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Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 17 novembre 2008 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2009 — Articles non rattachés

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan :

Mais, semaine après semaine, la crise financière s'est aggravée ; dès lors, cette hypothèse n'est plus réaliste.

Dès la discussion de la première partie du projet de loi de finances, le 20 octobre, le Gouvernement a donné une règle du jeu très claire : vous nous avez dit, madame, monsieur les ministres, attendre les résultats économiques fournis par l'INSEE pour le troisième trimestre, qui devaient être disponibles autour de la mi-novembre, pour procéder ensuite aux ajustements nécessaires. La transparence et la sincérité du Gouvernement ont donc été totales.

Un point – un détail juridique, qui prend ici toute son importance – nous avait toutefois échappé : le règlement de notre assemblée nous interdit de revenir, à l'occasion du débat sur les articles non rattachés, sur le vote de la première partie de la loi de finances. C'est absurde : j'approuve donc la proposition de M. le président de la commission des finances de réviser le règlement.

Le Gouvernement a, dès lors, annoncé au Sénat la révision de sa prévision de croissance pour 2009 et pour les années ultérieures. Il fallait nécessairement en discuter dans cet hémicycle, et M. le président de la commission des finances a eu raison d'organiser ce débat.

Mais je voudrais surtout souligner que cette procédure est bien celle qui avait été proposée il y a un mois et demi : en aucun cas, le Gouvernement ne peut être suspecté d'opacité, ou d'une quelconque volonté de différer l'examen de ces problèmes. Donnons quitus au Gouvernement de son souci de transparence et de sincérité.

Les conséquences de cette nouvelle prévision de croissance à la baisse sont surtout visibles en matière de recettes puisque, s'agissant de l'année 2008, le Gouvernement estime à 7 milliards d'euros la baisse des recettes, contre 5 milliards il y a un mois et demi. Cela me paraît raisonnable, mais aucun d'entre nous n'est capable de dire exactement quel sera le montant de l'acompte de l'impôt sur les sociétés du mois de décembre 2008 : nous ne le connaîtrons qu'aux alentours du 20 décembre. Lorsque nous aborderons le collectif, disposerons-nous, d'ailleurs, d'une prévision autre que celle annoncée aujourd'hui, soit une moins-value de sept milliards par rapport à la prévision d'exécution pour 2008 ?

Vous avez eu raison, madame la ministre, d'insister sur le chiffre de 1,14 % : cela nous incite, non pas à l'optimisme, monsieur Cahuzac, mais à considérer la prévision du Gouvernement comme particulièrement sérieuse.

La France est le seul pays à connaître une croissance positive au troisième trimestre 2008. Certes, elle est faible, mais elle est positive : c'est important, puisque dès lors nous ne sommes pas en récession. La définition économique de ce terme exige en effet deux trimestres consécutifs de baisse de la croissance pour entrer en récession.

Pour ma part, je crois sincèrement que certaines mesures prises dans le cadre de la loi pour le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat, qui ont mis un certain temps à faire sentir leurs effets, ont permis que la France soit le seul pays à connaître une croissance positive au troisième trimestre 2008 : c'est la seule explication que je vois à cette exception française.

S'agissant de 2009, il faut effectivement une révision très importante : la croissance se situerait entre 0,2 % et 0,5 %, plutôt qu'aux alentours de 1 %. Les conditions macro-économiques ont, en outre, complètement changé, et là aussi les prévisions sont extraordinairement difficiles. Le prix du baril de pétrole est estimé à 72 euros ; après avoir atteint 100 euros il y a quelques semaines, il se rapproche aujourd'hui des 50 euros : il est bien difficile de prévoir les conséquences de ces changements, mais elles seront sans doute positives. De même, la parité euro-dollar a été substantiellement modifiée : là aussi, les conséquences sur les exportations peuvent être favorables.

Tout cela doit nous inciter à la plus grande prudence. Une prévision de recettes en baisse de près de sept milliards d'euros pour 2009 par rapport à la prévision d'il y a trois semaines me paraît raisonnable.

Si l'on parle en termes de taux d'élasticité par rapport à la croissance, l'expérience montre que durant la partie ascendante du cycle économique, les recettes fiscales augmentent beaucoup plus vite que la croissance ; l'élasticité peut dépasser deux. En revanche, dans la partie descendante, l'élasticité peut être négative. Le Gouvernement proposait un taux de 0,8 il y a un mois, et de 0,3 aujourd'hui : j'estime pour ma part ces prévisions tout à fait sérieuses.

Malgré les circonstances, la dépense reste tenue : elle n'est pas modifiée pour 2008. Le dépassement d'enveloppe de 4 milliards d'euros, lié aux intérêts de la dette, est conservé. En 2009, la modification de l'inflation permet quelques économies, notamment sur la masse salariale et les pensions, mais pas – je m'en félicite – sur les collectivités locales. Celles-ci sont mises sous tension en 2009. Le concours de l'État aux collectivités locales ne s'accroît que de 1,1 milliard d'euros. Si on les ajustait à l'inflation prévue aujourd'hui, il faudrait diminuer ces dotations de 300 millions, ce qui ne serait pas supportable. Monsieur le ministre, je vous remercie donc de votre générosité vis-à-vis des collectivités territoriales !

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