Aujourd'hui, le juge des enfants est chargé aussi bien de l'instruction du dossier, c'est-à-dire de l'enquête, que du jugement et de l'application des peines. Le Conseil constitutionnel a considéré que ce juge à triple casquette, si je puis me permettre cette expression familière, ne répond pas à l'exigence de la Convention européenne des droits de l'homme : comme il a mené l'enquête, il ne peut être impartial et ne saurait donc juger.
Cette singularité du juge pour enfants avait jusqu'alors été protégée par la jurisprudence de la Cour de Cassation. Nous nous voyons obligés de modifier cette organisation. Plusieurs réponses sont possibles.
L'opinion dominante était qu'il était sain, pour l'efficacité de la répression efficace comme pour la prise en compte de la personnalité du mineur, que le même juge ait à juger et à suivre le dossier de l'enquête à l'exécution de la peine.
La décision du Conseil constitutionnel est venue perturber cette façon de voir. Vous êtes, j'en conviens, monsieur le garde des sceaux, obligé de répondre et, sur le plan de la procédure, vous avez raison. Les sénateurs vous ont expliqué que l'on pouvait protéger dans certains cas la triple casquette du juge des enfants en considérant qu'il ne fallait renvoyer devant un tribunal pour enfants présidé par un autre juge que dans les cas où la culpabilité était contestée. C'est une des portes de sortie. Pour ma part, je considère que l'on aurait pu prévoir, au profit du prévenu et du procureur, une possibilité de demande de renvoi, et considérer que le droit commun était que le même magistrat juge et continue à suivre le dossier, car il convient, à mon sens, de préserver la spécificité du juge des mineurs, sur le plan de la répression comme sur celui de la prise en compte de la personnalité du mineur.
Le Conseil constitutionnel nous a donné jusqu'au 1er janvier 2013 pour rectifier et adapter notre loi à ses exigences et à ce qu'il estime être les conséquences de la Convention européenne des droits de l'homme.
Indépendamment de ce que j'ai dit sur les EPIDE, je maintiens que ce sujet particulier mérite d'être discuté pour faire en sorte de protéger la spécificité du juge des mineurs, pas seulement parce qu'il est indulgent, mais parce que c'est lui qui garantit une répression efficace. Nous devons prendre le temps d'y regarder de beaucoup plus près. Il est trop tôt pour statuer alors que nous avons jusqu'en janvier 2013 et que nous pouvons parfaitement retravailler cette question en nous efforçant de concilier les principes de la défense des droits de l'homme avec la spécificité de ce juge des enfants.
Pour l'ensemble de ces raisons techniques, politiques et idéologiques, nous vous demandons de voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)