de n'avoir pas pu aller plus loin. En effet lorsque les honoraires sont revalorisés à un juste tarif, la logique des dépassements ne joue pas de la même façon.
On constate d'ailleurs que la part des généralistes de secteur 1 a progressé et que la part des généralistes de secteur 2 avec dépassements a régressé.
Mon second exemple porte sur les radiologues, pour lesquels s'est produit un mouvement important de prise en charge de tarifs opposables : la part des dépassements a également régressé en quelques années.
Quand la solidarité, grâce à la revalorisation des actes, assume sa part, on n'observe pas les mêmes dépassements.
Le second sujet sur lequel je veux revenir, nous l'avons largement abordé à propos de la responsabilité civile médicale. Très clairement, j'estime que c'est parce que les tarifs des assurances responsabilité civile médicale ont explosé que les dépassements ont eux aussi prospéré.
Je n'avais pas terminé, monsieur Bur, mais vous m'incitez à poursuivre : je vous en remercie ! (Sourires.)
À mes yeux, la vraie solution, c'est le secteur optionnel. C'est lui qui peut donner envie à des professionnels exerçant en secteur 2, donc susceptibles de pratiquer des dépassements d'honoraires, d'adopter une autre logique, sur la base du volontariat et j'y crois. Nous devons donc relancer le secteur optionnel, sur des fondements sur lesquels nous pouvons nous mettre d'accord : je songe notamment à ceux qui ont été définis en octobre 2009.
J'en ai parlé cet après-midi au téléphone avec Étienne Caniard, président de la Mutualité française auquel j'ai indiqué que je souhaitais rouvrir ce dossier ; il m'a fait part de son accord de principe, dont il a même informé les médias, notamment aujourd'hui, et il s'est déclaré prêt à discuter à partir du protocole d'octobre 2009.
Quel intérêt le secteur optionnel présente-t-il pour les patients ?
D'abord il leur ouvre des tarifs qui leur sont accessibles.
J'ai conscience du fait que ce dossier ne sera pas simple, mais j'espère bien que tous ceux qui veulent aujourd'hui limiter les dépassements se montreront responsables afin que l'on puisse résoudre ce problème, car il y va de l'accès aux soins.
Je sais aussi que des responsables du bloc chirurgical se sont exprimés aujourd'hui. Il faut écouter leurs arguments. Quand on voit la manière dont certains actes sont revalorisés, à peine au fil de l'eau, on ne peut s'étonner que cela pose des problèmes.
On entend souvent dire qu'en augmentant les tarifs, on favorise les médecins. Ce n'est pas vrai : ce sont les patients que l'augmentation des tarifs opposables favorise, et elle améliore l'accès aux soins. Certes, on ne peut pas faire n'importe quoi ; des marges de manoeuvre sont nécessaires ; mais, en tout état de cause, la revalorisation, quand elle est juste, quand elle ne compromet pas l'équilibre de l'assurance maladie, est fondée.
Je n'ai pas le droit de le dire, mais je le fais quand même : j'espère que, lorsque la prochaine convention sera négociée, nous pourrons parler de certaines spécialités. En effet, je le répète, quand c'est l'assurance maladie qui accomplit un effort, on obtient des tarifs accessibles, des tarifs opposables, et des dépassements supportables. Il y a la part de l'assurance maladie et celle des complémentaires, mais celui qui s'y retrouve, c'est l'assuré social, et, pour moi, c'est très important.
Nous sommes au coeur du débat sur la loi HPST, dite loi Bachelot.
Cette loi avait pour principe l'égal accès de tous à des soins de qualité. Au cours des débats – vous n'étiez pas alors rapporteure, madame –, j'avais insisté sur la nécessité d'ajouter « à des tarifs remboursables ». En effet si l'on n'a pas accès à des tarifs remboursables, cela pose un véritable problème sur tout le territoire, et dans certaines spécialités.
Je vous ai entendu, monsieur le ministre. La vraie solution, vous l'avez donnée : si l'on créait enfin une CCAM clinique et si l'on revalorisait régulièrement la CCAM technique, ces problèmes ne se poseraient pas. Vous proposez donc une revalorisation. Comment ferez-vous si l'ONDAM reste limitatif ? Comment, dans ce cas, consentir un effort global ?
Là réside, à mon avis, la vraie solution. Mais êtes-vous prêt à faire en sorte que l'ONDAM permette la création d'une véritable CCAM clinique et la revalorisation régulière de la CCAM technique ?
La position de repli que vous avez défendue, c'est le secteur optionnel. J'ai toujours dit qu'il n'est pas la panacée, même s'il représenterait un progrès par rapport à la situation actuelle. Il pose cependant deux problèmes.
Premièrement, il ne s'adressait initialement qu'aux chirurgiens, aux obstétriciens et aux anesthésistes, qui ne sont pas les plus défavorisés en termes de revenu.
Deuxièmement, qu'en est-il des spécialités cliniques qui ne comportent pas d'actes techniques ? Idéalement, le secteur optionnel devrait donc s'adresser à toutes les spécialités, à tous les médecins, à tous les professionnels de santé. Ce n'est qu'à cette condition que l'on résoudra le problème des dépassements d'honoraires.
J'ignore, monsieur le ministre, pourquoi la ministre qui vous a précédé n'était pas favorable à la création du secteur optionnel, à laquelle, si j'ai bien compris, vous allez oeuvrer. J'espère que nous y aboutirons et que nous pourrons ainsi limiter les dépassements d'honoraires car ils posent à notre pays un véritable problème.
M. Préel a bien identifié le problème, qui se pose à trois niveaux : l'égalité d'accès à des soins de qualité dépend des médecins d'abord, des caisses ensuite, de nous enfin, par l'intermédiaire de l'ONDAM.
Même si la proposition semble tenir compte de la situation des médecins, des dernières élections professionnelles et de la pression exercée par les syndicats, l'égalité d'accès aux soins est difficile à atteindre.
Sans vouloir polémiquer, j'ai l'impression que le secteur optionnel n'est pas une position de repli, mais un barrage bien fragile : aucune contrainte ne s'impose aux médecins, aucun engagement ne leur est demandé, puisqu'il n'y a ni contrat ni convention. Lorsqu'un médecin signe une convention, il faut qu'il y trouve des avantages. Or, aujourd'hui, on parle plutôt de contraintes que ne compense aucun avantage ; en outre, il n'existe pas de véritable convention et, si convention il y a, le Parlement n'en discute même pas les grandes lignes.
Même si vous êtes très habile, monsieur le ministre – et tant mieux pour nous et pour les comptes de la sécurité sociale –, vous devez résoudre un problème difficile. Comment discuter de l'égalité d'accès aux soins sans aborder les termes de la convention, sans donner à nos concitoyens malades un signe d'équité ?
Aujourd'hui, on ne peut pas parler d'équité. On ne traite que du secteur optionnel tel qu'il a été demandé ; peut-être les médecins ont-ils gagné, mais – je le souligne d'autant plus librement que j'ai été médecin et que je faisais alors partie du syndicat qui approuve aujourd'hui le secteur optionnel – l'égalité d'accès aux soins ne pourra pas exister sans une convention bien calibrée, respectée par tous les médecins et qui leur offre aussi des avantages.
Il ne s'agit pas seulement d'avantages financiers, mais aussi de faire reconnaître les difficultés qu'ils rencontrent. Or c'est là que le bât blesse. En effet quelle que soit la tendance politique à laquelle on appartient, on reconnaît l'importance du rôle de la médecine ; mais comment faire ? On admet qu'il y a une différence de revenu entre un spécialiste et un généraliste, mais le cas des pédiatres, les meilleurs et pourtant les moins chers, montre à quel point la situation est devenue caricaturale. Comment revaloriser les pédiatres ?
Le secteur optionnel peut permettre de temporiser ou, du moins, de tempérer les dépassements, en les encadrant par une convention. J'en formule en tout cas le voeu. Néanmoins n'oublions pas que l'équité et l'égalité d'accès à des soins de qualité doivent être une constante de la République, surtout lorsque la crise les met en péril.
Je veux d'abord formuler une remarque : le texte dont nous discutons vise à l'évidence à toiletter une loi HPST que vous avez votée, qui a suscité le courroux d'organisations de médecins, et sur laquelle vous revenez donc, notamment en ce qui concerne le contrat santé solidarité et les déclarations d'absence destinées à organiser la permanence des soins.
Il est un autre point sur lequel le Parlement, ou plutôt sa majorité, a reculé : l'organisation du secteur optionnel, qui avait au moins l'intérêt de limiter les dépassements d'honoraires, pour ceux qui s'y engageaient, et de fixer un pourcentage d'actes pratiqués au tarif opposable par les adhérents au secteur.
La limite avait été fixée au mois d'octobre 2009. À partir de cette date, nous aviez-vous dit, le Parlement prendra ses responsabilités. Depuis lors, il ne s'est rien passé ; rien n'est sorti de la convention.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous affirmez que vous avez bon espoir parce que vous venez de parler avec le président de la Mutualité. Je vous ai interrogé sur ce sujet en commission, car nous sommes très inquiets du nombre et de l'ampleur des dépassements d'honoraires, inquiétude que justifient du reste les deux rapports qui ont fait aujourd'hui l'objet de nombreux articles de presse. Vous m'avez répondu que ce dossier du secteur optionnel n'était pas mûr et que vous alliez d'abord mener des expérimentations.
Non, ce n'est pas cela que j'ai dit.
Je regrette qu'il ait fallu l'intervention du président de la Mutualité – quelque attention que l'on porte à ses déclarations – pour vous convaincre que la convention doit évoluer sur ce point.
Cela étant, ce secteur optionnel sera-t-il réservé à une infime catégorie de praticiens, essentiellement aux plateaux techniques, auquel cas il sera loin de résoudre le problème ? C'est ce qu'à demandé M. Préel Ou bien concernera-t-il aussi d'autres spécialités pour lesquelles nous savons que, dans un nombre croissant de départements et de territoires, il est très difficile de trouver des tarifs opposables, du moins en libéral ?
Monsieur le ministre, c'est vous qui avez ouvert le débat sur les dépassements d'honoraires, ce qui est tout à fait responsable de votre part étant donné ce qui a paru dans la presse.
Rappelons que le secteur optionnel figure dans les textes depuis 2009, grâce à un amendement que j'avais cosigné fin 2009 avec MM. Bur et Préel. Depuis, le dossier était au point mort. Vous venez d'indiquer que vous étiez disposé à le rouvrir ; je m'en réjouis.
En outre, le collectif interassociatif sur la santé, qui représente les usagers, vient de préciser, dans un communiqué de presse qu'il jugeait l'idée extrêmement intéressante et envisageait d'en débattre.
Je vous remercie donc, monsieur le ministre, d'ouvrir enfin ce débat. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Il est bon que l'assurance maladie ait rappelé aujourd'hui qu'il fallait résoudre d'urgence ce problème, dont nous débattons depuis bien longtemps. L'assurance maladie s'alarme des dérives tarifaires des médecins ; de fait, il y va de l'accès des Français aux soins, et à des soins de qualité.
À l'origine, on ne savait pas bien si le secteur optionnel n'était que la réponse à un amendement que nous avions effectivement déposé afin de dire : « Ou vous décidez, ou nous décidons. » Toujours est-il que ce dispositif est aujourd'hui sur la table des négociations conventionnelles. Je souhaite simplement qu'il ne soit pas limité à quelques spécialités, mais qu'il concerne toute la pratique médicale. Il ne faut pas qu'il existe des endroits où les patients doivent payer plus cher parce qu'ils ne relèvent pas d'un secteur médical donné.
C'est à cette condition que le secteur optionnel sera crédible et que nous résoudrons cette difficulté.
Je ne sais pas si je souffre d'hypermnésie, mais j'essaie de me souvenir précisément de ce que j'ai dit. Or, si beaucoup estiment que ce dossier n'est pas mûr, ce n'est pas mon cas, car je sais pertinemment que, en matière de dépassements, on ne peut pas continuer ainsi.
Cela fait peu de temps que j'ai repris mes fonctions au ministère, mais, dès mes premières déclarations, j'ai constamment annoncé que je comptais rouvrir le dossier du secteur optionnel.
Il est en revanche exact qu'en 2005 et 2006, une grande ambiguïté régnait parmi les signataires. Ce n'est pas moi qui ai rédigé le texte, mais je m'en souviens parfaitement : il est particulièrement ambigu. Vous connaissez la formule : on ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment. Personne n'a voulu en sortir, ni exhumer le dossier.
Il s'agit désormais du texte d'octobre 2009. Je ne veux pas laisser ce dossier de côté. Il fait partie de ceux que l'on considère comme dangereux à l'approche des élections. Toutefois une situation où l'on n'intervient pas dans le domaine de la santé, c'est comme une maladie que l'on ne soigne pas : elle ne s'améliore jamais. Jamais !
Je pense donc que le moment est venu de reprendre ce dossier.
Monsieur Bur, il y a deux sujets différents. Pour le secteur 1, la question est celle des honoraires et de la juste revalorisation.
Mais nous ne sommes pas ici dans une négociation conventionnelle traditionnelle. Je me souviens bien de la loi de 2004 – vous étiez là, monsieur Bur.
Eh oui, déjà ! (Sourires.)
À la table des négociations conventionnelles, il n'y a pas l'UNOCAM ! Or, sur un sujet comme celui du secteur optionnel, il faut des partenaires : l'assurance maladie, bien sûr, mais aussi l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire !
En téléphonant à Étienne Caniard, je voulais juste m'assurer que chacun avait envie d'avancer. Dont acte.
Absolument. L'UNOCAM, l'UNCAM – l'Union nationale des caisses d'assurance maladie –, les professionnels, et autres, chacun doit jouer son rôle.
Il y avait plusieurs voies : pour certains, il fallait y aller doucement, et commencer par des expérimentations régionales ou par spécialités. Au final, il faut évidemment que cela concerne ceux qui pratiquent des dépassements. Mais attention, je ne veux piéger personne : il ne s'agit pas de dire qu'un passage au secteur optionnel est définitif ! Non. Pour moi, préférer le volontariat et la liberté de choix, c'est un principe – qu'on peut me reprocher, bien sûr.
L'important, c'est que notre système permette à chacun de s'y retrouver : le patient, le premier, doit s'y retrouver ; mais le professionnel de santé ne doit surtout pas avoir le sentiment d'être piégé. Sinon, il ne rentrera pas dans le système.
Les avantages, ce sont d'abord les cotisations. L'entrée en secteur optionnel pourrait permettre une prise en charge des cotisations : cela présenterait donc un intérêt. D'un autre côté, les complémentaires pourraient intervenir. Bien souvent, d'ailleurs, cela se fait sans que ce soit dit ; bien souvent, il y a un secteur optionnel qui est d'une certaine façon pris en charge. La seule chose dont je ne veux absolument pas, c'est une échelle de perroquet : je veux avoir la garantie que, même si les complémentaires santé couvrent des dépassements, ceux-ci n'évolueront pas à la hausse.
Nous avons aussi pris des dispositions, monsieur le député, pour que l'on n'aille pas dans ce sens-là.
Il faut donc mettre tout le monde autour de la table. La volonté d'avancer est partagée, c'est très bien. Mais les règles de jeu de départ doivent être claires, très claires : si on réussit, on aura tout simplement renforcé l'accès aux soins.
Nous allons passer au vote sur l'article 5, en espérant que les prochaines déclarations seront faites au début de la discussion générale sur l'article, et pas après le vote des amendements. (Sourires.)
Cela m'est revenu après, monsieur le président. (Sourires.)
Nous en arrivons aux amendements portant articles additionnels après l'article 5.
Je suis saisi d'un amendement n° 184 rectifié .
La parole est à M. Michel Issindou.
Cet amendement vise à modifier le deuxième alinéa de l'article L. 162-22-15 du code de la sécurité sociale de la façon suivante :
« Les mesures prises en cours d'année par le Gouvernement en vue de compenser un éventuel dépassement de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie hospitalier portent de manière équilibrée » – ce terme est important – « sur les différentes modalités de financement des établissements. »
Cet amendement est essentiel, car il vise à assurer la délégation intégrale du montant voté pour les MIGAC – mission d'intérêt général et aide à la contractualisation – par le Parlement. À défaut, les efforts d'économie doivent être effectués de manière équitable et transparente entre les établissements du secteur public et ceux du secteur privé.
Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, la représentation nationale vote chaque année une enveloppe MIGAC, élevée, qui permet d'assurer le financement des missions d'intérêt général des établissements de santé, tout en améliorant leur efficience. Compte tenu de l'organisation de l'offre de soins en France, ces financements concernent essentiellement les hôpitaux publics.
En 2010, une part significative des MIGAC, estimée à 550 millions d'euros, a été gelée par les pouvoirs publics afin de compenser un éventuel dépassement de l'ONDAM.
Nous demandons qu'à l'avenir, on cesse de pénaliser les établissements publics de santé : l'éventuel non-respect de l'ONDAM relève de la responsabilité partagée des secteurs public et privé.
L'expression « ONDAM hospitalier » ne correspond pas, je le rappelle, à la réalité juridique, dans la mesure où deux sous-objectifs sont liés aux établissements de santé.
En outre, le rapport Briet a mis en avant le fait que, parmi les dépenses de l'assurance maladie, certaines revêtaient les caractéristiques d'une dotation budgétaire : elles peuvent donc être partiellement gelées en début d'exercice comme cela se fait depuis longtemps par la loi de finances.
Dans le champ des établissements financés par la tarification à l'activité, seules les dotations régionales MIGAC, et tout spécialement la part relative à l'aide à la contractualisation, peuvent être assujetties à des mises en réserve, qui peuvent être levées au cours de l'exercice budgétaire en fonction de l'état d'exécution de l'ONDAM hospitalier et être ainsi allouées aux établissements de santé.
En conséquence, les autres modalités de financement que sont notamment les tarifs de prestations ne peuvent techniquement pas faire l'objet de mises en réserve, dans la mesure où elles sont déterminées et impérativement mises en oeuvre le 1er mars de chaque année, dans le cadre de la campagne tarifaire.
Clairement, on ne peut pas geler la T2A. C'est la raison pour laquelle la commission a donné un avis défavorable à cet amendement.
Monsieur le président, vous êtes indulgent, je le sais bien, et j'en ai encore eu la confirmation tout à l'heure : m'autorisez-vous à poser une question à M. Issindou ?
À partir du moment où on n'est plus dans le budget global, dans la dotation globale, monsieur Issindou, comment voulez-vous intervenir pour geler une tarification à l'activité ?
Vous n'êtes pas obligé de me répondre, mais si vous avez la réponse, je suis preneur.
Ah non, monsieur Mallot, nous gelons une partie des MIGAC. Mais avec votre amendement, qui nous empêche de geler les MIGAC, comment voulez-vous geler le principe même d'une tarification à l'activité ?
Non, il n'y a plus de budget global ! Soit vous voulez apporter votre soutien à la politique que nous mettons en oeuvre et je vous en remercie, soit il y a une contradiction dans votre raisonnement. Avis défavorable.
M. le ministre se réfugie derrière un problème technique ; j'entends bien, mais je m'intéresse, moi, au fond de la question soulevée par notre collègue.
Dans le cadre de la fameuse et extrêmement contestable tarification à l'activité, qui est incapable de prendre en compte la totalité des dépenses notamment des établissements publics – qui, eux, accueillent tous les patients, quelles que soient leurs pathologies, quelles que soient leurs ressources –, les MIGAC sont censés corriger un peu cette insuffisance de financement. Or vous avez décidé de geler une partie des MIGAC lorsque les dépenses excèdent l'enveloppe prévue. Ce faisant, alors que les dépenses sont dues à l'activité des secteurs public et privé, vous punissez en quelque sorte davantage le public que le privé !
Nous vous demandons de cesser de pénaliser toujours plus le service public, déjà bien mal en point.
Vous nous dites que l'amendement ne convient pas. Mais alors présentez-en un autre ! Ce que nous voulons, vous l'avez compris, c'est que vous cessiez de pénaliser les établissements publics lorsqu'il y a des problèmes financiers. Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, ainsi qu'à vos éminents collaborateurs : vous trouverez la bonne solution. Si l'amendement du groupe socialiste ne va pas, rectifiez-le ! Si notre objectif est atteint, nous pourrons nous mettre d'accord sans problème.
Monsieur le ministre, je suis très étonné : vous avez fermement soutenu, lors de précédentes séances sur ce texte, qu'en 2011 il n'y avait pas de gel des MIGAC !
Vous l'avez dit deux fois, trois fois. Le redites-vous aujourd'hui ?
Laissez-moi prendre la parole pour m'exprimer.
C'est quand même très important ! S'il n'y a pas de gel de MIGAC cette année, ni dans les années qui viennent, l'amendement devient inutile. Votre réponse, de ce point de vue, sera extrêmement utile.
Je renvoie l'ensemble de nos collègues aux débats précédents, et au Journal officiel qui fait foi. Vous avez, monsieur le ministre, assuré devant la représentation nationale qu'en 2011 il n'y avait pas de gel de MIGAC.
Ensuite, je fais écho à l'intervention de Mme Fraysse : les MIGAC représentent un enjeu absolument vital pour un certain nombre d'établissements de proximité, pour des hôpitaux publics confrontés à des enjeux territoriaux importants et qui n'ont pas forcément la masse d'activité qui permet, au titre de la T2A, de financer ici une maternité et ailleurs un autre service. Ces MIGAC ne sont pas les cerises sur le gâteau, mais bien souvent un financement sans lequel des services entiers sont dans l'incapacité d'équilibrer leurs activités, pourtant vitales, y compris dans des territoires éloignés de grands centres hospitaliers.
C'est donc une question d'opportunité, mais je pense que vous allez nous rassurer avec la même fermeté que dans les épisodes précédents.
Sur le fond, encore une fois, l'amendement du groupe socialiste est, je crois, un amendement d'intérêt général, comme le sont ces financements. Vous en parlez, madame la rapporteure, monsieur le ministre, un peu légèrement.
La parole est à M. le ministre, pour la suite de cette partie de badminton.
M. Paul est au service…
et j'essaye de répondre en disant, d'abord, qu'il n'est pas nécessaire de déraper à la fin de l'intervention.
Pourquoi ai-je décidé, en début d'année, de diminuer légèrement certains tarifs ? J'ai pris mes responsabilités, car je voulais être sûr, cette année, de pouvoir préserver les MIGAC : or si je ne voulais pas les pénaliser, il fallait diminuer certains tarifs dans le public parce que l'activité augmente. J'admets donc une partie de l'argumentation de Mme Fraysse.
Cela n'a pas été fait chaque année, mais je veux, moi, appliquer la régulation tarif-volume. C'est comme cela qu'a été conçue la T2A.
Pour moi, les MIGAC ont toute leur importance. La partie MIG, c'est notamment l'urgence et l'enseignement. Or, au sein de l'urgence, il y a une partie payée à l'activité, mais aussi une partie de continuité, car ces services sont ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Voilà pourquoi la mission d'intérêt général est pertinente. Si je veux qu'il y ait des restructurations, c'est au contraire la partie AC qui m'intéresse.
Je suis d'accord avec Mme Fraysse : ces fonds profitent davantage au public qu'au privé. Si j'ai voulu faire ce choix, que j'assume, en début d'année, c'est tout simplement pour permettre que les MIGAC ne soient pas pénalisées.
Elles ne sont pas supprimées : c'est la fameuse « mise en réserve Briet » – vous le savez, car vous connaissez parfaitement le sujet, les uns et les autres – que l'on met en place dès le début de l'année.
Mais ce n'est pas une suppression ! Je me suis engagé publiquement sur cette question en commission.
Non, pas en fin d'année, dès l'été : vous connaissez bien le sujet, monsieur Préel. Ne jouons pas sur les détails – votre sourire montre d'ailleurs que vous n'êtes pas en désaccord avec mes propos.
Je l'ai dit devant les directeurs d'établissements, je l'ai dit aussi devant les présidents de commissions médicales d'établissements : cela nous permettra, dans cette campagne budgétaire, de préserver les MIGAC – dont nous aurons besoin, tant pour assurer le fonctionnement de certains services dans de bonnes conditions que pour permettre des restructurations, parce qu'il faut de l'argent pour préserver l'avenir.
C'est la mise en réserve Briet ! Vous verrez bien si les MIGAC sont dépensées dans les Agences régionales de santé : monsieur Paul, vous me disiez connaître des sujets de préoccupation dans votre région ; vous verrez bien si les financements sont là ou pas. Je vous donne rendez-vous.
Dans notre amendement, nous avons un réflexe qu'il faudrait cesser d'avoir : nous avons écrit « hospitalier », alors que l'hôpital n'existe plus dans la loi ; je l'avoue, il y a de vieux réflexes idiots. (Sourires.)
L'hôpital n'existant plus, parlons d'établissements publics.
Ce que vous ne voulez pas comprendre, ce que vous faites semblant de ne pas comprendre, monsieur le ministre, c'est que les MIGAC sont là pour pallier les problèmes créés par l'application à tous crins de la tarification à l'activité.
Vous nous dites que les MIGAC permettent de financer aussi la tarification à l'activité. C'est faux puisque tout ce qui concerne l'accompagnement du malade ne génère pas d'acte.
S'agissant des établissements publics qui accueillent des personnes en situation de grande précarité – à cet égard, je vous mets au défi de trouver des établissements privés qui le font (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…
Allez donc sur le terrain visiter des hôpitaux ! (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)
Quand vous ramassez dans la rue une personne en situation de grande précarité, celle-ci ne génère pas beaucoup d'actes, mais requiert plutôt de l'accompagnement, de la compréhension. Si notre pays n'est pas devenu trop « sauvage », on ne le remettra pas dans la rue dès le lendemain, on essaiera de lui trouver un centre d'hébergement.
Madame Boyer, vous poussez des cris effarouchés, mais c'est pourtant ainsi que les choses se passent. Les MIGAC permettent au personnel des établissements publics d'assurer ce minimum de service humain.
Je donne acte au ministre qu'il vient de nous fournir une réponse totalement différente de celle qu'il donnait il y a encore un mois et demi. En 2011, il y a bien gel sur une partie des enveloppes MIGAC.
La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l'amendement n° 246 rectifié .
Monsieur le ministre, sans rouvrir le débat précédent, je dirai que, lorsque l'activité augmente et que l'on baisse les tarifs, on n'est plus très loin du budget global.
Vous serez certainement très favorable à l'amendement n° 246 rectifié car il s'agit de donner du contenu aux négociations conventionnelles, comme vous l'avez souhaité il y a quelques instants.
L'article 44 de la loi du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008 a posé le principe des expérimentations portant sur des nouveaux modes de rémunération complétant le paiement à l'acte ou s'y substituant. Ces expérimentations sont prévues pour une durée de cinq ans à compter de 2008.
Le financement est assuré par les trois régimes d'assurance maladie obligatoire.
Les expérimentations sont conduites par les Agences régionales de santé qui concluent des conventions avec les professionnels de santé. Les organismes complémentaires peuvent être également signataires s'ils participent à l'organisation et au financement.
Afin d'assurer une cohérence dans la réflexion actuelle menée par l'État, il apparaît nécessaire que les modalités de mise en oeuvre et la fixation de ces nouveaux modes de rémunération mis en place dans le cadre de ces expérimentations s'intègrent dans le champ des discussions conventionnelles. C'est précisément ce que vous souhaitez, monsieur le ministre.
L'objet de l'amendement est donc de donner compétence aux partenaires conventionnels des différentes professions pour déterminer les modalités de mise en oeuvre de ces expérimentations.
Monsieur Préel, je suis navrée de vous dire que la commission est défavorable à cet amendement. J'en comprends le fond mais pas la forme.
Je me permets de vous rappeler que la rénovation et la diversification des modes de rémunération des médecins traitants comptent parmi les objectifs essentiels de la nouvelle convention médicale, et les nouveaux modes de rémunération dont nous avons décidé la création en 2007 feront naturellement partie des points discutés. Il n'est donc pas utile d'inscrire ce dispositif dans la loi.
J'ai sous les yeux un document de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie qui fait état de la réunion du conseil du 17 mars 2011. À la page 14 de ce document, il est indiqué que le projet d'orientation des négociations conventionnelles mis au point par l'UNCAM prévoit une diversification des modes de rémunération avec trois niveaux : l'effort fait pour l'engagement des professionnels dans certaines missions ou l'exercice regroupé, la rémunération à l'acte, la rémunération en fonction de l'atteinte d'objectifs de santé publique.
On ne peut inscrire dans la loi ce qui doit être négocié par la convention. Pourquoi les nouveaux modes de rémunération et pas le reste ? Je comprends très bien le sens de votre intervention, mais votre amendement ne peut être accepté pour les raisons que je viens d'évoquer.
Je suis défavorable à cet amendement, plus sur la forme que sur le fond.
Les nouveaux modes de rémunérations sont en phase expérimentale. S'ils fonctionnent, ils trouveront leur place dans le dispositif conventionnel. Si vous me demandez si je crois à ce dispositif, je vous répondrai oui. Mais si vous me demandez si cet amendement a sa place dans la loi, je vous dirai non.
(L'amendement n° 246 rectifié n'est pas adopté.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 6.
La parole est d'abord à M. Guy Malherbe.
L'article 6, qui a soulevé jusqu'à présent beaucoup de passion, concerne en filigrane l'importation des prothèses dentaires.
Il faut rappeler que les dentistes sont, avec les médecins et les sages-femmes, les seules professions médicales de notre pays. La profession dentaire ne doit donc pas être exercée comme un commerce. Le code de la santé publique s'applique de manière rigoureuse à leur exercice.
Les dentistes doivent être garants de la conformité des prothèses qu'ils posent selon les directives européennes qui ont été transposées en droit français.
Or si les contrôles réalisés par l'AFFSAPS engagent formellement les prothésistes français à respecter la traçabilité et la conformité, dont principalement le marquage « Communauté européenne » des produits utilisés, il faut savoir que, hors de l'Union européenne, il n'existe aucune garantie de conformité des prothèses car les contrôles sont évidemment impossibles. La garantie repose uniquement sur la conscience professionnelle du fabricant puisque la conformité des dispositifs médicaux sur mesure est déclarative, à l'inverse des dispositifs de série, qui eux peuvent faire l'objet de prélèvements ou de tests.
C'est donc pour éviter des dispositifs médicaux de provenance douteuse qu'en 2009, la loi HPST a exigé une mesure de transparence du prix d'achat qui seule permet aux patients d'identifier avec certitude la provenance de leur prothèse, le prix étant un indicateur extrêmement fort.
Il faut rappeler que les prothèses dentaires importées d'Asie ou du Maghreb représentent environ 30 % du volume des prothèses posées en France. La différence de coût est de plus de 50 % et leur conformité sanitaire n'est ni vérifiable ni garantie. D'ailleurs, la Cour des comptes dénonce ces importations et souligne que le manque à gagner pour la profession des prothésistes est d'environ 600 millions d'euros par an, soit 10 000 emplois environ. En 2009, Mme Bachelot qualifiait ce comportement de « circuit condamnable ». C'est pourquoi l'article 57 de la loi HPST a prévu que, lorsque l'acte ou la prestation du dentiste inclut la fourniture d'un dispositif médical, les professionnels de santé doivent délivrer une information écrite qui comprend de manière dissociée le prix de chaque élément de l'appareillage proposé, le prix de toutes les prestations et une copie de la déclaration du dispositif médical.
Or ces obligations prévues par la loi HPST sembleraient poser aujourd'hui plusieurs problèmes.
On nous dit que ces obligations ne tiendraient pas compte des dentistes qui emploient des prothésistes. Mais il en existe très peu et, ce faisant, en exerçant le métier de fabricant, ils seraient en infraction avec le code de la santé publique.
II serait aussi impossible de détailler le prix d'achat de chacun des éléments d'appareillage, tels que les orthèses et les orthoprothèses qui peuvent comporter un grand nombre de petites pièces. En fait, le prix de chaque élément ne signifie pas celui de chaque pièce. Les orthoprothèses contiennent un grand nombre de petites pièces assemblées en un seul élément relié, vendues et facturées comme un seul dispositif. Il n'y a donc pas de difficulté de facturation.
Les obligations de la loi HPST inciteraient aussi les praticiens à contourner les règles en négociant des marges arrière ou en constituant des sociétés entre professionnels qui permettraient de fournir le matériel à un prix de convenance, les bénéfices étant remontés au niveau de la société. Mais il faut rappeler que les marges arrière sont prohibées par le code de la santé publique et que la constitution de sociétés serait faite en violation de ce même code.
Aussi, et pour apporter une solution à tous ces problèmes, les sénateurs ont proposé de remplacer l'obligation de faire figurer le prix d'achat par celle de faire figurer le prix de vente des matériels.
Or le fait de remplacer le prix d'achat par le prix de vente du dispositif médical modifie la qualification de l'acte qui constitue de ce fait une activité commerciale contraire, je le répète, au code de la santé publique. Je rappelle que la profession dentaire ne doit pas être pratiquée comme un commerce.
Alors, pourquoi modifier la loi HPST, parfaitement applicable, en créant un aménagement remplaçant le prix d'achat par le prix de vente, contraire au code de la santé ? Selon une enquête IFOP réalisée au mois de novembre 2010, il semblerait en effet que la loi soit techniquement applicable : 44 % des dentistes procèdent déjà ainsi totalement ou partiellement, et 77 % des praticiens dentistes sont matériellement en mesure d'appliquer cette disposition.
Si la loi pose un problème, c'est au plan psychologique.
Oui, monsieur le président.
Que les dentistes aient à rattraper la faible cotation des soins semble parfois légitime. De même, des temps de soins supplémentaires sont nécessaires en vue de la pose de la prothèse – cela rejoint le sujet que l'on a abordé tout à l'heure sur les dépassements ou les tarifs opposables, et la revalorisation des tarifs. C'est justement pour cela que le texte de 2009 prévoyait de mentionner dans le devis les prestations associées et le temps de soins supplémentaire nécessaire : essayage, pose, réglage, vérification, etc.
Voilà pourquoi il faut rétablir le prix d'achat sur le devis et la remise, lors de la pose, de la facture du prothésiste avec la déclaration de fabrication indiquant le lieu de fabrication.
Aussi, j'ai déposé un amendement de compromis qui devrait permettre de donner satisfaction aux dentistes, aux prothésistes et aux patients.
Je vous signale, monsieur Malherbe, que j'ai fait preuve de beaucoup d'indulgence à votre égard. Je vous ai laissé dépasser votre temps de parole, car vous ne vous étiez pas encore exprimé.
Quant à vous, monsieur Préel, comme vous avez déjà beaucoup parlé, je vous donne la parole pour deux minutes seulement.
L'article 6 concerne les prothèses dentaires. Il existe trois problèmes majeurs : celui de la traçabilité, celui du prix et celui de la profession de prothésiste.
Ces problèmes ont déjà été abordés à plusieurs reprises, notamment lors de la discussion de la loi HPST. L'article 57, voté par notre assemblée, semblait résoudre ce problème, étant en principe d'application immédiate, aucun décret d'application n'étant prévu. Mais, en réalité, le ministère et les professionnels n'ont pas souhaité appliquer cet article.
La traçabilité est une mesure de santé publique. Il est indispensable que le malade soit informé du lieu de fabrication des matériaux utilisés. En effet, aujourd'hui, 20 à 30 % d'entre eux sont fabriqués à l'étranger, notamment en Asie et à Madagascar. Un accord doit pouvoir être trouvé sur ce point, d'autant que les prothésistes français souffrent de cette concurrence.
Quant au prix, la Cour des comptes a dénoncé le manque de transparence et nous savons tous que l'assurance maladie rembourse très mal le dentaire, l'optique et les audioprothèses et que les tarifs concernant les soins curatifs sont dérisoires.
La solution concernant les médecins que vous nous avez indiquée, monsieur le ministre, consisterait à revaloriser régulièrement ces actes curatifs, notamment grâce à la CCAM clinique et à la CCAM technique.
Les professionnels vivent donc aujourd'hui des actes prothétiques. C'est ainsi qu'ils assurent l'équilibre financier de leur cabinet. S'il existe un différentiel important entre le coût d'achat de la prothèse et la facturation de l'acte, cela ne peut mettre qu'en valeur l'acte du professionnel et les charges du cabinet.
La meilleure solution que je propose par amendement consiste à fournir la photocopie du bon de livraison du prothésiste. Ce bon assure la traçabilité en indiquant le lieu de fabrication, le certificat de conformité avec les matériaux utilisés.
Je signalerai, pour finir, que les audioprothésistes, dont le matériel est essentiellement fabriqué par trois groupes mondiaux, ont adopté une norme pour assurer la qualité de leur pratique et le suivi de leurs actes. Il s'agit sans doute d'un exemple à suivre pour l'ensemble des professionnels de santé.
La parole est de nouveau à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l'amendement n° 129 .
Comme je viens de le préciser : en donnant la photocopie du bon de livraison, on résout à la fois le problème de la traçabilité et celui du prix de la prothèse.
J'interviendrai sur l'amendement que vient de présenter M. Préel et sur celui de M. Malherbe dont nous discuterons dans un instant, en en retraçant l'histoire et en rappelant la teneur de la discussion à leur sujet en commission.
Nous avons beaucoup travaillé sur cette question, rencontré à plusieurs reprises les associations de consommateurs, les syndicats de prothésistes et ceux des chirurgiens dentistes. Nous avons également longuement discuté entre chaque réunion. Nous avons surtout voulu apaiser le débat qui prend parfois des proportions ridicules et un tour violent, et donc ne pas donner dans la caricature selon laquelle il y aurait d'un côté les bons et de l'autre les méchants. Il est indigne pour la représentation nationale d'alimenter un climat de suspicion et de dresser des professionnels de santé contre des patients ou des patients contre certaines professions.
Nous sommes animés par la volonté de trouver une solution honorable à la fois pour les patients, pour les prothésistes et pour les professionnels de santé.
D'un côté, les patients souhaitent bénéficier d'une information plus complète et je suis la première à les entendre, de même que mes collègues quels que soient les bans sur lesquels ils siègent. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement en commission en ce sens. De l'autre côté, des professionnels de santé se sentent montrés du doigt, notamment par certains articles de presse et par certaines émissions de télévision qui déforment leurs interventions ; ils ont l'impression qu'on leur dénie la qualité de professionnels de santé. Je m'élève contre cette désinformation dans la mesure où nous avons la chance, en France, de disposer de professionnels de santé de grande qualité. Nos chirurgiens dentistes sont mieux et plus longuement formés que leurs homologues étrangers.
Il est bon de rappeler qu'ils peuvent se prévaloir de huit années d'études supérieures et qu'ils sont soumis à des contraintes, dans l'exercice de leur activité, qui ne sont pas les mêmes que celles auxquelles sont soumis leurs collègues européens.
Je souhaite également que nous abordions l'art dentaire français…
…et qu'on le fasse mieux comprendre à nos concitoyens.
J'espère, j'y insiste, que nous ne tomberons pas dans la caricature ni dans l'excès.
Nous avons, nos deux collègues l'ont excellemment rappelé, plusieurs difficultés à résoudre. La première, majeure, est celle de la traçabilité des soins prothétiques. Les patients veulent connaître la provenance des dispositifs médicaux et nous avons le devoir d'assurer cette transparence. Le retour à la loi HPST ne le permettra pas car l'ordonnance du 11 mars 2010 a supprimé l'obligation de présenter aux patients une copie de la déclaration de fabrication du dispositif médical.
Ce point fait l'unanimité parmi nous et le texte de la commission me paraît satisfaisant. Disposer de la traçabilité du matériel posé en bouche est essentiel.
Nous avons en effet connu assez de drames médicaux.
Un pas important vient d'être franchi avec cette proposition à mettre à l'actif du Parlement.
Ensuite, en matière de prix, je m'accorde avec le diagnostic de la Cour des comptes et considère qu'il faut absolument améliorer la transparence des prix pratiqués.
La loi HPST imposait la distinction du prix d'achat de chaque élément de l'appareillage. Cette disposition s'est révélée impossible à mettre en oeuvre et a créé une atmosphère délétère. C'est la raison pour laquelle nous en discutons aujourd'hui.
J'ai proposé à la commission de distinguer, dans le devis remis au patient, la provenance et le coût de la prothèse du prix des prestations. Le patient pourra ainsi choisir en connaissance de cause. J'ai également proposé la remise d'une facture après l'acte pour répondre aux inquiétudes de certaines associations de consommateurs. Il est vrai que ce qui compte le plus, c'est l'information remise au patient avant l'acte ; c'est pourquoi nous avons à nouveau rencontré l'ensemble des acteurs concernés pour trouver une solution.
Notre collègue Guy Malherbe a ainsi déposé un amendement n° 57 qu'il vient d'exposer de façon fort détaillée. Le temps qu'il y a passé me paraît vraiment nécessaire car doivent être versés au débat tous les détails qu'il nous a présentés. Cet amendement prévoit la mise au point par les partenaires conventionnels, au niveau national, d'un devis type qui donnera une information complète aux patients sur le prix et la provenance de la prothèse.
Nous disposons en France de chirurgiens dentistes dont la formation a été particulièrement longue et difficile. Leurs interventions sont extrêmement délicates et souvent mal connues et mal perçues par les patients. Une intervention dans un cabinet peut se révéler dangereuse et nécessite de nombreuses précautions.
Quand ils se rendent dans une clinique, les patients distinguent très bien l'hôtellerie, l'appareillage, la radiothérapie… tandis que dans un cabinet dentaire, le rassemblement de ces activités donne l'impression d'une intervention réduite, dont on a du mal à détailler les aspects, d'où la nécessité d'une meilleure information.
La prothèse représente de 10 à 15 % du prix. Imposer aux professionnels de santé le soin d'établir le prix total en se contentant de distinguer celui de la prothèse reviendrait à donner une mauvaise information au patient. C'est la raison pour laquelle je vous propose d'adopter l'amendement n° 57 de M. Malherbe qui répond aux inquiétudes des patients tout en préservant l'art dentaire français.
Même si Mme la rapporteure a évoqué également un autre amendement, la parole est à M. le ministre pour donner l'avis du Gouvernement sur le seul amendement n° 129 .
Avis défavorable. J'ai suffisamment d'expérience pour savoir que ce genre de débat risque – on ne sait jamais – de déraper en confrontation entre les gentils et les méchants.
Vous êtes parmi les méchants, c'est votre rôle habituel, vous aimez cela ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Bien sûr, monsieur Mallot, vous parlez en connaisseur… Ne soyez donc pas méchant.
J'assume complètement mon choix : l'article 57 de la loi HPST, sur lequel nous revenons, n'était pas applicable. Si l'on suit la logique proposée, il ne faudra pas oublier de demander au chirurgien orthopédiste de bien indiquer le prix d'achat de la prothèse de la hanche.
Il ne faudra pas oublier non plus de procéder ainsi vis-à-vis de l'ensemble des professionnels de santé et même pour l'ensemble des professions.
Et si les usagers, les patients, les consommateurs sont de la sorte mieux renseignés, il faudra me le démontrer. (« Exactement ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
On me reprochera de ne pas me rendre compte, on fera valoir qu'il faut tout savoir.
D'abord, comme l'a rappelé Valérie Boyer, il faut que le devis soit clair et précis. Ensuite, en tant que patient, la provenance peut m'amener à faire un choix plutôt qu'un autre et à investir plus d'argent dans une prothèse parce qu'elle proviendrait de tel pays.
Enfin, en ce qui concerne la traçabilité, si l'on s'en tient à ce que je souhaite, un vrai progrès sera réalisé au bénéfice des patients.
Ma position est constante : aller autant dans le détail que vous le voulez, monsieur Préel, rendra le texte inapplicable. On s'en est rendu compte après la promulgation de la loi HPST, voilà la vérité.
Je suis donc au regret de vous rappeler que le Gouvernement n'est pas favorable à votre amendement.
(L'amendement n° 129 n'est pas adopté.)
Je le retire, monsieur le président, car j'ai compris que Mme la rapporteure était favorable, au nom de la commission, à l'amendement de notre collègue Malherbe qui résout une partie du problème.
Votre refus est regrettable, monsieur le ministre, car la photocopie du bon de livraison ne pose en principe pas de problème et permet d'établir à la fois la traçabilité et le prix. Je ne comprends donc pas pourquoi le Gouvernement s'y est montré défavorable.
(L'amendement n° 128 est retiré.)
Nous persistons à réclamer plus de précision et plus de simplicité. Quelles que soient les explications fournies par la rapporteure et par le ministre, nous souhaitons qu'à la deuxième phrase de l'alinéa 2 de l'article 6, après le mot : « dissociée, », soient insérés les mots : « le prix d'achat, le lieu de fabrication ».
Il s'agit de surcroît d'un secret de Polichinelle puisque vous nous avez précisé que le prix d'achat de la prothèse représentait entre 10 et 15 % du prix global.
Il n'y a rien de scandaleux dans le fait que 80 % du prix d'une prothèse puisse être lié à une main-d'oeuvre de qualité. Seulement, pourquoi ne pas le dire clairement, pourquoi ne pas indiquer le prix d'achat et le lieu de fabrication ? Le texte de la commission prévoit la divulgation de ces informations à l'issue des travaux, ce qui n'a pas de sens : on paie d'abord et on a droit à l'explication après, une fois qu'on en a plein la bouche, si je puis dire. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Il ne s'agit pas d'une élucubration des socialistes mais de dispositions réclamées par la Cour des comptes que chacun, ici, respecte. Dans son rapport de septembre 2010, elle soulignait le manque de transparence concernant le coût des soins prothétiques dentaires et des honoraires afférents à ces soins par ailleurs très variables.
La Cour souligne que les prix sont nettement moins élevés dans des pays qui nous sont proches comme la Belgique, le Danemark ou les Pays-Bas et chacun garde en mémoire le cas de la Hongrie où des week-ends sont organisés pour aller se faire poser des prothèses dentaires.
Il s'agit d'un vrai problème de santé publique : combien de personnes ne parviennent plus à se faire soigner correctement tant les prix sont élevés ?
Cela pose peut-être, d'ailleurs, le problème des soins dentaires en général. Les dentistes et les chirurgiens dentistes cherchent à se rattraper d'honoraires très bas sur des soins basiques très mal rémunérés avec le système des clefs, des K et des lettres qui leur permet, j'y insiste, d'à peine gagner leur vie. Ils avouent largement mieux gagner leur vie en posant des prothèses. La tentation est donc forte pour eux, se considérant mal payés d'un côté, de vouloir se rattraper de l'autre. Ce n'est pas sain. On gagnerait sans doute à augmenter les tarifs de base et à se montrer plus transparent sur l'origine et le prix des prothèses, afin d'éviter que certains patients aillent se les faire poser dans des pays étrangers.
Nous disposons des meilleurs chirurgiens dentistes du monde, comme le rappelait Mme la rapporteure, il est donc dommage de ne pas les utiliser à leur juste valeur parce que les prix pratiqués sont aujourd'hui exorbitants. Nous évoquions tout à l'heure le secteur 2, complètement erratique : en matière dentaire, c'est n'importe quoi.
Commençons donc par un peu de transparence afin d'éclairer le débat.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 84 .
Notre préoccupation est la même.
La rédaction de l'article 6, issue des travaux de la commission, contient certes des points intéressants, concernant notamment la traçabilité, la fiabilité des matériaux, le lieu de fabrication. Mais elle pose un problème important dans la mesure où elle maintient la suppression votée au Sénat de la disposition de la loi HPST qui prévoyait l'information du patient quant au prix d'achat par les praticiens des dispositifs médicaux.
Cette suppression va à l'encontre des recommandations de la Cour des comptes, qui plaidait l'année dernière en faveur de plus de transparence. L'augmentation importante des importations de prothèses et la variabilité des prix de leur implantation accréditent évidemment l'hypothèse, et c'est dommage, d'une hausse des marges des praticiens qui les implantent. Le remplacement du prix d'achat par le prix de vente ne permet plus une visibilité suffisante.
Cela introduit un doute préjudiciable pour tous, aussi bien pour le praticien, qui est soupçonné de ne pas être très clair, de prendre des marges, etc. ce qui n'est ni très élogieux ni très acceptable pour lui, que pour le patient, qui se demande s'il a payé le juste prix, d'autant que ces soins sont très mal, pour ne pas dire pas du tout, pris en charge par la protection sociale.
Les professionnels de santé, du fait de leur statut et des missions qui sont les leurs, n'ont pas à répercuter sur leurs patients certains frais et ne doivent pas rester dans l'opacité quant aux dispositifs qu'ils utilisent dans le cadre de leurs activités de soins.
Nous proposons que les praticiens informent leurs patients du prix d'achat du dispositif utilisé. C'est une demande des patients qui souhaitent être informés. C'est également une demande des prothésistes qui espèrent sans doute voir leur travail revalorisé.
Je rappelle que le taux de remboursement des frais par l'assurance maladie n'a pratiquement pas bougé depuis vingt ans. Je suggère d'ailleurs à M. le ministre de réfléchir, à l'occasion de ce débat, à un meilleur remboursement des soins.
Je voudrais ajouter que, depuis la directive relative à l'application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers, un cadre juridique communautaire organisant le remboursement par certains États dits d'affiliation de soins prodigués aux patients dans un autre État membre de l'Union européenne a été construit pour ouvrir un « marché unique de la santé », ce qui nous préoccupe au plus haut point.
S'il est nécessaire de créer les conditions de pratiques plus transparentes, il faut cependant se demander pourquoi le prix de vente des prothèses sert, dans certains cas, de variables d'ajustement pour amortir certains frais dans le secteur libéral et quelles en sont les conséquences sur l'accès aux soins. S'il faut éventuellement pallier l'absence de revalorisation de certains actes pour les patriciens de ce secteur, cela ne doit pas se faire au détriment de la transparence et de l'information des patients.
C'est un avis défavorable.
M. le ministre vient de le dire, en plus du climat de suspicion que cela faisait naître, le prix d'achat s'est avéré impossible à appliquer.
Par ailleurs, je souligne que les demandes en matière de traçabilité et d'origine sont satisfaites. Cette avancée remarquable a été votée à l'unanimité.
Cette exigence est désormais inscrite dans la loi.
Les détails que vous appelez de vos voeux figureront dans la négociation conventionnelle, notamment si nous adoptons l'amendement de M. Malherbe puisqu'un devis-type sera élaboré avec l'UNCAM et l'UNOCAM. Nous avons, à ce niveau-là, toute satisfaction sur l'objectivité et la transparence avec lesquelles ces professionnels travailleront : tout le monde sera représenté et on pourra enfin expliquer aux patients comment se réalisent les soins dentaires – c'est un progrès que nous devons accompagner.
Vous avez évoqué ensuite les soins à l'étranger. Personne ici ne veut favoriser le tourisme dentaire. J'ai moi-même déposé des propositions de loi visant à lutter contre le tourisme dentaire, propositions qui ont été cosignées par bon nombre de mes collègues. Ce que nous proposons permettra précisément de lutter contre ce genre de pratiques. Il ne faut pas oublier que le tourisme dentaire, comme d'ailleurs le tourisme médical, coûte très cher à l'assurance maladie parce qu'après, il faut récupérer les patients. On importe ainsi un risque.
Avec les dispositions que nous prenons aujourd'hui, nous allons donner satisfaction à la fois aux consommateurs et aux professionnels de santé.
Le Sénat est revenu sur le dispositif de la loi de 2009, en prévoyant une information gratuite du patient relative au prix de vente de l'appareillage et des prestations associées.
En commission, l'amendement de notre rapporteure ajoutait à cette information, d'une part, la provenance de la prothèse, sujet qui fait l'unanimité dans cette enceinte, d'autre part, la facture après l'acte.
Cependant, après concertation avec l'ensemble des professionnels et des associations de consommateurs, il s'est avéré que cette solution n'était pas entièrement satisfaisante car le plus important est de fournir une information complète du patient avant l'acte médical.
L'amendement n° 57 est un amendement de compromis, qui vise à prévoir la définition, au niveau national, d'un devis-type par les partenaires conventionnels ou, à défaut, par décret, qui comprendra le prix de la prothèse, distinct du prix des prestations du professionnel, et sa provenance.
Les organisations professionnelles représentatives de la profession des prothésistes n'étant pas représentées dans les discussions de convention avec l'UNOCAM, il conviendrait qu'une concertation soit menée en parallèle avec elles, en marge des négociations avec l'UNOCAM.
Favorable.
Je trouve la proposition très intéressante mais le fait d'écrire que s'il n'y a pas d'accord avant le 1er janvier 2012, un décret sera pris me rappelle un peu ce qui avait été prévu pour le secteur optionnel. Pouvez-vous me dire, monsieur le ministre, au bout de combien de temps le décret sera-t-il signé ?
Je suis sûr qu'un accord sera trouvé.
Si tel n'était pas le cas, le décret ne sera pas renvoyé aux calendes grecques, je peux vous le garantir. Et il sera conforme à ce que j'ai dit tout à l'heure.
(L'amendement n° 57 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 126 .
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
Cet amendement vise à revenir sur la question de l'ordre infirmier.
La création de cet ordre repose sur un véritable malentendu entre le Parlement et les infirmiers et infirmières. On a pu croire, à un moment donné, que cet ordre était vraiment attendu par la profession. Finalement, compte tenu des conditions de sa création et du montant des cotisations demandées, il faut bien constater que cet ordre…
…ne recueille pas l'adhésion de la très grande majorité des infirmiers et infirmières.
On compte à peu près 500 000 infirmiers et infirmières en France, dont 70 000 libéraux environ. Les infirmiers et infirmières salariés ne comprennent pas qu'on puisse les obliger à adhérer à un ordre qu'ils n'ont jamais souhaité.
L'idée avait été avancée que la cotisation pourrait être uniquement symbolique : il avait été question de dix ou quinze euros dans les débats. Or, il s'est avéré impossible de faire fonctionner a minima un ordre regroupant 500 000 personnes avec une si faible cotisation.
En outre, l'ordre à maladroitement mis en place une sorte d'organisation définitive alors que peu de personnes avaient adhéré.
Aujourd'hui, il est donc en grande difficulté financière – on parle de dizaines de millions d'euros de découvert financier.
Nous avons deux possibilités, mes chers collègues : soit, nous rendre à l'évidence et constater que les infirmières et infirmiers ne souhaitent pas réellement cet ordre – il faudra alors en tirer toutes les conséquences – soit, nous en remettre aux créanciers, qui se chargeront peut-être de faire un sort définitif à cet ordre.
Parallèlement, il s'est créé un Haut conseil des professions paramédicales. Ce haut conseil a mis du temps à émerger dans le paysage des professions paramédicales mais, aujourd'hui, il remplit parfaitement les missions pour lesquelles il a été créé : c'est un lieu de débat, de concertation, entre l'ensemble des professions paramédicales. Les décrets d'application de la loi HPST ont ainsi été débattus dans ce cadre à la satisfaction de tous.
Je vous propose de tirer les conséquences de cette inconséquence et de supprimer l'obligation pour les salariés d'adhérer à l'ordre infirmier.
La parole est à M. Michel Issindou, pour soutenir le sous-amendement n° 274 .
Nous sommes constants dans notre opposition à la création d'un ordre national des infirmiers. Je l'ai répété à plusieurs occasions, nous avons voté contre la loi du 21 décembre 2006 qui créait cet ordre. Nous avons également déposé une proposition de loi, qui a bien sûr été rejetée l'an dernier. Notre conclusion est identique à celle d'Yves Bur qui a dit beaucoup de choses justes, comme d'habitude. Il faut absolument dispenser les infirmières salariées de cette cotisation. Celles qui travaillent en hôpital public ont des règles de déontologie, des règles hiérarchiques à respecter et n'ont pas besoin d'un ordre. Elles sont déjà dans un contexte qui leur impose hiérarchiquement d'accomplir correctement leur mission.
La création de l'ordre a fait grogner les infirmières de la France entière. Nous avons reçu beaucoup de sollicitations pour le faire disparaître. Quand une mesure est à ce point impopulaire auprès de 500 000 personnes c'est qu'il y a un problème. La preuve, c'est que les cotisations ne rentrent pas. Avec une cotisation de 75 euros, ce qui était considérable, la présidente de l'ordre estimait pouvoir encaisser 38 millions d'euros par an. C'était énorme et on lui avait demandé ce qu'elle allait en faire. Les infirmiers lui ont fait comprendre que cela n'était pas raisonnable et que, dans ces conditions, ils ne paieraient pas leur cotisation. Que s'est-il passé d'ailleurs pour ceux qui n'ont pas payé ? Ont-ils été interdits d'exercer leur métier, puisque c'était la menace ? Je n'imagine pas que celle-ci soit mise en oeuvre. On a donc d'un côté une opposition forte, de l'autre côté un ordre qui n'est pas respecté parce qu'il a voulu imposer des choses. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l'obligation pour les infirmiers salariés de cotiser à l'ordre national des infirmiers.
Défavorable, mais puis-je me permettre de demander son avis à M. le ministre ?
Si c'était facile, ça se saurait ! Et je le dis d'autant plus que la loi de 2006 c'est moi qui l'ai défendue, c'est moi qui ai cru à cet ordre infirmier. J'aurais juste aimé que ce qui était demandé à l'époque soit respecté.
C'est tout, c'est simple. J'avais souhaité que la cotisation soit symbolique parce qu'il y a une différence entre les infirmières salariées et celles qui exercent en libéral. Si on voulait éviter que les syndicats pensent que l'ordre était fait contre eux, il fallait tout simplement respecter l'esprit de la loi. Cela n'a pas été fait et voilà dans quelle situation on se trouve aujourd'hui. Maintenant, le vin est tiré, il faut le boire ! En tant que ministre de la santé je sais bien que je devrais éviter certaines expressions, mais cela doit être dû à l'heure ! (Sourires.)
Monsieur Mallié, permettez-moi de ne pas vous suivre, vous qui ne m'avez pas suivi sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Excusez-moi, cela m'est venu naturellement, mais je ne vous en veux pas parce que maintenant vous m'apportez votre soutien et je ne vous ai jamais vu en contravention, ce dont je vous suis reconnaissant.
Pour en revenir aux infirmiers, c'est encore moi qui ai mis en place le Haut conseil des professions paramédicales, mais ce n'est pas tout à fait la même chose parce qu'il ne concerne pas que les infirmières. Cette profession a un caractère spécifique et il faut l'entendre. La cotisation n'est pas le seul problème. La profession a droit, dans sa reconnaissance, au rôle spécifique que peut jouer un ordre. Et il est vrai que si l'on passe au facultatif cela ne sera plus du tout la même chose.
Des maladresses ont été commises – il faut dire les choses telles qu'elles sont. On bâtit un budget en fonction non pas de sa vision ou de ses prévisions, mais de ce que l'on a et de ce que l'on reçoit. Cela évite de se retrouver dans une situation difficile. Depuis ma nomination, nous avons régulièrement des contacts avec la présidente de l'ordre notamment et nous avons été très clairs, monsieur Bur : soit les choses sont rectifiées, on a de la visibilité et vous revoyez la cotisation, soit le Gouvernement donnera un avis favorable à l'amendement Bur. Voilà ce que j'ai dit. Je ne tiens pas deux discours selon que je suis dans mon ministère ou ici. Et il me semble que des efforts sont en train d'être entrepris. La proposition doit être faite au conseil national.
Je ne raconte pas d'histoires, j'assume mes choix. On nous a dit que le message avait été compris, qu'une discussion était en cours avec la banque pour éviter d'être en cessation de paiement et que cela devait être soumis au conseil national. Si je me montre favorable à cet amendement, il n'aura servi à rien que l'on ait discuté avec eux. C'est une question de respect à leur égard. Cela a été dit tout à l'heure, ce sujet va revenir en discussion, au Sénat notamment, et je n'ai pas deux façons de voir les choses : si je ne suis pas suivi, je donnerai un avis favorable à l'amendement de M. Bur.
L'ordre n'est pas l'ennemi des syndicats, mais tel qu'il a été compris et mis en pratique, il a suscité des résistances que certains avaient pris pour de simples réticences au départ. Moi, je pense que c'est une profession qui mérite un ordre, qui a besoin de la structuration permise par celui-ci, et que ce n'est pas parce que cela s'est mal passé depuis le départ qu'il faut aujourd'hui rejeter en bloc cette instance. Nous avons la possibilité, avec la réunion du conseil national, de lui donner une autre chance. Comprenez bien que ce dossier me tient à coeur. J'y ai cru, j'ai essayé de vaincre nombre de réticences au départ. Les choses ne se sont pas passées comme prévu, mais si on peut sauver l'ordre je pense que cela en vaut la peine.
Voilà pourquoi je vous demande, monsieur Bur, de bien vouloir retirer votre amendement. Je sais que vous avez de la suite dans les idées. Si donc le conseil national ne fait pas ce qu'il a dit, vous reviendrez avec votre proposition, ici ou au Sénat, et alors j'émettrai un avis favorable.
J'aurais souhaité parler avant M. le ministre parce qu'il a déjà dit tellement de choses que je vais évidemment aller dans son sens. En 2006, les débats ont été très long lorsqu'il s'est agi de créer le conseil de l'ordre des infirmières. Celui-ci avait été souhaité et ses objectifs se trouvaient dans les domaines de la déontologie, de l'éthique, des responsabilités entre le patient et le professionnel de santé. Tout cela avait été vu, visé et voté. Il est vrai que, depuis, nous avons constaté des difficultés de gestion de l'ordre. Nous avons reçu sa présidente en commission, et l'avons encore auditionnée dernièrement. La solution de M. Bur n'est pas la bonne parce que si l'on fait une différence entre salariés et libéraux pourquoi ne pas la faire dans les autres ordres nationaux, ceux des médecins, des vétérinaires, des pharmaciens, des dentistes, des notaires et autres ?
Vous ouvrez totalement la porte à la renégociation des ordres, monsieur Bur. Posons donc clairement la question : sommes-nous pour ou contre les ordres professionnels ? Je sais ce que pense la gauche, mais la majorité est favorable au maintien des ordres professionnels. Donc, je ne voterai pas l'amendement de mon ami Yves Bur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je suis tout à fait d'accord avec ce que vient de dire Jean-Pierre Door. Ayant été l'un des défenseurs de l'ordre national des infirmières, je rejoins également ce que vient de dire M. le ministre. En effet, le principe d'un ordre, c'est de réunir à la fois les libéraux et les salariés, qui ont les mêmes problèmes de déontologie, d'éthique, de formation. Sinon, l'ordre n'a plus aucun sens. S'il est réservé aux libéraux, alors il est plus logique de le supprimer, monsieur Bur.
Pour les praticiens hospitaliers, c'est la même chose. Le principe d'un ordre c'est de réunir l'ensemble des professionnels, libéraux et salariés. Sinon, cela n'a plus de sens. Je suis donc tout à fait défavorable à cet amendement.
La proposition de loi que nous avions déposée concernait aussi les masseurs-kinésithérapeutes. En effet, les infirmières ont une force de frappe en raison de leur nombre, mais le problème se pose de la même manière pour les masseurs-kinésithérapeutes, ainsi que pour les pédicures-podologues.
Je parle des nouveaux ordres qui viennent d'être créés.
Maintenant, et je rejoindrai M. Door, on crée un cas de jurisprudence. Aujourd'hui, certains ordres sont installés depuis des décennies – ceux des médecins, des pharmaciens – et on a l'impression que ça ne bouge jamais. Allez interroger les pharmaciens et les médecins salariés des hôpitaux ! Certains, que je connais, font de la résistance : cela fait trois ans qu'ils n'ont pas payé leur cotisation parce qu'ils estiment que cela ne leur sert à rien.
Notre proposition a permis d'ouvrir un débat et, monsieur Door, je ne vous permets pas de tirer les conclusions du groupe socialiste avant l'heure.
Il n'est pas question de savoir s'il faut mettre fin aux ordres ou pas, mais je suis d'accord avec vous pour dire que c'est un débat qu'il faut ouvrir : les ordres professionnels sont-ils pertinents ? Cela vaut pour les avocats, les notaires, les architectes. Va-t-on obliger un salarié architecte à cotiser même s'il ne veut plus de son ordre alors que l'infirmière salariée ne sera pas obligée de le faire ? Ce n'est pas raisonnable. Ouvrons le débat sur les ordres avant les présidentielles et nous verrons !
Je ne peux qu'applaudir des quatre mains à vos propos, monsieur le ministre. Vous le savez, nous étions ensemble en 2006 quand nous avons défendu et voté ce texte avec certains de nos collègues.
Je veux néanmoins dire une chose. À les entendre, les socialistes ont toujours des idées nouvelles. Mais vos idées, mesdames, messieurs les socialistes, ce sont simplement les 110 propositions de François Mitterrand. S'agissant de la suppression des ordres, que ne l'avez-vous votée entre 1981 et 1986, entre 1988 et 1993, entre 1997 et 2002 ? Si vous ne l'avez pas fait, c'est que vous saviez très bien que cela n'était pas possible. En effet, l'ordre c'est le ciment d'une profession, qu'il s'agisse des infirmiers, des podologues, des masseurs-kinésithérapeutes, des pharmaciens, parce que c'est le garant de la déontologie, de la discipline.
Un infirmier hospitalier est diplômé d'État et il peut très bien s'installer comme libéral. Celui qui a eu un problème disciplinaire à l'hôpital peut très bien s'installer facilement comme libéral. Tenir le tableau de l'ordre, avec des infirmiers que l'on sait être diplômés d'État ou non, qui sont inscrits régulièrement, telle est la mission de l'ordre. Ensuite, les ordres interviennent dans le domaine disciplinaire.
L'ordre national des infirmiers s'est mis en place, même si cela a pris du temps. Tout comme M. le ministre, sur la demande du président Méhaignerie, avec Bérengère Poletti, nous avons participé à une mission de médiation, mais ce n'était pas du tout évident car les élus ordinaux au niveau national de cet ordre étaient un peu dans leur bulle. C'était aux mois de mai, juin 2010, donc il y a pratiquement un an. Je puis vous dire, comme l'a laissé entendre M. le ministre tout à l'heure, que le conseil national de l'ordre a enfin compris le problème et que l'on va se tourner vers une cotisation annuelle plus conforme à ce que nous avions évoqué en 2006.
Voilà pourquoi je pense que votre amendement vient beaucoup trop tôt, cher collègue Bur. Rappelons-le, le conseil de l'ordre est en place depuis moins de deux ans. Comme M. le ministre, je vous propose donc de retirer cet amendement, sinon je voterai contre. Il faut attendre car les choses vont se dénouer dans les semaines qui viennent.
Je voudrais simplement rappeler, comme viennent de le faire Jean-Pierre Door et Richard Mallié que la création du conseil de l'ordre est une initiative parlementaire.
Aujourd'hui, la commission des affaires sociales s'est trouvée très divisée sur le sujet, compte tenu de l'historique qui vient d'être rappelé. Néanmoins – le ministre et plusieurs d'entre nous l'ont dit – l'ordre des infirmiers représente un progrès qu'il faut préserver. Ce n'est pas parce qu'il y a des difficultés que nous devons créer un précédent, dommageable pour tous les professionnels. Il me semble qu'il faut laisser sa chance à la négociation et que cet amendement devrait être retiré, quitte à ce que nous en reparlions ultérieurement.
Je ne vais pas retirer mon amendement, sous prétexte que l'illusion nous empêche de voir que la profession se manifeste clairement contre un ordre qu'elle n'a jamais demandé en n'adhérant pas à cet ordre.
Je ne vois pas où est la démocratie dans le fait d'imposer à 500 000 infirmières un ordre qu'elles n'ont jamais souhaité !
Par ailleurs, je ne crois pas un instant qu'un ordre auquel l'on cotise pour quinze euros soit viable.
Soit nous attendons que les créanciers se manifestent – ce qui arrivera nécessairement avec des cotisations à quinze euros – et que l'ordre se retourne alors vers les pouvoirs publics pour demander de l'aide ; soit cet ordre parviendra à prospérer grâce à l'adhésion des personnels salariés ; soit enfin, il aura recours aux voies judiciaires pour obtenir les adhésions, comme le fait, non sans problèmes d'ailleurs, l'ordre des kinésithérapeutes.
Aujourd'hui, dans les hôpitaux, les préoccupations des infirmières sont tout autres, et il existe des enjeux bien plus importants que l'adhésion à un ordre dont personne ne veut.
Il nous faut tirer les conséquences de ce malentendu : les parlementaires se trompent parfois.
Le Gouvernement aussi peut se tromper. Mais rien n'est sûr pour l'heure. Il faut aller au bout de la démarche engagée avec le conseil national.
Par ailleurs, je pense avoir commis une erreur tout à l'heure. Je n'avais pas vu que l'amendement de M. Bur venait en discussion, sans quoi j'aurais appelé en priorité, à l'article 6 bis, l'amendement n° 276 du Gouvernement sur les assistants dentaires, de manière que nous ayons un vote cohérent ce soir sur les dispositifs concernant les prothèses et les assistants dentaires.
Sans abuser de votre indulgence, j'aurais donc souhaité pour la lisibilité des débats que nous examinions l'amendement n° 276 .
Prochaine séance, jeudi 19 mai à neuf heures trente :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 19 mai 2011, à zéro heure trente-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma