Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui en nouvelle lecture a été adoptée par notre assemblée le 12 octobre dernier, avant d'être rejetée par le Sénat le 25 octobre. La commission mixte paritaire, réunie jeudi dernier, n'est pas parvenue – naturellement, pourrait-on dire – à trouver un accord avec le Sénat. Cet accord, la majorité du Sénat l'a, en effet, rejeté par principe.
Je souhaite exprimer mon incompréhension et mes profonds regrets face à cette attitude de la majorité sénatoriale, qui, en adoptant la question préalable présentée par sa rapporteure, Mme Virginie Klès, a tout simplement refusé de débattre de ce texte. Cette position très idéologique et tellement peu constructive est profondément choquante au regard d'un sujet aussi grave. Ne pas partager la même approche est concevable, mais nier la gravité de la délinquance des mineurs est tout simplement inconcevable.
Chacun d'entre nous pourra, je pense, convenir ici que la délinquance des mineurs est un fléau face auquel les pouvoirs publics n'ont pas le droit d'être résignés. Nous avons tous le devoir de rechercher une amélioration permanente des réponses qui doivent y être apportées. Ce devoir est le nôtre, afin de ne pas abandonner une partie de notre jeunesse en voie de marginalisation et de plongée inexorable dans l'engrenage de la délinquance, alors même que nous disposons, à portée de main, d'outils performants qui pourraient éviter que ces jeunes ne sombrent définitivement dans la délinquance.
L'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales a confirmé l'importance de la délinquance des mineurs dans les vols violents. L'Observatoire conclut, dans une étude publiée hier, que près de la moitié des vols avec violence commis en 2010 l'ont été par un mineur. Dans ces conditions, cette proposition de loi propose une solution innovante pour répondre à la délinquance des mineurs, une solution crédible en tant qu'alternative à l'incarcération.
Malgré la diversification des mesures pouvant être prononcées à l'encontre des mineurs délinquants et des structures susceptibles de les accueillir, il existe aujourd'hui encore un écart trop important entre, d'une part, des structures au fonctionnement peu contraignant tels que les internats scolaires ou les foyers classiques de placement des mineurs délinquants, et, d'autre part, les structures privatives ou restrictives de liberté que sont la prison et les centres éducatifs fermés. Entre ces extrêmes, il manque, dans la gradation souhaitable des établissements susceptibles d'accueillir des mineurs délinquants, un échelon intermédiaire, qui permettrait d'accueillir des mineurs dans un cadre structurant, à même de leur fournir les repères indispensables à leur insertion sociale, sans pour autant les priver de liberté.
Toutes les personnes que notre commission a auditionnées dans le cadre de la préparation de la discussion de la présente proposition de loi ont souligné que la qualité de la réponse pénale apportée aux actes de délinquance commis par des mineurs nécessitait de disposer d'une palette aussi variée que possible de solutions éducatives et de modes de placement.
La présente proposition de loi a précisément pour objet de compléter cette palette des outils mis à la disposition des magistrats de la jeunesse, par la mise en place d'un service citoyen pour les mineurs délinquants. Ce service citoyen s'appuiera sur l'apport que peuvent avoir les valeurs militaires en matière d'insertion des jeunes en difficulté et sur le dispositif « Défense deuxième chance », mis en oeuvre depuis 2005 dans les centres de l'Établissement public d'insertion de la défense.
L'évolution récente de la délinquance des mineurs apparaît en effet symptomatique d'une perte des valeurs de la vie en société parmi une frange de notre jeunesse. Chacun peut aujourd'hui constater qu'il semble manquer à une partie de cette jeunesse, malheureusement engagée dans une dérive délinquante, un certain nombre d'éléments indispensables à toute vie sociale : un respect minimal de l'autorité, le respect d'autrui, la solidarité. Mais il lui manque également des qualités indispensables à l'insertion professionnelle et sociale : la volonté, le goût de l'effort, l'esprit d'équipe.
À cet égard, les valeurs militaires peuvent constituer un apport important pour les remettre sur la voie de l'insertion. On connaît le savoir-faire et l'expérience des armées en matière d'insertion des jeunes en difficulté ou des délinquants, qui se sont exprimés par le passé dans le cadre du service militaire obligatoire, ainsi que dans celui de l'association « Jeunes en équipes de travail », initiée par l'amiral Brac de la Perrière, et qui s'exprime aujourd'hui au travers du service militaire adapté en outre-mer et de l'EPIDE en métropole.
Ce dernier est de nature civile, comme l'a rappelé M. le garde des sceaux : aucun personnel militaire d'active n'y travaille et les jeunes accueillis n'ont pas de statut militaire – je le redis et le souligne. Néanmoins, son fonctionnement s'inspire du modèle militaire, au travers notamment du port de l'uniforme, du respect de la discipline, du salut aux couleurs et de la pratique quotidienne d'activités physiques exigeantes.
La qualité du travail accompli est d'ailleurs récompensée par d'excellents résultats en termes d'insertion : à la sortie de l'EPIDE, le taux d'insertion en CDI, en CDD de plus de six mois ou en formation qualifiante des jeunes qui suivent le parcours pendant la durée moyenne de dix mois est de l'ordre de 80 %. Ce taux est absolument remarquable quand on sait d'où viennent ces jeunes et le parcours qu'ils ont connu, marqué par une forte déstructuration et une grande désocialisation.
Cette proposition de loi vise à ouvrir la possibilité pour la justice des mineurs d'astreindre un mineur auteur d'une infraction à l'accomplissement d'un contrat de service au sein d'un EPIDE. L'accueil des mineurs dans ces centres constituera une alternative claire, crédible et efficace à l'incarcération ou au placement en centre éducatif fermé. Cela permettra au mineur de réapprendre les valeurs de la vie en société qui lui font tant défaut, tout en bénéficiant d'une remise à niveau scolaire et d'une formation professionnelle qualifiante.
En conclusion, compte tenu de l'intérêt de la présente proposition de loi dans la perspective d'une amélioration et d'une diversification des réponses apportées à la délinquance des mineurs, et en faisant à nouveau part de mes regrets face au refus assez incompréhensible de la majorité sénatoriale d'entrer dans ce débat ô combien important,…