La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement m'a fait connaître que l'ordre du jour prioritaire était ainsi modifié :
La discussion du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, qui reprendra le lundi 26 novembre à dix-huit heures et vingt et une heures trente, se poursuivra le mardi 27 novembre après les questions au Gouvernement et, éventuellement, à vingt et une heures trente.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion :
– du projet de loi organique, adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence, tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française (n°s 401, 417) ;
– du projet de loi, adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence, tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française (n°s 402, 417).
Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.
Mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58, alinéa 1.
M. Roman a demandé que l'on examine la photographie prise lors du scrutin public qui a eu lieu cet après-midi. Je pense qu'on a eu le temps de la développer. Je voulais donc savoir quel est le résultat du tirage.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour un rappel au règlement.
Monsieur le président, à la fin de la séance précédente, M. Le Roux, de façon assez inélégante, et inhabituelle, je l'espère en tout cas pour lui, a cru devoir asséner quelques réflexions à propos des députés du Nouveau Centre. Objectivement, cela n'avait pas vraiment de rapport avec les textes dont nous discutons. J'imagine qu'il s'est appuyé sur l'article 58, alinéa 1, du règlement, qu'il n'a pas évoqué, et pour cause.
Sans doute avait-il été gêné par l'intervention que j'avais eu l'honneur de faire à la tribune. J'avais en effet évoqué les fluctuations du parti socialiste sur la Polynésie française. Ses positions changent au gré des intérêts de M. Temaru, dont il n'est plus aujourd'hui que le porte-voix, ce qui est dommage pour un grand parti politique français ayant autant de parlementaires dans notre hémicycle.
Puisque nous parlons de la transparence de la vie politique en Polynésie, monsieur Le Roux, pourquoi ne pas s'interroger sur les conditions dans lesquelles un parti dûment constitué, honorable, comme l'a d'ailleurs dit tout à l'heure M. Dosière, a pu passer une convention d'association avec le Nouveau Centre ?
Pour votre information, c'était déjà un parti avec lequel nous avions des conventions d'association depuis cinq ans. Contrairement à ce que vous avez affirmé, elles portaient sur le soutien aux candidats aux élections, ce qui veut dire que nous soutenons mutuellement nos candidats. Elles portaient évidemment également sur les positions que nous adoptons ici lors des débats ultramarins, et notamment sur la Polynésie française,…
…ce qui, M. le secrétaire d'État a eu l'occasion de le rappeler, nous a conduits, nous, à avoir une attitude politique rectiligne, contrairement à votre mouvement politique. Et nous avons effectivement ajouté une convention financière.
Pourquoi l'avons-nous fait ? Comment pourriez-vous nous le reprocher ?
En réalité, la loi sur le financement des partis politiques a été modifiée en 2003 pour essayer d'empêcher des groupements sectaires d'accéder à ce type de financement. Vous vous souvenez tous par exemple du « parti de la loi naturelle », qui prétendait résoudre le problème du chômage par le vol yogique. Le parti socialiste a sans doute une opinion sur le sujet. Il ne s'agissait pas du tout d'empêcher un parti politique qui a des élus à l'Assemblée nationale, au Sénat, dans les conseils régionaux, généraux et municipaux d'être financé.
Or la loi ne permet malheureusement pas au parti du Nouveau Centre d'être financé.
Certains de vos alliés ont trouvé des astuces moins glorieuses en se mettant sous votre dépendance. Vous souhaitiez que nous soyons dans la dépendance. Nous avons choisi l'indépendance, quitte à prévoir un complément au partenariat que nous avions avec le Fetia Api pour être sûrs de ne dépendre ni de vous ni de vos alliés, puisque nous n'avons pas pu modifier, en toute clarté, une loi manifestement inique et inopportune.
Si, il a accepté d'inscrire notre proposition à l'ordre du jour prioritaire !
Et nous sommes tombés, je le reconnais bien volontiers, peut-être trop naïvement pour des spécialistes comme M. Le Roux, dans un traquenard politicard monté par le parti socialiste et son nouvel allié, François Bayrou. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Ils espéraient nous faire passer sous leurs fourches caudines en échange de quelques accords lors des élections municipales afin qu'un nouveau pôle de gauche puisse se constituer.
Je le répète : je ne vois rien d'indigne ni même d'illégal dans le financement trouvé en partenariat avec un parti avec lequel nous travaillons depuis cinq ans.
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission du projet de loi organique, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.
La parole est à M. René Dosière.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, mes chers collègues, si je défends un renvoi en commission, c'est parce que, selon moi, nous avons étudié ce texte beaucoup trop rapidement : deux heures de commission, quasiment la veille de l'examen du texte en séance publique. Cela me paraît insuffisant, en particulier pour apprécier quel peut être l'apport réel des dispositions qui prétendent assurer la transparence financière.
Il aurait été utile, monsieur le secrétaire d'État, de procéder à un examen attentif, d'organiser peut-être des auditions et de consulter des experts pour savoir si ces dispositions sont aussi efficaces que vous le pensez.
Je vais transmettre à l'opinion métropolitaine, par le biais du compte rendu de cette séance, quelques extraits des rapports faits par la chambre territoriale des comptes, qui montrent à quel point la transparence est nécessaire. Je ne suis pas sûr que vos dispositions suffisent à résoudre ce type de problèmes.
En 2006 et 2007, la chambre territoriale des comptes a publié pas moins de dix rapports, ce qui fait 379 pages 21×29,7, que j'ai lues attentivement. C'est un travail admirable, et je veux ici rendre hommage au président Basset et à toute son équipe, ainsi qu'à son prédécesseur, M. Jean Vacheron, qui a initié le travail. Il est récent mais, comme j'ai déjà eu l'occasion de le rappeler, la chambre territoriale des comptes de la Polynésie n'existe pas depuis longtemps.
Je vais commencer par un sujet qui m'est cher, vous le savez : c'est la présidence, de la Polynésie cette fois-ci.
Selon la chambre territoriale des comptes, le président disposait d'un cabinet de 626 agents, auquel on peut rattacher 768 agents travaillant dans des organismes dépendant directement de la présidence. Avec ce cabinet restreint, si l'on peut dire, on a un agent pour 400 habitants. Je pense que les présidents de conseils régionaux en France apprécieront, comme peut-être aussi l'ancien maire de Paris.
Le coût de la présidence de la Polynésie a été de 33 millions d'euros en 2003. À la même époque, le coût de fonctionnement de la Présidence de la République française était de 30 millions, c'est-à-dire 10 % de moins.
Pourquoi un tel coût ? Les salaires étaient relativement élevés, 16 % des agents percevaient plus de 4 200 euros par mois, et vingt d'entre eux disposaient d'une rémunération supérieure à 8 400 euros par mois. Le conseiller spécial du président avait, lui, une rémunération de 20 168 euros, plus une indemnité de logement de 2 100 euros, un aller et retour en métropole en classe affaires, une voiture de fonction et un agent de service mis à disposition par l'État.
Concernant les véhicules, la présidence de la République – non, la présidence polynésienne… (Sourires.) Je finis par confondre. J'ai travaillé sur les deux, et je vais devoir réhabiliter la Présidence de Jacques Chirac, qui était finalement modeste par rapport à celle de la Polynésie.
Les véhicules étaient au nombre de soixante-dix, quand la Présidence de la République n'en avait que soixante et un. C'étaient pour l'essentiel des véhicules de luxe, qui ne coûtaient pas moins de 130 000 euros chacun. La présidence disposait de quatre-vingt-huit cartes de carburant, avec un plafond. On pouvait tout de même faire 20 000 kilomètres par mois. La Polynésie est vaste !
Quinze cartes n'avaient aucun plafond.
Passons aux résidences secondaires.
Le président de la Polynésie a acheté l'atoll de Tupai, un atoll de 988 hectares, situé près de Bora Bora et aménagé par le GIP, pour une somme totale de 13 millions d'euros. On y a fait un certain nombre de constructions pour accueillir les gens en visite, naturellement sans autorisation ni permis de construire. Le coût de fonctionnement est de 600 000 euros par an, alors que l'atoll est utilisé de quinze à vingt jours par an. Une incertitude juridique sur la propriété des terrains a été relevée et une instance est en cours.
Je passe sur l'atoll de Fakarawa, dont la Cour a été incapable de chiffrer le coût de l'aménagement.
Il y a un autre exemple des dépenses en Polynésie, une façon au fond de financer un parti politique. En 1986, a été créé le service d'assistance aux particuliers pour assurer et organiser l'accueil, l'information, l'orientation des Polynésiens dans la réalisation de leurs projets d'ordre social, sportif, culturel ou artisanal et dans l'accomplissement de leurs démarches administratives.
Compte tenu de cette mission, le service dispose d'implantations délocalisées dans les archipels. En 1989, il avait treize agents, six à la présidence et sept dans les antennes. En 2004, il y avait huit personnes à la présidence et vingt-sept antennes avec cent trente-deux personnes, toutes en contrat de cabinet. Ces antennes étaient d'ailleurs situées dans les locaux des mairies, ce qui ne manquait pas d'entraîner des confusions puisque près de vingt agents étaient par ailleurs élus municipaux ou maires.
Au-delà des missions administratives, fort peu prenantes au demeurant – la chambre des comptes a relevé une moyenne d'un dossier par jour et par agent –, les agents de ce service doivent expliquer et promouvoir l'action du Gouvernement et sont pour ce faire réunis pour un briefing hebdomadaire. Devant expliquer l'action du Gouvernement, ils ne sont pas souvent présents dans les locaux, mais font du démarchage sur le terrain. Une note du chef de ce service en date du 29 février 2004 déclare que « les missions du service entre le politique et l'administratif sont indissolubles ». On suppose qu'on n'avait pas recruté des partisans de M. Temaru pour cette tâche !
La création du service d'études et de documentation, le SED, constitue un autre exemple de contournement de la législation, en l'occurrence pour étendre sa compétence au-delà de ce que prévoit le statut. Ce service a été créé en 1997 par un arrêté du président du gouvernement de l'époque, devenu par la suite président de la Polynésie, et qui lui est directement rattaché. Il est chargé de recenser la documentation existante et de réaliser toutes études prospectives pour orienter les choix de la politique du gouvernement dans les domaines économique, scientifique et culturel.
En fait, l'activité réelle de ce service le rapproche d'un service de renseignements généraux ; le responsable du service et son adjoint étaient d'ailleurs deux anciens des services de renseignement français, et l'encadrement assuré par d'anciens militaires. Ce service comporte deux cellules. L'une, sous la responsabilité de l'adjoint au chef de service, basée dans la zone du groupement d'intervention de la Polynésie, le GIP, constitue en fait « l'équipe discrète », selon la formule de la chambre, chargée de recueillir des informations auprès de la population, notamment lors des manifestations. Les moyens financiers relèvent du budget de la présidence. Les moyens matériels étaient constitués par plusieurs véhicules, trois caméscopes, des appareils photographiques, un dictaphone et un récepteur radio. Les véhicules étaient dotés de cartes grises de l'administration territoriale et des plaques d'immatriculation banalisées.
Parmi les personnels placés sous l'autorité directe du chef de service à la présidence, l'un est plus spécialement chargé du secteur des syndicats professionnels, deux autres agents, gendarmes en retraite, sont en liaison avec la gendarmerie, les renseignements généraux et la police.
Le chef de ce service a déclaré en 2003 que son rôle étant de renseigner le président du gouvernement, il s'entourait pour cela de gens « susceptibles de fournir le plus d'informations ».
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est réaliste !
Il indiquait également qu'il avait fait recruter dans son service, pour un travail de renseignement, un conseiller municipal d'une commune d'opposition par le biais d'un contrat de cabinet. Cela permet d'être instruit des faits et gestes de l'opposition !
Enquêtant sur ces pratiques, la chambre note que les missions de renseignement ne relèvent pas de la compétence de la Polynésie, ce qu'a fini par reconnaître le président du gouvernement. Il considérait jusqu'ici que la Polynésie française disposait d'une compétence d'ordre général, qui comprenait l'activité de renseignement en vue de la sécurité intérieure. En réalité, aucun texte ne donne compétence à la Polynésie pour agir dans ce domaine, qui relève naturellement de l'État.
Comme le relève la chambre, la nature véritable des missions du SED n'était pas clairement exposée. Cependant, selon les déclarations du responsable du service et de son adjoint, des informations étaient échangées entre les agents de l'État et ceux du SED, issus parfois du même corps de fonctionnaires. Les procès-verbaux d'auditions menées dans le cadre des enquêtes diligentées par le juge d'instruction ne dissimulent pas ces échanges d'informations. Dans les faits, les missions réelles du service semblaient donc connues des services homologues de l'État.
Cet exemple montre concrètement comment la présence de fonctionnaires d'État détachés, issus des mêmes corps, parfois des mêmes écoles, voire des mêmes promotions, permet sur le terrain une grande capillarité entre services de l'État et présidence. Pour des agents de l'État en poste sur le territoire, passer au service de la Polynésie leur permet de doubler leur salaire pour le même travail.
Les divers rapports de la chambre font apparaître que toutes ces dérives des coûts sont dues à l'impréparation de projets décidés trop vite, sans étude préalable. En effet, les études préalables ne sont en général lancées qu'une fois le chantier commencé.
De cette manière, on est sûr que tout se passera correctement.
S'agissant ainsi de la construction des bâtiments de la présidence, l'estimation initiale était de 12,6 millions d'euros, et le coût final s'est élevé à 38,5 millions d'euros.
Quant à l'hôpital, en cours de construction, pour une estimation initiale de 229 millions d'euros, on en est aujourd'hui à 302 millions d'euros. Ce projet, qui n'avait pas reçu l'accord de l'État, est pourtant financé sur la dotation globale attribuée à la Polynésie, c'est-à-dire à 100 % par l'État. C'est là un autre exemple de détournement de la législation.
En ce qui concerne la construction des bâtiments de la présidence, la chambre a constaté « en examinant en détail les conditions d'attribution des marchés de maîtrise d'oeuvre et de travaux, que les règles du code des marchés publics avaient été interprétées de manière à réduire la mise en concurrence : le bâtiment a ainsi été considéré comme une réhabilitation d'ouvrages existants alors qu'il s'agissait plutôt, l'ancienne structure étant rasée, de la construction de bâtiments nouveaux ; des appels d'offres ont été déclarés infructueux pour permettre une négociation directe avec les entreprises. Certaines règles de droit ont été transgressées, »…
…« des avenants de régularisation étant passés après réalisation des travaux supplémentaires correspondants par les entreprises. Le cumul des avenants signés au cours de l'exécution du projet représente, à lui seul, une augmentation de 21 % du montant des travaux. »
Les conditions dans lesquelles l'architecte a été choisi ne laissent pas d'être étonnantes. On a d'abord choisi sans appel à candidature – c'est encore plus simple – un architecte local pour réaliser une étude de faisabilité. On a ensuite confié au même architecte, toujours sans mise en concurrence, une mission de maîtrise d'oeuvre. Le contrôleur des dépenses engagées s'étant opposé à cette décision, la commission s'est à nouveau réunie sept jours plus tard et a décidé un appel public à candidature selon une procédure simplifiée. Un mois plus tard, la commission a finalement retenu, parmi six candidatures, celle de l'architecte initialement choisi, sous le prétexte que c'était celui qui « respectait le mieux l'architecture initiale du bâtiment ». Or, comme le relève la chambre, compte tenu du montant de ce marché, il aurait dû faire l'objet d'un appel d'offres.
Une deuxième, puis une troisième phase de travaux ajoutées ultérieurement seront en outre confiées au même architecte – c'était la solution la plus simple, n'est-ce pas ?
De ce fait, sa rémunération, initialement fixée à 435 755 euros, et déjà attribuée de manière dérogatoire, a finalement atteint 1 914 810 euros, c'est-à-dire qu'elle a été multipliée par quatre.
La chambre relève que toute l'opération sera conduite ainsi, et que « le maître de l'ouvrage, peu soucieux du respect des règles de la concurrence a déclaré de nombreux appels d'offres infructueux par commodité, pour pouvoir négocier directement avec les entreprises de son choix. » Il est assez rare que les chambres territoriales des comptes se permettent de telles appréciations. Je n'avais pas lu de remarques de cette gravité depuis les observations que la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-côte d'Azur avait consacrées à la gestion de M. Médecin à Nice. Mais au regard de ce qui nous occupe, M. Médecin était vraiment un petit joueur car cela dépasse tout.
Vous me rétorquerez que ces dépenses font l'objet de contrôles. C'est vrai. Il y a d'abord le contrôle des dépenses engagées. À ce propos, M. Flosse m'a pris à partie au Sénat, arguant que c'est au trésorier-payeur général, fonctionnaire d'État, que revient la charge de contrôler ces dépenses. Ce contrôleur s'est d'ailleurs opposé à un certain nombre de dépenses de la présidence en raison de leur irrégularité : une année, il s'y est même opposé près de vingt fois, ce qui est quand même un chiffre assez conséquent. Mais le président a pu à chaque fois passer outre, comme la législation l'y autorise. Autrement dit, ce contrôleur des dépenses engagées ne sert à rien.
Ainsi, le 13 novembre 2001, le contrôleur s'oppose à un marché de travaux électriques, au motif que l'avenant n'a été transmis qu'en octobre 2001, alors que les travaux sont achevés depuis le 5 mai 2000. Il fait remarquer de surcroît que les travaux supplémentaires concernés par l'avenant représentent plus de la moitié du marché. Mais le président passe outre, et c'est ainsi qu'on arrive à ce genre de dérives.
Quant au contrôle de l'État, il est, selon la chambre, pratiquement inefficace. Soit le haut-commissaire n'est pas informé, soit on ne répond pas à ses demandes réitérées de renseignements, jusqu'à ce qu'il finisse par se lasser. Il saisit quand même de temps en temps le tribunal administratif, et c'est reparti pour un tour : si le tribunal administratif annule l'arrêté litigieux, on reprend la même décision, qui est à nouveau soumise au tribunal administratif, et cela dure jusqu'à l'épuisement d'un des protagonistes. Le haut-commissaire a ainsi réclamé à plusieurs reprises la liste des emplois de cabinets de la présidence, en vain.
Il reste l'inspection du travail, me direz-vous. Effectivement, le 10 mai 2003, un inspecteur du travail a effectué un contrôle sur place à Fakarawa, atoll bien connu de la commission des lois qui a également été aménagé, et où les hommes du GIP ont travaillé. Après avoir relevé l'inobservation des règles de sécurité et l'absence de déclaration d'ouverture des travaux, l'inspecteur a été expulsé du chantier manu militari sur ordre du chef du service.
Même les instances collectives – conseil d'administration ou assemblée – sont inutiles. Ainsi, aucun des 49 conseillers qui composaient alors l'assemblée de Polynésie n'était informé des emplois de cabinet ni des fonctions exercées, alors même que les effectifs étaient pléthoriques : ils étaient au nombre de 135 en avril 2004, dont 55 pour la présidence, quand ils ne dépassaient pas le nombre de dix dans les départements et les régions métropolitaines – c'est toujours la chambre qui parle. En mai 2004, le changement de majorité va heureusement les ramener au nombre de trente-cinq ; le coût se trouvera divisé par trois, alors même que le nombre de conseillers sera passé à 57. On voit l'intérêt du changement de majorité.
L'ultime contrôle aurait dû être celui de la justice. Hélas, même la justice, aurait dit Brassens, ignore les faits délictueux relevés par la chambre territoriale des comptes, et je voudrais vous le démontrer par un dernier exemple.
Le chef du groupement d'intervention de la Polynésie, le GIP, en réalité la milice privée de M. Flosse, rémunéré 9 700 euros par mois – c'est une somme – avait créé en juillet 2000 une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, une EURL, baptisée « Les pêcheurs tahitiens », dont il devait assurer la gérance pendant trois ans, avant de céder la place à un autre salarié du GIP. L'objet de cette société, relatif au secteur de la pêche, est très large. Elle devait en fait exploiter des thoniers. La chambre rappelle que le statut du chef du GIP lui interdisait de cumuler son activité publique avec une activité privée.
De plus, le secrétariat de cette société était assuré par une salariée du GIP, dans les locaux du GIP, au moyen d'un ordinateur du service – le chef de service a jugé plus sûr de faire effacer ses données en 2004, après le changement de majorité. En un mot, le chef du service, comme le relève la chambre, distrayait une partie des moyens du GIP au profit de la société qu'il avait créée.
Cette même société privée obtiendra à trois reprises, sans qu'il y ait eu mise en concurrence – c'est plus sûr – le marché de convoyage des marchés thoniers construits en Corée et en Chine pour le compte de la société d'économie mixte Tahiti Nui Rava'ai. La société privée utilisera pour cette tâche des membres du GIP, mis en congé durant la période concernée, et c'est elle qui empochera le règlement de l'opération.
En définitive, écrit la chambre, « la participation au capital de l'EURL d'une société composée de membres du GIP, le concours des marins du GIP aux opérations commerciales de cette EURL, l'utilisation d'une partie des moyens du GIP au profit de cette entreprise et l'activité du chef de service du GIP comme gérant de la société soulignent la confusion entretenue entre le service public et les intérêts privés de ces agents ».
En l'occurrence, il y a non seulement détournement de fonds publics, mais aussi enrichissement personnel. Or, quand la chambre territoriale rend ses observations publiques, il ne se passe rien du tout. On aurait pourtant pu s'attendre à ce que la justice s'intéresse à ces affaires !
La justice, en Polynésie – en l'espèce le procureur de la République – est beaucoup plus prompte à attaquer le directeur d'un journal indépendant, Tahiti-Pacifique Magazine, qui ne cesse de dénoncer ces malversations et qui, parce qu'il s'étonne du silence de la justice ou souligne qu'en Polynésie la justice est douce pour les puissants et dure pour les faibles, est poursuivi en diffamation. Ainsi, en Polynésie, le plus important pour la justice n'est pas de s'attaquer à la corruption, mais à ceux qui dénoncent la corruption.
Ce n'est là qu'un petit florilège de ce rapport de 379 pages – dont je ne vous conseille d'ailleurs pas la lecture avant de vous endormir, car on dort mal après avoir vu comment les impôts des contribuables français – car il s'agit bien des impôts de ces Français qui vivent en HLM et connaissent des difficultés – financent ces gaspillages, cette gabegie, pour reprendre le mot même employé par la chambre territoriale des comptes. Face à cette situation, dont on niait l'existence il y a trois ans, en nous disant que tout était transparent, vous avez certes raison d'essayer de lutter, mais, au vu de l'astuce déployée, on ne peut que penser qu'il faudrait vraiment y mettre des moyens. Or, la justice elle-même ne poursuit pas les malversations – mais il est vrai que le procureur est aux ordres et qu'il fait son travail en n'engageant pas de poursuites. Il faut, je le répète, y mettre des moyens, car les quelques dispositions que vous prévoyez dans votre texte ne pourront pas changer ces comportements.
Quant à l'équipe de Gaston Tong Sang, sur laquelle vous avez tout à l'heure dit que vous comptiez,…
Je n'ai jamais dit cela !
Vous avez laissé entendre que vous souteniez le renouveau de cette équipe.
Je n'ai rien dit de tel !
Depuis toujours, cette équipe créée, fabriquée par Gaston Flosse, a été mêlée à toutes les affaires reprochées à ce dernier. Je ne citerai pas de noms à cette tribune, pour ne pas être désagréable, mais bon nombre de personnes condamnées ont été recrutées par Gaston Tong Sang dans les ministères. Ce n'est donc pas avec cette équipe qu'un renouveau est possible. Il faut mettre en place des procédures nouvelles et très fortes.
Si donc vous avez réellement la volonté de faire disparaître de telles pratiques, il faut aller au fond des choses et voir comment doter de moyens le haut-commissaire. Comment celui-ci pourrait-il, à 20 000 kilomètres de la métropole, s'attaquer à des élus qui iront se plaindre auprès d'un ministre qui finira par lui demander de les laisser tranquilles ?
Je ne vous autorise pas à dire cela !
Cela se fait déjà en métropole avec certains préfets, alors que de telles pratiques ne sont pas censées avoir cours.
Ce sont vos pratiques, pas les nôtres !
S'il peut arriver qu'en métropole des préfets soient déplacées pour la seule raison qu'un ministre ne les aime pas, on imagine ce qui peut se produire à l'extérieur.
Il faut donc étudier tout cela. Pourquoi la justice fonctionne-t-elle à deux vitesses en Polynésie ? Comment tout cela est-il possible ? Les dispositions de votre texte ne suffisent pas. Il faut aller au fond des choses. Si donc vous voulez vraiment faire la lumière sur cette question, il vous faut proposer la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics en Polynésie française – création qui nous avait été refusée lorsque nous l'avions nous-mêmes proposée. Cette commission, qui n'aura pas à refaire le travail qu'assure désormais excellemment la chambre territoriale des comptes, aura pour mission d'identifier les dispositifs propres à éviter la reproduction de telles erreurs. En effet, on a bien vu que les observations de la chambre territoriale des comptes, quelle que soit la qualité du travail de celle-ci, ne sont suivies d'aucun effet et que, là où la justice pourrait se saisir d'elle-même, le procureur n'agit pas. Pour renverser la vapeur, il faut prendre les moyens nécessaires.
Si vous ne voulez pas de cette commission d'enquête, faites donc voter votre texte, et je vous donne rendez-vous dans deux ou trois ans pour voir ce qui aura changé et je doute fort que vous puissiez fondamentalement changer les choses de cette manière.
À vous de savoir si vous voulez véritablement faire ce qui doit être fait pour améliorer la situation, ou vous contenter d'en donner l'apparence en sachant bien que rien ne changera.
Je n'en dirai pas plus. Il y aurait pourtant encore matière à passer toute la nuit sur ces questions, mais je ne veux pas vous empêcher de dormir en détaillant davantage cette triste description de la manière dont l'argent public est utilisé sur une partie du territoire français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Si les mots ont un sens, la motion de renvoi en commission que vient de soutenir M. Dosière signifie que le texte doit être de nouveau examiné par la commission, car celle-ci n'aurait pas bien fait sont travail et qu'il faudrait l'approfondir. Pour tenter de le démontrer, M. Dosière nous a lu, d'une façon d'ailleurs extrêmement vivante, une partie du rapport de 379 pages de la chambre territoriale des comptes.
Il me semble au contraire que la commission a parfaitement bien fait son travail, car elle a compris qu'il était urgent de mettre davantage de transparence dans la vie publique polynésienne et que les dispositions proposées par le Gouvernement et amendées par le Sénat et par elle-même sont tout à fait nécessaires pour aller dans le sens décrit dans les propos introductifs à l'occasion de notre débat.
Il faut renforcer la transparence pour permettre à la Polynésie de conforter son autonomie. L'autonomie, je le répète, est un extraordinaire privilège que la République donne à des collectivités de pouvoir s'administrer librement. Elle doit être confortée par la stabilité politique, qui lui donne sa force, et confortée également dans l'esprit de la population, au moyen d'instruments permettant de vérifier que l'argent public est utilisé à des fins qui correspondent aux efforts demandés aux populations.
La commission a jugé très pertinentes les mesures proposées par le Gouvernement. Certaines de ces mesures sont novatrices, tandis que d'autres se confondent avec le droit commun des collectivités territoriales. Elle est donc convaincue, après examen, que ces mesures sont de nature à faire avancer la Polynésie. Son but n'est pas de stigmatiser certaines pratiques, que M. Dosière reproche à plaisir…
…à certaines personnes, avec une obstination démonstrative et très déplaisante.
La commission des lois soutient pleinement la démarche entreprise par le Gouvernement. Nous sommes convaincus que cette démarche confortera en Polynésie le progrès d'un comportement démocratique, moderne et responsable pour la bonne utilisation des deniers publics.
Monsieur Dosière, le compte rendu que vous avez fait du rapport de la chambre territoriale des comptes, que nous avons lu comme vous, est un constat que nous faisons tous. La différence entre vous et nous, c'est que nous savons en tirer toutes les conséquences.
Avant toute chose cependant, je ne vous laisserai pas dire qu'un haut fonctionnaire de l'État, en l'espèce le haut-commissaire de la République en Polynésie française – qu'il s'agisse de celui qui est aujourd'hui en poste ou de ses prédécesseurs –, n'accomplirait pas son devoir chaque fois qu'une anomalie sur le fonctionnement de l'institution lui est signalée. Je peux témoigner ici devant la représentation nationale que le haut-commissaire défère systématiquement devant les juridictions administratives…
Vous témoignez de ce que vous voyez aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État !
Je témoigne de ce qui se passe sous mon autorité.
Si les interventions de certaines personnes auprès des ministres sont une pratique qui appartient au passé – et sans doute d'ailleurs à un passé auquel vous avez participé –, je vous rappelle que les Français, au mois de mai dernier, ont choisi la rupture et je peux témoigner que je veille personnellement à ce que l'État impartial, en Polynésie française comme sur les autres territoires de la République française outre-mer, ne laisse pas se produire le moindre débordement. Je serai en toutes circonstances intransigeant à cet égard.
Je tiens à rendre hommage à tous les grands serviteurs de la République sur tous nos territoires d'outre-mer, en Polynésie française comme ailleurs, qui accomplissent parfaitement leur devoir, exercent systématiquement le contrôle de légalité et défèrent devant les juridictions administratives chaque fois que des anomalies leur sont signalées. Je ne vous laisserai pas, monsieur Dosière, remettre en cause la fermeté, l'exigence et l'impartialité des serviteurs de l'État, que ce soit en Polynésie française ou ailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
D'ailleurs, monsieur Dosière, qu'a fait la gauche entre 1997 et 2002 pour remédier aux lacunes de ce contrôle ? Rien !
Les faits que vous venez d'inventorier ne peuvent qu'émouvoir le Gouvernement, comme tous ceux qui siègent sur tous les bancs de cette assemblée et, avec eux, l'ensemble des contribuables français, qu'il s'agisse de nos compatriotes de Polynésie française ou de tous les autres. Je ne peux que confirmer l'image déplorable que vous venez de dépeindre. Cependant, monsieur Dosière, si vous avez eu la faculté de le faire à cette tribune, c'est parce qu'en 2004 le Parlement a mis en place une chambre territoriale des comptes, qu'elle a dotée des pouvoirs lui permettant d'exercer ces contrôles. C'est bien la loi organique de 2004 qui a permis de mettre à jour les errements que vous venez de dénoncer. Cette dénonciation n'est possible que grâce à ce que les parlementaires de 2004 ont voulu inscrire dans la loi organique. Mais ce n'est pas ce que vous avez fait entre 1997 et 2002 qui a permis de dénoncer ces errements, mais ce que la majorité de 2002 à 2007 a mis en place et que vous essayez de récupérer à cette tribune.
Les mesures que nous proposons sont justifiées par ce dont nous avons eu connaissance et, plus encore, par la situation dont vous aurez connaissance prochainement et pour laquelle nous disposons déjà de pré-rapports de la chambre territoriale des comptes. Il est étonnant de constater, en effet, que les chiffres que vous citez – personnel, dépenses ou véhicules, par exemple – n'aient guère changé en 2004 avec les gens dont vous ne cessez de vanter les mérites et dont vous vous flattez d'être l'ami. Sans doute aurait-il mieux valu rester plus modeste et plus prudent à cet égard.
C'est parce que nous savons tirer toutes les leçons et toutes les conséquences de ce que nous avons permis, et dont je vous remercie d'avoir fait l'inventaire, que la loi organique que nous examinons prévoit un débat d'orientation budgétaire, l'extension du contrôle juridictionnel, un contrôle de légalité renforcé et un renforcement du pouvoir de la chambre territoriale des comptes. Il est surprenant qu'après avoir rendu hommage au travail de la chambre territoriale des comptes que nous avons mise en place en 2004, vous refusiez de renforcer davantage, en soutenant notre texte, son pouvoir et ses moyens d'investigation.
En outre, nous proposons des procédures plus transparentes en matière de nomination et d'octroi de subventions aux personnes morales – avec avis de l'assemblée et compétence du conseil des ministres, au lieu du président seul –, le renforcement des incompatibilités inspirées de celles applicables aux parlementaires, l'encadrement des sociétés d'économie mixte locales, le renforcement des attributions de l'assemblée par rapport à l'exécutif, la création de la procédure d'autorisation de plaider, le renforcement des mesures applicables à la réglementation des marchés publics.
De manière générale, le texte étend à la Polynésie française l'ensemble des règles de droit commun qui ne s'y appliquait pas encore. Monsieur Dosière, je regrette qu'après l'inventaire que vous venez de faire, et que je pourrais reprendre à mon compte mot pour mot, vous refusiez de donner la possibilité à la législation française de renforcer les moyens de contrôle que nous souhaitons exercer désormais en Polynésie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.
La parole est àM. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Nouveau Centre.
Je fais partie de ceux dans cet hémicycle – je le dis très sincèrement – qui apprécient M. Dosière et la qualité de son travail. Je n'aime pas beaucoup les revirements en matière d'élections, mais la liste qu'il a énumérée faisait plaisir à entendre, si j'ose dire, car elle a permis à ceux qui sont nouveaux sur ces sujets de découvrir ce qu'il en était, et aux autres de voir confirmé ce qu'ils connaissaient par ouï-dire, et que je qualifiais de dérives d'un pouvoir autocratique et clientéliste ayant pris de larges facilités avec la morale en matière de finances publiques. Mais, monsieur Dosière, je ne comprends pas votre position alors que, pour une fois, un gouvernement nous déclare qu'il va essayer d'y mettre fin.
Monsieur le secrétaire d'État, je ne suis pas convaincu que tout ce qui serait nécessaire figure dans votre projet de loi, mais c'est la première fois qu'un gouvernement, de droite comme de gauche, vient nous dire qu'il va tenter d'y regarder d'un peu plus près, et de placer des filets de sécurité contre des dérives éventuelles, de quelque pouvoir politique qu'elles viennent à l'avenir. C'est donc une première étape.
Nous le savons tous, ce texte doit être suivi d'un autre projet de loi organique. J'espère, monsieur le secrétaire d'État, que les parlementaires pourront être associés à sa préparation, notamment sur la partie concernant le contrôle et la transparence. Je souhaite qu'un groupe de travail, voire une commission d'enquête, puisse voir, comme vous l'avez fait avec ce texte de loi, comment aligner les règles de la Polynésie sur celles qui prévalent en métropole, pour avoir une vie politique beaucoup plus saine, une vie économique beaucoup plus libre et efficace. C'est ce que commence à faire ce projet de loi.
Rejeter tout sous prétexte que l'on avancerait tardivement, je trouve que c'est dommage, monsieur Dosière. Je voterai donc évidemment contre la motion de renvoi en commission.
La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le secrétaire d'État, pourquoi faut-il que les textes sur la Polynésie, bien souvent d'ailleurs sur l'outre-mer en général, soient toujours débattus dans l'urgence ? Pourquoi faut-il qu'ils aient toujours une vocation partisane ?
Le statut de 2004, je le rappelle, avait été adopté à la suite de la volonté de M. Flosse, qui sentait les choses se déliter. Ce statut a conduit à des dérives en accentuant, au détriment de l'assemblée et du gouvernement, les pouvoirs du président de la Polynésie. Ce qu'a dit M. Dosière est donc frappé au coin du bon sens. Pourrions-nous, pour une fois, examiner autre chose qu'un texte à vocation partisane, qu'un texte qui a pour objet de servir les amis immédiatement ? Ne pourrions-nous pas demain réunir une conférence démocratique des partis polynésiens, non pas pour leur demander un avis au titre de l'article 74 de la Constitution, mais, sans revenir en rien sur l'autonomie, pour tirer avec eux les enseignements des rapports de la chambre territoriale des comptes, ceux portant sur la période avant 2004 comme ceux portant sur la période ultérieure. Pourquoi toujours faire les choses dans l'urgence, sans aucune concertation ? C'est ce qui vous est, une nouvelle fois, reproché : vous présentez un texte, qui a d'ailleurs été revu juridiquement durant toute sa courte vie tant il avait été mal préparé, …
…impréparé, avec seulement deux ou trois mesures qui apparaissent totalement légitimes à tout l'hémicycle, pour arriver à faire passer le mode de scrutin qui vous permettra, demain, d'espérer sauver l'ami en Polynésie – comme vous souhaitez le faire aujourd'hui.
La logique de ce renvoi en commission, c'est que, si vous voulez véritablement mettre fin aux dérives, il ne faut pas alors toujours légiférer dans l'urgence, toujours légiférer à la demande des amis, mais convoquer ce qui pourrait constituer une prise de conscience : la grande conférence démocratique, pour mettre les choses sur la table et arriver enfin à un statut qui n'enlève rien à la question de l'autonomie, mais qui fasse en sorte que la prise de conscience, le renouvellement politique, la capacité à envisager l'avenir soient véritablement partagés et que les textes que vous donnez à débattre ne soient pas ad hominem, pour un parti, pour un clan, ce qui est encore le cas malheureusement aujourd'hui.
Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
Nous allons maintenant examiner successivement les articles du projet de loi organique n° 401 et du projet de loi n° 402.
J'appelle en premier lieu les articles du projet de loi organique, adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence, tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française.
Sur l'article 1er, je suis saisi d'un amendement n° 1.
La parole est à M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour soutenir cet amendement.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Avis favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 104.
La parole est àM. René Dosière, pour le soutenir.
Dans le texte du Sénat, l'élection du président de la Polynésie se ferait à trois tours, le troisième tour étant également à la majorité absolue. Je souhaite que nous en revenions au texte du Gouvernement, c'est-à-dire à la majorité relative, comme c'est le cas dans toutes les collectivités françaises et comme c'était encore le cas en Polynésie avant 2004. Le Conseil d'État, consulté avant la dernière élection de M. Temaru, avait de surcroît souligné que l'exigence de la majorité absolue pouvait conduire à un blocage institutionnel.
Mais le rapporteur du texte au Sénat, M. Cointat, avec qui je me suis entretenu de cette question, m'a dit que, dès lors qu'il n'y aurait plus que deux candidats, la majorité absolue équivaudrait à la majorité relative, et qu'il n'avait pas expressément mentionné cette dernière uniquement pour ne pas heurter ses collègues sénateurs. Notre amendement n'aurait donc plus lieu d'être, dans cette hypothèse. L'interprétation du rapporteur du Sénat est-elle la bonne, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur ?
Monsieur Dosière, si vous vous étiez adressé au rapporteur de l'Assemblée nationale, vous auriez eu la réponse quarante-huit heures plus tôt, et nous aurions gagné du temps. L'interprétation de M. le rapporteur du Sénat est évidemment la bonne.
L'amendement n° 104 est retiré.
Je suis saisi d'un amendement n° 2.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Avis favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 3.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
L'amendement vise à faire passer de une heure à trois heures au plus tard le délai de remise des candidatures à la présidence de la Polynésie avant l'ouverture du second tour, pour laisser plus de temps à la réflexion et à la concertation entre les deux tours.
Avis favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 4.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Dans le souci de respecter l'esprit de l'autonomie, l'amendement tend à supprimer la détermination par la loi d'un nombre minimum de ministres, tout en maintenant le plafond à quinze.
Avis favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 95.
La parole est àM. Bruno Sandras, pour le défendre.
Il s'agit d'un amendement de rectification. Le cas du décès du président de la Polynésie française n'est pas prévu dans la nouvelle rédaction du statut. L'objet du présent amendement est de réparer cet oubli.
Je suis saisi d'un amendement n° 5.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Plutôt que de mettre en place une commission comme le prévoit le texte du Sénat, procédure qui nous a paru un peu lourde, nous proposons qu'au Conseil d'État statuant au contentieux soit confié la charge de vérifier l'empêchement définitif du président de la Polynésie française.
Avis favorable.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 2, je suis saisi d'un amendement n° 79.
La parole est àM. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir cet amendement.
Parmi les pratiques discutables, il y a une habitude prise en Polynésie par certains membres du gouvernement : si jamais il y a dépôt d'une motion de censure, ils démissionnent de leurs fonctions pour redevenir membres de l'assemblée polynésienne afin de pouvoir voter contre la motion de censure, quitte à redevenir ensuite membre du gouvernement. Le Gouvernement a souhaité dans son projet de loi mettre fin à ce genre d'aberration. C'est une bonne chose.
L'amendement vise à éviter des dépenses inutiles. En effet, dans le texte qui nous est soumis, un ministre qui démissionne dans ces conditions ne retrouverait son poste de représentant à l'assemblée de Polynésie qu'au bout de trois mois, et toucherait pendant ce temps les indemnités de ministre démissionnaire, cependant que son remplaçant à l'assemblée serait rémunéré. Si, dès le vote sur la motion de censure, il redevenait membre du gouvernement ou de l'assemblée, on éviterait de payer deux personnes pendant trois mois là où une seule est nécessaire.
La commission a bien compris l'intention de notre collègueJean-Christophe Lagarde, qui est extrêmement pertinente, mais le cas qu'il a évoqué est couvert par le projet de loi organique . Si le ministre était considéré comme démissionnaire avant l'adoption éventuelle d'une motion de défiance ou de censure, le problème évoqué par notre collègue se poserait, mais ce n'est prévu qu'une fois que la motion est adoptée. Le texte du Gouvernement couvre parfaitement l'hypothèse que notre collègue a envisagée. L'avis de la commission est donc défavorable.
M. le rapporteur a fait une parfaite analyse. La situation évoquée par M. Lagarde est tout à fait couverte par le texte.
J'avoue que ces explications m'ont rendu perplexe. Mais, comme la vie politique va très vite en Polynésie et que nous allons nous retrouver au printemps prochain pour un nouveau projet de loi, nous aurons l'occasion de revenir sur ce point, monsieur le secrétaire d'État. Je retire, dans le cadre de l'examen du présent texte, l'amendement.
L'amendement n° 79 est retiré.
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 105, tendant à supprimer l'article 3.
La parole est à M. Le Roux, pour défendre cet amendement.
Si vous permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement n° 113 pour accélérer le rythme de notre discussion.
Nous touchons à un élément essentiel du texte : l'objectif de stabilité passe – vous l'avez mentionné depuis le début de nos débats, monsieur le secrétaire d'État – par une réforme du mode de scrutin. Compte tenu des spécificités de la Polynésie que je ne rappelle pas, nous sommes tenus de respecter la diversité géographique de ce territoire. Personne n'en doute ! Nous sommes même tenus d'essayer de respecter la diversité politique, représentée par de nombreux partis.
Cependant, il faut aussi rechercher la stabilité, permettre à un gouvernement issu des urnes de développer une politique dans la durée. Malgré les amendements adoptés au Sénat, il nous semble que votre mode de scrutin appliqué à chacune des six circonscriptions – un scrutin de liste à deux tours, avec des seuils heureusement relevés par le Sénat – ne peut, de l'avis général, que favoriser l'émiettement des forces politiques polynésiennes.
Vous allez ainsi à l'encontre de l'objectif que vous affichez. À la lecture du texte, quand on réfléchit au fonctionnement de ce mode de scrutin et à son application à chacune de ces six circonscriptions, on ne comprend pas comment il pourrait favoriser la stabilité.
Avec l'amendement n° 113, nous faisons une autre proposition qui répond aux souhaits du président de la Polynésie, avec lequel vous vous êtes entretenu. Nous proposons un scrutin à un tour, dans le cadre d'une circonscription unique composée de différentes sections, et permettant l'attribution d'une prime majoritaire. Un tel mode de scrutin respecterait la diversité politique et géographique, tout en favorisant la constitution d'accords avant, et non pas après, le vote populaire : on se présente devant les électeurs avec un programme.
Tel est l'objet de l'amendement n° 113, que je pourrais vous détailler davantage, si vous le souhaitiez, chers collègues, mais vous êtes tous des spécialistes de ces questions.
Sur les bancs de la majorité, soutenant le Gouvernement, tout le monde convient que la réforme du scrutin est indispensable pour mettre fin à la situation actuelle d'instabilité.
Comme je l'ai déclaré en présentant mon rapport, je suis bien conscient que changer le mode de scrutin ne constitue pas la garantie d'atteindre le but poursuivi. L'expérience de 2002 a montré que ce n'était pas si évident que cela ! Mais le mode de scrutin prévu par le projet de loi amendé par le Sénat dessine une bonne solution pour assurer la stabilité. Un second tour devrait inciter les formations politiques à se regrouper, à former des coalitions claires, y compris avant le premier tour. Il s'agit d'une bonne méthode pour éviter l'émiettement de la représentation. Le relèvement des seuils par le Sénat devrait contribuer à la stabilité du système.
L'existence des six circonscriptions est indispensable – il faut le dire pour nos collègues moins spécialistes –, car elle tient compte de l'éloignement des archipels et de leurs spécificités. Chacun doit garder une représentation propre. C'est indispensable, et les Polynésiens y sont extrêmement attachés, évidemment ! C'est la raison pour laquelle l'amendement de suppression doit être rejeté.
Par respect pour nos collègues qui ont accepté de consacrer du temps à ce texte sur la Polynésie française, je pense qu'il faut bien expliquer les enjeux de cet article clef.
La Polynésie française, un territoire grand comme l'Europe, est découpée en six circonscriptions électorales : les îles du Vent où vit l'essentiel de la population, notamment à Tahiti, les îles Sous-le-Vent, les îles Tuamotu Ouest, les îles Tuamotu Est, les îles Marquises et les îles Australes. Chacun de ces archipels possède sa propre histoire, sa propre authenticité, quelquefois sa propre langue maternelle, et sa propre culture. Les Polynésiens y sont très attachés, comme chacun d'entre vous est très attaché à la terre qu'il représente dans cet hémicycle.
Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je n'ai pas de certitudes sur le mode de scrutin que nous proposons. Mais, depuis le début de nos débats, j'entends le parti socialiste demander : pourquoi proposez-vous des élections alors qu'il existe une majorité stable ? Or cette prétendue majorité stable est une alliance de circonstance entre deux formations politiques polynésiennes…
…qui se sont affrontées en 2004, sur des programmes distincts, et que les Polynésiens avaient choisis en fonction de leurs différences ! Ils avaient voté pour le Tahoera'a ou l'UPLD, ils n'avaient pas choisi l'addition du Tahoera'a et de l'UPLD. Sur certains archipels, ils avaient voté pour d'autres petites formations polynésiennes qui ont leur propre représentativité, leurs propres valeurs, leur propre représentation. Voilà comment est constituée l'assemblée de Polynésie, et voilà la base de cette majorité stable dont on nous parle.
Le Gouvernement sait parfaitement, depuis la décision du 1er août – et depuis bien avant d'ailleurs – qu'il faut redonner une majorité vraiment stable, issue des urnes, à la Polynésie française.
Depuis la décision du 1er août ? Quel aveu ! Depuis le retour de Temaru ! Extraordinaire !
Le mode de scrutin actuel a conduit à des alliances contre nature, qui bafouent les choix effectués par les électeurs Polynésiens en 2004. Nous voulons lui substituer un mode de scrutin à deux tours à la proportionnelle intégrale, dans chaque circonscription. Ce système garantira la représentation de chaque territoire – et donc le respect de son histoire et de son identité –, et la représentation politique de chaque formation ayant une représentativité effective au sein du peuple polynésien. Les alliances conclues entre les deux tours seront alors choisies par les Polynésiens, et non plus nouées dans leur dos.
Voilà la transparence que nous avons voulu garantir, en proposant la réforme du mode de scrutin. Voilà pourquoi je suis opposé, non seulement à l'amendement de suppression, mais aussi à l'amendement n° 113, qui prévoit une circonscription unique, effaçant cette spécificité de la Polynésie.
D'ailleurs, que voulez-vous faire, monsieur Le Roux et monsieur Dosière ? Vous voulez régionaliser la Polynésie française ? Tout à l'heure, monsieur Dosière, lors de la présentation de la motion de renvoi en commission, je vous ai surpris à énoncer quelque chose qui est une insulte à l'égard de la Polynésie française. Vous avez dit que « les chambres régionales des comptes dont les contrôles s'appliquent en France à tous les présidents de conseil régionaux ». Permettez-moi de vous dire que la Polynésie française, c'est aussi la France, monsieur Dosière ! Or vous avez dit « en France ».
Là, je vous prends la main dans le sac, puisque vous proposez de régionaliser, par le biais de cet amendement. Certains nous accusaient de vouloir départementaliser. Vous, vous voulez régionaliser la Polynésie française ! Les Polynésiens, voyez-vous, ne veulent être ni départementalisés…
…ni régionalisés. C'est bien la raison pour laquelle le Gouvernement ne peut pas être favorable à votre amendement.
Je voudrais faire observer à l'Assemblée que, s'agissant du mode de scrutin proposé, dont l'objectif est d'assurer la stabilité des institutions, le rapporteur a fait preuve, cette fois-ci, d'une grande humilité. Je lui en suis reconnaissant. Il est vrai qu'après avoir dit tout le bien qu'il pensait du mode de scrutin de 2004, et ayant constaté le résultat, il se montre désormais – instruit par l'expérience – beaucoup plus prudent.
Mais remarquons que rapporteur ne sait pas lui-même avec certitude si ce mode de scrutin permettra de dégager une majorité. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons proposé une alternative.
Monsieur le secrétaire d'État, quand nos collègues socialistes du Sénat critiquaient votre texte, vous leur avez rétorqué qu'ils ne proposaient rien du tout ! Eh bien, nous vous démontrons que les socialistes sont capables de faire des propositions. Mais il ne faut pas les caricaturer.
Notre proposition, présentée par Bruno Le Roux, ne prévoit de circonscription unique que pour déterminer la majorité ! En revanche, pour la répartition des sièges – c'est-à-dire pour les élus – nous maintenons absolument chacune des six circonscriptions rebaptisées sections. Autrement dit, notre mode de scrutin permet de dégager une majorité à l'échelle de la Polynésie, tout en permettant à chaque archipel de conserver un nombre d'élus comme aujourd'hui.
Nous l'avons volontairement rappelé à deux reprises dans le texte de notre amendement, pour qu'il n'y ait pas d'équivoque. Peut-être pourrait-on encore réfléchir, approfondir le sujet, pour éviter quelques distorsions. En tout cas, nous montrons qu'il existe d'autres pistes. Avec le mode de scrutin que nous proposons, on est sûr d'obtenir une majorité ; avec le vôtre, ce n'est pas le cas. L'avenir nous permettra de vérifier la pertinence des propos des uns et des autres.
Monsieur Dosière, je ne fais pas tant preuve d'humilité que d'un peu de connaissance de la science politique. On peut réunir les meilleurs ingrédients possibles pour qu'ils concourent à dégager une majorité. Mais il n'existe pas de certitude en la matière : le résultat est connu le soir des élections, rarement avant – en tout cas dans la majorité.
S'agissant du scrutin régional que vous proposez, il se heurte à une objection majeure bien expliquée par M. le secrétaire d'État : les Polynésiens sont profondément attachés à la spécificité de leurs archipels, et le respect des circonscriptions électorales constitue un élément essentiel. L'ensemble de la classe politique polynésienne y est profondément attachée.
Compte tenu du poids spécifique de Tahiti – c'est-à-dire des îles du Vent – votre proposition de transposition du scrutin régional français métropolitain conduirait à faire élire les représentants des Marquises en tenant compte des résultats obtenus dans les îles du Vent. J'imagine que, si les îles du Vent avaient une représentation contraire au vote des Marquisiens, ces derniers en éprouveraient un plaisir immense !
On peut transposer, circonscription par circonscription, la difficulté que vous soulevez en proposant ce système. On y avait pensé aussi, soyez-en convaincus ! Un scrutin à un tour, avec une circonscription unique et une grosse prime majoritaire, c'est ce qu'on a trouvé de mieux pour assurer une majorité ! Donc, nous ne sommes pas aussi sots que vous l'imaginez : nous y avons pensé aussi ! Mais on ne peut pas appliquer ce système, sinon, on se heurte à des difficultés.
Le scrutin de 2004 a bien montré les inconvénients de la répartition de la prime majoritaire. La formule que vous proposez aboutirait à faire élire dans certaines sections des candidats qui ne représenteraient pas la volonté des électeurs. Ce qui serait quand même le comble et conduirait probablement à un rejet des élus issus de ce scrutin, de la part des archipels. Ce n'est pas ce que nous recherchons en matière de stabilité.
Un scrutin à deux tours, des seuils modérés mais bien réels, la possibilité de se regrouper et de disposer de quinze jours pour discuter : voilà, après mûre réflexion, des dispositions qui semblent sages et devraient – je le dis avec toute la prudence requise – permettre d'aboutir au résultat que nous recherchons.
Nous sommes au coeur du sujet, mais ces points ont déjà été largement débattus lors de la discussion générale. Je demande donc à chacun d'être plus concis.
La parole est à M. Bruno Le Roux.
Il s'agit d'un article important, monsieur le président, et, lors de la discussion générale, nous ne sommes pas entrés dans des considérations techniques.
Je pourrais d'ailleurs le faire, car les propositions que nous faisons, monsieur le rapporteur, ne contiennent absolument aucune ambiguïté. Les six circonscriptions doivent bien entendu être maintenues. La question est de savoir si elles doivent contribuer à un éclatement de l'offre électorale suivi d'une recherche d'accords, ou si la représentation de ces six circonscriptions doit, une fois qu'elle est assurée, donner lieu à la constitution d'un bloc électoral ayant un projet, ce qui favorise l'unité politique de la Polynésie.
Un tel mode de scrutin existe : c'est celui que nous proposons. Je pourrais le détailler à l'envi : il permet, grâce à un premier quotient électoral, de définir une répartition pour le deuxième tour issue de la liste arrivée en tête au premier tour – et l'on peut discuter du niveau de la prime attribuée à ceux qui sont arrivés en tête. Une deuxième distribution s'effectue ensuite à partir d'un quotient électoral calculé selon le vote de chacun des archipels, de façon à garantir une bonne représentation – un certain nombre de sièges étant assurés pour chaque archipel selon les résultats obtenus dans chacun d'entre eux. Bref, si vous aviez pris le temps d'ouvrir une discussion sur le mode de scrutin, nous aurions pu en trouver un qui assure la stabilité.
On peut toujours caricaturer un mode de scrutin pour dire qu'il ne permettra pas d'atteindre les objectifs fixés. Mais celui que nous proposons préserve les six circonscriptions électorales. Il les ramène dans le cadre d'une liste unique assurant à la fois la représentation géographique et l'unité politique, tout en permettant de dégager, au bout du compte, une majorité correspondant au vote des citoyens, et non une majorité de troisième tour. Il serait utile que le mode de scrutin respecte le choix des Polynésiens le soir du vote, de façon que le pouvoir revienne à la formation qu'ils ont placée en tête, et non à des alliances de circonstance, comme on l'a vu trop souvent en Polynésie.
Nous avons certes beaucoup évoqué cet article lors de la discussion générale, mais nous débattons à présent du détail.
Pour ce qui concerne l'instabilité, j'observe qu'elle est beaucoup moins contestée que tout à l'heure, et c'est tant mieux.
Je souhaitais reprendre quelques déclarations de nos collègues socialistes. Au début de 2007, alors que nous parlions de la Polynésie française – M. Temaru n'était alors pas au pouvoir –, M. Dosière déclarait que « l'instabilité politique constatée en Polynésie n'[était] pas seulement liée au mode de scrutin » : c'est vrai, mais cela sous-entend donc que le mode de scrutin y contribuait, et surtout que l'instabilité existait. Celle-ci aurait-elle donc disparu aujourd'hui pour la seule raison que M. Temaru est au pouvoir ?
En 2004, alors que nous discutions du mode de scrutin alors imposé par M. Flosse et modifié depuis, vous déclariez, monsieur Dosière, que le système des circonscriptions adopté – que vous reprenez sans le modifier, monsieur Le Roux – aurait, « si le Sénat avait pu procéder à une analyse », abouti « à aggraver les inégalités de représentation démographique entre les archipels ». Or vous reprenez ce découpage sans le modifier, et M. Roman disait tout à l'heure qu'il trouvait grâce à ses yeux. À l'époque, M. Dosière affirmait, à juste titre, que « le nouveau découpage aggrave les écarts entre les circonscriptions, ce qui est tout à fait contraire aux règles fondamentales retenues par le Conseil constitutionnel en la matière ».
Je suis encore plus étonné quant à la prime, au sujet de laquelle vous déclariez alors : « Autrement dit, ce mode de scrutin aboutit clairement à une bipolarisation de la vie politique polynésienne, ce qui […] entrave l'expression de nouveaux courants d'idées et d'opinions. »
Je ne vois pas pourquoi, monsieur le président, je parlerai moins que mes collègues : nous discutons de deux amendements…
Je vais m'y efforcer comme tout à l'heure, mais il faut bien que nos débats, qui sont lus, regardés et écoutés en Polynésie, aient lieu. Les volte-face auxquelles nous assistons ont des visées purement électoralistes, dans l'optique des échéances prochaines.
M. Dosière déclarait aussi : « Ce qui me paraît le plus contestable, c'est qu'une prime majoritaire vienne s'inscrire dans ce mode de scrutin. » Or c'est justement ce que vous demandez aujourd'hui ! Ce qui en 2004 vous paraissait le plus discutable, c'est ce que vous exigez à la fin de 2007, alors même que cette disposition, que nous avons combattue ensemble, a fait la preuve de sa nocivité.
M. le secrétaire d'État a rappelé tout à l'heure que vous suggériez au début de cette année un mode de scrutin à deux tours, qui à la vérité ne me convainquait d'ailleurs pas. L'instabilité politique ne doit pas s'accompagner de l'inconstance des positions politiques.
Pour être aussi franc que vous, monsieur le secrétaire d'État, je ne suis pas du tout convaincu que le mode de scrutin que vous proposez permettra la stabilité politique. Mais, pour ce faire, je ne connais que deux modes de scrutin possibles.
Le premier est un scrutin régional qui efface les circonscriptions et aboutit à ce que M. le rapporteur évoquait tout à l'heure : aux Tuamotu-Gambier, deux candidats sur trois seront élus en contradiction avec le vote des habitants. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) À moins que Bruno Le Roux ne nous propose une tambouille électorale telle qu'elle serait inconstitutionnelle : le Conseil constitutionnel estime en général que les électeurs doivent à peu près comprendre – ce que nous n'étions sans doute pas tous en mesure de faire s'agissant du système décrit tout à l'heure –…
…qui sera élu par leurs suffrages.
Second mode de scrutin possible : le scrutin majoritaire uninominal, lequel, pour le coup, laminerait les spécificités politiques locales.
Bref, il n'est pas de système électoral parfait en Polynésie. Nous verrons bien si l'équilibre que vous proposez fonctionne, avec ce mode de scrutin qui, grâce aux deux tours, oblige les candidats à passer des alliances devant les électeurs et, dans le fonctionnement de l'assemblée de Polynésie, prévoit des freins contre les changements de camp et l'instabilité, afin que des majorités se dégagent,…
…non pour renverser le pouvoir en place, mais pour en installer un autre au service des Polynésiens.
Cet équilibre-là vaudrait bien mieux que ce que nous avons vu dans le passé.
L'amendement n° 113 a été défendu.
La commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.
Je mets aux voix l'amendement n° 113.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 80.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le soutenir.
La défense de cet amendement sera plus rapide.
Le Sénat a modifié la disposition du projet initial du Gouvernement quant à la possibilité pour une liste de se maintenir lors des élections territoriales. Le seuil est passé à 12,5 % des suffrages exprimés ; je considère pour ma part que le seuil de 10 % serait préférable.
Le projet de loi modifié par le Sénat prévoit par ailleurs qu'il faut obtenir 5 % des suffrages exprimés pour fusionner ou participer à la répartition des sièges.
Vous proposez, pour qu'une liste puisse participer au second tour, le seuil de 12,5 % des suffrages exprimés : les députés que nous sommes connaissent bien la différence avec les inscrits, puisque notre élection est régie par ces derniers. Toutefois, je le répète, le seuil de 10 % me paraît préférable dans la mesure où il alignerait le mode de scrutin des élections territoriales, non seulement sur celui des municipales en Polynésie, mais aussi sur celui de toutes les collectivités territoriales de notre pays.
La commission a émis, comme je le lui ai proposé, un avis défavorable à cet amendement.
Le Sénat, comme vient de l'indiquer M. Lagarde, a proposé de relever légèrement le seuil de 10 à 12,5 % des suffrages exprimés. L'idée est d'inciter les formations politiques à se regrouper afin d'éviter l'émiettement. Cela me paraît donc pertinent.
S'agissant d'un projet de loi organique, il serait préférable, afin d'éviter des complications procédurales, que l'Assemblée et le Sénat soient d'accord.
Puisque nous sommes dans un mode de scrutin à deux tours, le point essentiel est le seuil qui permet, à l'issue des résultats du premier tour, de participer aux fusions pour le deuxième. Ce seuil, raisonnable puisqu'il s'agit des exprimés et non des inscrits, est de 5 % : ceux qui l'auront franchi auront à choisir leurs alliés pour le deuxième tour. Or, s'il est bien un objectif que nous poursuivons avec ce texte, c'est que des alliances se nouent entre les deux tours.
Si, par ailleurs, le plafond de qualification des listes pour le second tour est trop faible, de sorte que l'on puisse constituer deux, trois, quatre ou cinq formations, rien ne sera réglé. L'intérêt est que les alliances se fassent entre les deux tours, devant les électeurs et en toute transparence. Voilà pourquoi la proposition du Sénat me paraît raisonnable. En outre, elle respecte la proposition de l'assemblée de Polynésie française, qui, dès lors que ces seuils étaient retenus, ne voyait plus aucun inconvénient au nouveau mode de scrutin.
Je n'ai pas sous les yeux l'avis de l'assemblée de Polynésie, mais j'ai le mien en tête. (Sourires.)
Le passage de 10 à 12,5 %...
Il me semble que l'assemblée de la Polynésie française souhaitait retenir le seuil de 12,5 % des électeurs inscrits – et non des suffrages exprimés – pour être présent au second tour : vous voyez, monsieur le secrétaire d'État, que l'on ne peut pas faire dire n'importe quoi au texte ! Celui-ci prévoit un seuil de 12,5 % des suffrages exprimés. Vous prétendez favoriser la constitution d'une majorité stable, mais vous venez d'avouer que le texte vise à encourager les accords et les regroupements. Voilà qui n'est guère rassurant quant à la capacité de dégager des majorités ! Il existe des modes de scrutin qui permettent de le faire plus clairement, et de constituer ces majorités, non dans le brouhaha du deuxième tour, mais dès le premier, où l'on assume ensemble, et de manière cohérente, des accords politiques.
Vous êtes pris en flagrant délit, monsieur le secrétaire d'État : vous prenez avec ce texte vos désirs pour la réalité des demandes de l'assemblée de Polynésie, laquelle, je le répète, préconisait un seuil de 12,5 % des électeurs inscrits.
Je suis saisi de deux amendements, nos 103 et 6, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. René Dosière, pour défendre l'amendement n° 103.
Cet amendement tire la leçon de l'existence de six circonscriptions et des déséquilibres en sièges qui peuvent en résulter.
Il résulte également de ce qui s'est passé récemment en Polynésie : l'annulation du scrutin dans la circonscription des îles du Vent, qui est la plus peuplée, a conduit l'assemblée de Polynésie à siéger, pendant les trois mois que durent les élections, alors que la majorité de ses membres n'étaient plus présents – non seulement la majorité quantitative, mais également la majorité qualitative. (Sourires.) Or, durant cette période, elle a été amenée à voter le budget de la Polynésie ! Nous étions dans une situation pour le moins surprenante.
Cette anomalie n'avait pas échappé à notre ancienne collègue Béatrice Vernaudon, qui, malheureusement, n'est plus parmi nous – je dis « malheureusement » parce qu'elle avait beaucoup de bon sens, et suffisamment le souci de l'intérêt général pour que son parti refuse de l'investir. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Par l'amendement n° 103, nous proposons, en cas d'annulation des élections – ce qui se produit régulièrement en Polynésie – que ce soit dans les îles du Vent ou dans d'autres circonscriptions, de procéder obligatoirement à des élections générales, et non à des élections partielles, si cette annulation concerne au moins un tiers des sièges.
La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 103 et défendre l'amendement n° 6.
Je suis défavorable à l'amendement n° 103, qui vise exclusivement l'annulation d'élections dans les îles du Vent, puisque ce sont les seules qui peuvent représenter un tiers des sièges : l'assemblée de Polynésie compte en effet cinquante-sept sièges – trente-sept pour les îles du Vent, vingt pour les archipels. Si je compte bien, vingt ne pouvant être le tiers de cinquante-sept, seules les îles du Vent peuvent être concernées.
Pourquoi vingt sièges ne pourraient-ils pas constituer le tiers de l'assemblée ?
Si une irrégularité justifie une annulation dans les îles du Vent, pourquoi annuler les élections aux Marquises ?
Si des irrégularités le justifient, il appartiendra au juge de l'apprécier, mais je ne vois pas pourquoi l'annulation des élections dans les îles Australes entraînerait nécessairement l'annulation de celles des îles Marquises !
Cette idée est extravagante – je n'ose pas la qualifier de farfelue, de peur d'être désobligeant – et c'est pourquoi la commission a repoussé cet amendement, dont nous ne comprenons pas la finalité.
L'amendement n° 6, quant à lui, vise à transposer aux élections partielles le scrutin tel que nous le propose l'article du Gouvernement, amendé par le Sénat, retenu pour les élections générales. Dans le cas de l'annulation d'une élection à la suite d'une décision judiciaire, il est légitime que l'élection se déroule sous le régime général, c'est-à-dire un scrutin à deux tours, avec les seuils que nous venons d'adopter.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements en discussion ?
M. Dosière voudrait faire subir une sanction pour fraude électorale à toutes les circonscriptions qui ont scrupuleusement respecté la régularité du scrutin. Le Gouvernement juge cela inacceptable. En revanche, il est favorable à l'amendement n° 6 de la commission.
Je reviens en quelques mots sur les propos du rapporteur, qui frisent la désobligeance. Je précise que je ne l'ai pas traité de sot tout à l'heure, et que l'idée ne m'a même pas effleuré.
Cela étant dit, je voudrais préciser à M. le secrétaire d'État, qui évoquait le scrutin à deux tours, que, si j'ai fini par être convaincu qu'en Polynésie un scrutin à un tour pouvait être préférable à un scrutin à deux tours, c'est parce qu'un observateur attentif de la vie politique océanienne m'a expliqué qu'en Océanie les vrais ralliements se font après les résultats des élections. Autrement dit, il n'est pas certain qu'une coalition formée entre les deux tours subsiste après le deuxième.
Je ne suis pas suffisamment informé de la vie politique en Océanie pour trancher ce point. Je me contente de livrer au Gouvernement et à l'Assemblée une information émanant d'un spécialiste de la vie politique océanienne.
Je mets aux voix l'article 3, modifié par l'amendement n° 6.
(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 97, portant article additionnel après l'article 3.
La parole est à M. Bruno Sandras, pour soutenir cet amendement.
Bien que la rédaction de cet amendement soit un peu longue, je serai très bref. Vous l'avez compris dans mon intervention liminaire, je tiens particulièrement à cet amendement. Pour l'anecdote, je dirais que c'est un peu mon bébé. (Sourires.)
Pendant la campagne législative, alors que M. Gaston Tong Sang était encore au pouvoir et que nous n'étions pas dans la situation actuelle, cette question préoccupait beaucoup la classe politique et l'opinion publique en Polynésie. J'ai dit que, si j'étais élu, je proposerais à la représentation nationale un texte interdisant aux élus de changer de camp après leur élection.
Selon un sondage réalisé par un journal de l'opposition, plus de la moitié des Polynésiens avaient trouvé l'idée géniale. C'est la raison pour laquelle je vous propose cet amendement. Je ne me fais pas beaucoup d'illusions sur son devenir, d'autant, monsieur le secrétaire d'État, que j'ai compris que vous doutiez de la parfaite légalité de ce dispositif.
Je vous rappelle néanmoins – je parle sous le contrôle de mes collègues de Nouvelle-Calédonie – que ce mécanisme existe déjà en Calédonie pour destituer un membre du Gouvernement avec l'accord du groupe politique du Congrès auquel il appartient.
Telle est, brièvement exposée, la philosophie de cet amendement.
La commission n'a pas examiné cet amendement. À titre personnel, je suis intéressé, mais réservé. Le sujet mériterait d'être creusé.
Paradoxalement, si l'amendement peut concourir à la stabilité politique en dissuadant celui qui voudrait changer de groupe par caprice, il peut tout aussi bien être un facteur d'instabilité, dans la mesure où il ne contribue pas à la fixation d'une majorité ferme. Je pense, pour ma part, qu'il serait préférable que notre collègue retire son amendement.
Sincèrement, monsieur Sandras, c'est un amendement très intéressant et, j'en conviens, il contribuerait à clarifier l'exercice de la démocratie locale. Mais, s'il était adopté en l'état, il serait, j'en suis à peu près convaincu, sanctionné par le Conseil constitutionnel. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le cas est différent de celui de la Nouvelle-Calédonie, où il s'agit d'un membre du Gouvernement. Votre amendement concerne les membres élus par le corps électoral polynésien, qui tiennent leur légitimité du suffrage universel.
C'est un risque que je ne prendrai pas, mais comme le rapporteur, je considère que le sujet mérite réflexion, et cela va bien au-delà du secrétaire d'État chargé de l'outre-mer puisque les membres de la représentation nationale qui le souhaitent pourront le faire dans le cadre de la réforme institutionnelle à venir.
Ce soir, je ne peux que donner un avis défavorable à cet amendement et je vous invite en conséquence, cher monsieur Sandras, à le retirer. Mais sachez que je salue sa crédibilité et le considère avec beaucoup de respect. Si une telle disposition existait dans notre droit, cela éviterait un certain nombre de déconvenues dans l'exercice de la démocratie locale. Cependant, en l'état actuel de notre droit, il est difficile à un membre du Gouvernement de donner un avis favorable à un tel amendement.
Mon cher collègue, retirez-vous votre amendement, comme vous le suggère M. le secrétaire d'État ?
Mes électeurs de Polynésie ne vont pas être contents, mais je le retire.
L'amendement est repris, mais, puisqu'il a déjà été défendu, je vais le mettre immédiatement aux voix.
L'amendement a été défendu. Il doit donc être mis aux voix sans autre débat !
Sur l'article 4, je suis saisi d'un amendement n° 7.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
Avis favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 8.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Même avis que la commission.
Monsieur le président, il s'agit d'un texte pour lequel peu de parlementaires sont totalement investis. Nous souhaitons exposer un certain nombre de nos idées, expliquer pourquoi, par exemple, nous reprenons un amendement, ce que vous ne nous avez pas permis de faire alors que nous avions le droit de répondre au Gouvernement. Je vous le dis très clairement : si la séance se déroule de cette façon, nous demanderons des suspensions de séance.
Je vous donnerai la parole après que M. le rapporteur aura présenté son prochain amendement.
Je suis saisi d'un amendement n° 9.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement vise à autoriser l'assemblée polynésienne à décider, à la majorité absolue de ses membres, de renouveler la totalité de son bureau, président compris, après une élection partielle.
L'arrivée de nouveaux représentants pouvant modifier l'équilibre politique de l'assemblée de la Polynésie française, il est apparu logique et cohérent à la commission des lois de tirer les conséquences de la volonté populaire sans attendre la date anniversaire de l'élection du président de l'assemblée, ce qui n'est pas le cas dans le texte actuel, selon lequel le président est élu pour cinq ans.
Avis favorable.
Je vous remercie, monsieur le président, mais ce n'est plus nécessaire !
Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 5, je suis saisi d'un amendement n° 10.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
Avis favorable.
Je suis saisi de deux amendements, nos 81 et 11, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement n° 81.
J'observe que l'amendement de M. le rapporteur poursuit un objectif contraire à celui que je défends.
De nombreuses motions de censure ont été déposées en Polynésie française au cours de ces dernières années, la plupart ayant pour but de retarder telle ou telle décision politique, et non d'être adoptées. Il apparaît donc nécessaire de limiter, comme c'est le cas dans notre assemblée, la possibilité de déposer des motions de censure. C'est pourquoi je propose qu'elles soient signées, non plus par le tiers des membres de l'assemblée, proportion actuellement requise, mais par les deux cinquièmes.
Je défendrai également des amendements de cohérence visant à limiter le nombre des motions de censure pouvant être déposées au cours d'une même année.
La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 81 et soutenir l'amendement n° 11.
Je suis défavorable à l'amendement n° 81, car exiger que le nombre minimal de membres de l'assemblée de Polynésie soit fixé à 40 % pour le simple dépôt d'une motion est excessif. Il vaut mieux avoir un débat à l'assemblée plutôt que des manifestations dans la rue.
Le Sénat avait proposé de fixer le seuil de signatures au tiers des membres de l'assemblée. L'amendement n° 11 vise à le ramener au quart, ce qui introduit de la souplesse, en permettant à 25 % des représentants de l'assemblée de déposer une motion de défiance. C'est un compromis entre le texte initial du projet – un cinquième – et celui du Sénat.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements en discussion ?
Pour les mêmes raisons que le rapporteur, j'estime, monsieur Lagarde, qu'il vaut mieux permettre à l'assemblée de débattre chaque fois qu'elle souhaitera se saisir de cette opportunité. Si nous voulons éviter les situations conflictuelles à l'extérieur, mieux vaut permettre aux antagonismes de s'exprimer à l'intérieur de l'assemblée.
Voilà pourquoi je suis défavorable à votre amendement et favorable à celui de la commission.
Je suis saisi d'un amendement n° 82.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le soutenir.
L'amendement n° 82 est retiré.
Je suis saisi d'un amendement n° 93.
La parole est à M. Bruno Sandras, pour le soutenir.
Cet amendement vise à étendre le nombre de cas où un représentant peut déposer une motion de censure au cours d'une même année. Le chiffre de « deux » retenu actuellement étant trop restrictif, je propose de le porter à « quatre ».
Défavorable.
Le nombre de signataires a déjà été réduit et il paraît raisonnable de limiter à deux par représentant et par an le nombre de motions déposées. On ne peut pas assouplir le dispositif des deux côtés !
Même avis que celui de la commission.
Je suis saisi d'un amendement n° 115.
Comme il s'agit d'un amendement de repli, monsieur Sandras, puis-je considérer qu'il est défendu ?
Je suis saisi d'un amendement n° 12.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je suis saisi d'un amendement n° 102.
La parole est à M. René Dosière, pour le soutenir.
Étant donné l'intérêt que les Polynésiens portent à nos débats, je crois utile de leur expliquer ce que signifie le dispositif retenu par le Gouvernement. Bien qu'il reprenne un amendement que j'avais présenté dans le cadre d'un texte portant sur les conseils régionaux, je ne réclamerai pas de droits d'auteur ! (Sourires.)
Monsieur le secrétaire d'État, cette fois, ce n'est pas moi qui envisage de régionaliser les dispositifs de la Polynésie, c'est vous !
Il s'agit de permettre au président de la Polynésie de faire adopter son budget sans vote, sauf adoption d'une motion de renvoi qui doit destituer le président en exercice et en proposer un nouveau. Ce dispositif très contraignant a été mis en place dans les conseils régionaux, parce que ceux-ci ne disposaient pas de majorité en leur sein. Il fallait pourtant que les budgets puissent être votés…
…d'autant que ceux-ci alimentent le budget des autres collectivités et le budget de l'État. C'était l'unique objet de ce dispositif. Mais nous avions précisé qu'il ne pouvait être mis en place qu'en cas d'absence de majorité et que, dès lors que le mode de scrutin des élections régionales aurait été modifié, il n'aurait plus lieu d'être.
Reconnaissez, monsieur le secrétaire d'État, que vous êtes à peu près certain de ne pas disposer d'une majorité, en mettant en place un dispositif qui n'a pas d'autre objet que celui-ci. Si l'on avait utilisé le mode de scrutin que nous proposions, il aurait permis de dégager une majorité, et vous n'auriez pas eu besoin d'un dispositif aussi peu démocratique. Voilà pourquoi nous proposons de le supprimer. Ou vous avez confiance dans votre texte et il n'est nul besoin de ce dispositif, ou bien vous n'êtes pas certain des effets que produira le projet de loi.
Ce n'est pas une question de confiance, mon cher collègue, mais de volonté. Nous voulons renforcer la stabilité en Polynésie et nous entendons nous doter de tous les moyens possibles pour stabiliser les majorités – motion de défiance et motion de renvoi. Plaise au Ciel que cette dernière ne serve jamais, mais le fait qu'elle existe est une garantie supplémentaire.
Le dispositif vise en effet à renforcer la stabilité.
C'est l'opposition actuelle qui a décidé, dans les années quatre-vingt-dix-huit, d'appliquer ce dispositif original aux conseils régionaux. Il a le mérite de favoriser les compromis. Je rappelle que cette disposition existe aujourd'hui au sein de l'assemblée de Corse…
…et qu'aucune motion de censure n'y a été adoptée, malgré l'absence de majorité. La raison en est que les élus recherchent généralement le compromis. Contrairement à vous, j'estime que cette disposition a eu – et aura – des effets constructifs.
Je suis saisi d'un amendement n° 13.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
C'est un amendement de précision.
Le renvoi explicite à l'article 140 du statut prévoyant les « lois du pays » aura pour effet de renforcer la transparence, en indiquant que le projet de budget doit être accompagné d'un exposé des motifs, comme le prévoit l'article 141 du même statut.
Je suis saisi d'un amendement n° 14.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Nous en venons à un amendement n° 15.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je suis saisi de deux amendements, nos 16 et 83, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 16.
Cet amendement vise à porter de un cinquième à un quart des membres de l'assemblée polynésienne le nombre minimal de signataires exigé pour le dépôt d'une motion de renvoi, par cohérence avec le choix d'un tel seuil pour le dépôt d'une motion de défiance.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement n° 83.
La question a déjà été tranchée en commission : mon amendement y a été repoussé.
Favorable à l'amendement de la commission, mais défavorable à celui de M. Lagarde.
En conséquence, l'amendement n° 83 tombe.
Je suis saisi d'un amendement n° 17.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je suis saisi d'un amendement n° 18.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je suis saisi d'un amendement n° 19 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je mets aux voix l'amendement n° 19 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 20.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je suis saisi d'un amendement n° 21.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je suis saisi d'un amendement n° 22 deuxième rectification.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement vise à accélérer la publication et la promulgation des « lois du pays » à caractère fiscal en cas d'adoption de la motion de renvoi et à permettre la saisine du Conseil d'État au titre d'un « contrôle juridictionnel spécifique » dès la publication de leur acte de promulgation, alors qu'en vertu de l'article 180 du statut, les « lois du pays » ne sont actuellement « susceptibles d'aucun recours par voie d'action après leur promulgation ». Nous concilierons ainsi l'urgence budgétaire avec le droit au recours et le respect de la hiérarchie des normes.
Je mets aux voix l'amendement n° 22 deuxième rectification.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 89.
La parole est à M. Bruno Sandras, pour le soutenir.
Je mets aux voix l'article 5, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 106, tendant à supprimer l'article 6.
La parole est à M. René Dosière, pour défendre cet amendement.
L'article 6 est important. C'est d'ailleurs l'un de ceux qui font que le groupe SRC ne votera pas ce texte. M. le secrétaire d'État semble croire que nous n'apprécions pas ce qu'il peut y avoir de positif dans ce projet, mais certaines mesures nous paraissent inacceptables.
Pour une meilleure compréhension, je vais repréciser l'article 157 de la loi organique du 27 février 2004, que vise à modifier l'article 6. Cet article dispose que, lorsque le fonctionnement des institutions de la Polynésie française se révèle impossible, l'assemblée de la Polynésie française peut être dissoute par décret motivé du Président de la République, délibéré en Conseil des ministres, après avis du président de l'assemblée de la Polynésie française et du président de la Polynésie française. L'assemblée de la Polynésie française peut également être dissoute par décret du Président de la République, délibéré en Conseil des ministres, à la demande du gouvernement de la Polynésie française. La décision est ensuite notifiée.
L'article 6 tend à modifier ce dispositif en autorisant le Président de la République à « renouveler » l'assemblée avant le terme de son mandat, sans la dissoudre pour autant. Cette disposition est inacceptable. Je ne vois pas au nom de quoi le Parlement pourrait dissoudre une assemblée légitimement élue – car c'est bien de cela qu'il s'agit, le reste n'est qu'une question de terminologie. Le texte le montre aujourd'hui, si le Président de la République considère, après le vote de ce statut, qu'il faut procéder à une dissolution, il devra avoir au moins le courage de dissoudre l'assemblée de la Polynésie, comme l'avait fait son prédécesseur en 2004 !
Défavorable.
Je n'ai jamais considéré que rendre la parole au peuple était infamant, bien au contraire ! L'idée est d'éviter les situations de crise. Les dispositions en vigueur permettent déjà – en cas de blocage du fonctionnement des institutions – une dissolution sous contrôle juridictionnel, à l'image du droit commun applicable à toutes les collectivités locales. Quand un conseil municipal ne fonctionne pas, le Président de la République peut, après délibération en Conseil des ministres, le dissoudre, sous contrôle juridictionnel du Conseil d'État.
Mais la disposition proposée par l'article 6 est différente. L'idée est de donner au gouvernement de la Polynésie française la possibilité de retourner devant les électeurs afin de laisser ces derniers arbitrer un conflit politique. Comment critiquer pareille disposition ! Je ne connais rien de plus démocratique.
La demande formulée par le gouvernement polynésien n'est valable que pour une durée de trois mois. Au terme de ce délai, le silence du Président de la République constitue un rejet implicite, mais le gouvernement local peut former une autre demande. Le contexte politique est donc apprécié à la fois par le gouvernement de la Polynésie, à l'origine de la demande, et par le Président de la République, qui décide ou non d'y accéder.
Contrairement à la dissolution, le renouvellement anticipé ne vise pas à dénouer un éventuel blocage des institutions, mais une crise politique. Autre différence intéressante : l'assemblée de Polynésie pourra poursuivre ses activités jusqu'à l'installation de la nouvelle assemblée élue. Il n'y a donc pas de rupture de la vie publique.
Ce système est un moyen à la fois souple et très démocratique d'arbitrer un conflit politique sans mettre en difficulté le fonctionnement des institutions. La commission est donc défavorable à sa suppression.
Un peu d'histoire : on nous demande une dissolution. Si le Président de la République prononce une dissolution, c'est un acte politique. On répond à une demande politique par un acte politique. Peut-on se permettre, dans une démocratie comme la nôtre, de dissoudre une assemblée qui a une légitimité et qui fonctionne, sur un simple geste politique ?
Par contre, si l'on constate une instabilité ou une incapacité du pays à poursuivre son développement économique et social, il convient d'y remédier en toute transparence. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de soumettre au Parlement le choix d'abréger le mandat de l'assemblée de Polynésie française après avoir modifié les règles du jeu institutionnel.
Je suis donc un peu surpris de constater qu'après avoir dénoncé le clientélisme et la corruption, l'opposition refuse aux Polynésiens la possibilité de choisir une nouvelle assemblée, fonctionnant sur de nouvelles bases, dans la transparence et avec un meilleur contrôle de la gestion publique.
M. le secrétaire d'État opère une curieuse distinction. Dans un premier temps, il affirme que l'assemblée fonctionne et qu'il n'y a aucune raison de la dissoudre ; puis, il indique que cela ne correspond pas à ce qu'il souhaite au plan politique. Il nous demande d'abréger le mandat des représentants polynésiens parce qu'il ne parvient pas à travailler avec eux.
Vous préférez le clientélisme et la corruption ?
Je ne défendrai pas M. Tong Sang ici, mais je trouve que vous l'attaquez fortement ! Tout à l'heure, déjà, lorsque vous évoquiez la question des subventions et du clientélisme, j'avais cru que vous faisiez référence à des faits précis.
Vous voulez revenir au système de 2004 ?
Si la situation est aussi bloquée que vous l'affirmez, il faut bien entendu dissoudre l'assemblée. Mais les dispositions que vous cherchez à faire adopter visent surtout à ce qu'une majorité plus conforme à vos voeux puisse émerger demain en Polynésie. C'est une duperie.
Par contre, je vous concède que le peuple polynésien veut aujourd'hui voter, et qu'il veut le faire dans de bonnes conditions. Il faut donc un mode de scrutin clair, afin que le choix final soit lui-même sans équivoque. Mais le contenu de ce texte et vos déclarations ne nous conduisent pas à la certitude que vous respecterez, demain, le choix du peuple polynésien.
Après sept heures et demie de débat, M. Le Roux vient de reconnaître l'essentiel : le peuple polynésien veut voter. Et c'est vrai : il veut voter, parce qu'il considère que l'assemblée actuelle a failli à sa mission et aux mandats qu'il lui avait donnés.
À ce propos, je veux souligner la différence de méthode entre la pratique de l'actuel gouvernement et ce qui s'est passé en 2004. J'ai été surpris d'entendre M. Dosière qualifier de courageuse la décision prise à l'époque par le Président de la République de prononcer – par habitude, peut-être ? – la dissolution de l'assemblée de Polynésie française. En effet, dans cet hémicycle, lorsque nous discutions du projet de loi organique, la ministre en charge de l'outre-mer, Mme Girardin, s'était engagée à ce qu'il n'y ait pas de dissolution.
Au contraire, M. Estrosi vient devant l'Assemblée nationale afin de proposer des modifications statutaires et nous prévient que de nouvelles élections auront lieu, précisément parce que, comme vient de le dire M. Le Roux, le peuple polynésien veut voter. La démarche me paraît beaucoup plus transparente, et je ne vois pas pourquoi on ne ferait pas droit à cette demande.
Vous avez évoqué M. Tong Sang. En ce qui me concerne, je constate que les électeurs, qui ne voulaient plus de Gaston Flosse, ont vu M. Temaru s'allier avec lui afin de reprendre le pouvoir, et je ne suis pas sûr qu'ils veuillent élire les mêmes au risque de voir commettre les mêmes errements.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, inscrit sur l'article 6 bis.
Cet article, introduit par le Sénat, prévoit des dispositions exceptionnelles qui me laissent pour le moins dubitatif. Je ne suis d'ailleurs pas le seul, si j'en crois le rapport de la commission : l'opposition y est tout aussi défavorable, et M. Sandras défendra dans un instant un amendement de suppression.
Il s'agit en effet de permettre au haut-commissaire de se substituer à tout moment aux différentes institutions de la Polynésie française s'il estime qu'elles ne font pas bien leur travail, afin de rétablir le fonctionnement normal des institutions et des services publics ou d'assurer la sécurité de la population, la sauvegarde des intérêts nationaux ou de ceux de la Polynésie, ainsi que le respect des engagements internationaux de la France.
À mon avis, le Sénat a commis une erreur, ne serait-ce que parce qu'une telle disposition risque d'être très mal reçue en Polynésie française. Vous indiquez, monsieur le rapporteur, qu'il ne s'agit pas d'une innovation juridique. Cela existe en effet dans les collectivités qui ne disposent pas de l'autonomie, mais aussi dans deux collectivités qui en ont été dotées très récemment, Saint-Barthélemy et Saint-Martin. La situation y est toutefois radicalement différente, puisqu'une seule collectivité y détient les compétences de la région, du département et des communes. Or tel n'est pas le cas en Polynésie française.
Je m'interroge sur les intentions du Sénat, et j'aimerais que le Gouvernement nous explique pour quelle raison il juge nécessaire de maintenir un article qui, dans un contexte de renouvellement électoral, risque d'être interprété comme une manifestation d'hostilité de la part de la métropole, voire le signe qu'elle souhaite reprendre le contrôle. En outre, il pourrait alimenter les faux débats, qui ont trop souvent pollué la vie politique polynésienne. À défaut d'explication claire, je voterai donc pour la suppression de cette disposition, qui ne se justifie aucunement. À Saint-Martin et Saint-Barthélemy, où la collectivité est unique, il est indispensable que l'État reprenne la main en cas d'errance. Mais en Polynésie, où cohabitent gouvernement, assemblée du territoire et conseils municipaux, un tel risque n'existe pas.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 94 et 108, tendant à supprimer l'article 6 bis.
Pour des raisons que j'ai longuement exposées dans la discussion générale, je demande la suppression de cet article. Et si le rapporteur et le Gouvernement me demandent, comme précédemment, de retirer mon amendement, je ne pourrai malheureusement pas les satisfaire. Pour préparer cette discussion, j'ai pris l'attache des membres du haut conseil de la Polynésie, qui tous partagent mon point de vue. Ce sont des gens sérieux, et vous prévoyez du reste de nommer un président de l'ordre judiciaire administratif pour présider cette institution.
Nous sommes résolument opposés à cet article qui remet gravement en cause l'autonomie de la Polynésie. Si le projet de loi procède à certaines réductions de compétence, celles-ci restent limitées dans l'ensemble, quoi que l'on ait pu en dire. Mais cet article est dangereux par son texte même. Que signifie « lorsque les autorités ont négligé de prendre les décisions qui leur incombent » ? Négligé pendant combien de temps ? Nous sommes dans le flou le plus total. Le représentant de l'État aurait donc très facilement la possibilité de reprendre en main les affaires du pays.
Pour comprendre les motifs de cette disposition, je me suis reporté aux débats du Sénat. J'y ai vu que l'on tentait de la justifier en expliquant que des dispositions analogues s'appliquaient à Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Mais de qui se moque-t-on ? Comment peut-on comparer à ces confettis…
…un territoire aussi vaste que l'Europe et dont chaque archipel possède sa tradition et sa propre culture ? Bien que Saint-Martin et Saint-Barthélemy aient récemment acquis le statut de collectivités d'outre-mer – à titre personnel, je m'y étais d'ailleurs opposé –, ces îles n'ont rien à voir avec la Polynésie, ce sont de simples communes. Or chaque collectivité doit être dotée d'un statut correspondant bien à ses prérogatives. On pourrait juger que Mayotte est dans une situation différente, mais Mayotte est sur la voie de la départementalisation.
Avec cet article, nous sommes dans le paternalisme, voire le colonialisme le plus détestable.
La commission n'est pas favorable à ces amendements.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les explications de nos collègues. Il est vrai qu'avec cet article, l'article 166 de la loi de 2004 est complété de façon consistante.
Mon sentiment profond est que l'article 6 bis représente une contrepartie à l'autonomie donnée à la Polynésie, puis renforcée au fil des années. Il faut relire, dans de la loi de 2004, le texte de l'article 1er du titre Ier – appelé précisément « De l'autonomie » – pour bien le comprendre : « La Polynésie française constitue une collectivité d'outre-mer dont l'autonomie est régie par l'article 74 de la Constitution. » – une garantie très forte. « La Polynésie française se gouverne librement et démocratiquement, par ses représentants élus.
« La République garantit l'autonomie de la Polynésie française. Elle favorise l'évolution de cette autonomie de manière à conduire durablement la Polynésie française au développement économique, social et culturel, dans le respect de ses intérêts propres, de ses spécificités géographiques et de l'identité de sa population. »
Quand on lit cet article, on n'a pas le sentiment que l'État n'a rien confié à la Polynésie. Il lui a reconnu un statut, lequel lui donne une autonomie qui n'est pas de façade, mais qui a un contenu réel. En 2004, peu de collectivités sur le territoire de la République française bénéficiaient d'une telle autonomie. L'autonomie ne signifie pas que rien n'est fait et que la République se désintéresse de la gestion du territoire à qui elle a conféré cette autonomie. Un père de famille qui donne une liberté à ses enfants devenus adolescents ne s'en désintéresse pas pour autant, mais reste en relations avec eux. Il existe une contrepartie à l'appartenance à la République : celle-ci doit intervenir, quand cette autonomie n'est plus exercée, mal exercée ou exercée contrairement aux intérêts des citoyens qui vivent sur le territoire autonome. Dans des cas exceptionnels – carence, mise en demeure non suivie d'effets dans des domaines extrêmement spécifiques qui touchent au fonctionnement normal des institutions, des services publics, à la sécurité des populations, à la sauvegarde des intérêts nationaux et au respect des engagements internationaux de la France –, le haut-commissaire peut se substituer aux autorités polynésiennes. Il ne s'agit donc pas d'interférer dans cette autonomie au quotidien, mais dans ce qu'elle représente de plus fondamental dans sa relation avec la mère patrie. Je m'exprime peut-être dans des termes maladroits, mais je le ressens ainsi.
Je n'avais absolument pas l'impression, en lisant le texte – et plus j'y réfléchis, moins j'en ai le sentiment –, que l'on empiète sur les pouvoirs de la Polynésie. Il s'agit, au contraire, de lui dire qu'elle a la chance d'avoir une autonomie extrêmement forte et qu'elle doit l'utiliser pour se développer, mais que, si, toutefois elle se trouve dans un état de carence avancé, l'État se garde la possibilité – ce qui était déjà prévu par l'article 166 de la loi organique du 27 février 2004, conforté par la loi de 2007 –, après carences répétées et mise en demeure, d'intervenir pour défendre les intérêts de la République au sens large et de la population qui vit sur ces territoires.
C'est ainsi que je l'ai ressenti et c'est pourquoi je défends cet article. Je conçois qu'une première lecture puisse laisser accroire que cette disposition est attentatoire à ce que vous avez de plus cher : la défense de cette autonomie conquise de haute lutte, année après année et statut après statut. Mais je pense que cette garantie forte vous contraindra davantage à considérer que l'autonomie est une opportunité extraordinaire, qu'il faut défendre et faire vivre pour éviter précisément l'intervention du haut- commissaire.
Avant de donner la parole à M. le secrétaire d'État, j'informe l'Assemblée que, sur le vote des amendements de suppression, n°s 94 et 108, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements de suppression ?
J'entends bien les arguments de MM. Lagarde, Sandras et Le Roux. Il ne s'agit en aucun cas d'un pouvoir discrétionnaire, mais d'une procédure très encadrée si on la compare aux pratiques que l'on connaît en métropole, où un préfet peut se substituer à tout instant à un maire pour régler, par exemple, un problème d'insalubrité d'un immeuble. Il est impossible de se retrouver dans une telle situation puisque l'encadrement est clair. Comme l'a rappelé le rapporteur, le haut-commissaire intervient en cas de carence des institutions et après mise en demeure. Lorsqu'il y a mise en demeure, le président ou le gouvernement peut déjà apporter une réponse pour éviter que le haut-commissaire n'ait à intervenir.
Je pose une question très claire à l'Assemblée nationale à laquelle il faudra répondre. Imaginez une épidémie de SRAS. Si le gouvernement polynésien ne prend pas les mesures nécessaires, et ne répond pas à la mise en demeure, le haut-commissaire pourra prendre l'initiative d'agir. En tant que représentant impartial de l'État, je ne courrai jamais le risque, en matière de sécurité sanitaire, de laisser les Polynésiennes et les Polynésiens en position de faiblesse.
Monsieur le secrétaire d'État, que se passe-t-il si, pendant un été, le Gouvernement est pris en délit de carence face à une canicule ? C'est un cas de figure qui peut arriver, qui a pu arriver ! Vous faites planer sur les élus polynésiens une présomption d'incompétence et d'immaturité. Je n'imagine pas que, demain, il puisse y avoir en Polynésie une épidémie de SRAS et qu'ils restent les bras croisés !
Vous faites référence à Saint-Barthélemy et à des territoires totalement différents. Ce texte est très vague. La présomption d'incompétence peut remettre l'autonomie en cause.
Votre réponse nous conforte dans l'idée que vous avez une bien piètre opinion des différentes collectivités, du gouvernement et de l'assemblée de Polynésie. Cet article est donc particulièrement dangereux.
Et je la prends avec la fermeté nécessaire !
Il y a bien eu une épidémie de SRAS en Polynésie française. Le haut-commissaire s'en est inquiété. Malheureusement, le gouvernement de M. Temaru n'a pas pris immédiatement, comme l'urgence l'imposait, les dispositions, mais après que l'épidémie eut gagné du terrain. Dans de telles circonstances, il est du devoir de la République, donc du représentant de l'État, d'assumer ses responsabilités.
J'entends l'argumentation de M. le secrétaire d'État. Dans ces cas, le texte ne convient pas.
M. le secrétaire d'État a raison quand il parle de la situation d'urgence qu'impose la sécurité sanitaire. Or le mot « urgence » ne figure nulle part dans le texte. Ainsi, la négligence grave sera à l'appréciation de n'importe qui. Si, par exemple, le président du gouvernement refuse de convoquer telle ou telle instance – après tout, un maire peut très bien réunir ou non une commission à tel moment ou à tel autre –, on pourra considérer cette décision comme une négligence. De plus, nous n'en sommes fort heureusement pas arrivés au point où la Polynésie est chargée d'appliquer les engagements internationaux de la France ! Il sera donc nécessaire de réécrire ce texte lors de la navette entre les deux assemblées.
J'entends vos arguments concernant la sécurité sanitaire, mais je ne peux pas admettre que cela concerne les institutions, surtout quand on sait ce qu'il a pu advenir au sein de l'assemblée de la Polynésie française.
Je pense avoir essayé d'être constructif dans ce dossier. J'appelle donc votre attention, monsieur le secrétaire d'État : je suis convaincu qu'il y a erreur d'écriture a minima entre ce que vous voulez faire et ce qui est précisé dans cet article. Cela sera mal perçu en Polynésie française, car considéré comme un retour à la tutelle de l'État français. Ce n'est pas ce que vous souhaitez. Dans la campagne électorale qui s'ouvre, donc dans les débats politiques à venir, ce texte sera utilisé à mauvais escient par des démagogues.
Il ne faut pas apporter de l'eau au moulin de ceux qui critiquent ce texte et parlent de pseudo-départementalisation. C'est la raison pour laquelle je m'associe à l'amendement de mon collègue Bruno Sandras. En effet, les relations entre la Polynésie et la métropole sont basées sur la confiance. À mon sens, l'article, tel qu'il est rédigé, jette un soupçon d'immaturité sur la gestion de nos élus.
Pour citer un exemple en matière de sécurité sanitaire, nous avons eu à gérer une telle situation dans les années quatre-vingt, lorsqu'il s'est agi de combattre l'épidémie de sida. Nous avions pris, à l'époque, contrairement à la métropole, de nombreuses mesures de prévention qui nous ont permis aujourd'hui de contenir ce fléau.
Je ne dis pas que l'exemple que vous citez, monsieur le secrétaire d'État, ne s'applique pas et qu'il soit inapproprié à notre discussion d'aujourd'hui. Je suis toutefois obligé d'intervenir dans le cadre de cette discussion pour vous donner mon sentiment en tant qu'ancien autonomiste qui a toujours pratiqué les institutions de notre Polynésie. Je pense que la notion de confiance est avant tout essentielle. Or voter ce texte en l'état jettera malheureusement un voile de suspicion sur la manière de gérer la Polynésie non pas seulement aujourd'hui, mais également demain.
J'aimerais que l'on en revienne au texte. On nous parle d'une épidémie qui est une situation d'urgence. Dans son rapport, le rapporteur cite des graves situations de blocage, notamment en matière institutionnelle. L'article que l'on nous propose de voter et dont nous demandons la suppression indique : « Lorsque ces autorités ont négligé de prendre les décisions qui leur incombent… » Qu'entend-on très concrètement par « négligé » ? Est-ce refuser de prendre une décision ou mettre un peu de temps pour la prendre ? L'article précise ensuite que « …le haut-commissaire prend les mesures nécessaires afin de rétablir le fonctionnement normal des institutions et des services publics ou d'assurer la sécurité de la population… » Cela signifie-t-il qu'il décide quand il le veut ? De plus, assurer la sécurité de la population relève traditionnellement de la responsabilité de l'État, donc du haut-commissaire, et pas nécessairement de celle des autorités locales. Une telle rédaction peut conduire à tous les abus.
Monsieur le secrétaire d'État, vous n'avez pas résisté à la tentation de prendre comme exemple l'épidémie de SRAS survenue lorsque M. Temaru était au pouvoir, ce qui vous a permis de dire qu'il avait été incapable de prendre les décisions. Décidément, à chaque fois que vous n'avez pas à la tête de la Polynésie l'un de vos amis, vous considérez que les Polynésiens sont incapables de gouverner ! Fort heureusement, notre ami Buillard – notre collègue – vient de nous expliquer que ce texte est une défiance à l'égard de la Polynésie.
Je balaie d'un revers de main les arguments de M. Dosière, qui cherche, de toute évidence, à politiser en toutes circonstances ce débat.
Vous défendez des amis politiques. Je ne défends, quant à moi, que les Polynésiens ! Mais vous êtes en campagne, alors que le Gouvernement est impartial…
…et n'entre pas dans ce débat !
Par contre, je veux prendre en compte les arguments crédibles exposés par M. Lagarde et surtout par les deux députés de Polynésie française, Michel Buillard et Bruno Sandras. Le Gouvernement étant sensible aux incompréhensions qui peuvent surgir ici ou là, je demande, monsieur le président, la réserve de cet article, afin qu'il puisse être rediscuté en fin de séance. D'ici là, le Gouvernement pourra proposer une rédaction plus conforme à l'attente des représentants de l'Assemblée nationale.
Sur l'article 7 A, je suis saisi d'un amendement n° 23.
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour soutenir cet amendement.
Cet amendement tend à préciser que les lois et règlements qui régissent les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations étatiques et communales sont de plein droit applicables en Polynésie française.
Je suis saisi d'un amendement n° 24.
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
Je mets aux voix l'article 7 A, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 7 A, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 7, je suis saisi d'un amendement n° 25.
La parole est à M. le président de la commission des lois, pour soutenir cet amendement.
Je mets aux voix l'article 7, modifié par l'amendement n° 25.
(L'article 7, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 78, portant article additionnel après l'article 7.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir cet amendement.
L'amendement n° 78 vise à mieux éclairer la population de Polynésie, mais surtout l'Assemblée et le Sénat lorsque nous sommes amenés à débattre de projets de loi, notamment organiques, à propos de la Polynésie française.
En effet, aujourd'hui, le système prévoit qu'il y a débat préalable obligatoire à l'assemblée de Polynésie française ; puis la position majoritaire issue de ce débat nous est transmise.
Cet amendement prévoit tout simplement que nous puissions également avoir communication d'un « avis minoritaire ».
Le secrétaire d'État, le rapporteur et tous les orateurs ont souligné la complexité et la diversité de la vie politique polynésienne, et lorsque nous discutons de la loi qui encadre la vie démocratique, économique et sociale des Polynésiens, il serait utile que nous ayons, aussi, un avis différent de l'avis majoritaire de l'assemblée de la Polynésie.
Un exemple, monsieur le secrétaire d'État. Sur le projet qui nous est soumis, s'agissant du droit électoral, l'assemblée de Polynésie française actuelle a émis un avis différent de celui que nous avons adopté il y a quelques minutes.
Une minorité, certes, mais une minorité qui existe, qui a eu la confiance des Polynésiens, peut adopter un autre avis, et nous devons avoir les deux – avis majoritaire et avis minoritaire – si nous voulons, nous, parlementaires nationaux, nous forger un avis objectif.
Telle est la disposition que je préconise d'introduire dans notre droit aujourd'hui. Si cela n'est pas possible ce soir, je suis persuadé qu'elle verra le jour dans un futur proche, car il est pour nous indispensable d'être informés de tous les avis qui sont donnés au sein de l'assemblée de Polynésie.
La commission a repoussé cet amendement. L'idée est certes intéressante, mais un peu complexe. Surtout, elle relève davantage du règlement intérieur de l'assemblée polynésienne.
Vous savez, les majorités là-bas ne sont pas très démocratiques dans leur fonctionnement !
La commission a raison de relever que la disposition de l'amendement relève plutôt du règlement intérieur.
Pour autant, monsieur Lagarde, je comprends votre conception de l'exercice de la démocratie au sein de l'assemblée de Polynésie, qui peut poser problème. C'est pourquoi le Gouvernement n'est pas défavorable à votre amendement et propose que l'Assemblée le retienne.
Je comprends l'intérêt du Gouvernement pour cette disposition pertinente, mais, dans ce cas, il faudrait, pour le moins, réécrire l'amendement.
, président de la commission des lois. Nous demandons la réserve, monsieur le président.
L'amendement n° 78 portant article additionnel après l'article 7 est réservé.
Sur l'article 7 bis, je suis saisi d'un amendement n° 26.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
Je suis saisi d'un amendement n° 27.
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
Cet amendement vise à éviter que l'insertion de la référence à la subsidiarité dans la loi organique n'aboutisse à une confusion juridique dans les règles de détermination des compétences de la collectivité d'outre-mer. Il convient donc de rappeler que le principe de subsidiarité ne jouera que dans les cas où d'autres articles du statut polynésien n'ont pas déjà précisé la répartition des compétences.
Je suis saisi d'un amendement n° 28.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je suis saisi d'un amendement n° 110.
La parole est à M. René Dosière, pour le soutenir.
Cet amendement souligne toutes les insuffisances du texte du Gouvernement et les correctifs que celui-ci voudrait apporter à la loi de 2004 et à ses dérives.
Le dernier alinéa de l'article 54 de la loi organique, que nous proposons de supprimer, prévoit que le gouvernement de Polynésie peut mettre à la disposition des communes des personnels, y compris des personnels de cabinet. J'avais déjà souligné en 2004 que cela me paraissait une forme de tutelle sur les communes polynésiennes. D'ailleurs, dans son rapport sur le fonctionnement de la Polynésie, la chambre territoriale des comptes critique très fortement ce système. Elle en fait l'historique pour démontrer qu'il s'agissait, en fait, de véritables subventions de fonctionnement de la Polynésie aux communes, elle en analyse toutes les dérives, soulignant d'ailleurs que ce type de dispositif avait été annulé plusieurs fois par le tribunal administratif ; et, malheureusement, elle indique que l'article 54 de la loi organique du 27 février 2004 a prévu explicitement que cette pratique est désormais légale.
Cette pratique est d'ailleurs devenue légale à la demande de notre collègue Flosse ! Cela fait partie de tous ces dispositifs qui ont été ajoutés à la loi de 2004 pour couvrir des pratiques – il y en a beaucoup d'autres…
Que le gouvernement de Polynésie puisse mettre à la disposition des communes de la Polynésie des personnels de cabinet, qu'est-ce que cela veut dire ? Imaginez-vous ce type de situation en France ? Que le gouvernement de Polynésie finance, subventionne les investissements des communes, c'est une bonne chose – encore faut-il que les subventions soient accordées dans des conditions démocratiques et pas en fonction de considérations diverses… Mais mettre à la disposition des communes des personnels de cabinet – j'ai dit tout à l'heure ce qu'étaient les personnels de cabinet de la Polynésie – est excessif.
Cet amendement propose tout simplement de revenir à la situation antérieure à la loi de 2004, qui rendait cette pratique impossible. Lorsque les autorités de la Polynésie voulaient, malgré tout, l'utiliser, le haut-commissaire faisait respecter la loi. Aujourd'hui, l'article 54 de la loi de 2004 l'empêche de déférer ce type de dispositif.
La commission a repoussé cet amendement pour plusieurs raisons.
D'abord, les communes polynésiennes manquent de moyens.
Ensuite, il s'agit d'une faculté qui est offerte aux communes de Polynésie, et non d'une obligation. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Elles ne sont donc pas obligées d'accepter et de signer quoi que ce soit avec la Polynésie française.
Vous dites que cette pratique constitue une forme de tutelle politique qui encourt la censure du Conseil constitutionnel. L'article est passé en 2004 devant le Conseil constitutionnel, et il n'y a eu ni censure, ni réserve d'interprétation sur ce sujet. Par conséquent, ne faites pas rejuger en deuxième semaine ce que vous n'avez pas obtenu en première semaine !
Enfin, nous allons avoir un débat dans quelques mois sur les relations entre les communes et le gouvernement de Polynésie. Vous pourrez exposer vos souhaits et le secrétaire d'État nous précisera dans quelle direction aller pour mieux définir ces relations.
Monsieur Dosière, je ne peux vous donner totalement tort, mais je ne veux pas non plus mettre en difficulté, brutalement, des communes qui bénéficient aujourd'hui de ce soutien de la part de la Polynésie française.
Je vous propose donc de retirer votre amendement. En échange, dans la loi organique sur le transfert de compétences au bénéfice des communes, je proposerai de leur donner les moyens, dans le cadre de la fonction publique communale que nous sommes en train de mettre en place, d'assumer pleinement le recrutement de leurs personnels par les ressources que nous mettrons à leur disposition.
En même temps, nous annulerons cette possibilité pour le gouvernement de Polynésie française de mettre à disposition des communes quelque personnel que ce soit. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Malgré le souci que j'ai de vous être agréable, monsieur le secrétaire d'État, je ne peux pas vous suivre et retirer cet amendement, car il a le mérite de montrer que vous laissez subsister dans votre texte toute une série de dispositions de la loi de 2004 qui sont éminemment condamnables et que l'opération de transparence à laquelle vous procédez est très partielle. Nous sommes dans la partie du texte qui concerne la transparence de la vie politique en Polynésie !
Vous nous dites qu'il y aura un texte supplémentaire. Sans doute aurait-il été préférable que nous ayons un texte plus global qui permette d'appréhender l'ensemble des problèmes.
Je maintiens donc l'amendement n° 110.
Je mets aux voix l'article 7 bis, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 7 bis, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 99, portant article additionnel après l'article 7 bis.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir cet amendement.
Monsieur le secrétaire d'État, tout à l'heure, notre débat sur l'article 6 bis nous a permis de montrer à la Polynésie française que nous tenions beaucoup à son autonomie.
Permettez-moi, chers collègues de Polynésie, d'outre-mer et de métropole, de vous présenter un amendement qui rappelle simplement que la République française tient aussi à son autonomie.
Or, dans le statut de 2004, avait été introduite à la demande de M. Flosse une curiosité. Je vous la lis puisque certains d'entre vous n'étiez pas encore sur ces bancs à l'époque. L'article 15 de la loi organique du 27 février 2004 dispose : « La Polynésie française peut disposer de représentations auprès de tout État ainsi que l'une de ses entités territoriales ou territoire reconnu par la République française ou de tout organisme international dont cette dernière est membre ou tout organisme international du Pacifique. Le président de la Polynésie française négocie l'ouverture de ces représentations et nomme les représentants. Les autorités de la République et l'assemblée de la Polynésie française en sont tenues informées. »
En clair, dans le statut actuel, le président de la Polynésie française a la possibilité de négocier directement avec des États étrangers pour ouvrir des légations diplomatiques. Avec cet amendement, je vous propose de rétablir l'équilibre et, de façon très symbolique, de replacer la Polynésie dans la République française, en tout cas pour ce qui concerne ses relations extérieures, grâce à une rédaction qui, comme le disait tout à l'heure M. le secrétaire d'État et comme ce sera peut-être le cas pour la Nouvelle-Calédonie ou pour Wallis-et-Futuna, permet à la Polynésie d'aider la France, de participer à l'effort de la France et à une grande politique française dans le Pacifique, tout en restant un peu dans le giron de la République française.
L'amendement que je propose est donc ainsi libellé : « La Polynésie française peut disposer de représentations au sein des ambassades et consulats français de la zone Pacifique ou tout organisme international du Pacifique. » Dans le statut actuel, la Polynésie peut fort bien avoir ses propres représentations. Même s'il existe une ambassade ou un consulat français, elle peut louer des bâtiments ailleurs et ouvrir sa propre représentation. « Le président de la Polynésie française négocie l'ouverture de ces représentations auprès du président de la République Française ou de son représentant en Polynésie française », et non plus directement avec des chefs d'État étrangers auxquels il parle d'égal à égal, sortant ainsi un peu plus de la République française. Le président de la Polynésie « en nomme les représentants ». Il « est tenu d'en informer l'assemblée de la Polynésie française », ce qui n'est même pas prévu dans le statut actuel, qui précise simplement que le président de la Polynésie française consent – n'est-ce pas lui qui a rédigé cet article ? – à informer le Président de la République française de ses initiatives.
Nous avons, tous ensemble, défendu l'autonomie de la Polynésie au sein de la France : il s'agit à présent de rétablir un peu l'autonomie de la France vis-à-vis de la Polynésie française.
La commission a émis un avis défavorable, tout en comprenant fort bien le point de vue de notre collègue Lagarde. La disposition incriminée ne pose plus de problème, puisqu'elle a été interprétée en 2004 dans une décision du Conseil constitutionnel : « Considérant que l'article 15 de la loi organique permet à la Polynésie française de “disposer de représentations auprès de tout État ainsi que l'une de ses entités territoriales ou territoire reconnu par la République française ou de tout organisme international dont cette dernière est membre ou tout organisme international du Pacifique” ; que, toutefois, cette faculté, qui n'appartenait pas jusqu'à présent à la Polynésie française, ne saurait, sans empiéter sur une matière de la compétence exclusive de l'État, conférer à ces représentations un caractère diplomatique ; que, sous cette réserve, l'article 15 n'est pas contraire à la Constitution ». Il me semble donc que la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel répond parfaitement à l'objection légitime de notre collègue Lagarde, dont l'amendement est ainsi satisfait.
Comme l'a bien expliqué le rapporteur, il est inutile de réécrire l'article 15, qui est parfaitement rédigé et encadré. L'amendement de M. Lagarde touche en outre aux compétences de la Polynésie française, ce qui n'est nullement l'objet du présent projet de loi organique. Le Gouvernement ne souhaite pas que l'on touche en quoi que ce soit à cet article.
Sur l'article 7 ter, je suis saisi d'un amendement n° 29.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
Cet amendement a pour objet de permettre à l'assemblée polynésienne de se prononcer avant la négociation et la signature de conventions de coopération décentralisée dans des matières relevant de sa compétence.
Prévoir que cette assemblée délibérante se borne à approuver après coup les accords déjà signés ne permettrait pas de satisfaire l'exigence constitutionnelle formulée dans la décision du 12 février 2004. À partir du moment où nous adopterions l'article 7 ter, l'assemblée polynésienne se prononcerait avant la négociation et ratifierait la signature des conventions une fois qu'elles seraient intervenues.
Je mets aux voix l'article 7 ter, modifié par l'amendement n°29.
(L'article 7 ter, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 98, portant article additionnel après l'article 7 ter.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir cet amendement.
Je regrette que mon amendement précédent n'ait pas été adopté. Dans le même esprit – mais on ne pourra pas me répondre, cette fois, que l'on touche aux attributions de la Polynésie française –, je voudrais instiller un peu plus de démocratie dans le mécanisme actuel. À la demande de M. Gaston Flosse, alors président de la Polynésie française, le statut de 2004 prévoit que « la Polynésie française peut créer des entreprises de production et de diffusion d'émissions audiovisuelles. Une convention conclue entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et le gouvernement de la Polynésie française associe la Polynésie française à la politique de communication audiovisuelle. Le gouvernement de la Polynésie française est consulté en matière de communication audiovisuelle par le haut-commissaire de la République, sur toute décision relevant du Gouvernement de la République et propre à la Polynésie française » et « par le Conseil supérieur de l'audiovisuel ». Tandis que les parlementaires nationaux peuvent débattre de la politique audiovisuelle, les conseillers de la Polynésie française ne le peuvent pas. Je propose donc, par cet amendement, que le gouvernement de la Polynésie française continue à assumer toutes ses responsabilités, mais que, a minima, l'assemblée puisse débattre de la politique audiovisuelle conduite sur ce territoire : cela me semble la moindre des choses.
Monsieur Lagarde, cet amendement ne touche pas aux compétences de la Polynésie française et se justifie pleinement. Aussi le Gouvernement y est-il favorable.
Sur l'article 8, je suis saisi d'un amendement n° 30.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
Je mets aux voix l'article 8, modifié par l'amendement n° 30.
(L'article 8, ainsi modifié, est adopté.)
L'article 9 ne fait l'objet d'aucun amendement.
Je le mets aux voix.
(L'article 9 est adopté.)
Sur l'article 9 bis, je suis saisi d'un amendement n° 96.
La parole est à M. Bruno Sandras, pour soutenir cet amendement.
Je mets aux voix l'article 9 bis, modifié par l'amendement n° 96.
(L'article 9 bis, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 10, je suis saisi d'un amendement n° 84.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir cet amendement.
Je suis saisi d'un amendement n° 31.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement vise, pour tenir compte des observations formulées sur la Polynésie dans le dernier rapport public de la Cour des comptes, à préciser explicitement que les transactions foncières conclues par la Polynésie doivent être décidées par son conseil des ministres et que ces opérations sont soumises aux conditions et limites arrêtées par l'assemblée polynésienne.
Je suis saisi d'un amendement n° 32.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement vise à rétablir l'obligation de motivation des demandes adressées à la Polynésie.
Je suis saisi d'un amendement n° 33.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement tend à alléger les dispositions organiques relatives à la nouvelle commission de contrôle budgétaire et financier que le Sénat a proposé d'instituer au sein de l'assemblée polynésienne. Le détail des règles de composition, d'organisation et de fonctionnement de cet organe relève davantage du règlement intérieur.
Je voudrais demander une précision à M. le rapporteur. Je l'ai déjà fait en commission, mais sa réponse m'a paru un peu elliptique. Sur proposition du Sénat, l'article 10 crée au sein de l'assemblée de Polynésie une nouvelle commission, dite de contrôle budgétaire, destinée à renforcer le contrôle de l'assemblée sur divers actes financiers. Je n'ai pas très bien compris, à la lecture des débats du Sénat, quel était le rôle exact de cette commission par rapport à la commission des finances qui existe déjà au sein de l'assemblée. Le rapporteur pourrait-il nous exposer sa conception des choses ? En commission, il n'avait pas encore un avis très arrêté. Peut-être a-t-il maintenant davantage de précisions à nous apporter.
En instituant cette commission, le Sénat a eu un double souci.
D'une part, il voulait certainement lui conférer une certaine force. N'avait-il pas prévu d'introduire ces dispositions dans la loi organique ? Nous les renvoyons au règlement intérieur, considérant que, compte tenu de nos exigences de stabilité, il serait imprudent de créer un pouvoir au sein de l'assemblée de Polynésie. La commission doit avoir une existence de commission et ne pas être une nouvelle institution au sein de l'institution, ce qui ne manquerait pas d'entraîner des risques de conflits.
D'autre part, les sénateurs avaient une visée que nous partagions à bien des égards : la transparence. La commission devait être un organe dédié, au sein de l'assemblée territoriale, avec une sensibilité particulière aux problèmes financier et budgétaire, et elle devait être dotée d'un pouvoir d'alerte. Ses membres étant élus à la proportionnelle, toutes les sensibilités de l'assemblée territoriale y seraient représentées. Elle serait spécifiquement chargée d'examiner les propositions de dépenses, d'attributions de subventions ou de nominations voulues par le gouvernement. Il s'agissait donc de créer une structure jouant un rôle de gardien, l'assemblée territoriale n'étant pas nécessairement spécialisée en la matière et étant probablement trop nombreuse pour travailler avec efficacité sur ces dossiers-là. L'idée des sénateurs était donc très pertinente, au regard de la transparence que nous souhaitions.
Voilà, cher collègue, ce que je peux vous dire en l'état du texte qui nous est proposé par les sénateurs.
Je voudrais répondre au rapporteur et anticiper sur l'amendement suivant qui offre la possibilité – et qui traduit peut-être même le souhait – que des agents de l'État soient mis à disposition de cette commission, dans le cadre d'une convention. Malgré le flou qui entoure cette commission, on voit bien qu'il ne s'agit pas seulement d'instituer une organisation interne à l'assemblée de Polynésie, mais de créer une commission bien différente des autres, où, sous prétexte qu'on y parlera de choses aussi sérieuses que les questions financières, siégeront des agents de l'État. C'est encore une fois une manifestation, de façon peut-être subreptice, mais en tout cas très visible, de ce que j'appellerai la présomption d'immaturité. Ces questions étant complexes et tout le monde n'étant pas forcément armé pour en traiter, on commence par prévoir une commission spéciale, puis, à l'amendement suivant, on se débrouille, par le biais une convention, pour que des agents de l'État aillent épauler les élus polynésiens dans cette commission.
Je suis saisi d'un amendement n° 34.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Il n'est pas précisé si les agents de l'État devront sortir de l'ENA ! (Sourires.)
Je suis saisi d'un amendement n° 35.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement vise à autoriser l'assemblée polynésienne à recourir, si elle le souhaite, à une loi du pays, plutôt qu'à une simple délibération, pour définir les conditions et critères selon lesquels la Polynésie peut accorder des soutiens financiers à des personnes morales.
Je suis saisi d'un amendement n° 36.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je suis saisi d'un amendement n° 37.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je suis saisi d'un amendement n° 38.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je suis saisi d'un amendement n° 39 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Il s'agit d'un amendement de simplification, qui vise à alléger la procédure suivant laquelle l'assemblée de Polynésie exerce son contrôle sur les projets de soutien financier ou d'opérations immobilières qui lui sont soumis par le président de la Polynésie.
Je mets aux voix l'amendement n° 39 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 40 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Il s'agit de réorganiser la procédure proposée par le Sénat pour l'examen par l'assemblée polynésienne de certains projets de nomination.
Je mets aux voix l'amendement n° 40 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 10, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 10, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 11, je suis saisi d'un amendement n° 41.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
Je suis saisi d'un amendement n° 42.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je suis saisi d'un amendement n° 43.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je suis saisi d'un amendement n° 44.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je suis saisi d'un amendement n° 45.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je suis saisi d'un amendement n° 46.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je suis saisi d'un amendement n° 47 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement vise à rapprocher le régime d'interdiction applicable aux avocats siégeant à l'assemblée polynésienne de celui qui est applicable aux députés.
Je mets aux voix l'amendement n° 47 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 48.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Il s'agit de rétablir une disposition inspirée du droit commun des collectivités territoriales, qui figurait dans le texte initial et qui paraît utile pour prévenir les conflits d'intérêt au sein de l'assemblée polynésienne.
Je suis saisi d'un amendement n° 49.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je mets aux voix l'article 11, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 11, ainsi modifié, est adopté.)
L'article 11 bis ne fait l'objet d'aucun amendement.
Je le mets aux voix.
(L'article 11 bis est adopté.)
Sur l'article 11 ter, je suis saisi d'un amendement n° 111.
La parole est à M. René Dosière, pour soutenir cet amendement.
L'amendement n° 111 vise à apporter une correction à la loi de 2004 concernant le contentieux administratif.
Lors de la discussion de la loi de 2004, nous nous étions aperçus que le président du gouvernement de Polynésie de l'époque, notre collègue sénateur, voulait absolument dessaisir le tribunal administratif de Papeete de la plupart de ses attributions pour les confier au Conseil d'État.
Le Conseil d'État est quand même un peu plus éloigné, notamment des Marquises ou des Tuamotu, que le tribunal de Papeete, et je pense qu'il serait plus raisonnable de revenir à la norme, de faire en sorte que le tribunal administratif de Papeete redevienne le juge de première instance et le juge de proximité. Le tribunal administratif connaît parfaitement la situation de la Polynésie, beaucoup mieux que le Conseil d'État, il est donc capable de mieux apprécier les critères d'autonomie. Il serait paradoxal de vouloir maintenir l'éloignement que représente le Conseil d'État. Un amendement ultérieur précisera les choses.
Nous ne demandons que le retour en quelque sorte à la norme, la correction d'une des anomalies de la loi de 2004.
La commission est défavorable à l'amendement. Il se trouve que les contentieux liés aux lois du pays sont soumis à la juridiction du Conseil d'État. Or les lois du pays doivent être conformes au règlement intérieur. Il serait quand même paradoxal que le règlement intérieur de l'assemblée soit soumis au tribunal administratif, alors que les lois de pays sont soumises au Conseil d'État.
Pour respecter à tout le moins l'égalité des normes et des juridictions qui peuvent avoir à en connaître, le règlement intérieur doit, par parallélisme, être soumis au Conseil d'État.
Le mécanisme institué par le statut de 2004 donne satisfaction. Le Conseil d'État peut se prononcer avec toute l'indépendance nécessaire sur des questions qui sont bien souvent de niveau constitutionnel. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 111.
Juste une observation pour qu'il n'y ait pas d'équivoque. Le rapporteur a parlé des lois de pays soumises au Conseil d'État. Avec cette appellation de « loi de pays », on a voulu calquer le terme en vigueur en Nouvelle-Calédonie. Il faut cependant rappeler, pour que les choses soient bien claires, que cela n'a strictement rien à voir pour la bonne raison que la loi de pays en Nouvelle-Calédonie est une loi législative, soumise directement au Conseil constitutionnel. La Nouvelle-Calédonie est la seule collectivité de la République à disposer pour un certain nombre de compétences du pouvoir législatif, qui échappe à l'assemblée, alors que ce que l'on a voulu appeler loi de pays en Polynésie reste un acte administratif. Comme tous les actes administratifs, elle est soumise au Conseil d'État. Je trouve d'ailleurs cette appellation « acte dénommé loi de pays » un peu redondante. Il ne faut pas non plus s'imaginer que ces lois dites « de pays » en Polynésie ont quelque chose d'exceptionnel. Ce sont uniquement et simplement des actes administratifs.
Je suis saisi d'un amendement n° 100, portant article additionnel après l'article 11 ter.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir cet amendement.
Cet amendement vise, lui aussi, à instaurer au sein de l'assemblée de Polynésie le fonctionnement le plus démocratique possible – ce qu'il n'avait pas forcément été possible de faire lors du débat de 2004.
Monsieur le secrétaire d'État, vous y faisiez allusion tout à l'heure, la culture démocratique, c'est-à-dire le respect de l'opposition, n'a pas toujours été une priorité, quels qu'aient été les camps qui ont dirigé l'assemblée ou qui ont eu une majorité à l'assemblée de Polynésie française.
L'objet de cet amendement est de prévoir les conditions dans lesquelles les élus à l'assemblée de Polynésie française doivent pouvoir exercer leur mandat. Il donne ainsi un certain nombre d'informations sur les locaux, le matériel de bureau, la prise en charge de la documentation. Il se trouve en effet que, par le passé, un certain nombre d'élus de cette assemblée n'avaient pas accès aux moyens nécessaires à l'exercice de leur mandat. Et cela n'a jamais été équitable, y compris sous la majorité Temaru, en tout cas pas au sens de l'équité telle qu'on la percevrait en métropole – vous en conviendrez, monsieur Dosière.
Je voudrais également attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'État, sur un deuxième aspect.
J'avais déjà déposé cet amendement en 2004. Il avait été déclaré recevable à l'époque alors qu'il incluait une disposition que vous n'avez pas sous les yeux, mes chers collègues, puisqu'elle a été sanctionnée, cette fois-ci, par la commission des finances – curieusement, ce qui était recevable en 2004 ne l'est plus en 2007. Cette disposition prévoyait la possibilité de mettre également une ou plusieurs personnes à disposition des groupes d'élus, comme nous en bénéficions dans toutes les assemblées de notre pays, étant précisé que les dépenses de personnels ne pourraient excéder 30 % du montant total des indemnités versées chaque année aux membres de l'assemblée.
Nous avions défendu cette disposition ensemble, monsieur Dosière, vous vous en souvenez certainement, parce que nous voulions que tous les groupes aient la possibilité de participer et de produire un travail de qualité.
J'insiste, monsieur le secrétaire d'État, sur le fait qu'il serait utile que le Gouvernement puisse réintroduire cette proposition sur les moyens humains à disposition des groupes. Il y a de cela trois ou quatre ans, une femme aveugle, Henriette Kamia, avait été élue. Elle n'a jamais pu obtenir de l'assemblée de la Polynésie française, de la présidence de l'époque, même après avoir écrit au Président de la République française pour demander d'intercéder en sa faveur, une aide de vie pour lui permettre d'exercer son mandat, quelqu'un qui puisse simplement rédiger des courriers à sa place.
Mettre des moyens à disposition des élus de la Polynésie et de leur groupe, comme c'est le cas dans toutes les assemblées de notre pays, me paraît légitime et je souhaiterais qu'on puisse y inclure cette disposition déclarée recevable financièrement en 2004 et déclarée irrecevable financièrement en 2007, mais seul le Gouvernement pourrait la réintroduire.
Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j'y suis défavorable. Il me semble que cet amendement, qui présente de nombreuses mesures intéressantes, relève davantage du règlement intérieur de l'assemblée polynésienne.
Adopter cet amendement, tel qu'il est rédigé, reviendrait à s'immiscer considérablement dans le fonctionnement interne de l'assemblée polynésienne. La préoccupation de M. Lagarde est sans doute pertinente, mais elle aurait davantage sa place, me semble-t-il, dans le règlement plutôt que dans une loi organique.
Monsieur le président, le Gouvernement dépose un sous-amendement à l'amendement n° 100. Après le quatrième alinéa de cet amendement, je propose à M. Lagarde d'introduire, après le quatrième alinéa de cet amendement, l'alinéa suivant :
« Le président de l'assemblée de la Polynésie française peut, dans les conditions fixées par l'assemblée de la Polynésie française et sur proposition des représentants de chaque groupe, affecter aux groupes d'élus une ou plusieurs personnes. L'assemblée de la Polynésie française ouvre dans son budget, sur un chapitre spécialement créé à cet effet, les crédits nécessaires à ces dépenses sans que les dépenses de personnel puissent excéder 30 % du montant total des indemnités versées chaque année aux membres de l'assemblée. »
Cela règle le problème de l'irrecevabilité de sa proposition.
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement du Gouvernement, qui porte le numéro 119 ?
Je ferai une simple observation au Gouvernement, qui, dans son sous-amendement, fait référence au niveau des indemnités des élus.
Monsieur le secrétaire d'État, l'assemblée de Polynésie est la seule collectivité de la République pour laquelle il n'existe aucun plafond en ce qui concerne les indemnités des élus ; elle fixe donc très librement le montant des indemnités de ses élus, tout comme pour les membres du gouvernement. Je signale simplement qu'en Nouvelle-Calédonie, un plafond existe, tant pour les membres du gouvernement que pour l'assemblée.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 119.
(Le sous-amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n° 100, modifié par le sous-amendement n° 119.
(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 11 quater, je suis saisi d'un amendement n° 114.
La parole est à M. Bruno Sandras, pour soutenir cet amendement.
Je voudrais rassurer mes collègues, cet amendement ne propose ni de créer des dépenses nouvelles, ni de donner plus aux élus polynésiens, mais de préserver l'existant, parce que, tout le monde en sera d'accord, les conditions de déplacement sont importantes pour venir travailler sur Tahiti.
Cet amendement n'a pas été examiné par la commission, mais, à titre personnel, j'y suis favorable.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement de M. Sandras, qui rapproche la situation des représentants à l'assemblée de Polynésie française de celle des autres collectivités territoriales de la République.
Je suis saisi d'un amendement n° 50.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je mets aux voix l'article 11 quater, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 11 quater, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 12, je suis saisi d'un amendement n° 51.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
L'amendement n° 51, qui a été adopté par la commission, tend à supprimer les dispositions, introduites par le Sénat, qui remettent en cause l'obligation faite aux orateurs à l'assemblée de la Polynésie française de s'exprimer en langue française. Nous sommes bien conscients du particularisme des langues polynésiennes et nous comprenons bien que les Polynésiens aspirent à utiliser les subtilités de leurs langues pour débattre entre eux, mais l'article 2 de la Constitution prévoit que « la langue de la république est le français » et nous ne pouvons nous affranchir d'une obligation de nature constitutionnelle.
Lors de la discussion de l'amendement sénatorial qu'il nous est proposé de supprimer, je m'en étais remis à la sagesse du Sénat, qui a adopté celui-ci à l'unanimité. À ceux qui penseraient que légaliser la pratique des langues polynésiennes au sein de l'assemblée de la Polynésie française créerait un précédent, je voudrais rappeler que la Polynésie française est la seule collectivité de la République à se voir ainsi reconnaître ses langues dans son statut d'autonomie de 2004, dont je vais vous lire l'article 57.
« Le français est la langue officielle de la Polynésie française. Son usage s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public ainsi qu'aux usagers dans leurs relations avec les administrations et services publics.
« La langue tahitienne est un élément fondamental de l'identité culturelle : ciment de cohésion sociale, moyen de communication quotidien, elle est reconnue et doit être préservée, de même que les autres langues polynésiennes, aux côtés de la langue de la République, afin de garantir la diversité culturelle qui fait la richesse de la Polynésie française.
« Le français, le tahitien, le marquisien, le paumotu et le mangarevien sont les langues de la Polynésie française. Les personnes physiques et morales de droit privé en usent librement dans leurs actes et conventions ; ceux-ci n'encourent aucune nullité au motif qu'ils ne sont pas rédigés dans la langue officielle.
« La langue tahitienne est une matière enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et primaires, dans les établissements du second degré et dans les établissements d'enseignement supérieur.
« Sur décision de l'assemblée de la Polynésie française, la langue tahitienne peut être remplacée dans certaines écoles ou établissements par l'une des autres langues polynésiennes.
« L'étude et la pédagogie de la langue et de la culture tahitiennes sont enseignées dans les établissements de formation des personnels enseignants. »
Voilà ce que prévoit le statut actuel de l'autonomie telle qu'elle est pratiquée en Polynésie française.
Je suis très attaché à l'expression des langues régionales…
…et je sais qu'une grande partie de la population polynésienne parle mieux les langues polynésiennes que le français. On peut interpréter l'amendement de la commission de deux façons. Soit on considère que c'est un retour en arrière et qu'il ne reconnaît pas la possibilité d'utiliser les langues polynésiennes lors des séances de l'assemblée de la Polynésie française. Soit on considère, au contraire, qu'il supprime un encadrement qui risque de provoquer nombre de contentieux. Le mieux me paraît être de laisser l'assemblée de la Polynésie française débattre comme elle l'entend ; le Conseil d'État appréciera en cas de contentieux.
Le Président de la République a, lui aussi, affirmé à de nombreuses reprises son attachement aux langues régionales. Nous savons combien certains, que ce soit en France ou au sein de l'Union européenne, sont attachés à ce que l'on puisse leur donner une place précise. Je suis ouvert à une réflexion, dans les semaines ou les mois qui viennent, sur les moyens de légaliser ou d'affirmer l'usage des langues polynésiennes au sein de l'assemblée de la Polynésie française, mais, pour l'instant, je crois préférable de s'en tenir à la situation présente et de laisser le Conseil d'État se prononcer, le cas échéant, s'il est saisi. Il semblerait qu'il n'y ait pas de précédent dans ce domaine. Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement de la commission.
Cela correspond en effet à notre volonté de protéger efficacement nos langues polynésiennes. M. Le Roux s'est exprimé ici en tahitien dans son propos liminaire et, en Polynésie, M. Estrosi a pris l'habitude d'adresser ses salutations en langue polynésienne. L'utilisation de ces langues par les plus hauts représentants de l'État est une forme de reconnaissance. Je comprends la motivation de notre rapporteur, qui craint une sanction du Conseil constitutionnel, mais il faudrait qu'une bonne fois pour toutes l'Assemblée nationale reconnaisse la place des langues polynésiennes dans notre système institutionnel. L'ouverture provoquée par la mondialisation représente une menace pour elles. S'il faut modifier la Constitution pour les protéger efficacement, faisons-le !
J'aimerais, monsieur le secrétaire d'État, que nous puissions nous entretenir avec vous de cette question essentielle qui concerne l'identité de la Polynésie et l'avenir de nos jeunes – il est important qu'ils parlent nos langues si nous ne voulons pas qu'elles disparaissent. Je suis tout à fait d'accord avec la proposition qui nous est faite, car elle marque de manière symbolique notre volonté de protéger les langues polynésiennes.
Je ne suis pas sûr que nous ayons tous très bien compris. Il me semble que la position du rapporteur est claire – il préconise de revenir sur les dispositions adoptées par le Sénat – et que M. le secrétaire d'État est du même avis. Quant à moi, j'estime qu'il nous faut saisir la chance offerte par le Sénat, les dispositions qu'il a adoptées ne présentant aucun risque. Les conserver ferait avancer le débat. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, les langues polynésiennes, à la différence d'autres langues régionales auxquelles je suis également attaché, sont souvent la première langue. Elles sont indispensables au travail, au lien social. Vous le verrez d'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, à l'occasion des meetings auxquels vous participerez sans doute, les gens s'expriment la plupart du temps dans leur langue locale, et non en français qui est pourtant la langue officielle de la République. Ayons donc la sagesse de conserver le texte des sénateurs, en repoussant l'amendement de la commission.
Je ne ferai pas de meetings, monsieur Le Roux, si vous en faites, car l'État a l'intention de rester totalement impartial…
…et de respecter les Polynésiens, mais, avec vous, l'attitude politicienne revient toujours au galop !
Monsieur Buillard, j'ai entendu toute votre sagesse. J'irai plus loin que vous encore : les langues polynésiennes, c'est l'identité de la Polynésie française, que vous défendez, mais c'est aussi l'identité de la France. C'est un patrimoine national et, si nous ne garantissons pas sa transmission de génération en génération, la France risque de perdre un pan important de son héritage.
Grâce à la Polynésie française et à ses langues multiples – sont-elles quatre, cinq ou six ? –, la France, déjà riche de plusieurs autres langues régionales, dispose d'un patrimoine exceptionnel. Réfléchissons ensemble aux moyens de garantir qu'elles se transmettront de génération en génération et continueront de se pratiquer !
Grâce à une invitation amicale des élus de l'assemblée de Polynésie française, j'ai pu assister – je le revendique avec une certaine fierté – à des débats où j'ai entendu parler polynésien. Sans comprendre parfaitement cette langue, j'en connais certains mots, que j'ai appris à prononcer avec satisfaction, avec passion et même avec émotion. Par conséquent, je ne peux qu'affirmer mon attachement à sa pratique.
Mais, dans l'intérêt du polynésien, j'affirme, comme vous, monsieur Buillard, que nous n'avons pas le droit de lui faire courir le moindre risque constitutionnel. C'est pourquoi, comme vous m'y invitez, je pense qu'il faut réfléchir ensemble aux moyens qui nous permettront, dans les mois qui viennent, de trouver la meilleure proposition législative, voire constitutionnelle, pour garantir la pérennité de l'usage de la langue polynésienne. Je vous remercie de votre proposition, à laquelle je réponds favorablement. Je remercie également M. le rapporteur, qui nous évite d'exposer le moins du monde la langue polynésienne…
…et son usage au sein de l'assemblée de Polynésie française à la censure du Conseil constitutionnel.
Vous me pardonnerez, monsieur le secrétaire d'État, mais j'ai dû mal à comprendre votre position. Vous nous dites tout le bien que vous pensez des langues polynésiennes. Vous citez un article – qui n'est d'ailleurs pas en cause – voté sur le sujet. Vous prononcez un long discours. Mais, concrètement, vous nous proposez de renoncer à l'avancée du Sénat, qui autorise l'usage des langues polynésiennes, assorti d'une traduction simultanée, à l'assemblée de Polynésie française.
Ce qui compte, ce ne sont pas les paroles, mais les actes. Or, même si vous le dissimulez sous de grands discours sur l'amour de la langue polynésienne, vous ne proposez rien d'autre qu'un pas en arrière. Concrètement, l'amour, qui se manifeste par des actes, consisterait en l'occurrence à adopter la rédaction du Sénat. Je rappelle que, aujourd'hui, l'usage du tahitien à l'assemblée – qui est effectif, comme l'a constaté le rapporteur du Sénat – est strictement interdit. Le Conseil d'État a même eu l'occasion d'annuler certaines décisions au motif que la délibération s'était déroulée en tahitien. Autant dire que la situation actuelle n'est pas très respectueuse de la langue tahitienne.
À l'issue d'un débat important, le Sénat n'a pas ignoré la Constitution, mais il se garde bien de se prendre pour le Conseil constitutionnel en jugeant telle disposition anticonstitutionnelle ou non. Que chacun fasse son travail ! Soucieuse de respecter la Constitution, la Haute Assemblée a seulement considéré qu'il fallait apporter une précision : l'usage de la langue tahitienne est admis pourvu qu'il s'accompagne d'une traduction simultanée. Il s'agit manifestement d'une avancée.
Quant à décider si celle-ci est contraire ou non à la Constitution, cela relève du seul Conseil constitutionnel. Les sénateurs, non moins soucieux que nous du respect de la Constitution, ont du moins essayé de trouver une rédaction satisfaisante, ce qui n'a pas été simple. Il serait bon que l'Assemblée l'accepte.
La proposition du rapporteur et du secrétaire d'État n'est rien d'autre qu'un pas en arrière : elle vise à revenir au statu quo actuel, qui n'a rien de satisfaisant pour le tahitien. J'ajoute – le président me le permettra, car il ne sera pas insensible à l'argument – que cette avancée en faveur du tahitien pourrait servir d'exemple pour d'autres langues régionales comme le breton,…
…auquel ne pourra s'appliquer l'article 54 de la Constitution. Puisque vous m'autorisez une dernière question, monsieur le président,…
…j'aimerais que M. Lagarde nous éclaire sur les termes de la convention qu'il a signée avec le Fetia Api. Exige-t-elle que les membres du Nouveau Centre parlent le tahitien ou s'engagent à l'apprendre ? (Sourires.)
Monsieur Dosière, faut-il que le groupe Nouveau Centre, avec sa vingtaine de députés, gêne vos fiançailles avec le parti de M. Bayrou pour que vous vous inquiétiez, de manière aussi obsessionnelle, des conventions financières et politiques qui nous lient au Fetia Api ! (Sourires) Mais vous me donnez une belle occasion, sinon de vous suivre sur ce terrain, du moins de préciser notre position sur les langues régionales, qui est constante. Nous souhaitons créer la possibilité qu'elles soient prises en compte dans notre Constitution – je m'adresse aussi à M. Buillard – ou dans notre droit.
Même si, par aventure, la proposition du rapporteur visant à supprimer la disposition du Sénat était rejetée, et que la rédaction initiale fût maintenue, j'aimerais dire encore un mot à mes collègues. Ce faisant, je m'adresse aussi aux membres du Conseil constitutionnel, dont nous savons tous qu'ils prennent activement connaissance de l'intention du législateur, dont témoigne le compte rendu de nos débats. J'ai assisté à plusieurs séances à l'assemblée de Polynésie. Leur tenue peut nous surprendre : on y parle d'ores et déjà plusieurs langues tahitiennes, souvent au cours d'échanges un peu vifs, voire provocateurs. Mais rappelons-nous que le premier président de l'assemblée polynésienne élu par la majorité de M. Temaru avait cru bon de placer au mur, non un drapeau français, comme celui qui est face à nous, mais un crucifix. C'est ainsi que l'ami de M. Dosière souhaitait honorer la laïcité dans l'assemblée de la Polynésie française !
Quoi qu'il en soit, j'appelle votre attention sur le fait que, en Polynésie française, tous les citoyens français ne maîtrisent pas notre langue aussi bien que nous. Si nous ne prenons pas cette difficulté en compte, il pourra arriver un jour qu'un élu de la Polynésie française, issu d'une île éloignée, et n'ayant peut-être pas bénéficié de toute l'éducation que nous aurions dû lui apporter, se retrouve, au sein de l'assemblée, dans l'incapacité de s'exprimer.
Afin d'assurer la compréhension des débats et pour reconnaître la spécificité des territoires, la mesure votée par le Sénat peut être adoptée par notre assemblée. Qu'elle le soit aujourd'hui ou à l'occasion d'une révision constitutionnelle, peu importe. L'essentiel est pour nous qu'elle soit rapidement mise en oeuvre.
Je suis saisi d'un amendement n° 52 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement vise à améliorer la publicité des séances et, partant, la transparence.
Avis favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 52 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 12, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 12, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 13, je suis saisi d'un amendement n° 53.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
L'amendement n° 53 vise à imposer aux ministres polynésiens un délai de réponse aux questions écrites qui leur sont posées par les représentants à l'assemblée de la Polynésie française.
Avis favorable.
Je mets aux voix l'article 13, modifié par l'amendement n° 53.
(L'article 13, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 13 bis, je suis saisi d'un amendement n° 54 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
L'amendement n° 54 rectifié vise à éviter toute modification de la liste des matières dans lesquelles la Polynésie française peut élaborer des actes relevant du domaine de la loi, afin de lever tout risque constitutionnel.
Avis favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 54 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 55.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement vise à maintenir l'obligation, pour l'assemblée de la Polynésie française ou l'une de ses commissions compétentes, de nommer sur les « lois du pays » un rapporteur ayant lui-même la qualité de représentant à l'assemblée de la Polynésie française.
Avis favorable.
Je mets aux voix l'article 13 bis, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 13 bis, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 13 ter, je suis saisi d'un amendement n° 56.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
Je mets aux voix l'article 13 ter, modifié par l'amendement n° 56.
(L'article 13 ter, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 14, je suis saisi d'un amendement n° 57.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
Cet amendement vise à permettre au représentant de l'État, lorsqu'il défère au tribunal administratif la délibération de l'assemblée polynésienne tendant à organiser une consultation des électeurs, d'assortir son recours d'une demande de suspension, par analogie avec la règle de droit commun. Il s'agit d'une garantie importante pour éviter que le juge administratif ne se prononce sur l'illégalité d'une consultation qu'après la tenue de celle-ci, c'est-à-dire alors même qu'elle aurait déjà produit tous ses effets politiques.
Avis favorable.
Je mets aux voix l'article 14, modifié par l'amendement n° 57.
(L'article 14, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 109, tendant à supprimer l'article 14 bis.
La parole est à M. René Dosière, pour soutenir cet amendement.
L'amendement n° 109 tend à supprimer l'article 14 bis. Celui-ci, qui ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement, a été introduit au Sénat par un amendement de M. Flosse visant à modifier le choix du président du haut conseil de la Polynésie française.
Le texte prévoit actuellement que certaines catégories – magistrats, universitaires, fonctionnaires de catégorie A – puissent faire partie du haut conseil, et par conséquent en être président. Je rappelle que cette instance est actuellement présidée depuis deux ans par une femme d'une grande compétence.
L'article 14 bis dispose que le président sera choisi parmi les magistrats de l'ordre administratif, ce qui signifie concrètement qu'il ne peut pas s'agir d'un habitant de Polynésie, puisqu'aucun n'appartient à ce corps. Il s'agira donc nécessairement d'un métropolitain. Si l'on en vient à un tel degré de précision, avons-nous songé en commission, mieux vaudrait indiquer clairement qui est pressenti pour cette fonction ! Mais j'ai cru comprendre, monsieur le secrétaire d'État, que vous n'étiez plus dans les meilleurs termes avec M. Flosse. Lorsqu'il proposait des amendements en 2004, votre prédécesseure, Mme Girardin, les acceptait tous, y compris les plus farfelus. Vous essayez, pour votre part, de vous montrer plus critique : tout amendement émanant de M. Flosse vous paraît à ce titre un peu suspect.
Exclure d'emblée de pouvoir choisir un président du haut-conseil d'origine polynésienne ne témoigne pas d'un réel respect de l'autonomie, mais la nouvelle règle rend probablement service à quelqu'un. Nous proposons donc de supprimer ce nouvel article, ce qui permettrait de maintenir le statu quo : le haut-conseil pourrait alors se choisir un président parmi ses membres, sans restriction.
La commission a repoussé cet amendement, car, le fait de réserver la présidence du haut conseil à un magistrat ne lui a pas semblé complètement absurde.
Monsieur Dosière, il ne faut pas être obsessionnel. Il n'y a pas de présomption défavorable parce qu'une idée ou un amendement est présenté par M. Flosse. Ce dernier peut faire des propositions pertinentes. Demander à un magistrat administratif retraité ou en activité de présider le haut conseil ne me paraît pas être une idée ridicule étant donné les sujets dont traite cette institution.
La commission a considéré que cet amendement de suppression devait être rejeté.
Le Gouvernement partage totalement l'avis de la commission. Je voudrais faire observer à M. Dosière, que l'amendement sénatorial qu'il évoque émane d'une majorité stable à laquelle il fait référence depuis le début de notre discussion. Si une telle majorité existait en Polynésie, il ne serait pas nécessaire de voter ce texte !
Il doit s'agir d'un coup de fatigue du ministre sur lequel je ne m'appesantirai pas ! M. Flosse a sa vie, tout comme le Tahoeraa. Certaines délibérations – j'en ai dénombré soixante cet après-midi – sont prises à l'unanimité, d'autres sont à l'origine de désaccord.
Monsieur le secrétaire d'État, vous le savez, puisque vous avez été destinataire de la copie d'une lettre que le président de la Polynésie a adressé au Président de la République le 21 novembre dernier. Elle montre l'importance de cette affaire pour les Polynésiens.
Je souhaite vous communiquer certains éléments de courrier. Il souligne que l'amendement adopté au Sénat porte attente à l'autonomie du pays et qu'il est sans aucun rapport avec l'objet du projet de loi. L'indépendance du haut conseil de la Polynésie française est mise en cause par cette nouvelle disposition, selon les termes de cette lettre, du fait de l'impossibilité de renouvellement du mandat de ses membres et surtout parce qu'elle impose, sans aucune raison valable une nouvelle condition pour accéder à la présidence du haut conseil. « L'atteinte à nos droits est d'autant plus sensible que ces dispositions scandaleuses me forcent à revenir sur un engagement consacré par la Constitution de promouvoir une forme de l'emploi locale à égalité de mérite » écrit le président de Polynésie. En effet, l'actuelle présidente du haut conseil, docteur en droit et polynésienne, a exercé la fonction d'avocat ce qui suscite notre respect et prouve ses compétences pour présider ce haut conseil. « Nous croyons savoir qu'aucun polynésien ne peut, à l'entrée en vigueur de la loi, satisfaire aux conditions de désignation du président du haut conseil » ajoute le président. Il rappelle aussi au Président de la République son engagement à la tribune de l'ONU à respecter le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Dans cette affaire, monsieur le secrétaire d'État, vous procédez ad hominen. Aucun polynésien ne peut briguer la présidence du haut conseil et la présidente en place ne peut se maintenir : vous voulez nommer une personnalité non polynésienne sans respecter ni l'autonomie polynésienne, ni le peuple polynésien, ni les compétences nombreuses de ceux qui sont aujourd'hui en mesure de devenir président du haut conseil.
Je suis saisi d'un amendement n° 58.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je suis saisi d'un amendement n° 59.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement tend à prévenir d'éventuels conflits d'intérêt au sein du haut conseil de la Polynésie française en interdisant son accès aux personnes qui participent déjà aux principales institutions politiques de la Polynésie française et en soumettant les membres de cet organe aux règles d'incompatibilité instituées pour les membres de l'assemblée polynésienne.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Je suis saisi d'un amendement n° 60.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Le Gouvernement y est favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 61.
La parole est à M. le rapporteur, pour le présenter.
Je mets aux voix l'article 14 bis, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 14 bis, ainsi modifié, est adopté.)
L'article 14 ter ne fait l'objet d'aucun amendement.
Je le mets aux voix.
(L'article 14 ter est adopté.)
Sur l'article 14 quater, je suis saisi d'un amendement n° 62.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
Cet amendement vise à éviter toute extension excessive du champ de la consultation obligatoire du Conseil d'État sur les contentieux dont est saisi le tribunal administratif de Papeete, lorsqu'il s'agit d'apprécier la légalité d'un acte réglementaire de la Polynésie française.
Il est donc proposé d'étendre la consultation obligatoire du Conseil d'État aux seuls contentieux sur les actes réglementaires mettant en jeu les dispositions du statut relatives aux attributions des institutions polynésiennes, et non à leurs règles de fonctionnement.
Le Gouvernement émet un avis favorable.
Je mets aux voix l'article 14 quater, modifié par l'amendement n° 62.
(L'article 14 quater, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 15, je suis saisi d'un amendement n° 63.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
Je suis saisi d'un amendement n° 64.
La parole est à M. le rapporteur, pour le présenter.
Cet amendement vise à assurer, au titre de la transparence, une publicité suffisante aux travaux de la commission de contrôle budgétaire et financier de l'assemblée polynésienne.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Je suis saisi d'un amendement n° 66.
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
Je suis saisi d'un amendement n° 67.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement vise à assurer une publication et une promulgation accélérée des « lois du pays » à caractère fiscal et à permettre la saisine du Conseil d'État au titre du « contrôle juridictionnel spécifique » dès la publication de leur acte de promulgation.
Le Gouvernement est favorable.
Je mets aux voix l'article 15, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 15, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 16, je suis saisi d'un amendement n° 68 troisième rectification.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
L'amendement vise à mieux distinguer, d'une part, la procédure de « contrôle juridictionnel spécifique » par le Conseil d'État, à laquelle sont soumises les « lois du pays », et, d'autre part, la procédure applicable, devant le tribunal administratif de Papeete ou le Conseil d'État pour les autres actes réglementaires de la Polynésie française.
Avis favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 68 troisième rectification.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 16, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 16, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 17, je suis saisi d'un amendement n° 70.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
Cet amendement donne à l'assemblée de la Polynésie française la possibilité de saisir la chambre territoriale des comptes sans que cette saisine soit subordonnée à la transmission d'un avis motivé de la commission de contrôle budgétaire et financier.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Je suis saisi d'un amendement n° 71 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement prévoit que la saisine de la chambre territoriale des comptes doit être notifiée au haut-commissaire.
Avis favorable
Je mets aux voix l'amendement n° 71 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 17, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 17, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 18, je suis saisi d'un amendement n° 72 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
L'amendement réécrit intégralement l'article 18 pour insérer les dispositions relatives au contrôle budgétaire dans le statut de la Polynésie française plutôt que dans le code des juridictions financières. Il opère quelques modifications rédactionnelles ou de coordination.
C'est un excellent amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 72 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
L'article 19 ne fait l'objet d'aucun amendement.
Je le mets aux voix.
(L'article 19 est adopté.)
Sur l'article 20, je suis saisi d'un amendement n° 107.
La parole est à M. Bruno Le Roux, pour soutenir cet amendement.
Les éléments juridiques qui fondaient la jurisprudence de 1979 concernant la Nouvelle-Calédonie ne sont pas respectés par cet article 20, dont l'objectif est d'abréger le mandat de l'Assemblée de Polynésie française. Or ce qui motive cette modification en cours de route de la durée du mandat, c'est que, aujourd'hui, le fonctionnement de l'assemblée de Polynésie ne convient pas au Gouvernement. Ce dernier souhaite trouver une majorité qui l'accompagne dans les cinq années qui viennent de façon plus tranquille, plus complice peut-être – dans tous les sens du terme.
Le Conseil constitutionnel sera saisi de cet article et sera amené à juger de cette abréviation de mandat pour simple convenance politique. La stabilité actuelle de la Polynésie évoquée dans la discussion et le fait que nous passions outre l'avis de l'assemblée de Polynésie, qui ne souhaite pas cette dissolution, ne devraient pas nous permettre de nous substituer au Gouvernement ou au Président de la République, à qui il appartient, s'ils le souhaitent, de dissoudre l'assemblée de Polynésie. Cet article change la nature d'un texte, qui aurait pu être un texte de réflexion afin d'améliorer le statut de 2004, mais devient un texte partisan, un texte en service commandé pour tenter de reconstituer une majorité amie en Polynésie.
La commission y est défavorable. Je ne crois pas utile de répéter une nouvelle fois pourquoi la commission est favorable à la tenue d'élections le plus rapidement possible.
Avis défavorable, mais, puisque M. Le Roux souhaite utiliser le langage de la polémique, je veux réaffirmer avec force que le Gouvernement n'a qu'une préoccupation, contrairement au groupe socialiste, c'est celle de répondre à l'aspiration profonde des Polynésiens.
Pour notre part, nous nous préoccupons des Polynésiens qui souffrent, mais aussi de la situation économique très difficile en Polynésie, où le pouvoir d'achat est limité.
La fracture sociale entre certaines catégories de Polynésiens n'est plus acceptable, nous ne voulons plus d'une situation d'instabilité pendant laquelle les amis de M. Le Roux n'ont cessé de nous demander de dissoudre l'assemblée de Polynésie, ce que nous n'avons cessé de refuser.
Nous voulons en effet d'abord garantir la stabilité, la juste représentativité mais aussi la transparence et le contrôle des exercices budgétaires de l'assemblée de Polynésie et du gouvernement polynésien. Nous avons maintenant pris toutes ces précautions. Mais le groupe socialiste s'oppose de toutes ses forces à ce que nous puissions enfin assurer cette équité, cette égalité des chances pour tous les Polynésiens, ce droit à la prospérité pour leur pays et pour leur territoire. Ils s'opposent aussi à ce que les mesures de transparence que nous proposons dans ce texte soient applicables dès le mois de janvier prochain au terme du renouvellement de l'assemblée de Polynésie française.
Or je me suis engagé, depuis le mois d'août, auprès des Polynésiens à tenir un cap et à ne pas en changer : je respecterai mes engagements, parce que c'est mon devoir, parce que c'est mon exigence, parce que c'est ce que nous devons aux Polynésiens. Nous n'avons pas le droit de les décevoir, la Polynésie n'a plus de temps à perdre pour son redressement économique et son développement. Nous persévérerons dans la voie que nous nous sommes fixée.
Je suis saisi de deux amendements, nos 91 et 112, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est àM. Bruno Sandras, pour soutenir l'amendement n° 91.
Je connais déjà la réponse du Gouvernement à mon amendement. Moi aussi, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite que les élections se tiennent le plus rapidement possible, mais j'estime que nous ne sommes pas à deux mois près. Par ailleurs, vous avez rappelé que, en 2006, les élus de Polynésie n'avaient pas hésité à renverser le gouvernement un 22 décembre. Mais il ne s'agissait que des 57 élus de l'assemblée, alors que la décision que nous allons prendre aujourd'hui concerne l'ensemble de la population.
Enfin, les élections municipales permettraient peut-être, comme certains le souhaitent, l'émergence d'hommes et de femmes politiques nouveaux, lesquels pourraient jouer un rôle un mois plus tard lors des élections territoriales.
Cet amendement est similaire à celui de M. Sandras, élu de la Polynésie, dont l'argumentation tout à fait convaincante rejoint la résolution votée par l'assemblée de Polynésie. Celle-ci a en effet demandé que le premier tour des élections pour son renouvellement intégral soit organisé en mai 2008, et nous avons toutes les raisons de penser que ce serait souhaitable. Rien, en effet, ne justifie une telle accélération du calendrier, sinon la proximité des élections municipales. Si les deux scrutins ne sont pas déconnectés, on ne pourra que vous suspecter d'avoir des arrière-pensées, monsieur le secrétaire d'État. Vous le nierez, mais la réalité est là.
Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements en discussion ?
Je ne classe pas M. Sandras et M. Dosière dans la même catégorie.
J'ai le sentiment que l'esprit de contradiction de M. Dosière est tel que si nous avions proposé que les élections se tiennent en avril, il aurait demandé qu'elles aient lieu en janvier. Sa proposition ne mérite donc pas davantage de débats.
En revanche, je suis surpris par l'amendement de M. Sandras. Alors que M. Temaru, M. Flosse et d'autres encore nous demandaient, aux mois de juin et de juillet, une dissolution immédiate, le Gouvernement a voulu prendre tout son temps : communication au conseil des ministres le 1er août, présentation du texte de loi au mois de septembre, consultation de l'assemblée de Polynésie, avis du Conseil d'État, présentation du texte de loi au conseil des ministres, débat au Sénat puis à l'Assemblée nationale. La date a été fixée après consultation de toutes les formations politiques polynésiennes, qui sont les premières concernées, ainsi qu'un certain nombre d'acteurs cultuels, culturels et sociaux polynésiens.
Député de l'UMP, monsieur Sandras, vous êtes également membre du Taoheraa. Or son président m'a adressé, au mois de septembre, un courrier dans lequel il me dit souhaiter que les élections anticipées pour le renouvellement de l'assemblée de Polynésie française aient lieu au plus tard à la fin de l'année ou au début de l'année 2008. Je n'ai donc fait que me conformer à la demande du président de votre formation politique en Polynésie française.
Je ne me serais pas permis de proposer une date sans avoir consulté l'ensemble des formations politiques de Polynésie française. Cette phase de dialogue et de concertation très importante, pour laquelle j'ai pris tout mon temps, est maintenant achevée. Il ne me paraît donc pas nécessaire de modifier le calendrier arrêté.
Je suis saisi d'un amendement n° 73.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je suis saisi d'un amendement n° 74 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je mets aux voix l'amendement n° 74 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 75.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je suis saisi d'un amendement n° 76.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement vise à éviter que le Conseil d'État ne soit obligatoirement consulté par le tribunal administratif de Papeete sur les dossiers déjà déposés devant ce dernier sans avoir encore été jugés.
Avis favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 77.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement vise à soumettre les autorités polynésiennes à l'obligation d'adopter d'ici au 1er juillet 2009 un certain nombre de règles prévues au II de l'article 7 bis et aux articles 9, 10 et 11 quater du présent projet de loi.
Monsieur le rapporteur, que se passerait-il si, pour diverses raisons, l'assemblée de Polynésie n'adoptait pas ces dispositions ?
Dans cette hypothèse, le haut-commissaire pourrait attirer l'attention des autorités polynésiennes et saisir, le cas échéant, les autorités administratives compétentes pour qu'elles leur enjoignent de respecter les obligations auxquelles elles sont soumises.
Je mets aux voix l'article 20, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 20, ainsi modifié, est adopté.)
Nous en revenons à l'article 6 bis et à l'article additionnel après l'article 7, précédemment réservés.
Je rappelle que les amendements nos 94 et 108 tendant à supprimer l'article 6 bis avaient fait l'objet d'une demande de scrutin public.
Je fais de nouveau annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Après avoir écouté les arguments soulevés par M. Lagarde, M. Sandras et M. Buillard, le Gouvernement propose de rédiger ainsi le deuxième alinéa de l'article 6 bis :
« Afin d'assurer la sécurité de la population, le fonctionnement normal des services publics ou de mettre fin à une violation grave et manifeste des dispositions de la présente loi organique relatives au fonctionnement des institutions et lorsque ces autorités n'ont pas pris les décisions qui leur incombent de par la loi, le haut-commissaire de la République peut prendre, en cas d'urgence et après mise en demeure restée sans résultat, les mesures qui s'imposent. Il en informe sans délai le président de la Polynésie française. »
Cet amendement n'a pas été examiné par la commission, mais, à titre personnel, j'y suis favorable. Il répond en effet aux objections qui avaient été soulevées par nos collègues, en encadrant plus strictement les pouvoirs conférés au haut-commissaire de la République.
Certes, la nouvelle rédaction proposée par le Gouvernement est un peu plus précise et prévoit des garde-fous. Mais un tel dispositif n'existe nulle part ailleurs. Il est créé pour la seule Polynésie, au motif que les autorités locales seraient incapables de résoudre un certain nombre de problèmes. On fait peser une présomption d'immaturité sur la Polynésie française. Nous refusons que lui soit appliqué un régime d'exception. D'autres dispositifs permettent d'établir des rapports normaux entre les autorités de l'État sur place et le pouvoir politique ainsi que les collectivités locales. Nous n'acceptons pas de voter un amendement qui met en cause les compétences des élus.
Le débat que nous avons eu tout à l'heure a été utile, puisque le Gouvernement a entendu nos préoccupations. La nouvelle rédaction qu'il nous propose est en effet beaucoup plus précise. Il est ainsi prévu que le haut-commissaire interviendra « en cas d'urgence », ce qui exclut tout jugement d'opportunité politique. Ceux qui tiennent à l'autonomie de la Polynésie française seront donc rassurés.
Par ailleurs, contrairement à ce que vient d'indiquer M. Le Roux, les préfets ou les hauts-commissaires ont le devoir d'assurer la sécurité de la population – qu'il s'agisse de la sécurité sanitaire ou de celle des personnes et des biens – sur l'ensemble du territoire national et, en cas d'urgence, ils peuvent pour ce faire se substituer aux maires ou aux présidents des conseils généraux. Je me souviens que M. Temaru, renversé par une motion de censure, a bloqué les institutions pendant plusieurs jours. Qu'aurait-on fait s'il y avait eu un cyclone ? Il est donc souhaitable que le haut-commissaire puisse également intervenir pour assurer le fonctionnement normal des services publics.
Dès lors qu'il ne peut plus prendre de mesures d'opportunité politique et qu'il n'a la possibilité d'intervenir, uniquement en cas d'urgence et après une mise en demeure restée sans résultat, que pour assurer la sécurité de la population et le fonctionnement normal des services publics ou, éventuellement, pour mettre fin à une violation grave et manifeste des dispositions de la présente loi, la nouvelle rédaction proposée par le Gouvernement est de nature à rassurer ceux qui tiennent farouchement et à l'autonomie de la Polynésie française, tout en souhaitant que sa population puisse bénéficier des mêmes garanties que les autres Français.
Mes chers collègues, l'Assemblée doit maintenant se prononcer, par scrutin public, sur les amendements nos 94 et 108 de suppression de l'article 6 bis, qui avait été réservé à la demande du Gouvernement.
Nous allons procéder au scrutin sur ces amendements.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin sur les amendements de suppression :
Nombre de votants 26
Nombre de suffrages exprimés 26
Majorité absolue 14
Pour l'adoption 6
Contre 20
Les amendements nos 94 et 108 sont rejetés.
J'en viens maintenant à l'amendement n° 120 du Gouvernement, qui a été distribué et qui a fait l'objet d'un avis favorable de la commission.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 6 bis, modifié par l'amendement n° 120.
(L'article 6 bis, ainsi modifié, est adopté.)
L'amendement n° 78, portant article additionnel après l'article 7, avait été réservé.
Je suis maintenant saisi d'un amendement n° 78 rectifié du même auteur, portant également article additionnel après l'article 7.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir cet amendement.
L'amendement n° 78 rectifié vise à permettre à notre assemblée d'être mieux informée des débats de l'assemblée de Polynésie lorsque celle-ci est consultée pour avis au sujet d'une loi organique relative à la Polynésie française. Les majorités étant fluctuantes au sein de l'assemblée de Polynésie, l'amendement n° 78 rectifié prévoit qu'un « avis minoritaire » est annexé à l'avis « majoritaire » qu'elle émet.
À titre personnel, monsieur le président, je suis favorable à cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 78 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
(L'ensemble du projet de loi organique est adopté.)
J'appelle maintenant les articles du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française.
Sur l'article 1er, je suis saisi d'un amendement n° 1.
La parole est àM. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour soutenir cet amendement.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il s'agit d'un amendement de précision.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Le Gouvernement émet un avis favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 2 de cohérence.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Avis favorable.
…auquel le Gouvernement est favorable.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 2, je suis saisi d'un amendement n° 6.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
Je mets aux voix l'article 2, modifié par l'amendement n° 6.
(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 3, je suis saisi d'un amendement n° 11 rectifié.
La parole est à M. René Dosière, pour soutenir cet amendement.
Un principe fondamental de notre droit, souffrant peu d'exceptions, réside dans la possibilité pour un justiciable de s'adresser d'abord à un premier juge – en matière administrative comme en matière judiciaire –, puis à un deuxième. Or, la loi de 2004 a fait du Conseil d'État le juge compétent pour connaître en premier et dernier ressort des matières qui relevaient auparavant de la compétence du tribunal administratif. L'amendement n° 11 vise par conséquent à redonner au tribunal administratif, plus proche des habitants, les compétences qui lui ont été enlevées.
Cet amendement a été rejeté par la commission. J'ai indiqué tout à l'heure les raisons qui conduisaient à confier le recours au Conseil d'État.
Même avis que celui exposé par M. le rapporteur. En outre, une telle disposition ne peut relever que d'une loi organique et pas d'une loi ordinaire.
Malgré l'heure tardive, on ne peut laisser le ministre dire n'importe quoi ! Les dispositions en question relèvent de la loi ordinaire. Je précise à l'attention de M. le rapporteur que l'exposé sommaire que j'ai lu est la copie conforme d'un avis qu'avait émis la commission des lois en 1986 à l'occasion d'une modification. À l'époque, M. Mazeaud, qui présidait la commission, s'était opposé à ce que le Conseil d'État soit juge en première et dernière instance. Il appréciera sans doute la façon dont l'actuel rapporteur traite ses propos.
Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'article 3 bis ne fait l'objet d'aucun amendement.
Je le mets aux voix.
(L'article 3 bis est adopté.)
Sur l'article 4, je suis saisi d'un amendement n° 7 du Gouvernement.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir cet amendement.
Avec votre permission, monsieur le président, je défendrai conjointement les amendements nos 7, 8 et 9.
Lors de l'examen de la présente loi par le Sénat, le Gouvernement a fait voter un amendement permettant à tous les jeunes ayant dix-huit ans à la date du premier tour et, plus généralement, aux nouveaux inscrits, de participer à ce scrutin anticipé.
Les amendements nos 7, 8 et 9 complètent cette disposition en avançant la date d'entrée en vigueur des inscriptions, mais aussi des radiations des listes électorales. Par ailleurs, en ce qui concerne les électeurs inscrits d'office et par anticipation sur les listes électorales, il est proposé de limiter la possibilité de voter aux seuls citoyens ayant atteint l'âge de dix-huit ans à la date du scrutin.
Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 10, portant article additionnel après l'article 4.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir cet amendement.
L'amendement n° 10 vise à corriger une erreur matérielle.
Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
Lundi 26 novembre 2007, à dix-huit heures, première séance publique :
Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, no 351 :
Rapport (no 412) de M. Michel Raison, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire ;
Avis (no 408) de M. Bertrand Pancher, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
Suite de l'ordre du jour de la première séance.
La séance est levée.
(La séance est levée, le vendredi 23 novembre 2007, à une heure cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton