La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (nos 2400, 2814, 2782).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de cinq heures vingt-deux minutes pour le groupe UMP, dont 186 amendements restent en discussion ; huit heures cinquante-quatre pour le groupe SRC, dont 207 amendements restent en discussion ; trois heures vingt-neuf pour le groupe GDR, dont 116 amendements restent en discussion ; quatre heures six pour le groupe Nouveau Centre, dont 27 amendements restent en discussion et trente-quatre minutes pour les députés non inscrits.
Monsieur le ministre de l'immigration, mes chers collègues, la valeur qui nous est la plus chère c'est la liberté d'expression. C'est parce que nous sommes les héritiers des tribuns du peuple que nous revendiquons ce droit de la parole libre. On peut en faire un bon usage ou un mauvais usage.
Cet après-midi, l'un de nos collègues, député et par ailleurs maire, qui a d'ailleurs été suspendu de son mandat de maire pendant un mois…
…pour avoir commis un acte illégal d'état civil, s'est permis une diffamation à l'encontre de l'un de ses collègues. Le respect que nous devons nourrir les uns par rapport aux autres va de pair avec ce qui nous différencie. C'est dans la mesure où nous nous respectons en tant que personnes que nous pouvons développer des idées différentes.
Cet élu s'est permis de dire que j'aurais été condamné. Je rappelle à chacun ici qu'une décision rare de la Cour de cassation a permis une annulation sans renvoi de cette condamnation. Chacun ici connaît suffisamment le droit pour savoir que cela signifie que le jugement qui précédait était d'une nullité juridique absolue. Dire que quelqu'un a été condamné alors qu'il ne l'a jamais été relève clairement de la diffamation. Le fait d'utiliser ce genre d'argument dans cette enceinte alors que l'on se sait protégé par l'immunité parlementaire témoigne de deux vertus qui sont, d'une part, la lâcheté et, d'autre part, l'inélégance. Je tenais à le souligner. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 226 portant article additionnel après l'article 1er.
Cet amendement a pour objet de compléter la liste des étrangers qui ne sont pas soumis à l'obligation de stage exigé pour une naturalisation. Dans la rédaction actuelle de la loi, il s'agit des personnes qui ont un lien privilégié avec la France. L'amendement vise à étendre ces dispositions d'une part aux personnes dont les liens familiaux avec la France sont particulièrement importants, d'autre part aux ressortissants des anciennes colonies françaises en raison des liens culturels et historiques très forts existant avec ces pays hérités d'un passé commun.
La parole est à M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 226 .
Le rapporteur de la loi du 24 juillet 2006 ne peut qu'exprimer un avis en parfaite cohérence intellectuelle avec des dispositions adoptées il y a quatre ans s'agissant de la durée de stage des conjoints de Français.
De manière plus générale, rien n'empêche une personne demandant l'acquisition de la nationalité française d'effectuer, en parallèle de ses propres démarches, les démarches pour ses enfants étrangers et son conjoint. Il n'y a donc pas lieu de considérer qu'une fois sa naturalisation obtenue, celle de ses proches devrait être accélérée ou facilitée.
Pour ce qui concerne les ressortissants des anciennes colonies, en dépit de l'histoire commune, n'oublions pas que leurs États ont acquis l'indépendance depuis un demi-siècle, voire plus. L'environnement géopolitique ayant considérablement évolué, je vois mal la justification qui légitimerait le fait de faire de leur cas un éventuel privilège par rapport aux autres étrangers qui sollicitent la nationalité française et se plient, pour cela, à la condition de stage de droit commun. Donc, avis défavorable à l'amendement.
La parole est à M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Défavorable.
(L'amendement n° 226 n'est pas adopté.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 2.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Cet article ajoute une composante aux éléments d'appréciation de l'assimilation des postulants à la communauté française – je ne reviendrai pas sur les propos de Jean-Pierre Dufau. À la « connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française », il ajoute « l'adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République ».
Outre que l'adhésion à de tels principes et valeurs vaut, selon nous, pour tous les Français, et pas uniquement pour ceux qui acquièrent la nationalité française à l'âge adulte, il est surprenant, comme le disait Claude Goasguen, que l'on confie au Conseil d'État, nonobstant le respect que nous avons tous pour cette honorable institution, le soin de définir ce qui constitue ces principes et valeurs essentiels de la République.
À notre sens, ces principes et valeurs sont contenus dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dans le Préambule de la Constitution, et nous considérons que c'est suffisant. Chacun, y compris au plus haut sommet de l'État, aurait bien besoin de reprendre connaissance de l'esprit et de la lettre de ces textes fondamentaux pour notre vivre ensemble.
Tout le monde reconnaît que la maîtrise d'une langue est l'une des conditions essentielles de l'intégration. Le fait que l'on exige, pour la naturalisation, « une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française » se comprend donc aisément à condition que l'on puisse, par la suite, donner à ceux qui obtiennent la nationalité française les moyens de se perfectionner dans cette langue, ou que l'on puisse offrir ces mêmes moyens avant l'acquisition de la nationalité. Mais exiger des étrangers cette connaissance sans que la République leur donne les moyens de l'acquérir, c'est ce que l'on appelle un traité inégal.
Quand il y a contrat, il faut que les deux parties s'engagent. Il est normal que les personnes qui deviennent françaises aient des devoirs, mais on doit leur donner la possibilité de les remplir. Or, il y a là parfois une distorsion d'autant plus grande qu'elle s'applique sur un territoire géographique vaste. Rejoindre la préfecture n'est pas aisé pour tous les demandeurs de nationalité française. Cela suppose des moyens, du temps, et ce n'est pas toujours conciliable avec une vie familiale. Une telle condition est peut-être souhaitable, mais encore faudrait-il être beaucoup plus précis, concret et facilitateur s'agissant des moyens permettant de la remplir.
Enfin, l'adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République est un leitmotiv que l'on retrouve tout au long de ce projet de loi. À partir du moment où la loi prévoit le contrat, puis la signature de la charte des droits et devoirs du citoyen français, si l'impétrant n'adhère pas aux valeurs de la République, c'est vraiment qu'il y met de la mauvaise volonté !
Cependant, je rejoins Sandrine Mazetier, il faudrait revenir aux origines. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et le préambule de la Constitution forment un socle commun des droits universels dans lequel chacun peut se reconnaître. C'est là que réside le véritable socle de la République, de notre histoire commune et, par là même, de notre nation.
J'irai dans le même sens que mon collègue Dufau.
L'idée que les candidats à la naturalisation doivent apprendre le français ne me choque pas, mais c'est compliqué pour des gens qui travaillent huit heures par jour, qui ont une heure de transport et élèvent leurs enfants. C'est d'autant plus difficile que, depuis 2003, les associations agissant au titre de la politique de la ville, qui apportaient un soutien pour l'apprentissage de la langue, ne sont plus aidées. Elles n'ont pas les moyens de participer aux appels d'offre. Ces associations de proximité ne peuvent plus aujourd'hui aider ces gens à apprendre le français. Donnons-nous donc les moyens de les aider. Les diverses politiques menées depuis 2002 ont fait baisser le nombre de femmes adultes relais qui aidaient à l'apprentissage de la langue dans les associations. Si le projet de loi durcit certaines conditions d'obtention de la nationalité française et que nous n'avons pas les moyens d'aider les personnes à remplir ces conditions, c'est un vrai souci.
Pour terminer, je vous avouerai que le débat de cet après-midi m'a un peu irritée. Je vous ai écoutés sans rien dire, mais je ne sais pas si je suis une bonne Française – j'ai du sang roumain, polonais, russe. Ce que je sais c'est que des membres de ma famille sont arrivés en France dans les années 40 et sont morts entre 1990 et 2000. Ils étaient tailleurs. Vous savez, quand on travaille chez soi derrière une machine, il est difficile d'apprendre la langue, surtout qu'à l'époque on travaillait beaucoup. Ces gens n'ont jamais tué personne ; ils n'ont jamais eu leur nationalité et sont morts apatrides. L'apprentissage du français était déjà exigé – cela n'est pas nouveau –, ce n'est donc pas la peine de le durcir. Suis-je une bonne Française puisqu'une partie de ma famille est morte apatride et ne parlait pas la langue de ce pays où elle a pourtant travaillé pendant soixante ans ? Mon grand-père est mort en me disant : « Malheureusement, je n'ai jamais eu le droit de vote. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'irai dans le même sens que les deux derniers intervenants. La loi actuellement en vigueur exige une « connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française » et ce projet de loi vise à la modifier en faisant référence à un niveau et des modalités d'évaluation qui seront fixés par décret.
La précision « selon sa condition » permettait de prendre en compte les difficultés de la vie auxquelles certains étaient confrontés pour acquérir la connaissance de la langue française, tant à l'oral qu'à l'écrit. Si le niveau et les modalités d'évaluation de la connaissance de la langue français sont désormais fixés par décret cela permettra-t-il de tenir compte de ces difficultés ? M. Mariani me fait un signe affirmatif, cela signifie sans doute qu'il a déjà connaissance du décret, mais ce n'est pas mon cas.
Cette question se pose légitimement, et d'autant plus que nous connaissons tous, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, des personnes qui ont obtenu la nationalité française et qui, parce qu'ils n'ont pas eu les moyens pour apprendre correctement la langue, ont encore beaucoup de difficultés.
Nous connaissons tous des gens d'origine yougoslave, espagnole, portugaise, et j'ajouterai bretonne, tant Éric Raoult me tend la perche. Vous savez, ce sont ceux qui baragouinaient, qui demandaient du pain, bara, et du vin, gwin, et qui ne parlaient pas le français. Ceux-là avaient la nationalité française parce qu'ils étaient sur le territoire français. Est-ce un critère d'intégration, ou pour reprendre vos termes, d'assimilation ? Est-ce un critère pour être un bon français, là encore selon vos termes ?
On peut être un citoyen français respectant toutes les lois sans en posséder forcément la langue, ni à l'oral, ni à l'écrit. Nous connaissons tous de tels Français.
Avec cette loi, qui, heureusement, n'aura pas d'effet rétroactif, vous allez créer une nouvelle division et poser des obstacles supplémentaires à des gens sur ce territoire qui souhaitent la nationalité française et la mériteraient.
Dans le sens de ce que vient d'expliquer notre collègue Braouezec, et avant luiMme Danièle Hoffman-Rispal, je dirai d'abord que cette notion d'assimilation est totalement contraire à l'esprit de notre République, qui a toujours favorisé l'intégration, sauf à la période coloniale. Souvenons-nous du statut de l'indigénat, en 1881.
On prétendait, durant cette période coloniale et impériale, éradiquer toutes les cultures non européennes. C'est ainsi que l'on avait créé des statuts de sujets de la République, d'indigènes et de Français réels.
Ce que vous proposez ici n'est rien d'autre qu'une sorte de retour à cette conception coloniale et culturaliste qui voudrait qu'il y ait des Français différents. Tout ceci s'inscrit dans les discussions que nous avons eues en fin d'après-midi. Il est d'ailleurs très intéressant de constater que des travaux de sociologues sont très à la mode en ce moment. Je pense à ceux d'Hugues Lagrange ou de Michèle Tribalat, qui ont une conception culturaliste de la société, pour ne pas dire essentialiste, et qui sont capables de nous expliquer que s'il y a aujourd'hui des problèmes de délinquance, ils sont souvent liés à des questions culturelles et des méthodes d'éducation familiales en vigueur dans certaines parties du Sahel.
Mon collègue Christian Caresche tord le nez, mais c'est pourtant ce qui est dit aussi bien par Mme Tribalat que par M. Lagrange, même si dans leurs études, il y a un certain nombre de choses à retenir. Mais cette conception culturaliste doit être écartée pour une seule raison : elle cautionne cette idée selon laquelle les problèmes que nous vivons sont des problèmes liés à l'autre, et en particulier à l'étranger. Ne serait-ce que pour ces raisons, il faut que nous combattions cet amendement.
Pour revenir à ce que disaitMme Danièle Hoffman-Rispal, on ne se préoccupait pas de savoir, à une certaine période de notre histoire, si ceux qui fuyaient les pogroms ou des situations indescriptibles parlaient ou maîtrisaient le français. Se préoccupait-on de savoir si les Italiens, les Polonais qui sont allés travailler dans les mines parlaient le français avant d'être intégrés ? Connaissaient-ils par coeur la charte des devoirs et des droits des citoyens ? Non, ils étaient là pour contribuer à la prospérité de la France.
Effectivement, il y a des situations dans lesquelles on trouve encore des familles installées depuis très longtemps et qui maîtrisent mal le français, dans son expression orale comme dans son expression écrite, et qui pour autant sont totalement intégrées dans notre société, et dont les enfants sont Français. Voilà pourquoi nous considérons que cette disposition que vous nous proposez va dans le sens que nous avons dénoncé tout à l'heure et sur lequel je n'insisterai pas. Ressusciter l'assimilation face à notre tradition d'intégration, c'est un danger de plus que vous faites courir à la société française.
Il est un sujet qui nous tient beaucoup à coeur, sur tous ces bancs, c'est l'apprentissage et la connaissance de la langue, à propos de laquelle Albert Camus disait : « Ma patrie, c'est la langue française », et qui constitue un instrument important d'intégration et de participation – mot que je préfère encore –, de compréhension, d'échange, de partage.
Mais donnons-nous en les moyens ! Danièle Hoffmann-Rispal a évoqué les moyens amoindris que reçoivent les associations, et tous les bénévoles qui veulent agir pour apprendre de quoi échanger, de quoi partager, de quoi se sentir bien, en particulier aux femmes qui restent bien souvent à la maison.
Posons-nous aussi le problème pour les plus jeunes de la ghettoïsation, et en particulier de la ghettoïsation scolaire. Dans un des quartiers dont je suis l'élue, combien d'enfants ne connaissent que quelques centaines de mots ! Comment peuvent-ils être bons à l'école ? Comment peuvent-ils se sentir Français ?
Je suis de ces mauvais esprits qui pensent que les minorités visibles sont souvent discriminées, en tout cas se sentent discriminées, parce qu'elles sont des minorités inaudibles. Elles ont de la violence en elles car elles n'ont pas les moyens de s'exprimer comme nous le faisons ici.
En effet, la langue française est un instrument d'échanges et de partage, mais n'en faisons un critère que si nous sommes sûrs d'en donner les moyens à ceux à qui nous le demandons.
Lors de l'audition de M. le ministre, je m'étais permis de rappeler un certain nombre d'éléments, et je vous avais reproché des amalgames dangereux, que vous faites régulièrement en liant immigration et sécurité. Je veux le répéter ici, car la tournure des discussions de ce soir me confirme qu'il faut le répéter sans cesse.
Le pacte républicain est mis à mal, et les réponses au jour le jour que vous donnez aux problèmes actuels d'insécurité sociale, économique, et d'ordre public n'ont rien de rassurant. Vous avez déclenché et justifié par avance des réflexes sociaux que vous risquez de ne plus maîtriser. Les passions populaires sont toujours prêtes à exploser, vous le savez et jouez toujours un peu sur cette corde-là. Votre discours, le texte que vous nous soumettez, ne peuvent que réactiver les haines, les vieilles rancoeurs les vieux démons et les réflexes primaires.
Quoi de plus passionnel, de plus irréfléchi, de plus primitif que la haine ou la peur de l'étranger ? Méditez cela, dans les moments difficiles, les périodes de fortes tensions économiques que traverse aujourd'hui notre pays, l'étranger devient très rapidement le bouc émissaire, indépendamment de son comportement objectif.
Aujourd'hui, vous voulez une fois encore surfer sur une vague porteuse. Seule importe pour vous, monsieur le ministre, la communication à court terme. L'histoire nous démontre avec quelle facilité peut craquer l'enveloppe de civilisation qui tente de contenir ces vieilles haines et ces vieilles rancoeurs, en s'appuyant sur les valeurs de solidarité, de tolérance et d'hospitalité, qui font – ou faisaient, je crains que l'imparfait ne devienne d'actualité – partie de l'histoire de notre République.
Je voudrais d'abord faire noter à M. Valax, en souriant, qu'il dit que depuis ce soir la tournure des prises de position l'inquiète. Puis-je lui faire remarquer que jusque-là, seule l'opposition s'est exprimée ? Vos craintes étaient peut-être un peu surjouées, ou alors il y avait un fond de lucidité qui peut être intéressant.
Sur le fond, j'ai été beaucoup plus inquiet des déclarations de Noël Mamère ou de Mme Delaunay sur l'assimilation. Puis-je vous rappeler l'article 21-24 du code civil : « Nul ne peut être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française et des droits et devoirs conférés par la nationalité française. » Tout est dit ! Et c'est ce que nous explicitons.
L'assimilation, ce n'est pas l'intégration. Dans la tradition républicaine française, les étrangers s'intègrent et nous facilitons leur intégration. L'intégration réussie suppose la maîtrise de la langue, le respect des valeurs, et une chance statistique raisonnable d'obtenir un logement et un emploi.
Contrairement à ce que vous avez pu suggérer, le ministère dont j'ai la responsabilité a considérablement accru les moyens accordés au contrat d'accueil et d'intégration.
Nous avons contribué à la formation à la langue française des étrangers candidats à la venue en France dès leurs pays d'origine, et nous avons considérablement accru les moyens gratuits pour ceux qui désirent apprendre la langue française. Assimilation est un mot qui est réservé à la naturalisation. L'étranger s'intègre, et lorsqu'il est intégré on vérifie son assimilation avant de lui permettre d'entrer dans la nationalité française.
Sur la langue, tous les pays européens sont en train d'accroître le niveau de connaissance requis dans la langue du pays pour accorder la nationalité. Parce que tous sont d'accord pour constater que lorsque l'on ne maîtrise pas la langue, on n'a aucune chance de s'intégrer ni socialement, ni économiquement, et c'est encore plus vrai pour les épouses de personnes qui arrivent sur le sol français sans formation.
Quant à la charte des droits et des devoirs, Mme Mazetier a dit que le Conseil d'État la rédigerait. Non, c'est le Gouvernement qui la rédigera, ce sera un décret en Conseil d'État, et comme je m'y suis engagé au nom du Gouvernement devant Claude Goasguen, le projet vous sera présenté en commission des lois, et amendé le cas échéant.
Cela aurait déjà dû être fait ! Vous avez présenté ce projet de loi au conseil des ministres en avril. Nous constatons tous qu'il n'y a rien !
Madame Mazetier, je vous écoute lorsque vous vous exprimez, c'est parfois pénible mais je vous écoute. Faites la même chose. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ne soyez pas insultant, monsieur le ministre ! Nous aussi, nous nous retenons !
Vous disiez qu'il suffirait de rappeler les principes généraux du droit le Préambule de la Constitution. Mais ce ne sont pas simplement des textes, ce que nous demandons à l'étranger qui va accéder à la nationalité française, c'est de s'engager à respecter un certain nombre de lois, de principes, et les valeurs de la République, dont « liberté, égalité, fraternité », mais aussi la laïcité, et l'égalité entre hommes et femmes.
Je voudrais dire à M. Braouezec, à Noël Mamère et à d'autres que ce n'est pas purement théorique. Savez-vous que, depuis huit mois, le Premier ministre et moi avons cosigné des décrets d'opposition à la nationalité française de trois étrangers qui auraient dû l'acquérir automatiquement par le mariage mais qui, lors de l'entretien d'assimilation, ont déclaré expressément ne pas reconnaître le principe de la laïcité et annoncé que leurs femmes porteraient le voile intégral ? Voilà donc des exemples très précis.
Plusieurs députés du groupe SRC. Cela n'a rien à voir !
Mais si ! Ces trois personnes n'ont d'ailleurs pas formé de recours. Vous vous doutez bien que, s'il s'était agi de s'engager expressément à respecter le principe de laïcité, le principe d'égalité entre les hommes et les femmes, ces trois personnes n'auraient pas signé la charte des droits et des devoirs. Vous avez une preuve tangible de ce à quoi va engager la signature de cette charte.
Je crois que j'ai un vrai problème de sémantique, monsieur le ministre. L'intégration me paraît un mot tout à fait à la hauteur. Je peux vouloir acquérir la nationalité française en étant intégrée, en respectant les valeurs de la République et les valeurs de laïcité, mais l'assimilation pour moi, cela peut être autre chose. Je m'intègre, je vis comme mon voisin, mais mes parents sont peut-être nés ailleurs et ce mot peut signifier aussi que je dois oublier ce que je suis. Ne mélangeons donc pas tout. Les demandeurs de naturalisation ne sont pas tous des femmes ayant envie de porter le voile intégral.
Je veux bien vous écouter, je veux bien croire tout ce qu'ont dit mes collègues de la majorité, mais, si l'on revient à travers l'accès à la naturalisation à des débats qui ont pollué l'atmosphère de ce pays pendant un an, celui sur le voile intégral – j'étais vice-présidente de la mission et j'ai entendu beaucoup de choses –, ou celui sur l'identité nationale, cela me pose tout de même un problème et je crois que tout ce que nous disons depuis tout à l'heure se vérifie. L'intégration, oui, mais attention au mot assimilation. Je vis dans ce pays, je m'intègre, je respecte les valeurs de la République, mais je n'oublie pas d'où je viens.
Nous avons un débat sémantique pour savoir quel sens nous devons donner au mot assimiler. Est-ce la République qui assimile un étranger souhaitant devenir français ou est-ce l'étranger qui assimile les valeurs de la République, personne ne viendra discuter de cela, monsieur le ministre, mais qui doit assimiler le fait que ces étrangers étaient tous gaulois, tout ce qu'on a connu par le passé. C'est ça le débat qui nous oppose, une philosophie générale.
Vous pointiez hier du doigt les faiblesses des socialistes, qui ne seraient pas unis sur une politique d'immigration mais, tout l'après-midi, votre majorité vous a entraîné, à votre corps défendant ou avec votre accord, c'est parfois difficile à comprendre, vers des positions qui ne sont pas simplement la traduction dans notre droit français de circulaires européennes, ce qui était censé être le coeur du débat.
Avec ce texte, on a voulu remettre en question les conditions d'accession à la nationalité, et, pas de faux débat entre nous, c'est bien la raison pour laquelle nous parlons ce soir de l'assimilation et de l'intégration. Un étranger qui souhaite devenir français doit-il abandonner à la porte de la République son parcours, ses origines, son histoire personnelle ? Nous ne le pensons pas et, autour de ce débat, peut-être sémantique, c'est la question qui est posée. Oui, la nation assimile l'étranger qui veut devenir français dans sa diversité parce que, grâce à ceux qui arrivent, apportant leur force de travail, leur énergie, leur dynamisme, c'est l'ensemble de la République française qui deviendra plus forte.
La question de la langue française, c'est un vrai débat. « Selon sa condition », Patrick Braouezec y faisait allusion tout à l'heure, ce ne sont pas des mots anodins. Vous voulez élever le niveau de français nécessaire pour accéder à la nationalité française, le niveau sera fixé par décret. Pourrait-on avoir des précisions avant de voter l'article 2 ? Quel niveau sera fixé ? Comment sera prise en compte la situation de l'étranger ? Y aura-t-il plusieurs niveaux suivant le parcours de l'étranger ? Tout cela, nous n'en savons rien. Vous nous dites qu'il faut élever le niveau. Discutons-en précisément, pas dans le vague. Je suis pour que tout le monde parle un français encore plus correct que celui avec lequel je m'exprime devant vous mais, si vous mettiez la barre trop haut, des Français depuis quinze générations auraient peut-être aussi des difficultés à l'atteindre. C'est une question essentielle. Vous nous dites que vous faites des efforts considérables pour développer les cours d'alphabétisation et de maîtrise du français dans un certain nombre de quartiers. Je vous ai invité cet après-midi à venir à la préfecture de Bobigny, venez voir les difficultés de financement qu'ont un certain nombre d'associations qui tiennent et tiendront demain, si votre texte est voté tel quel, un rôle de service public. J'attends que ce soit l'État, et non les associations, qui prenne en charge les cours de maîtrise du français et qu'on nous détaille tout cela de manière très précise dès ce soir car nous sommes un peu dans le vague.
Quant à la charte, tout le monde est d'accord pour dire qu'un étranger qui souhaite devenir français, c'est le cas de tout étranger qui réside sur notre sol mais encore plus s'il veut devenir français, doit être attaché à un certain nombre de valeurs, celles qui nous unissent tous dans cette enceinte. Vous avez prononcé un certain nombre d'arrêtés pour que quelqu'un qui refuse de les respecter ne puisse obtenir sa naturalisation, mais que se passera-t-il s'il la signe, est naturalisé mais ne respecte pas ensuite sa signature ? Engagerez-vous par exemple une action de déchéance de la nationalité ? C'est une vraie question. Une charte, c'est un contrat. Jusqu'à quand doit-il être respecté ? Vous avez eu à faire à des gens honnêtes qui ont déclaré qu'ils n'étaient pas d'accord avec les valeurs de la République et vous ne les avez pas naturalisés, mais, dans le cas où une charte est signée, que se passera-t-il un mois, un an, trois ans ou cinq ans après, si vous considérez que son contenu n'est pas respecté ? C'est une vraie question.
M. le ministre a démontré tout à l'heure que cette charte n'était pas nécessaire, que la République disposait d'ores et déjà de verrous permettant de s'opposer à l'acquisition de la nationalité française, et il a cité trois cas dans l'année qui vient de s'écouler de personnes qui, manifestement et explicitement, ne partagent pas les valeurs fondamentales de la République. À quoi sert donc cette charte ? Quelle est la valeur juridique et le poids de ce document ?
En fait, il n'a qu'une valeur symbolique, non pas pour les personnes qui la signent ou qui la rédigent mais pour votre majorité. C'est une manière de faire un signe à ceux qui ressentent comme une menace ou en tout cas un élément forcément exogène aux valeurs de la République française là où nous pensions nous que l'universalisme porté par la France depuis des années dépassait très largement les frontières et était connu très largement.
C'est simplement un signe que vous envoyez à cette fraction de votre majorité, mais, en réalité, nous n'en avons pas besoin, M. le ministre l'a avoué. Elle n'a aucune valeur juridique, elle n'est en tout cas pas clarifiée dans le texte tel qu'il est.
Soyez rassurés, monsieur Braouezec, monsieur Goldberg, la commission émettra un avis favorable à l'amendement de M. Diard, qui rétablit les mots « selon sa condition ». C'est très clair.
Cela dit sans aucun esprit polémique, si j'ai bien compris la position de la gauche sur les naturalisations depuis le début de ce débat, vous êtes contre le délai, contre le consentement, contre la charte, et vous nous expliquez que la maîtrise du français n'est pas indispensable. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je suis saisi d'un amendement n° 173 , tendant à supprimer l'article 2.
La parole est à M. Noël Mamère.
L'amendement est défendu.
(L'amendement n° 173 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 210 .
La parole est à M. Serge Letchimy.
L'amendement est défendu.
(L'amendement n° 210 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 211 .
La parole est à M. Serge Letchimy.
L'amendement est défendu.
(L'amendement n° 211 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 378 .
La parole est à M. Patrick Braouezec.
Je veux essayer de vous faire comprendre, monsieur le ministre, que le terme d'assimilation n'est pour nous pas recevable.
Voici une définition de l'assimilation culturelle : « l'assimilation culturelle est une forme d'acculturation, au cours de laquelle un individu ou un groupe abandonne totalement sa culture d'origine pour adopter les valeurs d'un nouveau groupe. Celle-ci n'est qu'une des phases possibles de l'acculturation et, si elle se réalise, elle n'en sera que la phase terminale. »
Je préfère reprendre les termes qu'a employés tout à l'heure Mme Delaunay, qui rejetait même celui d'intégration pour parler de participation, d'échange, de partage et, finalement, de vivre ensemble. Ce que l'on souhaite tous aujourd'hui, que l'on soit français ou étranger, avec ou sans papiers, c'est participer à la vie de la cité, être actif, positif, constructif, dans la vie de la cité. C'est peut-être la meilleure définition de ce que l'on peut attendre d'un individu dans notre pays, quel qu'il soit et quelle que soit son origine, qu'il soit français ou étranger.
Se borner à poser une exigence de connaissance suffisante de la langue et des valeurs qui nous rassemblent pourrait être interprété par nos concitoyens comme une ouverture plus large des possibilités d'admission à la nationalité française, sans effort particulier des intéressés pour devenir et non être reconnus français. Il n'est pas sûr que nos compatriotes le souhaitent. La commission est donc défavorable à cet amendement.
Le terme d'assimilation, monsieur Braouezec, est dans le code civil depuis deux siècles, je suis surpris que vous le découvriez ce soir.
Si vous souhaitez l'en retirer, vous présenterez, un jour, un projet de loi en ce sens. Nous verrons bien !
Vous en êtes à suggérer de ne plus parler d'intégration. Si j'ai bien compris Mme Delaunay, cela vous semble trop exigeant et il faudrait parler de « participation ». Décidément, je suis sidéré par la tournure que prennent les débats.
Tout cela ne correspond pas aux exigences d'intégration et d'assimilation nécessaires au moment de la naturalisation. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement.
Lorsque l'on devient Français, une adhésion minimale aux valeurs de la République et de notre pays me semble nécessaire. Ainsi compris, le terme d'assimilation ne me choque pas. La République, notamment la IIIe République avec Jules Ferry, a d'ailleurs été extrêmement assimilatrice,…
…au prix de la remise en cause des particularismes locaux, comme le montre si bien Composition française, l'ouvrage de Mona Ozouf.
Seulement, monsieur le ministre, le véritable débat n'est pas là. En fait, avec ce projet de loi, comme avec d'autres textes, vous faites porter la charge de l'intégration des immigrés et de l'assimilation de ceux qui veulent devenir Français sur les seuls individus. Un déséquilibre survient alors, car on ne peut se contenter de demander aux personnes de s'intégrer ou de s'assimiler ; il faut aussi que la communauté nationale soit en mesure d'assurer leur accueil et de remplir sa partie du contrat.
Prenons l'exemple de la lutte contre les discriminations, notamment celles liées à l'origine : elle reste encore à l'état embryonnaire dans notre pays. Vous seriez plus crédible si le Gouvernement, sur le plan législatif et par une action politique déterminée, agissait effectivement pour que les personnes concernées se sentent chez elles, pour qu'elles soient accueillies, pour qu'elles perçoivent les perspectives d'évolutions qui leur sont offertes.
Or il me semble que le déséquilibre que j'évoquais se creuse. C'est bien là le véritable sujet du débat qui nous oppose.
(L'amendement n° 378 n'est pas adopté.)
Je suis assez surpris par la tournure que prend notre débat sur la question de l'assimilation.
M. le ministre s'est permis d'affirmer que l'expression existait depuis deux cents ans. S'il avait consulté ses livres d'histoire, et qu'il s'était s'intéressé au passé de l'empire colonial, il aurait constaté qu'il s'agit précisément du mot qui a amené certains philosophes à développer une doctrine de l'inégalité raciale. Jules Ferry a été cité ; si cette personnalité laïque a bien fait un travail considérable pour rendre possible l'accès à l'école et à l'éducation, il a aussi fait l'apologie de la distinction et de l'inégalité des races. C'est par cet impérialisme culturel et intellectuel que des dominations impérialistes coloniales ont pu prévaloir et annihiler des civilisations millénaires en Afrique, en Asie, aux États-Unis ou en Amérique du Sud. Il faut vraiment faire attention au sens et à l'histoire du mot assimilation.
Monsieur le président, je poursuis un instant, mais je n'interviendrai pas sur les autres amendements car ce débat prend une tournure totalement invraisemblable qui ne me convient pas.
Monsieur le ministre, votre tactique est simple. Vous voulez faire croire que l'article 21-24 du code civil comprend d'ores et déjà la notion d'assimilation telle que vous l'entendez. Ce n'est pas le cas. Aujourd'hui, cet article est ainsi rédigé : « Nul ne peut être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française et des droits et devoirs conférés par la nationalité française. »
Ainsi, à la connaissance de la langue et des droits et des devoirs justifiant de l'assimilation à la communauté française, votre projet de loi ajoute : « l'adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République ». Il introduit aussi un nouvel alinéa sur le contrôle de l'assimilation. Autrement dit, vous remplacer un processus d'assimilation qui permettait un apprentissage progressif de la langue – quelqu'un qui ne parle pas le Français peut l'apprendre et devenir un parfait républicain intégré dans la société française –, par une obligation de maîtriser tous les outils dès le stade de la naturalisation.
Vous avez donc durci le texte, et vous lui donnez une orientation extrêmement précise. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour défendre l'amendement n° 388 .
Défavorable.
Il est assez amusant d'entendre les nombreux discours de gauche en ce début de soirée.
Ils révèlent une extraordinaire confusion intellectuelle.
J'ai entendu une attaque véhémente contre le « culturalisme » avant que ne soit évoqué le « racisme » de Jules Ferry. Mes chers collègues, je vous rappelle que ces deux idées sont totalement antagonistes. Lorsque l'on met l'accent sur la culture comme élément fondamental de l'identité de la personne, c'est précisément pour dire que ce n'est pas sa race qui joue ce rôle.
Il n'y a absolument rien de fâcheux à revendiquer l'idée qu'il existe une identité culturelle française. C'est reconnaître qu'il y a d'autres identités culturelles tout aussi respectables.
Au passage, je vous fais remarquer que si l'on peut assimiler une culture, ou si un groupe culturel peut assimiler une personne, en revanche, on ne peut pas quitter une race pour une autre. C'est toute la différence !
C'est ce qui fait que le racisme doit être rejeté absolument puisqu'il crée une différence que l'on ne peut abolir entre les hommes, et qu'il érige entre eux des barrières infranchissables qui permettraient de reprocher – comme, malheureusement, cela a été fait – à quelqu'un d'être né. Écartons donc cette idée de racisme que vous avez évoqué, et revenons-en à celle du culturalisme et du respect, car, je le répète, c'est la culture qui fait l'identité.
Je veux aussi vous inviter à réfléchir aux trois degrés cités à plusieurs reprises.
Mes chers collègues, toutes vos réflexions sont empreintes d'un manichéisme idéologique qui devient drôle. Vous parliez des « bons Français » et des « mauvais Français »…
Je suis d'accord avec vous : il n'y a pas de bon ou de mauvais Français. En revanche, il y a bien, pour vous, des bons mots et des mauvais mots, des mots marqués positivement et des mots marqués négativement…
Plusieurs députés du groupe SRC. C'est vrai !
En somme, il y ades mots sacrés et des mots interdits, et vous en revenez systématiquement à cette logique. Cela est particulièrement flagrant ce soir.
Ainsi, manifestement le mot « assimilation » est un mauvais mot, alors que le mot « intégration » est bon. Soyez sérieux ! La question n'est pas idéologique ou quasi mystique ; c'est tout simplement une question de degré.
Le plus bas degré par lequel un homme manifeste sa présence dans une société, c'est l'insertion.
Quelqu'un vient travailler plusieurs mois dans une entreprise située dans un autre pays que le sien : il s'insère. Il peut parfaitement conserver sa langue d'origine si l'on n'a pas besoin qu'il apprenne la langue du pays où il s'installe.
L'intégration constitue un deuxième degré. Un étranger s'installe en respectant les lois du pays où il se trouve. Peut-être va-t-il repartir, mais il aura respecté les lois, il se sera intégré.
Et puis, il y a l'assimilation, le fait de s'intégrer au corps auquel on veut s'assimiler notamment parce que l'on veut rejoindre son identité culturelle en apprenant ses valeurs et en les partageant, ce que l'on ne peut faire que grâce à la maîtrise de la langue. Tout cela est d'une simplicité enfantine.
Je ne comprends pas que l'on ait pu passer autant de temps sur ces distinctions alors qu'il suffit de comprendre qu'il s'agit d'une question de degré, l'assimilation étant le degré le plus élevé. Cela n'empêchera pas que la personne née dans une autre culture et dans une autre langue apporte avec elle cette richesse, seulement, elle ne deviendra véritablement française que si elle peut communiquer en Français et si elle partage les valeurs du peuple français.
Tout cela est d'une simplicité évangélique…
Monsieur Vanneste, jusqu'à ce moment de nos débats, personne n'avait employé le mot « race » dans cet hémicycle.
Monsieur Vanneste, je vous ai écouté, il n'en demeure pas moins que vous êtes le premier à avoir utilisé ce mot, même si vous avez ensuite dénoncé le racisme.
Comme vous citiez d'autres éléments dans un raisonnement complexe, il restait toutefois une possibilité d'« assimilation » qui pouvait être détestable.
Décidément, votre intervention me donne raison : vous êtes dans le manichéisme.
Nous sommes d'accord pour que l'on parle du racisme pour le combattre, mais, de grâce, évacuez de votre discours le mot « race ». Il n'a jamais eu sa place dans cet hémicycle ; il est inutile de l'y réintroduire.
Quant à votre distinction de trois niveaux couronnés par l'assimilation, cela me fait penser aux trois ordres de Pascal. Restez donc dans le spirituel ! Nous, nous sommes sur terre et dans le temporel.
(Les amendements identiques nos 156 , 203 et 388 ne sont pas adoptés.)
L'article 2 du projet de loi prévoit que le niveau et les modalités d'évaluation de la connaissance de la langue des postulants à la naturalisation sont fixés par décret.
La fixation d'une norme de niveau de pratique de notre langue est légitime. Elle ne doit cependant pas exclure la prise en compte spécifique de la situation de personnes ayant manifesté une parfaite intégration dans la société française et une totale loyauté à notre pays, sans avoir pour autant le niveau scolaire leur permettant de satisfaire à une condition de niveau renforcé et normalisé de maîtrise de la langue, en particulier s'agissant de personnes d'un certain âge.
Le maintien à l'article 21-24 du code civil des mots « selon sa condition » permet de prendre en compte ces cas particuliers.
Favorable. L'amendement de notre collègue Éric Diard prend en compte les préoccupations de M. Goldberg et de M. Braouezec. Il devrait donc être adopté à l'unanimité.
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
Je suis saisi d'un amendement n° 206 .
La parole est à M. Serge Letchimy.
Avis défavorable. L'amendement propose de supprimer le critère de l'adhésion aux valeurs de la République pour accéder à la nationalité française.
Il faudrait faire à la fin du texte, mon cher collègue, le catalogue de tout ce qu'il faut supprimer et vous m'expliquerez, si vous le voulez bien, ce qu'il faut faire pour devenir français.
Je partage les mêmes inquiétudes que le rapporteur. Avis défavorable.
(L'amendement n° 206 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 208 .
La parole est à M. Serge Letchimy.
L'amendement est défendu avec les mêmes arguments.
Je considère qu'il faut analyser ce texte dans sa globalité, et non ponctuellement.
L'amendement propose de supprimer ces notions d'assimilation et d'adhésion aux principes des valeurs essentielles de la République.
Avis défavorable.
Je partage la surprise du rapporteur sur ce type d'amendement.
Il faut être clair. La manière dont a été introduit le concept d'assimilation conduit à ce que M. le rapporteur et M. le ministre ne se rendent pas compte qu'ils sont dans une société multiculturelle. Ils sont dans l'impossibilité de définir des cadres dans une société qui doit pouvoir assumer et respecter les différences des autres.
En obligeant quelqu'un venant d'un pays étranger à parler la langue française, suivant des modalités que vous allez définir et que nous ne connaissons pas aujourd'hui, vous allez créer des blocages systématiques.
(L'amendement n° 208 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour défendre l'amendement n° 390 .
Avis défavorable.
Nous venons d'avoir le débat sur les termes intégration et assimilation.
Je suis saisi d'un amendement n° 255 .
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
Dans le cadre du contrôle de l'assimilation, cet amendement vise à préciser que l'entretien doit être individuel.
La précision introduite par M. Decool est tout à fait pertinente.
Avis favorable.
Même avis. La plupart du temps, c'est le cas, mais ce n'est pas systématique.
La précision est utile.
Monsieur le ministre, comme ce n'est pas toujours le cas, même si cela l'est la plupart du temps, je voudrais savoir à quelle occasion ce n'est pas le cas et pour quelles raisons.
(L'amendement n° 255 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 209 .
La parole est à M. Serge Letchimy.
Défendu.
(L'amendement n° 209 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 250 .
La parole est à M. Jean-Patrick Gille.
Qui doit rédiger la Charte ?
Pour prétendre à la naturalisation, le texte rappelle que la personne doit justifier de son assimilation à la communauté française. Si, à l'issue de ce contrôle d'assimilation, elle a satisfait à toutes les exigences, on lui donnera à signer une Charte des droits et devoirs du citoyen français.
Comment la signature d'une Charte peut-elle favoriser un processus d'assimilation, qui est un mouvement fort, comme le rappelait M. Braouezec, d'acculturation, donc un processus très long ?
Quel sera le texte ? La France ne dispose-t-elle pas de grands textes ? Vous nous demandez de nous prononcer sur une Charte des droits et des devoirs, qui sera très importante, sans en connaître le contenu. Nous avons appris qu'une consultation publique sur Internet sera lancée début octobre. Il y aura certainement une personnalité chargée de tout cela.
C'est une manière, nous l'avons bien compris, parce que vous y tenez beaucoup, de relancer le débat sur l'identité nationale – ce grand débat décomplexé, comme vous avez aimé à le dire –, qui a montré, au minimum, ses limites, au point que le Premier ministre a été obligé de le clore, comme il a pu. Relancer ce débat sur l'écriture d'un texte, – je crains que cela ne soit votre intention – rouvrira la boîte de Pandore. Ce sera la porte ouverte à tous les dérapages. Nous n'en étions pas loin, ici, il y a quelques heures.
Si cette Charte est aussi importante que vous le prétendez – je crois que c'est le cas –, n'est-ce pas aux parlementaires de la rédiger et au minimum d'en avoir connaissance ? Je considère que le Parlement devrait être l'auteur de cette Charte. J'irai même plus loin. Elle devrait faire l'objet d'un consensus, voire de l'unanimité du Parlement. Sinon, nous nous retrouverons devant un texte proposé par le Gouvernement – politique, au sens classique – , mais aussi forcément partisan, s'il n'est pas adopté à l'unanimité.
Je ne comprends pas fondamentalement le sens de cette Charte. Si l'on pousse le raisonnement jusqu'à l'absurde, pourquoi certains Français auraient-ils à la signer ? Pourquoi moi, vous, la plupart d'entre nous n'auraient pas à la signer ? Si jamais cela fonctionnait – je ne le crois pas – nous nous retrouverions un petit peu moins français que les autres, puisque nous n'aurions pas signé ce texte aussi fondamental. Ou alors tout le monde devrait signer ce texte.
Cela ne peut fonctionner, car l'identité, le fait d'être français n'est pas un contrat. Je crains que vous ne soyez un peu obnubilé par une logique de contrat, pour ne pas dire une société du contrat.
Je vais essayer d'être positif. S'il doit y avoir un texte, il doit porter sur les valeurs. Nous partageons ici les valeurs républicaines. Il y en a d'autres que nous ne partageons pas. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons été élus : pour défendre des valeurs contradictoires. Et c'est la noblesse de notre mandat.
La Déclaration des droits de l'homme est, à mon avis, le seul texte sur lequel nous pouvons nous mettre d'accord. Si nous prenons la Constitution, je ne suis pas pour la Constitution telle qu'a été rédigée, je la respecte et j'espère bien pouvoir la faire évoluer. Vous voyez que cela pose de réelles interrogations.
La Déclaration des droits de l'homme ne répond pas du tout aux problèmes que vous évoquez, puisqu'elle est universelle, alors que vous voulez un texte qui caractérise le fait d'être français.
Qui a l'autorité pour définir l'identité française ? Le Président de la République ? Le futur Premier ministre ? Vous, monsieur Besson ?
Pour nous, la seule solution, si nous allions dans votre sens, c'est que la Charte soit rédigée par ceux qui représentent la souveraineté nationale : le Parlement.
Avis défavorable, compte tenu des engagements, très précis, que j'ai pris, par trois fois déjà dans cet hémicycle, envers le Parlement, et notamment sa commission des lois.
(L'amendement n° 250 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 256 .
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
Le but de et amendement est d'insister sur l'importance de la place de la France en Europe.
L'idée de notre collègue est intéressante. Mais je lui rappelle qu'il s'agit de la Charte des droits et devoirs du citoyen. Cela me semble nécessaire de rappeler cela dans le « panier des connaissances », mais on ne peut pas faire figurer une telle disposition dans la Charte elle-même.
Avis défavorable.
Avis défavorable.
Monsieur le président, je ne peux pas résister devant l'opportunité que nous offre l'amendement défendu par M. Decool.
Un citoyen français n'est pas qu'un citoyen français. C'est un citoyen de l'Union européenne, qui a des droits liés à cette citoyenneté européenne. Le premier de ces droits, prévus depuis le Traité de Rome, c'est la liberté de circulation dans toute l'Union européenne avec une simple pièce d'identité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je vous félicite, monsieur Decool, de rappeler que notre citoyenneté excède les limites de nos frontières nationales et que nous sommes en même temps que citoyens français des citoyens de l'Union européenne. Cela créé des droits, mais aussi des devoirs. Cela créé d'abord au Gouvernement français le devoir de respecter la liberté de circulation des citoyens de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 256 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 257 .
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
Il est nécessaire de rappeler que la citoyenneté française comporte des droits et des devoirs.
Je pense que notre collègue pourrait retirer cet amendement, car la Charte se nommera « Charte des droits et devoirs ». C'est dans le titre. Il n'est donc pas utile de le rappeler dans le texte.
Cela me semble redondant.
Le Gouvernement partage l'état d'esprit de M. Decool. Mais, pour les mêmes raisons que celles évoquées par M. le rapporteur, nous considérons que cela figure déjà dans l'intitulé de la Charte.
Je suis saisi d'un amendement n° 254 .
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
Avis défavorable, car nous avons adopté tout à l'heure à l'unanimité un amendement de M. Diard.
Ce que vous évoquez dans votre amendement, monsieur Decool, est intéressant, mais entraîne une totale rigidité. L'idée était au contraire de tenir compte du niveau de chaque individu. Je prends l'exemple type de la belle-mère âgée, qui n'a pas forcément besoin d'apprendre toute une série de notions.
Vous ne parlez pas de droits et de devoirs, mais de connaissances globales sur l'histoire, la géographie, le système politique français, etc. Il faut maintenir une certaine souplesse lors de l'entretien.
Nous en arrivons aux mêmes conclusions, pas seulement pour les belles-mères, monsieur le rapporteur. (Sourires.)
C'est une Charte des droits et devoirs, et non un examen pour tester un niveau de connaissances.
Je suis saisi d'un amendement n° 213 , portant article additionnel après l'article 2.
La parole est à M. Serge Letchimy.
L'amendement est défendu.
(L'amendement n° 213 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 363 .
La parole est à M. Christian Vanneste.
L'amendement est défendu.
(L'amendement n° 363 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi de deux amendements, tendant à supprimer l'article 2 bis, nos 174 et 212.
L'amendement n° 174 est-il défendu ?
Avis défavorable. Voilà que vous vous en prenez au niveau de langue exigé. Si vous étiez au pouvoir, quelles conditions exigeriez-vous puisque vous refusez tout : la durée, les stages, la charte des droits et devoirs ?
M. le rapporteur a raison. Nous pourrions gagner du temps si M. Letchimy disait, une fois pour toutes, que tout étranger a droit à la nationalité française. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Avis défavorable donc !
Parce qu'on passerait en France, on serait Français ? C'est irresponsable !
La phrase de M. le ministre est révélatrice. Oui, nous considérons que tout étranger a le droit de demander un parcours de naturalisation.
C'est ce que j'ai dit.
Pas du tout ! Vous avez voulu vous moquer de notre collègue Letchimy en lui faisant dire que « tout étranger a droit à la nationalité française » .
Pour notre part, nous considérons que tout étranger qui demeure régulièrement sur le territoire français a le droit d'entamer un processus de naturalisation. C'est peut-être cela qui nous sépare.
(Les amendements identiques nos 174 et 212 ne sont pas adoptés.)
Le maintien à l'article 21-2 du code civil des mots « selon sa condition » permet de prendre en compte des cas particuliers et d'assouplir les règles d'acquisition et de connaissance de la langue française.
Avis favorable. L'unanimité devrait se faire autour de cet amendement, qui rejoint les préoccupations de nos collègues.
Je suis saisi d'un amendement n° 223 , portant article additionnel après l'article 2 bis.
La parole est à M. Serge Letchimy.
L'amendement est défendu.
(L'amendement n° 223 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 251 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
L'amendement est également défendu.
(L'amendement n° 251 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Cet article correspond à un amendement du rapporteur qui a été intégré au texte et vient en appui à l'article 3 bis sur la déchéance de nationalité. Il s'inscrit dans une démarche de tri entre Français, les Français de souche et les Français d'origine étrangère. Il faut reconnaître à M. Mariani le mérite de la cohérence.
M. Mariani déclare que lorsque l'on acquiert la nationalité française, il faut déclarer sa nationalité d'origine…
…afin que l'État français puisse garder la trace d'une nationalité de substitution. Avec cet article, on s'apprête à faire le tri entre les Français : les Français de souche depuis plusieurs générations, les Français par acquisition de la nationalité dont on veut absolument savoir, en contradiction avec toutes nos traditions, de quelle origine ils sont pour le cas où l'on pourrait s'en débarrasser. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous inventez le dernier stade de la France précaire. La conception française de la nationalité diffère de celle d'autres pays, y compris européens. C'est ce qui fait notre histoire, notre spécificité ainsi que la singularité du modèle que nous proposons au reste du monde. En France, nous considérons un individu pour ce qu'il est, pas pour ce qu'il était ou ce qu'il est censé avoir été…
…en fonction de ses origines.
Avec cet article, parfaitement cohérent avec les dispositions prévues à l'article 3 bis, vous vous apprêtez à trier les Français. Assumez-le !
Je m'interroge sur les finalités et la mise en oeuvre de cet article qui a été adopté en commission sans avoir fait l'objet d'un véritable débat. J'en donne lecture : « Lors de son acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique ou par déclaration, l'intéressé indique à l'autorité compétente la ou les nationalités qu'il possède déjà, la ou les nationalités qu'il conserve en plus de la nationalité française ainsi que la ou les nationalités auxquelles il renonce. »
Dans son rapport, M. Mariani indique qu'il s'agit simplement de donner aux autorités publiques les moyens de mieux appréhender le phénomène des plurinationalités. Y aura-t-il un registre ou un simple relevé statistique ? Il est important que vous nous éclairiez sur ce point et que vous nous indiquiez quelles sont vos intentions, d'autant que le rapporteur indique que « la disposition proposée permettra au surplus de mieux connaître l'étroitesse des liens conservés ou non par certains nouveaux ressortissants français avec les États dont ils possédaient antérieurement la nationalité et de favoriser, dans certains cas, la résolution de certaines difficultés de droit découlant de leur possession de plusieurs nationalités » .
À quoi faites-vous référence exactement ? Quelles sont les difficultés de droit auxquelles vous faites allusion ? Bref, quelles sont vos objectifs et comment entendez-vous mettre en oeuvre cet article ? Suffira-t-il à l'intéressé de dire qu'il renonce à telle ou telle nationalité ? S'agit-il de tenir des statistiques sur la double nationalité ou de régler un certain nombre de problèmes – et je me demande lesquels – par rapport à la demande de l'intéressé ?
Pour l'heure, cet article est assez flou.
Mon intervention va dans le même sens. À première vue, cet amendement n'est pas très clair. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons obtenir des éclaircissements sur ses finalités. Qu'allez-vous faire de la connaissance des autres nationalités du postulant ?
Nous avons besoin d'être rassurés et de comprendre.
Quel est le lien, par exemple, avec les amendements qui visent à supprimer la double nationalité ou qui proposent la déchéance de la nationalité, sauf pour les apatrides, si ce n'est pour savoir qui il est possible de déchoir ?
Peut-être que tel n'est pas le cas. En tout état de cause, nous aimerions à quoi sert une telle connaissance. Est-elle respectueuse de la liberté de chacun ? Est-elle absolument nécessaire à l'acquisition de la nationalité française ?
M. le ministre répondra clairement dans un instant.
La question de la double nationalité est l'un des sujets les plus difficiles du droit international privé.
Je vous signale qu'il est réglé par les conventions internationales qui unissent un pays à un autre. La double nationalité n'est pas automatique.
Elle est gérée par des conventions internationales, qui sont, par nature, des conventions révisables, sauf dans un certain nombre de cas que vous n'avez pas envisagés, mais qui peuvent poser des problèmes très sérieux. De nombreux États – la France a du reste adopté ce système pendant près d'un siècle – pratiquent ce que l'on appelle le droit de la nationalité par allégeance perpétuelle. Jusqu'en 1889, il était impossible de quitter la nationalité française. Aujourd'hui, de nombreux pays considèrent que l'allégeance est perpétuelle, notamment le Maroc et la plupart des pays maghrébins.
Pas seulement les monarchies : l'Algérie ou Israël. C'est leur droit, mais, à terme, cela peut poser de sérieux problèmes .
En l'occurrence, cet article est extrêmement neutre. Je ne vois pas le mal qu'il y aurait à indiquer la ou les nationalités. On verra plus tard.
C'est un article informatif. Au demeurant, cette pratique existe déjà. La plupart du temps, la personne qui a une double nationalité le déclare, sauf exception. Nous ne modifions donc pas grand-chose.
La double nationalité est pratiquée par toutes les nations.
Elle a un but international précis, à savoir une relation d'amitié avec tel ou tel pays ou des relations post-coloniales. Les accords d'Evian ont eu des conséquences qui ont posé de nombreux problèmes avec l'intégration de la nationalité en même temps que la conservation de la nationalité algérienne. Les situations internationales peuvent évoluer. Deux nations peuvent avoir des intérêts divergents ; la double nationalité peut alors se trouver en porte-à-faux. Il est souhaitable que la France, comme les autres pays, sache si quelqu'un est partagé entre un pays qui est en conflit avec la France et la France, alors même qu'il a acquis la nationalité française. J'espère que cela ne se produira jamais, mais personne ne peut en jurer.
C'est la raison pour laquelle, s'il n'y avait pas eu le problème de la légion étrangère, il eût été souhaitable de mener une réflexion sur les conditions militaires de la double nationalité. La mission parlementaire sera le cadre approprié pour la mener.
Je ne dis pas cela par hasard, mais eu égard à l'internationalisation des conflits qui pousse de plus en plus les armées, même les plus régulières – je pense à l'armée américaine, qui dispose désormais en Afghanistan de 70 000 personnes qui ne font pas partie de l'armée –, à faire appel à des mercenaires.
L'internationalisation et la mondialisation des conflits posent de très sérieux problèmes difficiles à appréhender, en raison de la complexité du droit international privé en matière de double nationalité. Mais, quoi qu'il en soit, il faut aborder cette question de la nationalité. Ce soir, nous nous contentons de demander que l'intéressé indique la ou les nationalités qu'il possède, mais je conviens qu'il faudra en reparler.
Cet article est issu d'un amendement que j'ai fait adopter en commission.
Je m'excuse de vous reprendre, monsieur Caresche, mais nous avons eu un véritable débat sur ce sujet en commission. Peut-être n'étiez-vous pas alors présent. Nous avons examiné toute une série d'amendements qui tendaient à interdire la double nationalité…
J'estime pour ma part qu'à chacun son parcours et que l'on peut, pour des raisons diverses, avoir une double nationalité, ce qui, la plupart du temps, ne pose aucun problème.
Je rappelle néanmoins que, dans nos postes consulaires, l'on célèbre en moyenne 50 000 mariages par an entre un Français et un étranger, et que cela implique très souvent que l'un des conjoints ait la double nationalité.
Cela étant, et pour vous répondre sans ambiguïté, j'ai dit très clairement en commission que j'étais favorable au maintien de la double nationalité.
En revanche, je veux vous poser une question, monsieur Caresche. À Paris, dans votre arrondissement, on peut savoir combien de personnes ont le chauffage collectif, combien disposent de toilettes individuelles ou de réfrigérateurs. Mais quelqu'un peut-il me dire, autrement que par hypothèse, combien il y a de binationaux ? Le comble, dans cet État, c'est que nous avons un outil statistique sans information.
Qu'un État dispose de ce type de renseignements, c'est tout de même la moindre des choses ! Il ne s'agit pas de fliquer qui que ce soit ; il ne faut pas être paranoïaque. Il s'agit simplement d'obtenir une information.
Comme l'a dit Claude Goasguen, le meilleur comme le pire peuvent arriver. J'appelle de mes voeux la paix perpétuelle, mais peut-être la France sera-t-elle un jour mêlée à un conflit interétatique. Dans ce cas, nous disposerons au moins de cette information.
Il peut aussi arriver que, dans une affaire internationale, la France ait besoin pour l'appuyer de cinquante ressortissants du Malawi, par exemple, et que nous soyons heureux de les trouver parmi les ressortissants français. On ne peut pas s'interdire toute information !
Je rappelle enfin qu'il s'agit d'une clause déclarative et informative, et non d'une condition : si la personne concernée ne veut pas donner l'information, elle ne dit rien. Simplement, si vous devenez français alors que vous étiez jusqu'alors suédois, vous cochez la case indiquant que vous étiez suédois.
Je le répète, nous sommes l'un des très rares États à ne disposer d'aucune information sur ce sujet, alors que nous pouvons connaître tous les équipements ménagers de chaque foyer !
L'amendement adopté en commission ne devrait pas susciter d'inquiétude. Il s'agit de connaissance statistique, et il n'est pas anormal qu'un État connaisse sa population. Il n'y aura aucun suivi individuel. Je juge l'analyse statistique extrêmement utile, ne serait-ce que pour enrichir notre connaissance de la population et les débats que d'autres devront vraisemblablement avoir par la suite sur ces questions.
Pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais il me semble que nous sommes très en deçà de données statistiques générales.
En effet, on demande à l'individu qui acquiert la nationalité française d'« indique[r] à l'autorité compétente la ou les nationalités qu'il possède déjà, la ou les nationalités qu'il conserve en plus de la nationalité française ainsi que la ou les nationalités auxquelles il renonce ».
Il ne s'agit donc pas de conduire une étude statistique sur le nombre de binationaux en France, à des fins de culture générale, mais de savoir que monsieur Untel, devenant français, est également…
…binational ou trinational, et de savoir quelle nationalité il conserve.
Or l'article 3 bis limite la déchéance de nationalité aux cas où elle ne créerait pas un apatride.
Pour déchoir de la nationalité un Français naturalisé, il faut donc qu'il ait une nationalité de substitution. Le problème, c'est qu'à l'heure actuelle, comme M. Mariani le sait bien, nous n'avons aucune idée de cette nationalité de substitution…
…, à moins que l'intéressé lui-même ne l'indique au cours de son procès.
Encore une fois, monsieur Mariani, tout cela est très cohérent ; mais dites-le, au moins ! On s'apprête à créer un recueil des nationalités des Français.
Parmi les Français, on fera donc la différence entre ceux qui sont français de toute éternité et ceux qui sont d'origine étrangère ou demeurent bi- ou trinationaux.
Pour s'en expliquer, Thierry Mariani comme Claude Goasguen évoquent des périodes de guerre…
…pourrait poser le problème des ennemis de l'intérieur. Les ennemis de l'intérieur sont de retour !
Et les binationaux sont soupçonnés de ne pas prêter allégeance à la France, mais seulement à leur pays d'origine.
Pourtant, les situations de guerre où la France est directement engagée sont rares. Nous n'avons même plus de service militaire de conscription !
Vous m'accorderez donc que les cas où les citoyens français vont directement au combat, quel que soit le moment où ils ont acquis la nationalité, sont assez limités. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Certes, la France est aujourd'hui engagée sur des théâtres d'opérations, mais ce n'est pas l'armée de Valmy qui se bat en Afghanistan, monsieur Goasguen ! (Mêmes mouvements.)
Outre que l'on assiste au retour des ennemis de l'intérieur et que l'on jette le soupçon sur ceux qui ne sont pas totalement, uniquement et exclusivement français (Mêmes mouvements )…
…, on passe ainsi sous silence le fait que, dans notre histoire, des étrangers sont morts pour la France, pour la République ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
On évoquait hier l'Affiche rouge ; mais Paris a aussi été libéré par des Espagnols qui n'avaient pas la moindre intention de demander la nationalité française (Mêmes mouvements), mais pour qui la France libre, la France républicaine méritait que l'on meure pour elle !
Il s'agit en effet d'un amendement adopté en commission, à l'initiative du rapporteur.
Je m'interroge sur un point que Claude Goasguen a du reste abordé tout à l'heure : les nationalités auxquelles le binational pourrait renoncer.
Cela poserait également problème dans le cas que vous venez vous-même d'évoquer : celui de militaires français binationaux qui pourraient être engagés dans un conflit.
Vous parlez de procès d'intention fait à ce dispositif…
…ou, du moins, vous le laissez fortement entendre. Mais imaginons, étant donné ce dispositif global, quelqu'un qui aurait une nationalité dont il ne peut pas se séparer s'il le veut…
…, et à laquelle il pourrait déclarer renoncer, tout en conservant un titre d'identité. On a cité le cas de plusieurs pays, dont le Maroc.
La manière dont l'amendement a été adopté en commission pose donc problème. D'une part, du fait de sa dimension déclarative : il s'agirait, dites-vous, d'établir de manière statistique le nombre de binationaux – ce n'était pas clair en commission…
…et, parmi eux, le nombre de Suédois, de Vénézuéliens ou de Malawites, et non de s'intéresser au cas de chaque individu au moment où il fait sa demande de nationalité française.
Ce n'est pas du tout le même registre !
D'autre part, le renoncement est totalement inapplicable dans les faits.
Vous nous reprochez de vous faire des procès d'intention ; mais la rédaction du texte est pour le moins problématique. S'il s'agit de constituer un fichier, il faut nous le dire !
Lors du débat en commission, certains de nos collègues ont présenté des amendements tendant à supprimer la double nationalité. Personnellement, comme le rapporteur, j'y suis hostile.
Il faut maintenir la double nationalité, ne serait-ce que parce que, comme l'a dit Claude Goasguen, plusieurs pays conservent l'allégeance de leurs ressortissants même quand ceux-ci ont acquis une autre nationalité. On a parlé du Maroc ; c'est également le cas du Liban – je m'en suis assuré auprès des plus hautes autorités libanaises.
Cela étant, lorsque je me suis fait naturaliser, j'ai nécessairement déclaré ma nationalité d'origine : les textes actuels y obligent déjà, ce qui est tout à fait normal.
Toutefois, dans son amendement, le rapporteur a peut-être omis un cas : celui de la réintégration dans la nationalité française. Il arrive souvent que des femmes prennent la nationalité de leur époux lorsqu'elles se marient, en particulier lorsque le mariage a lieu à l'étranger. Mais il arrive également que ces femmes soient réintégrées, à leur demande, dans la nationalité française ; ce fut le cas de ma mère.
Il serait donc intéressant d'ajouter à l'amendement le cas des personnes qui ont momentanément perdu la nationalité française et qui souhaitent la retrouver. (Approbation sur les bancs du groupe SRC.)
Un problème se pose : le rapporteur, M. Mariani, comme le ministre, essaie de montre patte blanche, assurant qu'il ne s'agit que de s'informer. À ce stade, nul ne peut s'y opposer : s'il s'agit de disposer d'informations sur la population française réelle et sur sa diversité, nous sommes d'accord.
Mais, dans la mesure où cette question de la nationalité vous taraude depuis plusieurs années et où il y a parmi vous plusieurs « ultras » qui n'ont de cesse de créer des conditions nouvelles de déchéance de la nationalité, nous ne pouvons que nous interroger. C'est votre comportement qui nourrit le soupçon ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je le répète, nous pourrions être d'accord pour considérer qu'il ne s'agit que de disposer d'éléments d'information, mais, comme vous passez votre temps à tenter de remettre en cause l'acquisition de la nationalité française, nous nous demandons légitimement ce que cache l'intervention de M. Mariani.
De fait, il ne s'agit pas seulement d'une information, mais bien d'un fichier. Or, l'histoire nous l'a montré, des fichiers que vous avez constitués avec les meilleures intentions du monde pourraient ensuite être utilisés par d'autres à des fins différentes, ou par certains d'entre vous pour mener d'autres politiques.
Sur ce point, vous ne donnez aucune garantie. C'est tout le problème posé par la manière dont, depuis des années, vous présentez vos lois sur l'immigration : au lieu de parvenir à un consensus politique, républicain, comme vous êtes constamment obsédés par la peur des autres, de ceux qui sont différents, comme vous ne cessez de multiplier les dispositifs encadrant l'intégration à la société française, nous sommes en droit de nous montrer soupçonneux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
En intervenant sur l'article, je défendrai également mon amendement n° 391 , qui pourrait du reste mettre tout le monde d'accord.
Si les intentions de la majorité et du Gouvernement sont bien celles qu'a exprimées Claude Goasguen, je les rejoins à quelques détails près.
On pourrait s'arrêter au mot « déjà », pour s'en tenir à l'indication des autres nationalités, s'il y en a d'autres. Cela rejoint du reste l'amendement n° 32 de MM. Goujon et Diard, qui tend à substituer les mots « entend renoncer » au mot « renonce », puisque l'on ne sait pas si, lorsque l'on acquerra la nationalité française, on renoncera véritablement à une autre nationalité.
Pour éviter tout procès d'intention, toute ambiguïté de vos intentions…
Les autres mentions n'ont aucun intérêt si votre but est seulement d'avoir des informations sur le nombre de personnes possédant plusieurs nationalités.
Je note une légère contradiction dans la réponse donnée par M. le ministre, qui a indiqué que cette disposition était prévue à des fins strictement statistiques, ce qui n'engage que lui et la période où il est aux affaires ; mais qu'en sera-t-il par la suite ? Si nous ne mettons pas en doute l'intérêt statistique de telles informations, nous nous interrogeons sur le caractère nettement personnel de la déclaration. Ne s'agit-il que de recueillir des renseignements statistiques, ou bien avant tout de recueillir des renseignements personnels, dont la traduction sous forme statistique n'interviendrait que secondairement ?
L'amendement de M. Braouezec, qui prévoit que l'intéressé n'aura à indiquer que la ou les nationalités qu'il possède déjà, me semble pouvoir être consensuel.
Je vais casser vos procès d'intention qui consistent à établir un lien entre la question de la double nationalité et la déchéance de nationalité dont il sera question tout à l'heure.
Cela n'a rien d'évident, madame Pau-Langevin. Vous qui êtes avocate, voulez-vous que je vous donne un conseil, de confrère à confrère ?
Il est évident que lorsqu'une personne possédant la double nationalité se trouvera confrontée à l'éventualité d'une déchéance de nationalité, elle se verra conseiller par son avocat, s'il a un minimum de sens pratique, d'abandonner sa deuxième nationalité. Elle sera alors automatiquement apatride, ce qui rendra inapplicable la mesure de déchéance. Soyons sérieux, nous connaissons la procédure !
Merci pour cet argument qui me servira dans la suite de la discussion !
Mettez-vous la dans la tête, elle n'est pas inutile !
Maintenant que vous êtes fixés quant à nos intentions en matière de déchéance de nationalité et de double nationalité, je vais pouvoir vous dire deux choses.
Premièrement, tous les pays n'ont pas conclu de convention internationale avec la France pour autoriser la double nationalité.
C'est réglé… à ceci près qu'un individu peut nous mettre en difficulté avec son État d'origine si celui-ci ne l'autorise pas à avoir une autre nationalité.
Deuxièmement, j'en reviens à la question fondamentale posée par M. Dray, qui est au coeur du débat, je veux parler de notre réticence à tenir des statistiques, qui vient du plus profond de notre histoire avec la meilleure bonne foi du monde. Les fichiers ont servi dans des périodes tragiques à de bien mauvaises choses, et pas seulement en France.
Il en résulte que nous ne savons absolument pas combien il y a d'immigrés et même combien il y a de Français en France ! Notre pays est le seul en Europe à ne pas disposer de registres de population.
Nous fondons notre recensement sur les données recueillies par l'INSEE, qui reposent désormais sur une collecte partielle, avec les succès que l'on sait en matière de taux de réponse. L'organisme reconnaît même dans ses récapitulatifs décennaux une marge d'erreur de 0,9 à 1 million d'habitants.
Si l'on ne sait pas combien il y a de Français, je ne vois pas comment l'on pourrait savoir combien il y a d'immigrés et a fortiori d'immigrés clandestins.
Cette situation est certainement philosophiquement intéressante sur le plan historique mais elle aboutit à un résultat catastrophique : nous sommes le seul pays au monde où les lois sur l'immigration se limitent à des mesures administratives, qui reposent sur une base dont on ignore tout. Depuis quinze ans que les lois sur l'immigration se succèdent, il y a une absence complète de connaissance du public auquel elles s'adressent.
Cela veut dire que tôt ou tard, mes chers collègues, la question des registres de population communale va se poser comme elle s'est posée dans tous les pays de l'Union européenne, laquelle nous réclame d'ailleurs une mise à jour que nous ne cessons de repousser.
Arrêtez donc avec vos positions anti-statistiques : un pays a le droit de connaître la réalité de sa population !
Tant que nous ne disposerons pas de statistiques précises, nos lois seront imparfaites. Vous refusez les statistiques en ce domaine, ne vous étonnez pas après qu'il y ait une multiplication des lois.
Ces explications nous permettent bien de saisir les dangers de cet article. Nous voyons se profiler la menace du fichage.
Le fichage ! Comme si connaître l'état de la population, c'était du fichage !
C'est cela aussi qui nous rend un peu réticents.
L'amendement dont l'article est issu se présentait de manière neutre. En réalité, la personne qui demande la nationalité française devra faire une déclaration et si celle-ci, d'une manière ou d'une autre, est considérée comme entachée d'erreurs ou assimilée à une fraude, vous allez en tirer des conséquences.
Or certaines personnes demandant la nationalité française ne peuvent être totalement sûres des renseignements qu'elles donnent. Car de la même manière que la nationalité relève du pouvoir régalien pour l'État français, elle relève du pouvoir régalien dans les autres pays.
Une personne peut vouloir renoncer à sa deuxième ou à sa troisième nationalité alors que la loi qui s'applique dans son pays d'origine le lui interdit.
Par conséquent, vous allez lui demander de s'engager alors qu'il ne peut pas le faire et sur la base de cette déclaration, qui ne peut être tenue pour ferme, vous allez le déchoir de sa nationalité.
C'est la raison pour laquelle, nous estimons que l'article, dans sa rédaction actuelle, n'est pas acceptable. La proposition de M. Braouezec nous paraît préférable : une personne peut indiquer la nationalité ou les nationalités qu'elle possède mais ne peut déclarer y renoncer, car cela ne dépend pas de sa volonté individuelle.
Chers collègues, j'aimerais faire quelques remarques sur votre interdit des chiffres.
Tout d'abord, dois-je vous rappeler que tous les grands États depuis l'Égypte antique fondent leur organisation administrative sur le dénombrement de la population ?
S'agissant de l'organisation militaire, nous devons avoir à l'esprit que nos soldats, en particulier ceux de l'armée de terre, ont tous une chance d'être envoyés au combat lors d'opérations extérieures. Notre armée est désormais une armée de métier et la France, comme tout État nation normalement constitué, doit s'interroger sur la nationalité de ses militaires, à l'exception notable de la Légion étrangère, corps unique au monde, où Japonais, Serbes et Russes peuvent combattre pour la France aux côtés de soldats français sous commandement d'officiers français. C'est une question qu'il faut poser alors que les risques de mourir au combat sont beaucoup plus importants que ces dernières années.
Par ailleurs, toujours du point de vue militaire, il faut savoir que notre pays manque de linguistes. Pourquoi des personnes voulant servir notre pays tout en conservant leur nationalité d'origine ne pourraient-elles pas le faire par cet intermédiaire ?
Nous ne nous approcherons jamais du traitement que les Etats-Unis d'Amérique ont infligé à leurs citoyens d'origine japonaise pendant la deuxième guerre mondiale en les enfermant dans des camps. Vous voyez à quel film je fais allusion.
Parlant du Japon, pour reprendre le débat sur le droit du sol et le droit du sang, il faut bien voir que nous sommes tous là-bas considérés comme des gaijins : je vous mets au défi d'obtenir facilement la citoyenneté japonaise car le système est loin d'être aussi ouvert que celui qu'offre notre pays.
Nous n'avons donc aucun complexe à avoir quant à notre capacité d'ouverture et notre volonté d'accueillir l'étranger sur notre sol. Cessons donc avec ce vécu persécutif.
Je ne vois pas pourquoi il serait si abominable de devoir déclarer ses nationalités à moins d'avoir à dissimuler des faits répréhensibles ou une insincérité dans son désir d'obtenir la nationalité française. Depuis quelques heures, tout laisse entendre que vous avez la haine de la nation et la haine des nations. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) On peut avoir, je le pense, la fierté de servir son pays, sa patrie, sa nation.
Ça ne va pas recommencer ! Il n'y a pas ceux qui aiment leur nation et ceux qui la haïssent. Des excuses !
Nous entendons des choses assez extraordinaires mais revenons plutôt au calme.
Comme mon collègue Etienne Pinte, j'ai été naturalisée, et je possède la double nationalité. Et je ne peux pas comprendre les arguments de M. Goasguen qui plaide en faveur de la renonciation à la nationalité d'origine, au motif que la double nationalité présenterait un danger en tant que source de conflits d'intérêts. Renoncer ne nous rend aucunement de meilleurs Français.
Pourquoi un Français ayant une autre nationalité serait-il moins bon citoyen qu'un autre ?
Par ailleurs, vous envisagez les cas de conflits, mais j'estime qu'il faut aussi s'inscrire dans la paix. Nous travaillons tous en ce sens. En cas de conflits, nous sommes capables, en tant qu'êtres humains, de faire preuve de bon sens et d'esprit critique et de servir la justice. Et la justice nous fait toujours pencher du même côté. Nous n'aurons donc pas forcément à choisir entre tel ou tel État.
Les suppositions stigmatisent plutôt qu'elles n'aident à résoudre les problèmes qui se posent à nous. À cet égard, l'amendement de M. Braouezec répond de manière très claire aux questions. Il nous paraît normal que l'État puisse établir des statistiques sur les diverses populations qui vivent sur son territoire. En revanche, il n'apparaît pas nécessaire de revenir sur la double nationalité et d'opposer les citoyens entre eux, comme vous voulez le faire avec ce texte. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)
Sans faire de procès d'intention, je retiens de la discussion deux éléments et malheureusement, je n'ai pas le sentiment que nous ayons compris la même chose.
Premièrement, M. le ministre affirme qu'il s'agit d'abord et avant tout de recueillir des informations statistiques. En toute honnêteté, je crois que cela ne pose pas de difficultés. Une meilleure connaissance de la réalité des binationaux n'est pas inutile.
Deuxièmement, M. le rapporteur a dit explicitement que cette déclaration n'était pas obligatoire.
Je vous rappelle que les propos que nous tenons ici permettent d'établir le cadre dans lequel la loi est appliquée, il n'est donc inutile que nous ayons cette discussion.
Cet article ne prévoit d'ailleurs aucune sanction. Pourtant notre collègue parlait à l'instant de fraude. Je n'ai pas compris que cet article avait vocation à la combattre.
Si ! Vous avez dit qu'une personne pourrait ne pas déclarer une double nationalité pour dissimuler un certain nombre de choses. Dans cette optique, il s'agirait de tenir compte de la déclaration et d'en faire une sorte de condition. C'est pourquoi il faut préciser les choses, peut-être en amendant le texte comme il nous est proposé.
Par ailleurs, je ne suis pas certain que la nécessité de faire des statistiques passe par un article de loi.
Monsieur Dhuicq, nous sommes ici, comme vous, les élus de la nation et nous le revendiquons. Aussi, je souhaiterais que vous vous excusiez...
C'est d'abord à vous de vous excuser, après ce que vous avez dit sur le Président de la République !
Monsieur Goasguen, c'est la première fois que je prends la parole ce soir, et ce n'est pas à vous que je faisais allusion. Je n'ai rien dit sur ce pauvre Président de la République !
Monsieur Dhuicq, comme je viens de vous le dire, vous êtes un élu de la nation et vous partagez avec nous ce grand honneur d'être assis ici. Je ne sais pas si vous mesurez vos propos quand vous déclarez que nous avons la haine de la nation. Pourtant, vous devez savoir à quel point les mots ont de l'importance. J'espère que vous nous donnerez acte que ce que vous venez de dire était...
Monsieur Goasguen, pour être recruté dans l'armée, il faut non seulement apporter sa carte d'identité mais aussi fournir un extrait d'acte de naissance. Il n'y a donc aucun problème pour un recrutement dans l'armée aujourd'hui puisque l'histoire personnelle est interrogée lors de l'incorporation, après la réussite aux examens. La disposition ne répond donc pas à un problème pour l'armée
M. Dhuicq, qui croyait que nous avions la haine de la nation et qui s'en excusera sans doute, disait aussi qu'on manquait de linguistes. Grâce à ce fichier, on irait chercher M. ou Mme Untel qui parle telle langue. Or on vient de nous expliquer qu'il ne s'agissait pas d'un fichier de type justice ou police, mais simplement de statistiques, donc du ressort de l'INSEE. Si c'est bien de cela qu'il s'agit, comme l'a dit M. Mariani et comme l'a confirmé le ministre, il ne sera pas question d'aller chercher des linguistes.
Vous le voyez, ce texte peut faire l'objet de différentes interprétations.
Enfin quelqu'un a fait allusion tout à l'heure à la Légion.
Madame Lebranchu, vous avez refusé la nationalité française aux légionnaires !
Monsieur le président, permettez-moi de répondre à l'interpellation de M. Goasguen.
Nous avons eu tort, lorsque nous étions au Gouvernement, de ne pas rendre automatique l'attribution de la carte de séjour à un étranger qui entre dans la Légion parce qu'il se bat et risque sa vie pour la France.
On peut faire des erreurs, et c'est pourquoi la vie politique continue.
Aussi, je propose, par un amendement que vous voterez sûrement avec enthousiasme, que tous les légionnaires puissent obtenir un titre de séjour même s'ils n'ont pas ce fameux certificat de bonne conduite.
Je suis heureuse d'apprendre que nous serons suivis sur cet amendement.
Ainsi la disposition ne répond ni à un problème de l'armée, ni à un problème de la Légion, ni à celui des linguistes. Je veux bien suivre le ministre si le fichier n'est que déclaratif et informatif. En revanche, s'il s'agit de créer un fichier qui permette de retrouver rapidement des gens qui viendraient d'un autre pays alors qu'ils sont Français, je ne le suivrai pas.
Tout à l'heure, j'ai rencontré des personnes qui n'ont pas la chance d'avoir la nationalité française et qui vont sans doute la demander. Mais à nous écouter – et j'emploie le mot « nous » pour respecter ce qu'est l'Assemblée nationale aujourd'hui – je me demande si elles vont vraiment la demander. Nous devrions parfois être fiers que des personnes qui sont arrivées en France avec leur entreprise et leur emploi, et qui donc ne font pas d'ombre à d'autres, contrairement à ce que certains ont prétendu, demandent la nationalité française.
S'il y a autant de dérives d'interprétations, c'est à cause de ce que l'on peut entendre. À cet égard, je veux parler d'une affaire qui concerne la tenue d'un colloque, qui était prévue demain, de dix-neuf heures à vingt et une heures trente, rue de la Boétie, au siège de l'UMP, intitulé : « Immigration, islamisme, la France menacée ? » – à l'origine, je souhaitais faire un rappel au règlement sur ce sujet. L'UMP a fort bien fait d'annuler ce colloque. Mais je viens d'apprendre qu'une demande officielle avait été déposée pour que ce colloque ait lieu dans nos murs.
Organiser ici un tel colloque, en plein débat sur un sujet aussi difficile, qui nous divise et sur lequel on espère faire quelques pas, voilà qui constitue une forme de provocation. En tout cas, j'espère que vous interviendrez pour que ce débat ne se déroule pas dans nos murs, même si une salle nous a été officiellement demandée. J'ajoute que M. Vanneste est très concerné par ce débat.
En conclusion, la sagesse devrait nous conduire à adopter l'amendement de M. Braouezec. Nous aurions alors la réponse à la volonté du Gouvernement de faire des fichiers statistiques de type INSEE et non des fichiers de type police ou justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame le questeur, vous nous avez dit que votre intervention revêtait pour partie l'aspect d'un rappel au règlement. Comme cela interpelle la présidence, je vous réponds que cette demande a été formellement rejetée. Le colloque n'aura donc pas lieu à l'Assemblée nationale.
Il y a, dans les propos que j'ai entendus ce soir, une curieuse tendance, presque pathologique, au soupçon.
Tout à l'heure, l'un de nos collègues a pu s'interroger sur l'amour que certains nourrissent à l'égard de leur pays. En effet, à force de vouloir dessiner son portrait avec une gomme en lui refusant toute espèce d'identité, à force de supprimer tout ce qui écarterait de la nationalité française ceux qui auraient de mauvaises intentions pour vouloir l'acquérir, vous ne semblez pas tellement intéressés par la défense de notre pays, de sa sécurité, de son identité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
De la même façon, Mme Lebranchu a indiqué que j'aurais été concerné par l'organisation d'un colloque. J'ai été étonné de constater qu'un certain nombre de journalistes avaient essayé de me joindre parce que j'avais accepté, comme je le fais très souvent, de participer à un débat organisé au sein de la maison du parti auquel j'appartiens, ce qui me paraissait naturel. Le groupe qui organisait ce débat s'appelle La droite libre.
Chacun ici connaît mes convictions.
Contrairement à beaucoup, j'ai voté contre l'interdiction du voile à l'école. Et je suis l'auteur de la première proposition de loi UMP tendant à interdire la burqa.
Cela veut dire que, s'agissant de l'islamisme, je n'ai aucun point de vue, ni hostile, ni favorable. J'estime que le débat doit exister.
Mes chers collègues, qu'est-ce que c'est que ces parlementaires qui interdisent des mots et qui interdisent des débats ? Nous sommes ici dans le lieu par excellence où l'on doit accepter que l'on parle de tout et que l'on en parle franchement.
Si le débat ne pouvait pas avoir lieu à l'UMP, cela ne m'aurait pas gêné qu'il se tienne ici.
Madame Lebranchu, je vous le répète, je ne suis pas l'organisateur de ce débat, je n'ai aucune part de responsabilité, si ce n'est d'avoir accepté d'être l'un des débatteurs. J'étais prêt à avoir en face de moi des personnes qui pensent différemment. Si ce débat n'a pas lieu, je n'en éprouverai pas une insondable tristesse.
C'est rare en politique, et je vous en donne acte madame Lebranchu, de reconnaître ses erreurs.
Je vous assure que je soutiendrai votre amendement avec force car la Légion mérite plus d'honneur qu'elle n'en a reçu depuis quelques décennies.
S'agissant de l'armée, toutefois, le problème est celui de l'allégeance perpétuelle, c'est-à-dire la situation où, même s'il ne veut pas garder une nationalité, un individu la conserve tout de même. C'est hélas ! le cas d'un nombre croissant de nations de toute nature, tant dictatoriales que démocratiques, qui veulent ainsi se protéger de la mondialisation. Je citerai par exemple Israël, la Russie, l'Algérie et le Maroc. Nous avons le cas de soldats qui sont Français, mais qui ne savent pas qu'ils ont encore la nationalité israélienne, marocaine, tunisienne, algérienne, etc. Ce problème devra être discuté dans un cadre plus restreint sur la nationalité, afin d'aboutir à de nouvelles propositions.
Franchement, il n'y a dans cet article aucune manoeuvre coercitive, et cela n'a rien à voir avec la déchéance de nationalité dont j'ai parlé tout à l'heure.
J'espère que, s'il n'y a pas malice ni ambiguïté dans l'article 2 ter que l'on nous présente – et je me tourne vers le Gouvernement et la commission –, l'on peut accepter mon amendement qui vise à supprimer, après le mot « déjà », la fin de l'alinéa 2. Cette disposition répondra à vos soucis, que l'on peut partager, sur les statistiques et permettra de faire cesser les procès d'intention.
Quand vous souhaitez acquérir une nationalité – et la semaine dernière je me suis occupé du dossier de mon épouse –, il va de soi que vous déclarez votre nationalité d'origine puisque vous devez fournir la photocopie de votre passeport.
Comme l'a souligné Claude Goasguen, la France dispose de moins en moins d'outils sérieux pour établir des statistiques sur sa population.
Interrogez tous les démographes : qu'on pose une simple question informative et l'on est accusé de pensées perverses, de vouloir trier les individus. Franchement, vous êtes en pleine paranoïa !
J'y insiste : la seule chose qui nous importe est de savoir, quand une personne devient française, si elle décide ou non de conserver sa nationalité précédente. Vous pouvez bien ensuite délirer sur les sujets que vous voulez.
La commission rejette l'amendement de M. Braouezec parce que son adoption conduirait un individu à se contenter de déclarer quelle est sa nationalité au moment où il acquiert la nationalité française. Or on sait bien quelle est cette nationalité puisque, par définition, l'individu en question doit fournir ses papiers d'identité.
En revanche, la commission émet un avis favorable à l'amendement n° 32 car il est de nature à lever tous les soupçons selon lesquels nous serions en permanence, j'y insiste, animés de pensées perverses.
Vous les avez, ces pensées, il suffit de vous écouter ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous avons discuté longtemps pour pas-grand-chose et l'on nous a fait des procès d'intention aussi nombreux qu'inutiles. En ce qui concerne l'amendement de M. Braouezec, supprimer la fin de l'alinéa 2 revient à supprimer l'article lui-même. Par définition, comme l'a expliqué le rapporteur, on connaît la nationalité d'une personne dès lors qu'elle demande la nationalité française.
Le seul intérêt de cet article est de savoir si elle entend conserver ou non sa nationalité, et donc devenir binational, ou si elle entend y renoncer, et nous souhaitons le savoir à des fins statistiques.
Nous pouvons débattre de cette mesure à l'infini mais la formulation de votre amendement, monsieur Braouezec, n'apporte strictement rien.
Quant à l'amendement n° 32 , il devrait rassurer tous ceux qui auraient un doute – que j'ai cru déceler ici ou là.
La réponse du rapporteur et celle du ministre se révèlent assez éclairantes. Votre intention n'est pas du tout uniquement statistique. Le fait que vous acceptiez l'amendement n° 32 de notre collègue Goujon montre l'ambiguïté de votre argumentation.
On ne peut savoir si l'intéressé renoncera ou non à sa nationalité puisqu'il indiquera, aux termes de cet amendement, s'il « entend » y renoncer ou pas.
Au fond, il n'y a aucune différence entre l'amendement de M. Goujon et le mien puisque dans les deux cas on ne sait pas si, in fine, la personne renoncera ou non à sa nationalité : l'amendement n° 32 substituant au mot : « renonce » les mots : « entend renoncer », on ne sait donc pas s'il y renoncera effectivement !
Si votre motivation est le seul établissement de statistiques, on pourrait, comme je le propose, supprimer la fin de l'alinéa 2 après le mot « déjà » ; et encore cet article me paraît-il inutile puisque vous disposez déjà des éléments statistiques dès lors que la personne demande la nationalité – vous l'avez dit vous-même. (Murmures.)
Mais on ne sait pas si elle conservera ou non sa nationalité d'origine ! Vous utilisez votre temps de parole pour rien, c'est très bien, continuez ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à ma question sur la réintégration dans la nationalité française. On distingue en effet trois cas : l'acquisition et la perte de la nationalité mais aussi la réintégration ; celle-ci concerne plusieurs milliers de nationaux qui ont momentanément acquis une autre nationalité et qui, ensuite, souhaitent réintégrer la nationalité française. Il me semble donc opportun d'ajouter cette mention à l'article.
Je ne suis pas opposé à l'adjonction de la réintégration de la nationalité dans l'article. Ainsi sera-t-il possible de savoir si une personne réintégrée dans la nationalité française souhaite conserver ou non la nationalité qu'elle possède alors. Je ne verrai aucun inconvénient à ce que notre collègue Étienne Pinte dépose un amendement en ce sens en deuxième lecture.
Il n'y aura pas de deuxième lecture !
Si, puisque l'examen de ce texte n'est pas soumis à la procédure accélérée !
Ce n'est pas pour pinailler mais je trouve que l'argument de M. Braouezec n'est pas inintéressant : l'expression « entend renoncer » me paraît en effet suspecte. (Sourires.) Le mot « renonce », lui, me paraît plus judicieux. Gouvernement et commission ont accepté l'amendement n° 32 mais je peux demander à mon voisin de le retirer puisqu'il est absurde.
Je comprends bien l'intention de notre collègue Goujon, elle est juste dans une certaine optique mais qui n'est pas celle du Gouvernement ni de la commission. Récolter des données statistiques n'est pas votre seul but : derrière se cache quelque chose d'autre.
Je rappellerai que l'article 3 résulte du désormais tristement célèbre discours prononcé à Grenoble par le Président de la République. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Pour une fois que quelque chose de bien se passait à Grenoble ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Vous oubliez les jeux Olympiques, monsieur Vanneste !
Comprenez que je tienne à dire ici, simplement mais solennellement, devant la représentation nationale, à quel point la population grenobloise a été choquée et blessée de voir le nom de Grenoble, ville multiculturelle, ville ouverte sur le monde, associée à ce discours jugé stigmatisant, comme l'avait été celui de Dakar concernant l'homme africain qui ne serait « pas assez entré dans l'histoire ».
Laissez-moi rappeler que Grenoble s'est illustrée, dans son histoire, en faveur des droits de l'homme, de l'émancipation des citoyens en organisant, en 1788, les états généraux du Dauphiné à Vizille, annonçant la Grande Révolution française.
Grenoble, ville faite compagnon de la Libération par le général de Gaulle en 1944, en reconnaissance de son combat contre la barbarie nazie ; Grenoble, « capitale des maquis », selon l'expression de la BBC, ces maquis où l'on ne demandait pas leur carte d'identité nationale aux résistants ; Grenoble, ville qui a connu comme député la grande figure de Pierre Mendès France dont les plaidoyers pour la République moderne s'adressaient en particulier aux jeunes, à tous les jeunes sans distinction, « avenir de notre pays », selon ses propres termes ; Grenoble, ville dont mon prédécesseur, Hubert Dubedout, maire pendant dix-huit ans, était passionnément attaché à la construction d'une société aux couleurs du monde. Oui, Grenoble méritait mieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Tout cela nous est insupportable quand on sait la meurtrissure qu'a constituée pour Grenoble l'hyper-stigmatisation de notre ville, d'un de ses quartiers, d'une de ses communautés. Nous est insupportable l'amalgame fait entre délinquance et immigration.
La déchéance de la nationalité française, que nous allons aborder dans l'article 3 bis,…
…c'est, vous l'avez vous-même reconnu, monsieur le ministre, un symbole ; mais quel triste symbole pour la patrie des droits de l'homme ! Il s'agit d'une énième mesure de circonstance dictée par l'actualité, comme nous en avons malheureusement pris l'habitude avec votre Gouvernement.
Soyons clairs. Nous ne pouvons que condamner avec la plus grande fermeté les atteintes physiques portées aux personnes dépositaires de l'autorité publique.
Néanmoins, puis-je vous rappeler qu'un arsenal législatif important est déjà en vigueur en la matière ? Aussi le caractère dissuasif de cette mesure de déchéance de la nationalité apparaît-il particulièrement inefficace au vu de la longue peine d'emprisonnement qu'encourt toute personne condamnée pour un tel crime.
Qui plus est, on l'a dit, la liste restrictive des fonctions citées dans cet article exclut des professions pourtant tout aussi fondamentales pour notre République. Le meurtre d'un enseignant, d'un ouvrier, d'un ingénieur, d'un médecin ou d'une infirmière serait-il moins grave que celui d'un policier ou d'un gendarme ? Un tel meurtre serait-il moins condamnable lorsqu'il est commis par « un bon petit Français » – expression que je réprouve –, que lorsque son auteur est une personne naturalisée depuis moins de dix ans ?
Il s'agit de votre part d'une décision idéologique prise en toute hâte et bien loin des réalités du terrain, une décision conduisant à des mesures législatives aussi absurdes qu'irréalistes et inapplicables.
Au-delà du caractère contestable de sa légitimité, de son efficacité, cette disposition crée une rupture d'égalité entre les citoyens français. L'article 1er de la Constitution dispose en effet que « la République assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ».
Tout cela est d'autant plus grave que nous devrions nous efforcer de rassembler dans un pays marqué par un véritable délitement du lien social. La crise économique et sociale qui secoue la France s'accompagne, pour nombre de nos concitoyens, d'un cortège de peurs, d'inquiétudes quant à l'avenir, pour soi, pour ses enfants. Est-ce bien le moment pour diviser au lieu, j'y insiste, de rassembler, le moment pour pointer l'autre du doigt au lieu de montrer les voies et les moyens d'un espoir retrouvé ?
Je préfère reprendre cette belle formule de Jean Cocteau : passer d'un regard qui dévisage à un regard qui envisage. Établir deux catégories de citoyens signifierait pour tout étranger naturalisé qu'il n'est pas membre à part entière de la communauté nationale, ce qui ne peut qu'attiser les tensions, fracturer une cohésion sociale qu'il nous faut rétablir.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré avoir pour ambition de faire des étrangers de bons petits Français. Je vous invite pour ma part à commencer par faire de bonnes lois assurant la cohésion sociale. Mes chers collègues, le législateur n'a pas vocation à créer des catégories de sous-citoyens, c'est pourquoi je vous exhorte à rejeter cet article contestable, détestable, inefficace et contraire à la Constitution. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Si je demande la suppression de l'article 3, c'est parce que nous n'avons pas résolu la question du contrôle par le Parlement de cette fameuse charte des droits et des devoirs du citoyen français. Le Conseil d'État va élaborer cette charte qui sera soumise à ceux qui vont acquérir la nationalité et communiquée à chaque Français à l'occasion de la journée d'appel de préparation à la défense.
Un tel texte qui engage tous les Français et notamment ceux qui le sont de parents français et qui, à leur majorité, doivent connaître les engagements qu'il contient, mériterait pour le moins d'être ratifié par le Parlement puisqu'il nous engage tous. Je ne souhaite pas que cette charte soit le seul produit du Conseil d'État, en dépit de mon grand respect pour ses membres.
La parole est à M. Louis-Joseph Manscour, pour soutenir l'amendement n° 214 .
Le ministre a plusieurs fois répondu sur ce point. Il s'est engagé, à de multiples reprises, à soumettre le texte de la charte à la commission.
D'autre part, je vous rappelle que nous examinons en ce moment l'article 3, et non pas la disposition relative à la déchéance de la nationalité. En réalité, la question est de savoir si, oui ou non, l'on remet la charte des droits et devoirs au citoyen, au nouvel entrant dans la nationalité française et à tout jeune, déjà français, qui fait sa journée d'appel et de préparation à la défense. C'est tout ce dont il est question dans cet article. Il n'est pas question de « Grenoble outragé », ou de je ne sais quoi. Il est simplement question de remettre un document.
Je suis saisi d'un amendement n° 474 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Défendu.
(L'amendement n° 474 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 5 de M. Thierry Mariani.
La parole est à M. le rapporteur.
La commission des lois a unanimement souhaité que la charte des droits et devoirs du citoyen français soit communiquée à tous les jeunes Français, y compris ceux qui sont nés Français, afin de renforcer leur compréhension des droits et des devoirs que leur confère leur nationalité.
Le présent amendement ne vise pas à revenir sur ce choix. Il se borne à déplacer la disposition applicable aux Français par filiation ou par la naissance en France dans la section 3 du chapitre II du titre Ier bis du code civil.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Je précise aux députés de la majorité et au rapporteur que le ministre de la défense a, en outre, expressément donné son accord.
Pourquoi vous adressez-vous seulement aux « députés de la majorité » ? C'est incroyable !
Je tiens à rappeler, puisque certains n'ont pas eu l'élégance de le faire, que la distribution de cette charte lors de la journée d'appel et de préparation à la défense était une proposition du groupe SRC. Nous ne souhaitons pas que cette charte des droits et des devoirs concerne exclusivement les Français par acquisition, mais que tous les Français en prennent connaissance.
Nous avions également proposé, et je ne sais pas pourquoi cela n'a pas été accepté, que cette charte figure aussi dans le livret de famille, afin que tous les Français, quel que soit leur mode d'acquisition de la nationalité, en aient connaissance.
En outre, un de nos collègues nous a signalé que, depuis, la journée d'appel et de préparation à la défense allait changer de nom, suite à la création du service civique. Puisque le ministre de la défense est favorable à cette disposition, qu'il veuille bien tenir compte de cette modification.
Vous allez dire que je suis obsédé par cette charte. Je suis toujours inquiet de savoir comment et par qui elle sera rédigée. Mais je souhaite ajouter une remarque, parce que quelque chose m'a peut-être échappé. Si j'ai bien compris, les naturalisés ont la charte et ils la signent. Les autres, ils l'ont mais ils ne la signent pas. Il y a là un petit problème.
Je précise à Mme Mazetier que nous avons pris en compte le changement de dénomination de la journée d'appel et de préparation à la défense. L'amendement n° 5 mentionne bien la « journée défense et citoyenneté ».
Encore ? Non mais, attendez, les Français d'origine, par définition, ils n'ont pas le choix. Ils sont français. On ne va pas leur demander en plus de signer une charte. On la leur remet pour qu'ils en soient informés, mais ils n'ont pas à signer un document qui est, par nature, évident.
On ne sait pas s'ils seront binationaux, parce que, comme ils sont mineurs, on n'a surtout pas le droit de leur poser des questions ! Vous savez bien que si on leur pose une question, c'est la preuve qu'on a en permanence des pensées perverses. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai une question simple à propos de cette charte : quelle est son opposabilité juridique ?
Nous avons abondamment parlé de ces questions. Je ne suis pas sûr qu'il soit nécessaire que je redise plusieurs fois la même chose.
D'abord, il y a une distinction évidente entre le fait d'être étranger, candidat à l'accès à la nationalité française, et le fait d'être français. Cela a donc des conséquences juridiques. À partir du moment où le Parlement voterait cette obligation de signer une charte des droits et des devoirs, cela voudrait dire que, dans la procédure d'instruction et lors de l'entretien d'assimilation, l'étranger signerait cette charte. Par définition, s'il ne le faisait pas, il ne pourrait pas aller jusqu'au bout du processus d'acquisition.
Quant aux jeunes Français participant à la journée « défense et citoyenneté », cette charte leur serait remise à titre d'information, d'instruction civique et d'engagement sur un certain nombre de valeurs. Mais, comme vient de le dire le rapporteur, on ne peut pas imaginer leur retirer la nationalité française. C'est tout.
Nous allons peut-être passer beaucoup de temps sur cette charte, mais elle est assez révélatrice de l'état d'esprit dans lequel on aborde globalement ce sujet.
J'ai posé la question tout à l'heure, et, d'une certaine manière, mon collègue Dufau l'a posée à l'instant. Vous venez de dire qu'on ne va naturellement pas retirer la nationalité française à un Français qui sera simplement averti du contenu de cette charte. Par conséquent, nous reposons la question : si un Français par naturalisation, qui a signé cette charte, est considéré, plusieurs mois ou plusieurs années après sa naturalisation, comme n'étant pas un bon Français parce qu'il aura contrevenu à un certain nombre de nos lois, sera-t-il envisagé alors de lui retirer la nationalité française ?
En clair, puisqu'il s'agit d'un contrat signé entre deux parties, un candidat à la nationalité d'un côté, et la République française de l'autre, si celle-ci considère, plusieurs années après, que le contrat n'est plus respecté, nous voulons savoir ce qui se passera.
D'autre part, s'agissant du contenu de la charte, vous avez dit qu'il serait transmis au Parlement. Je voudrais savoir si, par exemple, il y aura un vote en commission des lois ou dans l'hémicycle. Autrement dit, s'agira-t-il d'une simple information, ou bien y aura-t-il un organe de l'Assemblée qui adoptera cette charte ?
J'essaie d'aller un peu plus loin dans mon interrogation. Mon collègue Dufau a posé la bonne question, celle de la suite qu'entraîne le fait de signer la charte : quelle est son opposabilité ? Finalement, il faut s'interroger sur les raisons pour lesquelles vous la faites signer. Il y a tout un tas de textes que nous ne signons pas et que nous devons pourtant respecter. C'est le cas, par exemple de la Déclaration des droits de l'homme, dont on peut dire qu'elle possède une forme d'opposabilité. Si nous commettons un acte franchement contraire à la Déclaration des droits de l'homme, nous pouvons avoir des soucis juridiques assez sérieux.
Il faut donc se demander pourquoi on fait signer cette charte. Et c'est bien cela qui me gêne, outre la question du contenu, car nous sommes en train de discuter d'une charte dont nous ne connaissons pas le contenu. Mais supposons cette question résolue, imaginons que nous arrivions à nous mettre d'accord sur de grands principes généraux. Il reste qu'en faisant signer cette charte, on affirme implicitement qu'il s'agit d'une sorte de contrat, avec toute la force que possède le contrat – c'est d'ailleurs pour cela que vous parlez de « droits et devoirs » –, alors que pour les autres Français, le contrat social est implicite, voire évolutif, puisque nous le faisons évoluer, ici, en tant que représentants de la souveraineté nationale.
Il faut donc bien mesurer ce que nous faisons. La charte pose problème, mais le fait de la faire signer pose également problème.
Je voudrais quand même qu'on aille jusqu'au bout de cette légitime interpellation.
Nous sommes en train de légiférer sur une charte dont nous ne connaissons pas le contenu.
Si encore nous étions sûrs du contenu de cette charte, du niveau de détail auquel elle descendra, ou sur les quelques principes, les quelques valeurs républicaines qu'elle comportera ! Mais nous ne la connaissons pas. Et nous légiférons quand même, alors qu'il s'agit d'un engagement contractuel.
Si ! On signe une charte où l'on s'engage sur des valeurs et des principes, et j'aimerais donc savoir sur quoi l'on va s'engager. On ne peut pas légiférer sur une charte dont on ne connaît ni le A ni le Z.
(L'amendement n° 5 est adopté.)
En conséquence, les amendements nos 67 , 120 , 3 et 475 tombent.
Je suis saisi d'un amendement n° 253 rectifié .
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
Cet amendement n'a pas pour ambition de se substituer à la charte, bien au contraire. C'est une proposition tout à fait complémentaire.
Lors de l'acquisition de la nationalité, la plupart des pays ont déjà introduit, dans leur cérémonie, un serment. Il conviendrait de pratiquer de manière identique dans le droit français, par une formule simple qui pourrait être la suivante :
« J'affirme solennellement que j'observerai fidèlement les lois de la République et que je remplirai loyalement mes obligations de citoyen français. »
L'idée d'un serment républicain, mon cher collègue, ne correspond pas vraiment à la tradition française, élective, de l'acquisition de la nationalité. Dans les États anglo-saxons – États-Unis, Canada, Royaume-Uni –, de tels serments sont effectivement réalisés. Quant à nous, nous sommes plutôt dans une tradition de signature. D'où cette idée de charte des droits et devoirs.
En outre, la signature de la charte matérialisera déjà un engagement fort à respecter les règles fondamentales du pacte républicain.
La signature de la charte répond, me semble-t-il, à ce que vous souhaitez, monsieur Decool. L'histoire de France, ce sont plus des documents écrits que des serments, comme il en existe dans d'autres pays. Cela étant, les deux traditions existent et ont leur valeur.
Avis défavorable, donc.
Je comprends la préoccupation des auteurs de l'amendement. La question, que nous venons d'ailleurs d'évoquer aussi à propos de la charte, est celle de la portée juridique. Lors des cérémonies, les personnes qui y participent ont déjà, par définition, acquis la nationalité française. Le serment que vous proposez, monsieur Decool, ne peut donc pas être une condition d'accès. Ce serait quelque chose de symbolique, qui peut relever de l'organisation par le préfet de la cérémonie d'accueil. Personnellement, cela ne me poserait pas de difficulté, mais il ne faut pas suggérer que c'est une condition d'accès à la nationalité.
Par ailleurs, ce que vient de dire le rapporteur me paraît vrai. À partir du moment où nous faisons déjà signer une charte des droits et des devoirs à tout étranger acquérant la nationalité française, il n'est peut-être pas nécessaire d'ajouter ce serment.
C'est pourquoi je proposerais volontiers à M. Decool qu'il retire cet amendement, mais que nous réfléchissions ensemble, avec mon collègue ministre de l'intérieur, à la façon dont on pourrait suggérer aux préfets d'essayer de donner une solennité plus grande encore qu'ils ne le font à ces cérémonies d'entrée dans la nationalité française.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir pris cette proposition en considération. Elle est très emblématique, mais, eu égard à l'explication que vous venez de donner et à la proposition que vous faites concernant le déroulement des cérémonies, je retire cet amendement.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous me rassurez un peu en émettant un avis défavorable à cet amendement. Vous ne me rassurez pas quant au contenu de la charte. Mais nous aurons l'occasion d'en discuter ici, ce qui nous permettra sans doute de revenir sur cet engagement.
Personnellement, en bon Français, je ne signerais jamais un texte comme celui du serment qu'on nous propose. N'oublions pas que les lois de la République ont souvent été le fruit de luttes, de révoltes populaires qui étaient, au départ, hors-la-loi. Nous légiférons parfois sous la pression, au bon sens du terme, de l'opinion publique. Combien d'entre nous, en tout cas sur les bancs de l'opposition, ont pris des mesures illégales ? Quand, en tant que maire, j'ai pris des arrêtés anti-expulsions ou anti-coupures d'électricité, j'étais hors-la-loi, et j'en étais fier.
Réfléchissons bien à ce que nous faisons en la matière et prenons garde à ce que ce serment ou cette charte laisse suffisamment de marges de manoeuvre pour permettre au libre arbitre de s'exprimer et aux lois d'évoluer.
Je suis saisi d'un amendement n° 65 .
La parole est à M. Jean-Philippe Maurer.
Monsieur le président, vous présidez excellemment cette séance, mais je m'étonne que vous ayez considéré que l'amendement n° 5 de M. Mariani entraînait la suppression de mon amendement n° 67 . En effet, celui-ci prévoyait – et je pense qu'il aurait pu recueillir une large majorité de suffrages – que les personnes ayant acquis la nationalité française devaient prêter serment sur la Constitution, la reconnaissant ainsi comme la loi fondamentale. Les deux amendements n'étaient donc pas antinomiques : il n'y a pas de raison d'opposer la charte à la Constitution. Et je précise à l'attention de M. Braouezec et de M. Gille qu'une telle prestation de serment n'empêche pas l'expression du libre arbitre ou d'une opposition.
Quoi qu'il en soit, je m'inquiète que l'on ait pu considérer que mon amendement n° 67 tombait. Toutefois, vous êtes libre de me permettre de le défendre, monsieur le président.
Monsieur Maurer, c'est une question de forme, et non de fond. L'amendement n° 5 visant à supprimer la phrase de l'alinéa 2 sur laquelle portait votre amendement, son adoption a fait tomber celui-ci. C'est non seulement un président de séance, mais un ancien secrétaire général de groupe, quelque peu expérimenté dans la rédaction des amendements, qui vous le dit.
Demandez à Braouezec. (Sourires.)
Monsieur Maurer, vous avez la parole, pour soutenir l'amendement n° 65 .
La portée symbolique des formalités d'entrée dans la nationalité française, qui me paraît tout à fait essentielle, pourrait être utilement complétée par la remise d'un drapeau de la République française. (Sourires sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Je rappelle que la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française est d'ores et déjà l'occasion de la remise de documents très symboliques : la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le décret de naturalisation et les paroles de La Marseillaise. (Sourires sur plusieurs bancs du groupe SRC.) En outre, les personnes concernées doivent signer la charte des droits et devoirs.
Si je comprends la préoccupation de l'auteur de cet amendement – qui ne me fait pas rire du tout – visant à créer les conditions d'un attachement particulier aux symboles les plus représentatifs de la République, je ne suis pas certain que la remise du drapeau tricolore soit nécessaire. Tous les nouveaux ressortissants le connaissent parfaitement, puisqu'ils le voient au fronton de chaque bâtiment officiel. Toutefois, rien n'empêche les maires de faire ce geste s'ils le souhaitent. Avis défavorable.
Même avis que la commission.
Je constate que plusieurs amendements visent à offrir un certain nombre d'éléments aux nouveaux citoyens français, et je peux comprendre cette volonté d'accompagner symboliquement l'entrée dans la nationalité. Mais, sur d'autres amendements qui engageaient beaucoup moins de dépenses, on nous a opposé l'article 40. Il y a donc deux poids, deux mesures…
Je suis saisi d'un amendement n° 252 portant article additionnel après l'article 3.
La parole est à M. Daniel Goldberg.
Nous avons longuement évoqué les conditions d'acquisition de la nationalité française, dont font partie les cérémonies de naturalisation décrites aux articles 21-28 et 21-29 du Code civil. Or, dans un certain nombre de préfectures ou de sous-préfectures, les locaux et les personnels nécessaires à la tenue de ces cérémonies ne sont pas forcément disponibles. Je souhaiterais donc savoir si le Gouvernement entend donner aux administrations préfectorales les moyens d'organiser ces cérémonies dans de bonnes conditions.
Cet amendement prévoit que le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport annuel – un de plus ! – sur la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté.
On ne va pas passer son temps à rédiger des rapports.
Outre que ce type de dispositions n'a pas sa place dans le Code civil, la représentation nationale a déjà l'opportunité d'obtenir des précisions importantes sur ces sujets lors de la discussion budgétaire des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », dont notre collègue Éric Diard est le rapporteur pour avis de la commission des lois. Ainsi, selon les indications que celui-ci nous a fournies en 2009, une enquête statistique réalisée auprès des préfectures a mis en lumière que 98,7 % des 77 préfectures ayant répondu au questionnaire ont organisé des cérémonies d'accueil dans la citoyenneté française sur une période valable, hebdomadaire pour 4 %, mensuelle pour 20 %, trimestrielle pour 34 %, semestrielle pour 38 % et annuelle pour 4 %. Dans 93,5 % des cas, ces cérémonies ont été perçues de manière positive par les intéressés. Un rapport supplémentaire me paraît franchement inutile.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement pour les mêmes raisons que celles explicitées par le rapporteur.
(L'amendement n° 252 n'est pas adopté.)
Prochaine séance, 30 septembre 2010 à neuf heures trente :
Discussion de six conventions internationales en procédure d'examen simplifiée ;
Suite du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 30 septembre 2010, à zéro heure vingt-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma