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Intervention de Didier Migaud

Réunion du 17 novembre 2008 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2009 — Articles non rattachés

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, il y a quatre semaines exactement, nous débattions du projet de loi de programmation des finances publiques et du projet de loi de finances. Comme beaucoup d'autres, dans cet hémicycle ou à l'extérieur, je faisais valoir mon scepticisme. Je parlais d'hypothèses chancelantes ou qui n'avaient déjà plus cours.

Je note d'ailleurs une contradiction entre les propos de Marc Laffineur, qui nous disait tout à l'heure que la crise couve depuis quelque temps déjà, et le fait que le Gouvernement ne révise qu'aujourd'hui ses prévisions et ses hypothèses de croissance, avec les conséquences que cela peut avoir sur le projet de loi de finances.

Je n'étais pas plus devin que vous, madame la ministre ; j'écoutais, je constatais, j'entendais ce que disaient les conjoncturistes à qui il arrive, je le reconnais, de se tromper parfois. Certaines réalités s'imposaient cependant, comme l'augmentation des chiffres du chômage, symptôme le plus alarmant de cette aggravation de la crise. Par ailleurs, de tous côtés, les prévisions de croissance ne cessaient d'être revues à la baisse, le FMI ayant notamment indiqué que la zone euro était en panne dès 2008 et la France se voyant attribuer une croissance de 0,2 % en 2009, ce que le Premier ministre n'a pas démenti.

Je suis de ceux qui pensent que ce projet de budget aurait dû en tenir compte, ce qui n'a pas été le cas. Je pourrais donc tenir aujourd'hui les mêmes propos qu'il y a quelques semaines quant au scénario le plus vraisemblable. Je tablais, pour 2008, sur une perte de recettes de près de 7 milliards d'euros par rapport aux estimations initiales, hypothèse dont vous vous rapprochez, monsieur le ministre, avec vos 6,9 milliards d'euros. Cela étant, l'honnêteté nous impose d'attendre le dernier versement de l'impôt sur les sociétés pour prendre la mesure exacte des recettes pour 2008.

Je parlais également d'une croissance quasi-nulle en 2009, avec un taux d'élasticité des recettes voisin de zéro. Et je pourrais tenir les mêmes propos à une réserve près. Je disais que le Parlement allait se prononcer sur un ensemble de données obsolètes ; c'est en réalité l'Assemblée nationale qui s'est prononcée sur un projet, aujourd'hui revisité.

Il y a deux semaines, au Sénat, vous annonciez de nouvelles hypothèses et déposiez dix-neuf amendements au projet de loi de programmation des finances publiques, texte qui ne comporte que douze articles et une annexe. Dans la foulée, vous allez pour la première fois déposer des amendements à la première partie du projet de loi de finances devant le Sénat, puisque l'Assemblée nationale a déjà voté cette première partie, dont elle a dû débattre, à mon grand regret, en n'ayant ni les bons chiffres ni les bons équilibres.

Vous dites vouloir respecter formellement l'obligation de sincérité, arguant du fait que vous nous avez annoncé, durant l'examen de la première partie, que les hypothèses de croissance comme le niveau du déficit retenu étaient susceptibles d'être modifiés. Je veux bien le croire et ne pas douter de votre sincérité dans la présentation de ces nouvelles hypothèses, mais l'examen de ce budget se serait déroulé dans d'autres conditions si, dès le départ, nous avions admis l'hypothèse d'un déficit supérieur à 3 %. Nul doute alors que les réactions, dans cet hémicycle ou chez nos partenaires européens, auraient été différentes.

Malheureusement, il est aujourd'hui encore demandé à l'Assemblée nationale de voter une seconde partie qui ne tiendra pas non plus compte de modifications qui auraient l'inconvénient, si elles étaient votées, d'être répercutées sur la partie « dépenses » de l'article d'équilibre, alors même que la partie « recettes » ne peut être modifiée. Avouez que la situation est peu banale, voire surréaliste !

En tant que président de la commission des finances, j'ai donc souhaité, en accord avec Gilles Carrez, le rapporteur général, que nous ayons aujourd'hui un temps de débat avant de commencer l'examen des articles non rattachés. Je pense qu'il faudrait envisager la règle selon laquelle la présentation de nouvelles hypothèses doit être suivie d'un vote sur les conséquences qu'elles emportent.

J'ai donc présenté un amendement, adopté par la commission des finances, sur l'obligation qu'il y aurait pour le Gouvernement à formuler, dans une annexe au projet de loi de finances, trois scénarios de croissance différents, qui permettraient au Parlement de savoir dans quelle voie s'engagerait le Gouvernement en cas de modification des hypothèses macroéconomiques retenues pour la construction du projet présenté, sachant que cette disposition aurait vocation à s'appliquer quand les données évoluent en cours d'année, et non avant le vote du projet.

Je pense aussi que la modification de notre règlement intérieur, lancée par le président de l'Assemblée suite à l'adoption de la révision constitutionnelle, doit nous conduire à réfléchir sur cette rigidité de la procédure, qui fait que l'Assemblée nationale ne peut plus revenir sur le vote de la première partie d'une loi de finances, alors même que les circonstances l'exigeraient.

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