La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
J'ai la tristesse de faire part du décès de notre collègue Jean-Marie Demange, député de la neuvième circonscription de Moselle. J'invite l'Assemblée à observer une minute de silence. (Mme et M. les membres du Gouvernement et Mmes et MM. les députés se lèvent et observent une minute de silence).
Nous abordons l'examen des articles non rattachés à des missions.
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que la discussion commencerait par un débat général.
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Madame la présidente, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, le cadrage macroéconomique du projet de loi de finances pour 2009, tel qu'il avait été transmis à l'Assemblée nationale en octobre, était particulièrement prudent, avec une hypothèse de croissance de 1 % du produit intérieur brut. J'avais dit dès cette époque que je serais probablement amenée à revoir cette prévision dans des délais assez brefs. Mais déjà, cette hypothèse de 1 % était la plus conservatrice depuis vingt-quatre ans.
Nous savions, à cette époque, que la faillite de Lehman Brothers, par un effet de dominos, allait entraîner un bouleversement financier et de graves turbulences qui nous conduiraient à réviser notre prévision. Nous savions que la défaillance, à l'épicentre américain, d'un établissement financier qui était la contrepartie de nombreux hedge funds, notamment à partir de Londres, aurait des conséquences importantes. C'est bien ce qui s'est produit et ce que le Président de la République a dit très clairement à nos concitoyens dans son discours de Toulon.
Dans ce contexte assombri, nous devions procéder à la révision de notre prévision de croissance. Nous l'avons fait à l'occasion de la présentation du projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques devant le Sénat. Certains, ici, ont pu s'en émouvoir. Mais il aurait été déraisonnable de présenter ce projet aux sénateurs sur la base de chiffres dont nous savions alors qu'ils devaient être révisés. Et c'est avec une grande satisfaction que je viens maintenant en débattre devant vous.
Dans ce contexte assombri donc, le PIB français enregistre une hausse au troisième trimestre. Elle est modeste, certes, et certains se sont amusés de m'entendre parler de 0,14 % plutôt que de 0,1 %...
C'est simplement ainsi que l'on arrondit la décimale. Si la croissance avait été de 0,16 %, je l'aurais indiqué de même, sans arrondir à 0,2 %. C'est tout simplement une question d'honnêteté et de transparence à l'égard de la représentation nationale et de nos concitoyens. Ce chiffre, certes, n'est pas extraordinaire,…
…mais on peut se flatter qu'il soit positif alors que l'Allemagne, l'Italie, la Grande-Bretagne enregistrent, pour la même période, une baisse de 0,5 % du PIB et la zone euro une baisse de 0,2 %, comme l'Espagne. La performance française est donc plutôt meilleure et, comme l'Allemagne et l'Italie ont le même taux d'intérêt et le même taux de change, la différence s'explique probablement par la politique structurelle économique que nous menons depuis dix-huit mois.
Je voudrais maintenant vous donner quelques éléments du contexte général dans lequel s'inscrira l'action des agents économiques français. Aux États-Unis, la croissance est devenue négative au troisième trimestre 2008 et la situation économique devrait rester problématique pour les prochains trimestres. Les effets favorables du stimulus fiscal lancé en mai 2008 semblent s'être dissipés, probablement en raison d'un sursaut d'épargne inhabituel de la part des consommateurs américains. Lorsque la première puissance économique anticipe de mauvais résultats, tout le commerce international en subit les conséquences.
Mais il y a également quelques éléments favorables qui nous conduisent à réviser certaines des hypothèses sur lesquelles repose notre prévision macroéconomique. D'abord, le prix du baril de brent, qui était monté à 148 dollars en juillet, est passé sous les 60 dollars depuis le début de novembre. Pour la construction du projet de loi de finances, nous avions retenu l'hypothèse d'un baril à 100 dollars. C'était clairement excessif. Nous avons donc ramené cette prévision à 72 dollars, soit le cours moyen observé en octobre – ce cours moyen étant la base statistique la plus sûre à laquelle se référer lorsque les évolutions des facteurs de production sont très incertaines, notamment dans le domaine énergétique.
Ensuite, nous avons révisé l'hypothèse d'inflation de 2 % à 1,5 % en 2009 en raison de cette évolution du cours du pétrole et de ceux de l'ensemble des matières premières, notamment agricoles. La fin de la parenthèse pénible en matière d'inflation est aussi liée, je le crois, aux premiers effets de la loi sur la consommation du 4 janvier 2008 ainsi que de certaines mesures appliquées par anticipation de la loi de modernisation de l'économie d'août 2008.
Par ailleurs, l'euro, après un pic à 1,60 dollar en juillet, est passé au-dessous de 1,30 dollar ces derniers jours. De ce fait, nous avons ramené notre hypothèse de change, toujours en nous référant à la moyenne mensuelle du mois d'octobre, de 1,45 dollar à 1,33 dollar. Cette évolution contribuera à soutenir les exportations, donc ce troisième moteur de la croissance qui bien souvent nous fait défaut. Un autre facteur favorable est lié aux récentes diminutions des taux directeurs de la Banque centrale européenne qui sont passés progressivement de 4,25 % à 3,25 %, l'ensemble des opérateurs attendant d'ailleurs une nouvelle baisse avant la fin de l'année.
Si l'on met en parallèle, d'une part, les effets défavorables de la crise, en particulier les effets de la crise financière sur l'économie réelle et la diminution de croissance dans certains pays, notamment les États-Unis, et, d'autre part, les facteurs positifs que sont la baisse de l'inflation, celle du coût de l'énergie, des taux d'intérêt et de l'euro par rapport au dollar, ces derniers permettront un certain rééquilibrage, mais sans annuler les dommages subis par la croissance. C'est pourquoi nous avons révisé notre prévision de croissance de 1 %, qui était déjà très conservatrice, pour la fixer dans une fourchette entre 0,2 % et 0,5 % du PIB en 2009.
Cette révision nous amène à revoir notre prévision de croissance pour l'année 2010 : initialement fixée à 2,5 %, nous la ramenons à 2 %, car, après 2008 et 2009, la perspective d'un redémarrage demeure et correspond, logiquement, à un rebond assez classique.
En 2009, la baisse de l'inflation soutiendra les gains de pouvoir d'achat dans un contexte de créations d'emplois certainement atone. Au total, le pouvoir d'achat progresserait de 1,5 % en 2009, après une augmentation de 1 % en 2008. Les chiffres dont nous disposons actuellement sur la hausse moyenne des salaires et sur la hausse des prix, dont je vous rappelle qu'elle est aujourd'hui en décélération, nous amènent effectivement à penser que le pouvoir d'achat sera bien en hausse de 1 % cette année.
Dans la situation actuelle, les anticipations des agents économiques s'ajoutent aux difficultés des agents purement financiers, et les uns et les autres ont un effet sur la croissance. Le Gouvernement se gardera donc de suivre le mouvement de certaines prévisions sans cesse modifiées. Je pense à celles du Fonds monétaire international, à celles d'économistes parfois réputés et même au consensus de place qui a eu tendance à considérablement varier au cours des derniers mois.
La publication du taux de croissance au troisième trimestre 2008, qui a surpris l'ensemble des économistes, incite, en effet, à rester prudent en matière de prévisions. D'aucuns envisageaient une croissance négative et se réjouissaient déjà de pouvoir débattre de la récession. Or, pour parler de récession, techniquement, il faut que se succèdent deux trimestres négatifs. En 2008, ce ne sera pas le cas dans notre pays : il n'y aura donc pas de récession en France, contrairement à ce qui se passe chez certains de nos voisins.
Dans le contexte que je viens de décrire, des mesures d'urgence ont déjà été décidées. La réponse du Gouvernement à la crise financière a été vigoureuse et rapide. Vous en avez été les témoins et les acteurs pour l'aspect parlementaire. Nous avons pris des mesures pour mettre rapidement fin à la thrombose dont était victime l'ensemble des circuits financiers et qui risquait de menacer le fonctionnement de toute l'économie française, des entreprises, des collectivités locales, ou des ménages, notamment pour leurs investissements immobiliers.
Le Gouvernement a alimenté les banques en liquidités pour que l'économie continue à être financée, via la Société de financement de l'économie française, caisse de refinancement garantie par l'État, qui a d'abord souscrit 5 milliards d'euros dans une première souscription, à laquelle a participé la Caisse des dépôts et consignations, qui fut un succès. Une deuxième émission ouverte à l'ensemble des acteurs a, elle aussi, été sursouscrite et a connu une réussite bien supérieure à celles des émissions équivalentes lancées par les Britanniques.
Nous contribuerons également au renforcement des fonds propres des banques. Nous l'avons fait pour Dexia qui se trouvait dans une situation de détresse particulière et nous recommencerons dans la mesure où cela sera nécessaire. Vous avez voté à cet effet un plafond de 40 milliards d'euros mobilisable sous réserve que ce mécanisme soit validé par la Commission européenne. Certains prétendent qu'il serait nécessaire de participer au capital des banques pour influer sur la stratégie de ces établissements : je rappelle que la Grande-Bretagne qui a fait ce choix pour certaines banques en situation de détresse n'estime pas maîtriser mieux que nous la stratégie des banques. J'en veux pour preuve le fait que les autorités britanniques sont désireuses de comprendre comment fonctionnent le médiateur du crédit et l'ensemble des organes que nous avons mis en place en France, notamment les mécanismes de consultation avec les autorités de l'État dans les régions ; elles veulent savoir quels résultats ils donnent.
Nous avons également pris des mesures pour que les petites et moyennes entreprises continuent à accéder au crédit. En sa qualité de présidente de l'Union européenne, la France a demandé à la Banque européenne d'investissement de se mobiliser au service des entreprises. La BEI a accepté de majorer de 50 % son financement des petites et moyennes entreprises en Europe. La France a aussi mobilisé 22 milliards d'euros en faveur des PME, dont 17 milliards proviennent d'excédents de l'épargne collectée à partir du livret populaire d'épargne et du livret de développement durable, et 5 milliards sont disponibles via OSEO ou les établissements bancaires.
Outre ces mesures d'urgence, le Gouvernement a accéléré les réformes structurelles pour renforcer notre compétitivité en mobilisant le travail et l'investissement. Grâce à la création du revenu de solidarité active, à l'accélération de la mise en place du pôle emploi et à 100 000 contrats aidés supplémentaires, les pouvoirs publics souhaitent renforcer le soutien à l'économie. L'extension du contrat de transition professionnelle aux bassins d'emploi en difficultés et l'accélération de la réforme de la formation professionnelle permettent, quant à elles, d'améliorer l'employabilité des salariés.
L'investissement est également renforcé grâce à la validation fiscale du crédit d'impôt recherche et à l'exonération de taxe professionnelle sur les nouveaux investissements réalisés du 23 octobre 2008 jusqu'à la fin de l'année 2009.
Mesdames, messieurs les députés, je ne saurais conclure mon propos sans vous rendre compte brièvement des résultats de la réunion du G20 qui vient de se terminer à Washington. Elle a permis à l'ensemble des chefs de gouvernements et des chefs d'État présents de réaffirmer quatre principes auxquels la France est particulièrement attachée, tant pour elle-même, qu'en qualité de présidente de l'Union européenne.
Le premier principe est celui d'une relance solide, rapide et probablement temporaire compte tenu de la situation et des risques auxquels nos économies sont confrontées. Le deuxième principe est celui de la réorganisation de l'architecture financière pour éliminer les « trous noirs » et les « zones d'ombres » – je m'attacherai dans les semaines qui viennent à lancer une série de chantiers en ce sens. La France a réaffirmé un troisième principe, sur lequel l'ensemble des nations du G20 s'est entendu, en plaidant pour la réorganisation de la gouvernance mondiale en matière financière, notamment celle du Fonds monétaire international, de la Banque mondial et du Forum de stabilité financière avec, en particulier, l'objectif de faire plus de place aux pays émergents et aux pays en développement. Enfin, le quatrième principe est celui du refus des mesures de protectionnisme dont nous savons qu'elles seraient contraires au développement de nos économies et de nos échanges.
Les révisions de nos prévisions de croissance dont je vous ai fait part me semblent légitimes et justifiées. Le calendrier de ces annonces, pour regrettable qu'il soit puisque l'Assemblée nationale n'a pas eu la primeur de celles-ci, pouvait difficilement être différent puisqu'il n'était pas envisageable de débattre au Sénat d'un projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques sur la base de prévisions dont nous savions parfaitement qu'elles allaient être révisées de manière imminente. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, face à l'incertitude de l'environnement actuel, l'État doit rétablir la confiance. Pour y parvenir, le Président de la République et le Gouvernement ont mis en place des mesures très puissantes pour lutter contre la crise. Mais pour rétablir la confiance, il ne suffit pas de dire ce que l'on fait aujourd'hui : il faut aussi dire ce que l'on fera demain. C'est pour cette raison que nous menons dans cet hémicycle des discussions quasi quotidiennes sur le projet de loi de finances, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le projet de loi de programmation des finances publiques et, bientôt, le projet de loi de finances rectificative.
Pour jouer pleinement leur rôle, il faut naturellement que ces projets de loi soient les plus précis, les plus informés possible. C'est pourquoi, comme nous l'avions promis avec Christine Lagarde, nous vous présentons aujourd'hui à la fois des hypothèses de croissance révisées et l'effet de ces révisions sur les recettes publiques.
Concernant les dépenses, comme je m'y étais engagé, elles n'ont pas été modifiées au-delà de l'incidence mécanique des hypothèses révisées sur la charge d'intérêt et les dépenses indexées. Ces révisions nous conduisent donc, de manière totalement transparente, à afficher des déficits plus importants.
Pour des raisons de calendrier, ces hypothèses ont été présentées au Sénat la semaine dernière, à l'occasion du débat sur le projet de loi de programmation des finances publiques. Les amendements correspondants seront votés au Sénat, soit que les lois concernées, PLFSS ou projet de loi de programmation des finances publiques, aient déjà été discutées à l'Assemblée ; soit parce que la procédure ne nous permet pas de revenir, à ce stade, sur le vote des recettes de la première partie, pour ce qui concerne le projet de loi de finances dont la discussion est encore en cours à l'Assemblée. Néanmoins, nous avons convenu avec le président de la commission des finances et le rapporteur général qu'il était indispensable d'organiser le débat qui nous réunit aujourd'hui à l'Assemblée nationale.
Dès la présentation du PLF, du PLFSS et du projet de loi de programmation des finances publiques devant votre assemblée, j'ai dit que nous ferions tout pour tenir compte de l'évolution de la situation économique si le besoin s'en faisait sentir. La crédibilité et la sincérité ne se négocient pas. Ces projets de lois étaient d'une parfaite sincérité lorsqu'ils ont été déposés.
Une croissance de 1 % en 2009 était alors une hypothèse partagée par la plupart des économistes. J'entends naturellement qu'au cours des débats, ces lois conservent leur sincérité et leur réalisme. Mais ce n'est pas une tâche facile : la sincérité, cela ne veut pas dire changer de prévisions tous les matins en fonction du cours de bourse. Si on modifiait le budget tous les deux jours, plus personne n'y comprendrait rien…
Et de toute façon, ce n'est pas techniquement possible. Un budget constitue un repère financier pour les administrations et surtout pour nos concitoyens.
Le Gouvernement a revu sa prévision de croissance et travaille, pour l'exercice budgétaire, sur la base de 0,5 % de croissance en 2009 et 2 % en 2010. J'en ai bien évidemment tiré toutes les conséquences en termes de recettes et de déficits. Notre choix n'est ni de modifier la progression réelle des dépenses, ni de chercher à compenser par des augmentations de recettes la faiblesse de la conjoncture. Bref, il n'y aura pas d'augmentation d'impôts pour compenser la diminution des recettes fiscales.
Un mot sur l'année 2008 : crise financière ou pas, le mois de novembre est traditionnellement le mois du collectif budgétaire qui permet de faire le point sur les recettes effectivement perçues et les dépenses réellement effectuées. Il sera présenté au conseil des ministres le 19 novembre prochain, et nous en rediscuterons en commission des finances et dans cet hémicycle dès le 7 ou 8 décembre. Compte tenu des dernières données dont je dispose, je serai amené à revoir les recettes fiscales de l'État à la baisse de 2 milliards d'euros, notamment au titre de l'impôt sur les sociétés et de la TVA, ce qui portera le déficit de l'État à 51,4 milliards d'euros.
Le ralentissement de la masse salariale pèse également sur les recettes sociales et notamment celles du régime général de sécurité sociale. Le déficit du régime général atteindrait ainsi 9,3 milliards d'euros.
Au total, du fait de la crise, l'ensemble des finances publiques enregistre un manque à gagner d'un peu plus de 3 milliards d'euros de recettes, équivalent à un peu moins de 0,2 point de PIB. Le déficit initialement prévu à 2,7 points de PIB est donc revu à 2,9 points de PIB. Cette révision s'explique intégralement par la volonté de parvenir à une prévision de recettes qui soit la plus exacte possible. Les dépenses reposent, en effet, sur le strict respect des dépenses votées par le Parlement, à l'exception des charges de la dette qui ont subi l'évolution de l'inflation au cours de l'année 2008. Pour 2009, les recettes seraient revues à la baisse en raison de la révision de la croissance et de la sensibilité de certains impôts à la crise financière. Je donnerai l'exemple de l'impôt sur les sociétés dont les recettes diminueraient de 4 milliards d'euros par rapport aux prévisions initiales. Les autres recettes fiscales seraient affectées, mais dans une moindre mesure, notamment la TVA revue de 2 milliards. Pour l'État, l'élasticité des recettes fiscales nettes à l'activité serait ainsi quasi nulle – 0,3 –, ce qui traduit l'extrême prudence de la prévision.
S'agissant des dépenses de l'État, la principale révision concerne la charge de la dette. Celle-ci diminuerait de 1,2 milliard d'euros sous l'effet de trois facteurs : l'allégement de la charge d'indexation des OATI lié à la baisse de l'inflation – pour 640 millions d'euros – et la diminution des taux d'intérêt – pour 850 millions d'euros –, l'augmentation des déficits pesant à hauteur de 300 millions sur la charge de la dette.
Par ailleurs, le Gouvernement a décidé de ne pas modifier les transferts aux collectivités locales suite à la modification de la prévision d'inflation. Pour respecter la règle, il aurait fallu aligner l'augmentation des dotations aux collectivités locales sur la nouvelle prévision, fixée à 1,5 %. Mais, compte tenu de la situation économique très difficile, nous en resterons exceptionnellement – et j'insiste sur ce terme – à la progression initialement prévue de 2 %. Cet écart de 0,5 point représente tout de même 275 millions d'euros de plus que la norme « zéro volume ».
Nous aidons ainsi les collectivités dans leurs efforts d'investissements, comme n'a cessé de nous y inciter la représentation nationale. La dépense de l'État dépasse, de ce fait, très légèrement – de 0,1 % – la progression de l'inflation. Au total, le déficit budgétaire atteindrait 57,6 milliards d'euros.
Les révisions que je serai amené à apporter au texte du projet de loi de finances sont à la fois indispensables et circonscrites : une baisse des recettes de 6,9 milliards d'euros, une révision de la charge de la dette et des pensions en ligne avec celle de l'inflation de 1,4 milliard d'euros, entraînant une révision à la baisse du déficit de 5,5 milliards d'euros.
Du côté des recettes sociales, la masse salariale décélérerait nettement, à 2,75 %. Ces recettes seraient également grevées par l'impact de la crise sur la taxe sur les salaires et sur les revenus du capital. Le maintien de la croissance de l'ONDAM à 3,3 % permettrait toutefois de limiter le déficit du régime général à 10,5 milliards d'euros. Je rappelle que les recettes sont liées à hauteur de 65 % environ à la progression de la masse salariale. Celle-ci fut de 4,2 % en 2008 ; pour 2009, nous avons revu la prévision initiale, qui était de 3,5 %, pour retenir 2,75 % dans le PLFSS.
S'agissant de l'ensemble des finances publiques pour 2009, ces révisions me conduisent à diminuer le solde public d'un peu moins de 9 milliards d'euros, soit environ 0,4 point de PIB. La prévision initiale de déficit public, fixée à 2,7 points de PIB, est donc portée à 3,1 points de PIB. Il ne s'agit nullement de s'affranchir du pacte de stabilité et de croissance ; la Commission européenne a d'ailleurs répété qu'elle tiendrait compte des circonstances exceptionnelles que l'ensemble de l'Europe connaît pour examiner la situation. Il s'agit simplement de laisser les recettes s'adapter à la crise.
L'important est de maintenir l'effort sur la dépense, non seulement aujourd'hui, mais également quand la croissance sera revenue, afin de ne pas retomber dans les errements du passé. C'est la clé d'un assainissement durable de nos finances publiques.
Le dépassement du seuil des 3 points de PIB doit naturellement être temporaire. Notre effort sur la dépense nous permettra de retourner sous ce seuil dès 2010 – à condition que la croissance reparte –, à 2,7 points de PIB. Cet effort dans la durée nous permettra également de rétablir graduellement la situation : avec un retour à une croissance de l'activité de 2,5 % en 2011 et 2012, la maîtrise de la dépense permettrait une nette amélioration du déficit – il ne s'agit plus d'équilibre : nous partons de trop haut –, qui pourrait se situer à 1,9 point de PIB en 2011 et à 1,2 point de PIB en 2012.
Nous tirons donc, en toute transparence, les conséquences de la crise très profonde que nous vivons. Ces révisions confortent la sincérité des nombreux projets de loi financiers dont nous discutons en ce moment. Elles sont l'aboutissement logique de la stratégie que je vous avais proposée dès la discussion générale du projet de loi de finances : maîtrise marquée des dépenses dans la durée – la crise ne saurait remettre en cause l'impératif d'efficacité de la dépense publique – et absence de compensation de la faiblesse des recettes par des augmentations de taxes ou des coupes claires, dont on s'aperçoit généralement en exécution, l'année suivante, qu'elles sont très irréalistes.
Projetons-nous un instant l'année prochaine. Compte tenu de l'incertitude actuelle, nul ne peut prétendre que les hypothèses retenues seront vérifiées au 0,1 % près pour la croissance ou l'inflation, à la centaine de millions près pour l'IS. Je continuerai donc, après le vote des lois de financement, à mener, plus que jamais, un dialogue étroit avec votre commission des finances sur les évolutions en cours d'année. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, nous voilà rassurés : ça ira mieux en 2012 et ce qui se passera d'ici là, après tout, n'est pas si grave !
Madame Lagarde, en écoutant avec attention votre intervention, je pensais à ces moines qui, pour gagner le paradis, portaient le cilice tous les jours. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous nous assénez des prévisions dont vous savez pertinemment qu'elles ne correspondent pas à la réalité. Le cadrage est prudent, avez-vous indiqué ; mais vous nous l'aviez déjà dit, et vous avez été démentie par la réalité. Nous avons souffert, avez-vous dit, d'un « effet dominos », que vous prétendez avoir prévu ; mais rappelez-vous : vous aviez déclaré que nous devions échapper au pire. Selon vous, notre situation serait bien meilleure que celle de nos voisins, en particulier les Anglais, les Allemands et les Italiens ; mais vous avez oublié de nous préciser qu'avant la période actuelle, ça allait mieux chez eux que chez nous. Il faut donc se situer dans l'épaisseur du temps pour percevoir la sincérité que vous invoquez.
Encore s'agit-il d'une sincérité à durée déterminée, dont on ignore l'échéance. Actuellement, elle semble valable trois semaines. En effet, il y a trois semaines, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, vous nous aviez dit une vérité, laquelle est différente de celle d'aujourd'hui, qui sera elle-même différente de celle que vous nous présenterez dans trois semaines, lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative.
Heureusement, nous ne sommes pas en récession ! Techniquement, en effet, celle-ci correspond à deux trimestres négatifs consécutifs. Pourtant, pour les retraités présents dans les tribunes, dont le pouvoir d'achat ne cesse de reculer, la récession que vous ne voyez pas est déjà installée depuis longtemps.
Par ailleurs, vous avez alimenté les banques en liquidités, avez-vous dit sur un ton fataliste, grâce à la société de refinancement de l'économie française, que vous avez d'ailleurs placée sous le contrôle des banques elles-mêmes, renonçant du même coup au contrôle exercé par l'État. Nous avons bien perçu le plaisir un peu sadique avec lequel vous avez dit de nos partenaires britanniques qu'ils ne comprennent pas ce qui se passe. Car, si même la patrie du capitalisme financier est dépassée, j'en déduis que cela vaut exonération de vos responsabilités, voire absolution !
Vous avez conclu votre intervention en évoquant le G20, à propos duquel vous êtes restée assez modeste. Il est vrai que son bilan est évanescent, puisque l'on nous renvoie au mois d'avril : d'ici là, rien ! S'agissant des paradis fiscaux, il est indiqué qu'ils feront l'objet « à moyen terme » de mesures destinées à protéger le système financier mondial, mais il n'y a rien de concret ! Quand l'Union européenne cessera-t-elle de financer les infrastructures routières des Bahamas ? Pendant qu'on nous vole, on subventionne ! Vous le savez, mais vous ne voulez pas prendre de mesures.
Du reste, lorsque, avant le G20, il a reçu quelques-uns d'entre nous, dont le président Migaud, le Président de la République nous a déclaré – je vous l'apprends peut-être puisqu'aucun ministre n'était présent à cette rencontre, pas même le premier d'entre eux – qu'il ne servait à rien d'interdire les paradis fiscaux, puisqu'ils continueraient d'exister de toute façon, et qu'il ne fallait interdire ni les stock-options ni les bonus dans les banques car, ensuite, il faudrait étendre cette interdiction aux compagnies d'assurances puis à toutes les autres entreprises, lesquelles ne pourraient plus alors récompenser ces mérites que vous voyez toujours là où ils n'existent pas, c'est-à-dire chez ces gens qui s'enrichissent sans fournir un effort proportionnel à celui des salariés modestes.
Vous vous refusez à toucher à l'économie réelle, qui commence à être contaminée par la crise financière, car cela supposerait de relancer la consommation en rémunérant de manière juste les travailleurs, en augmentant le SMIC, les minima sociaux et les pensions, et en relançant, par exemple, le bâtiment. De tout cela, vous n'avez cure : vous ne faites aucune proposition. Monsieur le ministre, vous compensez la vacuité de vos propositions par la fermeté des adjectifs que vous utilisez : vous annoncez en effet des mesures « puissantes » contre la crise !
Par ailleurs, vous évaluez les déficits de l'État et de la sécurité sociale respectivement à 51 milliards et 9,3 milliards, soit en tout 60 milliards d'euros, c'est-à-dire moins que les exonérations de cotisations fiscales et sociales dont, je le rappelle – et vous m'accuserez peut-être de faire sa promotion –, le Premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, a démontré qu'elles étaient inutiles. Pourquoi ne pas les supprimer ? Il n'y aurait plus de déficit et l'économie nationale serait en meilleure position pour redémarrer.
Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous avez cité en passant un chiffre inquiétant : l'impôt sur les sociétés baisserait de 4 milliards l'année prochaine. Si l'on compte, non plus en milliards, mais, de manière plus humaine, en chômeurs, qu'est-ce que cela signifie ? On parle de 300 000 chômeurs supplémentaires en 2009. Confirmez-vous ces chiffres ?
Comme vous le voyez, madame la ministre, monsieur le ministre, il est nécessaire de remplacer vos fourchettes de plus en plus souvent – et toujours à la baisse. Vous avez affirmé ne pas remettre en cause le pacte de stabilité, qui est pour vous ce que l'infaillibilité pontificale et l'Immaculée Conception sont pour le pape : des dogmes auxquels on ne touche pas ! Mme Lagarde nous a encore répété tout à l'heure qu'elle y croyait – non pas à l'infaillibilité pontificale, mais aux perspectives positives ! Puisqu'elle y croit, les acteurs économiques n'ont plus qu'à se mobiliser ! Hélas, en matière économique, la foi ne remplace pas les mesures concrètes…
Or, comme je vous l'ai déjà dit, madame la ministre, vous êtes dépourvue de l'outillage intellectuel de nature à vous permettre d'analyser la crise. Ne voyez évidemment pas dans cette remarque une appréciation relative à vos facultés personnelles, qui serait désobligeante et déplacée. Je veux simplement dire que la pensée unique vous empêche de comprendre ce qui se passe ; elle vous empêche de réfléchir à l'utilité de répartir différemment les fruits de la richesse. Votre logique est la logique actionnariale. Ainsi les perspectives sont-elles de plus en plus sombres chez Renault, sauf pour les actionnaires ! Il y aurait pourtant, madame la ministre, monsieur le ministre, une mesure simple à prendre : faire en sorte que les suppressions d'emplois, chez Renault comme ailleurs, soient mises non pas à la charge du pays dans la durée, mais à la charge des actionnaires des entreprises qui réduisent les emplois.
Il n'y a aucune raison d'avoir confiance en ce que vous nous dites. Le Président de la République tente bien de rassurer l'opinion avec ses rodomontades, mais aucune mesure concrète n'est avancée pour nous sortir de l'ornière dans laquelle nous nous trouvons.
Vous, madame Lagarde et monsieur Woerth, qui êtes des membres éclairés de l'UMP, ne pouvez sérieusement prétendre être rassurés – et encore moins nous rassurer – avec les trente-sept propositions de l'UMP pour répondre à la crise, fruits des récents travaux de M. Lefebvre.
Je vais conclure en citant quelques-unes de ces propositions, madame la présidente (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Parmi ces propositions révolutionnaires figurent ainsi : une banque plus sûre, la notation des agences de notation, la désignation d'un gouverneur économique, et passer de l'État tourmenteur à l'État partenaire des entreprises ! Voilà le niveau intellectuel de l'UMP ! Croyez-vous vraiment que c'est avec cela que l'on va s'en sortir ?
Je conclus mon intervention au moment même où certains de nos collègues terminent leur sieste et se réveillent, madame la présidente !
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant toute chose, le groupe du Nouveau Centre tient à saluer le choix du Gouvernement de réajuster ses prévisions de croissance en tenant compte de la conjoncture économique mondiale. En effet, c'est la première fois depuis quinze ans qu'un gouvernement réajuste en cours de discussion ses prévisions macroéconomiques.
Depuis juillet 2007, le groupe Nouveau Centre soutient la thèse selon laquelle nous ne sommes face non pas à une crise conjoncturelle, mais à une crise structurelle qui va durer plusieurs années – deux ans selon les optimistes, trois ou quatre ans selon les pessimistes ; en réalité, personne ne peut vraiment le savoir. En tout cas, cette crise qui ne fait que commencer n'est pas qu'une simple crise bancaire. Elle a atteint une dimension qui affecte le financement de l'économie réelle. L'aggravation de la situation des marchés financiers, l'érosion de la confiance des investisseurs, la hausse du risque de crédit et l'assèchement des liquidités qui en découle menacent de bloquer le fonctionnement du système financier international et vont impacter négativement la croissance de notre économie.
Quelle est la cause profonde de cette crise – ou de cette dépression, comme pourraient dire ceux qui se souviennent d'autres événements survenus lors du siècle dernier ? C'est le financement à crédit de la croissance afin d'atteindre des objectifs de rentabilité de 15 %.
Tous les dirigeants de grandes entreprises nous expliquaient qu'à moins de 15 %, ils ne travaillaient plus. Mes chers collègues, le coefficient de capital est de l'ordre de quatre, ce qui fait que pour assurer une rentabilité de 15 % du capital productif, il faut prélever 60 % du revenu national pour rémunérer le capital. Mais c'est impossible !
Même le régime communiste chinois n'a pas encore réussi à faire en sorte que le taux de rémunération du capital productif dépasse 50 % – étant précisé que ce régime n'a de communiste que le nom et qu'il pratique en réalité le capitalisme le plus débridé qui soit.
À combien peut-on évaluer une rentabilité raisonnable du capital productif sur une très longue période ? À 8 %, ce qui n'est déjà pas si mal, car quatre fois 8 % font 32 %. À long terme, le partage entre le revenu du travail et le revenu du capital dans les grandes économies du monde est de l'ordre de deux tiers, un tiers. Lors des vingt dernières années, la rémunération du capital a régressé de dix points – mais pas en France, contrairement à ce que l'on entend. Ainsi, Barack Obama explique dans son livre que les salariés américains n'ont perçu aucune augmentation de leur pouvoir d'achat depuis dix ans.
Pourquoi ? Tout simplement parce que l'objectif d'une rentabilité de 15 % ne peut être tenu que temporairement, par l'endettement des ménages et des entreprises et à coups de LMBO, jusqu'à la crise – une crise très grave. Les ménages américains n'ont plus d'épargne, les ménages britanniques non plus. À ce titre, la France constitue une anomalie au sein des grandes économies, puisqu'elle présente encore un taux d'épargne de 16 %, l'un des plus élevés.
Cette crise très grave qui touche les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Espagne, l'Irlande, et dans laquelle la France sera entraînée – avec des conséquences que l'on peut toutefois espérer un peu moins graves que pour les autres pays –, nous n'en sortirons pas sans désendettement des entreprises et des ménages, ce qui prendra du temps.
Face à une telle situation économique, le Nouveau Centre ne peut que saluer l'effort de transparence et de sincérité dont fait preuve le Gouvernement. Le projet de budget était déjà construit sur des hypothèses de croissance beaucoup plus raisonnables que par le passé, avec une prévision de croissance autour de 1 % et un taux d'inflation de 2 % pour 2009. En révisant dans une fourchette comprise entre 0,2 % et 0,5 % au lieu de 1 % la prévision de croissance et à 1,5 % au lieu de 2 % l'évolution des prix pour 2009, le Gouvernement fait preuve d'un réalisme très méritoire. Pour 2010, la croissance est révisée à 2 % au lieu de 2,5 %. Compte tenu de l'aggravation des moins-values de recettes, le déficit de l'État va bondir pour atteindre 51,4 milliards d'euros pour 2008, au lieu de 49,4 milliards attendus en prévision révisée en septembre et 41,7 milliards prévus en loi de finances initiale. En 2009, il passera à 57,6 milliards au lieu de 52,2 milliards. M. Woerth nous a expliqué que nous perdions près de 7 milliards sur les recettes, avec une très légère compensation sur les dépenses grâce aux intérêts qui diminuent d'un montant estimé entre 1milliard et 1,4 milliard. Quant aux déficits publics, ils vont s'accroître pour passer de 2,7 % à 3,1 %. Néanmoins, chacun d'entre nous peut légitimement s'interroger sur la fiabilité de ces prévisions.
Je fais cette remarque à l'intention de nos collègues de l'opposition : quand ils attaquent le Gouvernement, ils devraient avoir à l'esprit qu'il est devenu extraordinairement difficile de faire des prévisions, celles-ci devant être révisées tous les trois mois.
Ce n'est pas si difficile : on peut prédire à coup sûr que les prévisions seront fausses !
Peut-être, mais si vous deviez vous-même établir des prévisions, vous vous tromperiez, monsieur Brard.
Si l'on en croit les estimations faites par l'Union européenne, la croissance économique française serait nulle en 2009 avec un déficit public à 3,5 %. Quant au Fonds monétaire international, il estime que la France devrait subir une récession en 2009, avec un recul du PIB de 0,5 %. Nous devons donc faire preuve de la plus grande prudence, mes chers collègues.
Et ne nous fions pas aux prévisions pour le troisième trimestre : comme chacun le sait, les prévisions des comptes trimestriels de l'INSEE ne valent pas grand-chose. Ce n'est pas moi qui le dis : tous les économistes qui font l'analyse rétroactive des prévisions des comptes trimestriels de cet organisme sont arrivés à la conclusion qu'ils ne sont valables que sur la consommation – à 20 % près, c'est-à-dire qu'une prévision de 1 % se traduira par un chiffre situé entre 0,8 et 1,2 %. En revanche, en ce qui concerne la formation brute de capital fixe – les investissements – même l'indication d'une tendance positive ou négative n'est pas fiable. Enfin, en ce qui concerne les stocks, les prévisions ne valent absolument rien.
Compte tenu de l'impossibilité de se fier aux prévisions, le groupe Nouveau Centre propose que le Gouvernement s'engage à faire le point en milieu d'année afin de proposer éventuellement un nouveau collectif permettant de procéder aux réajustements nécessaires – comme cela se faisait il y a quinze ou vingt ans. Trop de gouvernements ont, par le passé, renoncé à prendre des mesures qui auraient été utiles, préférant s'employer à faire croire que tout allait mieux. Aujourd'hui, le Gouvernement a le courage de revoir ses prévisions et il faut l'en féliciter.
L'OCDE a d'ailleurs également réduit ses prévisions de croissance, tant pour les États-Unis que pour le Japon et la zone euro. Ainsi, l'Organisation prévoit un recul de 2,8 % du PIB américain au quatrième trimestre, ce qui ramènerait la croissance de la première puissance mondiale à 1,4 % sur l'ensemble de 2008. En 2009, le PIB des États-Unis devrait se contracter de 0,9 %. Au Japon, le PIB devrait baisser de 0,1 %. Mais, je le répète, ces chiffres ne nous sont d'aucune utilité, dans la mesure où plus personne n'est capable de faire des prévisions sérieuses. Il n'est donc pas avisé de critiquer le Gouvernement sur ce point.
Je voudrais, mes chers collègues, vous dire quelques mots sur la très grande sensibilité de certains impôts à la conjoncture. Je suis en effet de ceux qui défendent la thèse selon laquelle nous allons vers une baisse des prix. Dès lors, il me semble que nous n'avons pas suffisamment réfléchi à la politique salariale et économique qu'il convient de mettre en oeuvre face à une baisse des prix.
C'est ce que l'on appelle la déflation, absolument.
Je rappelle que, contrairement à une idée reçue, ceux qui ont pu conserver leur emploi durant les années 30 ont bénéficié d'une forte augmentation de leur niveau de vie.
Si l'on va vers la déflation, il faut donc être capable de réajuster la politique salariale – du moins en ce qui concerne le secteur public, qui relève du Gouvernement.
La situation que nous connaissons ne sera pas non plus sans incidence sur les finances des collectivités territoriales. Nous avons adopté en commission un amendement revalorisant les bases de 3 %. Je ne sais pas quelle sera la position du Gouvernement à l'égard de cet amendement, mais je ne l'ai personnellement pas voté. En effet, une revalorisation des bases de 3 % alors que les prix sont stables, voire en baisse, va se traduire par une augmentation des produits d'au moins 3 %. Nous allons donc aggraver la pression fiscale, alors même que les collectivités territoriales auraient maintenu les taux.
Le second problème est celui des droits de mutation à titre onéreux, dont la perception a permis aux départements de s'en sortir lors des cinq ou six dernières années. Le Gouvernement prévoit une baisse d'environ 10 % des droits de mutation, ce qui me paraît une estimation très prudente, car on serait plutôt à 20 ou 25 % d'après les dernières estimations de baisse du nombre de transactions immobilières. En outre, les prix de l'immobilier ont également commencé à baisser. On peut donc avoir des baisses de 20 % à 25 % sur les budgets des départements et des communes, ce qui posera des problèmes considérables.
Du côté des dépenses, le groupe Nouveau Centre approuve la position du Gouvernement consistant à maintenir le cap.
Il est de la responsabilité du Gouvernement de ne pas relâcher les efforts sur la dépense publique, de rendre celle-ci plus efficace et de la redéployer, puisque chacun sait que l'on aura des besoins supplémentaires en matière de dépenses sociales. Il convient en outre de ne pas augmenter ou diminuer les prélèvements obligatoires, comme le demande le Nouveau Centre depuis dix-huit mois.
En conclusion, le groupe Nouveau Centre apporte tout son soutien au Gouvernement dans sa démarche de vérité et de sincérité budgétaire. Nous approuvons ce choix de réajuster en cours d'année les hypothèses macroéconomiques même si nous aurions préféré que cela se fît à l'Assemblée nationale plutôt qu'au Sénat. Nous vous invitons même à réitérer l'exercice en milieu d'année prochaine – si besoin était – pour faire le point.
Enfin, nous estimons que la crise actuelle ne doit pas nous éloigner de l'effort de réduction de nos déficits et de maîtrise de la dépense. En ces temps difficiles, seule l'accélération des réformes permettra de tenir ces objectifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je suis heureux que nous tenions ce débat aujourd'hui. Cela permettra d'apporter les clarifications nécessaires à la bonne compréhension de cette phase économique particulière. Voilà en effet plusieurs mois que nous traversons une crise financière d'une ampleur exceptionnelle et que nul ne pouvait prévoir. D'ailleurs, le Fonds monétaire international vient d'annoncer une forte baisse de sa prévision concernant la croissance économique mondiale, la ramenant à 0,75 point par rapport aux prévisions d'octobre.
Dans ces circonstances particulières, l'UMP salue la transparence totale dont a fait preuve le Gouvernement quant aux prévisions d'élaboration du projet de budget pour 2009. Quand celui-ci a été élaboré, rien ne laissait préfigurer les événements du mois de septembre,…
…durant lequel la crise des subprimes a causé la faillite de nombreux établissements financiers. Rappelons-le, mes chers collègues, Éric Woerth et Christine Lagarde avaient du reste adopté une attitude très prudente et raisonnable sur les hypothèses de croissance, à l'époque. De ce point de vue, il n'y a ni tricherie ni tromperie à l'égard de l'opinion publique. Au contraire, il y a un langage de vérité et de transparence de la part du Gouvernement.
Parlementaire depuis maintenant quelques années, je me souviens qu'en 1993 – Michel Sapin était ministre de l'économie et des finances –, alors que tous les experts prédisaient une situation économique très difficile, le gouvernement de l'époque avait prévu une croissance de près de 3 %. Celle-ci fut négative en fin d'année, mais il n'y eut aucune révision en cours d'exercice.
Il fallait en effet le rappeler à nos amis de l'opposition.
Ce gouvernement a, quant à lui, choisi de dire la vérité. Il a organisé ce débat afin que nous puissions faire le point sur les prévisions de croissance. Soulignons à cet égard, qu'avec 0,14 % de croissance au troisième trimestre, la France fait exception au sein de l'Europe, même si ce taux n'est pas très élevé. Cela est sans doute dû aux lois que nous avons votées. Je pense notamment aux dispositions relatives à la modernisation de la législation sur le travail visant à la rendre plus souple et à l'adapter aux réalités d'aujourd'hui. On le sait bien, le partage du travail n'a jamais marché. Si tel avait été le cas, ce système aurait été adopté par d'autres pays. De même, le paquet fiscal, tant décrié par l'opposition, s'est révélé un bon amortisseur de la crise.
Vous l'avez dit, madame la ministre, on note au milieu de cette crise quelques petits signes plus favorables : la baisse du prix du baril de pétrole, du taux de l'inflation, du taux de la Banque centrale européenne. Peut-être ces éléments permettront-ils une reprise plus rapide, même si, encore une fois, il est très difficile de faire des prévisions en la matière. Tout cela montre, en tout cas, que la France doit poursuivre les réformes. C'est ce que fait le Gouvernement, sous l'impulsion du Premier ministre, et on ne peut que s'en réjouir.
S'agissant de la situation actuelle, on ne peut que se féliciter de la façon dont est gérée la crise par la France et le Président de la République. Président en exercice de l'Union européenne, il a joué un rôle essentiel, montrant en outre qu'il était indispensable d'être unis pour éviter de plus grandes difficultés encore. Le Président de la République a su entraîner les autres pays européens. Grâce à lui, l'Europe a pu faire des propositions de règlement de la crise, ce qui est une très bonne chose.
Le Président de la République a également provoqué la réunion du G20 en convainquant notamment le Président des États-Unis. Madame Lagarde, je me félicite, comme tous les Français, de l'action que vous avez menée au sein de ce sommet, en votre qualité de ministre des finances et de grande connaisseuse de l'économie américaine.
Au cours du week-end dernier, les vingt pays les plus riches se sont mis d'accord sur une action concertée et coordonnée de relance de la croissance grâce à une politique monétaire prévoyant notamment de revoir à la baisse nos taux d'intérêt. La Banque centrale européenne a déjà baissé ses taux et continuera très vraisemblablement à le faire au mois de décembre. Les différentes politiques budgétaires doivent également veiller à utiliser toutes les marges de manoeuvre disponibles. C'est ce que fait l'Europe. C'est ce que nous avons commencé à faire, en avance sur les autres. C'est ce que vont faire les États-Unis et la Chine.
Ce sommet a aussi tenu ses promesses en se prononçant en faveur d'une meilleure régulation des marchés financiers, grâce à plus de surveillance, de transparence et de responsabilité. C'est la tâche qui attend les ministres des finances pour les trois mois à venir. Le prochain sommet du mois de mars permettra d'améliorer encore les solutions tendant à pallier cette crise financière qui touche l'ensemble de la planète.
Mes chers collègues, ce débat était le bienvenu. Cette initiative émanant de tous les groupes de l'Assemblée nous donne l'occasion de rappeler quel est le rôle que joue notre pays sous l'impulsion du Président de la République, et les efforts consentis par le Gouvernement, la France et l'Europe. Nous ne pouvons que vous en féliciter, madame, monsieur les ministres. Le groupe UMP est confiant et vous soutiendra dans l'action que vous mènerez dans les mois à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, reconnaissons que les conditions sont difficiles et qu'il est délicat de reprocher trop vertement au Gouvernement ses difficultés de prévisions. Nous nous apprêtons cependant à voter solennellement, mercredi prochain, la loi de finances pour 2009 alors même que la moitié au moins de ses dispositions est d'ores et déjà obsolète. Elles sont d'ailleurs reconnues comme telles par le Gouvernement qui sera contraint de modifier au Sénat, par voie d'amendements, ses principales hypothèses économiques.
Si donc, j'en conviens à nouveau, il est difficile de prévoir ce qui peut arriver, sinon à court terme, en tout cas à moyen et long termes, il faut tout de même dénoncer cette curieuse conception du respect de la représentation nationale qui consiste à lui demander de voter un budget dans de telles conditions – M. Laffineur vient de nous indiquer que le groupe UMP le ferait. Ceux qui approuveront ce texte savent que leur vote n'aura rigoureusement aucune conséquence car les articles sont d'ores et déjà obsolètes.
C'est rigoureusement vrai. Au demeurant, si tel n'était pas le cas ce débat n'aurait pas lieu d'être. C'est bien la première fois, en effet, qu'avant de commencer l'examen des articles non rattachés, nous sommes obligés de débattre, précisément pour corriger les hypothèses économiques. Le Gouvernement s'est félicité de cet effort de transparence : il me paraît délicat et de le faire et de continuer à affirmer que la loi de finances que nous allons voter repose sur des hypothèses solides et véridiques. Vous vous apprêtez donc à voter, cher François Goulard, une loi de finances qui ne correspond rigoureusement à rien : je le maintiens, pardonnez-moi d'insister.
Au-delà de ce constat, au demeurant facile à faire et que chacun fait dans le secret de conversations privées à défaut de le faire publiquement, le présent débat est intéressant en ce que, madame Lagarde, vous nous avez indiqué que tout venait de la faillite de Lehman Brothers, que le gouvernement des États-Unis aurait eu le grand tort de laisser couler. Cela fait plusieurs fois que vous invoquez la faillite de cette banque. Vous en faites le point de départ de la crise, espérant, probablement et bien involontairement, renouer ainsi avec un comique de répétition, cher à Molière. Je pense ici aux Fourberies de Scapin et à Géronte répétant sans arrêt : « Mais qu'allait-il donc faire dans cette galère ? »
Madame la ministre, sachez-le donc, la prochaine fois que vous évoquerez la faillite de Lehman Brothers comme point de départ de cette crise, nous serons nombreux à apprécier votre comique de répétition sans pour autant accorder la moindre foi à cette affirmation. La démonstration est assez simple à apporter. Quels sont les chiffres des principaux indicateurs économiques de notre pays ?
Parlons du commerce extérieur. Il se dégradera cette année d'une dizaine de milliards d'euros. Croyez-vous vraiment que cette dégradation n'ait commencé qu'à partir de la faillite de Lehman Brothers ? Bien sûr que non ! Elle se dessinait, trimestre après trimestre. Elle est même apparue dès 2004 puisque c'est à partir de cette date que notre commerce extérieur est devenu déficitaire alors qu'il ne l'était plus depuis vingt ans environ.
Notre commerce extérieur est donc déficitaire et contribuera négativement, malheureusement, à la croissance de notre pays. Il restera négatif parce que les entreprises continueront à ne pas investir assez, faute de trésorerie suffisante et de capacité d'autofinancement suffisante, faute aussi de crédits bancaires suffisants. Le plan adopté par le Parlement est probablement celui qu'il fallait proposer. Le problème, c'est que les banques l'utilisent pour restaurer leurs marges…
…et certainement pas pour aider les entreprises en leur apportant leur concours, qu'il s'agisse de trésorerie ou d'aide à l'investissement. Nous le savons tous pour le constater chaque jour dans nos circonscriptions.
L'investissement dans les entreprises, qui fut de 7,4 % en 2007, ne sera que de 2,4 % en 2008. C'est évidemment insuffisant pour espérer non seulement améliorer le solde du commerce extérieur, mais aussi voir l'investissement des entreprises contribuer à la croissance économique de notre pays.
Le raisonnement vaut également pour l'investissement des ménages, qui après avoir été positif d'environ 3 % en 2007, sera négatif de 2,5 % en 2008. Inutile de préciser que ce n'est pas la faillite de Lehman Brothers qui est à l'origine de cette situation.
La consommation des ménages est également plus faible : elle était de 2,7 % en 2007 et sera probablement d'à peine 1 % en 2008. Et pour l'année prochaine, je ne me hasarderai pas à faire des prévisions. Pour ne pas encourir le risque de prévoir à tort et à travers, je me contente de chiffres avérés. Là encore, ce n'est pas la faillite du prestigieux établissement bancaire qui explique cette situation.
Disons enfin que le pouvoir d'achat, dont les Français espéraient qu'il s'améliorerait sensiblement, ne connaîtra pas plus en 2008 qu'en 2009 la hausse espérée et annoncée à grand renfort de promesses et de serments par ceux qui nous gouvernent. Marc Laffineur a cité le Président de la République pour se féliciter de son sang froid et de son action, mais il oublie de rappeler les promesses de celui qui n'était que candidat.
Le pouvoir d'achat avait progressé en 2007 d'un peu plus de 3 %. Cette progression ne sera que de 1 % en 2008 et, espérons-le de 1,5 % en 2009 – c'est en tout cas ce que vous avez suggéré tout à l'heure à cette même tribune, madame la ministre. Or, en nous présentant la loi de modernisation de l'économie, vous nous aviez affirmé qu'elle permettrait un gain d'un point de pouvoir d'achat, prévision qui ne dépendait ni de la parité entre l'euro et le dollar, ni du prix du pétrole, ni même de la faillite de l'établissement bancaire Lehman Brothers, mais uniquement de vos choix politiques. N'est-ce pas en contradiction avec vos propos de tout à l'heure ?
Si l'on ne peut tenir rigueur à nos dirigeants des incertitudes qui pèsent sur les prévisions économiques, compte tenu de la situation mondiale, au moins peut-on attendre d'eux plus de rigueur et de cohérence dans la mise en oeuvre et la défense de réformes censées soutenir la croissance, a fortiori quand, depuis qu'elles sont votées, la situation du pays ne cesse de se dégrader.
Cette détérioration des indicateurs a des conséquences mécaniques que les ministres – et je leur en donne acte – n'ont pas cachées, puisqu'ils ont indiqué avec franchise que notre stock de dette allait croître, tandis que le déficit du budget de l'État se creuserait d'une dizaine de milliards d'euros cette année, puis d'autant l'année prochaine, ce qui vaut également pour les comptes de la sécurité sociale.
Si la dette de l'État se montait en 2001 à 56,4 % du PIB, nul ne peut dire si dans dix ans elle attendra les 66 % ou les 70 % de ce PIB. Ce que l'on sait en tout cas, c'est qu'elle sera considérable et beaucoup plus importante après vos dix années d'exercice des responsabilités, alors que vous affirmez chaque année que vous vous efforcez d'assainir les finances publiques. Faire progresser de dix à quatorze points de PIB le stock de la dette est décidément une bien curieuse manière d'assainir les finances publiques…
Au-delà de ce déficit, j'ai trouvé curieux que vous vous satisfassiez d'une croissance trimestrielle de 0,14 point. C'est certes mieux qu'une croissance nulle, voire négative…
Mais vous conviendrez que l'on peut s'interroger lorsque vous imputez cette croissance, même très faible, aux réformes que vous avez fait voter. En effet, Marc Laffineur lui-même a parlé du paquet fiscal – car c'est bien de cela qu'il s'agit, et non de la loi TEPA –, dont le coût est estimé pour cette année entre 10 et 13 milliards d'euros, ce qui, rapporté au 0,14 point de croissance trimestrielle fait cher le dixième de point de croissance ! Si vous estimez réellement que ces dépenses publiques sont efficaces, quels nouveaux crédits allez-vous faire voter par votre majorité !
Vous dites enfin qu'il n'y a pas de politique de rigueur, puisque vous n'aggravez pas les prélèvements. Permettez-moi cependant de vous faire remarquer que les cotisations vieillesse ont augmenté de 1,3 % et que la taxation sur les mutuelles aura pour conséquence une augmentation des cotisations pour les adhérents. Quand bien même cette augmentation n'est pas comptabilisée dans les prélèvements obligatoires, les Français la subiront.
Puisque vous aviez prévu de baisser les taux de prélèvements obligatoires de quatre points – soit 72 milliards d'euros – sur la durée de la mandature, nous pourrions presque nous féliciter qu'ils soient stabilisés. Mais la majorité UMP a voté, il y a quelques semaines à peine, une augmentation de 1,3 % des cotisations retraite, promettant la baisse à due concurrence des cotisations de l'UNEDIC. Ferez-vous donc en sorte que celles-ci baissent ? Nous savons fort bien que non, puisque le chômage est en train d'augmenter, avec 10 000 emplois supprimés au troisième trimestre 2008 par rapport au troisième trimestre 2007.
Voilà, s'il en était besoin, une preuve supplémentaire que c'est non pas la faillite de Lehman Brothers qui a déclenché la crise, mais bien ce que M. de Courson a décrit lui-même comme un système permettant au capital d'exiger une rentabilité déraisonnable, système que les politiques que vous menez depuis le mois de juin 2007 n'ont malheureusement corrigé en rien. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, il y a quatre semaines exactement, nous débattions du projet de loi de programmation des finances publiques et du projet de loi de finances. Comme beaucoup d'autres, dans cet hémicycle ou à l'extérieur, je faisais valoir mon scepticisme. Je parlais d'hypothèses chancelantes ou qui n'avaient déjà plus cours.
Je note d'ailleurs une contradiction entre les propos de Marc Laffineur, qui nous disait tout à l'heure que la crise couve depuis quelque temps déjà, et le fait que le Gouvernement ne révise qu'aujourd'hui ses prévisions et ses hypothèses de croissance, avec les conséquences que cela peut avoir sur le projet de loi de finances.
Je n'étais pas plus devin que vous, madame la ministre ; j'écoutais, je constatais, j'entendais ce que disaient les conjoncturistes à qui il arrive, je le reconnais, de se tromper parfois. Certaines réalités s'imposaient cependant, comme l'augmentation des chiffres du chômage, symptôme le plus alarmant de cette aggravation de la crise. Par ailleurs, de tous côtés, les prévisions de croissance ne cessaient d'être revues à la baisse, le FMI ayant notamment indiqué que la zone euro était en panne dès 2008 et la France se voyant attribuer une croissance de 0,2 % en 2009, ce que le Premier ministre n'a pas démenti.
Je suis de ceux qui pensent que ce projet de budget aurait dû en tenir compte, ce qui n'a pas été le cas. Je pourrais donc tenir aujourd'hui les mêmes propos qu'il y a quelques semaines quant au scénario le plus vraisemblable. Je tablais, pour 2008, sur une perte de recettes de près de 7 milliards d'euros par rapport aux estimations initiales, hypothèse dont vous vous rapprochez, monsieur le ministre, avec vos 6,9 milliards d'euros. Cela étant, l'honnêteté nous impose d'attendre le dernier versement de l'impôt sur les sociétés pour prendre la mesure exacte des recettes pour 2008.
Je parlais également d'une croissance quasi-nulle en 2009, avec un taux d'élasticité des recettes voisin de zéro. Et je pourrais tenir les mêmes propos à une réserve près. Je disais que le Parlement allait se prononcer sur un ensemble de données obsolètes ; c'est en réalité l'Assemblée nationale qui s'est prononcée sur un projet, aujourd'hui revisité.
Il y a deux semaines, au Sénat, vous annonciez de nouvelles hypothèses et déposiez dix-neuf amendements au projet de loi de programmation des finances publiques, texte qui ne comporte que douze articles et une annexe. Dans la foulée, vous allez pour la première fois déposer des amendements à la première partie du projet de loi de finances devant le Sénat, puisque l'Assemblée nationale a déjà voté cette première partie, dont elle a dû débattre, à mon grand regret, en n'ayant ni les bons chiffres ni les bons équilibres.
Vous dites vouloir respecter formellement l'obligation de sincérité, arguant du fait que vous nous avez annoncé, durant l'examen de la première partie, que les hypothèses de croissance comme le niveau du déficit retenu étaient susceptibles d'être modifiés. Je veux bien le croire et ne pas douter de votre sincérité dans la présentation de ces nouvelles hypothèses, mais l'examen de ce budget se serait déroulé dans d'autres conditions si, dès le départ, nous avions admis l'hypothèse d'un déficit supérieur à 3 %. Nul doute alors que les réactions, dans cet hémicycle ou chez nos partenaires européens, auraient été différentes.
Malheureusement, il est aujourd'hui encore demandé à l'Assemblée nationale de voter une seconde partie qui ne tiendra pas non plus compte de modifications qui auraient l'inconvénient, si elles étaient votées, d'être répercutées sur la partie « dépenses » de l'article d'équilibre, alors même que la partie « recettes » ne peut être modifiée. Avouez que la situation est peu banale, voire surréaliste !
En tant que président de la commission des finances, j'ai donc souhaité, en accord avec Gilles Carrez, le rapporteur général, que nous ayons aujourd'hui un temps de débat avant de commencer l'examen des articles non rattachés. Je pense qu'il faudrait envisager la règle selon laquelle la présentation de nouvelles hypothèses doit être suivie d'un vote sur les conséquences qu'elles emportent.
J'ai donc présenté un amendement, adopté par la commission des finances, sur l'obligation qu'il y aurait pour le Gouvernement à formuler, dans une annexe au projet de loi de finances, trois scénarios de croissance différents, qui permettraient au Parlement de savoir dans quelle voie s'engagerait le Gouvernement en cas de modification des hypothèses macroéconomiques retenues pour la construction du projet présenté, sachant que cette disposition aurait vocation à s'appliquer quand les données évoluent en cours d'année, et non avant le vote du projet.
Je pense aussi que la modification de notre règlement intérieur, lancée par le président de l'Assemblée suite à l'adoption de la révision constitutionnelle, doit nous conduire à réfléchir sur cette rigidité de la procédure, qui fait que l'Assemblée nationale ne peut plus revenir sur le vote de la première partie d'une loi de finances, alors même que les circonstances l'exigeraient.
Les différents groupes politiques doivent réfléchir à la manière de donner ici plus de souplesse au Gouvernement et à l'Assemblée nationale.
Pour en revenir aux nouvelles hypothèses, elles ne sont pas bonnes, et la situation de nos finances publiques et de notre économie continue à se dégrader. Le G20, qui vient de se réunir, voit dans une politique de relance, massive et coordonnée, un possible remède à la crise, et le FMI, depuis plusieurs mois maintenant, demande aux pays qui le peuvent de pratiquer cette politique de relance.
Hélas, ce sera plus difficile pour la France que pour d'autres pays, car elle a épuisé ses marges de manoeuvre avec le vote de la loi TEPA à l'été 2007, avant que la crise se déclenche. Et je continue sur ce point d'être en désaccord avec vous, madame la ministre : les mesures TEPA n'étaient pas un plan de relance anticipé.
Elles n'avaient pas cet objectif, et le Gouvernement n'avait pu anticiper, dans un projet de loi annoncé lors de la campagne présidentielle, les effets d'une crise qui s'est déclenchée après l'élection présidentielle.
Le niveau médiocre, mais pas catastrophique, de la croissance au troisième trimestre 2008 s'explique non pas par un pseudo-plan de relance, mais plutôt par le fait que l'exposition aux exportations de notre économie est moindre que celle de notre voisin allemand. Dès lors que nous faisions plutôt moins bien que nos partenaires, notre ralentissement est plutôt moins fort : les mesures relatives au bouclier fiscal et aux droits de succession n'ont pas eu d'effet sur la croissance ; quant à celles relatives aux heures supplémentaires, il commence à apparaître qu'elles ont plutôt contribué à dégrader la situation de l'emploi, à la fois en accentuant les effets du ralentissement – notamment dans le secteur de l'intérim – et en renforçant la frilosité de la politique de recrutement des entreprises.
La situation de nos comptes publics se dégradait en réalité dès 2007, avant même le déclenchement de la crise – et à l'inverse de ce qui se passait chez nos partenaires, comme l'a souligné la Cour des comptes.
Le Gouvernement a pu donner l'impression qu'il s'attendait à ce que nos partenaires s'affranchissent, eux aussi, des critères de Maastricht, et qu'il en ressentait même un certain soulagement ; mais eux peuvent, tout en respectant ces critères, se permettre un plan de relance, quand la France n'en a pas les moyens.
Je ne reviens pas sur les chiffres ; beaucoup de choses ont déjà été dites. Je constate simplement que ce nouveau budget enregistre une dégradation sans proposer de mesures nouvelles. Vous dites ne pas vouloir ajouter de la crise à la crise ; et dès lors, vous enregistrez la baisse des recettes sans toucher aux dépenses.
Mais est-ce là un plan de relance ? Ne faudrait-il pas au contraire aller au-delà, et s'interroger sur la politique du logement, sur la politique de l'emploi, sur la politique de l'investissement public ? Cela correspondrait davantage au plan de relance prévu par le FMI et par les discussions du G20. Ne faudrait-il pas remettre en cause votre politique fiscale ? Je pense notamment au paquet fiscal, qui comprend des dispositions particulièrement coûteuses, dont nous n'avons pas les moyens.
Vous présentez des choses apparemment nouvelles, mais sans rien bousculer, alors même que l'on peut avoir l'impression que certaines réunions internationales proposent des solutions, qui justement ne sont pas applicables à la France. Je pense à ce fameux plan de relance évoqué lors de la réunion du G20, mais qui ne peut avoir de traduction dans nos comptes publics ; mais je pense aussi à l'une des origines de la crise : l'aggravation des inégalités et la faiblesse des salaires, qui ont conduit à cette crise de l'endettement. Or la France voit aussi les inégalités s'aggraver, ce qui peut provoquer des déséquilibres forts : ce budget n'offre pas de réponse à ces problèmes. Il me semble au contraire que nous aurions pu profiter de ces circonstances pour corriger le projet de loi de finances que vous nous proposez.
Je vous remercie donc de ces précisions, madame la ministre, monsieur le ministre, mais je crains que nous ne nous contentions d'enregistrer certains mouvements comptables, mais sans voir la volonté politique dont vous faites pourtant parfois montre.
Vous proposez certaines mesures justes, pertinentes, mais ce ne sont que des ajustements vis-à-vis d'une situation qui mériterait une autre politique, tant au niveau national qu'au niveau européen. Il faudrait s'attaquer à l'origine du mal, à savoir l'accroissement des inégalités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
Au début du mois de septembre, le Gouvernement a, pour le projet de loi de finances pour 2009, estimé la croissance à venir à 1 %. À ce moment-là, il s'agissait d'une prévision extrêmement sérieuse – la plus basse donnée par un Gouvernement depuis vingt-quatre ans !
Mais, semaine après semaine, la crise financière s'est aggravée ; dès lors, cette hypothèse n'est plus réaliste.
Dès la discussion de la première partie du projet de loi de finances, le 20 octobre, le Gouvernement a donné une règle du jeu très claire : vous nous avez dit, madame, monsieur les ministres, attendre les résultats économiques fournis par l'INSEE pour le troisième trimestre, qui devaient être disponibles autour de la mi-novembre, pour procéder ensuite aux ajustements nécessaires. La transparence et la sincérité du Gouvernement ont donc été totales.
Un point – un détail juridique, qui prend ici toute son importance – nous avait toutefois échappé : le règlement de notre assemblée nous interdit de revenir, à l'occasion du débat sur les articles non rattachés, sur le vote de la première partie de la loi de finances. C'est absurde : j'approuve donc la proposition de M. le président de la commission des finances de réviser le règlement.
Le Gouvernement a, dès lors, annoncé au Sénat la révision de sa prévision de croissance pour 2009 et pour les années ultérieures. Il fallait nécessairement en discuter dans cet hémicycle, et M. le président de la commission des finances a eu raison d'organiser ce débat.
Mais je voudrais surtout souligner que cette procédure est bien celle qui avait été proposée il y a un mois et demi : en aucun cas, le Gouvernement ne peut être suspecté d'opacité, ou d'une quelconque volonté de différer l'examen de ces problèmes. Donnons quitus au Gouvernement de son souci de transparence et de sincérité.
Les conséquences de cette nouvelle prévision de croissance à la baisse sont surtout visibles en matière de recettes puisque, s'agissant de l'année 2008, le Gouvernement estime à 7 milliards d'euros la baisse des recettes, contre 5 milliards il y a un mois et demi. Cela me paraît raisonnable, mais aucun d'entre nous n'est capable de dire exactement quel sera le montant de l'acompte de l'impôt sur les sociétés du mois de décembre 2008 : nous ne le connaîtrons qu'aux alentours du 20 décembre. Lorsque nous aborderons le collectif, disposerons-nous, d'ailleurs, d'une prévision autre que celle annoncée aujourd'hui, soit une moins-value de sept milliards par rapport à la prévision d'exécution pour 2008 ?
Vous avez eu raison, madame la ministre, d'insister sur le chiffre de 1,14 % : cela nous incite, non pas à l'optimisme, monsieur Cahuzac, mais à considérer la prévision du Gouvernement comme particulièrement sérieuse.
La France est le seul pays à connaître une croissance positive au troisième trimestre 2008. Certes, elle est faible, mais elle est positive : c'est important, puisque dès lors nous ne sommes pas en récession. La définition économique de ce terme exige en effet deux trimestres consécutifs de baisse de la croissance pour entrer en récession.
Pour ma part, je crois sincèrement que certaines mesures prises dans le cadre de la loi pour le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat, qui ont mis un certain temps à faire sentir leurs effets, ont permis que la France soit le seul pays à connaître une croissance positive au troisième trimestre 2008 : c'est la seule explication que je vois à cette exception française.
S'agissant de 2009, il faut effectivement une révision très importante : la croissance se situerait entre 0,2 % et 0,5 %, plutôt qu'aux alentours de 1 %. Les conditions macro-économiques ont, en outre, complètement changé, et là aussi les prévisions sont extraordinairement difficiles. Le prix du baril de pétrole est estimé à 72 euros ; après avoir atteint 100 euros il y a quelques semaines, il se rapproche aujourd'hui des 50 euros : il est bien difficile de prévoir les conséquences de ces changements, mais elles seront sans doute positives. De même, la parité euro-dollar a été substantiellement modifiée : là aussi, les conséquences sur les exportations peuvent être favorables.
Tout cela doit nous inciter à la plus grande prudence. Une prévision de recettes en baisse de près de sept milliards d'euros pour 2009 par rapport à la prévision d'il y a trois semaines me paraît raisonnable.
Si l'on parle en termes de taux d'élasticité par rapport à la croissance, l'expérience montre que durant la partie ascendante du cycle économique, les recettes fiscales augmentent beaucoup plus vite que la croissance ; l'élasticité peut dépasser deux. En revanche, dans la partie descendante, l'élasticité peut être négative. Le Gouvernement proposait un taux de 0,8 il y a un mois, et de 0,3 aujourd'hui : j'estime pour ma part ces prévisions tout à fait sérieuses.
Malgré les circonstances, la dépense reste tenue : elle n'est pas modifiée pour 2008. Le dépassement d'enveloppe de 4 milliards d'euros, lié aux intérêts de la dette, est conservé. En 2009, la modification de l'inflation permet quelques économies, notamment sur la masse salariale et les pensions, mais pas – je m'en félicite – sur les collectivités locales. Celles-ci sont mises sous tension en 2009. Le concours de l'État aux collectivités locales ne s'accroît que de 1,1 milliard d'euros. Si on les ajustait à l'inflation prévue aujourd'hui, il faudrait diminuer ces dotations de 300 millions, ce qui ne serait pas supportable. Monsieur le ministre, je vous remercie donc de votre générosité vis-à-vis des collectivités territoriales !
Les conséquences sur les déficits et sur la dette sont réelles. Le déficit budgétaire pour 2008 devrait s'élever à 51,4 milliards d'euros, au lieu des 49,4 milliards prévus il y a à peine quelques semaines. Le déficit global – État, collectivités locales et sécurité sociale – représente 2,9 % du PIB au lieu de 2,7 %. Mais c'est surtout la dette publique qui se trouve affectée puisqu'elle va intégrer notamment les prises de participation dans les établissements financiers pour d'ores et déjà 10,5 milliards d'euros.
J'en profite pour dire à Didier Migaud que le Gouvernement est tout sauf inactif face à cette crise. Ainsi, il a été immédiatement pris une mesure de rachat par des bailleurs sociaux de 30 000 logements aujourd'hui en panne. Je pourrais également évoquer toutes les interventions qui ont été menées en direction du secteur financier. Les ministres nous ont d'ores et déjà annoncé que des redéploiements interviendraient dans le cadre du budget pour financer tous les contrats aidés qui se révèleraient nécessaires, une augmentation de 100 000 de ces contrats ayant déjà été annoncée. L'idée est bien d'essayer d'intervenir par des moyens extrabudgétaires qui ne pèsent pas sur le déficit, mais qui peuvent se révéler tout aussi efficaces.
Nous pouvons parfaitement, mais il faudra réviser notre règlement, concilier la réactivité, l'adaptation aux événements qui se succèdent et la transparence et la sincérité budgétaire qu'exige aujourd'hui l'article 32 de la loi organique sur les lois de finances.
Je pense que cet exercice d'actualisation en temps réel était tout à fait utile et je m'en félicite, madame, monsieur les ministres. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur Charles de Courson, je partage largement votre analyse de la crise et je vous remercie pour l'exercice pédagogique auquel vous vous êtes livré, notamment à propos de certains excès que je dénonçais moi-même en présentant le texte qui permettait la reconstitution des fonds propres et le refinancement des banques. Les excès les plus inquiétants concernaient les liquidités, les crédits et les rendements qui étaient attendus des placements de capitaux. Je pense que des changements structurels vont intervenir, qui sans doute valoriseront bien plus le facteur travail que le facteur capital à l'avenir. Je crois aussi, comme vous probablement, que cette purge de deleveraging, ou de diminution de l'effet de levier, prendra un certain temps et nécessitera le renforcement des capitaux propres.
Comme vous le faisiez remarquer, les agents économiques français sont moins exposés probablement que les agents économiques américains ou anglais. Les économies de ces deux pays en particulier, ainsi que celles de l'Espagne et de l'Irlande, sont bien plus exposées que la nôtre. Je me réjouis notamment que les ménages français soient nettement moins endettés que dans ces pays, en tout cas ils ne sont pas surendettés, à l'exception d'une minorité à laquelle nous sommes extrêmement vigilants.
S'agissant de l'origine de la crise, certains se sont gaussés de ma référence à Lehman Brothers mais je considère que cet événement a constitué un moment de rupture, puisqu'il a permis à l'ensemble des acteurs économiques, en particulier dans le secteur financier, de comprendre qu'aucun établissement n'était dorénavant à l'abri d'un risque systémique de ce type.
Cela dit, la crise a commencé bien avant puisque c'est au milieu du mois d'août 2007 qu'ont surgi les problèmes de liquidités, avec la faillite de deux hedge funds et les difficultés de l'établissement Bear Stearns. C'est à ce moment-là que la crise financière a commencé à affecter l'économie réelle. Nous étions nombreux à penser que cette crise serait cantonnée à l'économie américaine mais, très rapidement, nous avons constaté que ses effets se disséminaient à travers d'autres économies, d'abord de pays développés, puis de pays émergents comme nous avons pu le constater à l'occasion de la réunion du G20.
En revanche, je ne suis pas d'accord avec l'appréciation que vous portez sur la qualité de nos services statistiques et vous ne serez pas étonné que je prenne leur défense en particulier en ce qui concerne la qualité de leurs prévisions. Même si celles-ci font parfois l'objet de révisions, tant à la hausse qu'à la baisse, ces révisions sont infiniment moins importantes que dans d'autres organismes notamment outre-Rhin.
Même sur les comptes trimestriels, je ne partage pas complètement votre analyse. S'il est vrai que l'appréciation des stocks en particulier peut être revue à la hausse comme la baisse et peut être l'objet de rectifications, je crois en revanche que les prévisions en matière de consommation et d'investissements sont souvent assez justes et je m'inscris en faux contre votre jugement sur la qualité des services fournis par l'INSEE.
Un mot sur votre analyse du risque de déflation. Au regard des anticipations inflationnistes, anticipations à cinq ans et anticipations dans cinq ans des anticipations à cinq ans, les prévisions concernant l'inflation sous-jacente tournent autour de 1,5 %. Avec un tel chiffre, je pense que le risque majeur de déflation est écarté, surtout s'il était combiné à une situation de récession, parce qu'on s'orienterait non pas vers une crise de type 1929, dont je n'ai, pas plus que vous d'ailleurs, le souvenir très précis, mais plutôt vers une situation de type économie japonaise, qui ne nous conviendrait bien sûr pas du tout. C'est pour éviter ce type d'incident que nous essayons de prendre des mesures à la fois temporaires et fortes, ponctuelles et ciblées.
Monsieur Laffineur, je vous remercie d'avoir souligné que la réponse à la crise financière internationale était d'abord une réponse européenne. C'est ce sur quoi le Président de la République, en qualité de Président de l'Union européenne, a engagé l'ensemble de nos partenaires européens. L'accord trouvé à l'occasion du Conseil européen a permis d'entraîner un accord avec l'ensemble des membres du G20. Il est assez satisfaisant de retrouver, dans le plan d'action annexé au communiqué, l'ensemble des points convenus au sein du Conseil européen. Peu de commentateurs auraient parié au départ que nous parviendrions à une telle solution paneuropéenne étendue ensuite aux pays du G20.
Monsieur Migaud, je vous donne bien volontiers acte de ce que, à l'origine, la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, n'était pas destinée à constituer un plan de relance et je n'aurais pas l'outrecuidante de la requalifier a posteriori de plan de relance. Mais ce qui me paraît important, ce sont les résultats. Les sommes injectées, quel qu'en soit le fondement, dans l'économie française au cours de l'année 2008, sont comparables aux 8 milliards d'euros que l'Allemagne envisage d'injecter dans l'économie allemande dans le cadre de son plan de relance, et les mesures qui sont prises par l'Italie, à un moindre degré par l'Espagne, sont extrêmement voisines de celles que nous avons mises en oeuvre.
Les mesures que nous avons mises en oeuvre en amont nous permettent – j'ai l'outrecuidance de le penser – d'améliorer nos résultats au troisième trimestre 2008 par rapport aux résultats fournis par les économies allemande, italienne, anglaise et autres.
Monsieur le rapporteur général, vous avez qualifié le taux de croissance de notre économie au troisième trimestre de bon résultat. Je partage ce point de vue et j'apprécie la modestie avec laquelle vous l'abordez. Certes, ce n'est pas un résultat grandiose, on ne peut pas être satisfait d'une croissance de 0,14 %, même si ces 4 centièmes ont leur importance pour faire pencher la balance du côté du 1 ou du côté du 2, mais reconnaissons que ce résultat est meilleur que celui obtenu par les économies voisines, et je suis fondée à penser que c'est en partie grâce à la politique économique que nous mettons en oeuvre depuis dix-huit mois. À taux d'intérêts, taux de change et politique budgétaire comparables, les comparaisons entre la France, l'Italie, l'Allemagne et l'Angleterre tournent avantageusement au bénéfice de la France.
Monsieur Cahuzac, je suis en désaccord profond quant à l'appréciation que vous portez sur certains facteurs, cela ne surprendra personne. En ce qui concerne l'effet sur le pouvoir d'achat de la loi de modernisation de l'économie, ce n'est pas nous qui portons l'appréciation, c'est le Fonds monétaire international, qui a valorisé, à l'occasion de l'examen qu'il produit dans le cadre de l'article 4, à 1 000 euros les effets de la loi de modernisation de l'économie sur le pouvoir d'achat de chaque ménage français. Si on fait l'agrégation de l'ensemble des sommes, on arrive à peu près à ce que vous indiquez.
Parfois, le FMI ne se trompe pas totalement et on peut porter un certain nombre d'appréciations à son crédit.
Vous affirmez ensuite que la consommation a faibli de manière constante et vous en attribuez la cause à la politique économique du Gouvernement. Je crois qu'il y a une corrélation beaucoup plus forte entre la baisse et l'augmentation de la consommation avec les anticipations et surtout les perceptions d'inflation par nos compatriotes. Dès que l'augmentation du prix du pétrole est intervenue, on a constaté une baisse de la consommation ; dès que l'inflation a commencé à refluer, on a observé une augmentation de la consommation.
Je suis également en désaccord profond sur votre appréciation du commerce extérieur. Je crois qu'il serait intéressant d'observer la corrélation très exacte en termes temporels – l'appréciation qualitative et statistique reste à démontrer – entre l'application généralisée de la réglementation sur les trente-cinq heures et l'affaiblissement de la position de la France en matière de commerce extérieur. Les effets sur la productivité et la compétitivité méritent d'être examinés de plus près pour juger de la réalité de la corrélation.
Je voudrais dire à M. Brard que s'agissant des paradis fiscaux, nous sommes plutôt actifs, c'est le moins que l'on puisse dire. Nous avons fait en sorte que la liste des paradis fiscaux soit révisée au niveau international – il faut une action internationale dans ce domaine – et le Président de la République est intervenu à plusieurs reprises sur ce sujet. La lutte contre les paradis fiscaux va être étendue et renforcée dans les mois qui viennent, mais différentes initiatives ont déjà été prises à tous les niveaux par de nombreux États.
Monsieur de Courson, je vous remercie d'avoir salué cette démarche de révision. Vous vous êtes par ailleurs inquiété, à juste titre, de l'évolution des droits de mutations à titre onéreux. Ceux-ci ne vont certainement pas être au niveau auquel on les attendait, nous les avons d'ailleurs révisés dans les différents documents. Cela posera des problèmes de financement aux collectivités locales qui, depuis des années, enregistraient de bons résultats sur les droits de mutations. Les nouvelles seront moins bonnes cette année et l'année prochaine
Vous avez relevé également, comme le rapporteur général, que nous n'avions pas limité la hausse des dotations aux collectivités locales à 1,5 %, mais que nous la laissions à 2 %. Ce n'est pas par générosité, mais il aurait été difficile de revenir sur les 2 % qui avaient été annoncés. En même temps, le Gouvernement prend en compte la nécessité de tisser des relations encore plus confiantes entre l'État et les collectivités. Ce geste montre en tout cas que nous n'avons pas cherché à gagner 0,5 point de plus sur les collectivités locales et je crois que c'est une bonne chose.
Vous demandez un collectif en milieu d'année, le président Migaud a également soulevé la question. Avec Christine Lagarde, nous sommes plûtot favorables à l'idée qu'il ne faut pas hésiter, dans ces périodes assez compliquées, à remettre à niveau nos prévisions. Nous verrons, au moment du débat d'orientation budgétaire, si nous devons ou non transformer cette rencontre habituelle pour tenir compte de l'évolution de la situation. Peut-être celle-ci aura-t-elle d'ailleurs peu évolué, peut-être sera-t-elle même conforme à ce que nous avions prévu ?
Je ne suis pas défavorable non plus au fait que, dans des moments comme ceux que nous vivons, plusieurs scénarios puissent être envisagés – je crois qu'un amendement a été déposé sur cette question – à partir du moment où le budget se construit sur un choix d'hypothèses. D'ailleurs, nous n'étions pas loin de vouloir le faire dès le début de la présentation du PLF. C'était un peu plus compliqué, mais nous pourrions peut-être changer la présentation du PLF dans ce sens.
Je remercie Marc Laffineur d'avoir salué l'effort de transparence que nous avons voulu dès le début. Nous étions un peu dans l'incertitude, mais nous avons voulu aller un peu plus loin dans l'analyse des chiffres. Je crois que c'était une bonne chose, et nous l'avons fait en temps opportun.
On peut regretter les conditions dans lesquelles a été débattue la première partie de la loi de finances. Néanmoins il faut aussi saluer le fait que, face à une situation incertaine, nous ayons tenté de poser des jalons qui nous permettent de débattre aujourd'hui. D'ailleurs, les règles ne nous permettaient pas de modifier la première partie de la loi de finances.
Monsieur Cahuzac, vous vous êtes exprimé, comme toujours, avec vigueur. Dès lors que la crise était là, ne fallait-il pas organiser un débat ? En l'état de nos connaissances, les données que nous fournissons sont les plus transparentes possibles. Si certaines d'entre elles peuvent encore varier, du moins les hypothèses sont-elles crédibles et honnêtes. Nos maîtres mots sont la transparence des données et l'adaptabilité des instruments.
Mme Lagarde a rappelé que la crise, connue dès août 2007, s'est considérablement aggravée en septembre 2008. Obligés de répondre à cette situation de « super-crise », nous avons réagi dans les meilleurs délais.
Je vous concède, monsieur Migaud, que les recettes sont incertaines. Cependant, en revoyant nos prévisions pour 2008, nous avons pratiquement rejoint l'estimation que vous aviez proposée : sur l'ensemble des recettes, la diminution de 5 milliards escomptée a été réajustée à 7 milliards.
Quant au rendement de l'impôt sur les sociétés au mois de décembre, peu de gens sont capables de le chiffrer. Faut-il nous diriger au doigt mouillé ou consulter je ne sais quelle Pythie ? Autant nous en remettre aux faits. Certains secteurs étant particulièrement exposés, comme le secteur financier, nous avons révisé nos prévisions de recettes pour l'impôt sur les sociétés et, dans une moindre mesure pour la TVA, les sommes encaissées à ce titre en septembre ayant été inférieures à celles des mois précédents. Nous verrons si les chiffres du mois de décembre confirmeront ou non cette prévision.
J'ai répondu sur votre proposition d'amélioration des procédures.
Quant à l'affirmation selon laquelle nous nous contenterions de « subir » les événements, je la récuse. Ce n'est pas subir que de réviser des prévisions, ou de renoncer à laisser jouer les seuls stabilisateurs automatiques ou de refuser de couvrir une diminution de recettes par une augmentation des impôts. Les choix négatifs sont de véritables choix, souvent plus difficiles à effectuer que les choix positifs. La mobilisation de tous les leviers, afin d'orienter l'épargne, et le plan Emploi annoncé par le Président de la République sont autant de décisions. Face à l'incertitude, nous avons donc mobilisé plutôt que subi.
Je remercie M. Carrez d'avoir souligné à son tour la sincérité de notre révision. Comme lui, je pense qu'il faut rénover la procédure de vote du PLF pour lui donner plus de réactivité. Voilà un enseignement à tirer de la crise.
Je confirme que les prévisions de recettes que je présente à l'Assemblée nationale sont conformes à celles du collectif que je soumettrai mercredi au conseil de ministres.
Merci enfin à M. Carrez d'avoir souligné l'effort consenti envers les collectivités. J'espère du fond du coeur que nous pourrons avoir avec elles un débat dégagé de malentendus ou d'arrière-pensées. Quel que soit le groupe auquel ils appartiennent, tous les députés sont responsables de collectivités locales. L'État doit jouer son rôle envers elles en toute transparence, comme elles doivent admettre que certains problèmes lui sont spécifiques.
Sur l'article 39, je suis saisie d'un amendement n° 630 .
La parole est à M. le ministre.
Destiné à tirer les conséquences d'un amendement déjà voté par l'Assemblée nationale, l'amendement n° 630 propose d'ajuster le plafond des autorisations d'emplois de l'État. Celui des emplois du ministère de l'économie sera minoré de 100 ETPT, qui seront transférés vers Ubifrance en 2009. Il s'agit d'une adaptation mineure.
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.
Cet amendement vise à tirer les conséquences de l'amendement n° 630 . Il s'agit cette fois d'ajuster le plafond des autorisations d'emplois des opérateurs de l'État, sujet auquel les députés sont, à juste titre, particulièrement sensibles.
(L'amendement n° 631 , accepté par la commission, est adopté.)
(L'article 40, amendé, est adopté.)
Cet amendement propose d'ajouter deux programmes supplémentaires – qui concernent, l'un, les investissements de collectivités territoriales, et l'autre, l'organisation des élections prud'homales de décembre 2008 – à la liste de ceux qui ne respecteront pas la limite de 3 % de crédits ouverts, en loi de finances initiale, pour 2008.
(L'amendement n° 632 , accepté par la commission, est adopté.)
(L'article 41, amendé, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 636 portant article additionnel avant l'article 42.
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement propose de réviser de 2 % à 1,5 %, dans le rapport économique et financier, le chiffre officiel de l'inflation en 2009.
J'aimerais obtenir une précision au Gouvernement : M. le ministre peut-il nous dire concrètement à quoi s'applique le chiffre extrêmement large qu'il mentionne dans cet amendement ? Rétroagit-il, par exemple, sur la loi de financement de la sécurité sociale, dont certains dispositifs sont indexés sur l'inflation ?
Le chiffre a un impact direct sur l'ensemble des procédures, donc des prestations, qui sont liées à l'inflation. En conséquence la mesure agit sur le PLFSS, mais ne modifie pas la mesure relative aux collectivités territoriales, que j'ai évoquée.
(L'amendement n° 636 , accepté par la commission, est adopté.)
Sur l'article 42, je suis saisie d'un amendement n° 440 rectifié , qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.
La parole est à M. Gilles Carrez pour défendre l'amendement.
À l'occasion de ce premier amendement déposé par la commission, je dirai un mot de l'ensemble des questions que nous abordons à présent, c'est-à-dire du plafonnement des dépenses fiscales dérogatoires ; je m'abstiendrai en effet d'utiliser le terme péjoratif de « niche », peu approprié à ce qui n'est en fait qu'une dépense fiscale.
Depuis plusieurs années, nous tournons autour de l'idée qu'il faut plafonner certains dispositifs dérogatoires de dépenses fiscales. Au-delà du plafonnement de certains dispositifs, nous avons pensé instaurer un plafonnement global, mesure déjà introduite dans la loi de finances pour 2006. Cependant le dispositif voté alors était si complexe pour le contribuable que le Conseil constitutionnel avait annulé cette disposition.
Depuis, la commission des finances a engagé un travail de fond parallèle à celui du Gouvernement, puisque Mme Lagarde nous a remis au printemps un rapport sur le sujet. Nos points de vue convergent totalement sur la nécessité d'introduire des plafonds spécifiques dans les dispositifs d'investissement dans les secteurs sauvegardés ou en ZPPAUP – dits « Malraux » –, dans les locations en meublé professionnel, ou encore dans les dispositifs d'investissement productif en outre-mer,…
…effectué dans les conditions prévues à l'article 199 undecies, ou d'investissement dans le logement locatif.
Par ailleurs, nous sommes allés plus loin que le Gouvernement en matière de plafonnement global. Si, grâce au bouclier fiscal, l'impôt ne pourra plus absorber plus de la moitié du revenu d'un contribuable, ce qui le rendrait confiscatoire ou spoliateur, il importe en revanche qu'un contribuable qui perçoit des revenus confortables ne puisse plus, à la faveur de dispositions dérogatoires, se dispenser totalement de l'impôt.
Un dernier principe s'est imposé à nous, qui était aussi cher à M. Méhaignerie, lorsqu'il présidait la commission des finances, qu'il l'est à son successeur M. Migaud.
Il s'agit de l'impôt minimum alternatif, sur lequel, estimant que le plafonnement global suffisait, j'étais pour ma part plus réservé.
Le débat sur le plafonnement global est revenu très légitimement sur le tapis lors du débat sur le RSA. M. Lefebvre et M. Chartier ont considéré qu'il fallait pousser les feux. Le moment semble venu de mettre en place cette mesure, en évitant l'écueil de la censure du Conseil constitutionnel auquel nous nous étions heurtés il y a trois ans.
Les articles 42, 43 et 44 du projet de loi portent sur les mesures de plafonnement spécifiques. L'amendement n° 440 rectifié concerne le dispositif Malraux, qui nous a beaucoup occupés en 2005. Le dispositif que nous vous proposons vient en droite ligne des conclusions de la mission présidée par M. Migaud.
C'est-à-dire que non seulement on introduit un plafond, mais aussi qu'on transforme le dispositif fiscal non pas en réduction d'assiette, comme c'était le cas jusqu'à présent, mais en réduction d'impôt, comme c'est le cas pour les dispositifs relatifs à l'outre-mer. Cela nous paraît beaucoup plus juste. En effet, lorsqu'une mesure diminue l'assiette, donc le revenu imposable, elle ne va pas jouer de la même manière pour le contribuable qui se situe dans la tranche à 40 % que pour celui qui est dans la tranche à 14 % ou à 5,5 %.
Le dispositif est donc beaucoup plus équitable.
Ensuite, il est beaucoup plus transparent, facile à mettre en oeuvre, à expliquer et à comprendre pour le contribuable. Lorsque nous en viendrons au plafonnement global, dès lors qu'il s'agira d'additionner des dispositions de plafonnement en valeur absolue, nous ne pourrons plus être l'objet de critiques telles celles développées par le Conseil constitutionnel.
Enfin, lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, nous avons examiné différents amendements qui montraient que les mesures d'assiette pouvaient avoir des effets négatifs sur le calcul du bouclier fiscal, notamment sur le revenu pris en compte dans le bouclier.
En convertissant des avantages d'assiette en réduction d'impôt, nous allons dans la bonne direction.
Je m'empresse d'indiquer, monsieur Bouvard, chers collègues qui avez activement participé à la discussion en 2005, que les curseurs sont placés à un niveau plus favorable que celui auquel nous étions parvenus après un très long débat parlementaire. Ainsi, pour une dépense annuelle limitée à 100 000 euros, on appliquerait une réduction d'impôt de 35 % pour les opérations en secteur sauvegardé, et de 25 % pour les opérations en ZPPAUP, avec la possibilité de faire jouer ce dispositif pour un même logement trois années consécutives.
J'espère que le Gouvernement se montrera ouvert à l'idée de porter cette durée à quatre années car, dans certains cas, les travaux sont durs et longs.
Nous aurons de toute façon l'occasion d'entrer dans le détail au cours de l'examen des sous-amendements.
Nous sommes parvenus à un dispositif qui me paraît vraiment équilibré, de meilleure qualité que celui de 2005. Il est en tout cas certain que nous n'aurons pas de problème avec le Conseil constitutionnel dans la mesure où le mécanisme est parfaitement intelligible pour le contribuable. J'espère donc que chacun approuvera cette proposition de la commission des finances.
Favorable.
Je rends hommage au travail de la commission des finances sur le plafonnement des niches dites Malraux. J'éviterai à mon tour d'utiliser cette expression au profit de celle de « dépenses fiscales dérogatoires » qu'il est désagréable d'assimiler à des modes d'évasion fiscale, eux-mêmes souvent assimilés aux niches.
Vous proposez de transformer le régime Malraux, vous l'avez dit avec clarté, qui permet de diminuer son revenu imposable par imputation d'un déficit en un mécanisme de réduction d'impôt, non pas par une diminution de l'assiette mais par une réduction de l'impôt sur le revenu.
Il s'agit de faire en sorte que l'ensemble des avantages fiscaux se trouvant dans le champ du plafonnement global des niches soit uniquement constitué de réductions ou de crédits d'impôt, ce qui simplifiera considérablement le mécanisme et permettra au contribuable d'en anticiper bien mieux les effets.
Sur le principe consistant à consentir une réduction d'impôt de 25 % ou de 35 % pour une dépense annuelle limitée à 100 000 euros, et cela pendant trois années consécutives pour un même logement, et sous réserve de l'examen des très nombreux sous-amendements, le Gouvernement est, j'insiste, favorable à la proposition de la commission des finances.
Je confirme les propos du rapporteur général : il est vrai que, malgré ce climat d'unanimisme, déçus par le rapport gouvernemental, nous avons souhaité, au sein de la commission des finances, produire notre propre rapport. Or il doit être d'une qualité supérieure puisque c'est de celui-ci que nous parlons lorsqu'il s'agit de modifier la loi et non pas du rapport gouvernemental.
Étant l'un des cosignataires, avec Charles de Courson et Jean-Pierre Brard – dont je suis sûr qu'il manque à beaucoup d'entre-vous (Sourires) –, je me félicite de ce que ce travail ait permis d'aboutir à l'acceptation par le Gouvernement qui, jusqu'alors, s'y était refusé, du principe du plafonnement analytique de chaque niche, ainsi que du plafonnement global de la totalité de la dépense fiscale agrégée lorsque plusieurs de ces dispositifs étaient utilisés. Nous savons que certains redevables utilisaient pleinement chacun des « dispositifs dérogatoires » puisque telle est la dénomination que vous souhaitez leur donner, probablement pour ne pas heurter la sensibilité de nos compagnons de la race canine.
Je me félicite donc que ce concept ait pu franchir les barrières gouvernementales qui jusqu'alors lui étaient fermées. Nous trouvons néanmoins que le niveau de ce plafonnement reste élevé voire déraisonnable. Aussi ne nous opposerons-nous pas à son adoption, convaincus que, le dispositif de transformation de réduction d'assiette en réduction d'impôt étant acquis avec un plafond de 40 000 euros, des dispositions ultérieures, probablement sous d'autres majorités, permettront d'abaisser ce seuil à un niveau compatible avec la justice fiscale.
Le groupe Nouveau Centre s'est beaucoup battu pour le plafonnement global. Nous étions partis sur l'impôt minimum alternatif à l'Américaine. Nous avons beaucoup travaillé au sein du groupe d'études bénéficiant, pour une fois, d'une grande cohésion de l'ensemble des familles politiques, pour aboutir à l'idée que nous pouvions fortement améliorer la situation grâce à un mécanisme de plafonnement déjà analytique des cinq niches qui ne l'étaient pas encore et grâce à un plafonnement global.
Le Gouvernement avait accepté le premier mais pas le second ; puis il a évolué et je l'en félicite puisqu'il n'est rien de pire que des ministres bornés.
Ce n'est pas votre cas, monsieur la ministre, madame la ministre, puisque vous êtes ouverts et avez accepté de discuter. Nous avons modifié les propositions de plafonnement analytique dans le sens que vient d'indiquer le rapporteur général.
Certes, le mécanisme est imparfait et nous en discuterons notamment en examinant l'amendement Carrez sur le plafonnement global, amendement que j'ai cosigné. Reste qu'il constitue une vraie amélioration même s'il subsiste un problème que nous ne sommes pas capables de cerner : la substitution entre les dépenses fiscales. Que se passera-t-il, en effet, lorsque l'on va plafonner chaque dépense avec un plafonnement global ? Nous appréhenderons cette situation de façon empirique dans les années à venir afin de réajuster le dispositif au fur et à mesure.
Ainsi, à travers cet exemple, faisant fi de nos trop nombreux états d'âme et dépassant le clivage entre la majorité et l'opposition, nous pourrions, pour une fois, montrer l'utilité de l'Assemblée nationale.
Le groupe UMP est satisfait de voir aboutir la question du plafonnement global que notre collègue Pierre Méhaignerie – Gilles Carrez l'a rappelé – évoquait depuis bien longtemps. Au moment de la discussion sur le RSA, une proposition phare de la convention sociale que nous avions tenue avait été réaffirmée avec force par le Gouvernement, par Gilles Carrez, par Pierre Méhaignerie, par le groupe UMP et même par tous les groupes : une plus grande justice dans notre système fiscal est indispensable et personne ne doit échapper à l'impôt.
Beaucoup de travail a été réalisé depuis, notamment avec le président Migaud auquel nous devons bien sûr adresser nos félicitations. Je souhaite également rendre un hommage particulier au rapporteur général, Gilles Carrez. Le groupe UMP était très attaché à ce que nous trouvions un dispositif qui fonctionne. Or chacun avait en mémoire la difficulté devant laquelle nous nous trouvions puisque, Gilles Carrez l'a rappelé, dans le passé, nous avions déjà tenté d'établir un plafond global. À la suite de Jean-François Copé, certains parlementaires avaient essayé d'instaurer ce dispositif que le Conseil constitutionnel a cassé.
La solution proposée par Gilles Carrez est équilibrée, juste et répond au souci de l'UMP et de la grande majorité des membres de la commission des finances : il s'agit de rendre impossible d'échapper totalement à l'impôt en cumulant l'ensemble des dispositifs dérogatoires appelés « niches fiscales ». Avant d'entrer dans le détail et juste après que Gilles Carrez a donné un aperçu d'ensemble de la position de la commission des finances, il s'agissait pour moi d'insister sur le fait que ce dispositif représente un moment important en termes de justice fiscale.
Un de nos collègues parle souvent de coproduction législative. Or le présent dispositif est le résultat d'un travail conjoint entre les députés et le Parlement.
Jérôme Cahuzac a donné le sentiment que nous avions beaucoup mieux travaillé que le Gouvernement.
Or, madame la ministre, monsieur le ministre, je tiens à vous remercier ainsi que vos collaborateurs. Nous avons en effet pu progresser grâce à votre travail, à votre rapport et si nous parvenons à un résultat qui semble faire l'unanimité, c'est grâce à l'association étroite de nos forces, de nos compétences et de nos intelligences.
Nous en venons aux sous-amendements à l'amendement n° 440 rectifié .
La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir le sous-amendement n° 600 .
Avec votre autorisation, madame la présidente, plutôt que de soutenir chacun des sous-amendements que j'ai déposés, il me paraît préférable de les défendre globalement. Je souligne d'ailleurs que certains d'entre eux se substituant à d'autres seront appelés en séance pour des raisons que j'ignore et sont susceptibles de créer des confusions, notamment à l'alinéa 9.
Je partage, comme tout un chacun, l'objectif de moralisation de la dépense fiscale. Celle-ci est utile. Il faut néanmoins résoudre la question de son dynamisme qui mine les recettes de l'État – le ministre a pris des engagements très clairs en la matière en fixant un objectif de dépenses fiscales – ; et il convient de faire en sorte que nos concitoyens disposant de revenus particulièrement élevés ne puissent plus échapper totalement à l'impôt.
Dès lors que l'objectif de moralisation de la dépense fiscale est utile, il faut revoir chaque dépense fiscale au regard de cette utilité. De ce point de vue, le bilan du dispositif Malraux est très positif.
Son coût est maîtrisé : la somme de 45 millions d'euros – chiffre qui figure dans le projet annuel de performance « Culture » – est portée à 130 millions d'euros. Cette évolution reste dérisoire comparée aux 73 milliards d'euros de dépenses au titre des dépenses fiscales choisies.
Malgré son plafonnement, qui en fait, dans certains cas – parfois commercialisés comme tels –, un outil d'optimisation fiscale, je rappelle que cet aspect reste limité, puisque seulement 10 % des contribuables concernés imputent aujourd'hui plus de 75 000 euros, notamment parce que la rentabilité du produit Malraux reste faible : aux alentours de 3 %, après défiscalisation.
Il constitue par contre un outil indispensable à la réhabilitation des centres anciens,…
…sans lequel une grande partie du patrimoine de notre pays aurait disparu. Cela est encore plus vrai dans des communes, petites et moyennes, qui ont choisi le dispositif des ZPPAUP, les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager. Dans ce cas, en effet, il est possible de compenser les surcoûts occasionnés par ces dispositifs.
Je rappelle que 37 % des bâtiments dont le dispositif Malraux a permis la rénovation pouvaient relever de l'arrêté de péril. Autrement dit, il ne s'agissait pas de travaux superflus. Les mises aux normes d'habitabilité et de confort de plusieurs milliers de logements ont ainsi permis de répondre à la pénurie et revitaliser les centres villes tout en leur redonnant une attractivité touristique.
Enfin, en matière d'emplois, le quota de main-d'oeuvre nécessaire pour une réhabilitation en secteur sauvegardé est supérieur de 3,2 à celui recensé pour le neuf, ce qui, là aussi, fait du dispositif Malraux un élément très important.
La justification de ce dispositif est confirmée par des élus de toutes sensibilités, qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition, dès lors qu'ils ont été confrontés à la gestion de ces secteurs sauvegardés.
Cela étant, plusieurs problèmes persistent, qui sont la raison d'être de ces sous-amendements.
Le premier problème est celui des délais. Je n'ai rien contre le fait de vouloir raccourcir la durée des travaux, mais aucun investisseur n'a intérêt à retarder la mise en location. Il n'est aucun investisseur auquel on puisse imposer de ne pas prendre en compte les surprises qui peuvent survenir : un effondrement peut intervenir en cours de chantier ; on peut découvrir une fresque historique que l'on n'avait pas vue : les services des Bâtiments de France viennent alors faire des études, avec ceux des Monuments historiques, ce qui peut allonger la durée du chantier de six ou sept mois. Il faut que ces problèmes de délais soient pris en compte.
Nous avons le problème du plafonnement. Le projet de loi de finances plafonnait les dépenses imputables à 140 000 euros pour les secteurs sauvegardés, et à 100 000 euros pour les ZPPAUP. Il est possible de prolonger la déductibilité d'une année, pour se rapprocher de la réalité des montants des travaux engagés dans les opérations les plus importantes. Cela peut être une solution.
En outre, une discrimination est introduite entre les secteurs sauvegardés et les ZPPAUP. Jusqu'à présent, nous avions un dispositif unique. Les opérations conduites en ZPPAUP, contrairement à une idée reçue, ne nécessitent pas moins d'efforts. Elles ne portent pas sur des bâtiments en meilleur état. Les contraintes et les exigences des ABF sont davantage fonction de la qualité du bâti que de sa localisation. Je me permets d'insister beaucoup sur ce point, car j'ai aussi déposé un sous-amendement tendant à refaire converger le régime des ZPPAUP et celui des secteurs sauvegardés.
Je termine en évoquant le problème de l'insertion dans le plafonnement global des niches. C'est en partie pour cette raison-là que le précédent débat dont a parlé le rapporteur général n'a pas été jusqu'à son terme, puisque le Conseil constitutionnel a considéré que nous avions fait quelque chose de trop compliqué.
Je veux attirer votre attention, madame la ministre, sur le fait que, quand seront entrées en vigueur les dispositions que nous nous apprêtons à adopter, il faudra un chèque de 120 000 euros en Girardin industriel pour obtenir 40 000 euros de réduction. C'est le régime proposé dans le projet de loi et ce plafond est calculé après rétrocession. En revanche il faudra un chèque de 250 000 euros pour un achat rénovation en Malraux : on ne peut pas l'ignorer.
Autant je comprends que l'on aille vers un dispositif unifié, autant je comprends qu'il y ait un avantage pour les dispositifs ultramarins, autant je pense que nous devrons être attentifs à ce qu'une éventuelle concurrence entre les différents régimes de défiscalisation ne vienne pas affaiblir le dispositif Malraux. En effet ce n'est pas simplement une affaire de déduction fiscale : il s'agit aussi d'une question de sauvegarde du patrimoine français, aussi bien en métropole qu'outre-mer. Nous savons aujourd'hui que l'État n'est pas en mesure de faire face aux travaux d'entretien nécessaires avec les seuls crédits de la direction du patrimoine. Cela a d'ailleurs été la raison même de la mise en place de ce dispositif.
Favorable.
Je vais simplement livrer un témoignage, s'agissant de la mise en oeuvre du dispositif Malraux.
Auxerre compte 40 000 habitants. Le centre ville a pu être en grande partie réhabilité grâce à l'application de ce dispositif.
En ce qui concerne la durée des travaux, il faut être assez souple. Très souvent, dans une vielle ville, comme la mienne, les maisons s'imbriquent les unes dans les autres, et il faut s'attendre à ce que les travaux progressent lentement.
Cependant il convient aussi que le dispositif soit pour l'essentiel réservé aux secteurs sauvegardés. Sinon, nous n'aurions plus du tout de plafonnement des niches fiscales.
Pour Auxerre, le dispositif Malraux a été quelque chose de considérable. Je me rallie tout à fait à l'accord qui a été trouvé entre le Gouvernement et les groupes parlementaires. Je ne souhaite pas que l'on puisse remettre en cause le dispositif de la loi Malraux.
Je veux faire par d'un accord, et puis, malgré tout, d'une interrogation, qui débouchera sur un désaccord.
Je suis en accord avec notre collègue Michel Bouvard, et malheureusement en désaccord avec notre collègue Jean-Pierre Soisson : en réalité, la différence de coût entre secteurs sauvegardés et ZPPAUP n'existe pas. Elle est peut-être théorique, mais en pratique, elle n'existe pas. En tout cas, elle n'est pas d'un niveau tel qu'elle justifie le différentiel de traitement que nous nous apprêtons, le cas échéant, à adopter.
Madame la ministre, prenez l'initiative d'unifier ce taux en prenant tout simplement le point moyen entre les deux taux actuellement proposés. Après tout, c'est une pratique habituelle chez vous : quand la croissance oscille entre 2 et 2,5 %, vous nous proposez un taux moyen de 2,25 %. Nous rendons hommage à votre sens de l'équilibre. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) J'aimerais que vous retrouviez cet équilibre à cette occasion-là.
Et puis, un désaccord : encore une fois, si, sur le principe, nous nous réjouissons de voir une réduction d'assiette transformée en crédit d'impôt, nous pensons que le montant de 40 000 euros est tout à fait élevé, probablement excessif. Un exemple : avec ce plafond, un célibataire sans enfant ayant 120 000 euros de revenus annuels pourra être totalement défiscalisé, annuler sa contribution au titre de l'impôt sur le revenu. Je ne crois pas que cette disposition soit raisonnable par les temps qui courent.
Je tiens à attirer l'attention du Gouvernement et de mes collègues sur l'articulation entre le plafonnement analytique et le plafonnement global. Notre rapporteur général a fait une analyse globale en mélangeant, me semble-t-il, la nature des différentes « niches » ; employons ce mot, que tout le monde comprend, même si nous n'admettons pas tout à fait les connotations que cela emporte.
Outre-mer, il existe deux types de niche : le patrimonial et le productif. Procédons à une analyse comparative, notamment avec le Malraux.
Lorsque quelqu'un investit 100 euros, il garde, dans le dispositif Malraux, qui concerne le patrimonial, environ 35 euros, ce qui n'est pas le cas, outre-mer, dans le productif. En effet il y a une obligation de rétrocession : si vous investissez 100 euros, vous avez 50 euros et vous devez rétrocéder au moins 60 euros. Il y a là une attractivité à préserver.
Je souscris parfaitement à tout ce que mes collègues ont dit sur la nécessaire moralisation, sur l'égalité devant les charges publiques et devant l'impôt. Nous comprenons très bien cela, et nous disons tous la même chose , mais nous travaillons sous contrainte, et dans un contexte où les financements se sont asséchés partout. Tel est même le cas de ceux qui viennent de l'État, et je ne parle pas des banques, surtout dans la conjoncture actuelle. Je ne parle pas non plus des financements venant de l'Europe, qui sont aujourd'hui fléchés, et qui ne financent que le « lisbonno-compatible ». Il reste la défiscalisation dans le productif. Il faut donc nécessairement faire cette comparaison, du point de vue de l'attractivité, en termes de rentabilité comparative.
(Le sous-amendement n° 600 , modifié par la suppression du gage, est adopté.)
(Le sous-amendement n° 601 , accepté par la commission et le Gouvernement, et modifié par la suppression du gage, est adopté.)
Le Gouvernement est défavorable à ce sous-amendement, monsieur Bouvard.
Vous visez la situation où un propriétaire n'a pu récupérer des charges locatives à raison du départ du locataire. Cela est fâcheux certes, mais il n'y a pas de raison, parce que ce locataire est défaillant, de transformer nécessairement ces sommes en dépenses éligibles à la déduction d'impôt dans le cadre du dispositif Malraux.
En revanche, il est normal que ces sommes soient déductibles des revenus fonciers. C'est l'un ou l'autre, mais si ces sommes viennent en déduction des revenus fonciers, cela suffit.
Il y a également le problème des provisions pour travaux de copropriété. Le a quater du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts prévoit que ces charges sont déductibles pour la détermination du revenu net, mais il omet les dépenses supportées par le propriétaire pour le compte du locataire.
Ces provisions sont intégrées dans la rédaction de l'amendement.
S'agissant des dépenses qui auraient été exposées par le propriétaire pour le locataire, je dois dire, pour conforter la position de Mme la ministre, que le cas est rarissime. Ces logements sont vides. Pour la plupart d'entre eux, ils n'ont pas de locataire, au moment où les travaux sont faits. Il doit bien y avoir quelques cas, mais cela doit être très limité.
C'est un sous-amendement très important puisqu'il consiste à porter de trois ans à quatre ans le délai pendant lequel on peut bénéficier du dispositif de réduction d'impôt au titre des investissements. Comme les travaux sont plafonnés à 100 000 euros chaque année, passer à quatre ans permettra d'aller jusqu'à 400 000 euros.
Il est vrai que dans certains cas, certainement peu nombreux, les travaux peuvent atteindre un montant très élevé et, surtout, s'étaler sur un nombre d'années conséquent.
Avis favorable pour les mêmes raisons qu'indiquées par M. le rapporteur.
J'avais évoqué ce sujet brièvement dans mon exposé général. Il s'agit d'un moyen de prendre en compte le coût très important des travaux et de l'étaler sur la durée des chantiers dont le délai n'est pas hypothétique. Dans les secteurs sauvegardés, ces travaux très longs sont dus aux surprises qu'on peut avoir en cours de chantier mais aussi au fait que le nombre d'entreprises qualifiées pour ce type de travaux est limité.
C'est d'ailleurs un autre problème que je me permets de signaler. Je pense que nous aurions tout intérêt à favoriser l'accès à l'agrément par les Monuments historiques de davantage d'entreprises, quitte à les accompagner dans les démarches, à assurer la formation de leurs compagnons, car il y a aujourd'hui des marchés captifs qui génèrent des coûts très élevés (Approbations sur les bancs du groupe UMP) et qui sont responsables aussi de l'extrême lenteur des chantiers sur les monuments historiques dans les secteurs sauvegardés.
Je suis tout à fait d'accord avec M. Bouvard s'agissant de la durée et du montant des travaux, liés à l'hyperspécialisation de certaines entreprises et de certains architectes en chef des Monuments historiques, dont le monopole libéral pèse très lourdement sur les comptes de la nation.
Avant même de se pencher sur l'allongement de la durée du dispositif, il faudrait regarder de ce côté-là.
Les architectes des Bâtiments de France doivent souvent couvrir des secteurs si larges qu'ils sont dans l'incapacité de répondre dans les délais aux demandes des propriétaires, ce qui allonge considérablement les délais d'intervention. Il est incroyable que, faute d'effectifs suffisants dans les DRAC pour répondre aux propriétaires, on augmente la durée du bénéfice de cette niche fiscale. Il faudrait, au contraire, revoir les effectifs des DRAC, des ABF et très certainement aussi penser à augmenter le nombre d'entreprises habilitées, voire à la possibilité de recourir à des appels d'offres européens. Nous avons des voisins qui ont aussi un patrimoine extrêmement riche et où les entreprises et architectes interviennent aussi bien pour beaucoup moins cher.
(Le sous-amendement n° 604 , modifié par la suppression du gage est adopté.)
(Le sous-amendement n° 607 , accepté par la commission et par le Gouvernement, et modifié par la suppression du gage, est adopté.)
(Le sous-amendement n° 608 , repoussé par la commission et par le Gouvernement, est retiré.)
Avis favorable, de même que sur le sous-amendement n° 610 .
En revanche, je m'interroge sur le caractère législatif de cette proposition. Le problème de l'affectation de la provision pendant la durée des travaux ne pourrait-il pas être réglé dans le cadre des instructions fiscales ?
J'allais vous proposer de le faire figurer dans les instructions fiscales, mais si vous préférez en passer par la loi, je retire ma proposition.
Je suis prêt à faire confiance à Mme la ministre, sous réserve que l'instruction fiscale intervienne dans un délai cohérent par rapport à la publication de la loi de finances.
Je retire donc les sous-amendements nos 609 et 610 moyennant l'engagement du Gouvernement de la publication rapide de l'instruction fiscale. Le compte rendu des débats faisant foi, je pense qu'il n'y aura pas de problème.
Ce sous-amendement important tend à étendre aux ventes d'immeubles à rénover le dispositif prévu pour les ventes en l'état futur d'achèvement, qui existe pour le secteur sauvegardé.
Le Gouvernement est favorable et lève le gage.
(Le sous-amendement n° 599 , modifié par la suppression du gage, est adopté.)
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements en discussion commune nos 615 et 613 ?
Le sous-amendement n° 615 propose de majorer les taux de quinze points en les portant à 40 % en ZPPAUP et à 50 % en secteur sauvegardé, tout en conservant le plafond des 100 000 euros et la période de quatre ans, puisque nous venons de l'allonger d'une année.
Le Gouvernement est défavorable à cette majoration mais serait prêt à examiner un chiffre intermédiaire entre l'amendement de la commission et le sous-amendement de M. Bouvard. Si cela vous convenait, nous serions prêts à accepter 30 % et 40 % au lieu des 25 % et 35 % initiaux.
Je ne cache pas mon sentiment profond que la distinction entre secteur sauvegardé et ZPPAUP ne me paraît pas judicieuse.
Toutefois, le Gouvernement propose une avancée que je suis enclin à accepter, si toutefois la rectification ne pose pas de problème technique.
Je suis plus réservé, car nous devons nous préoccuper de l'équilibre général, puisque nous aborderons ensuite le plafonnement global.
Comme l'a souligné très justement notre collègue Victorin Lurel, l'investissement productif outre-mer n'a pas de contrepartie patrimoniale, contrairement à l'investissement Malraux puisque le logement existe. Je préférerais donc qu'on s'en tienne aux taux prévus dans l'amendement, d'autant que nous avons porté à quatre ans le délai pendant lequel on peut bénéficier du dispositif de réduction d'impôt au titre des investissements.
Dans une mesure fiscale, il y a deux éléments : l'assiette et le taux. Dès lors que nous avons augmenté l'assiette sur quatre ans, il me semble raisonnable de ne pas toucher au taux.
Nous avons eu tout un débat en commission sur l'opportunité de maintenir des taux différenciés entre secteur sauvegardé et ZPPAUP. Le problème se poserait si l'on réformait le code du patrimoine en ne prévoyant qu'un seul régime. En revanche tant que les deux régimes coexistent, il ne me paraît pas choquant…
Mais l'amendement du rapporteur général, que nous soutenons, en prévoit deux et je pense qu'ils doivent être distincts.
Quant à leur niveau, les propos du rapporteur général me semblent pleins de sagesse.
Il doit tout de même y avoir une limite. Du reste, en montant trop haut, on risque de saturer le plafond global par cette dépense fiscale. Il faut un équilibre, sinon lorsque nous discuterons tout à l'heure du plafond global, on nous demandera de le rehausser. Il faut être raisonnable.
Je ne méconnais pas l'intérêt des propos du rapporteur général sur la revalorisation patrimoniale qui intervient mais je veux revenir sur le risque de saturation que j'évoquais tout à l'heure.
Je rappelle que, compte tenu des contraintes, les opérations en Malraux ne peuvent qu'être limitées en nombre chaque année, ne serait-ce que pour des raisons de disponibilité des équipes nécessaires.
Que mes collègues d'outre-mer n'y voient pas un esprit de compétition de ma part : quand je dis que, pour obtenir 40 000 euros de réduction, il faut 120 000 euros en « Girardin industriel », plafond calculé après rétrocession, contre 250 000 euros en investissement Malraux, c'est une donnée objective, constatable. De même, la rentabilité en Malraux – si l'on exclut la réalisation, un jour, du patrimoine – est très faible, de l'ordre de 3 % selon des rapports de l'inspection des finances. L'amélioration proposée par le Gouvernement me paraissait de nature à conserver une attractivité au dispositif.
Il est vrai que ces sous-amendements avaient été rédigés avant celui qui tendait à prolonger d'une année la possibilité de bénéficier d'une réduction d'impôt. Cependant cette prolongation ne concerne que les opérations dont le délai sera rallongé ; elle ne porte pas sur le volume du coût de l'opération réalisée dans le délai.
Je suis sensible à l'argument avancé par le rapporteur général sur le risque d'éviction des investissements dans les DOM-TOM au bénéfice de l'investissement dit Malraux.
En particulier, je suis sensible au fait que la préservation d'un immeuble et son maintien dans le patrimoine de l'investisseur en Malraux font une différence.
Dans ces conditions, et puisque nous allons examiner ce soir l'ensemble du dispositif outre-mer, je vous propose d'en rester sur le texte en l'état et, selon la manière dont évoluera ce dispositif outre-mer, je reformulerai ma proposition lors du débat au Sénat.
Je comprends parfaitement que mes collègues de l'hexagone défendent le dispositif Malraux.
Certes, mais l'effet d'éviction évoqué par Mme la ministre est réel. À cet égard je ne possède pas les mêmes chiffres que mon collègue Michel Bouvard.
Si nous voulons avoir 40 000 euros d'avantages nets dans le productif outre-mer, il faut au moins 300 000 euros d'investissement. En revanche on peut avoir, avec un investissement de 5 000 euros dans le dispositif Malraux, 35 000 euros d'avantages, plus le patrimoine que l'on peut valoriser et les plus-values éventuelles.
Le risque d'éviction est donc réel. Je ne suis pas convaincu par les chiffres qu'a évoqué M. Bouvard. Le système est déjà très favorable. L'attractivité comparée diminue pour les investissements outre-mer. Nous devons tenir compte de tout cela.
Pour l'outre-mer, il a été dit qu'il ne s'agirait pas de patrimonial par rapport au dispositif Malraux. Il ne faut pas tout mélanger.
Je rappelle qu'il existe, d'une part, un investissement productif défiscalisé et, d'autre part – cela a été la volonté du ministre de l'outre-mer –, la possibilité de faire du patrimonial sur le locatif social. Il faut faire très attention à cela et ne pas écarter d'un revers de main le caractère patrimonial de l'investissement, notamment pour les primo-accédants, même si l'on veut supprimer le loyer libre.
Dans l'investissement productif, il y a du patrimonial, puisque des entreprises investissent directement et peuvent donc bénéficier directement d'un crédit d'impôt.
Je retire les sous-amendements, au bénéfice de la discussion, tant à l'Assemblée qu'au Sénat, qui permettra de faire un point d'ensemble.
Compte tenu du vote acquis sur la prolongation du délai d'une année, je retire également les sous-amendements nos 612 et 611 . (« Très bien » sur les bancs du groupe UMP.)
Mon intervention sera courte, compte tenu du retrait des sous-amendements de M. Michel Bouvard.
Je tiens cependant à insister sur le fait que l'arbitrage risque d'être en défaveur de l'investissement défiscalisé outre-mer, du fait de l'absence de valorisation du patrimoine du contribuable.
À cet égard je suis en contradiction avec M. Letchimy. En investissement productif, sauf de rares cas, il n'y a aucune valorisation du patrimoine. L'opération de défiscalisation ne se fait que par une opération de portage. Pour l'essentiel, le contribuable ne fait que porter et rétrocède aux économies ultramarines l'avantage fiscal dont il dispose. Cela est vrai également pour le logement social.
Madame la ministre, nous sommes arrivés à des discussions en termes de coproduction, à des équilibres entre différents plafonds. À partir du moment où le Gouvernement acceptera de relever un certain plafond, il faudra revenir sur le plafond prévu pour l'investissement outre-mer. Sinon, on risquerait de déstabiliser tout le dispositif.
Dans tous les débats, tant en commission des finances que dans l'hémicycle, il a toujours été dit que le plafonnement de la défiscalisation, notamment outre-mer, ne correspondait en aucune façon à un objectif de réduire le soutien aux économies ultramarines, mais répondait uniquement à un souci d'équité.
Si vous fixez un plafond trop bas pour l'outre-mer ou un plafond trop haut pour les autres défiscalisations, vous risquez de détourner de l'outre-mer, au profit des défiscalisations métropolitaines, le flux de capacités fiscales.
Je veux conforter les propos tenus parM. Gaël Yanno et reprendre les arguments évoqués par nos collègues d'outre-mer et par le rapporteur général.
Je me réjouis du résultat du travail accompli sur les dépenses fiscales, même si – j'y reviendrai – je peux exprimer telle ou telle réserve sur les niveaux de plafonnement. Cependant des progrès significatifs ont été enregistrés à l'occasion de la discussion : le plafonnement de chacune des dépenses fiscales, l'évaluation qui en sera demandée au bout d'une certaine période, un plafonnement global.
Le plafonnement de chacune des dépenses fiscales doit être considéré dans le cadre du plafonnement global. Le débat initié par Michel Bouvard me fait penser irrésistiblement à celui que nous avons déjà eu, il y a peu de temps, sous la législature précédente, sur la question du plafonnement. Tout le monde est d'accord sur le principe, mais quand on prend dépense fiscale par dépense fiscale, on entend toujours de bons arguments pour demander la modification des plafonds ou prendre en compte telle ou telle spécificité.
Nous sommes arrivés à un compromis, notamment sur le dispositif Malraux. Des collègues venus de tous les horizons politiques ont appelé notre attention sur les conséquences de nos propositions, insistant auprès de nous sur l'intérêt de ce dispositif. On peut concevoir que des dépenses fiscales aient une certaine utilité et ne servent pas seulement à réduire l'imposition. Il faut trouver les bons équilibres, les bons compromis.
Au départ, le plafond avait été fixé à 140 000 euros. Un certain nombre d'entre nous, dont M. Cahuzac, ont dit au rapporteur général que ce plafond était beaucoup trop élevé. Il a été ensuite fixé à 100 000 euros, ce qui reste déjà d'un niveau correct, si je peux utiliser cette expression.
Madame la ministre, il ne faudrait pas, après la discussion que nous aurons ce soir sur l'outre-mer et qui aura lieu ensuite au Sénat, que soient remis en cause les équilibres auxquels nous sommes arrivés difficilement. Nous risquons, une fois de plus, de parvenir au même résultat que la dernière fois : la remise en cause du plafonnement global des dépenses fiscales, compte tenu de sa complexité et du peu de sens qu'il finissait par avoir, car il était fixé à de tels niveaux qu'il ne concernait que très peu de contribuables.
Si nous voulons que la mesure ait un sens, il faut que les niveaux de plafonnement restent fixés à des seuils raisonnables. Et ce seuil peut déjà être considéré par quelques-uns d'entre nous comme étant élevé.
Je me réjouis du retrait, pour le moment du moins, des sous-amendements.
Madame la ministre, je pensais m'exprimer au moment où nous examinerions les dispositifs outre-mer, mais, comme il y a été abondamment fait référence, j'interviens comme rapporteur spécial du budget de l'outre-mer.
Je tiens à témoigner du fait que les députés ultra-marins ont fait preuve d'un très grand sens des responsabilités, comme en témoignent les propos tenus par nos collègues qui viennent de s'exprimer. Nous avions pris l'engagement auprès d'eux, lorsque nous avons rédigé ce rapport, que les dispositifs métropolitains ne bénéficieraient pas d'avantages comparatifs défavorables aux dispositifs ultramarins, d'où l'abaissement de ce plafond de 140 000 à 100 000 euros.
Au demeurant, mes chers collègues, il faut avoir conscience de ce que nous nous apprêtons à voter. Un célibataire sans enfant disposant d'un revenu mensuel de 10 000 euros peut ne plus payer du tout d'impôt sur le revenu, rien qu'en bénéficiant du régime Malraux, grâce à ce plafond.
Cela me paraît tout à fait satisfaisant, et même d'ailleurs probablement excessif. Je répète qu'il sera nécessaire qu'une autre majorité abaisse encore ce seuil. L'élever ferait courir des risques au dispositif d'incitation ultra-marin et serait contraire à l'esprit des discussions que nous avons eues avec nos collèges et à l'accord passé entre eux. En réalité, il n'y a pas eu d'accord, mais une convergence, au nom de l'intérêt général, entre celles et ceux, quelle que soit leur appartenance politique, qui avaient simplement le souci de maintenir des systèmes justement incitatifs, tout en moralisant un système et en évitant que des dispositifs métropolitains puissent bénéficier d'avantages comparatifs défavorables pour les dispositifs ultramarins.
Je souhaite que notre assemblée reste à ce chiffre, fruit d'un long et patient travail, qui a permis d'aboutir à la compréhension de tous et de toutes. Revenir sur ce chiffre déséquilibrerait l'ensemble du dispositif que la commission des finances a élaboré suite au rapport effectué.
Avis défavorable.
Je vais néanmoins maintenir le sous-amendement n° 614 car son adoption nous permettrait de rester dans l'état actuel d'un système unifié pour les secteurs sauvegardés et les ZPPAUP. Madame la ministre, je veux insister sur ce point.
Pour réaliser un secteur sauvegardé, la démarche prend au moins le temps de la durée d'un mandat municipal, entre le moment où le périmètre est défini et celui où le Conseil d'État sort le classement du secteur sauvegardé. Après, il faut encore faire le règlement du secteur sauvegardé.
Le système du ZPPAUP est plus souple. Aujourd'hui, les grandes villes disposant d'un patrimoine ont créé leurs secteurs sauvegardés. Devant l'ampleur de la tâche, il arrive, pour des raisons historiques, que le secteur sauvegardé ait été volontairement limité. Dans le même état d'esprit qui a présidé à la mise en place du secteur sauvegardé, un certain nombre de ces villes considèrent qu'elles vont adjoindre un quartier limitrophe qui a un véritable intérêt patrimonial et le classer en ZPPAUP.
Ce système présente de réelles contraintes, mais sa mise en oeuvre est plus souple. Ce dispositif sera choisi par un certain nombre de petites cités, de bourgs, de chefs-lieux de cantons, de villages qui voudront protéger un patrimoine. Les contraintes réelles – même si l'on peut considérer qu'il y a une distinction dans les textes – en termes de chantiers, de gros travaux, sont tout à fait comparables.
Les exigences de l'architecte des bâtiments de France, je le rappelle, ne sont pas moins grandes pour une ZPPAUP que pour un secteur sauvegardé. Dès lors, cette distinction que l'on créé au travers de la loi et qui n'existait pas jusqu'à ce jour risque de casser la dynamique des ZPPAUP et, surtout, de créer une injustice par rapport aux efforts accomplis et aux sommes qu'il faut mobiliser pour mener à bien ces travaux.
Je maintiens donc le sous-amendement. Chacun s'exprimera comme il le souhaite.
J'ai bien compris que le Gouvernement souhaitait créer cette distinction. Nous avons beaucoup parlé de simplification, de refus de la complexité. Ce sous-amendement vise à supprimer une distinction que l'on créé et qui est source de complexité.
(Le sous-amendement n° 614 n'est pas adopté.)
La commission a émis un avis favorable.
Je rappelle qu'il existe dans le dispositif Malraux une obligation de location pendant une durée d'au moins neuf ans.
Le décompte du délai à partir duquel le logement doit être mis en location, soit à partir de l'achèvement des travaux, me paraît plus simple qu'un décompte à partir du démarrage des travaux.
En conséquence, l'article 42 est ainsi rédigé et les autres amendements déposés sur l'article tombent.
Nous en venons à deux amendements, nos 441 rectifié et 526 , portant articles additionnels après l'article 42 et pouvant être soumis à discussion commune.
L'amendement n° 441 rectifié fait l'objet de trois sous-amendements n°s 576 , 578 et 577 .
La parole est à M. le rapporteur général pour soutenir l'amendement n° 441 rectifié .
La mission d'information de la commission des finances s'est également penchée sur la question des monuments historiques. Les membres de la mission sont tombés d'accord pour estimer qu'il n'y avait pas lieu de parler de niche fiscale lorsqu'un monument historique était ouvert au public. Les propriétaires entretiennent et valorisent un patrimoine national. Ce faisant, ils peuvent être considérés comme des auxiliaires de l'État. S'ils ne le faisaient pas, l'État devrait prévoir des crédits à cet effet.
En revanche, les membres de la mission se sont posé la question des monuments historiques qui ne sont pas ouverts au public. Dans ce cas de figure, puisqu'il n'y a pas de contrepartie en termes de service public et d'intérêt général, ils ont proposé un plafonnement à un niveau élevé – 200 000 euros – pour tenir compte de la spécificité des monuments historiques.
Notre mission a également prévu, que les monuments soient ou non ouverts au public, une disposition visant à supprimer les avantages fiscaux en cas de mise en copropriété. Il vous est peut-être arrivé de recevoir des propositions de défiscalisation si vous achetez un « morceau » de château ici ou là sur le territoire métropolitain. Encourager ce type de défiscalisation ne semble pas opportun. En revanche, pour rassurer nos amis de la culture, il peut arriver que des couvents, des monastères,…
…des forteresses ne puissent être réhabilités que grâce à une mise en copropriété. Auquel cas, la défiscalisation serait autorisée par un agrément de l'État : ministère de la culture et du budget.
Nous avons abouti à un dispositif équilibré : lorsqu'un monument historique est ouvert au public, la question du plafonnement ne se pose pas, alors qu'elle se pose lorsqu'il n'est pas ouvert au public.
Nous proposons par ailleurs de subordonner le bénéfice de l'avantage fiscal à un engagement de conservation du monument pendant une période de quinze ans, à compter de son acquisition.
Nous proposons de compléter le dispositif présenté par le rapporteur général, dans un sens d'une plus grande justice. Les propositions vont dans le bon sens, car la réduction d'assiette est plafonnée, ce qui n'était pas le cas auparavant.
Convenez qu'une réduction d'assiette de 200 000 euros laisse beaucoup de marge. Si nous acceptons le principe du plafonnement, nous regrettons que son niveau soit trop élevé et que la réduction d'assiette, contrairement au dispositif Malraux ou à celui prévu outre-mer, ne soit pas transformée en crédit d'impôt. Or nous savons qu'il faudra mener cette réforme. Je regrette, pour ma part, qu'elle n'ait pu intervenir à l'occasion de l'examen de ce projet de loi de finances.
Notre amendement vise à limiter dans le temps le dispositif de M. Carrez, afin d'éviter la création d'une rente excessive voire éternelle.
J'ai bien entendu les explications du rapporteur général avec qui, je suis, le plus souvent possible, en accord. En l'occurrence, ce n'est pas le cas concernant son amendement.
N'oublions pas le retard immense de la France en matière de sauvegarde du patrimoine. Une course de vitesse est engagée entre la dégradation naturelle du patrimoine français, y compris les monuments historiques, et la capacité de l'État, des collectivités locales et des particuliers d'en assurer la sauvegarde. Les différents rapports émanant des différents services d'inspection et de la cour des comptes sont à, cet égard, révélateurs. Aucun dispositif permettant d'encourager et de faciliter la valorisation et la sauvegarde du patrimoine ne peut être écarté.
J'ai bien entendu vos arguments pour justifier une période de quinze ans pour bénéficier de l'avantage fiscal, Mais pourquoi, en matière de patrimoine, prévoir une période plus longue que celle qui prévaut pour d'autres produits d'investissement ? Pourquoi pourrait-on, au terme de neuf ans, sortir d'un investissement dans une résidence de tourisme, dans le dispositif de Robien, par exemple et pourquoi conditionner l'éligibilité au régime fiscal des monuments historiques à un engagement de conservation de quinze ans ? L'important, c'est que le patrimoine ait été restauré et sauvé. Favoriser une dynamique de réinvestissement dans le patrimoine est important.
Je rappelle également – mais nous sommes d'accord sur ce point – que, dans les faits, il ne peut être entrepris de restauration d'un monument historique incluant sa division sans accord de la DRAC, comme sur tout type de travaux. Ces divisions ne peuvent donc pas être entreprises sans accord de l'administration du ministère de la culture. La procédure d'agrément que l'on veut créer n'est donc pas utile, puisque les services des monuments historiques auront à se prononcer.
Dans ce domaine comme dans d'autres, ne complexifions pas !
J'émets un avis défavorable aux trois sous-amendements de M. Bouvard. On ne peut comparer l'investissement locatif dans des logements neufs à l'engagement de conservation d'un monument historique, qui tient lieu, la plupart du temps, d'habitation à la famille qui en est propriétaire.
L'engagement de conservation du monument prend effet à partir de la date d'acquisition du monument historique. Dans la quasi-totalité des cas, le bien appartient à un même propriétaire depuis très longtemps.
Nous ne subordonnons le bénéfice de l'avantage fiscal à un engagement de conservation que dans le cas d'une acquisition nouvelle. Nous ne pouvons comparer avec le régime locatif qui définit une durée de six ou neuf ans. C'est pourquoi une durée de conservation de quinze ans nous paraît être un délai tout à fait raisonnable.
Quant à votre sous-amendement sur les mises en copropriété, il ne traite pas des divisions. Il évoque le cas spécifique d'une acquisition d'un monument historique par la mise en oeuvre d'une copropriété pour bénéficier d'une défiscalisation. Nous souhaitons faire disparaître ces plaquettes de promotion de ce type de produits de défiscalisation, sauf cas particulier, autorisé par un agrément du ministère de la culture.
Certes, mais la division est une chose et l'ouverture du régime de défiscalisation en cas de mise en copropriété en est une autre.
J'en viens à l'amendement n° 526 de M. Cahuzac. Un monument historique peut ne pas être ouvert au public en raison de sa spécificité même : je pense à un donjon, entouré d'un plan d'eau, habité par la famille propriétaire. La configuration même de certains monuments historiques rend impossible leur ouverture au public.
Il n'en demeure pas moins que l'entretien de ce patrimoine exige des sommes très importantes. Or si l'on vous suivait, monsieur Cahuzac, ces propriétaires ne pourraient pas imputer sur leur revenu global plus que le régime général des revenus fonciers, c'est-à-dire un déficit annuel de 10 700 euros au maximum, ce qui est beaucoup trop limité par rapport aux exigences de l'entretien d'un monument historique. Nous venons, pour les secteurs sauvegardés, de voter un amendement permettant d'aller jusqu'à 100 000 euros. Dans ce cas, un plafond de 200 000 euros est donc justifié.
Un monument historique non ouvert au public qui appelle des dépenses d'entretien doit-il être considéré comme devant bénéficier d'un avantage fiscal dérogatoire susceptible d'entrer dans le plafonnement ? À cette question, nous avons répondu oui.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements et les sous-amendements ?
Entendons-nous bien : nous visons à préserver le patrimoine historique et culturel français qui concourt considérablement à l'attractivité du territoire français et à faire de la France la première destination touristique.
La raison pour laquelle de nombreux étrangers valorisent un déplacement à destination de la France, ce n'est pas seulement la cuisine – encore que cela se discute –, c'est aussi la qualité de nos monuments et la manière dont ils sont entretenus. Il est des pays qui, tout en ayant un patrimoine équivalent, n'engagent pas de dépenses d'entretien parce qu'ils ne disposent pas de mécanismes incitatifs permettant aux propriétaires de déduire de leur revenu imposable l'intégralité des travaux qui sont consacrés à l'entretien des monuments.
Je souscris à votre amendement n° 441 rectifié , monsieur le rapporteur général, au bénéfice de l'adoption d'un sous-amendement que je vous soumettrai dans quelques instants. La durée minimale de conservation du bien de quinze ans – et non neuf ans comme le propose M. Bouvard – me paraît une durée raisonnable compte tenu de l'attachement manifesté par les propriétaires des monuments historiques et par l'ancienneté dans la propriété qu'il détienne.
Le second objectif de votre amendement est d'éviter les mécanismes d'optimisation fiscale. Vous rejoignez ainsi mon propos initial : il n'est pas question d'encourager ces derniers, en particulier les divisions multiples qui permettent de commercialiser les monuments historiques par morceaux. Nous souhaitons au contraire favoriser l'investissement des propriétaires dans l'entretien, le maintien, la rénovation et la restauration de ces monuments.
Sur ces deux aspects, le Gouvernement est donc favorable à votre amendement. En revanche, il est défavorable au plafonnement à 200 000 euros que vous proposez d'instaurer. En effet, qu'ils soient ouverts ou non au public, ces monuments historiques astreignent leurs propriétaires à des sujétions lourdes et à des contraintes particulières en matière de réparations, de respect de l'environnement, d'autorisations préalables ou de conformité des matériaux utilisés.
Dès lors, et aux fins d'attractivité du territoire que j'ai déjà évoquées, il me paraît légitime que ces dépenses bénéficient d'une déduction non plafonnée, que les monuments soient ou non visités par le public.
J'émets donc un avis favorable à votre amendement sous réserve de l'adoption d'un sous-amendement que je vous proposerai, et qui tend à supprimer le plafond que vous instituez selon que les bâtiments sont ouverts ou non au public.
Je pense avoir ainsi donné mon avis sur l'amendement de M. Cahuzac et sur les trois sous-amendements de M. Bouvard.
Rappelons qu'après le vote des plafonnements analytiques, il ne restera plus qu'une seule dépense fiscale non plafonnée : celle qui s'applique aux monuments historiques.
Comme l'a rappelé M. Cahuzac, notre groupe de travail en avait proposé le plafonnement. Après bien des débats, le Gouvernement s'y est opposé, le jugeant excessif. Néanmoins une question de fond se pose : le droit constitutionnel français n'autorisant aucun avantage fiscal sans contrepartie d'intérêt général, quelle peut être cette contrepartie s'agissant d'un avantage fiscal qui concerne des bâtiments non ouverts au public ?
La sauvegarde du patrimoine, me dit-on ; mais, en droit français, la conservation du patrimoine est-elle un service public ?
Il y a 40 000 bâtiments classés inscrits en France ; à quel titre une propriété privée inaccessible, non visible de l'extérieur, bénéficierait-elle d'un avantage fiscal sans aucune contrepartie ?
Pour ma part, je le dis depuis plusieurs mois, je soutiens la position du rapporteur général et le plafond de 200 000 euros. Je ne suis d'ailleurs pas certain que, au regard du droit constitutionnel, si la déduction faisait l'objet d'un déféré…
Attendez ! Selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, il n'est pas d'avantage fiscal sans contrepartie d'intérêt général. Voilà pourquoi je juge sage l'amendement du rapporteur, qui plafonne l'avantage à 200 000 euros lorsque le bien n'est pas ouvert au public.
En outre, les bâtiments classés font l'objet d'abus : des marchands de biens en achètent lorsqu'ils sont en mauvais état, les réhabilitent et les habitent avant de les revendre au bout de deux ans, délai au-delà duquel, pour une résidence principale, les plus-values sont entièrement exonérées d'impôts. Je connais des gens qui vivent ainsi.
Cette situation est choquante. La règle des quinze ans proposée par l'amendement est donc raisonnable, car elle n'aura aucune incidence sur ceux qui ont hérité ces bâtiments de leur famille, c'est-à-dire sur la grande majorité des propriétaires. En revanche elle empêchera que détourne le droit fiscal ces…
… disons ces marchands de biens.
Je ne suis pas d'accord avec notre collègue qui propose de ramener ce délai de quinze à neuf ans. En effet, deux à quatre ans étant nécessaires à une bonne réfection, le propriétaire pourra revendre le bien cinq ans après l'acquisition en bénéficiant d'une exonération de plus-value. Il faut donc tenir bon et maintenir l'amendement de notre rapporteur, que j'avais moi-même suggéré et dont tous avaient approuvé le principe en commission. Restons-en à cette position raisonnable au lieu de ramener la durée à neuf ans.
Les bâtiments non ouverts au public continuant de poser une petite difficulté constitutionnelle, nous renforcerons davantage notre position en instaurant le plafonnement qu'en le supprimant, ce qui risquerait de poser problème au Conseil constitutionnel.
Je suis saisie d'un sous-amendement n° 650 du Gouvernement à l'amendement n° 441 de M. le rapporteur général, sous-amendement qui tend à en supprimer les alinéas 1 à 4, ainsi que l'alinéa 12.
Sur le vote de ce sous-amendement n 650 , je suis saisie par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jérôme Cahuzac.
Nous retirons notre amendement, afin de conserver à la position de la commission des finances toute sa force et de persuader la majorité de nos collègues d'en rester à l'équilibre auquel elle est parvenue.
En effet, c'est au terme d'un long travail que nous en sommes venus à ce plafonnement à 200 000 euros de la réduction d'assiette. Je regrette au demeurant que M. Carrez ait introduit dans son raisonnement une faille dont le Gouvernement semble profiter. En effet, dès lors que le rapporteur général ne considère pas cette réduction comme une niche, le Gouvernement estime que le plafonnement applicable aux niches n'a pas à lui être appliqué.
Il s'agit pourtant bien d'une niche : même s'il n'est question que d'une réduction d'assiette, le propriétaire n'étant pas un simple auxiliaire de l'administration, les travaux d'entretien et d'aménagement qu'il effectue dans ces bâtiments en accroissent la valeur et lui permettent le cas échéant d'en tirer une plus-value qui, comme l'a rappelé notre collègue de Courson, n'est plus soumise à aucune taxation au bout de deux ans.
C'est bien parce qu'il s'agit d'une niche que nous devons fermement défendre le principe du plafonnement, en gardant à l'esprit que nous devrons transformer cette réduction d'assiette en crédit d'impôt, comme nous l'avons fait pour le dispositif Malraux.
Je souhaite donc que nous en restions à la position définie par la commission des finances, et j'ose espérer que, à l'occasion du scrutin public, vous saurez soutenir un travail commun sur lequel tous les membres de la commission sont tombés d'accord.
À des fins de clarification, je vais retirer mes trois sous-amendements. Je juge pour ma part utile la position défendue par le Gouvernement, notamment à propos du plafond.
Rappelons les conclusions de la Cour des comptes sur l'état de déshérence dont souffre notre patrimoine en raison de notre incapacité à fournir les crédits d'accompagnement nécessaires. S'il est un domaine où l'accompagnement par la dépense fiscale est justifié, c'est bien celui-là : une fois que le patrimoine a disparu, il a disparu !
On peut toujours reconstituer un parc d'hôtellerie ou relancer des zones urbaines sensibles, mais on ne peut reconstruire un patrimoine évanoui !
Or tous les rapports dont nous disposons attestent de l'état de déshérence de notre patrimoine. Cette situation mérite un traitement spécifique. Personne ne peut affirmer qu'un monument aujourd'hui fermé ne sera pas ouvert dans une génération ou deux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
En revanche, une chose est sûre : un monument disparu ne sera pas ouvert au public, mais aux ronces et aux serpents ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
J'insiste sur le caractère raisonnable et équilibré de la position de la commission des finances. La proposition qui vous est soumise est le fruit d'un long travail : nous avons pris la peine de recevoir, notamment au sein de la mission sur les dépenses fiscales, toutes les associations concernées, et nous en avons débattu avec elles et, très longuement, entre nous.
Madame la ministre, vous insistez sur les contraintes susceptibles de peser sur ces monuments historiques. Il est vrai que leur statut implique des contraintes ; mais le plafond que nous proposons en tient compte, puisque 200 000 euros est une somme importante. Nous avons trouvé un point d'équilibre ; en supprimant ce plafond, nous remettrions en cause notre décision de plafonnement global des dépenses fiscales.
Voilà pourquoi je fais à nouveau valoir les arguments que le rapporteur général et M. de Courson ont rappelés. Il s'agit, je le répète, d'un subtil équilibre que toute autre proposition risquerait de compromettre, mettant ainsi en cause l'ensemble du raisonnement tenu jusqu'à présent.
Je compléterai brièvement les propos du président Migaud en rappelant que la mission a beaucoup, beaucoup, beacoup, réfléchi à ces questions.
Nous avons pris en considération l'argument de M. Bouvard, selon lequel il est d'intérêt général que les monuments historiques, même non ouverts au public, soient entretenus, souvent réhabilités, et, puisqu'ils souffrent d'un manque de crédits de l'État, bénéficient de dispositifs d'incitation fiscale.
D'autre part, nous avons également tenu compte de la différence entre les monuments ouverts au public et ceux qui ne le sont pas, surtout ceux qui, totalement invisibles, ne peuvent attirer les touristes étrangers qu'a évoqués Mme Lagarde. Néanmoins, ces derniers monuments sont entretenus, maintenus en état et pourront être un jour ouverts à leur tour au public.
Nous avons donc finalement adopté une position équilibrée : si ces monuments ne sont pas ouverts au public, au lieu de les soumettre au seul droit commun, qui ne leur assurerait que des revenus fonciers, nous leur accordons une déduction fiscale des travaux sur le revenu global, moyennant un plafond de 200 000 euros par an, suffisamment élevé pour permettre leur rénovation ou leur entretien dans de bonnes conditions.
Pour mettre tout cela au point il noud a fallu beaucoup de temps.
Merci, madame la présidente, de me redonner la parole pour défendre mon sous-amendement, qui tend non à supprimer un plafond, mais à maintenir le régime fiscal existant pour une catégorie particulière, bien identifiée, qui souffre de nombreux désagréments, notamment du fait des autorités culturelles. Il ne s'agit donc pas d'éliminer un plafond, mais de ne pas l'instaurer.
En effet, comme l'ont rappelé M. Bouvard et le rapporteur général, le moins que l'on puisse dire des crédits publics consacrés à l'entretien du patrimoine est qu'ils ne sont pas en hausse. Dès lors, il est indispensable d'inciter les propriétaires privés à entretenir les bâtiments et à consacrer les sommes nécessaires à leur rénovation et à la réalisation des ouvrages requis.
Je rappelle que l'utilisation de matériaux particuliers comme certains types d'enduit, de tuile ou d'ardoise, nécessaires à la rénovation du patrimoine historique, entraîne des sujétions lourdes et quand les travaux sont menés conformément à la procédure soumise à l'agrément des architectes des Bâtiments de France, la somme de 200 000 euros n'est pas aussi considérable qu'il y paraît.
Enfin, sur le plan des principes, je pense que les bâtiments totalement invisibles au public et non ouverts à la visite qu'évoquait M. de Courson doivent probablement se compter sur les doigts de la main. J'aurais d'ailleurs plaisir à en connaître la liste.
Mon sous-amendement vise, je le répète, non pas à supprimer un plafond mais à maintenir le droit tel qu'il est, au bénéfice du patrimoine historique français.
Je soutiens le sous-amendement du Gouvernement, et ce, pour des raisons essentiellement pratiques.
L'entretien des monuments historiques répond, dans notre pays, à un besoin impérieux, à la fois culturel et économique : il y va du maintien de notre patrimoine et de l'attractivité de la France.
L'argument selon lequel un monument historique fermé au public ne mérite pas le soutien de l'État est fallacieux. J'apporterai sur ce point un témoignage personnel : dans la ville de Vannes, dont je suis maire, les bâtiments posés sur les remparts ne se visitent pas mais, s'ils n'étaient pas entretenus, un préjudice majeur affecterait cet ensemble architectural et historique exceptionnel. De multiples exemples vont dans le même sens.
Il faut donc absolument mettre en place des moyens, qui, au total, ne coûtent pas cher au pays, pour maintenir un patrimoine qui est l'un de nos plus beaux atouts pour l'avenir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
C'est un débat intéressant ; encore faudrait-il éviter les caricatures. Or prétendre qu'il est impossible d'entretenir un bâtiment avec des sommes allant jusqu'à 200 000 euros par an et nous présenter comme des parlementaires n'étant pas soucieux du patrimoine historique de leur pays est totalement caricatural. Nous sommes au moins autant soucieux de ce patrimoine historique que vous et nous estimons qu'avec de telles sommes, il est largement possible d'entretenir les bâtiments situés sur les remparts de Vannes. Vous savez d'ailleurs peut-être, monsieur Goulard, en tant que député-maire de cette ville, si leurs propriétaires peuvent consacrer autant d'argent à leur entretien. Pour ma part, je doute que tous soient en mesure de le faire. Le seuil auquel nous fixons le niveau maximal de réduction d'assiette est déjà tout à fait déraisonnable.
Une telle réduction est légitime et nécessaire. Si nous avons voulu plafonner les niches fiscales, mes chers collègues, c'est non seulement pour des raisons de moralisation et d'efficacité, mais aussi dans le but de donner à l'État de nouveaux moyens d'intervention dans les politiques publiques, compte tenu de l'état des finances publiques de notre pays.
J'ajoute que si les propriétaires consacrent chaque année les sommes en question à l'entretien de leur patrimoine, celui-ci se renchérit dans de telles proportions qu'il peut être ultérieurement vendu dans des conditions qui n'auront rien d'une mauvaise affaire.
Arrêtons donc d'opposer ceux qui auraient le souci du patrimoine historique et ceux qui ne l'auraient pas. Essayons plutôt de garder à l'esprit que l'amendement de la commission a été élaboré conjointement par des députés de tous les groupes, dans un consensus indiscutable. C'est pourquoi j'estime qu'il serait infiniment regrettable que, sur un sujet aussi sensible, nos collègues désavouent le travail mené au sein de la commission des finances.
Je dois dire que je suis surpris que, dans ce pays, il soit si difficile de trouver les sommes nécessaires pour porter le seuil des exonérations du dispositif Madelin au-delà de 10 000 euros afin d'aider nos entreprises à renforcer leurs fonds propres, qui constituent leur principal point de vulnérabilité. À l'heure de la plus grave crise jamais vécue par les personnes de notre génération, s'il y a des efforts à faire, c'est bien pour augmenter les fonds propres de nos entreprises car ce sont celles qui en auront le plus qui feront la différence. Soyons donc réalistes, la situation impose de nous mobiliser sur cet enjeu. Le Gouvernement doit réfléchir aux moyens de mettre en place de vraies incitations pour les entreprises. Cela me paraît aujourd'hui plus important que de se préoccuper de nos nombreux musées et des vestiges du passé, même si j'ai pour eux le plus grand respect.
Aussi le plafonnement proposé par l'amendement de la commission me paraît-il raisonnable. C'est pourquoi je le soutiens.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur le sous-amendement n° 650 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 51
Nombre de suffrages exprimés 47
Majorité absolue 24
Pour l'adoption 20
Contre 27
(Le sous-amendement n° 650 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 441 rectifié est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2009 :
Suite de l'examen des articles non rattachés.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma