On prétendait, durant cette période coloniale et impériale, éradiquer toutes les cultures non européennes. C'est ainsi que l'on avait créé des statuts de sujets de la République, d'indigènes et de Français réels.
Ce que vous proposez ici n'est rien d'autre qu'une sorte de retour à cette conception coloniale et culturaliste qui voudrait qu'il y ait des Français différents. Tout ceci s'inscrit dans les discussions que nous avons eues en fin d'après-midi. Il est d'ailleurs très intéressant de constater que des travaux de sociologues sont très à la mode en ce moment. Je pense à ceux d'Hugues Lagrange ou de Michèle Tribalat, qui ont une conception culturaliste de la société, pour ne pas dire essentialiste, et qui sont capables de nous expliquer que s'il y a aujourd'hui des problèmes de délinquance, ils sont souvent liés à des questions culturelles et des méthodes d'éducation familiales en vigueur dans certaines parties du Sahel.
Mon collègue Christian Caresche tord le nez, mais c'est pourtant ce qui est dit aussi bien par Mme Tribalat que par M. Lagrange, même si dans leurs études, il y a un certain nombre de choses à retenir. Mais cette conception culturaliste doit être écartée pour une seule raison : elle cautionne cette idée selon laquelle les problèmes que nous vivons sont des problèmes liés à l'autre, et en particulier à l'étranger. Ne serait-ce que pour ces raisons, il faut que nous combattions cet amendement.
Pour revenir à ce que disaitMme Danièle Hoffman-Rispal, on ne se préoccupait pas de savoir, à une certaine période de notre histoire, si ceux qui fuyaient les pogroms ou des situations indescriptibles parlaient ou maîtrisaient le français. Se préoccupait-on de savoir si les Italiens, les Polonais qui sont allés travailler dans les mines parlaient le français avant d'être intégrés ? Connaissaient-ils par coeur la charte des devoirs et des droits des citoyens ? Non, ils étaient là pour contribuer à la prospérité de la France.
Effectivement, il y a des situations dans lesquelles on trouve encore des familles installées depuis très longtemps et qui maîtrisent mal le français, dans son expression orale comme dans son expression écrite, et qui pour autant sont totalement intégrées dans notre société, et dont les enfants sont Français. Voilà pourquoi nous considérons que cette disposition que vous nous proposez va dans le sens que nous avons dénoncé tout à l'heure et sur lequel je n'insisterai pas. Ressusciter l'assimilation face à notre tradition d'intégration, c'est un danger de plus que vous faites courir à la société française.