La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, votre majorité fustige ces salariés irresponsables qui prendraient des arrêts maladie abusifs. Pourtant, aujourd'hui, la réalité, c'est une intensification toujours plus grande des rythmes de travail, un stress toujours plus fort, avec des injonctions de performance intenables, menant certains salariés au suicide. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce sont aussi des pressions inadmissibles des employeurs pour ne pas déclarer les accidents de travail, dont le coût est renvoyé sur l'assurance maladie, ce qui, ajouté aux 30 milliards d'exonérations patronales, contribue au déficit.
Or, selon la CNAM, il n'y a pas de hausse du nombre d'arrêts maladie. Le taux d'absence au travail en France est l'un des plus faibles d'Europe et les contrôles recensent moins de 3 % d'arrêts injustifiés. Le montant de la fraude aux prestations versées avoisinerait les 2 ou 3 milliards d'euros. En revanche, du côté des employeurs, en raison du travail dissimulé, la fraude est estimée à 30 milliards d'euros, soit dix fois plus. Mais vous croyez plus payant, électoralement, de stigmatiser les soi-disant « assistés » ou « tricheurs » que de dénoncer les employeurs fraudeurs.
Les 200 millions espérés de l'instauration d'une quatrième journée de carence représentent, selon l'INSEE, quarante-cinq, voire soixante-quinze fois moins que le manque à gagner pour fraude au paiement des cotisations patronales. Ce quatrième jour de carence est injuste, car ce sont les médecins qui prescrivent en toute indépendance, et non les salariés. Il frappe les salariés les plus précaires, ceux en CDD, en intérim, qui ont moins d'un an d'ancienneté ou dont la convention ne prévoit pas le paiement par l'entreprise. Comme d'habitude, les femmes et les jeunes seront parmi les plus touchés.
Mais comme, au nom de votre singulière conception de l'équité, vous instaurez un jour de carence pour les fonctionnaires, le message que vous adressez aux employeurs serait-il de ne pas payer ce quatrième jour ?
Non, les Français ne sont pas des voleurs et votre discours contre la fraude et les assistés n'a pour seul objectif que de masquer vos mesures d'austérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, aujourd'hui, vous le savez, le Gouvernement suit une stratégie de désendettement et de réduction des déficits. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Parmi les déficits que nous n'avons pas le droit de léguer à nos enfants, il y a celui de l'assurance maladie. Pour qu'il soit réduit – et il le sera de 50 % en 2012 par rapport à 2010 –, nous devons dépenser moins et maîtriser notre dépense. Vous le savez, madame la députée, dans notre pays, la tendance de la croissance des dépenses d'assurance maladie est de 4,5 % par an.
Nous avons décidé, courageusement, de la contenir à 2,5 % par an. Parmi les mesures demandées pour maîtriser la croissance de cette dépense, nous avons demandé aux Français un effort sur leurs indemnités journalières de congés maladie, parce qu'elles représentent 6,6 milliards d'euros de dépenses annuelles.
Contrairement à ce que vous dites, elles connaissent, depuis deux ans, une augmentation singulière de 3,9 % en 2009 et de 5 % en 2010. Vous conviendrez que c'était là qu'il fallait trouver des économies. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.– Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le ministre chargé de l'industrie, j'appelle votre attention sur une situation qui n'a que trop duré : je veux parler de l'inégalité territoriale en matière d'accès à la téléphonie mobile, d'une part, et à l'internet haut débit, d'autre part.
S'agissant du problème spécifique du portable, de nombreux autres parlementaires sur ces bancs sont déjà intervenus à ce sujet et, à chaque fois, la réponse fut la même : « Les zones blanches, les zones grises, il n'y en a quasiment plus ! » Aujourd'hui, 98 % du territoire seraient couverts ! Si tel était réellement le cas, il ne resterait donc plus que 2 % de déserts ou de quasi-déserts téléphoniques en France.
Je ne sais pas si c'est de la malchance ou de la paranoïa de ma part, mais j'ai l'impression que ces 2 % de désert sont tous dans ma circonscription ! Il ne se passe pas une semaine sans que des élus ou des habitants de ma circonscription, certes, composée de 195 communes, ne m'alertent à ce sujet.
J'ai moi-même régulièrement l'occasion de constater qu'il reste bel et bien des zones non couvertes, et d'autres où il faudrait avoir en permanence avec soi trois téléphones, et donc trois abonnements, pour être sûr de pouvoir être joint ou de pouvoir appeler à tout moment. Tout cela parce qu'on a été incapable d'imposer aux opérateurs l'interopérabilité des antennes relais.
Cela peut prêter à sourire, mais derrière tout cela il y a la vie quotidienne de milliers d'habitants, d'artisans ou de commerçants en zone rurale.
Je crois donc qu'entre les froides statistiques de 1 'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – la fameuse ARCEP – et la réalité du terrain, il y a une nuance qui est devenue insupportable !
Aussi, monsieur le ministre, ma question est très simple. Quel calendrier précis vous êtes-vous fixé pour qu'enfin tous les citoyens de tous les territoires de France puissent être appelés et appeler avec leur téléphone mobile ? Et à quand le haut débit internet pour tous ?
La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
Monsieur le député, je ne conteste pas qu'il existe un certain nombre de zones blanches en France, dans votre circonscription sans doute, dans la Drôme, et même parfois à Paris.
Cela étant, les chiffres que vous citez et que vous contestez en même temps sont ceux validés par l'autorité de régulation, l'ARCEP, qui est une autorité indépendante.
C'est pourquoi j'ai proposé à vous-même, aux parlementaires intéressés et à l'ARCEP que nous réunissions rapidement un groupe de travail pour voir ce qui doit être affiné dans le calcul de ces fameuses zones blanches. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cela ne nous interdit pas d'agir. Le programme Zones blanches a déjà bénéficié à plus de 3 000 communes. Il reste 279 communes à couvrir et l'investissement engagé est important : il dépasse les 600 millions d'euros.
Concernant le haut débit mobile, les opérateurs ont déjà couvert 95 % de la population et, d'ici à la fin de cette année, ils en couvriront 98 %. La couverture, en France, vous le savez, est largement supérieure à la moyenne européenne, qui est de 90 %.
Enfin, pour le très haut débit mobile, sur lequel vous m'interrogiez, le Gouvernement a retenu les critères les plus favorables possible à l'aménagement du territoire. En effet, 99,6 % de la population doivent être couverts en quinze ans. Pour la première fois, une obligation de couverture au niveau départemental a été mise en place. Pour la première fois également, une zone rurale prioritaire, qui représente 60 % du territoire de notre pays, a été définie. C'est donc le premier réseau qui va être déployé en même temps en ville et en zone rurale.
Vous voyez, monsieur le député, il nous reste des progrès à faire. Nous pouvons les faire ensemble. En même temps, ne dénigrons pas des infrastructures qui sont parmi les meilleures en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et. divers gauche
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Hier, à Bordeaux, le Président de la République s'est affirmé, comme déjà en 2007, en premier combattant de la fraude sociale, comme s'il avait le monopole du refus de la fraude, que nous étendons au contraire à tous les fraudeurs, et d'abord aux plus lourds et aux plus condamnables.
Trois milliards d'euros de fraude aux prestations sociales, ce sont 3 milliards de trop, c'est vrai ! Mais faut-il pour autant, pour une minorité de petits fraudeurs, désigner à la vindicte des Français les 99 % qui perçoivent légitimement des prestations sociales ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
On évalue à 6 à 12 milliards, cinq fois plus, le travail dissimulé. Qu'en a t-il dit ? Rien ! Qu'a-t-il fait ? Rien ! A-t-on décidé d'intensifier les contrôles, au lieu de diminuer, grâce à la RGPP, le nombre des contrôleurs ? Avons-nous eu connaissance, hier, d'une seule mesure contre ces entreprises voyous qui ont aidé aux travaux de voirie à Bordeaux ? Non ! Une fois encore, le coupable n'est pas le loup, mais l'agneau, qui a tondu l'herbe de la largeur de sa langue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Enfin, on compte de 20 à 40 milliards d'euros, dix fois plus, pour l'évasion fiscale des plus riches, contre laquelle aucun moyen n'est donné à l'administration fiscale, alors que ce même président avait déclaré la guerre aux paradis fiscaux. De cette guerre-là il n'a pas été question, aucune arme n'a été donnée aux services.
Voler les Français, les trahir, n'est-ce pas d'abord faire subir au budget de la France cette hémorragie qu'est l'évasion fiscale ?
Hier, à Bordeaux, le président n'a pas engagé la lutte contre la fraude, il a ouvert la campagne…
La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Madame la députée, frauder, c'est voler. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.– Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La fraude affaiblit notre pacte républicain. Elle fait perdre sa légitimité à notre modèle social. C'est pour cela que nous avons décidé d'être intransigeants avec la fraude, d'où qu'elle vienne. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous ne partageons pas, mesdames, messieurs les députés, votre culture de l'excuse. Il n'y a pas d'excuses pour les fraudeurs. (« Bettencourt ! Bettencourt ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Sur cette question de la fraude sociale que vous avez évoquée, madame Delaunay, oui, nous revendiquons 40 % de fraude sociale détectée supplémentaire depuis 2007, soit 450 millions d'euros. (« Bettencourt ! Bettencourt ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Sur ces 450 millions, 40 % concernent le travail dissimulé de la part d'employeurs. Nous les sanctionnons.
Les 60 % restants sont dus à la fraude aux prestations sociales. Nous les sanctionnons, et nous les sanctionnons mieux aujourd'hui, avec la création d'un fichier national des prestations sociales qui nous permet de croiser les différents organismes de prestations sociales pour vérifier que des personnes ne touchent pas plusieurs fois leurs allocations.
Oui, nous avons augmenté ces dispositifs de contrôle avec, grâce aux amendements de Dominique Tian dans le projet de loi de finances qui a été présenté à votre assemblée, la possibilité de suspendre les allocations dès lors qu'il y aurait usurpation d'identité, présentation de faux documents, utilisation abusive d'une carte vitale qui ne vous appartient pas.
Oui, madame la députée, nous revendiquons l'exemplarité en matière de dépenses sociales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Paul Anciaux, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire
Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
Parmi les héritages du Gouvernement provisoire de la République française du général de Gaulle, il y a la volonté farouche d'une indépendance énergétique grâce à l'usage de la technologie nucléaire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Souvenons-nous, c'était en 1945, et le Commissariat à l'énergie atomique – le CEA – était créé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Hier, les socialistes et les Verts ont passé un accord. Il prévoit, en échange d'une vingtaine de circonscriptions potentiellement gagnables, l'arrêt imposé de vingt-quatre réacteurs nucléaires sur nos cinquante-huit en exploitation. (Huées sur les bancs du groupe UMP.) Cette compromission n'est pas digne d'un parti politique qui se dit parti de gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.) « Vouloir attenter au nucléaire est une folie ! ». Je ne suis pas le seul à le dire, Michel Rocard l'a affirmé haut et fort. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Les conséquences d'un tel accord seront désastreuses pour la France et pour les Français. Que l'on en juge : c'est la réduction d'un tiers des capacités du parc nucléaire d'EDF au moment où celui-ci vient d'être amorti sur le plan financier. C'est une augmentation de 30 à 40 % du prix de l'électricité en France. C'est l'aggravation des émissions de gaz à effet de serre pour assurer les besoins énergétiques des Français, alors que nous combattons aujourd'hui avec force ce phénomène. C'est la destruction de dizaines de milliers d'emplois industriels et d'une filière d'excellence. C'est l'anéantissement d'un tissu industriel national, de la maintenance à la recherche en passant par le développement. Je rappelle, monsieur le ministre, qu'en Bourgogne ces trois activités représentent plus de 10 000 emplois. C'est, enfin, la fin programmée de l'atome, qui n'enrichira, au final, que les Verts dans la course effrénée qu'ils se livrent avec le parti socialiste pour l'attribution des circonscriptions, mais qui, hélas, appauvrira la France ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Dans ces conditions, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous rappeler quelles sont les priorités du Gouvernement en matière d'énergie et nous confirmer l'engagement de l'État dans le domaine de l'écologie, afin de mettre un terme à tous les mensonges électoralistes qui surgissent aujourd'hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
Monsieur Anciaux, vous avez entièrement raison. D'abord, il faut nommer les choses et les dire très clairement. Depuis hier, on nous explique que l'accord qui a été signé serait un accord a minima et que les conséquences seraient minimes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Non, les conséquences sont maximales. Derrière le rideau de fumée, c'est bien la sortie du nucléaire qui est engagée. En effet, si vous cumulez vingt-cinq réacteurs en moins, pas de construction de nouveaux réacteurs et la fin hallucinante de la filière du retraitement-recyclage, c'est bien, je le répète, la sortie du nucléaire qui est engagée. Il faut d'abord en finir avec l'hypocrisie et appeler les choses par leur nom ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ensuite, c'est une régression sans précédent. Une régression intellectuelle : c'est la fin du pacte séculaire entre le progrès technique et le progrès social. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Une régression industrielle aussi : c'est la mort de l'industrie nucléaire française, aujourd'hui la plus puissante dans le monde. Cela aura un impact considérable sur toute notre industrie, notamment sur ce que nous appelons les électro-intensif, qui ont aujourd'hui la chance de disposer, en France, d'une électricité sûre, peu chère et de grande qualité.
Ce serait une régression immense pour le pouvoir d'achat des Français, puisque l'électricité augmenterait considérablement si ce programme devait par malheur être adopté. Ce serait une régression pour l'environnement. En effet, ne tournons pas autour du pot : en dépit des progrès de l'efficacité énergétique et du développement des énergies renouvelables, c'est le gaz et le charbon qui, dans tous les pays qui sortent du nucléaire, remplacent cette énergie. Le reste est littérature ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.) C'est une régression en termes d'indépendance énergétique, c'est une régression pour le commerce extérieur. Nous avons entendu parler de démondialisation et de décroissance. Il s'agit maintenant, purement et simplement, de la destruction de l'industrie nucléaire et de l'industrie tout court ! (Mmes et MM. Les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent vivement.– Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la ministre du budget, il y a quelques secondes, vous avez déclaré : « Le déficit que nous n'avons pas le droit de léguer à nos enfants, ce sont les dépenses sociales. » Or c'est déjà fait. En effet, voici à peine un an, la majorité de droite de cet hémicycle a renvoyé 120 milliards de dette sociale à la CADES, qui pèseront donc sur les générations futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Permettez-moi de vous rappeler ce que disait M. Warsmann, rapporteur UMP de cette proposition : « On va emprunter pour faire payer une partie des soins médicaux d'aujourd'hui par ceux qui travailleront au-delà de 2022. Lancer des emprunts lorsque l'on sait que l'on n'a pas l'argent nécessaire pour le rembourser, cela s'appelle faire de la cavalerie. »
Les Français pourront comparer, une nouvelle fois, les actes et les discours. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Hier, Nicolas Sarkozy a affirmé à juste titre que frauder la sécurité sociale, c'est voler chacune et chacun d'entre nous. Autrement dit, chaque Français, c'est vrai, est une victime de la fraude. Alors, pourquoi sanctionner toutes les victimes pour lutter contre les fraudeurs ? Pourquoi imposer une journée supplémentaire sans indemnité à tous les salariés malades, du public et du privé, au seul motif que parmi eux, il y aurait 1 % de fraudeurs ? Le raisonnement est totalement incohérent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C'est comme si, pour lutter contre la vitesse excessive, vous supprimiez un point sur leur permis de conduire à tous les conducteurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Chacun l'aura compris, la lutte contre la fraude n'est qu'un habillage destiné à cacher une nouvelle régression sociale qui va frapper tous les malades. Peut-être que le nouveau slogan électoral sera : travaillez plus mais, surtout, ne soyez pas malades ! (Applaudissements sur les bancs sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur Alain Vidalies, ne tombons pas dans la caricature ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous ne pouvez pas dire tout et son contraire. Vous ne pouvez pas à la fois affirmer votre préoccupation de réduire les déficits et refuser au Gouvernement la moindre mesure de maîtrise des dépenses ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Je viens de vous préciser que les indemnités journalières, en cas d'arrêt maladie, pesaient 6,6 milliards d'euros dans le budget de l'assurance maladie…
Plusieurs députés du groupe SRC. Sur la CADES !
…en augmentation de 5 % en 2009 et de près de 4 % en 2010.
Plusieurs députés du groupe SRC. Et la suppression de l'ISF ?
Je vous le dis, les efforts doivent être partagés entre tous. Nous n'avons pas augmenté le ticket modérateur, monsieur Vidalies. Nous n'avons pas augmenté les déremboursements de médicaments ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons pratiqué une politique de maîtrise des dépenses. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Cette politique est partagée. Nous allons demander aux laboratoires de baisser les prix du médicament, à hauteur de 670 millions d'euros. Nous allons demander aux hôpitaux de baisser les prix de leurs actes. Nous allons demander au système de santé d'être plus performant,…
…aux médecins généralistes d'avoir de meilleures pratiques, de prescrire mieux et moins, et nous allons demander aux salariés de faire un effort supplémentaire de contribution à l'assurance maladie sur leurs jours de congé maladie. Un jour de carence supplémentaire sera institué dans le privé et un dans la fonction publique. Ce sont des efforts partagés. C'est de la responsabilisation. C'est de l'équité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Martine Aurillac, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire
Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, Alain Juppé.
Depuis plusieurs mois, monsieur le ministre, la Syrie connaît des troubles extrêmement graves, ainsi que la sanglante répression, encore avant-hier, d'une révolte aux enjeux beaucoup plus sociaux que confessionnels, qui aurait déjà fait plus de 3 500 morts.
Notre représentation à Damas, ambassade et résidence, vient de faire l'objet d'attaques inadmissibles, et vous avez réagi avec la fermeté qui s'impose, mais, au-delà, la communauté internationale s'inquiète de plus en plus, et à juste titre, de la situation très complexe de ce pays, qui semble s'enfoncer dans une guerre civile à peine larvée.
Le Conseil de sécurité est bloqué. Dans ce contexte, la Ligue arabe et l'Union européenne tentent de peser de leur poids pour obtenir le départ du président alaouite Bachar Al-Assad, et l'établissement d'un nouvel équilibre, avec une opposition extrêmement divisée.
Pouvez-vous faire le point sur cette crise, nous dire quels sont les efforts de la France et les raisons d'espérer quelque progrès ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Depuis des mois, madame la députée, la France ne cesse de condamner la répression en Syrie. Vous l'avez dit, plus de 3 500 morts, 200 depuis le début du mois de novembre, des dizaines de milliers de prisonniers et un peuple admirable, qui continue son combat en refusant la violence.
J'ai été l'un des tout premiers à appeler au départ de Bachar Al-Assad. Nous avons apporté notre soutien à l'opposition, dont j'ai rencontré les principaux responsables ici à Paris. Avec les Européens, nous avons déjà appliqué neuf trains de sanctions, embargo sur les armes, embargo sur les importations de pétrole, interdiction de livraisons de billets à la Banque centrale syrienne. Aux Nations unies, nous avons essayé de faire adopter un projet de résolution, qui s'est heurté à l'opposition russe. Nous sommes en train de travailler à l'Assemblée générale avec la Ligue arabe pour faire adopter un projet de résolution, et nous soutenons la commission d'enquête de la Commission des droits de l'homme.
Le régime s'entête. De nouvelles violences ont eu lieu en Syrie, ce qui m'a amené à fermer nos agences consulaires d'Alep et de Lattaquié, nos instituts culturels, et à rappeler notre ambassadeur à Paris.
Un tournant vient sans doute d'être pris avec les décisions de la Ligue arabe, qui a suspendu la Syrie et pris des sanctions économiques et politiques, et qui invite l'opposition au Caire. Une réunion de la Ligue arabe a lieu aujourd'hui même à Rabat. Le roi de Jordanie vient d'appeler Bachar Al-Assad à quitter le pouvoir, et la Turquie durcit ses sanctions.
Vous voyez donc que l'étau se resserre autour de ce régime totalement autiste, qui continue à pratiquer une répression sanglante. Le peuple syrien, j'en suis convaincu, va gagner son combat, et la France continuera à tout faire pour l'y aider. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée de la formation professionnelle.
Madame la ministre, le travail, le chômage, est l'une des préoccupations majeures des Français. Le chômage augmente, plus de 300 000 chômeurs supplémentaires depuis le début de l'année. On compte un peu moins de 3 millions de chômeurs, 2,9 millions, et le taux de chômage est pratiquement de 10 %.
Les jeunes ont des difficultés pour trouver un premier emploi, problème récurrent. De septembre à décembre, c'est une période cruciale pour les contrats d'apprentissage mais aussi de professionnalisation puisque 80 % environ des contrats d'apprentissage sont signés à cette période, et 60 % des contrats de professionnalisation. Et l'on sait qu'au terme de ces formations 80 % de nos jeunes seront employés en CDI.
Nous sommes pratiquement à la fin de cette période. Pourriez-vous dire à la représentation nationale où nous en sommes, quel est le bilan pour la signature de tels contrats ? Je sais, pour avoir assuré des permanences cet été, qu'un grand nombre de jeunes ont des problèmes pour trouver des maîtres d'apprentissage. Qu'allez-vous faire pour valoriser ce type de formation, comment allez-vous mobiliser les entreprises ? Allez-vous augmenter le nombre de formations envisageables ? Il y a quelques années, on avait prévu qu'il y aurait 800 000 alternants en 2015, dont 600 000 apprentis.
Pensez-vous que ce chiffre pourra être tenu ? (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
La parole est à Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.
Oui, monsieur le député, nous tiendrons cette dynamique, cette feuille de route qui nous a été assignée par le Président de la République, 800 000 alternants d'ici à 2015. En un an, dans ce contexte de crise économique et financière, 5,7 % de contrats supplémentaires d'alternants ont été signés dans notre pays. La politique que nous menons est donc payante. Les entreprises sont mobilisées et veulent jouer gagnant- gagnant avec les jeunes.
Le portail de l'alternance que nous avons mis en place avec Xavier Bertrand et réactualisé met en ligne plus de 30 000 offres d'emploi directement consultables, avec une carte de France interactive permettant de savoir dans quelle région des entreprises recrutent des jeunes en alternance. C'est important.
Cette politique marche d'autant plus que nous avons supprimé les charges pour les entreprises de moins de 250 salariés, qui se sont mobilisées pour recruter des apprentis. C'est également important.
Nous irons plus loin. D'ici à la fin de l'année, les entreprises pourront saisir en ligne sur le portail de l'alternance les contrats de leurs jeunes apprentis, pour leur simplifier la vie.
Comme vous le savez, nous misons sur l'avenir des jeunes dans le secteur marchand. Vous l'avez souligné, huit jeunes sur dix formés par alternance trouvent un emploi en quelques mois. Ce n'est pas la voie sans issue proposée sur les bancs de l'opposition, 300 000 emplois publics financés avec de la dette, avec de l'argent qu'ils n'ont pas. Il faut sortir de cette démagogie. L'avenir des jeunes, le seul, se trouve dans l'entreprise. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Éric Raoult, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, le Haut Conseil à l'intégration vous a remis hier le projet de charte des droits et devoirs, charte qui devra être signée par tout postulant à la naturalisation française à l'issue de son entretien d'assimilation en préfecture.
Le principe de cette charte a été voté à l'article 2 de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité. Cette charte est une étape importante dans la revalorisation de la procédure d'accès à la nationalité française, qui doit intervenir à l'issue d'une intégration réussie dans notre société.
Les commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat ont été associées à ce travail. Je salue l'implication de mon ami et collègue Claude Goasguen dans la rédaction de cette charte des droits et devoirs.
Au-delà, monsieur le ministre, vous avez engagé depuis plusieurs mois une action volontaire en matière de droit de la nationalité, consistant à réaffirmer dans ce droit les éléments fondamentaux de l'appartenance à notre pays ; je pense à la connaissance de la langue française comme à celle de l'histoire et de la culture de notre pays, autant de conditions d'une intégration réussie.
La fermeté dont fait preuve le Gouvernement pour lutter contre l'immigration clandestine et baisser l'immigration légale est aussi un préalable pour relever le défi de l'intégration, face à ceux qui préfèrent les arrangements roses-verts et les critiques permanentes et obsessionnelles contre le chef de l'État à la définition claire d'une ambition nationale pour celles et ceux qui veulent partager le projet France.
La remise par les maires comme par les sous-préfets de décrets de naturalisation est un acte solennel et émouvant.
Plusieurs députés du groupe SRC. Stop ! C'est fini !
Lorsqu'on leur remet un acte de naturalisation, bien souvent, les personnes mettent la main sur le coeur… (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Monsieur le député, votre intervention souligne la cohérence des dispositions de la loi du 16 juin dernier relative à la nationalité et la clarification qu'elles ont apportée. Ces dispositions sont toutes inspirées d'une même conception : l'accès à la citoyenneté française n'est pas une formalité administrative, ce n'est pas un commencement mais un aboutissement.
C'est la raison pour laquelle, conformément à la loi, à compter du 1er janvier prochain, le niveau de langue française qui sera exigé des personnes souhaitant acquérir la nationalité française sera relevé pour atteindre celui de la fin de la scolarité obligatoire. Un questionnaire devra être rempli, qui attestera un minimum de connaissance de notre culture, de notre histoire, de nos institutions, de notre civilisation.
C'est pourquoi aussi, conformément à l'article 2 de la loi, les postulants à la nationalité française devront signer une charte des droits et devoirs du citoyen qui témoignera de l'adhésion à nos valeurs républicaines, à l'essentiel des principes structurant nos institutions.
Le Parlement en a ainsi décidé. J'ai demandé au Haut Conseil à l'intégration de me rendre un projet. Ce projet a été rédigé conformément à ce que vous souhaitiez avec les rapporteurs de la loi à l'Assemblée et au Sénat, et va devenir un projet de décret.
Cette rénovation de notre droit de la nationalité s'inscrit dans une conception plus large, selon laquelle les personnes immigrées admises à résider chez nous doivent être intégrées à notre société et, par conséquent, les flux migratoires être régulés en fonction de nos capacités d'intégration. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Guy Delcourt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, en matière de fraude, quand il s'agit des pauvres, ce sont des voleurs et des tricheurs, quand il s'agit des riches et des nantis, ils font des erreurs ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Guérini ! Guérini !
Je souhaite m'exprimer au nom des oubliés du système, qui sont malheureusement, pour un trop grand nombre d'entre eux, des habitués de la pauvreté : je veux bien entendu parler des jeunes.
Aucun argument, qu'il s'agisse de la crise économique et financière ou de la situation des finances publiques, n'est acceptable et ne légitime les leurres du Gouvernement en la matière, quand on sait qu'un jeune sur cinq est en situation de pauvreté constatée.
Les rapports des associations sont de bons indicateurs de la situation des jeunes, dont les droits sont quotidiennement bafoués : qu'il s'agisse de leur droit à la formation, alors que toujours plus de jeunes doivent prendre des jobs étudiants lourds au détriment de leurs études ; de leur droit à l'emploi, et donc à des ressources décentes, quand les chiffres du Secours catholique font état de 40 % de jeunes au chômage et que le RSA « jeunes » ne concerne fin 2010 que 5 000 jeunes ; de leur droit à la santé, alors que 15 % des étudiants renoncent à des soins et à une nourriture équilibrée pour des raisons financières ; ou qu'il s'agisse enfin de leur droit au logement, la situation à cet égard étant caractérisée par le pourcentage accablant de 36 % de jeunes occupant un logement indécent ou d'étudiants obligés, pour des raisons financières, de retourner vivre chez leurs parents eux-mêmes en difficulté.
Ces constats alarmants sont indignes de notre société et porteurs de désespérance pour toute une génération. La jeunesse est l'avenir de la France, mais l'avenir de la jeunesse devient la honte de la France ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à ouvrir une parenthèse dans la rigueur pour un investissement d'avenir, celui de la jeunesse ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député, aider les étudiants est une bataille constante, dans laquelle ce gouvernement a pris encore très récemment de nombreuses mesures, dans le prolongement de ce qu'avait engagé Valérie Pécresse.
Tout d'abord, nous n'avons jamais eu autant d'étudiants bénéficiaires de bourses : alors qu'ils étaient 450 000 il y a quatre ans, ils sont 600 000 aujourd'hui, soit une augmentation de plus de 25 %.
Ensuite, les seuils ont été relevés de façon que les familles de classe moyenne modestes puissent être également accompagnées par le biais des bourses.
Enfin, alors qu'il y a aujourd'hui dix mois d'études, nous en étions restés à neuf mois de bourse. Cette année, le versement de dix mois de bourse est définitivement entré en vigueur, pour accompagner nos étudiants sur toute la durée de leurs études, ce qui montre bien qu'il n'y a pas de rigueur aveugle.
Je pourrais également mentionner les efforts pour améliorer le logement étudiant ou pour aider à accéder aux équipements numériques les étudiants qui en ont besoin.
Mais il y a, monsieur le député, des mesures dangereuses pour nos étudiants et qui méritent toute l'attention de la représentation nationale, ce sont celles que préconise le groupe de réflexion Terra Nova, proche du parti socialiste (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et NC – Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…
…qui propose de multiplier par trois les frais d'inscription dans les universités (Huées sur les bancs du groupe UMP), ce qui serait absolument ravageur pour le niveau de vie de nos étudiants.
Je ne vous ai pas entendu vous exprimer à ce sujet. Je n'ai guère entendu de désapprobation à l'encontre de cette proposition redoutable portée par un groupe de pensée très proche du parti socialiste. Une telle mesure mériterait pourtant une indignation de votre part car elle serait désastreuse pour les étudiants des classes moyennes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Guy Teissier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Il y a quelques jours, M. Zalmaï Rassoul, ministre des affaires étrangères afghan, était en déplacement officiel en France. À l'occasion d'un entretien que j'ai eu avec lui, il a tenu à réitérer les remerciements du gouvernement afghan pour la qualité du travail accompli par les militaires français sur le sol de son pays, et à louer la qualité de la relation diplomatique que vous avez su nouer.
Dans le contexte des prochaines conférences internationales d'Istanbul et de Berlin sur l'Afghanistan, et en vue du retrait des forces de la coalition à l'horizon de 2014, des accords sont en discussion entre ce pays et les principales puissances européennes. Nous savons que nous sommes près du but : la reconstruction des institutions, le développement des infrastructures, le processus de réconciliation nationale et les avancées de l'État de droit concourent à faire naître un grand espoir dans le peuple afghan, un espoir de paix, bien sûr, et de prospérité. Nous avons déjà consenti des investissements importants au profit de ce pays,…
…et nos militaires ont accompli des efforts considérables allant jusqu'au sacrifice suprême pour soixante-seize d'entre eux.
Monsieur le ministre d'État, nous avons su faire la guerre ; maintenant, nous devons savoir faire la paix. Dès lors, quels sont les accords que le Gouvernement envisage de conclure et quels sont les moyens qu'il prévoit d'engager pour permettre à ce pays de retrouver le chemin de la paix et de la prospérité ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le président de la commission de la défense, la politique que nous menons en Afghanistan est cohérente ; elle vise des objectifs convergents.
Tout d'abord, ce qu'on appelle la transition, c'est-à-dire le retrait progressif de nos troupes et le transfert de la responsabilité d'assurer la sécurité à l'armée afghane, que nous avons nous-mêmes formée. Ce processus est en cours : 400 hommes ont déjà regagné la France. La Surobi devrait figurer dans la liste des régions prochainement transférées, ce qui nous permettra d'atteindre l'objectif du retrait d'un millier d'hommes fixé par le Président de la République, et de l'ensemble du dispositif avant 2014. Certains nous pressent d'aller plus vite, mais il faut savoir garder son sang-froid et ne pas céder à la panique.
Deuxième objectif : soutenir les autorités afghanes dans leur politique de réconciliation.
Troisième objectif : préparer l'après-2014.
Sur le plan bilatéral, le Président de la République, lors de sa dernière visite à Kaboul, avait proposé au Président Karzaï un traité de coopération. J'ai remis le projet de traité à M. Rassoul, que j'ai rencontré le 26 octobre dernier. Il propose, sur une longue période, une coopération en matière de défense et de sécurité, ainsi que pour le développement des infrastructures, de l'agriculture, du secteur minier, de l'éducation, de la culture et de la santé, dans le cadre d'un programme d'actions quinquennal concret.
Par ailleurs, nous agissons sur le plan multilatéral. Lors de la conférence d'Istanbul du 2 novembre dernier, la France a proposé un système de sécurité collective aux voisins de l'Afghanistan ; ce que l'on appelle désormais le processus d'Istanbul est lancé. Et le 2 décembre, à Bonn, l'Union européenne proposera, elle aussi, à l'Afghanistan un accord de coopération globale pour l'accompagner dans sa reconstruction.
La situation reste à l'évidence très difficile. Je veux saluer ici la mémoire du légionnaire Goran Franjkovic, mortellement touché en Kapisa le 14 novembre. Nos soldats assument la mission qui leur a été confiée par le chef de l'État et par le Gouvernement avec compétence et courage. Ils méritent l'admiration et le soutien de la nation tout entière. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Laurence Dumont, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Monsieur le Premier ministre, le pouvoir d'achat est une préoccupation majeure des Français, toujours citée en deuxième ou troisième position dans les enquêtes d'opinion. Nicolas Sarkozy, certes médaillé d'or des promesses non tenues (Protestations sur les bancs du groupe UMP), s'en était fait le soi-disant ardent défenseur. Souvenez-vous du slogan « le président du pouvoir d'achat ».
Pourtant, sans reconnaître l'échec de votre politique dans ce domaine, vous avez annoncé il y a quelques jours un deuxième plan de rigueur. La hausse de la TVA et la désindexation des prestations sociales vont bien diminuer, injustement, le pouvoir d'achat des classes moyennes et des plus modestes. Dans ce plan de rigueur, rien sur la maîtrise des loyers du marché locatif privé, qui flambent, rien sur l'augmentation du SMlC, rien sur le coût sans cesse croissant des dépenses d'énergie : quelle injustice et quelle absence de courage politique ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Le courage aurait été plutôt d'annuler la baisse de l'impôt sur la fortune et de rétablir les droits de succession sur les grandes fortunes. Le courage aurait été aussi de taxer les transactions financières pour mettre à contribution le système financier, qui est largement responsable de la crise. Rien de tout cela !
Qu'en est-il de la promesse d'augmenter le pouvoir d'achat des Français ? Les Français n'ont rien vu venir. Bien au contraire, vous leur rendez la vie quotidienne toujours plus difficile.
Monsieur le Premier ministre, du fameux slogan de 2007, « le président de l'augmentation du pouvoir d'achat», on est maintenant passé à l'augmentation du pouvoir d'achat du seul Président de la République et de ses amis du Fouquet's. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Les Français apprécieront. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Madame Laurence Dumont, aujourd'hui, la France livre la bataille de la crédibilité.
Nous gagnerons cette bataille si nous sommes réactifs et constants, et si nous tenons nos engagements de réduction des déficits et de l'endettement. Cela demande des efforts à tous les Français. Mais nous veillons à ce que ces efforts soient équitablement répartis. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Cela veut dire qu'ils pèsent sur les grandes entreprises : nous allons établir un taux minimal d'impôt sur les sociétés pour toutes les grandes entreprises, et 5 % d'impôt supplémentaire.
Quant aux PME, qui font l'emploi et la croissance de nos territoires, elles seront épargnées.
S'agissant des ménages, oui, nous demandons des efforts à tous les Français, mais nous demandons plus à ceux qui ont plus. Un ménage aisé a plus de revenus, plus de patrimoine et plus de biens immobiliers. Ce ménage payera donc trois fois. Il paiera en termes d'impôt sur le revenu et d'ISF – le gel du barème de l'impôt sur le revenu, comme celui du barème de l'ISF, vous et vos collègues le cachez. Il paiera aussi sur son patrimoine : pour la première fois dans l'histoire du pays, les revenus du patrimoine seront taxés au même niveau que les revenus du travail.
C'est une petite révolution : vous la passez sous silence. Enfin, nous taxerons aussi plus fortement l'immobilier pour ce ménage. De surcroît, nous allons créer une contribution spéciale de solidarité sur les plus hauts revenus.
Madame Dumont, c'est cela l'équité, et l'injustice, c'est ce qui se fait aujourd'hui dans l'Espagne socialiste avec la baisse des retraites, la baisse des prestations sociales, la baisse des salaires des fonctionnaires. Ce n'est pas notre politique ! (Applaudissements sur de plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Marie Binetruy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement. populaire
Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État auprès de Mme la ministre de la solidarité et de la cohésion sociale. J'y associe mon collègue Jean-Pierre Dupont.
Madame la secrétaire d'État, lundi, vous ouvriez la semaine pour l'emploi des personnes handicapées en visitant un institut médico-éducatif consacré à l'insertion professionnelle des jeunes handicapés à Pessac, en Gironde.
Depuis quinze ans, la France consacre chaque année une semaine à ce thème capital dans la vie de nos compatriotes handicapés. Cette semaine vise autant à mobiliser les acteurs privés, publics et associatifs qu'à sensibiliser le grand public. Elle nous interroge sur la façon dont notre société fait face à cette question majeure dans la vie des personnes handicapées.
Actuellement, le taux de chômage chez les personnes handicapées est de 19,3 %, soit deux fois plus que le taux de chômage en France. Le taux d'emploi des personnes handicapées est malheureusement toujours bas : 2,6 % dans le secteur privé et 4,4 % dans le public, alors que la loi fixe un taux d'emploi obligatoire à 6 %.
C'est un véritable enjeu de société quand on sait que près de 1,8 million de personnes sont concernées par la question de l'insertion professionnelle et du maintien dans l'emploi des personnes handicapées dans le public et le privé.
La formation professionnelle et l'emploi dans un poste adapté en milieu ordinaire ou en milieu protégé constituent un défi pour toutes les personnes handicapées et leur assurent souvent un revenu modeste en partie compensé par le cumul avec l'allocation adulte handicapé, fortement revalorisée.
Vous avez porté, madame la secrétaire d'État, la loi du 11 février 2005, avec tous les avantages qu'elle procure. Nous allons voter le budget de l'État sans baisse des crédits de la solidarité. Pouvez-vous nous dire où en sont les nombreuses initiatives et les multiples chantiers lancés pour poursuivre l'insertion des personnes handicapées ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Messieurs les députés Jean-Marie Binetruy et Jean-Pierre Dupont, vous avez raison : la question de l'emploi des personnes handicapées dans la France de 2011 est absolument capitale parce que, comme tous les Français, nos compatriotes handicapés veulent contribuer à l'effort de tout notre pays en cette période difficile.
Vous avez raison de dire que notre famille politique a porté les grandes lois en faveur de l'emploi des personnes handicapées : celle de 1987, avec Philippe Séguin, que la gauche n'avait pas approuvée ; celle de 2005, qui a fait de nouveau évoluer les conditions de l'emploi des personnes handicapées, repoussée par la gauche. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous avez raison aussi de dire qu'il faut continuer d'agir pour que le taux d'emploi de nos compatriotes handicapés soit durablement élevé. Pour ce faire, tout le Gouvernement se mobilise autour du Président de la République, qui a fait de l'emploi des personnes handicapées une priorité, lors de la conférence nationale du handicap, le 8 juin dernier.
Pour ce faire, l'ensemble du Gouvernement est à la manoeuvre : Xavier Bertrand avec les contrats aidés pour ceux qui sont le plus loin de l'emploi ; Nadine Morano qui, lors d'une visite ce matin à la société Thales, a rappelé que l'alternance avait progressé de 116 % ; Roselyne Bachelot et moi-même, qui travaillons à ce sujet au quotidien.
Mesdames et messieurs les députés, il faut faire reculer les stéréotypes. Je vous engage vivement à vous intéresser à la situation des jeunes diplômés handicapés qui sont de véritables héros du quotidien.
C'est par la formation continue et la formation professionnelle que nous ferons avancer la cause des handicapés.
Enfin, même dans notre plan de retour à l'équilibre, nous avons tenu à préserver la situation de ceux qui ne peuvent travailler et qui sont durablement protégés par l'augmentation de l'AAH. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et. divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, vous avez raison : il faut dire la vérité aux Français sur la situation économique et financière de la France.
La vérité, c'est que vous présentez un deuxième plan de rigueur de plus de 18 milliards d'euros qui s'adresse surtout aux agences de notation car, malheureusement, nous savons tous qu'il sera insuffisant.
La vérité, c'est que, depuis cinq ans, ce sont 40 milliards d'euros en cadeaux fiscaux et 70 milliards d'euros en niches fiscales que vous avez offerts aux plus aisés.
La vérité, c'est qu'en dix ans de gouvernement UMP, la dette publique est passée de 900 à 1 800 milliards d'euros.
La vérité, c'est que c'est votre gestion et non la crise qui est responsable des deux tiers de la dette, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La vérité enfin, c'est que vous demandez toujours plus d'efforts aux mêmes : 5,2 milliards d'euros d'impôts supplémentaires pèseront à 86 % sur le revenu des ménages et la consommation.
Les Français devront travailler plus pour gagner moins. Taxe sur les mutuelles, hausse de la CSG sur les salariés, déremboursements de médicaments, entraves à l'accès aux soins, instauration d'une journée de carence supplémentaire en cas d'arrêt maladie, gel des prestations sociales et réforme accélérée des retraites sont autant de mesures que vous avez prises et qui mettent à mal la solidarité nationale. La précarité explose : 8 millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté.
Non, monsieur le Premier ministre, nous ne dénigrons pas la France car nous l'aimons ; nous constatons l'échec de votre politique, et les Français doivent savoir la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Alors, dites-nous comment vous allez soutenir le pouvoir d'achat des ménages et relancer l'économie dans de telles conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Madame la députée, vous dites que le Gouvernement est responsable de la dette.
À mon tour, je voudrais vous poser une question : comment expliquez-vous que la dette, au cours de ces dernières années, ait augmenté de manière aussi spectaculaire en Angleterre, en Irlande, en Grèce, en Italie, en Espagne, aux États-Unis ?
Est-ce le gouvernement de François Fillon, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, qui est responsable de la situation en Allemagne, en Irlande, en Espagne, au Portugal, en Italie, en Grèce ? Non. C'est évidemment l'impact de cette crise mondiale sans précédent qui s'est traduit dans la réalité des finances publiques de l'ensemble des pays.
La France n'étant pas une île, elle n'a malheureusement pas échappé à cet impact.
Pour notre part, nous nous efforçons de définir une stratégie, avec une méthode, un calendrier, des objectifs, des rendez-vous qui constituent autant d'engagements que la France prend vis-à-vis de ses partenaires européens.
C'est cela qui a été présenté ce matin au conseil des ministres à travers le collectif budgétaire. C'est cela qui sera en discussion devant la représentation nationale : un projet de budget corrigé équilibré, qui adapte la croissance à l'évolution d'un contexte international incertain et qui permet aussi de faire l'effort nécessaire en matière de dépenses et de recettes pour protéger notre modèle social, auquel, comme vous et sincèrement, nous sommes attachés. Nous nous efforçons de le préserver coûte que coûte, malgré cette période de disette budgétaire, afin que la crise ne frappe pas les plus fragiles d'entre nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.
Au début de la semaine, le Premier ministre, que je remercie de nouveau pour son déplacement apprécié sur le terrain, a bien voulu répondre à l'invitation d'une PME de ma circonscription de Loire-Atlantique et venir inaugurer son extension. Beaucoup plus qu'un nouveau bâtiment, c'est tout un engagement, c'est toute une démarche de réorganisation du travail, de continuelle recherche d'innovation et de compétitivité de cette PME de production que le Premier ministre a salué.
À cette occasion, il a annoncé une série de mesures de simplification attendues par nos entreprises. Certaines concernent le seuil de formalités en matière de commande publique, d'autres sont de nature à améliorer les relations entre l'administration et ses fournisseurs.
Je me félicite de ces premières mesures, qui sont la concrétisation de l'excellent travail du président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann. Elles figurent effectivement dans la proposition de loi dont il est l'auteur, votée par notre assemblée le 18 octobre dernier, et dont je souhaite qu'elle soit le plus rapidement possible définitivement adoptée.
Je vous prie, monsieur le secrétaire d'État, de bien vouloir rappeler toute l'attention accordée aux PME-PMI par le Gouvernement et tout le soutien qu'il leur apporte. Elles constituent – faut-il le rappeler ? – le socle de la croissance et le socle de l'emploi dans notre pays. Je vous prie également de bien vouloir préciser à la représentation nationale les mesures auxquelles j'ai fait allusion, qui seront prises dans les prochains jours ou les prochaines semaines. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.
Comme vous avez raison, monsieur le président Poignant ! Combien cette action de simplification en faveur de nos entreprises est urgente !
Vous le savez, le Président de la République en a fait une priorité. Il s'agissait tout d'abord de réorganiser l'État, avec la révision générale des politiques publiques. Dans le prolongement de celle-ci, j'ai organisé les assises de la simplification, auxquelles vous avez d'ailleurs participé.
Elles ont permis au Parlement, au Gouvernement et aux entreprises de travailler ensemble, et j'ai ainsi pu annoncer 80 décisions de simplification, dont 25 sont incluses dans la proposition de loi actuellement en discussion du président Warsmann. Beaucoup d'autres, dont une partie a été évoquée par le Premier ministre lors de sa visite dans votre circonscription, viendront s'y ajouter. L'objectif, vous l'avez dit, est de soulager les entreprises et, en cette période de crise économique, de les accompagner.
Aujourd'hui, ce sont cinquante jours ouvrés qui sont consacrés par les artisans, les commerçants et les petites entreprises de ce pays à la paperasserie administrative.
Le cabinet Ernst&Young a chiffré toutes ces mesures : elles feront gagner un milliard d'euros.
J'ai lancé un numéro, le 0 810 00 12 10, que l'on peut composer pour être mis en contact avec le correspondant PME lorsque l'on rencontre un problème de complexité administrative, ou avec le médiateur du crédit, lorsque l'on rencontre un problème de crédit.
Nous irons plus loin encore. Le 1er décembre, nous entrerons dans l'acte II de cette simplification. J'aurai alors l'occasion d'annoncer un certain nombre de nouvelles mesures réglementaires et aussi des mesures structurelles, à la fois pour inscrire cette action dans la durée et pour avancer plus rapidement…
La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le ministre du travail. Elle porte sur la très inquiétante dégradation du service de l'emploi.
Le constat est unanime : le service public de l'emploi et du suivi proposé aux chômeurs dans notre pays ne fonctionne pas. Alors que le chômage a atteint un niveau record avec quatre millions – j'ai bien dit quatre millions – de chômeurs inscrits, les agences n'ont jamais été aussi remplies depuis douze ans. Il devient urgent d'agir pour offrir à l'ensemble des Français à la recherche d'un emploi l'accompagnement dont ils ont besoin.
Dans ce contexte inédit de crise de l'emploi, vous avez décidé de baisser de 12 % les crédits des programmes de lutte contre le chômage et de geler le budget de Pôle emploi. Quand on sait qu'un conseiller de Pôle emploi doit aujourd'hui s'occuper de 110 dossiers en moyenne, parfois 200 dans les grandes agglomérations, contre 60 prévus, on ne peut que comprendre les grèves à Pôle emploi et la détresse des chômeurs.
Avec l'austérité budgétaire injuste que vous préconisez, la situation risque encore d'empirer. Vous avez visiblement abandonné la bataille de l'emploi et choisi de faire des économies sur le dos des chômeurs.
Ce n'est pas faute d'avoir été prévenus. Depuis la fusion de l'ANPE avec les Assedic en 2009, nous n'avons cessé de dénoncer le manque d'effectifs et de moyens de la nouvelle structure. Le rapport rendu par le Conseil économique, social et environnemental au mois de juin dernier conforte cette analyse. Qui peut donc croire que le suivi est effectué correctement ? Nous sommes très loin du meilleur service public de l'emploi européen que Nicolas Sarkozy avait promis en octobre 2008 lors de la présidence française de l'Union européenne.
Je vous demande d'allouer à Pôle emploi les moyens nécessaires pour un réel service de qualité. Je vous demande de réorienter vos choix budgétaires au profit de ceux qui en ont réellement besoin. Je vous demande de ne plus privilégier la logique comptable au détriment de l'intérêt général. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.
Je vous prie tout d'abord, madame la députée, de bien vouloir excuser Xavier Bertrand, retenu en ce moment même au Sénat.
Mais quand je vous entends et quand je songe à la crise économique et financière que nous traversons, je me dis : heureusement que le Président de la République a voulu en 2008 cette réforme visant à donner aux demandeurs d'emploi un seul et même interlocuteur, Pôle emploi ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Ainsi disposent-ils d'un guichet unique qui traite à la fois leur dossier de recherche d'emploi et leur indemnisation.
Je veux rendre hommage, devant vous, aux 48 000 personnes qui travaillent à Pôle emploi. Elles font un travail remarquable, dans une situation difficile. Elles accueillent, c'est vrai, plus de demandeurs d'emploi que prévu.
Cela étant, je vous le dis, madame la députée : vous proférez des mensonges ! (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons maintenu le budget de Pôle emploi, qui est de 1,3 milliard d'euros. Nous avons également maintenu le plafond d'emplois de cet opérateur. Nous maintenons donc, malgré un contexte difficile, les moyens qui lui sont alloués.
Au-delà de la mobilisation des préfets et des sous-préfets, que Xavier Bertrand et moi-même réunissons régulièrement, et de tous les acteurs locaux de l'emploi, nous allons regarder comment déployer 2 000 conseillers pour mieux accompagner encore, dans chacun de nos territoires, toutes celles et tous ceux qui sont à la recherche d'un emploi.
Quant à la grève, seuls 6,5 % des personnels ont cessé le travail. Vous le voyez : nombreux sont les employés de Pôle emploi qui ont choisi de continuer à assurer leur mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Pôle emploi
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2012 (n° 3775).
Dans les explications de vote, la parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, madame la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, mes chers collègues, le projet de loi de finances que nous avons examiné illustre le caractère exceptionnel de la crise des finances publiques que nous traversons, mais il démontre également à quel point les objectifs de responsabilité et de justice fiscale qui ont toujours été les nôtres depuis plusieurs années progressent sur tous les bancs de cet hémicycle.
Au regard de ce projet de loi de finances pour 2012, le groupe Nouveau Centre estime que le Gouvernement va dans la bonne direction, mais qu'il ne va pas encore assez loin.
En effet, le ralentissement économique international entraîne une révision continue à la baisse du cadrage macroéconomique du projet de loi de finances.
Le groupe Nouveau Centre félicite le Gouvernement d'avoir réagi en réajustant une première fois les perspectives économiques de 2012, par une réduction des prévisions de croissance de 2,25 % à 1,75 %, puis une seconde fois en les établissant à 1 %, et d'avoir lancé un plan de 7 milliards d'économies par la baisse des dépenses et la hausse des recettes.
Cependant, les dernières estimations de croissance, toujours à la baisse, de 0,5 à 0,6 %, d'après la Commission européenne notamment, nécessitent dès maintenant de nouveaux efforts, à hauteur d'environ 3 à 4 milliards supplémentaires. Le Gouvernement a d'ailleurs déclaré que, dans cette hypothèse, il utiliserait tout ou partie des 7 milliards d'euros de réserve.
Il convient néanmoins de rappeler que cette réserve de 7 milliards d'euros était utilisée les années précédentes par redéploiement, pour tenir le plafond de dépenses. Aussi une augmentation de la réserve est-elle d'ores et déjà nécessaire pour faire face à une telle situation.
Au groupe Nouveau Centre, nous avons défendu plusieurs mesures dans cette loi de finances. Nous avons été écoutés sur certaines d'entre elles, et sur d'autres non. Je commencerai par celles qui n'ont pas été retenues.
Nous avons tout d'abord défendu la mise en place d'un taux plancher d'impôt sur les sociétés de 15 %, afin de favoriser la compétitivité des TPE et PME et de faire participer les grandes entreprises, qui n'acquittent pour la plupart qu'un impôt sur les sociétés au taux moyen de 8 %, à l'effort de redressement de nos finances publiques.
Ce dispositif ne sacrifierait d'ailleurs pas la justice fiscale sur l'autel de l'efficacité économique, étant donné que le taux plancher ne pénaliserait pas les petites entreprises, dont le taux effectif est actuellement de 22 %. À l'inverse, il concernerait de façon importante toutes les sociétés de grande taille qui pratiquent l'optimisation fiscale. En outre, cette mesure nous paraît plus efficace qu'un relèvement de l'impôt sur les sociétés de 5 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 250 millions d'euros, comme le propose le Gouvernement. Nous sommes plutôt favorables à un élargissement de l'assiette, d'ailleurs proposé par notre rapporteur général.
Nous avons également proposé de recentrer les allégements de charges sur les bas salaires en les concentrant sur l'emploi des jeunes de moins de vingt-cinq ans et sur l'emploi des seniors, et en passant le point de sortie du dispositif de 1,6 à 1,5 fois le SMIC. Nous n'avons pas encore été entendus par le Gouvernement, mais cela ne saurait tarder.
Pour autant, les députés du groupe Nouveau Centre voteront ce budget,…
Et voilà ! Ils sont contre, mais ils votent pour. C'est ça, les centristes !
…car il présente des avancées importantes, qui vont dans le sens de la maîtrise de nos déficits publics.
En effet, au groupe Nouveau Centre, nous nous félicitions de la mise en place d'une contribution sur les hauts revenus à 3 % à partir de 250 000 euros et à 4 % à partir de 500 000 euros de revenu fiscal de référence. Cette mesure, qui rapportera 450 millions d'euros aux finances publiques, a en outre l'avantage de faire participer équitablement tous les citoyens à l'effort de redressement de nos finances publiques.
En outre, nous avons porté, puis obtenu la pérennisation de ce dispositif jusqu'à ce que soit atteint l'équilibre des comptes des administrations publiques, ce qui permet de le mettre en cohérence avec les objectifs qu'il poursuit.
Nous ne pouvons également que saluer le financement d'une mesure de réduction de 10 % des charges sociales pour les travailleurs agricoles en contrat indéterminé, qui permet de lutter contre la précarisation de l'emploi salarié dans l'agriculture et de réduire le coût du travail sans pour autant réduire le revenu net du salarié.
Comme je l'ai déjà dit dans cet hémicycle, cette mesure constitue une révolution du mode de financement de la protection sociale. Et si ce dispositif s'avère efficace, il faudra réfléchir à son élargissement à d'autres secteurs de l'économie.
Enfin, nous nous félicitons de l'adoption, tard hier soir, de la réduction du plafonnement global des niches, qui est ainsi passé de 18 000 euros et 6 % du revenu à 18 000 euros et 4 % du revenu. Si son rendement paraît encore difficile à définir précisément, cette mesure a, là encore, l'avantage de faire partager équitablement l'effort de redressement de nos finances publiques.
Mes chers collègues, conscient de l'esprit de responsabilité qui nous anime sur ces bancs et soucieux du respect d'une justice fiscale à préserver, le Nouveau Centre votera ce projet de loi de finances pour 2012. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Nous voici parvenus au terme du premier rendez-vous budgétaire de l'année 2012 avant d'en entamer un autre dans quelques jours, afin de réajuster les conséquences des perspectives nouvelles de la croissance.
Qu'il me soit permis, à cette occasion, de resituer notre exercice dans son contexte.
Depuis le mois de juillet, la crise des dettes souveraines inquiète la croissance mondiale. Depuis le mois d'octobre, elle impacte la croissance de tous les pays du monde.
Au début de l'automne, nos prévisions de croissance n'étaient pas remises en cause par la crise mondiale qui s'annonçait, d'autant que les premiers signes de la croissance du troisième trimestre étaient encourageants.
Mais depuis quelques semaines, chacun l'observe, la conjoncture mondiale impacte notre croissance et il n'est nul besoin d'être devin pour prédire que nous sommes confrontés pour la première fois à une crise qui fragilisera le financement public et qui impactera d'abord les pays à l'endettement le plus fort et à la stratégie de réduction du déficit la plus faible et la plus incertaine.
Placée face à ses responsabilités, la France sait être, comme toujours depuis 2007, à la hauteur de ces rendez-vous. Elle fut, grâce à Nicolas Sarkozy, à l'origine du plan de sauvetage de la zone euro dès le 21 juillet dernier, pour marquer une double volonté.
Il s'agit, d'une part, de crédibiliser une gouvernance économique de la zone euro, implicitement assumée aujourd'hui par la France et l'Allemagne, qui constituent à elles deux la moitié du capital du fonds européen de stabilité financière.
Il s'agit, d'autre part, pour Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, de protéger la Grèce d'une faillite et, à travers elle, de protéger tous les habitants de la zone euro d'un effet domino qui pénaliserait leur pouvoir d'achat et mettrait en danger la croissance et la structure de l'économie dans tous les pays de la zone.
Mais cette action ne masque pas la détermination du Président de la République à lutter contre le déficit en France, à l'instar de nombreux pays occidentaux. Car Nicolas Sarkozy est plus que jamais conscient que seuls les pays qui réussiront à relever les défis de déficits réduits, voire supprimés, conserveront l'intégralité de leur modèle social, auquel nous sommes tous tant attachés.
C'est pour atteindre l'objectif de « zéro déficit » en 2016 que le projet de loi de finances pour 2012 annonce la gestion la plus rigoureuse pour un budget depuis vingt-cinq ans.
Nous réduisons le déficit à moins de 80 milliards d'euros pour l'an prochain et la très prochaine loi de finances rectificative pour 2011, qui ajustera les dépenses et les recettes publiques en fonction de la révision de la croissance à la baisse, confirmera cette réduction sans précédent du déficit : plus de 15 milliards d'euros en un an.
C'est en raison de cette stratégie budgétaire sérieuse, crédible et déterminée pour réduire le déficit que la France conserve tout son crédit au rang mondial. Mais cette stratégie serait grandement aidée si, dans cette situation inédite pour la France, l'opposition savait faire preuve d'une forme de solidarité nationale, qui ne mettrait pas en cause son opposition mais qui soulignerait l'unité du pays face à ces rendez-vous économiques et budgétaires.
Mais l'opposition et M. Hollande ont choisi un autre chemin,…
…celui d'une campagne présidentielle précoce, où les petits arrangements entre amis succèdent à la lutte des places, bien connue au parti socialiste.
Depuis hier, à l'issue d'un marchandage cynique d'un député vert contre une centrale nucléaire, M. Hollande a tout simplement envoyé au monde un message : avec lui, la France déciderait de se priver de l'un de ses principaux moteurs de croissance, constitué par l'indépendance énergétique que procure le nucléaire et par le potentiel de recherche dans tous les domaines qui se traduit par un nombre impressionnant de brevets déposés chaque année par le secteur électronucléaire français.
Mes chers collègues, alors que, dans des conditions extraordinairement tendues, nous veillons à maintenir la croissance d'aujourd'hui, M. Hollande et l'opposition ont fait le choix de commencer leur campagne en détruisant la croissance de demain. Est-ce bien cela que les Français attendent de leurs élus ?
C'est en ayant plus que jamais conscience de son devoir que le groupe UMP, qui veille au maintien d'une croissance fragile, votera ce budget crédible. C'est en ayant plus que jamais conscience de leurs responsabilités face aux Français que les députés du groupe UMP n'auront de cesse de dénoncer l'opposition d'aujourd'hui, qui, par ses actes, fragilise la France, dénigre la France, et prouve jour après jour qu'elle n'aime plus la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.
C'est la première fois que nous examinons un projet de loi de finances alors même qu'un nouveau collectif budgétaire modifie de façon substantielle les grandes lignes du budget en cours de discussion.
Nous venons d'assister ce matin, en commission des finances, à une audition des ministres surréaliste. On nous présente le nouveau plan de rigueur adopté en Conseil des ministres, sans aucun document, sans aucun cadrage macroéconomique – alors qu'il est censé tenir compte d'un changement dans ce domaine –, sans aucune description des mesures, alors même qu'un certain nombre d'entre elles ont déjà été introduites dans le projet de loi de finances cette nuit, par le biais d'amendements gouvernementaux.
Il s'agit notamment de la non indexation sur les prix des aides personnelles au logement et de l'introduction dans la fonction publique d'un jour de carence lors d'un arrêt maladie, en attendant une augmentation comparable d'un jour supplémentaire de carence dans le secteur privé.
Une politique cohérente eût voulu que vous ajustiez dès le début le budget pour 2012 à la situation que décrivaient les prévisionnistes : une croissance plus proche de 1 % que de 1,75 %.
Une politique cohérente eût voulu que vous construisiez un budget complet, et non trois plans d'ajustements successifs. Cela vous aurait d'ailleurs permis d'avoir une vision de la politique à mettre en oeuvre pour répondre à la situation présente.
La meilleure preuve que vous n'avez pas vous-mêmes une vision claire de votre propre politique, ce sont les propos de Mme la ministre annonçant que la réduction des déficits repose pour un tiers sur des mesures de recettes et pour deux tiers sur des mesures de dépenses. Or, ce matin, le rapporteur général du budget, Gilles Carrez, nous dit que quand on consolide les plans successifs, c'est l'inverse : 60 % de la réduction du déficit résulte de mesures de recettes et 40 % de mesures de dépenses.
Au-delà d'une méthode peu respectueuse du rôle du Parlement, c'est l'incohérence d'une politique économique au fil de l'eau qui éclate au grand jour.
Ce budget déjà obsolète, c'est un bateau ivre. Un bateau ivre où des plans successifs prétendent s'ajuster à une situation que vous ne maîtrisez plus et ne font qu'aggraver le manque de confiance, ainsi que la baisse d'une croissance en train de disparaître. Un bateau ivre dont n'émerge qu'une seule ligne directrice : une austérité aveugle et massive.
Austérité aveugle du coté des dépenses, avec des coupes dans tous les budgets et une baisse de 12 % du budget de l'emploi. Tout cela aura évidemment un impact fortement négatif, surtout quand on y ajoute les nouvelles mesures du plan de rigueur comme la baisse du pouvoir d'achat, des allocations familiales et des aides au logement.
Austérité aveugle du côté des recettes. Au lieu de supprimer des niches injustes et inefficaces, vous inventez, comme toujours, de nouveaux prélèvements – hausse de la CSG, taxe sur les mutuelles et les produits sucrés dans le PLF –, auxquels vous ajoutez la hausse de la TVA et de l'impôt sur le revenu, car ne pas indexer le barème revient bien à augmenter l'impôt sur le revenu.
Tout cela aura un effet fortement dépressif sur la croissance. Ce sont autant de mesures qui pèseront sur tous les Français, et notamment sur les plus modestes.
Cette politique, qui aggrave la situation de l'emploi, du pouvoir d'achat et de la croissance pour tenter de réduire le déficit, est une impasse. En cassant un peu plus la croissance, de plan d'austérité en plan d'austérité, vous réduisez les recettes et vous courez après la réduction des déficits sans jamais y parvenir.
On ne réduit pas les déficits par une politique d'austérité, mais par une politique macroéconomique complète qui s'attaque simultanément aux trois déficits : le déficit des finances publiques, bien sûr, mais aussi le déficit d'emploi et le déficit de compétitivité. Or il n'y a rien dans ce budget, ni pour l'emploi ni pour la compétitivité.
Tout au long de ce débat budgétaire, nous avons décliné nos propositions autour de trois piliers.
D'abord, l'emploi, en mettant fin à cette arme de destruction massive de l'emploi qu'est la subvention aux heures supplémentaires, et en réorientant les crédits vers la création directe d'emplois pour les jeunes.
Ensuite, la justice fiscale, non pas à travers des mesurettes comme celles que vous prétendez prendre sur les hauts revenus, en oubliant le formidable cadeau que vous avez fait au mois de juillet aux plus fortunés de nos concitoyens avec la baisse de l'ISF, mais en faisant en sorte que tous les revenus soient soumis au barème de l'impôt.
Enfin, la croissance, en favorisant l'investissement plutôt que la distribution des dividendes.
L'emploi, la justice fiscale, le soutien à la croissance : voilà ce qui manque cruellement dans ce budget. Vous prétendiez répondre à l'inquiétude des marchés ; vous n'avez aujourd'hui ni la confiance des Français ni celle des marchés.
Le Groupe SRC votera contre un budget injuste, inefficace et déjà obsolète. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, le Premier ministre a annoncé la semaine dernière un nouveau plan d'austérité qui pèse, rappelons-le, à 86 % sur nos concitoyens et vise à réduire l'an prochain de 7 milliards d'euros supplémentaires les dépenses de l'État.
Nous aurons donc débattu, des semaines durant, d'un budget insincère et d'ores et déjà caduc. La sagesse aurait voulu que nous interrompions nos débats dans l'attente du dépôt par le Gouvernement d'un projet de budget digne de ce nom. La sagesse aurait surtout voulu que le Gouvernement prêtât une oreille plus attentive aux prévisions de croissance.
En effet, alors que tous les organismes internationaux tablaient sur une croissance inférieure à 1 % l'an prochain, vous avez fondé vos hypothèses sur une croissance de 1,75 %, projection fantaisiste qui nous vaudra de débattre à nouveau d'un projet de loi de finances rectificative dans quelques semaines seulement.
Vous êtes passé maîtres dans l'art de proposer des ajustements budgétaires tous les deux mois, afin de nous présenter comme imposées par les circonstances nouvelles des mesures qui ne sont en réalité que la poursuite d'un programme politique dont l'objectif est de faire payer à nos concitoyens la facture de la crise.
La dette publique et les pressions croissantes des marchés financiers sont une réalité, mais elles servent aujourd'hui de prétexte à une accélération du démantèlement de l'État, à la remise en cause des droits sociaux, à l'asphyxie des comptes sociaux et des finances des collectivités locales, alors que ces contraintes pourraient et devraient vous dicter d'autres politiques.
Vous prétendez qu'il n'y a pas d'alternative à votre politique pour entretenir le fatalisme et imposer aux Français les plus modestes des mesures sans cesse plus dures. En septembre, vous avez décidé d'une hausse de plus d'un milliard d'euros de la taxe sur les mutuelles. En octobre, dans le budget dont nous discutons, vous avez décidé de la suppression de 30 400 postes de fonctionnaires, dont 14 000 dans l'éducation nationale. Près de 150 000 postes de fonctionnaires de l'État auront été supprimés sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, dont 80 000 dans l'éducation ! Une saignée qui représente une lourde menace pour l'avenir de l'école et fait courir à notre pays le risque d'une grave dégradation des missions et services de l'État.
Le budget de l'emploi chute de 12 %, alors que le taux de chômage atteint 10 % et devrait encore s'aggraver l'an prochain. Vous taillez dans les crédits de la solidarité et de l'insertion, alors que 8,2 millions de nos concitoyens, soit 13,5 % de la population, vivent désormais sous le seuil de pauvreté : un chiffre en augmentation de 680 000 depuis 2000.
Les crédits alloués au RSA, qui étaient de 700 millions d'euros en 2011 passeront à 528 millions d'euros en 2012 et, prochainement, à 480 millions d'euros !
Que dire des mesures scandaleuses que vous venez d'annoncer concernant l'augmentation du nombre de jours de carence en cas d'arrêt maladie et de votre programme de lutte contre la fraude sociale, qui représente 3 milliards d'euros alors que la fraude sociale « patronale », le travail dissimulé, représente, elle, quelque 17 milliards d'euros ! Curieusement vous ne proposez rien sur ce chapitre, alors que son coût estimé est quatre fois supérieur…
C'est qu'il y a deux poids, deux mesures. De fait, 86 % des mesures que vous venez d'annoncer pèseront sur les classes moyennes et les moins favorisés, à l'exemple de la mesure de désindexation des prestations familiales et des aides au logement que vous avez fait adopter en catimini dans la soirée de lundi.
Vous nous objecterez la mesure de taxation des hauts revenus, à hauteur de 400 millions d'euros : elle ne représente cependant que le quart des mesures de baisse de l'impôt de solidarité sur la fortune adoptées en juillet dernier. De sorte qu'en réalité les ménages les plus favorisés parmi les favorisés, ceux qui ont vos faveurs depuis le début de ce quinquennat, bénéficieront au total, l'année prochaine, de quelque 1,4 milliard de baisses d'impôt ; la rigueur n'est pas pour tout le monde !
En vous attaquant comme vous le faites au pouvoir d'achat de nos concitoyens, vous ne commettez pas seulement une injustice, mais vous engagez le pays dans une spirale de récession infernale. Votre politique n'est qu'une fuite en avant, ce n'est pas une politique de redressement. Elle ne vise qu'à satisfaire les attentes d'investisseurs aux exigences irrationnelles quitte à vous détourner de la poursuite de l'intérêt général. La présence de conseillers de Goldman Sachs à la tête de la BCE et des gouvernements grecs et italiens confirme que s'installe officiellement la dictature des marchés.
Nous devons collectivement refuser de livrer notre économie, nos emplois, notre avenir à la rapacité des marchés, et ce en créant des banques publiques et des fonds publics d'investissement, en mobilisant l'épargne populaire et en remettant la croissance et la satisfaction de l'intérêt général au coeur du projet économique. Il en va du respect du pacte républicain ! C'est pourquoi nous voterons résolument contre votre projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2012.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 516
Nombre de suffrages exprimés 513
Majorité absolue 257
Pour l'adoption 315
Contre 198
(Le projet de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)
M. le Président a reçu de M. le Premier ministre une lettre demandant à l'Assemblée de statuer définitivement, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, sur le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles (nos 3862, 3884).
En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion de ce projet de loi en lecture définitive.
La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, nous arrivons désormais au terme du parcours parlementaire du projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allégement de certaines procédures juridictionnelles.
Je veux rappeler ici toute l'importance de ce texte pour la Chancellerie. En effet, ce projet de loi s'inscrit pleinement dans un mouvement amorcé en 2009 et destiné à mettre en oeuvre les propositions de la commission sur la répartition des contentieux présidée par le recteur Serge Guinchard, qui avait rendu ses conclusions en juin 2008.
Outre la loi du 22 décembre 2010 relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires, et la loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines professions réglementées, qui ont mis en oeuvre nombre de ces préconisations, d'autres mesures significatives ont été adoptées dans différents textes. Je pense notamment aux dispositions insérées dans la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures, qui a créé un « pôle famille » au sein des tribunaux de grande instance, ainsi qu'à la réforme du traitement du surendettement des particuliers, résultant de la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation.
C'est donc à la lumière de l'ensemble de ces importantes réformes, qui redessinent notre organisation judiciaire, que le présent projet de loi doit être examiné. Il permettra de répartir les compétences de manière plus claire et rationnelle.
Des compétences sont ainsi transférées entre tribunaux d'instance et tribunaux de grande instance, afin de rendre plus cohérentes et lisibles les attributions de ces deux ordres de juridiction. Les juges de proximité seront désormais rattachés au tribunal de grande instance et leur périmètre d'intervention redéfini, puisqu'ils participeront aux audiences collégiales, non plus seulement au pénal, mais aussi au civil. Ils pourront de surcroît se voir confier la procédure non contradictoire d'injonction de payer.
Il est par ailleurs prévu de regrouper certains contentieux techniques et sensibles au sein de pôles spécialisés, ce qui représente une réelle avancée pour le traitement d'affaires complexes. Ainsi un pôle compétent pour les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et les crimes de torture sera-t-il créé. De même, des pôles régionaux spécialement compétents pour les accidents collectifs permettront de mieux prendre en charge ces dossiers, qui impliquent souvent de nombreuses parties civiles.
Enfin, le projet de loi supprime le tribunal aux armées, dont les compétences seront confiées à un pôle spécialisé du tribunal de grande instance de Paris.
Il parachève ainsi l'intégration, en temps de paix, de la justice miliaire à la justice de droit commun, tout en tenant compte de la spécificité de ce contentieux.
Cette spécialisation accrue se fera au profit des justiciables, avec une justice plus rapide et l'assurance d'une égalité de traitement sur l'ensemble du territoire.
Ce projet améliore, en outre, la lisibilité de l'organisation judiciaire en même temps qu'il renforce l'efficacité de nos procédures.
En matière civile, l'avocat devra ainsi établir une convention d'honoraires dans tous les cas de divorce, et des barèmes indicatifs seront fixés par arrêté du garde des sceaux, après avis du Conseil national des barreaux.
En matière pénale, le texte vient élargir le champ des procédures simplifiées, qu'il s'agisse de l'ordonnance pénale, de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, de l'amende forfaitaire ou de la transaction pénale.
Tant sur la répartition des contentieux que sur l'allégement des procédures, le travail parlementaire a enrichi et conforté les objectifs poursuivis par le Gouvernement, et je tiens à vous en remercier.
Prolongeant ce mouvement, l'Assemblée nationale a par ailleurs été à l'origine de deux volets visant à rationaliser l'organisation des juridictions administratives et financières.
Le texte ainsi amendé consolide les compétences de la Cour des comptes en matière d'évaluation des politiques publiques, consacrant notamment la possibilité pour le Gouvernement de la saisir à ce titre. Il lui permet également de mieux coordonner les contrôles des chambres régionales avec son propre programme. Il élargit le champ des collectivités et organismes soumis au régime d'apurement administratif. Enfin, il renforce les normes professionnelles de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes.
S'agissant des juridictions administratives, le texte comporte diverses dispositions de nature à alléger ou moderniser certaines procédures. Elles visent, par exemple, à favoriser l'organisation par les tribunaux administratifs et cours administratives d'appel de missions de conciliation en droit interne. Ce faisant, elle complète, selon une articulation qui pourra toujours, le moment venu, être améliorée, l'ordonnance adoptée ce matin même en Conseil des ministres en application de la loi du 17 mai 2011 de simplification du droit et qui règle le cas des médiations transfrontalières. Le projet de loi assouplit également les conditions de recours à l'ordonnance de jugement et simplifie le traitement de contentieux particuliers.
Mesdames et messieurs les députés, après le rejet du texte par le Sénat, c'est sur la version dernièrement adoptée par votre assemblée qu'il vous revient de statuer définitivement, conformément à l'article 45, dernier alinéa, de la Constitution. L'adoption de cette version du texte favorisera l'efficacité de nos procédures et renforcera l'accessibilité de notre justice : ce sont là des garanties essentielles pour nos concitoyens, auxquelles nous sommes tous attachés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Marcel Bonnot, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues,l'Assemblée nationale est invitée à statuer définitivement, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, sur le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allégement de certaines procédures juridictionnelles.
Si la répétition demeure la meilleure des pédagogies, ce texte n'aura pas failli à la règle, si l'on veut bien considérer qu'après avoir fait ses classes au Sénat, il a pris la trame de notre assemblée nationale en première lecture, puis de la commission mixte paritaire, qui a échoué, avant de revenir au Sénat, et aujourd'hui à l'Assemblée nationale, conformément à la règle du recours au dernier mot.
Ce texte poursuit deux objectifs : simplifier et rationaliser notre organisation judiciaire ; alléger certaines procédures juridictionnelles.
Il couvre divers aspects de l'activité judiciaire. J'en rappellerai brièvement les grandes lignes.
Dans le droit fil des conclusions du rapport remis par le recteur Serge Guinchard en juin 2008 et des auditions auxquelles il a été procédé par la suite, le projet de loi simplifie, en premier lieu, l'articulation des contentieux civils de première instance, en supprimant la juridiction de proximité, les juges de proximité étant désormais rattachés au tribunal de grande instance, et en répartissant plus logiquement certains petits contentieux entre le tribunal d'instance et le tribunal de grande instance.
Le texte regroupe par ailleurs des contentieux techniques au sein de juridictions spécialisées. Il crée ainsi des pôles spécialisés pour les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, de même que pour les accidents collectifs.
Il favorise le développement des modes alternatifs de règlement des litiges. Ainsi, en matière civile, une expérimentation d'une durée de trois ans est prévue pour privilégier la médiation familiale avant de saisir le juge aux affaires familiales en vue d'une modification des modalités d'exercice de l'autorité parentale.
Il développe des procédures pénales simplifiées en élargissant la possibilité de recourir à l'ordonnance pénale ou à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Enfin, il supprime le tribunal aux armées de Paris, dont les compétences seraient transférées au tribunal de grande instance de Paris.
La commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion sur ce projet de loi, réunie le 6 juillet 2011, n'étant pas parvenue à élaborer un texte commun, l'Assemblée nationale a examiné en nouvelle lecture, le 12 juillet dernier, le texte issu de ses délibérations en première lecture, texte auquel elle n'a apporté que peu de modifications.
Le 18 octobre, le Sénat a rejeté l'ensemble du projet de loi en nouvelle lecture.
Le désaccord entre les deux assemblées ne peut donc être tranché que par le recours au dernier mot de l'Assemblée nationale, le Sénat ayant opposé une fin de non-recevoir à toute possibilité de poursuivre le débat de manière constructive. Le Gouvernement a ainsi demandé à l'Assemblée nationale de statuer définitivement.
À ce stade de la procédure, en raison de l'échec de la commission mixte paritaire et du rejet du texte par le Sénat en nouvelle lecture, les contraintes fixées par le dernier alinéa de l'article 45 de la Constitution sont précises : l'Assemblée nationale ne peut que reprendre le dernier texte voté par elle, sans modification.
Je vous invite par conséquent, mes chers collègues, à adopter le projet de loi dans le texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec cette lecture définitive du projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'aménagement des procédures juridictionnelles, nous arrivons au terme d'une discussion quelque peu laborieuse, car après deux lectures à l'Assemblée nationale et au Sénat, et l'incapacité de la commission mixte paritaire à élaborer un texte commun, c'est la dernière fois que notre assemblée examine ce projet.
Au-delà de la procédure, rappelons la philosophie de ce projet de loi. Il s'inscrit dans une démarche de simplification du droit, déjà largement engagée depuis quelques temps.
Chacun, ici, en convient : l'organisation de la justice judiciaire, telle qu'elle a été stratifiée au fil des ans, est devenue peu lisible pour nos concitoyens. La répartition de principe des contentieux entre le tribunal de grande instance, le tribunal d'instance et le juge de proximité, fondée initialement sur des critères de collégialité ou de juge unique, ainsi que sur la nature des contentieux et la représentation obligatoire ou non par un avocat, doit être adaptée.
Ce texte s'inscrit dans le prolongement des conclusions de la commission Guinchard, qui souhaitait une justice pour tous, une justice que l'on comprenne, une justice intelligible. Il n'est pas inutile de signaler que nous légiférons à la suite des travaux d'une commission qui a réuni les professionnels du droit et les justiciables. Il est bon de rappeler que nous tenons compte des consultations que vous avez bien voulu, monsieur le garde des sceaux, organiser sous l'autorité de la Chancellerie.
Cette initiative intervient également pour adapter la réforme de la carte judiciaire.
Saluons par ailleurs l'effort de spécialisation pour les contentieux les plus complexes, qui requièrent un degré élevé de technicité.
Je voudrais évoquer la suppression de la juridiction de proximité qui, nous l'avons dit en commission des lois, n'est pas sans nous interpeller. Je crois me faire l'interprète de mes collègues, au-delà de ceux du Nouveau Centre, en saluant le travail des juges de proximité, qui, ces dernières années, ont su trouver leur légitimité dans le fonctionnement de notre justice. À ce titre, nous saluons leur maintien et leur rattachement au tribunal de grande instance.
Je vous avais interrogé à ce sujet en première lecture, monsieur le garde des sceaux. Le 18 octobre dernier, un amendement sénatorial rétablissait les compétences civiles des juges de proximité, notamment en cas d'opposition à injonction de payer. Je ne sais pas si l'organisation des débats vous permettra de répondre à ma suggestion, mais il me semble qu'il faudrait continuer à donner aux présidents des tribunaux de grande instance la faculté de mettre à disposition auprès de chaque tribunal d'instance, comme par le passé, des juges de proximité pour les affaires civiles et mobilières ne dépassant pas les 4 000 euros. Cette mesure, qui va dans le sens d'une plus grande proximité et d'une meilleure accessibilité de la justice pour nos concitoyens qui en ont le plus besoin, me paraît réalisable.
Je souhaite, enfin, évoquer les juridictions financières qui, comme l'a rappelé Charles de Courson, ont fait l'objet d'une proposition du groupe Nouveau Centre. Contrairement aux sénateurs, nous pensons que l'introduction dans ce texte de dispositions relatives aux juridictions financières était bienvenue, d'autant qu'il s'agissait de reprendre celles-là même que notre commission des lois et notre commission des finances avaient adaptées dans le cadre du projet de loi portant réforme des juridictions financières.
Alors qu'améliorer l'efficacité est tout aussi indispensable pour ces juridictions financières que pour les juridictions judiciaires et administratives, nous regrettons que l'adoption d'une partie de ces dispositions ait été retardée.
S'agissant des chambres régionales des comptes, le texte confie au pouvoir réglementaire le soin de fixer leur ressort et leur siège.
Sur ce point, j'ai une requête à vous transmettre au nom de mon éminent collègue Olivier Jardé : maintenir la chambre régionale des comptes d'Amiens.
C'est fait.
Je serai donc heureux de me faire votre interprète pour lui annoncer qu'il a satisfaction.
Pas du tout. Ce qui est fait, c'est que vous avez transmis sa requête !
Si nous en convenons, certains regroupements pourraient s'avérer nécessaires. Pour le reste, il faut qu'il y ait concertation.
Pour ce qui est de la responsabilité des comptables, cette nuit même, nous avons modernisé en partie le dispositif grâce à un amendement de Michel Bouvard et de Charles de Courson. Mais ce n'est qu'un aspect de la réforme. Il faut rendre plus efficaces les chambres régionales des comptes. Je vous le demande, comme je l'ai toujours fait sous les précédentes législatures : il faut conforter les magistrats financiers dans leur mission.
Pour ma part, j'ai toujours plaidé en ce sens et rappelé la noblesse de leur mission. Surtout, il faut leur en donner les moyens et veiller à leur indépendance.
Il faut le rappeler, le contrôle qu'ils exercent est nécessaire.
Avec les précisions que je viens de donner, les députés du groupe Nouveau Centre voteront ce projet.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, chers collègues, en raison de l'échec de la commission mixte paritaire, puis du rejet par le Sénat, nous sommes amenés à examiner de nouveau le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allégement de certaines procédures juridictionnelles.
Il s'agit de la dernière lecture, le Gouvernement ayant demandé à l'Assemblée de statuer définitivement, en application de l'article 45 de la Constitution. Le Sénat ayant rejeté le projet de loi en nouvelle lecture, nous n'avons d'autre choix que d'examiner le texte adopté par l'Assemblée en nouvelle lecture, sans possibilité de l'amender.
Les députés UMP regrettent ce rejet par le Sénat. En effet, ce texte introduit des évolutions importantes pour nos concitoyens alors que, face à un système judiciaire de plus en plus incompréhensible et complexe, il est nécessaire de rénover la justice, de la rendre plus lisible, porteuse de sens, plus proche des justiciables.
Tel est bien l'objet de ce texte, qui entend compléter la démarche de modernisation entreprise depuis 2009 par le Gouvernement et sa majorité, d'une part en simplifiant et en clarifiant l'institution judiciaire et, d'autre part, en allégeant et en rationalisant les procédures. Il s'inspire par ailleurs des propositions de la commission sur la répartition des contentieux présidée par le recteur Serge Guinchard, qui avait rendu ses conclusions le 30 juin 2008.
Je ne reviens pas sur l'ensemble des dispositions de ce projet, les lectures successives nous ayant déjà occupés de longues heures. Je souhaite néanmoins détailler plusieurs dispositions.
La répartition de principe des compétences civiles entre le tribunal de grande instance, le tribunal d'instance et, depuis 2002, le juge de proximité, fondée sur les critères de la collégialité ou du juge unique, ainsi que sur la nature des contentieux et la représentation obligatoire ou non par un avocat, a perdu de sa pertinence.
De ce fait, et conformément aux recommandations du rapport Guinchard, le projet prévoit la suppression des juridictions de proximité en tant qu'ordre de juridiction spécifique, afin que les citoyens aient une vision plus claire de l'organisation judiciaire.
Soulignons bien qu'il s'agit de supprimer les juridictions et non les juges, lesquels seront rattachés au tribunal de grande instance comme assesseurs. En effet, si les juridictions paraissent aujourd'hui inadaptées à l'évolution des contentieux et source de confusion pour les justiciables, les juges qui y sont affectés ont su trouver leur place dans le fonctionnement de notre justice.
Parallèlement, le projet clarifie la répartition des contentieux. Ainsi, en matière civile, certains transferts de compétences ont lieu entre tribunaux d'instance et tribunaux de grande instance, afin de rendre les attributions de chacun plus lisibles et plus cohérentes.
D'autre part, ce texte propose de rationaliser le traitement de certains contentieux et de spécialiser les juridictions dans les contentieux les plus complexes et les plus techniques. Cela facilitera le règlement de ces affaires, au bénéfice du justiciable. Ainsi, un pôle compétent pour les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et les crimes de torture sera créé.
De même, le projet prévoit l'intervention de juridictions spécialisées pour les accidents collectifs et le transfert des attributions du tribunal aux armées de Paris à une juridiction de droit commun.
Le quotidien de nos concitoyens sera également facilité grâce à la simplification des textes en matière familiale. Par exemple, s'agissant de l'exercice de l'autorité parentale, le projet introduit, à titre expérimental, une obligation de médiation préalable, avant toute saisine du juge.
En matière pénale, il élargit le champ des procédures simplifiées : ordonnance pénale, comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, amende forfaitaire, transaction pénale, autant de dispositions destinées elles aussi à rendre l'institution judiciaire plus efficace et plus accessible à tous pour les contentieux simples ou ne donnant pas lieu à contestation.
Enfin, le texte est une illustration de la co-production législative. Nous avons en effet su l'enrichir par des dispositions relatives aux juridictions financières et administratives.
Ces évolutions sont tout à fait opportunes. Par exemple, afin de renforcer le rôle de la Cour des comptes dans l'évaluation des politiques publiques, le projet de loi prévoit la possibilité pour le Gouvernement de lui demander de réaliser des enquêtes.
De même, les dispositions relatives aux juridictions administratives permettront de régler plus rapidement les litiges, notamment en favorisant la conciliation administrative.
Mes chers collègues, ce projet de loi, soumis à notre examen définitif, répond de manière efficace aux enjeux auxquels est confrontée notre organisation judiciaire. Il s'inscrit dans la continuité des réformes entreprises par le Gouvernement et sa majorité depuis plusieurs années, afin de rendre notre justice plus lisible et plus compréhensible pour nos concitoyens. Au vu des nombreuses avancées qu'il comporte, il est incompréhensible que l'opposition le rejette.
Pour sa part, le groupe UMP le votera avec détermination. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici parvenus à la troisième et dernière lecture d'un texte pour lequel le Gouvernement a choisi…la procédure accélérée ! Il s'agissait d'un texte « technique », déposé sur le bureau du Sénat le 3 mars 2010 et inscrit à son ordre du jour un an plus tard seulement !
Il a fallu trois mois supplémentaires pour que notre assemblée s'en saisisse et y introduise toute une série de dispositions qui en ont doublé, voire triplé le volume et en ont manifestement dénaturé l'idée première : « mieux faire fonctionner notre justice et alléger certaines procédures juridictionnelles ». Encore faut-il se méfier ici du terme « allégement » : il fait trop penser à une justice expéditive qui s'affranchirait de nos principes fondamentaux, comme la procédure contradictoire et la personnalisation des peines.
Je ne reviendrai pas sur le débat en commission des lois ni sur l'introduction des dispositions relatives aux juridictions financières, que d'autres collègues évoqueront.
Je ne reviendrai pas non plus sur l'échec de la commission mixte paritaire : la majorité elle-même a montré qu'on ne pouvait traiter de la sorte le travail parlementaire.
Entre-temps, c'est une autre majorité qui s'est saisie de ce texte le mois dernier, pour le rejeter.
Voilà donc un texte qui a été rejeté à deux reprises par deux majorités différentes. Vous ne serez pas étonné, monsieur le garde des sceaux, qu'il ne reçoive pas notre assentiment. Plusieurs raisons motivent notre refus.
C'est d'abord l'éparpillement des mesures, au risque de méconnaître l'exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité des débats parlementaires.
C'est l'insertion d'articles sans aucun rapport avec le texte : ainsi, on transcrit une directive relative à la simplification des obligations comptables, afin d'éviter une condamnation de la France par la justice européenne.
Ce sont les nombreux cavaliers législatifs qu'il contient, comme trop souvent désormais.
Nous nous y opposons, enfin, sur deux points clés de la procédure pénale : la disparition du procès contradictoire et l'extension de la compétence du parquet.
En effet, sous couvert de simplification, votre texte prévoit deux mesures inacceptables sur le fond : l'extension du champ de l'ordonnance pénale et celle du champ de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Il est vrai que, avec l'ordonnance pénale, les choses vont plus vite. Le justiciable est condamné sans avoir comparu. Il reçoit par la poste un courrier, au dos duquel il est écrit qu'il peut faire opposition ; ne sachant pas forcément ce que cela signifie, il ne fait pas opposition, et se voit condamné. C'est ainsi que les choses se déroulent dans le quotidien, pour nos concitoyens.
Il arrive aussi que, bien que prévenus, les justiciables, souvent les plus modestes, ne lisent malheureusement pas bien le courrier qu'ils ont reçu. Ils ont alors la désagréable impression de ne pas pouvoir se défendre.
C'est pourquoi je pense que l'audience contradictoire, réunissant un juge, des justiciables et, éventuellement, des avocats, est la seule façon de juger. Tout autre système porte en germe une atteinte aux droits et aux libertés, une atteinte à notre système judiciaire.
Le genre de procédure accélérée que vous nous proposez, monsieur le garde des sceaux, ne vise en fait qu'à rationaliser les moyens, à pallier le manque de magistrats et de greffiers et à aller plus vite.
Plus grave encore est l'extension de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. On l'a assez dit lors de son introduction, cette innovation procédurale n'est pas dans notre tradition judiciaire, dans laquelle c'est le juge qui juge, et non le procureur.
Si l'on vous suit, les procureurs de la République, qui ne sont pas des juges, comme l'arrêt Moulin l'a réaffirmé fortement, jugeront à peu près 60 % du contentieux pénal. Rien que cela !
Et ne me dites pas que le juge pourra ensuite contester. Compte tenu de la masse des affaires que lui transmettra le procureur, il ne fera qu'apposer sa signature au bas d'un document pré-imprimé, comme une ordonnance d'injonction de payer.
À une justice sans procès et sans avocats, n'ajoutons pas une justice sans juge et sans audience. Car ce sont aussi les victimes qui seront oubliées.
De même, écarter la restitution orale des conclusions du rapporteur public dans des domaines aux contours extensibles constitue un recul de la transparence des débats de la juridiction administrative.
Reste la justice de proximité, qui ne constituera plus un échelon de juridiction. Inégale, elle a fait l'objet de critiques. Mais c'est au moment même où elle avait su trouver sa place qu'elle est supprimée, pour être intégrée à la juridiction de premier degré. Cette intégration signifie aussi le déclassement des juges de proximité, qui deviendront de simples assesseurs. Au moment même où l'expérience acquise pourrait faire taire les dernières critiques, c'est un bon moyen de ne plus avoir de candidat !
Après avoir fait entrer dans les tribunaux correctionnels des citoyens en qualité de jurés populaires, après avoir supprimé 270 tribunaux d'instance, on supprime donc la justice de proximité. N'aurait-il pas fallu plutôt la consolider en assurant une formation plus solide encore aux magistrats et en les dotant de moyens matériels ?
La justice de proximité avait trouvé sa place dans l'institution judiciaire parce qu'elle répond au besoin permanent de rapprocher la justice des citoyens dans un environnement marqué à la fois par la judiciarisation de notre vie quotidienne, la complexité des procédures, le coût élevé des auxiliaires de justice, l'engorgement des tribunaux et l'allongement des délais de traitement des contentieux.
Après le tribunal, c'est le juge qui s'éloigne du citoyen au travers des différentes mesures que contient ce projet de loi. Ce n'est pas notre conception de la justice ; aussi ne voterons-nous pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après plusieurs mois de débats, notre assemblée est donc appelée à statuer définitivement sur ce projet de loi.
Notre position n'a jamais varié : au-delà de la méthode employée, nous rejetons ce texte, tant en raison de son manque de cohérence que de ses principales dispositions. Lors de la précédente lecture, j'avais qualifié ce projet de texte fourre-tout ; il comprend en effet des dispositions aussi disparates que techniques.
Je me bornerai aujourd'hui à évoquer succinctement les mesures que nous considérons comme les plus problématiques.
En matière civile, la suppression des juridictions de proximité et, par conséquent, le rattachement des juges de proximité au tribunal de grande instance, constituent un retour en arrière caractérisé par l'abandon total du souci de favoriser l'accès à la justice pour les litiges civils de faible valeur.
En limitant le rôle des juges de proximité à la participation aux audiences collégiales du tribunal de grande instance et à la procédure non contradictoire d'injonction de payer, le projet de loi vise simplement à compenser les insuffisances du recrutement de magistrats professionnels. Les juges de proximité deviennent, en quelque sorte, une variable d'ajustement qui permet de faire face aux besoins.
Le projet de loi renvoie aussi une masse très importante de dossiers devant la justice d'instance sans accorder à cette dernière aucun moyen supplémentaire. Il en résultera inévitablement un traitement plus expéditif des dossiers qui réduira fortement les capacités d'écoute du juge à l'égard des justiciables – notamment de ceux qui ne sont pas représentés par un avocat en raison du faible montant du litige.
En matière familiale, les problèmes que nous avons soulevés durant nos discussions antérieures demeurent concernant l'expérimentation, prévue à l'article 15, d'une médiation obligatoire avant saisine du juge aux affaires familiales aux fins de modification des modalités d'exercice de l'autorité parentale ou de la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans le cadre du divorce ou de la séparation.
Le problème du consentement se pose : il y a un risque de confusion entre la médiation familiale classique et la tentative de médiation obligatoire dans une procédure post-divorce introduite par le texte. Des problèmes apparaissent aussi en matière de financement, en cas de généralisation ultérieure du dispositif, et en ce qui concerne l'insuffisance programmée du nombre des médiateurs familiaux qui fait courir le risque de voir se développer un marché privé de la médiation.
En matière pénale, deux mesures prises sous le prétexte de la simplification sont pour nous inacceptables : l'extension du champ de l'ordonnance pénale et celle du champ de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Concernant l'ordonnance pénale, même si, fort heureusement, monsieur le garde des sceaux, vous ne vous êtes pas aligné sur la proposition Guinchard qui préconisait l'extension de cette procédure à la quasi-totalité des délits, vous proposez tout de même son extension à un certain nombre d'entre eux, précisément énumérés. Faut-il rappeler que l'ordonnance pénale se caractérise par le fait que le prévenu est jugé sans audience, en son absence, sans être assisté ou représenté par un avocat et sans avoir accès au dossier de la procédure ? Certes, le prévenu peut faire opposition, mais il ne peut faire valoir aucun moyen de défense avant la décision, puisqu'il n'est même pas convoqué pour s'expliquer et se défendre. Cette procédure accélère certainement les choses, mais c'est au détriment des justiciables.
Plus grave encore, vous donnez la possibilité au parquet de recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité pour l'ensemble des délits, sous réserve d'un certain nombre d'exceptions limitativement énumérées. Ce « plaider coupable » à la française permet une sorte de négociation de la peine avec le parquet. Certes, un juge du siège doit homologuer la décision, mais il a finalement très peu de marge de manoeuvre : il ne peut qu'accepter ou refuser la peine choisie par le parquet. Un tel transfert de pouvoirs aboutit au fait que près de la moitié des mesures répressives seront finalement décidées par les procureurs de la République. Si ce texte est adopté, ils jugeront 60 % du contentieux pénal. Cela est totalement inacceptable. Les magistrats du parquet sont soumis hiérarchiquement au ministre de la justice et ils n'apportent pas les garanties d'impartialité nécessaires à une administration sereine de la justice. La Cour européenne des droits de l'homme est de cet avis ; elle l'a rappelé dans les arrêts Medvedyev, du 29 mars 2010, et Moulin, du 23 novembre 2010.
Je veux maintenant insister sur les dispositions réformant les juridictions financières introduites de manière inopinée dans le projet de loi. Une telle réforme, qui suscite depuis quatre ans une opposition unanime des magistrats et des agents de la Cour des comptes, comme celle des chambres régionales, n'a pas sa place dans le présent texte. Elle mériterait pour le moins un véritable débat à l'occasion de l'examen d'un texte spécifique.
Sur le fond, deux articles sont particulièrement dangereux, comme le soulignent avec gravité l'Association des magistrats des chambres régionales des comptes et son président, Marc Larue.
Le premier, l'article 24 novodecies, dispose que le nombre de chambres régionales des comptes ne peut être supérieur à vingt. Les chambres étant aujourd'hui au nombre de vingt-sept, il faut s'attendre à ce que sept chambres, vraisemblablement situées en métropole, soient supprimées. Il existe, en outre, un sérieux risque que l'on aille plus loin, puisque la loi édicte un plafond et non un plancher. Cela sera d'autant plus facile qu'il suffira d'un simple décret pour supprimer une chambre.
Le second article dangereux, l'article 24 decies, conforte cette crainte. Il prévoit en effet le relèvement des seuils de l'apurement administratif des comptes. Cette mesure a pour effet de soustraire à la compétence des chambres régionales des comptes l'examen des comptabilités les moins volumineuses, mais le principe même de la responsabilité des comptables publics locaux devant les chambres s'en trouve altéré. Je vous renvoie au rapport rédigé, au nom de la commission des lois de son assemblée, par le sénateur Yves Détraigne. Il y est précisé que l'application du nouveau régime de l'apurement administratif défini par le projet de loi donnerait compétence aux chambres régionales des comptes pour juger les comptes de 3 606 communes, soit seulement une commune sur dix ; de 1 545 établissements publics de coopération intercommunale au lieu de 2 763 aujourd'hui ; et de 312 établissements publics locaux d'enseignement au lieu de 8 128 aujourd'hui.
Cette réforme des juridictions financières suscite l'opposition de tous les syndicats. En effet, en refusant de confier aux chambres régionales des comptes le jugement de la responsabilité financière des élus locaux et en réduisant leur présence sur le territoire, elle conduira à l'affaiblissement de ces juridictions financières.
Nous considérons que ces dispositions, qui constituent à l'évidence des cavaliers législatifs, devraient faire l'objet d'une saisine du Conseil constitutionnel. Notre groupe parlementaire n'a pas les effectifs qui lui permettraient de déposer seul un tel recours, mais il est évidemment prêt à s'associer à une telle initiative.
Pour toutes les raisons que je viens d'exposer, les députés du groupe GDR voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi dont nous discutons a une généalogie quelque peu singulière. En effet, il est constitué de l'agrégation de deux projets de loi : l'un relatif à la répartition des contentieux et à l'allégement de certaines procédures juridictionnelles, l'autre portant réforme des juridictions financières.
Je ne reviens pas sur les péripéties de la navette et celles des lectures successives de ce texte ; je constate seulement qu'aujourd'hui, le Gouvernement choisit, en se fondant sur l'article 45 de la Constitution, de demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement, ce qui nous empêche d'amender le texte voté par l'Assemblée en nouvelle lecture.
Pour expliquer l'échec de la CMP, il convient de préciser que nos collègues sénateurs se sont irrités de découvrir lors de la réunion de la commission mixte paritaire des dispositions relatives aux juridictions financières, qui étaient ainsi soumises pour la première fois à leur accord.
Avec la réforme des juridictions financières nous avons bien affaire à ce que certains ont qualifié de « méga-cavalier législatif ». Une telle question aurait pourtant mérité qu'après une discussion approfondie, un accord soit trouvé entre les deux assemblées.
Le projet de loi cumule deux objets ; il aborde deux sujets qui méritent un autre traitement que celui, contestable et, selon nous, inacceptable, auquel ils sont soumis.
Dans ce que nous pourrions appeler sa partie « historique », le projet de loi supprime la juridiction de proximité, même si les juges de proximité sont maintenus et rattachés au tribunal de grande instance. Il crée de nouvelles juridictions, à savoir un pôle judiciaire spécialisé en matière de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre au sein du tribunal de grande instance de Paris. Il met en place des juridictions spécialisées en matière d'accidents collectifs, tels que les accidents industriels ou les catastrophes aériennes. Il organise une réforme de la justice militaire, et modifie certaines règles de procédure en matière de divorce et de médiation familiale.
Comme l'a dit le rapporteur de la commission des lois du Sénat, un accord global aurait peut-être pu être trouvé en commission mixte paritaire sur ces nombreuses dispositions. Je dis « peut-être », car si une logique court tout le long du texte, c'est bien celle consistant à « extraire » des tribunaux une partie des procédures.
Le texte prévoit deux mesures de « déjudiciarisation » – veuillez excuser ce néologisme : d'une part, l'extension du champ de l'ordonnance pénale, et, d'autre part, l'augmentation du périmètre de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Avec l'ordonnance pénale, comme le disait le sénateur Jean-Pierre Michel, « les choses vont vite », et le justiciable est condamné sans avoir comparu. Il reçoit un courrier, qu'il comprendra ou non, l'informant que faute d'une opposition de sa part, il sera condamné. Et puis voilà, c'est tout ! Ceux qui, dépourvus de moyens et d'appuis, ne se poseront pas de questions, seront condamnés sans avoir même pu au moins comprendre ce qui leur arrive.
Un justiciable, un juge et un avocat : juger de la sorte reste une façon humaine de faire et de rendre la justice. À défaut d'y consacrer les moyens utiles, on étend le champ de ce qui est fait en dehors du cadre.
Avec l'extension de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, 60 % des affaires pénales seront jugées demain par un procureur, qui n'est pas un juge indépendant, comme l'a rappelé la Cour européenne des droits de l'homme.
Même si l'on s'en tient à ces deux mesures, ce texte n'est pas acceptable.
En ce qui concerne les dispositions du projet de loi consacrées aux juridictions financières, j'irai dans le sens de la majorité sénatoriale.
La réforme initiale des juridictions financières se trouve amputée de ses dispositions les plus radicales ou les plus sensibles : l'unité organique, l'unicité de corps, et la responsabilité des ordonnateurs.
Trois dispositions ne manquent pas de poser question.
Le projet de loi renvoie la définition du siège et du ressort des chambres régionales des comptes au pouvoir réglementaire, sous forme d'un décret en Conseil d'État. Il en limite le nombre à vingt, contre vingt-sept aujourd'hui.
Il pose le principe de l'élaboration de normes professionnelles que devront respecter les magistrats financiers.
Il relève les seuils de l'apurement administratif, lequel sera étendu aux communes dont la population est comprise entre 3 500 et 5 000 habitants et à leurs établissements publics, ainsi qu'à la plupart des établissements publics locaux d'enseignement. Ces dispositions limitent en droit la compétence des juridictions financières : dans les faits, les chambres régionales des comptes ne contrôleront plus directement et systématiquement qu'un gros tiers des 9 300 collectivités locales dont elles jugent aujourd'hui les comptes. Elles pourront, il est vrai, appeler en examen la gestion des collectivités soumises à l'apurement administratif.
À ces différents points correspondent des questions de fond traitées à la va-vite par le projet de loi.
Ainsi, la délégation accordée au pouvoir réglementaire pour décider du nombre de juridictions financières me paraît aller à l'encontre du caractère nécessairement public et discuté de toute évolution de notre carte juridictionnelle financière.
Par ailleurs cette délégation est de nature à générer de futures inégalités entre régions, et, plus fondamentalement, entre les collectivités, entre les élus et surtout entre les citoyens et entre les contribuables. Qui pourra leur garantir le caractère objectif des critères à partir desquels une évolution, certes souhaitable, aura lieu ? Le Gouvernement ne sera-t-il pas tenté de faire disparaître certaines chambres, au-delà de ce qui est nécessaire, sans la transparence indispensable ?
Je note également qu'aucune borne basse n'a été fixée, ce qui aurait constitué une garantie de couverture et d'activité minimale de contrôle des collectivités territoriales. J'ajoute que le rétrécissement du champ de compétences des juridictions financières en fonction de la taille des collectivités locales ne me paraît pas souhaitable. À un moment où la gestion publique est sous le feu de l'actualité, je ne crois pas qu'il faille adresser un signal de retrait des juges, notamment financiers.
En ce qui concerne l'application de référentiels, les juridictions financières n'ont pas attendu la loi : la certification des comptes de l'État et celle des organismes de sécurité sociale du régime général en témoignent déjà.
En conséquence, alors même que la responsabilité des ordonnateurs aurait pu être introduite sous des formes adaptées et limitées, le « méga-cavalier » législatif que constituent les dispositions relatives aux juridictions financières me paraît déplacé et non pertinent. Il est dépourvu de la qualité nécessaire pour être incorporé dans notre ordonnancement juridique.
Pour l'ensemble de ces raisons, et celles évoquées par les orateurs qui m'ont précédée, nous sommes opposés à ce projet de loi et nous disons un grand « non » à ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, comme lors de mes précédentes interventions sur ce projet de loi, je m'en tiendrai à la partie du texte consacrée aux juridictions financières. Le groupe SRC ne peut que s'opposer à la manière dont celles-ci ont été traitées.
Ce n'est pas convenable, et la responsabilité première en incombe au Gouvernement, qui s'est évertué, après que l'Assemblée nationale a voté le projet de loi portant réforme des juridictions financières en première lecture, à bloquer les décisions de la commission des lois en n'inscrivant jamais le texte à l'ordre du jour, et ce pour une seule raison. Notre commission avait en effet décidé, suivant en cela les propos du Président de la République, que les ministres, en tant qu'ordonnateurs, pouvaient être sanctionnés financièrement lorsqu'ils commettaient un certain nombre d'irrégularités. Tel fut le cas, par exemple, du ministre des affaires étrangères, qui fit dépenser 16 millions d'euros pour l'organisation, le 13 juillet 2008, d'un sommet qui dura trois heures – soit un coût de 58 000 euros la minute –, sans aucun appel d'offres. C'est parce que le Gouvernement a renoncé à cette mesure et refusé que les ministres puissent être sanctionnés financièrement lorsqu'ils commettent des délits de ce type que le texte a été bloqué.
Mais il fallait bien que la réforme des juridictions financières progresse. La commission des lois a donc introduit, à l'initiative de son président, les dispositions concernant les juridictions financières dans un texte dont ce n'est pas exactement l'objet. De ce fait, et compte tenu de la procédure, nous n'avons pu traiter le sujet au fond.
Ainsi, je relève qu'il a été décidé que le nombre des chambres régionales des comptes serait fixé par décret, alors que c'est par la loi – une loi de 1982 – qu'a été fixé leur nombre actuel. Dès lors, à moins, monsieur le garde des sceaux, que vous ne puissiez nous dire à quelle date sera publié ce décret, l'incertitude va continuer de régner dans la majorité des chambres régionales, dont les personnels – moins les magistrats, qui bénéficient de quelque protection grâce à leur statut, que l'ensemble des autres personnels – vont encore s'interroger pendant des mois et des mois sur leur avenir. En procédant ainsi, le Gouvernement a donc choisi une très mauvaise méthode.
Tout à l'heure, M. Hunault a fait allusion au souhait de son collègue Jardé que soit maintenue à Amiens la chambre régionale des comptes de Picardie. Le fait est que nous n'avons aucune certitude que cette chambre, ou une autre, sera maintenue, car c'est le Gouvernement qui fixera, par décret, la répartition des nouvelles chambres régionales des comptes.
Monsieur le ministre, vous auriez pu procéder de façon différente, dans un climat plus apaisé.
Les discussions que le groupe SRC a eues avec l'ensemble des syndicats des juridictions financières ont en effet montré qu'il aurait été possible d'aboutir, car la nécessité de moderniser et de modifier le travail des chambres régionales des comptes a été comprise. Je dis bien : le modifier et le moderniser, et non pas le diminuer. Or, ce texte comporte la menace d'une telle diminution. Vous savez pourtant combien les chambres régionales des comptes, qui sont une grande conquête de la décentralisation, voulue par les socialistes, ont maintenant leur place dans notre système judiciaire et jouent un rôle considérable, que ce soit pour dénoncer les malversations ou pour encourager les élus à mieux gérer leurs collectivités, dont les dépenses s'élèvent tout de même, je le rappelle, à 230 milliards d'euros.
Je conclurai par une observation qui montre à quel point le Président de la République s'est éloigné des promesses qu'il avait faites au début de son mandat ; je pense au fameux discours qu'il a prononcé lors d'une réception à la Cour des comptes. En effet, nous avons appris récemment qu'il avait nommé par décret une personne qui lui est proche conseiller-maître en service extraordinaire, en dépit de l'avis négatif, non seulement du Premier président de la Cour des comptes, mais de tous les présidents de chambre. C'est la première fois, dans l'histoire de cette institution, qu'un magistrat est ainsi nommé au tour extérieur après un avis négatif de la Cour des comptes. C'est une nouvelle illustration de la « République irréprochable » que l'on nous promettait et dont on voit bien qu'elle se manifeste, à la fin de ce quinquennat, dans les pires conditions. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. le garde des sceaux.
Je répondrai en quelques mots aux orateurs qui ont bien voulu animer ce débat, ce dont je les remercie.
Quoi qu'on en dise, c'est tout de même la troisième fois que ce texte est examiné.
Les mêmes que d'habitude, monsieur Dosière : vous êtes confortablement assis et vous pouvez dire ce que vous souhaitez. (Sourires.)
Vos conditions de travail sont donc excellentes, force est de le constater.
Je le répète, c'est la troisième fois que ce texte est examiné à l'Assemblée nationale. La discussion parlementaire a donc été très large et de qualité, et je veux remercier tous les parlementaires qui y ont participé.
Je sais gré à Patrice Verchère d'avoir apporté le soutien des députés UMP à ce texte, en montrant bien que l'objectif recherché est celui d'une justice plus efficace et plus rapide. La rapidité des décisions de justice est en effet essentielle : si une très bonne décision n'intervient pas rapidement, le ressenti n'est pas le même.
Je remercie également M. Hunault du soutien qu'il nous a apporté et je vais tenter de répondre aux deux questions qu'il a posées. Tout d'abord, les juges de proximité demeurent, et leur compétence en matière d'injonction de payer est élargie. Jusqu'à présent, ils pouvaient exercer cette compétence pour les montants inférieurs à 4 000 euros. Désormais, il n'y a plus de limitation : le président du tribunal de grande instance et le directeur du tribunal d'instance pourront leur confier l'ensemble de ce contentieux très particulier et très lourd. À Saint-Avold, où je me suis rendu il y a quelques jours, j'ai pu rencontrer un juge de proximité qui avait à régler un très grand nombre de dossiers de ce type. Ces magistrats nous aident donc beaucoup et il n'est pas question de se priver d'eux.
Quant au maintien de la chambre régionale des comptes d'Amiens, qui faisait l'objet de votre seconde question, monsieur Hunault, M. Dosière vous a parfaitement répondu. (Sourires.) J'utilise toutes les compétences ! M. Jardé vous avait chargé de poser une question et vous l'avez parfaitement posée.Je rappelle que le Gouvernement s'est engagé uniquement sur le maintien de la chambre régionale des comptes de Corse. Pour le reste,…
…un vaste dialogue s'instaurera entre toutes celles et tous ceux qui auront à y participer. Naturellement, nous écouterons particulièrement le Premier président de la Cour des comptes sur ce sujet.
Eh bien, auplus tôt. (Sourires.)
Monsieur Dosière, vous êtes un parlementaire expérimenté, vous êtes trop au fait du droit pour ignorer que les juridictions financières relèvent, non pas du ministre de la justice, mais de celui de l'économie et des finances. C'est donc à ce dernier, et non à moi, qu'il appartient de prendre position dans ce domaine.
Monsieur Clément, si les magistrats étaient au nombre de 7 343 en 2002, ils étaient 8 620 en 2010, soit une augmentation de 17 %. Quant aux greffiers, leur nombre est passé de 7 860 en 2002 à 8 920 en 2010, soit une augmentation de 13 %. L'effort s'est poursuivi en 2011 et le projet de loi de finances pour 2012 prévoit 85 créations d'emploi de magistrat et 370 de greffier. L'an dernier, 774 greffiers stagiaires étaient en formation à l'École nationale des greffes de Dijon ; 777 y entreront en 2012. L'effort est donc maintenu.
Plusieurs orateurs – M. Dolez, M. Clément et Mme Karamanli – nous ont reproché de transformer le procureur en juge. Or, cette critique n'est pas tout à fait exacte. Ainsi, l'ordonnance pénale est prise et signée par un magistrat du siège et, dans le cadre de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, une homologation est signée par un magistrat du siège, et je connais suffisamment le sérieux et la conscience professionnelle de ces magistrats pour savoir que, lorsqu'ils signent une homologation, ils en prennent la responsabilité en pleine connaissance de cause. On ne peut donc pas valablement soutenir votre thèse.
Telles sont, madame la présidente, les quelques précisions que je souhaitais apporter au terme de la discussion générale.
J'appelle maintenant, conformément au troisième alinéa de l'article 114 du règlement, le projet de loi dans le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi tel qu'il résulte du texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
M. le président a reçu du Premier ministre une lettre l'informant que la commission mixte paritaire n'ayant pu parvenir à l'adoption d'un texte sur la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants, le Gouvernement demande à l'Assemblée de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution à une nouvelle lecture de ce texte (nos 3874, 3934).
En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de cette proposition de loi
La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, nous nous retrouvons aujourd'hui pour examiner, dans le cadre de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants. La commission mixte paritaire, qui s'est réunie la semaine dernière, n'est en effet pas parvenue à trouver un compromis sur le texte. Le Sénat l'avait d'ailleurs rejeté lors de son examen en première lecture.
Ce texte s'inscrit pourtant pleinement dans la philosophie de notre politique pénale pour les mineurs, qui combine la nécessité de sanctionner et celle de construire, ou de reconstruire, le jeune afin de pouvoir le réinsérer dans la société. Il ne remet pas en cause les principes fondateurs de cette politique, tels qu'établis par l'ordonnance de 1945 et consacrés par une récente décision du Conseil constitutionnel. En donnant la primauté à l'éducatif, tout en retenant le principe du volontariat, le service citoyen institué par la proposition de loi d'Éric Ciotti doit permettre aux jeunes délinquants de s'inscrire dans un véritable parcours de réinsertion.
Ainsi que l'a rappelé le Président de la République dans son discours du 13 septembre dernier à Réau, en Seine-et-Marne, pour les mineurs délinquants, « la sanction ne doit pas être seulement rapide et ferme, elle doit aussi permettre de réapprendre les valeurs essentielles qui fondent la vie en société ». C'est pourquoi il a affirmé son soutien et celui du Gouvernement à la proposition de loi d'Éric Ciotti, dont l'Assemblée nationale débat aujourd'hui.
Les trois objectifs du contrat de service citoyen, tels que vous les avez définis, monsieur le rapporteur, sont les suivants : tout d'abord, une mise à niveau en français, orthographe et mathématiques – qui constituent les fondamentaux scolaires, le socle de connaissances que chacun doit posséder –, grâce à un enseignement adapté aux besoins de chaque élève ; ensuite, une formation civique et comportementale ; enfin, une formation professionnelle, en concertation avec les employeurs et les structures existant localement, devant favoriser l'embauche dans des secteurs d'emploi qui recrutent.
Le contrat de service en EPIDE, tel que le prévoit la proposition de loi, pourra ainsi être prononcé par le magistrat au titre de la composition pénale, dans le cadre d'un ajournement de peine ou comme obligation attachée à un sursis avec mise à l'épreuve. Cette mesure ne s'adressera qu'à des mineurs âgés de plus de seize ans et ayant exprimé leur consentement à la suivre. Le volontariat est en effet au coeur du dispositif, car chacun sait que la réinsertion est d'autant plus efficace qu'elle s'inscrit dans une démarche d'adhésion de l'intéressé.
La motivation, la volonté de s'en sortir, sont évidemment déterminantes pour le succès de cette mesure.
Pour les mineurs, plus encore que pour les majeurs, nous devons adapter la réponse pénale à la diversité des profils et imaginer toutes les solutions de nature à offrir une prise en charge efficace. Pour ma part, j'ai la certitude qu'il ne faut se priver d'aucun outil pour favoriser la réinsertion d'un mineur délinquant. Le service citoyen est un instrument original, susceptible de répondre aux besoins de certains mineurs.
En 2010, 72 381 mesures de milieu ouvert et 7 650 mesures de placement ont été ordonnées par les parquets et juridictions pour mineurs. L'autorité judiciaire dispose d'ores et déjà d'une large palette de solutions permettant d'adapter la réponse pénale au profil du délinquant. Il s'agit aujourd'hui de compléter les mesures que le juge peut prononcer, pour une prise en charge la plus efficace possible.
Dans cette perspective, je suis convaincu que l'EPIDE répond aux objectifs poursuivis par le texte. Depuis sa création en 2005, il a en effet une double mission d'insertion sociale et professionnelle et de prévention de la délinquance. En outre, les personnels de ces centres ont à la fois l'expertise et l'expérience de l'encadrement et de l'accompagnement de jeunes en difficulté ou marginalisés. Ces personnels aux compétences reconnues ont développé un savoir-faire et des méthodes pédagogiques qui sont parfaitement adaptés à ces mineurs.
À cet égard, je veux rappeler que l'EPIDE n'est pas une structure militaire, mais une structure civile. Elle s'inspire, certes, du modèle militaire, mais aussi des méthodes des travailleurs sociaux. C'est précisément la complémentarité entre les enseignants et les anciens militaires, qui représentent 42 % de l'ensemble des personnels, ainsi que les partenariats avec le monde de l'entreprise, qui font la force du dispositif et toute sa pertinence pour les mineurs délinquants visés par la proposition de loi.
Un travail de grande qualité a d'ores et déjà été mené entre les services de l'EPIDE et le ministère de la justice. L'EPIDE est prêt à accueillir ces jeunes et à les former. Il participe très activement à la définition du cahier des charges de ces nouvelles missions. Je tiens à l'en remercier vivement au nom du Gouvernement dans son ensemble, puisque plusieurs ministères – outre celui de la justice, ceux de la défense, de l'emploi et de la ville – y travaillent avec lui.
J'ajoute que l'EPIDE et la protection judiciaire de la jeunesse travaillent déjà ensemble à la réinsertion de jeunes qui, ayant purgé leur peine, souhaitent s'engager dans un projet de formation professionnelle. Une convention de partenariat a été conclue en ce sens entre l'EPIDE et la protection judiciaire de la jeunesse en janvier 2010.
En élargissant le public de l'EPIDE, nous prolongerons sa mission, pour mener le plus en amont possible l'action de réinsertion. Ces établissements ont d'ailleurs fait la preuve de leur efficacité : beaucoup, sur les bancs mêmes de cette assemblée, reconnaissent les bons résultats des centres EPIDE. J'ajoute que les jeunes seront intégrés au public actuel de ces établissements et représenteront environ 10 % de l'ensemble des personnes accueillies. Il est en effet important que ces mineurs désorientés qui, certes, ont commis une infraction, ne soient pas stigmatisés ni ostracisés. Je suis convaincu que les jeunes majeurs auront un effet d'entraînement sur les plus jeunes. Ils bénéficieront tous du même traitement pour les activités collectives, à la différence près que les mineurs effectueront en plus, dans le cadre d'un programme individualisé, un travail sur l'acte de délinquance qu'ils ont commis.
Le service citoyen qu'entend instaurer cette proposition de loi suppose, bien évidemment, de renforcer le dispositif existant de l'EPIDE et d'abonder ses moyens afin de créer progressivement de nouvelles places dédiées. Ainsi, dès février 2012, les trois centres de Bourges, de Belfort et de Val-de-Reuil pourront accueillir les premiers mineurs concernés. Les personnels d'encadrement bénéficieront à cet effet d'une formation spécifique, afin de permettre une prise en charge rapide et efficace de ces nouveaux publics. D'ici à juin 2012, quinze centres pourront accueillir des mineurs délinquants.
En ce qui concerne le financement de ce nouveau dispositif, chacun des ministères concernés, que j'ai cités il y a quelques instants, participera à hauteur de deux millions d'euros. Pour le budget de la justice, cette contribution se fera à budget constant.
Je rappelle que la durée du contrat de service sera comprise entre six et douze mois. En outre, la proposition de loi prévoit, il est important de le souligner, que si le mineur adhère au projet que lui aura proposé l'EPIDE, il aura la possibilité, à l'issue de la mesure judiciaire, de prolonger, de son propre chef et en accord avec l'EPIDE, son contrat.
Par ailleurs, toujours dans le souci de moderniser la justice des mineurs tout en préservant son identité et ses spécificités, le texte vise, dans son second volet, à mettre notre droit en conformité avec les exigences posées par le Conseil constitutionnel dans ses décisions des 8 juillet et 4 août derniers.
Sur proposition du Gouvernement, votre assemblée a ainsi introduit un article qui tire les conséquences de ces décisions quant à la composition du tribunal pour enfants et du tribunal correctionnel pour mineurs et aux modes de poursuite devant le tribunal correctionnel pour mineurs.
Ces dispositions permettent d'abord de renforcer l'impartialité des juridictions pour mineurs, en prévoyant notamment que le juge des enfants qui aura instruit l'affaire et l'aura renvoyée pour être jugée ne pourra pas présider le tribunal. La proposition de loi précise ensuite, s'agissant des modalités de saisine du tribunal correctionnel pour mineurs institué par la loi du 10 août dernier pour les récidivistes de plus de seize ans, que le parquet aura la faculté de demander au juge des enfants le renvoi dans un délai compris entre dix jours et un mois. Ce mode de poursuite par voie de requête devant le juge des enfants assure la conciliation du rôle de ce magistrat, tel qu'il est défini par le Conseil constitutionnel, avec l'exigence d'une réponse rapide – lorsque, bien sûr, celle-ci est possible.
En créant le contrat de service citoyen, la proposition de loi qui vous est soumise élargit le champ des réponses à la délinquance des mineurs, nous donnant ainsi un nouveau moyen de prévenir la récidive. J'appelle la représentation nationale à ne pas se priver de ce nouvel outil de réinsertion sociale et professionnelle des mineurs délinquants, et vous invite par conséquent à voter la proposition de loi de M. Éric Ciotti. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui en nouvelle lecture a été adoptée par notre assemblée le 12 octobre dernier, avant d'être rejetée par le Sénat le 25 octobre. La commission mixte paritaire, réunie jeudi dernier, n'est pas parvenue – naturellement, pourrait-on dire – à trouver un accord avec le Sénat. Cet accord, la majorité du Sénat l'a, en effet, rejeté par principe.
Je souhaite exprimer mon incompréhension et mes profonds regrets face à cette attitude de la majorité sénatoriale, qui, en adoptant la question préalable présentée par sa rapporteure, Mme Virginie Klès, a tout simplement refusé de débattre de ce texte. Cette position très idéologique et tellement peu constructive est profondément choquante au regard d'un sujet aussi grave. Ne pas partager la même approche est concevable, mais nier la gravité de la délinquance des mineurs est tout simplement inconcevable.
Chacun d'entre nous pourra, je pense, convenir ici que la délinquance des mineurs est un fléau face auquel les pouvoirs publics n'ont pas le droit d'être résignés. Nous avons tous le devoir de rechercher une amélioration permanente des réponses qui doivent y être apportées. Ce devoir est le nôtre, afin de ne pas abandonner une partie de notre jeunesse en voie de marginalisation et de plongée inexorable dans l'engrenage de la délinquance, alors même que nous disposons, à portée de main, d'outils performants qui pourraient éviter que ces jeunes ne sombrent définitivement dans la délinquance.
L'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales a confirmé l'importance de la délinquance des mineurs dans les vols violents. L'Observatoire conclut, dans une étude publiée hier, que près de la moitié des vols avec violence commis en 2010 l'ont été par un mineur. Dans ces conditions, cette proposition de loi propose une solution innovante pour répondre à la délinquance des mineurs, une solution crédible en tant qu'alternative à l'incarcération.
Malgré la diversification des mesures pouvant être prononcées à l'encontre des mineurs délinquants et des structures susceptibles de les accueillir, il existe aujourd'hui encore un écart trop important entre, d'une part, des structures au fonctionnement peu contraignant tels que les internats scolaires ou les foyers classiques de placement des mineurs délinquants, et, d'autre part, les structures privatives ou restrictives de liberté que sont la prison et les centres éducatifs fermés. Entre ces extrêmes, il manque, dans la gradation souhaitable des établissements susceptibles d'accueillir des mineurs délinquants, un échelon intermédiaire, qui permettrait d'accueillir des mineurs dans un cadre structurant, à même de leur fournir les repères indispensables à leur insertion sociale, sans pour autant les priver de liberté.
Toutes les personnes que notre commission a auditionnées dans le cadre de la préparation de la discussion de la présente proposition de loi ont souligné que la qualité de la réponse pénale apportée aux actes de délinquance commis par des mineurs nécessitait de disposer d'une palette aussi variée que possible de solutions éducatives et de modes de placement.
La présente proposition de loi a précisément pour objet de compléter cette palette des outils mis à la disposition des magistrats de la jeunesse, par la mise en place d'un service citoyen pour les mineurs délinquants. Ce service citoyen s'appuiera sur l'apport que peuvent avoir les valeurs militaires en matière d'insertion des jeunes en difficulté et sur le dispositif « Défense deuxième chance », mis en oeuvre depuis 2005 dans les centres de l'Établissement public d'insertion de la défense.
L'évolution récente de la délinquance des mineurs apparaît en effet symptomatique d'une perte des valeurs de la vie en société parmi une frange de notre jeunesse. Chacun peut aujourd'hui constater qu'il semble manquer à une partie de cette jeunesse, malheureusement engagée dans une dérive délinquante, un certain nombre d'éléments indispensables à toute vie sociale : un respect minimal de l'autorité, le respect d'autrui, la solidarité. Mais il lui manque également des qualités indispensables à l'insertion professionnelle et sociale : la volonté, le goût de l'effort, l'esprit d'équipe.
À cet égard, les valeurs militaires peuvent constituer un apport important pour les remettre sur la voie de l'insertion. On connaît le savoir-faire et l'expérience des armées en matière d'insertion des jeunes en difficulté ou des délinquants, qui se sont exprimés par le passé dans le cadre du service militaire obligatoire, ainsi que dans celui de l'association « Jeunes en équipes de travail », initiée par l'amiral Brac de la Perrière, et qui s'exprime aujourd'hui au travers du service militaire adapté en outre-mer et de l'EPIDE en métropole.
Ce dernier est de nature civile, comme l'a rappelé M. le garde des sceaux : aucun personnel militaire d'active n'y travaille et les jeunes accueillis n'ont pas de statut militaire – je le redis et le souligne. Néanmoins, son fonctionnement s'inspire du modèle militaire, au travers notamment du port de l'uniforme, du respect de la discipline, du salut aux couleurs et de la pratique quotidienne d'activités physiques exigeantes.
La qualité du travail accompli est d'ailleurs récompensée par d'excellents résultats en termes d'insertion : à la sortie de l'EPIDE, le taux d'insertion en CDI, en CDD de plus de six mois ou en formation qualifiante des jeunes qui suivent le parcours pendant la durée moyenne de dix mois est de l'ordre de 80 %. Ce taux est absolument remarquable quand on sait d'où viennent ces jeunes et le parcours qu'ils ont connu, marqué par une forte déstructuration et une grande désocialisation.
Cette proposition de loi vise à ouvrir la possibilité pour la justice des mineurs d'astreindre un mineur auteur d'une infraction à l'accomplissement d'un contrat de service au sein d'un EPIDE. L'accueil des mineurs dans ces centres constituera une alternative claire, crédible et efficace à l'incarcération ou au placement en centre éducatif fermé. Cela permettra au mineur de réapprendre les valeurs de la vie en société qui lui font tant défaut, tout en bénéficiant d'une remise à niveau scolaire et d'une formation professionnelle qualifiante.
En conclusion, compte tenu de l'intérêt de la présente proposition de loi dans la perspective d'une amélioration et d'une diversification des réponses apportées à la délinquance des mineurs, et en faisant à nouveau part de mes regrets face au refus assez incompréhensible de la majorité sénatoriale d'entrer dans ce débat ô combien important,…
…je vous demanderai de l'adopter dans le même texte que celui que notre assemblée avait adopté en première lecture et qui a été approuvé hier par la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cette motion de rejet préalable vise à ce que ce texte, dont nous estimons qu'il n'a pas beaucoup de qualités, soit repoussé.
Je comprends parfaitement l'attitude de la majorité sénatoriale, qui a considéré qu'il s'agissait avant tout d'un texte d'affichage. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Il n'y a aucun rapport entre le dispositif proposé et l'exposé des motifs. Dans celui-ci, en effet, il est question d'offrir une alternative à l'incarcération et de lutter contre la délinquance des mineurs, qui ne laisse personne indifférent, monsieur le rapporteur. Personne n'a envie de voir des mineurs tomber dans la délinquance, pas plus que de voir des groupes d'adolescents perturber durablement la vie de quartiers, au point que certains de nos concitoyens sont terrorisés par l'emprise de jeunes délinquants sur l'espace public. Mais le dispositif que vous proposez n'est en aucun cas une solution à ce problème.
Comment peut-on croire un seul instant que des mineurs auteurs de vols avec violence feront l'objet d'une composition pénale, ou bien d'un ajournement, voire – encore que cela soit plus plausible – d'un sursis avec mise à l'épreuve ? Ces trois modes d'entrée dans le dispositif sont des procédures réservées à de petits méfaits.
Par ailleurs, bien que l'on insiste très lourdement sur l'aspect militaire, en particulier sur les valeurs militaires, ce dispositif ne comporte pas de militaires et concerne des délinquants de peu d'importance. Il est très difficile, dans ces conditions, de nous vendre ce dispositif – même si le titre n'est pas exactement celui-là – comme étant un « encadrement militaire des jeunes délinquants » ! Il n'y a pas de militaires, et il s'agit de tout petits délinquants. Mais si les médias le présentent de cette façon, c'est parce qu'il a été promu de cette façon.
Deuxième observation et deuxième raison pour laquelle nous sommes opposés à ce texte : il comporte incontestablement un risque de déstabilisation. Tout le monde s'est accordé à dire que le travail fait dans les EPIDE, ces écoles de la deuxième chance de l'éducation nationale, est particulièrement intéressant.
Tout le monde s'est accordé à dire que nous avons affaire à des professionnels qui savent mêler un encadrement assez strict, mais toujours bienveillant, avec des méthodes issues du travail social et une pédagogie adaptée à chacun.
Tout le monde a reconnu la qualité de ce travail.
Pour ma part, j'ai visité l'établissement du Maine-et-Loire. J'ai rencontré une directrice extrêmement dévouée et gérant son établissement avec beaucoup d'habileté. Elle m'a expliqué comment elle sélectionne les candidats et m'a raconté les difficultés de l'exercice en me donnant des détails – le genre de détails que l'on rencontre dans les processus éducatifs. Pour dire les choses très simplement et de façon familière, au-delà d'un certain nombre de joints par semaine – même si, bien sûr, les élèves doivent perdre cette habitude –, elle considère qu'il est difficile d'accueillir un candidat dans son établissement. Elle avait eu des difficultés avec des jeunes qui, auparavant, consommaient de l'héroïne, mais aussi avec certains qui se découvraient d'un seul coup dépendants à l'alcool, à l'intérieur du centre, à partir du moment où ils ne pouvaient plus en consommer. Ils se trouvaient alors dans des situations de sevrage de fait nécessitant un encadrement médical.
À travers cette description, on mesure à quel point le processus de sélection des stagiaires par l'EPIDE est important. Or le dispositif que vous nous proposez ne prévoit pas la possibilité pour l'établissement de refuser un jeune à qui, pour une raison quelconque, ce type de stage ne conviendrait pas.
M. le rapporteur nous explique qu'il n'y a aucun risque, dans la mesure où les mineurs sont volontaires. Mais la question n'est pas seulement là : il faut que ce soit la rencontre de deux volontés – celle de l'EPIDE, d'un côté, et celle du mineur, de l'autre.
J'ajoute que le mineur est sous la menace d'une sanction. On lui dit : « Monsieur – ou mademoiselle, mais c'est moins souvent le cas –, cette sanction peut ne pas être appliquée ; on peut ajourner la peine si vous acceptez d'aller dans un EPIDE. » Dans ces conditions, si le mineur est volontaire, admettez que sa « volonté » est légèrement induite ! Je veux dire, non pas que c'est anormal, mais que le mineur en question peut aussi accepter en méconnaissance de cause. Bref, il est absolument nécessaire de prévoir que l'EPIDE puisse exercer un contrôle et choisir les mineurs qui lui sont proposés, ce que ne prévoit pas ce dispositif.
Troisième observation et troisième raison d'être opposé à ce texte : il s'agit là d'un petit dispositif, puisque, si j'ai bien compris, le nombre de mineurs concernés est, au terme de la réunion interministérielle de septembre 2011, de 166.
C'est dire si, par rapport aux 60 000 mineurs qui font l'objet de poursuites devant la juridiction des mineurs et aux 11 000 mineurs, selon mes comptes – 7 000 selon M. le garde des sceaux – qui sont placés, nous avons affaire à un dispositif qui ne correspond pas à l'objectif affiché par l'exposé des motifs.
Quatrième observation : en plus d'être petit, ce dispositif est assez coûteux, puisque le montant estimé pour les 166 mineurs en question est de 8 millions d'euros. Cela fait 48 192 euros par mineur. C'est assez cher mais, en ce qui concerne les EPIDE, les résultats sont là. Pour six mois, à raison de 110 jours ouvrables, cela fait 438 euros par mineur. Sur douze mois, on arrive à 219 euros par jour et par mineur. On se rapproche donc, pour ce dispositif, du coût de la journée dans des établissements comme les centres éducatifs fermés – autour de 600 euros –, et on est largement au-dessus de celui des établissements d'hébergement collectif du secteur agréé – aux alentours de 170 euros. Bref, ce dispositif est assez cher.
C'est la moitié du prix d'un placement en foyer !
C'est la moitié du prix d'un placement en foyer dans le secteur éducatif public. C'est le double du prix d'un placement en foyer dans le secteur éducatif privé, sauf erreur de ma part !
C'est exact. Je ne vous savais pas si ferme défenseur du privé ! (Sourires.)
Toutes les conversions sont admises, surtout les plus tardives !
Même les conversions mathématiques. Et ma conversion est purement mathématique.
Ce dispositif, disais-je, est cher.
Non !
Mais, au-delà de son coût, il pose la question de l'articulation avec la protection judiciaire de la jeunesse.
Bien évidemment, il est toujours facile à un orateur de l'opposition de se scandaliser en disant qu'il est extravagant de créer ce type de dispositif quand, dans le même temps, le budget pour 2012 supprime 106 postes. Vous allez me dire, monsieur le ministre – j'anticipe votre objection – qu'il s'agit non pas de postes d'éducateurs, mais de soutien et qu'il est donc inutile de gloser sur le sujet.
Vous voyez bien ! (Sourires.)
Néanmoins, au-delà de ces suppressions de postes, la question se pose de l'articulation avec la protection judiciaire de la jeunesse.
Tout à fait !
Nous créons ce dispositif alors que, dans le même temps, par la loi du 5 mars 2007, nous avons demandé à la protection judiciaire de la jeunesse de se concentrer entièrement sur les mineurs délinquants. Cette conversion – ici aussi, c'est bien de cela qu'il s'agit (Sourires) – s'est faite dans la douleur.
La protection judiciaire de la jeunesse fait désormais ce travail, mais cela n'a pas été sans mal. Et aujourd'hui, nous allons mettre en place un dispositif qui va accueillir des mineurs délinquants sans que l'ensemble s'articule autour d'elle ! Il y a là, selon moi, une difficulté qui doit aboutir au rejet du texte dans sa forme actuelle.
Ma quatrième observation concerne ce qui, pour moi, s'apparente à un cavalier législatif. Je veux parler de la disposition qui concerne l'application de la loi sur les jurés citoyens et constitue une réponse au Conseil constitutionnel,...
…ce qui n'a strictement rien à voir avec les EPIDE. C'est là un tout autre sujet. En l'occurrence, c'est la réponse à l'erreur d'aiguillage que constitue la mise en place du tribunal correctionnel pour mineurs avec jurés citoyens.
Vous avez prévu un dispositif extrêmement technique et compliqué qui permet de renvoyer devant le « tribunal correctionnel pour mineurs récidivistes avec jurés citoyens » au cas où, par erreur, le tribunal pour enfants classique aurait été saisi. C'est l'illustration de ce que nous disions ici même lors de la création de ce nouveau tribunal, dont l'intitulé lui-même est difficile à prononcer tant il est long !
Aujourd'hui, seuls 350 mineurs pourraient, chaque année, faire l'objet d'un renvoi particulier. Forcément, dès l'instant où l'on crée un nouveau tribunal correctionnel en plus du tribunal pour enfants, on court le risque d'une erreur d'aiguillage. Sous prétexte de rapprocher la justice des citoyens en faisant siéger ceux-ci huit jours par an, on complique considérablement le circuit de jugement des mineurs délinquants. Et, en ce qui concerne les mineurs récidivistes, bien loin de la fermeté affichée, on met à mal, dans le seul but d'affirmer une volonté idéologique, l'appareil de justice et la répression nécessaire, précisément parce que l'on multiplie les risques d'erreurs d'aiguillage. Ce texte, censé corriger le tir, le démontre beaucoup mieux que je ne saurais le faire moi-même.
Ma dernière observation concerne la jurisprudence du Conseil constitutionnel de l'été 2011, qui est bien embarrassante.
Mais elle est là !
Aujourd'hui, le juge des enfants est chargé aussi bien de l'instruction du dossier, c'est-à-dire de l'enquête, que du jugement et de l'application des peines. Le Conseil constitutionnel a considéré que ce juge à triple casquette, si je puis me permettre cette expression familière, ne répond pas à l'exigence de la Convention européenne des droits de l'homme : comme il a mené l'enquête, il ne peut être impartial et ne saurait donc juger.
Cette singularité du juge pour enfants avait jusqu'alors été protégée par la jurisprudence de la Cour de Cassation. Nous nous voyons obligés de modifier cette organisation. Plusieurs réponses sont possibles.
L'opinion dominante était qu'il était sain, pour l'efficacité de la répression efficace comme pour la prise en compte de la personnalité du mineur, que le même juge ait à juger et à suivre le dossier de l'enquête à l'exécution de la peine.
La décision du Conseil constitutionnel est venue perturber cette façon de voir. Vous êtes, j'en conviens, monsieur le garde des sceaux, obligé de répondre et, sur le plan de la procédure, vous avez raison. Les sénateurs vous ont expliqué que l'on pouvait protéger dans certains cas la triple casquette du juge des enfants en considérant qu'il ne fallait renvoyer devant un tribunal pour enfants présidé par un autre juge que dans les cas où la culpabilité était contestée. C'est une des portes de sortie. Pour ma part, je considère que l'on aurait pu prévoir, au profit du prévenu et du procureur, une possibilité de demande de renvoi, et considérer que le droit commun était que le même magistrat juge et continue à suivre le dossier, car il convient, à mon sens, de préserver la spécificité du juge des mineurs, sur le plan de la répression comme sur celui de la prise en compte de la personnalité du mineur.
Le Conseil constitutionnel nous a donné jusqu'au 1er janvier 2013 pour rectifier et adapter notre loi à ses exigences et à ce qu'il estime être les conséquences de la Convention européenne des droits de l'homme.
Indépendamment de ce que j'ai dit sur les EPIDE, je maintiens que ce sujet particulier mérite d'être discuté pour faire en sorte de protéger la spécificité du juge des mineurs, pas seulement parce qu'il est indulgent, mais parce que c'est lui qui garantit une répression efficace. Nous devons prendre le temps d'y regarder de beaucoup plus près. Il est trop tôt pour statuer alors que nous avons jusqu'en janvier 2013 et que nous pouvons parfaitement retravailler cette question en nous efforçant de concilier les principes de la défense des droits de l'homme avec la spécificité de ce juge des enfants.
Pour l'ensemble de ces raisons techniques, politiques et idéologiques, nous vous demandons de voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je suis évidemment hostile à la motion de rejet présenté par M. Raimbourg.
Sa première critique tient au fait que nous ne nous adressons en fait à de petits délinquants et que nous n'apportons qu'une petite réponse : ce n'est pas assez gros, ce n'est pas assez grand… Certes ! Mais tout délinquant mérite d'être suivi et il nous faut bien prendre les mineurs délinquants dans la situation où ils sont. Le texte de M. Ciotti vise simplement à élargir la palette des solutions offertes, en en proposant une de plus. Je ne dis pas du tout qu'il n'y aura plus de problème de mineurs délinquants demain : ce serait idiot et faux ; c'est seulement une solution supplémentaire. La question de la délinquance des mineurs et la spécificité du droit pénal des mineurs nécessitent de pouvoir faire appel à plusieurs solutions.
Deuxième critique : c'est très cher. C'est vrai : c'est toujours très cher quand il s'agit de mineurs délinquants. Mais c'est à peu près la moitié du prix d'un placement en foyer et le tiers d'un placement en CEF. C'est donc une solution peut-être plus légère, mais moins chère que les autres. Cette critique financière ne me paraît donc pas justifiée. D'ailleurs, vous n'y croyez pas trop vous-même : en vous regardant parler, je voyais bien que n'y croyiez pas trop, et que vous aviez quelque peine à nous dire pourquoi vous étiez contre. (Sourires sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ce n'est pas parce que l'on va s'occuper des mineurs primo-délinquants qui auront peut-être commis des actes pas très graves – mais tout de même des actes de délinquance –, que l'on ne doit pas répondre. On nous offre un outil : prenons-le, c'est tout ! La proposition de M. Ciotti ne va pas tout résoudre : lui-même ne l'a jamais dit, et le Gouvernement pas davantage. Mais c'est une bonne solution. Les gens qui sont accueillis à l'EPIDE ont, pour beaucoup, un passé pénal, vous le savez bien. Il n'y a pas de novation fondamentale : on retrouve des publics assez voisins, et les résultats peuvent être très bons.
Ce texte n'est en rien une loi d'affichage, et je ne crois pas qu'il portera atteinte aux EPIDE : le mélange entre les divers publics ne dépassera pas les 10 %, c'est très peu. Il n'y a donc pas de risque de déstabilisation des EPIDE.
Peut-être, monsieur Loncle, mais moi aussi j'ai un EPIDE dans ma région. Je les écoute aussi, et j'espère que nous allons pouvoir augmenter le nombre de places. Ils travaillent avec la PJJ depuis janvier 2010. Ce n'est pas moi qui ai signé la convention en la PJJ et les EPIDE, c'est mon prédécesseur. Cela fonctionne bien, aucun d'entre vous n'est venu protester à l'époque en disant qu'il ne fallait pas le faire. Cela existe depuis janvier 2010, nous ne faisons que le conforter et l'organiser.
Enfin, est-ce un cavalier ? Je reconnais que c'est une autre question, mais je ne le crois pas. Une fois que le Conseil constitutionnel s'est prononcé, il faut appliquer sa décision. C'est la République, c'est assurer le règne du droit : que la décision nous plaise ou pas, elle est prise et nous devons l'appliquer.
Cela ne peut pas être un cavalier quand vous appliquez une décision du Conseil constitutionnel.
Pourquoi avons-nous choisi de le faire maintenant ? Nous devons être prêts au 1er janvier 2013. Il faut donc avoir mis en place les textes à la rentrée de 2012 pour ne pas le faire dans la précipitation. Regardez le calendrier qui s'ouvre devant nous : je ne suis pas sûr que l'on trouvera le temps d'ici à la rentrée de 2012 de voter un texte mettant en oeuvre la décision du Conseil constitutionnel. Nous allons avoir les élections présidentielles, puis les élections législatives, la nouvelle Assemblée nationale, une fois organisée, n'entera effectivement que vers le mois de juillet 2012 ; très naturellement, il y aura à mettre en place des politiques nouvelles qui résulteront du contrat créé entre le nouveau Président de la République et le peuple. On n'aura pas le temps de traiter de cette question ; c'est donc maintenant qu'il fallait le faire.
Pour ces raisons, je ne peux qu'émettre un avis défavorable à la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Raimbourg, M. le garde des sceaux a bien décelé votre envie, habilement dissimulée, de soutenir ce texte.
Je n'y vois qu'une preuve, c'est la contradiction qui a étayé votre démonstration, quel qu'ait été votre talent, que je reconnais bien volontiers.
Vous commencez par critiquer le dispositif sur le fond, puis vous lui reprochez d'être finalement trop modeste. De deux choses l'une, monsieur Raimbourg : ou bien il est mauvais, ou bien il est modeste. Mais le trouver modeste, c'est déjà reconnaître qu'il faut le renforcer, le développer, et c'est notre volonté unanime : comme l'indiquait M. le garde des sceaux, nous explorons une piste nouvelle qui, j'en suis convaincu, au regard de ce qui s'est déjà passé dans les EPIDE sur des publics très similaires, présente un certain intérêt. En ouvrant cette voie nouvelle, nous élargissons la palette dont disposent les magistrats de l'enfance pour sanctionner la délinquance des mineurs. Reconnaissez que si ce dispositif doit être amplifié dans ses moyens, dans son dimensionnement, dans le nombre de places qui seront mises à disposition, c'est qu'il revêt quelque part un certain intérêt que vous avez du mal à dissimuler – ce dont je vous remercie !
Pour ce qui est du coût, M. le garde des sceaux vous a livré quelques chiffres. Je reprendrai simplement une de vos remarques : cela ne sanctionnerait, dites-vous, que des faits de délinquance modestes. Pour commencer, ce n'est pas exact : vous le savez très bien, un sursis avec mise à l'épreuve peut sanctionner des faits graves. Ensuite, en matière de délinquance des mineurs, plus on agit tôt, y compris sur les premiers faits, plus on est efficace. J'avais cru déceler dans un programme qui, pourtant, devrait vous être proche, une volonté de sanctionner immédiatement les premiers faits de délinquance…
Notre volonté en tout cas est d'agir très vite et très fermement.
Enfin, on vous aurait fait part à Val-de-Reuil d'un risque de déstabilisation. Nous nous inscrivons totalement en faux, et Mme Pau-Langevin pourrait confirmer mes propos, car nous avons visité ensemble, dans le cadre d'un déplacement de la commission des lois, le centre EPIDE de Val-de-Reuil. Personne ne nous a fait part d'une telle crainte, ni le directeur du centre de Val-de-Reuil que nous avons auditionné – cela figure au compte rendu dans mon rapport – ni les équipes éducatives que nous avons librement rencontrées. Elles n'étaient pas contraintes. Mme Pau-Langevin était là et va peut-être vous en parler.
Peut-être avez-vous rencontré des gens de votre côté ; nous, nous y sommes allés officiellement dans le cadre de la commission des lois. Des parlementaires de tous les groupes étaient présents. Aucun risque de cette nature n'a été soulevé par les personnels. Nous en avons rencontré de très nombreux qui ont exprimé leur position. Ils ont, au contraire, d'ores et déjà préparé un programme pédagogique pour accueillir ces publics. Ils sont prêts.
Ne répandons pas des contrevérités. Les centres EPIDE accueillent des publics très semblables. Ils ont préparé un programme pédagogique pour ce nouveau public qui ressemble à celui qu'ils accueillent déjà. Ils sont prêts à le faire et je suis convaincu qu'ils obtiendront un résultat aussi positif que celui qu'ils obtiennent avec les jeunes majeurs aujourd'hui.
Nous en venons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable.
La parole est àM. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.
Le groupe Nouveau Centre s'opposera à cette motion de rejet préalable. Je laisserai tout à l'heure mon collègue Raymond Durand s'exprimer au nom des collègues du Nouveau Centre sur la proposition de loi de notre collègue M. Éric Ciotti.
Il y aura eu dans cette législature une vraie fracture entre l'opposition et la majorité sur les mineurs délinquants. C'est un défi qui nous est lancé pour la cohésion de notre société. Des actes de plus en plus violents sont commis par des mineurs délinquants, et nous nous sommes opposés depuis des années sur la réforme de la législation. Ce qui est bien, c'est que nous légiférons sous le double contrôle de la Cour européenne des droits de l'homme, qui s'attache à faire appliquer la Convention européenne des droits de l'homme, et du Conseil constitutionnel.
On peut certes s'opposer sur le calendrier, sur l'opportunité. Qu'en sera-t-il sous la XIVe législature ? Ni vous ni moi ne connaissons le résultat des élections. Le Gouvernement a choisi d'inscrire ce texte. C'est, je pense, une bonne chose puisque c'est un signal donné aux mineurs délinquants.
Ne faites pas dire à cette proposition plus qu'elle ne dit. Ce n'est qu'une faculté, puisque, vous le savez bien, monsieur le rapporteur, il y a une exigence : elle est basée sur le volontariat. Notre collègue Raimbourg l'a excellemment rappelé, la protection judiciaire de la jeunesse réalise un travail remarquable. Il est proposé à un établissement public d'insertion de la défense d'accueillir de jeunes délinquants sous l'aspect du volontariat. Il faut s'en tenir à la finalité de cette proposition de loi et à la volonté du Gouvernement, que je salue, de faire preuve vis-à-vis des mineurs délinquants de fermeté. Lorsque l'on entend, comme ce fut le cas ce matin à la radio, des chiffres particulièrement inquiétants, il faut, me semble-t-il, affirmer clairement cette volonté.
Quant au reste, repousser, dans le cadre d'une motion de rejet préalable, l'examen de ce texte serait prendre une mauvaise voie.
Comme l'ont dit le rapporteur et le ministre, il faut bien reconnaître, cher collègue Raimbourg, que vous n'avez convaincu personne, tout simplement parce que, au fond de vous-même, vous êtes persuadé du bon sens de ce texte.
Ce n'est pas à vous que je vais apprendre qu'il n'y a pas de petits ni de grands délinquants : il y a des délinquants. Et cette proposition de loi ne fait que se préoccuper de mineurs désorientés, en manque de repères, désocialisés.
Vous avez évoqué un risque de déstabilisation. Prétendre que des militaires qui travaillent dans ces EPIDE et qui ont quand même vingt-cinq ans d'expérience ne seront pas capables de gérer un jeune de seize ans un peu désorienté, un peu agité, c'est leur faire un mauvais procès – comme à la PJJ d'ailleurs, qui a tout de même une grande expérience en la matière.
Vous avez ensuite parlé du volontariat. Cette notion de volontariat qui sera développée par le juge est importante, même si je partage votre avis concernant la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Je trouve en effet aberrant qu'on puisse interdire à un juge qui suit régulièrement un jeune d'adapter sa sanction à la personnalité de quelqu'un qu'il connaît parfaitement.
On ne peut pas, comme vous l'avez fait, qualifier de « petit » ce dispositif parce qu'il ne concernera, dans un premier temps, que 166 mineurs. Laissons l'expérimentation se dérouler ; si cela fonctionne, nous l'élargirons. Je sais que le garde des sceaux ira dans ce sens.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre la motion préalable.
Je veux soutenir la motion de rejet préalable brillamment défendue par notre collègue Raimbourg.
On ne met pas forcément la même chose derrière les mêmes mots. Lorsque d'aucuns parlent d'expérience ou de proposition modeste, j'aurais plutôt tendance, pour ma part, à parler de stratégie de repli par rapport à l'objectif annoncé : il semble en effet qu'on avait imaginé ce dispositif comme une solution générique pour traiter d'un sujet que la droite nous avait habitués à traiter de manière plus répressive que préventive. Nous sommes bel et bien en présence d'une loi d'affichage.
Contrairement à ce que laisse entendre le discours qu'on nous a tenu tout à l'heure, les EPIDE craignent d'être totalement dénaturés dans leurs missions profondes.
Tous les appels qui nous ont été adressés depuis que ce texte a été voté en première lecture traduisent cette crainte.
Pour peu que l'on se soit un peu intéressé au fonctionnement des centres d'éducation fermés, des EPIDE ou d'autres structures qui ont accueilli ce genre de public par le passé, comme celle mise en place à l'initiative de Brac de La Perrière en son temps, on comprend que la manière de travailler de ces établissements varie en fonction des publics visés et de la façon dont les jeunes entrent dans ces établissements, soit volontairement, soit dans le cadre d'une sanction accompagnée. Votre proposition va totalement changer le rôle des uns et des autres. On ne peut pas mélanger deux objectifs de cette manière sans prendre le risque de dénaturer tout le système. On nous dit que le prix de cette mesure n'est pas aussi élevé que certains veulent bien le dire ; moi, je soutiens que le prix d'une politique se mesure à l'aune de sa réussite : quand on sait qu'elle est vouée par avance à l'échec, elle est déjà trop chère.
Voilà pourquoi nous soutenons sans réserve la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en adoptant une question préalable, le Sénat a refusé d'examiner cette proposition de loi, considérant, comme nous l'avions nous-mêmes dénoncé en première lecture, que ce texte strictement idéologique, de pure communication politique, n'était guère amendable et qu'il devait être rejeté en bloc.
Cette proposition de loi soulève en effet bien des difficultés. Je reviendrai très rapidement sur celle, évoquée largement en première lecture, concernant la possibilité d'inciter un mineur délinquant à rejoindre un centre relevant de l'établissement public d'insertion de la défense en échange d'un abandon des poursuites, d'un ajournement de peine ou d'un sursis.
Notre crainte est grande en effet – et je vous rappelle, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, que c'est ce qui a fondé le rejet du texte par notre propre commission de la défense – que cette proposition de loi dénature les objectifs de l'EPIDE.
Réunir des jeunes volontaires en grande difficulté sociale et des mineurs délinquants ayant rejoint ces établissements dans le seul but d'échapper à la prison fait courir à ce dispositif d'insertion un véritable risque de déstabilisation.
Pour notre part, nous sommes opposés à la transformation de fait de l'EPIDE en structure alternative à l'enfermement.
Je concentrerai davantage mes réflexions cet après-midi sur les problèmes posés par les dispositions relatives à l'organisation de la justice pénale des mineurs introduites par la commission des lois de notre Assemblée en première lecture, à la demande du Gouvernement.
Les paragraphes II et IV de l'article 6 de la proposition de loi visent à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 8 juillet 2011. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a estimé que le juge des enfants ne pouvait, sauf à violer le principe d'impartialité, présider le tribunal pour enfant lorsqu'il a été chargé d'accomplir les diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et renvoyer le mineur devant cette juridiction. Il a en conséquence déclaré contraire à la Constitution l'article L. 251-3 du code de l'organisation judiciaire, lequel dispose que « le tribunal pour enfants est composé d'un juge des enfants, président, et de plusieurs assesseurs » tout en laissant un délai courant jusqu'au 1er janvier 2013 pour réformer la loi. Or, sans prendre le temps nécessaire de la réflexion et sans prendre le soin de consulter les représentants des organisations représentatives de magistrats, le Gouvernement se précipite pour modifier l'organisation actuelle des tribunaux pour enfants.
Comme le soulignent très justement et conjointement l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille et le syndicat de la magistrature, en proposant une « mutualisation » des tribunaux pour enfants, sans envisager d'octroyer des moyens supplémentaires et en éludant toute étude d'impact, « vous ne vous interrogez ni sur la manière dont des juges des enfants, déjà asphyxiés avec des greffes insuffisants, pourront désormais aller juger les dossiers dans des tribunaux distincts, ni sur la façon dont ils trouveront le temps nécessaire pour préparer les dossiers et se coordonner entre professionnels au sujet de mineurs qu'ils ne connaissent pas ». Comme l'a indiqué le rapporteur de la commission des lois du Sénat, les représentants des organisations représentatives de magistrats entendus ont souhaité, et nous nous associons à cette demande, la mise en place d'une réflexion approfondie sur la meilleure façon de concilier les exigences posées par le Conseil constitutionnel avec la nécessité de préserver la continuité du suivi éducatif des mineurs, qui constitue également une exigence constitutionnelle.
Avec l'article 6 de ce texte, vous tentez de contourner la décision du Conseil constitutionnel du 4 août 2011. Jugeant que le tribunal correctionnel pour mineurs, nouvelle juridiction introduite par la loi du 10 août 2011, ne pouvait pas être regardé comme une juridiction pénale spécialisée, le Conseil constitutionnel a considéré qu'il était indispensable, afin d'assurer le respect des principes constitutionnels, que le tribunal correctionnel des mineurs « soit saisi selon des procédures appropriées à la recherche du relèvement éducatif et moral des mineurs ». En conséquence, il a censuré la possibilité de saisir cette juridiction par la voie d'une procédure rapide de poursuite. En l'état du droit, tel qu'il entrera en vigueur le 1er janvier 2012, le tribunal correctionnel pour mineurs ne peut donc être saisi que sur renvoi d'un juge des enfants ou d'un juge d'instruction.
Le Gouvernement veut ici modifier cet état du droit, en ouvrant au parquet la possibilité de requérir la comparution du mineur devant le tribunal correctionnel pour mineurs dans un délai de dix jours à un mois. Or, comme le soulignent les magistrats, il paraît pour le moins irréaliste de considérer qu'un délai de dix jours à un mois serait compatible avec l'exigence posée par le Conseil constitutionnel de saisine du tribunal correctionnel pour mineurs « selon des procédures appropriées à la recherche du relèvement éducatif et moral des mineurs ».
En outre, les dispositions relatives à la saisine du tribunal correctionnel pour mineurs sont dépourvues de lien avec le texte en discussion et pourraient dès lors être regardées par le Conseil constitutionnel comme des cavaliers législatifs.
Cette proposition de loi est à la fois inutile et dangereuse, elle ne permettra en aucun cas de répondre au problème réel de la délinquance des mineurs. C'est pourquoi les députés du groupe GDR réaffirment ce soir leur opposition résolue à ce texte.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, après le rejet de ce texte par le Sénat et l'échec de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte commun à nos deux assemblées, l'occasion nous est donnée de débattre, une seconde fois, de cette proposition de loi qui concerne un sujet de préoccupation majeur dans notre société.
Nos concitoyens le constatent chaque jour, la délinquance des mineurs connaît une augmentation incontestable : les atteintes aux personnes sont chaque jour plus violentes, plus nombreuses et souvent répétées. Nos concitoyens s'inquiètent également d'une vague d'impunité qui semble régner à l'égard des mineurs délinquants.
Ainsi que je l'avais évoqué en première lecture, notre collègue Yvan Lachaud a rendu il y a quelques mois un excellent rapport dans lequel il exprimait le constat largement répandu chez les professionnels selon lequel la justice des mineurs n'était pas suffisamment rapide, effective et lisible. Il y déplorait un certain manque de fermeté envers les mineurs délinquants, résultant notamment de dysfonctionnements au sein de notre justice qui constituent un obstacle au traitement efficace de la délinquance juvénile. D'une part, les décisions applicables aux mineurs délinquants interviennent tardivement après les faits, d'autre part, elles manquent de lisibilité pour le délinquant comme pour l'ensemble de la société. Ajoutons que les sanctions afférentes sont le plus souvent effectuées de façon bien trop aléatoire.
Partant de ces constats, les députés du groupe Nouveau Centre et apparentés ne peuvent qu'accueillir favorablement une proposition qui tend à diversifier les modalités de traitement de la délinquance des mineurs. En effet, nous ne pouvons nous satisfaire d'une situation qui compromet durablement la tranquillité et la sécurité auxquelles aspirent légitimement nos concitoyens. Il convient de trouver des solutions pour faire reculer durablement la délinquance juvénile.
Au-delà de la réponse pénale, il serait opportun de prendre en compte les mesures éducatives susceptibles de faciliter la réinsertion du mineur.
À ce titre, la création d'un service citoyen en établissement public d'insertion de la défense que préconise la présente proposition de loi constitue une mesure intéressante en ce qu'elle privilégie l'éducatif sur le répressif, ainsi que l'impose l'ordonnance du 2 février 1945.
En permettant au magistrat ou à la juridiction de prescrire à un mineur délinquant, l'accomplissement d'un contrat de service en EPIDE, ce texte oeuvre en faveur d'une diversification des solutions de façon à répondre le plus fidèlement possible au profil et au besoin du jeune, ce que précisément les magistrats appellent de leurs voeux.
Bien que les députés du groupe Nouveau Centre comprennent la volonté de l'auteur de cette proposition de loi, il leur semble néanmoins utile de répondre à certaines interrogations déjà évoquées en première lecture.
En premier lieu, ce texte ne recueille pas l'adhésion totale des personnels concernés par le dispositif. Les centristes attachent une importance particulière à l'implication des acteurs de terrain dans la définition et la mise en oeuvre des décisions politiques. Or les personnels semblent en majorité inquiets face à cette proposition. Cette inquiétude est d'autant plus compréhensible que les militaires ne sont pas préparés à encadrer de jeunes délinquants. Il serait plus judicieux que cette tâche incombe à des formateurs aux capacités plus adaptées.
Par ailleurs, il nous semble dangereux de susciter dans l'opinion publique des confusions sur le rôle des militaires dans notre société : leur rôle n'est pas de prendre en charge la délinquance des mineurs.
En deuxième lieu, la proposition de loi prévoit que ces centres devront désormais accueillir des jeunes contraints par une décision de justice. Cela risque de perturber les individus déjà présents au sein des EPIDE qui, à la différence des mineurs délinquants visés par la proposition de loi, sont volontaires pour intégrer ces établissements. La proposition de loi risque de dénaturer la vocation initiale des EPIDE qui repose sur le volontariat de jeunes en difficulté et dont les résultats en matière de réinsertion par la formation professionnelle sont positifs. Les chiffres le prouvent, 73 % des jeunes qui vont au bout du parcours sont insérés et la part des jeunes qui ont trouvé un emploi six mois après leur sortie du dispositif a progressé de 7,20 %.
Enfin, ces établissements sont déjà confrontés, dans leur fonctionnement actuel, à un manque de moyens : initialement créés pour accueillir jusqu'à 20 000 jeunes, ils n'en accueillent en réalité que 2 000, soit dix fois moins que les chiffres annoncés. Les EPIDE sont d'ores et déjà fragiles, et la présence de mineurs délinquants risque de les fragiliser davantage.
Par conséquent, nous profitons de ce débat pour formuler d'autres propositions en matière de traitement de la délinquance des mineurs. D'abord, et c'est là un motif de satisfaction pour le groupe Nouveau Centre et apparentés, l'État expérimente actuellement les propositions formulées dans son rapport par Yvan Lachaud. Ainsi, afin de lutter contre le sentiment d'impunité que peuvent avoir certains jeunes délinquants, un nouveau type d'établissement sera prochainement créé dans le ressort de trois cours d'appel : les établissements de placement provisoire d'observation et d'orientation. Ensuite, des brigades de police spécialisées dans la prise en charge de mineurs délinquants seront mises en place, en coordination avec la protection judiciaire de la jeunesse et l'éducation nationale. Ces mesures devraient, nous l'espérons, apporter des améliorations en matière de lutte contre la délinquance des mineurs.
Les centres éducatifs fermés, qui ont fait la preuve de leur efficacité, pourraient accueillir davantage de mineurs. Cependant, il convient d'en augmenter le nombre afin, d'une part, de répondre aux besoins de placement actuel et, d'autre part, de permettre l'accueil des primo-délinquants.
J'ose espérer que, tous ensemble, nous pourrons trouver un terrain d'entente et prendre les mesures qui s'imposent afin de lutter contre la délinquance des mineurs.
Bien que certains membres du groupe Nouveau Centre et apparentés aient exprimé leurs réserves quant à l'adoption de la proposition de loi, nous y sommes, pour la plupart, favorables et nous la voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de déplorer, au nom du groupe UMP, l'échec de la CMP dû à l'attitude irresponsable de la majorité du Sénat. En effet, s'il est un sujet qui mériterait que l'on dépasse les clivages politiques, c'est bien la jeunesse. On ne peut que regretter que ce texte fasse les frais du basculement à gauche de la Haute Assemblée et de cette volonté farouche d'opposition systématique au Président de la République et au Gouvernement. Il est malheureux que cette proposition – dont, je le rappelle, l'objectif est de sauver des jeunes de la délinquance – ne puisse déboucher sur un consensus parlementaire. Cela ne va d'ailleurs sûrement pas redorer l'image de la classe politique dans son ensemble.
Pourtant, il s'agit d'un sujet de société auquel nos concitoyens attachent une grande importance. L'éducation civique et comportementale, l'enseignement des fondamentaux, la formation à un métier sont autant de piliers de la réinsertion indispensables à la restructuration d'un individu en perte de repères ou d'identité. Les arguments mis en avant par les sénateurs, qui nous reprochent de n'avoir retenu qu'une seule des soixante-cinq propositions de mon rapport sur la prévention de la délinquance, ne sont pas sérieux. Vous le savez bien, mes chers collègues, on ne peut pas engager toutes les réformes en même temps : certaines nécessitent davantage de préparation et de réflexion que d'autres. À l'inverse, celle du service citoyen qui nous est proposée aujourd'hui peut être mise en oeuvre dès maintenant et à moindre coût, puisque nous possédons déjà les encadrements et les lieux d'accueil.
Faut-il également rappeler que, contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure, les EPIDE eux-mêmes sont favorables à ce texte ? J'en ai, pour ma part, visité huit : tous étaient favorables à une proposition qui répond à leurs voeux et à de réels besoins sur le terrain. C'est faire un mauvais procès aux équipes encadrantes des EPIDE que de répéter qu'elles ne pourraient pas maîtriser une quelconque déstabilisation.
Pourquoi se refuser de mettre en oeuvre ce service citoyen quand on connaît l'extraordinaire taux de réussite des EPIDE pour les jeunes majeurs ? Il atteint en effet plus de 80 %, voire 100 % pour l'un de ceux de la région parisienne. Je ne vois pas pourquoi les mineurs de seize à dix-huit ans seraient privés de cette possibilité de sortir de leurs difficultés par le biais d'un encadrement structurant et d'un véritable projet de réinsertion. Du reste, en visitant ces EPIDE, j'ai pu constater que les jeunes, avec lesquels j'ai tenu à discuter, étaient satisfaits, qu'ils n'avaient pas été désorientés de devoir sortir de leur cité sensible pour entrer dans un encadrement quelque peu militaire, car c'est précisément ce qu'ils recherchaient : des repères, des structures.
Tout outil qui peut briser la spirale infernale de la délinquance doit être privilégié. Dès lors que nous abordons ces matières éminemment sensibles, qui touchent à l'avenir de notre pays, puisqu'il est question d'une certaine frange de notre jeunesse, le groupe UMP pense qu'il faut en finir avec les postures dogmatiques et se montrer au contraire très pragmatique, coller à la réalité du terrain et à l'évolution de la délinquance, et, surtout, être novateur, imaginatif pour proposer des solutions qui permettent de réinsérer ces jeunes. Les propositions viennent d'ailleurs très souvent de l'UMP, mais malheureusement jamais de l'opposition.
Vous le savez, le taux de réinsertion des délinquants est aujourd'hui extrêmement faible. C'est la raison pour laquelle tout dispositif permettant d'augmenter ce taux doit être mis en oeuvre.
Mes chers collègues, je peux vous assurer que les membres du groupe UMP soutiendront fermement cette proposition de loi qui va dans le sens du renforcement de la lutte contre la délinquance des mineurs, mais aussi contre le chômage des jeunes. En effet, les jeunes accueillis dans les EPIDE ne sont pas tous délinquants ; certains ont simplement beaucoup de mal à trouver un emploi. Or l'EPIDE peut leur apporter une formation, des valeurs dont ils sont très éloignés, et ils finissent par trouver un travail. Nous devons donc adopter un projet qui permettrait aux mineurs de venir dans les EPIDE.
Je ne crois pas qu'il faille parler de déstabilisation de ces structures. Dans les EPIDE, en effet, oeuvrent des militaires retraités, des personnes d'expérience qui ont dirigé de nombreux jeunes pendant vingt-cinq ans, mais aussi des éducateurs spécialisés qui viennent des PJJ et connaissent parfaitement les jeunes en très grande difficulté. On peut leur confier des jeunes qui ont commis un premier acte de délinquance, à qui on tend ainsi la main. Je fais partie de ceux qui considèrent que, lorsqu'un mineur va en prison pour la deuxième fois, cela ne sert plus à rien. Tout le monde en est conscient : je le dis pour que vous l'entendiez bien, monsieur le garde des sceaux.
Il faut trouver d'autres solutions pour les mineurs : aujourd'hui, l'EPIDE paraît être la meilleure d'entre elles. Le groupe UMP votera donc cette proposition de loi des deux mains. Son adoption est indispensable pour la lutte contre la délinquance et pour permettre à ces jeunes de se restructurer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaite faire quelques remarques sur le texte qui nous revient après son échec au Sénat.
Je voulais d'abord préciser à M. Bénisti que notre groupe fait beaucoup de propositions. Ainsi, nous défendrons demain plusieurs propositions de loi traitant de sujets divers. Mais nous constatons que, curieusement, quelles que soient les mesures que nous présentons, et même lorsqu'elles ressemblent étonnamment aux vôtres, vous ne les votez jamais. Par conséquent, il ne suffit pas de nous demander de faire des propositions : encore faut-il que vous daigniez voter celles qui méritent de l'être.
D'autre part, un article de cette proposition de loi découle de décisions du Conseil constitutionnel sur le fonctionnement de la justice des mineurs. Nous pourrions en discuter. J'inclinais pour ma part à penser qu'il était bon qu'un même magistrat suive le mineur un certain temps. Mais, dès lors que ces décisions ont été rendues, n'aurait-il pas été utile de se concerter avec les magistrats, d'examiner les budgets, de réaliser des études d'impact pour voir comment concilier ce qui était considéré comme une tradition de notre justice des mineurs et les exigences formulées par le Conseil constitutionnel ou par les juridictions ? Il n'y avait aucune urgence. Une fois de plus, le Gouvernement, décidément décourageant, confond vitesse et travail bien fait. À quoi bon se précipiter pour voter des textes avant une certaine date : ne vaut-il pas mieux essayer d'agir de manière réfléchie, construite, pour répondre réellement aux problèmes qui se posent ?
Malheureusement, une fois de plus, on a le sentiment que vous avez bâclé un nouveau texte pour essayer de répondre aux observations qu'on vous a faites. Au final, on se retrouve avec un travail inabouti et donc insatisfaisant.
S'agissant des EPIDE et de l'encadrement militaire que vous souhaitez donner aux jeunes délinquants, nous nous sommes déjà largement expliqués. Nous persistons à penser que, si notre collègue Ciotti a de la constance dans les idées…
… nous avons, nous, la constance de lui répéter qu'il ne prend pas le problème par le bon bout !
Les EPIDE, pourquoi pas ? C'est une structure qui fonctionne ; c'est une solution. Mais comme nous l'avons dit, ce qui fonctionne dans l'EPIDE, ce n'est pas exclusivement ou principalement l'encadrement militaire. Nous sommes allés sur place et, comme tous mes collègues, j'y ai vu des jeunes qui avaient le sentiment de se voir donner une nouvelle chance et qui avaient envie de s'investir pour réussir leur formation à l'EPIDE. Mais cela tient-il à l'encadrement militaire ? Est-ce parce qu'ils sont obligés d'être là ? Non, puisqu'ils sont volontaires.
Par ailleurs, lorsque vous rappelez les bons résultats à la sortie de l'EPIDE, vous oubliez de signaler qu'un pourcentage non négligeable de ceux qui y sont entrés abandonne en cours de route. Ceux qui sortent de l'EPIDE dans de bonnes conditions peuvent avoir terminé leur formation et trouver un travail ; mais beaucoup ne supportent pas la discipline ni la manière dont ils y sont encadrés. Tant et si bien que vous obligez quelqu'un à y rester alors que cette façon de fonctionner ne convient pas à sa personnalité, vous risquez, d'avoir des jeunes qui non seulement ne se comporteront pas bien dans l'EPIDE, mais qui peuvent aussi gâcher la promotion de ceux pour qui cette solution est adaptée.
Quand nous avons visité l'EPIDE de Val-de-Reuil, nous y avons vu des classes de six gamins, qui pouvaient voir une psychologue en cas de difficulté. Du lundi matin au vendredi soir, ils avaient quelqu'un avec qui parler sitôt qu'ils avaient un problème. Et on les aide à bâtir un projet professionnel. Si vous faites la même chose dans un internat lambda, les résultats seront infiniment meilleurs. Car ce dont ont besoin la plupart des jeunes…
…c'est de se retrouver dans de petites unités où l'on peut les écouter et leur rappeler les règles. Ce qui compte, c'est la manière dont fonctionne l'EPIDE, ce n'est pas le fait qu'il y ait ou non un encadrement militaire. D'ailleurs, la plupart des gens avec qui nous avons parlé ont insisté lourdement pour nous dire qu'ils étaient, certes, d'anciens militaires, mais qu'il y avait dans l'établissement une forme de liberté, et des cadres. Et nous sommes tous d'accord là-dessus : quand on veut éduquer des jeunes, que l'on soit parent ou enseignant, on essaie en général de leur transmettre des règles et de leur apprendre les cadres.
Mais pourquoi vouloir transformer cette structure d'encadrement en une sorte de maison de correction ? C'est là qu'est votre erreur fondamentale !
Certes, ces jeunes ne sont pas des enfants de choeur et ont très souvent flirté avec la règle ; on peut le savoir, et leur donner une chance sans le crier sur les toits. Votre erreur, c'est de leur mettre une étiquette « délinquant »…
Forcément ! Dès lors que vous annoncez que, dans ces établissements, nous allons mettre des mineurs délinquants, cela signifie qu'ils seront étiquetés comme tels alors qu'il s'agit simplement d'essayer de les recadrer.
Monsieur Bénisti, vous n'avez pas été interrompu. Laissez parler Mme Pau-Langevin !
En agissant ainsi, vous compromettez à l'évidence la réussite de cette tentative pour les remettre sur le droit chemin.
Les encadrants des EPIDE que nous avons vus, que voulez-vous qu'ils disent ? Ils ne vont évidemment pas vous dire non. Surtout si ce sont les ministères qui les financent et que, de surcroît, ils sont formatés comme des militaires. Mais nous avons observé qu'ils ne manifestaient aucun enthousiasme à l'idée d'accueillir cette nouvelle mission. D'autant que, comme nous, ils se sont penchés sur le budget de la justice pour 2012 et ont constaté que celui-ci ne consacrait pas beaucoup plus de moyens à cette nouvelle mission confiée aux EPIDE.
Une fois encore, vous prenez le risque de déstabiliser un dispositif qui fonctionne pour satisfaire votre manie obsessionnelle qui consiste à nous expliquer en permanence que les jeunes sont méchants, que ce sont des délinquants, qu'il faut les mater et prendre contre eux des mesures énergiques.
M. Bénisti sera sans doute d'accord avec moi sur ce point : nous avons effectivement des difficultés avec certains jeunes. Nous n'avons pas à nous en féliciter, mais nous n'avons pas à les stigmatiser, car cet échec, c'est aussi celui de notre société, celui des adultes que nous sommes qui ne parviennent pas à donner des perspectives correctes à ces jeunes. Si, du fait de leur comportement, ils sont difficiles à manoeuvrer et à se faire accepter par les adultes, rappelez-vous qu'ils sont souvent en souffrance, qu'ils retournent leur malaise contre eux, et que dans notre société, un jeune qui a terminé ses études a beaucoup de mal à trouver un emploi qui ne soit pas précaire ; rappelez-vous aussi que le nombre de jeunes qui se suicident est particulièrement élevé.
Nous avons à faire face à un problème difficile, mais nous aurions tous intérêt à ne pas partir avec des idées préconçues et à ne pas tenir, sitôt que l'on parle de nos jeunes, un discours stigmatisant.
Il faut aussi leur dire qu'on leur fait confiance, qu'ils sont l'avenir de notre pays, que nous comptons sur eux et que nous avons une place à leur donner dans notre société.
Ce qui me désespère, lorsqu'ils nous voient parler d'eux aussi négativement, c'est qu'ils doivent se dire que les adultes qui les entourent et qui devraient les aider à passer à l'âge adulte dans de bonnes conditions, n'ont pas une bien haute opinion de leur jeunesse. Voilà le principal échec de tous ces débats que nous avons en permanence concernant la justice des mineurs !
Les jeunes sont notre avenir et notre espoir. Si nous le leur faisions mieux comprendre, si nous prenons davantage de mesures pour les aider à rentrer dans la société des adultes, nous ferions un travail beaucoup plus utile, au lieu de répéter à longueur d'année qu'il faut les stigmatiser et les mater.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je vais tenter quant à moi de présenter une version positive et constructive – comme cela me paraît logique – de cette structure.
Comme notre rapporteur et notre collègue Bénisti, je ne peux que déplorer sincèrement, alors qu'il y va de la réinsertion de ces mineurs, le refus de la Haute Assemblée d'examiner cette proposition de loi. Une telle attitude, d'ailleurs, ne correspond pas à l'exigence permanente du Sénat – en tout cas jusqu'à présent – d'un débat approfondi, nourri et toujours constructif. Ceux-là même qui n'ont de cesse de réclamer la concertation ont privé nos concitoyens du débat auquel ils avaient droit, au sein de la seconde chambre : c'est parfaitement illégitime.
Où sont d'ailleurs les propositions ? Les contre-propositions ? Nous les cherchons en vain.
Oui, il faut du courage et beaucoup de volonté – c'est le cas du Gouvernement – pour s'attaquer à l'insécurité en général, et à la délinquance des mineurs en particulier, comme notre majorité le fait sans relâche depuis 2002. Cette politique est d'autant plus utile que l'Observatoire de la délinquance vient de publier des chiffres édifiants : 50 % des vols avec violence seraient commis par des mineurs.
Proposer seulement de supprimer l'incarcération des mineurs délinquants pour les petits délits, comme le propose Jean-Jacques Urvoas, n'est pas la réponse appropriée. Vous devriez au contraire apprécier le dispositif éducatif que ce texte met en place. N'avez-vous pas inscrit dans votre « pacte national de protection et de sécurité publique » – un titre assez ronflant ! – que d'autres solutions existent pour les délits les moins importants, qui doivent permettre d'éviter un séjour en prison ? C'est précisément le type de structure qui sera mis en oeuvre.
Le contrat de service en EPIDE est de nature civile et la majorité du personnel encadrant est composé de rééducateurs – près de 60 % des effectifs. Il s'adresse aux jeunes pour lesquels ni le placement en centre éducatif fermé ni l'incarcération ne constituent la réponse adaptée, alors qu'ils ont besoin d'un encadrement strict.
Cette solution, qui repose sur le volontariat des jeunes, vient utilement élargir la gamme des réponses éducatives responsabilisantes à la disposition de la justice des mineurs.
Même s'ils ne sont pas nombreux dans cet hémicycle, je voudrais dire à nos collègues de la commission de la défense, qui avaient contesté ce texte au motif – paradoxal – que l'EPIDE obtenait de bons résultats, par crainte de gripper ce bel outil de réinsertion, qu'il serait beaucoup plus risqué pour la cohésion de notre société d'en priver les mineurs délinquants ; du reste, avec des effectifs limités à 10 %, il n'y a pas à craindre qu'ils ne déstabilisent le groupe.
Le rapport de la sénatrice Klès mentionne d'ailleurs que le public actuel des EPIDE comporte par dérogation 30 % de mineurs ayant déjà été jugés, et 15 % sous suivi judiciaire : autrement dit, le public est très similaire. Et les résultats prouvent que cela fonctionne. On nous parle de moyens ? Il est justement prévu de créer 200 places supplémentaires. C'est un début. Les ministères contribueront à hauteur de 2 millions d'euros, pour une dépense – vous l'avez souligné très opportunément, monsieur le garde des sceaux – beaucoup moins élevée que pour d'autres structures.
Nous considérons, pour notre part, au sein de la majorité, qu'il faut donner une chance à ces mineurs de réintégrer le droit chemin, avant qu'il ne soit trop tard et qu'ils ne basculent dans des formes plus graves de marginalisation.
Comme l'a rappelé le rapporteur, notre collègue Éric Ciotti, dont je salue l'excellent travail, les doutes, les inquiétudes, les interrogations sur ce dispositif ont été levés, ce qui justifie que nous l'adoptions sans plus tarder. Il s'agit d'une mesure innovante dont nous n'avons pas le droit de priver les mineurs.
Ne pas permettre à ces jeunes de retrouver, en douze mois, le chemin de la vie en société, ne pas leur donner l'opportunité de rattraper leur retard scolaire, ne pas leur donner la chance d'une insertion professionnelle future serait non seulement irresponsable, mais coupable.
C'est l'honneur de notre majorité d'affronter les problèmes tels qu'ils se posent et de tenter d'y apporter les réponses les plus pertinentes.
Cette proposition de loi s'inscrit donc dans le droit-fil de notre politique et elle constitue une main tendue vers ces jeunes, une main ouverte, une main offerte, prête à les aider à sortir de l'ornière, mais aussi une main ferme, une main qui éduque. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. le garde des sceaux.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je tiens à remercier tous les intervenants qui ont pris part à la discussion générale.
Beaucoup de choses ont été dites, mais je voudrais revenir sur une critique, qui pourrait être pertinente si elle était exacte : le risque d'une déstabilisation des EPIDE. Cette critique n'a évidemment pas lieu d'être : le très petit nombre de jeunes délinquants qui seront placés dans chaque EPIDE ne changera pas la nature du public de l'EPIDE qui compte déjà, comme l'a rappelé M. Goujon, 30 % de personnes jugées, donc, condamnées, et 15 % de personnes sous suivi judiciaire. C'est une population que les EPIDE connaissent déjà très bien et elle ne connaîtra pas de mutation profonde. Les EPIDE vont simplement faire profiter de leur expérience, de leur savoir-faire et de leurs méthodes de travail quelques jeunes de plus.
Je le répète : c'est seulement une réponse supplémentaire offerte aux juges. On nous a objecté tout à l'heure que les jeunes devront être volontaires pour entrer dans un EPIDE et qu'il faudrait les pousser un peu, sinon, ils n'iraient pas. Mais l'EPIDE sera-t-il lui-même volontaire ? Cette question a été posée par M. Raimbourg. Rappelons que c'est le service éducatif de la PJJ qui proposera au juge pour enfants de placer le jeune en EPIDE, tout simplement parce c'est lui qui aura fait le suivi et analysé sa situation, c'est lui qui est en lien constant avec l'EPIDE :
Et comme il est en lien constant avec l'EPIDE, il fera des propositions en accord avec cet établissement. Le jeune sera, bien entendu, volontaire, mais l'EPIDE sera aussi d'accord pour l'accueillir, car il aura un projet correspondant à sa situation. Il n'y a donc pas à hésiter. Même si elle n'est pas définitive, c'est une réponse supplémentaire offerte aux jeunes délinquants et aux juges des enfants : pourquoi s'en priver ? Il n'y a aucune raison. Je ne peux donc qu'inviter les députés à voter ce texte.
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi, dans le texte précédemment adopté par l'Assemblée nationale et rejeté par le Sénat.
Je suis saisie d'un amendement de suppression de l'article 1er, n° 1.
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le soutenir.
Je suis saisie d'un amendement de suppression de l'article 2, n° 2.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Défendu !
(L'amendement n° 2 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 2 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement de suppression de l'article 3, n° 3.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Défavorable.
Nos collègues de l'opposition soutiennent que l'accomplissement d'un stage de formation civique, le suivi régulier d'une scolarité, d'une formation, la consultation d'un psychiatre, entre autres, sont des mesures efficaces. Cela marche quelquefois, mais très souvent, cela ne marche pas. Pourquoi ? Tout simplement parce que ces jeunes ont besoin d'être encadrés. Toutes ces mesures de formation, d'aide et d'apprentissage des valeurs ne pourront avoir d'effet que dans un EPIDE, c'est-à-dire dans une structure où ils seront encadrés.
Vous proposez de renvoyer à une audience ultérieure le prononcé de la peine et à soumettre, pendant la durée de la césure, le coupable à certaines injonctions ou mises à l'épreuve : c'est précisément ce qui ne marche pas. Si vous laissez sortir un jeune qui aura commis un délit parfois grave, que fait-il ? Il revient dans sa cité et contaminera les autres jeunes auxquels il se présentera comme celui qui, en dépit de la gravité des faits commis, aura échappé aux mains du juge ; et qui plus est, il ne sera jugé que très tardivement. En lui proposant l'alternative de l'EPIDE où il sera pris en mains, nous éviterons qu'il ne retourne dans sa cité.
(L'amendement n° 3 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement de suppression de l'article 4, n° 4.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Défendu !
(L'amendement n° 4 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 4 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement de suppression de l'article 6, n° 5.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Le juge des mineurs, sa spécificité et ce que je vous propose d'appeler familièrement sa « triple casquette » doivent être, bien entendu, protégés. Nous sommes d'accord sur ce point. Mais – et je ne fais, ici, aucun procès d'intention – le Gouvernement a proposé, contraint et forcé, un texte qui aboutit à entériner totalement l'analyse du Conseil constitutionnel. Je ne suis pas opposé à cette analyse, mais je considère que nous devons adapter notre droit des mineurs à la Convention européenne des Droits de l'Homme pour protéger la spécificité. Nous proposons que le tribunal pour enfants soit composé différemment en cas de contestation sur la culpabilité ou à la demande des parties. Nous avons encore un peu de temps devant nous, même si je sais très bien que nous sommes à la veille d'une année électorale ; notre intérêt est de réfléchir et non d'opter pour la situation la plus simple, mais sans doute la moins bonne.
Avis défavorable de la commission des lois.
Le Gouvernement a eu raison de prendre acte des décisions du Conseil constitutionnel et d'en tirer toutes les conséquences. Je relèverai simplement, pour la forme, monsieur Raimbourg, une appréciation quelque peu inopportune : l'exposé sommaire de votre amendement explique que l'article 6 vise à réparer quelques « dégâts » causés par deux décisions récentes du Conseil constitutionnel. Je ne pense pas que les décisions du Conseil constitutionnel provoquent des dégâts !
Nous sommes tous d'accord pour reconnaître que le Conseil constitutionnel ne commet aucun dégât…
Jamais ! Ni collégiaux ni ailleurs ! L'article 62 de la Constitution a résolu le problème : les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à tous, point final. C'est cela, l'État de droit. Cela ne va pas sans quelques inconvénients, nous le voyons ce soir. Mais cela nous permet aussi d'être assez fiers, et de nous attacher à ce qu'il soit une réalité, même lorsque cela ne plaît pas forcément… C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a appliqué strictement les deux décisions du Conseil constitutionnel.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)
(L'article 6 est adopté.)
Je ne suis saisie d'aucune demande d'explication de vote.
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion de la proposition de loi relative aux habitats légers de loisirs et à l'hébergement de plein air et portant diverses dispositions relatives au tourisme.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron