Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je veux vous parler d'un sujet dont il est question depuis des années – ce qui montre qu'il n'a malheureusement pas encore été réglé de manière durable et solide –, à savoir la responsabilité civile des professionnels de santé.
Nous savons que ce sujet suscite, depuis des années, des débats et des craintes de la part des professionnels concernés. J'ai le souvenir d'avoir eu à connaître, durant mes précédentes fonctions de ministre de la santé, certains dossiers de cette nature particulièrement difficiles à régler. J'avais indiqué que le Gouvernement apporterait des réponses à ces problèmes et, à cette fin, nous avions confié en octobre dernier à Gilles Johanet, dont chacun connaît la qualité de l'expertise dans ce domaine, la mission de réfléchir à une amélioration des dispositifs existants, l'idée étant de garantir une plus grande mutualisation des sinistres lourds. Le Gouvernement a ensuite entrepris des concertations et des travaux techniques pour analyser dans le détail les propositions contenues dans le rapport de M. Johanet et tenter d'évaluer l'impact de la mise en oeuvre de ses préconisations.
Le présent amendement, qui met en oeuvre le résultat de ces travaux et concertations, modifie l'article 24 du texte adopté par votre commission à l'initiative de votre rapporteure Valérie Boyer. J'en profite pour la remercier de son apport à ce débat car, si elle n'avait pas insisté comme elle l'a fait, je ne suis pas sûr que chacun aurait profité de la fenêtre législative que constituait la proposition de loi Fourcade. Il faut rendre à César ce qui appartient à César, et à Valérie Boyer ce qui appartient à Valérie Boyer ! (Sourires.)
Pour des raisons de lisibilité, nous avons cependant réécrit l'article 24. Ses orientations tiennent en deux principes.
Il s'agit, premièrement, d'apporter une réponse générale et durable aux trous de garantie. Je rappelle en effet que, aujourd'hui, les garanties assurantielles doivent couvrir les sinistres au moins jusqu'à 3 millions d'euros. Par ailleurs, l'article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale 2010 avait prévu une couverture par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux – l'ONIAM – en cas d'épuisement des garanties pour des accidents liés à la naissance, avec possibilité d'action récursoire de cet organisme. Afin d'apporter une réponse globale à la question des trous de garantie, le Gouvernement propose de s'appuyer sur le dispositif de mutualisation élaboré par Mme la rapporteure pour apporter une réponse à l'ensemble des risques de trous de garantie, quelle que soit la nature de l'accident et pour l'ensemble des professionnels.
Dans ce but, l'amendement inscrit au I de l'article 24 le principe selon lequel le dispositif de mutualisation assurantiel s'entend « sans possibilité d'action récursoire contre le professionnel de santé concerné ». Dès lors, il est possible de supprimer le V de l'amendement adopté par la commission qui mettait fin à l'action récursoire de l'ONIAM, cette disposition étant satisfaite.
Par ailleurs, je souhaite vous donner une vision d'ensemble du dispositif proposé, afin de vous faire connaître précisément les intentions du Gouvernement quant à son fonctionnement.
Le dispositif sera de nature publique et financé de manière entièrement mutualisée entre les professionnels concernés. Le seuil de déclenchement devrait être fixé à 8 millions d'euros par sinistre afin de ne pas empiéter sur le marché existant. Je rappelle en effet que la plupart des assureurs proposent aujourd'hui des couvertures excédant le minimum réglementaire de 3 millions d'euros. Enfin, pour éviter l'existence d'un trou de garantie entre les 3 millions d'euros que j'ai déjà évoqués et les 8 millions d'euros, le seuil minimal sera relevé à 8 millions d'euros, c'est-à-dire au point de déclenchement du dispositif de mutualisation.
J'ajoute que, corrélativement à l'élargissement de la couverture, nous actualiserons le barème de l'aide financière versée par l'assurance maladie aux médecins conventionnés exerçant une spécialité à risque. Quand je parle d'actualiser, il ne s'agit pas de le faire tous les trente-six du mois, mais très régulièrement. Il ne s'agit pas non plus de le faire sous la pression, comme cela a été le cas durant des années. Je préfère régler les problèmes à froid, sereinement, plutôt que dans le contexte d'une situation de crise.
De cette façon, nous apportons aux professionnels de santé la garantie que leur solvabilité ne sera pas affectée par la survenance d'un accident médical. Nous agissons également sans empiéter sur le marché existant, ce qui est une exigence primordiale.
Par ailleurs, votre commission avait prévu une entrée en vigueur en 2013 du dispositif de mutualisation et l'amendement du Gouvernement indique que ce dispositif sera opérationnel au plus tard à cette date. Toutefois, je souhaite aller plus vite, et je me fixe comme objectif une entrée en vigueur au début de l'année 2012. Si l'on pense avoir trouvé la bonne solution, il ne sert à rien de retarder d'un an sa mise en application.
Notre deuxième objectif est d'améliorer la lisibilité et la prévisibilité du risque. Le rapport Johanet a posé, de ce point de vue, un diagnostic très clair. Il a montré que le marché de la responsabilité civile médicale était fortement affecté par l'absence de références communes dans la tarification, le calcul et – j'insiste sur ce dernier point – le provisionnement du risque. L'amendement adopté par votre commission, qui reprend les propositions formulées par Guy Lefrand, prévoyait déjà de recourir à un référentiel commun pour la quantification des atteintes physiques et psychiques. Je vous propose d'aller plus loin en reprenant d'autres mesures de cette proposition de loi.
Ainsi, l'amendement du Gouvernement prévoit : au II, d'harmoniser les missions d'expertise médicale transmises aux médecins, ce qui est un préalable indispensable à une technique d'évaluation des dommages corporels ; au IV d'instaurer un barème unique de conversion des rentes en capital ; au VI, d'instaurer une nomenclature unique des postes de préjudices, qui pourra consacrer la nomenclature Dintilhac déjà appliquée par les juridictions.
Enfin, au VII, le Gouvernement vous propose d'étudier l'opportunité et les modalités de mise en oeuvre d'une ou plusieurs bases de données en matière d'indemnisation du préjudice corporel, qui seraient accessibles au public, afin de recenser à la fois les transactions et les décisions judiciaires. Cette proposition, également inspirée de la proposition de loi de Guy Lefrand en matière d'indemnisation des préjudices corporels consécutifs à des accidents de la circulation, nous permettra de disposer d'une meilleure information sur la sinistralité.
J'ajoute que nous devrons y voir plus clair dans la façon dont les assureurs provisionnent les risques. Je connais un peu ce secteur d'activité (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)
L'année 2004 n'est pas si éloignée, et je me souviens de la façon dont procèdent les assureurs : ils provisionnent les risques de façon plus élevée que les sommes qui seront effectivement déboursées. En attendant, les primes sont, elles, calculées en fonction des provisions.