La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Marylise Lebranchu.
Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, même si nous n'appartenons pas à la même famille politique, je tiens, comme d'autres, à vous exprimer ma solidarité personnelle.
Cela étant dit, j'ai beaucoup admiré la façon dont vous avez réussi à réécrire un texte qui – soyons clairs ! – visait à instaurer des peines automatiques. J'imagine à quel point cela a été complexe et vous avez dû beaucoup travailler pour obtenir un texte sur les peines plancher qui semble acceptable du point de vue constitutionnel.
On ne peut pas continuer à opposer la majorité, qui prendrait soin des victimes et lutterait contre la récidive, et l'opposition, qui considérerait la récidive comme quelque chose de normal, qui serait laxiste…
…et ne prendrait pas en compte les grandes difficultés des victimes. Aujourd'hui, nous sommes tous conscients du grave problème que pose la violence, mais on l'aborde d'une façon défaitiste, comme si, avant même de disposer d'une étude d'impact des textes votés à la fin de la dernière législature, il n'y avait aucune chance que ces textes soient efficaces, comme si, à chaque fois que les chiffres reviennent – et ils reviennent tous les ans –, il fallait réécrire le code pénal parce que nous n'aurions pas l'arsenal juridique pour répondre à la violence. Nous avons cet arsenal : dix ou vingt ans de prison, voire la perpétuité en cas de récidive, minimum requis d'incarcération de trente ans. Et les magistrats n'hésitent pas à faire incarcérer des mineurs en cas de grande difficulté.
Je ne fais pas partie de ceux qui rejettent a priori la nécessité de la prison lorsque les faits sont graves, mais laisser entendre qu'il suffirait de doubler les peines ou de créer des peines plancher pour la récidive, comme vous le proposez aujourd'hui, pour qu'il n'y ait plus de récidivistes, est une erreur et je crois même que c'est une faute. Au lieu de lutter directement contre la récidive, vous nous demandez, avec ce texte, de sévir davantage une fois qu'une deuxième victime aura été frappée. C'est la récidive elle-même que nous devons refuser !
Ayant eu l'honneur de présider une commission chargée d'élaborer un projet de loi pénitentiaire, je sais que nous devons nous soucier en priorité du sens de la peine, et faire de la privation de liberté un dernier recours. Je me souviens de ce constat très intéressant que faisaient les associations de victimes : elles expliquaient qu'il fallait aider la société à passer d'une demande de vengeance à une demande de justice. C'est ce qu'il y a de plus important. Or, chaque fois que l'on brandit de tels textes, on fait davantage appel à un sentiment de vengeance qu'à un sentiment de justice.
Monsieur Myard, vous vous êtes exprimé ! Laissez Mme Lebranchu poursuivre !
Je vous ai écouté sans rien dire tout à l'heure, et cela n'a pas été facile ! Il serait terrible de ne pas appliquer de sanctions envers les mineurs, y compris pour les mineurs eux-mêmes,…
…car cela reviendrait à les considérer comme des exclus, indignes de la République, sous prétexte qu'ils vivraient dans des conditions difficiles. Nous devons prendre des sanctions dès le premier acte délictueux, mais notre problème majeur commun, et nous aurions dû parvenir à un accord sur ce point, vient du fait que nous n'avons pas les moyens de faire exécuter ces sanctions. Avec les centres d'éducation renforcée, les centres d'éducation fermés, les centres de placement immédiat, nous avons eu des propositions extrêmement intéressantes. Je pense également à Philippe Jeammet et aux directeurs d'instituts médico-éducatifs – IME – qui étaient prêts à organiser, en coopération avec l'institution judiciaire, des « séjours de rupture ». Nous croyons à tout cela, mais nous ne pensons pas que la disparition de l'excuse de minorité puisse faire peur à un jeune.
Je ne crois pas que la peur de « prendre davantage » fasse reculer quelqu'un. Si un jeune, ou un moins jeune, a une pulsion, ou tout simplement l'envie de faire, ce n'est pas la peur de perdre une année qui le fera reculer. Cela l'incitera même plutôt à fuir et risque de favoriser un comportement très dangereux pour échapper à l'arrestation. Tout cela est compliqué, dangereux, lourd…
Nous devons aujourd'hui revenir à la raison et nous mettre d'accord, comme nous y sommes déjà parvenus voilà quelques années, sur la nécessité d'une sanction dès le premier acte, de sanctions qui aient un sens. Si nous voulons lutter contre la récidive, il faut d'abord adopter une loi pénitentiaire. Les magistrats n'en peuvent plus d'avoir sans arrêt des articles nouveaux. Les choses changent tout le temps. Les magistrats, les avocats, les greffiers, les fonctionnaires, l'administration pénitentiaire souhaitent qu'une pause soit marquée dans tous ces textes…
…et que l'on se penche sur la façon de faire fonctionner l'institution judiciaire pour que la justice soit, certes, le dernier maillon de la République parce que c'est son rôle, mais un maillon efficace permettant d'éviter que le grand patchwork de la société ne soit à niveau déchiré par la violence. Nous devrions y arriver. Malheureusement, avec ce texte nous n'aurons qu'une annonce.
Peut-être nous rendrons-nous compte, à l'heure du bilan, qu'il n'y a pas moins de violence. En fait, je sens que vous signez ce soir le constat d'échec de la politique que vous avez menée pendant cinq ans. Vous baissez les bras et c'est dommage, car, ensemble, nous pourrions faire de grandes choses afin que la justice maintienne un climat apaisé sur le territoire de la République française. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi contre la récidive des majeurs et des mineurs, soumis à notre discussion aujourd'hui, est d'importance. Non seulement il s'inscrit pleinement dans la poursuite de la lutte contre toutes les formes d'insécurité engagée depuis 2002, mais c'est surtout un engagement électoral tenu.
Les différents axes proposés dans ce texte me semblent cohérents et complémentaires. En effet, l'instauration de peines minimales privatives de liberté complète l'arsenal juridique actuel de lutte contre la récidive et exerce un effet dissuasif sur les délinquants déjà condamnés. Il existe donc désormais une menace de sanction claire, précise et systématique, ce qui constitue un premier élément indispensable au travail de prévention.
Pour autant, le texte n'instaure pas de peines automatiques. Le juge conserve la possibilité d'aménager les conditions d'application de la peine privative de liberté, comme nos collègues sénateurs l'ont utilement précisé à l'article 1er. La décision du juge dépend donc de l'infraction en cause et de l'attitude de son auteur. L'échelle des peines minimales proposées me semble également conforme au principe de proportionnalité et de nécessité de la sanction.
Par ailleurs, pour les infractions les plus graves commises en récidive, le projet de loi élargit les conditions actuelles dans lesquelles l'excuse de minorité pouvait être écartée. Dans un contexte où la délinquance des mineurs est de plus en plus violente et de plus en plus fréquente, et où 30 % d'entre eux récidivent dans les cinq ans, il était urgent de modifier le dispositif. Entre seize et dix-huit ans, ces grands adolescents seront jugés comme des majeurs pour les crimes les plus graves, ce qui représente une dissuasion utile. Cela empêchera également leur instrumentalisation par des majeurs, dans le cadre d'actions en bande.
Le volet consacré à l'injonction de soins constitue un vecteur essentiel de réinsertion. Elle est désormais obligatoire pour tous les condamnés en suivi socio-judiciaire. En cas de refus, des sanctions seront applicables, notamment la révocation du sursis ou de la liberté conditionnelle. En effet, notre pays ne pouvait plus laisser des délinquants, notamment sexuels, sortir de prison sans traitement adéquat. L'incarcération doit permettre d'isoler les criminels et de protéger les victimes. Mais elle doit également jouer un rôle de traitement et de réinsertion, pour éviter que les crimes ne puissent se reproduire.
En vue de nourrir le débat démocratique, j'aimerais vous soumettre deux propositions.
La première concerne les moyens réels engagés pour appliquer les mesures. Le nombre de peines de prison ferme augmentera mécaniquement, et la population carcérale ne pourra que croître. Dans un pays comme la France, où les capacités d'accueil des prisons sont largement dépassées, où les tribunaux sont engorgés, quels moyens seront débloqués pour que ces mesures utiles soient appliquées ? La question se pose aussi à propos du suivi psychologique. La capacité d'accompagnement actuelle est largement déficitaire en la matière. L'embauche de psychologues supplémentaires, en particulier spécialisés dans les crimes sexuels, est-elle envisagée ?
Ma seconde proposition concerne les peines encourues par les mineurs pour des infractions légères, effectuées dans la primo-adolescence. Ne peut-on pas imaginer une plus large diffusion des travaux d'intérêt général ? Participant à la vie de la cité, les jeunes délinquants pourraient ainsi trouver une activité utile et créatrice de lien social.
Permettez-moi enfin d'aborder brièvement un sujet quelque peu périphérique : je souhaite que les tribunaux implantés en zone rurale puissent être maintenus. Véritables lieux de justice de proximité, ils sont également très importants pour l'architecture judiciaire nationale. À cet égard, en étroite collaboration avec Françoise Hostalier, députée de la quinzième circonscription du Nord, je confirme le souhait des habitants des Flandres de bénéficier encore des services du tribunal d'Hazebrouck, menacé de disparition.
Je conclurai en rappelant que la présente loi me semble juste, équilibrée et apte à répondre aux attentes de nos concitoyens, pour qui la sécurité est une préoccupation constante. Elle représente également un moyen efficace de prévenir la délinquance et d'assurer un suivi complet des condamnés. Je sais, madame la ministre, que, pour vous également, ce sont de réelles priorités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, ce projet de loi contre la récidive est l'une des nombreuses promesses du nouveau Président de la République.
Je n'insisterai pas sur cet état de fait, puisqu'il a déjà été souligné.
L'ancien ministre de l'intérieur souhaite un durcissement des peines, après cinq années qui se soldent, en somme, par un échec. Si l'insécurité avait reculé, si la sécurité ne restait pas, à juste titre, une préoccupation des Français et si les atteintes aux personnes n'avaient pas augmenté alors que la majorité actuelle était déjà au pouvoir, personne ne jugerait utile de débattre aujourd'hui de ce sujet.
Pas plus que les propos que vous venez de tenir, mon cher collègue !
Dans ma courte intervention, je voudrais, au nom des radicaux de gauche du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, pointer trois sujets.
Nous n'avons pas encore changé de République. Les magistrats, dont vous avez été, madame la ministre, conservent leur libre arbitre que l'on appelle conscience, dès lors qu'il s'exerce au nom du peuple. À ce titre, ils peuvent moduler les peines et se montrer plus ou moins sévères selon l'environnement du délit. Quel est donc ce signal que vous leur envoyez, en encadrant plus encore leur travail ? Quel est ce signal que, à travers eux, vous envoyez à tous les justiciables potentiels, pour leur indiquer qu'ils ne seront plus jugés par un magistrat, par une femme ou par un homme qui est aussi mère ou père de famille, responsable associatif, engagé dans la cité, bref citoyen, mais par une grille dont vous voulez décider dans cet hémicycle ?
Je souhaite comme vous, madame la ministre, une justice plus réactive et plus proche. Mais – le savez-vous ? – je suis également parlementaire de l'Allier, élu du sud du département, à Cusset, où se trouve, comme je vous l'ai écrit, le tribunal le plus important du département, que vous envisagez de supprimer. Quel signal d'une justice plus proche envoyez-vous aux magistrats, aux avocats, aux officiers ministériels, aux élus et finalement à tous les citoyens en souhaitant, d'un côté, une justice plus proche, mais en prévenant, de l'autre, que c'est au chef-lieu du département, à soixante kilomètres de là, que les choses se passeront désormais ? La justice rapide, celle qui est utile dès lors que l'on souhaite donner toute sa valeur à la sanction, ne s'accommodera pas de cette situation. Je tiens vous le dire, car je veux, ici même, prendre date.
Je vous entends déjà me répondre, reprenant l'antienne de la campagne électorale, que la gauche serait laxiste.
Pas du tout ! D'ailleurs, je vais sans doute vous surprendre en affirmant ici, comme j'ai déjà eu l'occasion de le faire que, non, à gauche, dès lors que l'on défend la République et ses valeurs, on n'est pas hostile à la sanction. Celle-ci est utile,…
…mais souvent insuffisante. Nous le savons bien, sur nos bancs, nous autres, élus locaux, parlementaires, qui avons été et sommes chaque jour confrontés à des comportements en infraction avec les règles du vivre-ensemble.
Il y a cependant deux choses que nous ne pouvons admettre.
La première, c'est que la privation de liberté ne soit plus l'exception. Je m'inquiète de l'explosion des gardes-à-vue, qui constituent souvent un moyen de pression et, au final, dénaturent à tout coup le travail de la police. De plus, elles sapent le concept de monopole de la violence légitime auquel, comme vous, je suis plus qu'attaché. Je profite d'ailleurs de l'occasion pour vous rappeler – comme le Conseil constitutionnel le fera sans doute – l'article 37 de la Convention internationale des droits de l'enfant.
La deuxième règle de base, c'est que l'on ne peut pas, en République, créer une loi sans en mesurer les effets. Or ceux de l'augmentation de la population pénale et de l'incarcération, en particulier chez les jeunes, sont hélas connus. Alain Peyrefitte, qui n'était ni radical ni socialiste,…
Et qui a fait voter la loi « sécurité et liberté » ! Ce n'est pas rien !
…disait que la prison était l'école du crime. Les statistiques d'aujourd'hui le confirment. Aucun député ne peut en conscience voter une mesure dont il sait les conséquences désastreuses.
Telles sont, madame la ministre, les questions que se posent les députés radicaux du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Si vos réponses ne nous laissaient pas entrevoir un gouvernement qui s'amende, nous voterions immanquablement contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, durant les trois années écoulées, nous avons examiné trois textes concernant la lutte contre la récidive. Des esprits chagrins pourraient penser que leur application est plus urgente que la mise en oeuvre d'une nouvelle réforme, et ils auraient sans doute raison. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Depuis Beccaria, on sait que ce n'est pas tant la sévérité de la peine qui est dissuasive que sa certitude et sa promptitude.
Grâce à l'action déterminée des gouvernements, depuis 2002, un mouvement de décrue continu de la délinquance a été engagé dans notre pays.
Si, entre mai 2002 et mai 2007, la délinquance générale a diminué de 11,1 %, la violence contre les personnes a, j'en conviens, augmenté très sensiblement.
Ainsi, dans le Nord, la délinquance générale a baissé de 8 %, entre mars 2006 et mars 2007, alors que les violences volontaires contre les personnes ont augmenté de 6 %.
De ce fait, dans de nombreux quartiers, on assiste à l'instauration d'un ordre paradoxal où c'est la victime qui a peur des représailles et le coupable qui vit l'esprit tranquille, sans crainte de la peine. Tout à l'heure, notre collègue Guy Geoffroy a évoqué cette peur. Ainsi, on pourrait imaginer la création d'un délit spécifique de harcèlement social qui protégerait effectivement les citoyens. À nos yeux, la liberté des victimes est en effet plus importante que celle des délinquants à laquelle certains, à gauche de l'hémicycle, semblent si attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La délinquance est souvent le fait de multirécidivistes que le renforcement des sanctions pénales encourues ne suffit pas à décourager, dans la mesure où la peine n'est jamais sûre. Le but de ce nouveau projet de loi est de mettre fin à cette situation.
Cet après-midi, Mme la ministre a souligné à juste titre que le problème essentiel est le sens de la peine. Celle-ci doit certes protéger la victime potentielle en dissuadant le délinquant, mais elle doit aussi exercer une fonction éducative, depuis la dissuasion jusqu'à la réinsertion.
La peine a aussi, selon Durkheim, une vocation collective : elle doit réparer une blessure faite à la conscience collective, c'est-à-dire à notre foi commune en certaines valeurs. Faute de cette réparation et de cette foi commune, il n'y a plus de République. Ainsi, le mal réside dans le simple fait que moins de 42 % des peines prononcées sont réellement effectuées et le sont tardivement. Au tribunal de Bobigny, le délai moyen d'une décision judiciaire excède seize mois !
En second lieu, le caractère dissuasif du système répressif souffre des difficultés d'exécution de la sanction pénale. Avec la comparution, en avril dernier, devant les assises du Bas-Rhin, de Pierre Bodein, accusé d'être l'auteur de trois meurtres, c'est tout notre système judiciaire qui s'est trouvé, une fois encore, mis sur le banc des accusés. Ce criminel multirécidiviste, qui a déjà passé trente-cinq ans entre prison et hôpital psychiatrique, et aurait normalement dû y rester, a été remis en liberté en mars 2004, au titre d'une libération conditionnelle, alors que, comme le soulignait très justement la mère d'une des victimes, on le savait dangereux. Le spécialiste qui l'a examiné avant sa remise en liberté a estimé qu'il ne présentait plus de « pathologie psychiatrique », même s'il était « toujours susceptible de présenter une dangerosité en milieu libre ». On connaît – hélas ! – la suite.
Il faut que le rôle des psychologues et des psychiatres soit défini plus clairement. Il n'est plus possible aujourd'hui de renouveler des catastrophes judiciaires comme l'affaire d'Outreau ou le cas Bodein. Il faut en finir avec ce « rugby » judiciaire, qui consiste, pour le législateur, à laisser carte blanche au magistrat qui, lui-même, s'en remet au psychologue ou au psychiatre.
Nos concitoyens sont exaspérés de voir que des délinquants déjà condamnés le sont à nouveau pour des faits semblables. Leur première condamnation, jamais ou insuffisamment appliquée, n'a pas empêché une nouvelle infraction, ce qui nourrit un sentiment d'impunité chez les délinquants et un sentiment d'insécurité chez les victimes.
En troisième lieu, l'augmentation et l'aggravation des actes de délinquance commis par des mineurs de plus en plus jeunes et de plus en plus violents justifient une nouvelle adaptation du régime de l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs, adaptation qu'ont d'ailleurs décidée plusieurs pays européens, notamment l'Angleterre.
Il y a cinq ans, la loi d'orientation et de programmation pour la justice de septembre 2002 a créé les centres éducatifs fermés. Une étude montre qu'à la sortie des centres d'éducations renforcés, le taux de récidive des mineurs est de 10 %...
…alors qu'il s'élève à 60 % après la prison. Madame la ministre, je salue votre volonté de créer cinq nouveaux centres éducatifs fermés…
…afin d'assurer le suivi des délinquants, même si je regrette qu'il n'y en ait toujours pas dans le Nord.
Enfin j'évoquerai, le problème majeur de la surpopulation carcérale, qui tient davantage à l'insuffisance de la construction qu'à l'excès des condamnations. En effet, la France a un taux de population carcérale de 91,8 pour 100 000 habitants, loin derrière l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et l'Angleterre – où le taux s'élève à 142,7 pour 100 000 – sans parler de l'Estonie, qui compte 327,4 prisonniers pour 100 000 habitants (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). Par ailleurs, les peines alternatives doivent être réellement mises en oeuvre.
Je conclurai en précisant que la prévention de la récidive implique une meilleure prise en charge sociale, éducative et sanitaire de la personne, non seulement durant la détention, mais aussi à l'issue de celle-ci. Or le nombre de juges de l'application des peines ainsi que celui des agents des services d'insertion et de probation de l'administration pénitentiaire est notoirement insuffisant et devrait être renforcé alors que le manque de moyens est flagrant. Je salue donc votre volonté affichée d'engager la réforme des prisons pour l'automne.
Accroître la certitude de la peine, adapter la loi à l'évolution de la société, augmenter les moyens de la chaîne judiciaire, tels sont les trois objectifs que poursuit votre politique, madame la ministre. Le texte que nous examinons traite des deux premiers d'entre eux et je souhaite que l'excellent rapporteur de la commission des lois puisse veiller à son application rapide et complète. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, mes chers collègues, si nous voulons une justice forte il faut qu'ensemble, nous soyons capables de soutenir notre garde des sceaux, nos magistrats, notre justice. Madame Lebranchu, cessez de trouver des excuses à tout !
Il faut qu'ensemble nous trouvions des solutions pour que la justice soit la justice de tous les Français.
…mais j'ai conscience que les dispositions relatives aux peines plancher constituent la clef de voûte de ce projet de loi. Elles ont deux objectifs : porter un coup d'arrêt aux multirécidivistes, mais aussi favoriser la réinsertion. Or, pour enrayer la progression de la récidive, il faut être ferme mais juste et avoir aussi le bon sens de rester à l'écoute des autres.
Il ne faudrait pas mettre la charrue avant les boeufs. En effet, le dispositif des peines plancher se traduira d'abord par une augmentation exponentielle du nombre de détenus.
Or, dans certaines maisons d'arrêt qui accueillent des détenus purgeant des courtes peines – ils sont concernés par le projet de loi –, le taux d'occupation est de 150 % voire 200 %.
Une étude prospective a permis d'évaluer à 10 000 le nombre de détenus supplémentaires que générerait chaque année l'application de ce projet de loi. Les maires qui siègent ici connaissent bien les délais nécessaires à la passation du moindre marché public : alors, pour ce qui est de la construction de bâtiments publics, on peut estimer que les premières prisons nécessaires à la mise en oeuvre de ce texte ne seront prêtes qu'en 2012 – sous réserve que votre loi prévoie bien les moyens correspondants !
Continuera-t-on à rendre des décisions qui seront inapplicables faute de moyens ? Il serait cohérent de commencer par construire des prisons avant de voter les lois.
Madame la ministre, la prison est-elle vraiment la solution du problème de la récidive ?
Des études ont prouvé que les prisons étaient criminogènes. Le séjour en détention des primo-délinquants marque bien souvent leur véritable entrée dans la délinquance et leur désocialisation. (Approbations sur de nombreux sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Des alternatives efficaces existent pourtant – Mme Lebranchu les a déjà évoquées. La semi-liberté ou le bracelet électronique permettent ainsi aux personnes condamnées d'exécuter leur peine sans se désocialiser. Seule l'insertion sociale permet de réduire le risque de récidive. Celui qui est logé, inséré dans un cadre familial et travaille a moins de chance qu'un autre de basculer dans la délinquance ou de récidiver. (« Parfaitement ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
L'article 3 du projet de loi est relatif à l'excuse de minorité. Il serait opportun de mettre en place une réponse systématique à tout acte de délinquance des mineurs sur le modèle de la politique pénale en vigueur à Mulhouse, en Alsace, où est appliqué un système de réponses graduées en fonction de l'acte commis et de la personnalité des mineurs. Une automaticité de la sanction ne réglerait rien. Il faut faire confiance à des juges qui travaillent en bonne intelligence avec des éducateurs spécialisés proches du terrain. Ces juges n'hésitent pas à recourir à l'incarcération, même pour des mineurs, lorsque la gravité d'un acte de délinquance l'impose.
L'injonction de soins dans le cadre d'un suivi socio-judicaire est rendue obligatoire par ce projet de loi, mais cette disposition nous ramène à la question des moyens. En effet, depuis 1998 le suivi socio-judiciaire existe à titre de peine complémentaire. Or ce suivi repose sur des médecins coordonnateurs qui le gèrent, alors que le secteur public manque de médecins.
Madame la ministre, aurons-nous les moyens de notre politique ?
Il faudrait ainsi organiser une coordination entre les autorités sanitaires et judiciaires, ce que ne prévoit pas la loi.
Madame la ministre, nos concitoyens sont inquiets, ils vous regardent en face, ils veulent une justice en laquelle ils puissent avoir confiance, ils l'attendent. En pensant aux sentiments des victimes, je voterai votre projet, mais je vous demande la plus grande vigilance pour que ce texte ne soit pas une loi de plus, une loi pour rien.
Nous devons aux Français l'efficacité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en écoutant la longue et prestigieuse liste des orateurs qui m'ont précédé, quel n'a pas été mon étonnement d'entendre ceux-là mêmes qui ont été les fossoyeurs de la sécurité dans notre pays (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) s'ériger de façon surprenante en donneurs de leçons !
Le temps de leur naïveté serait-il révolu ? Je n'en suis pas si sûr.
Après le temps des élections vient pour nous le temps de l'action : nous y sommes.
N'en déplaise à certains, la conception de la politique que partagent le Gouvernement et sa majorité…
…nous conduit à tenir, dès aujourd'hui, les engagements que le Président de la République a pris devant les Français durant la campagne électorale. La lutte contre la récidive en fait incontestablement partie et votre texte, madame la ministre, répond pleinement à ces engagements.
Ce texte complète notre code pénal en traitant des situations les plus préoccupantes, même s'il ne règle pas – hormis par les aspects dissuasifs de son dispositif – la question de la réitération, ni celle de la très forte augmentation de la délinquance des mineurs de dix à treize ans, pour lesquelles nous attendons la remise à plat de l'ordonnance de 1945.
Des rapports parlementaires ont démontré en effet que l'accumulation des remises à parents, des sursis et des mises à l'épreuve consoliderait plutôt l'ancrage dans la délinquance. En effet, les mineurs comprennent vite comment fonctionne le système et ceux qui n'ont pas été dissuadés dès leur premier passage devant la justice n'ont guère de chance de l'être les fois suivantes. Leur enfermement est donc parfois nécessaire, notamment pour ceux qui, particulièrement violents, sont entrés dans un véritable parcours d'autodestruction. Avec ce texte, ils sauront désormais qu'il y a une ligne rouge à ne pas franchir.
Le principe fondamental de l'individualisation de la peine sera-t-il pour autant bafoué par ce projet ? Absolument pas, car la peine plancher n'est en aucun cas une peine automatique.
Le nombre des détenus va-t-il considérablement augmenter – certains annoncent jusqu'à 10 000 détenus supplémentaires ? Il n'en sera rien et le rapporteur du texte s'est expliqué sur les hypothèses de Pierre Victor Tournier.
Les aménagements de peine ont augmenté de 30 % en un an, et ils ne concernent que de 150 à 300 mineurs.
Faut-il encore préciser, mes chers collègues, que, depuis 2000 et les travaux des deux commissions d'enquête parlementaires sur la prison, des progrès sans précédent ont été réalisés : le parc pénitentiaire a été modernisé et sa capacité augmentée…
…pas assez bien sûr. Des établissements réservés aux mineurs ont été créés ainsi que vingt-neuf centres d'éducation fermés, les CEF. Ils seront bientôt cinquante, et comme M. Valls l'a rappelé, ils permettent au taux de récidive de passer de 70 % – après une détention classique – à 50 %. Mais les concerts de louanges sur les CEF ne doivent pas occulter le fait que certains s'y rallient aujourd'hui alors qu'ils y étaient fermement opposés à une certaine époque, il faut le rappeler. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le nombre des personnels d'insertion et de probation a été accru comme jamais, des efforts en faveur de la réinsertion ont été accomplis. Il nous faudra encore consacrer d'importants moyens à un plan d'accompagnement individualisé.
Afin de limiter encore la récidive, reste l'impérieuse nécessité de trouver des solutions pour les personnes qui, en fin de peine, sont toujours dangereuses pour la société parce qu'elles refusent de se soigner – notamment les délinquants sexuels. La systématisation de l'injonction de soins, introduite par ce projet de loi et le placement sous surveillance électronique répondront, en partie, à cette nécessité. Je dis « en partie », car nous savons bien – et vous l'avez déjà anticipé, madame la ministre – qu'il nous faudra aller plus loin et développer des hôpitaux-prisons.
Auteur d'un rapport sénatorial consacré à cette question, je pense que nous devons, comme dans bien d'autres domaines, nous inspirer de ce qui marche chez nos voisins.
Il se trouve que les exemples hollandais et allemand ont pour point commun la possibilité de retenir en milieu fermé les personnes dangereuses, après l'exécution de leur peine.
C'est donc en m'inspirant du dispositif néerlandais – il concilie des objectifs de sécurité avec la prise en charge sanitaire des personnes et fait une large place à l'expertise et à l'évaluation de la dangerosité – que je préconise la création, dans les quinze hôpitaux-prisons qui seront ouverts d'ici à 2011, d'une unité accueillant, pendant la durée de leur peine, les délinquants dangereux atteints de troubles mentaux. Ils pourraient y rester au-delà de ce délai si leur état le nécessitait, sur décision de l'autorité judiciaire, pour une durée limitée et après avis de deux experts.
Quelques chambres particulièrement sécurisées seraient prévues dans chaque unité hospitalière spécialement aménagée, ce qui répondrait concrètement, sans moyens financiers importants, et à très court terme, à l'attente de nos concitoyens de protéger la société des risques que lui font courir les prédateurs récidivistes les plus dangereux.
Consensuelle, puisque adoptée à l'unanimité par la commission des lois du Sénat, en juin 2006, cette solution pourrait prendre place dans la loi pénitentiaire que vous nous annoncez. Avec le projet de loi relatif au contrôle général des lieux privatifs de liberté, nous comptons d'ailleurs beaucoup sur ce dernier texte pour assurer une rupture salutaire et laver la prison de l'accusation d'être une école de la récidive.
Votre projet de loi consacré à la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs ne trouvera tout son sens et n'aura des effets durables que s'il s'accompagne d'un effort considérable de prévention sociale et de suivi socio-judiciaire, d'une valorisation des expertises, du recrutement de psychologues – comme dans les commissariats – et de médecins coordonnateurs. En effet, nous ne devons jamais perdre de vue que notre mission est de permettre à ces délinquants de retrouver leur dignité perdue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier le président Jean-Luc Warsmann et le rapporteur Guy Geoffroy pour le soutien qu'ils m'ont exprimé. Ils ont parfaitement rappelé l'exigence d'équilibre qui doit guider la justice : la recherche d'une sanction efficace mais adaptée à chaque délinquant, conformément à la tradition juridique de notre pays. Ce projet répond à cette exigence. La gradation de la réponse pénale y participe, ainsi qu'ils l'ont brillamment démontré.
Le président Warsmann et M. Geoffroy ont également parfaitement résumé l'esprit du projet de loi s'agissant des mineurs. Ceux-ci doivent être mis face à leurs responsabilités lorsqu'ils violent la loi. La limite leur sera clairement rappelée. Les lois votées sont évidemment faites pour être appliquées, et je veillerai à ce qu'elles le soient.
J'ai écouté tous les orateurs avec beaucoup d'attention pendant la discussion générale, et je vais maintenant leur répondre.
Monsieur Marie-Jeanne, je tiens à vous rassurer, ce projet de loi n'instaure pas de peines automatiques : il préserve l'individualisation de la peine. Je tiens également à vous dire que le Gouvernement poursuivra son effort immobilier en faveur des prisons. S'agissant de la Martinique, dont vous avez évoqué la situation, 80 places nouvelles seront livrées fin juillet 2007 pour le centre pénitentiaire de Ducos et 150 places supplémentaires seront créées en 2011.
Monsieur Caresche, je vous remercie d'avoir rappelé que M. Tournier, chercheur au CNRS, avait envisagé plusieurs scénarii, dont l'un précise que la loi entraînerait une baisse du nombre de détenus de 8 500.
J'ajoute que M. Tournier a publiquement approuvé la décision du Président de la République de ne pas prendre de décret de grâce collective le 14 juillet, en indiquant que ce type de mesures ne favorisait pas la réinsertion.
Monsieur Hunault, comme vous, je pense aux victimes, qui ne comprennent pas qu'une personne condamnée puisse à nouveau commettre des faits graves. En ce qui concerne la situation des prisons, dont je sais qu'elle vous préoccupe, je prendrai en compte vos propositions pour l'élaboration du projet de loi pénitentiaire qui sera soumis au Parlement à l'automne. L'un des objectifs de ce projet est de faire en sorte que la France prenne en compte les standards du Conseil de l'Europe. Nous poursuivrons également le programme immobilier pour créer 13 200 nouvelles places supplémentaires d'ici à 2012.
Monsieur Bénisti, je vous remercie très sincèrement d'avoir qualifié le projet de loi d'humain, de novateur et de courageux. Comme vous, je pense que la question du suivi des mineurs délinquants est un sujet crucial, sur lequel nous avons d'ailleurs beaucoup travaillé au cours de la législature précédente. Nous devons en effet accompagner les mineurs lorsqu'ils sortent des établissements pénitentiaires pour mineurs et des centres éducatifs fermés. Cette question doit d'ailleurs faire prochainement l'objet d'une instruction adressée aux services déconcentrés de la protection judiciaire de la jeunesse. Si l'on constate une baisse importante de la récidive chez les mineurs qui sortent de CEF, il est dommage que personne ne soit là pour les prendre en charge à leur sortie.
Il faut donner des crédits à la PJJ ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Eh bien, nous le ferons et vous me jugerez sur mes actes.
Par ailleurs, le délai moyen d'exécution est passé de 7,2 mois en 2004 à 6,8 mois en 2005 et les chiffres de 2006 et de 2007 sont également encourageants. Cette réduction devra être poursuivie.
Monsieur Braouezec, je veux vous préciser que le projet de loi ne remet en cause aucun des principes fondamentaux de la justice des mineurs, principes qui sont au nombre de trois : primauté de l'éducatif, atténuation de la responsabilité pénale et juridictions spécialisées.
Si, puisque nous ne remettons aucunement en cause les mesures éducatives.
Je vous renvoie à la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance, qui instaure une palette diversifiée de nouvelles mesures destinées aux mineurs délinquants, adaptées à chaque tranche d'âge : entre dix et treize ans, treize et seize ans et entre seize et dix-huit ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous avez insisté à juste titre sur la nécessité de consacrer les moyens nécessaires au suivi des délinquants majeurs ou mineurs. Je vous rappelle à ce propos que le budget de la protection judiciaire de la jeunesse a augmenté de 29 % entre 2002 et 2007. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Le nombre des conseillers d'insertion et de probation a ainsi augmenté de 15 % entre 2006 et 2007. De même, le nombre des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse a augmenté de 15 % entre 2002 et 2006.
Vous n'aviez pas fait mieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur Caresche, ce texte n'instaure pas de peines automatiques et il n'entretient aucune suspicion à l'égard des juges, contrairement à ce que vous pouvez dire. Le pouvoir d'appréciation des magistrats est un principe de notre droit et il est préservé dans le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il l'est aussi dans d'autres cas, monsieur Dray.
En l'espèce, il l'est sacrément : c'est ce qu'on appelle la justice en laisse !
Monsieur Fenech, vous l'avez souligné à bon escient, le projet est équilibré car il assure une réponse graduée selon la gravité de l'infraction et le nombre des récidives. Comme vous, je suis attachée au développement du bracelet électronique mobile. Après l'expérimentation menée en 2006 et 2007, durant laquelle on n'a constaté aucune récidive, ce dispositif va être généralisé par un décret que je viens de signer et qui sera publié très prochainement. Il sera élargi au-delà de la simple libération conditionnelle.
Monsieur Roman, je ne pense pas qu'il faille opposer répression et prévention. Il s'agit d'un débat idéologique qui n'a plus cours depuis des années. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le projet de loi crée un régime juridique clair et adapté à la récidive, sans que cela se fasse au détriment des moyens éducatifs, puisque, je le rappelle, les effectifs de la PJJ ont augmenté de 15 % au cours des cinq dernières années.
Monsieur Dupont-Aignan, comme vous, j'ai conscience des besoins de la justice, mais il faut également moderniser son fonctionnement pour qu'elle soit plus efficace. C'est pourquoi j'ai engagé un grand chantier de développement des nouvelles technologies au sein de toutes les juridictions. Actuellement, les juridictions ne sont pas équipées de logiciels, mais d'outils informatiques de saisie. À compter du 1er janvier 2008, elles seront toutes dotées de matériels qui permettront la numérisation et la dématérialisation des procédures, nécessaires à l'amélioration du traitement judiciaire. Les greffiers seront ainsi recentrés sur leurs missions.
Monsieur Mamère, vos propos me paraissent excessifs. Vous parlez de surenchère médiatique, alors que je propose simplement un projet de loi dissuasif qui crée un cadre juridique pour juger les récidivistes.
Monsieur Blanc, vous avez raison de dire que nous ne pouvons nous résigner face à la récidive. C'est un élément essentiel de ce texte, qui renforcera la préservation de la paix publique.
Monsieur Raimbourg, vous déplorez que, actuellement, les mineurs récidivistes ne bénéficient pas d'un traitement spécifique. Tel est précisément l'objet du projet de loi, qui adapte la réponse pénale à l'âge de l'auteur et à la nature de l'infraction commise. J'ai d'ailleurs envoyé, dès mon arrivée, une circulaire d'action publique à tous les parquets afin qu'à chaque infraction corresponde une réponse pénale.
On constate en effet que les mineurs primo-délinquants au sens juridique du terme ont en fait été impliqués dans plusieurs affaires avant de faire l'objet d'un jugement pénal.
Madame Fort, votre connaissance des sujets relatifs à la lutte contre la délinquance donne un écho particulier à vos propos. Dissuader, c'est prévenir. Prévenir clairement les délinquants de ce qu'ils encourent, c'est prévenir la délinquance.
Madame Batho, je refuse votre constat d'impuissance – mais vous savez sans doute de quoi vous parlez. Vous appelez de vos voeux une politique pénale adaptée pour les mineurs. Tel est précisément l'objet de la circulaire que je viens d'évoquer. Les mineurs comprennent s'ils sont sanctionnés dès leur première infraction. S'ils ne le sont pas, ils ne comprennent pas lorsqu'ils sont jugés pour cinquante affaires.
Cette circulaire est fondée sur un principe simple : à chaque infraction doit répondre une sanction pénale. C'est l'intérêt de ces mineurs, et c'est celui du pays.
Vous avez indiqué que ce texte ne vise que 300 personnes. Bien sûr, puisque nous n'avons pas de régime juridique adapté à la récidive. Avant qu'un jugement concerne un récidiviste, il faut pouvoir relever la récidive. Le régime que nous instituons le permettra plus facilement.
Monsieur Aeschliman, je vous remercie de votre soutien et je vous rejoins totalement lorsque vous dites que laisser prospérer la récidive, c'est accepter la banalisation et nourrir un sentiment d'impunité inacceptable.
Monsieur Dray, comment pouvez-vous parler de « spectacle » alors que notre action est essentielle pour notre pays ? Vous qui connaissez si bien ces problèmes, je m'étonne que vous ne souscriviez pas à nos objectifs : lutter contre la délinquance et, surtout, nous donner les moyens législatifs de sanctionner la récidive.
En tout cas, votre intervention n'en était pas loin, du spectacle.
C'est le situationniste qui s'exprime ! C'est un vieux souvenir de 68 ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Un peu de calme, mes chers collègues. Mme la ministre vous répond : écoutez-la !
Je rappelle que les centres éducatifs fermés, que vous approuvez aujourd'hui après les avoir fortement contestés, ont été créés par la droite dans la loi du 9 septembre 2002. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La gauche avait créé des centres d'éducation renforcée, conçus pour des séjours d'éloignement ponctuels et limités à quatre mois, alors que le travail de réinsertion mené dans les centres éducatifs fermés permet, comme l'a indiqué M. Valls, de faire baisser la récidive grâce à un travail approfondi qui s'inscrit dans la durée.
Les CEF, qui sont à ce jour au nombre de 29, seront près de 50 à la fin de 2008, ce qui représente 500 places. J'ai souhaité – et ils sont financés – que cinq d'entre eux soient dédiés à la pédopsychiatrie afin que les mineurs atteints de troubles du comportement puissent être suivis par des pédopsychiatres, des infirmières et des psychologues.
Je ne néglige pas la voie éducative. Il y a actuellement, dans les deux établissements pour mineurs ouverts, seize enseignants et quatre professeurs techniques. À terme, dans les sept EPM qui vont ouvrir, il y aura soixante-dix-sept enseignants et quatorze professeurs techniques. Éducation et répression peuvent donc aller de pair.
Monsieur Pinte, le délai moyen entre les faits et la condamnation est de 9,8 mois en matière correctionnelle. On peut toujours faire mieux, mais cela ne justifie pas de renoncer à traiter la récidive. Nous avons d'ailleurs créé, dans la loi du 5 mars 2007, la procédure de présentation immédiate pour les mineurs délinquants.
Monsieur Lambert, vous ne pouvez pas à la fois dénoncer un texte d'affichage et le qualifier de liberticide. Ce texte donne un nouvel élan au suivi judiciaire, qui est une mesure efficace et reconnue comme telle, mais qui est trop rarement prononcée. Il faut donc la développer et nous y consacrerons les moyens nécessaires.
Monsieur Diefenbacher, je vous remercie de votre hauteur de vue et de votre soutien. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Ce texte adresse effectivement un message fort aux délinquants d'habitude.
Monsieur Montebourg, pour juger, il faut des lois. Comptez sur moi pour ne pas faire de lois inutiles. Mais quand une loi est utile, attendue par l'opinion publique, je n'entends pas y renoncer au motif que la justice n'oeuvrerait pas avec une célérité suffisante. D'ailleurs, je constate une contradiction dans vos positions : vous appelez de vos voeux la célérité de la justice, mais vous êtes hostiles à toute procédure rapide. (« Et voilà » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous vous êtes ainsi opposé à la comparution sur reconnaissance préalable comme à la présentation immédiate, en dépit des garanties importantes qui entourent ces procédures.
Le budget des services judiciaires a augmenté de près de 40 % entre 2002 et 2007, ce qui n'a pas été le cas au cours des dix années précédentes. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'aurais toutefois préféré que vous parliez du texte : nous ne sommes plus en campagne électorale.
Monsieur Myard, le projet maintient l'alternative classique entre les mesures éducatives et les sanctions pénales à l'égard des mineurs. L'emprisonnement ne sera donc pas une solution automatique ; d'autres mesures sont envisagées.
Madame Lebranchu, j'ai été particulièrement attentive à vos propos. Je ne partage évidemment pas votre vision défaitiste…
…du présent projet de loi, qui est au contraire un texte volontariste.
Comme vous, je considère qu'aider les victimes est une priorité. C'est pourquoi j'ai décidé la création d'un juge délégué aux victimes afin d'aider celles-ci dans leur parcours judiciaire. Mais cela ne signifie nullement que cette loi soit une loi de vengeance : c'est simplement une loi dissuasive.
Nous nous rejoignons en revanche sur la nécessité d'une loi pénitentiaire. Vous aviez ouvert le chantier en 2001 et vos travaux, très riches, nous seront très utiles pour l'élaboration du projet de loi qui sera soumis au Parlement à l'automne. Je vous rends hommage pour ce que vous aviez alors réalisé, de même que pour la création des centres de placement immédiat pour les mineurs, qui répondaient à un réel besoin.
Monsieur Vanneste, vous avez souligné l'action déterminée contre la récidive entreprise depuis trois ans, et que parachève le présent projet de loi. Vous souhaitez plus de certitude de la peine, une meilleure adaptation de la loi à l'évolution de la société et plus de moyens pour la chaîne judiciaire. Nous partageons les mêmes objectifs et j'aurai à coeuvre.
Monsieur Charasse, le projet de loi respecte la convention internationale des droits de l'enfant. L'ordonnance de 1945 est conforme aux principes internationaux. Le projet de loi ne remet nullement en cause les principes que j'ai évoqués tout à l'heure, et je tiens à rappeler que les principes posés par l'ordonnance de 1945 vont bien au-delà de la convention internationale des droits de l'enfant.
Monsieur Decool, le projet de loi n'aura aucun effet mécanique d'augmentation sur la population carcérale.
Mes chers collègues, je vous prie de laisser Mme la ministre poursuivre !
Je vous rejoins sur la nécessité de promouvoir les alternatives à l'emprisonnement chaque fois qu'elles sont adaptées. Celles-ci ont d'ailleurs augmenté de 12 % entre 2000 et 2005, tandis que les aménagements de peine ont augmenté de près de 30 % en un an, et les placements sous bracelet électronique de plus de 59 %.
Ce ne sont pas de petits chiffres, mais le reflet d'une progression bien réelle.
Monsieur Goujon, vous avez souligné l'importance des hôpitaux-prisons. Nous devons effectivement mieux traiter les délinquants qui souffrent de maladies mentales afin d'éviter qu'ils ne constituent une menace pour la société. À cet effet, nous allons créer 709 places en unités hospitalières spécialement aménagées d'ici à 2011, ce qui me semble répondre à vos attentes légitimes.
Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.
La parole est à M. Serge Blisko.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme il y avait au Grand Siècle, le siècle baroque, des musiques de circonstances, composées par Elgar ou Purcell pour les mariages et autres événements heureux de la cour d'Angleterre, notre assemblée est aujourd'hui saisie d'un texte de circonstance destiné à marquer l'avènement de la pensée judiciaire et pénale du Président Sarkozy – que l'on aurait, certes, espérée plus étayée, moins sommaire et plus réfléchie.
Permettez-moi, madame la ministre, de vous exposer les raisons qui motivent cette attaque un peu rude. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Comme l'ont souligné nombre de nos collègues, ce projet de loi est marqué par son impréparation et son inefficacité à répondre aux besoins urgents de la justice.
Nous débattons aujourd'hui d'un texte d'affichage qui vient d'abord répondre à une promesse électorale. J'en veux pour preuve que vous n'avez pas jugé bon d'effectuer d'abord une étude d'impact. La frénésie législative amorcée lors de la législature précédente a repris de plus belle, et nous en voyons les résultats : en l'occurrence, aucune évaluation préalable de l'existant n'a été effectuée, et les décrets d'application des lois précédentes ne sont toujours pas publiés.
Pas d'étude d'impact, disais-je, mais en revanche un impact certain, quelles que soient les discussions byzantines sur le nombre de détenus. Soit le texte est censé faire diminuer la population carcérale – mais je n'ai pas eu, jusqu'à présent, l'impression que ce serait le cas – ; soit il est inutile, car cette population restera stable ; soit, comme toutes les études rapides le montrent,…
…il faut s'attendre à avoir 10 000 détenus supplémentaires dans les cinq années à venir, alors que la population carcérale a déjà augmenté de 10 000 détenus au cours de la précédente législature et que chacun s'accorde à trouver alarmante la montée de la violence contre les personnes. Il semble bien que quelque chose ait dérapé dans la politique de dissuasion mise en place depuis 2002.
Selon une étude indépendante, 32 000 places devraient être créées pour répondre à l'augmentation du nombre de détenus engendrée par votre texte. La population carcérale s'élève aujourd'hui à 60 000 détenus. M. Dray disait cet après-midi que nous pourrions prochainement atteindre le chiffre de 100 000 personnes incarcérées, dans des conditions de détention qui, vous l'imaginez, ne feront que se dégrader.
L'efficacité du caractère dissuasif des peines plancher n'est guère convaincante. Pensez-vous que celui qui veut voler une voiture renoncera à son acte parce qu'il risque une peine de trois ans de prison au lieu de deux ? En réalité, la personne qui s'apprête à commettre un tel acte n'est pas dans cet état d'esprit, mais au contraire dans l'immédiateté de l'action et l'absence de réflexion. Les subtilités du code pénal constituent la moindre de ses préoccupations, a fortiori s'il est mineur et sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants ! Celui qui vole agit ainsi parce qu'il pense qu'il ne sera pas pris. Il n'évalue pas, à l'année près, la durée de l'emprisonnement qu'il encourt.
Aux États-Unis, le maintien de la peine de mort dans certains États n'a pas constitué un facteur de sécurité – loin s'en faut, quand on connaît le climat hyper-violent de la société américaine. On le sait depuis cent ans, et même depuis Beccaria : il n'y a pas, en matière pénale, d'exemplarité de la peine.
Un taux d'élucidation plus élevé aurait sans aucun doute un effet dissuasif beaucoup plus puissant sur les délinquants potentiels, en donnant à ceux-ci la quasi-certitude d'être arrêtés rapidement.
Or ce taux reste extrêmement faible en raison de techniques policières largement insuffisantes pour assurer la tranquillité, en particulier dans certains quartiers.
En ce qui concerne les conditions d'application des peines susceptibles de favoriser la réinsertion, c'est le grand désert : pas assez de travail en atelier, de formation générale ou professionnelle, pas assez d'activités socio-culturelles, de formation à la citoyenneté, de responsabilisation des détenus, d'aménagement des peines en milieu ouvert ; pas assez, enfin, de libérations conditionnelles, par peur de votre part et par manque de moyens. Alors qu'il est indispensable que les libérations conditionnelles fassent l'objet d'un suivi rigoureux, le travail remarquable des – trop rares – juges de l'application des peines pâtit de l'insuffisance d'encadrement, de moyens pour la protection judiciaire de la jeunesse et pour les conseillers d'insertion et de probation. Vous parlez de recruter, mais qu'attendez-vous pour le faire, quand ces personnels, qui ploient sous une charge de travail démesurée, se trouvent actuellement dans l'incapacité d'effectuer l'intégralité de la mission qui leur est confiée ? Ainsi, ils n'ont évidemment pas le temps de voir chaque détenu lors de son arrivée et d'entrer en contact avec les familles, comme ils devraient le faire.
Il en sera ainsi tant que nous aurons des prisons surpeuplées, tant que notre pays, que son état de développement devrait faire figurer parmi les plus avancés pour ce qui est des conditions pénitentiaires, restera au contraire la honte de l'Europe de ce point de vue. Dans les maisons d'arrêt du Mans, de Bonneville, de Béthune, de Saint-Denis de la Réunion ou de Nouméa, le taux d'occupation dépasse les 200 %, et les détenus dorment par terre sur des matelas ! Est-ce de cette manière que vous entendez faire de la réinsertion et de la réadaptation ?
Nous avons eu récemment un débat biaisé sur la question de la grâce présidentielle du 14 juillet. Indépendamment du bien-fondé de la décision qui a été prise de ne pas accorder de grâce cette année, chacun sait à quel point la situation est tendue dans les prisons.
Vous évoquez, madame la ministre, les conséquences des peines jamais appliquées et du sentiment d'impunité qui peut en découler. Nous nous rejoignons tous sur ce point. Mais est-ce le résultat d'une mauvaise volonté, d'un mauvais travail des juges ? Non, le vrai problème, c'est le manque de moyens : la justice fonctionne mal parce qu'elle ne dispose pas des moyens humains, matériels et financiers nécessaires.
Levez donc le nez de votre papier ! Un peu de conviction, monsieur Blisko !
Vous êtes au pouvoir depuis 2002 ! Arrêtez un peu de nous parler de ce qui s'est passé avant ! Vous aviez les moyens d'agir, avec un ministre qui se disait concerné par ces questions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Aujourd'hui, que nous annoncez-vous ? Le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux ! Pensez-vous que vous allez améliorer le fonctionnement de prévention, de la justice, de l'administration pénitentiaire, de l'insertion, de la probation, en vous passant d'un recrutement massif de fonctionnaires ? Pensez-vous que la façon dont vous traitez les services publics va améliorer, ou au contraire aggraver la situation catastrophique que nous connaissons actuellement ?
À cet égard, les peines plancher sont récusées, y compris par les professionnels de l'administration pénitentiaire.
Je veux maintenant aborder la question de la généralisation de l'injonction de soins prévue par les articles 5 à 10, et qui a été intégrée au texte une semaine seulement avant sa discussion au Sénat. Introduire des dispositions aussi importantes que la généralisation de l'injonction de soins par une lettre rectificative une semaine avant son examen en séance n'est pas sérieux.
Nous savons que la santé, plus particulièrement la santé mentale, ne fait pas partie des priorités du Président de la République. Sous la législature précédente – début 2007, pour être précis – nous avons pu en prendre la mesure, avec les revirements successifs de M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, concernant le volet « santé mentale » initialement ajouté au projet de loi sur la délinquance. Devant les critiques très vives de l'amalgame fait entre délinquance et santé mentale, ce texte fut ajouté à une ordonnance sans aucun rapport – un rattachement d'ailleurs censuré par le Conseil Constitutionnel. Sans revenir plus longuement sur l'impréparation des dispositions relatives à la santé mentale et le peu de considération témoignée aux professionnels de ce secteur, je constate que nous nous trouvons devant le même cas de figure aujourd'hui : impréparation, absence de concertation, confusion et manque total de réalisme sur les conditions d'exercice de la psychiatrie publique, en particulier en milieu pénitentiaire.
Permettez-moi de vous rappeler l'émoi suscité, il y a quatre mois, par les a priori philosophiques préoccupants exprimés par M. Sarkozy, qui déclarait alors que la délinquance sexuelle relevait de la génétique. Je vais vous citer exactement les termes qu'il avait employés…
« J'inclinerais pour ma part », disait-il, « à penser qu'on naît pédophile, et c'est d'ailleurs un problème que nous ne sachions pas soigner cette pathologie. » Si nous sommes dans le domaine de la génétique et donc de l'inné, il n'y aurait donc pas grand-chose à faire, si ce n'est, comme l'ont préconisé certains de nos collègues les plus répressifs, tel M. Goujon et son détecteur numéro un, M. Bénisti, enfermer dès leur plus jeune âge les pédophiles en puissance dans un établissement dont ils ne ressortiront jamais, puisqu'ils sont inguérissables ? (Murmures sur divers bancs.)
Aujourd'hui, vous avez une autre solution que la détection précoce à nous proposer : quand vous ne savez plus quoi faire, le médical devient la réponse à tout – ce qui justifie la proposition consistant à généraliser l'injonction de soins. Cessez donc de simplifier à l'extrême : quand il s'agit de trouver une solution à une question aussi délicate, il faut au contraire en examiner tous les détails.
La mise en oeuvre de l'injonction de soins nécessite l'intervention de médecins-experts et de médecins coordinateurs. Avez-vous, madame la ministre, ouvert un débat public sur la psychiatrie pénitentiaire et consulté ces médecins ? Je crains bien que non, malheureusement. Je sais que le ministère de la santé a tout au plus reçu des représentants de la Fédération française de psychiatrie et que les médecins psychiatres se sont élevés contre ce projet de loi.
Vous proposez d'étendre l'injonction de soins alors même que nous ne disposons d'aucunes données, en particulier d'aucun bilan portant sur les premiers essais d'injonction de soins à visée thérapeutique et de prévention du passage à l'acte criminel ou délictuel, des essais pratiqués à la suite de la loi Guigou de 1998. En l'absence de bilan portant sur les expériences déjà menées dans ce domaine, les dispositions dont vous proposez la mise en oeuvre risquent fort d'être inefficaces.
Ce projet de loi propose une psychiatrisation de la justice. J'aimerais, tout d'abord, rappeler que le taux de pathologies psychiatriques est 20 fois plus élevé en prison qu'au sein du reste de la population. Il faut sans doute commencer par se demander ce qui fait que certaines personnes se retrouveront en institution psychiatrique tandis que d'autres iront en prison ou passeront d'un type d'enfermement à l'autre. C'est là une question extrêmement difficile qui mérite que l'on y consacre beaucoup d'attention et de soin – autre chose, en tout cas, que quelques effets de tribune ou une simple lettre rectificative rédigée à la va-vite.
Le champ d'application de l'injonction de soins, tel qu'il figure dans l'exposé des motifs de la lettre rectificative, nous paraît trop large : « homicide, tous crimes ou délits sexuels, enlèvement et séquestration, pédopornographie, corruption de mineurs… »
On mêle ainsi des situations très différentes : le délit sexuel n'est pas de même nature lorsqu'il est commis en bande, à l'issue d'une soirée ou d'un raid prédateur, par des mineurs par exemple, ou dans le cadre conjugal. Ce sont des champs judiciaires extrêmement différents. L'auteur d'un enlèvement et d'une séquestration peut-il faire l'objet d'un quelconque suivi thérapeutique ? Quelqu'un parmi vous est-il en mesure de me répondre ? Moi, je l'ignore. Quant à la corruption de mineurs, incrimination relativement rare, appelle-t-elle une injonction de soins ? C'est la première fois qu'une telle réponse est proposée pour pareil délit.
Je suis atterré devant une telle méconnaissance de la psychiatrie. Nous sommes dans le règne de la confusion. La définition du champ de l'injonction de soins proposé dans ce texte vise d'abord ce qui effraie l'opinion publique, mais qui ne relève pas nécessairement d'une action thérapeutique. Vous répondez à l'inquiétude – légitime – de l'opinion publique, peu informée, malheureusement. Mais vous ne faites en aucun cas un travail de législateur complet et argumenté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La Fédération française de psychiatrie, fortement opposée à ce projet de loi, est très claire : « Les psychiatres soulignent que, moins de un homicide sur 20 et moins d'une agression sexuelle sur 50 sont commis par un malade mental. » On voit bien ce qui se noue ici : vous allez traiter les 49 ou les 19 autres personnes comme des malades mentaux alors qu'ils ne le sont pas. La genèse de leurs actes, de leurs crimes est très différente. Elle est certainement psychologique, sociale, circonstancielle ou liée à la prise de toxiques divers. Mais ce n'est pas une maladie mentale au sens classique du terme.
Devant des actes, notamment pénaux, qui sortent de l'ordinaire, nous avons tendance à parler de folie. Mais dire que c'est fou ne veut pas dire que la personne qui a commis cet acte est en situation d'aliénation mentale. Cela signifie simplement que cela sort de l'ordinaire, de la norme admise. Je n'ouvrirai cependant pas ici un débat sur la norme, laquelle a beaucoup varié au cours de siècles et des civilisations. Ce que nous jugeons aujourd'hui totalement anormal était considéré, il y a encore quelques années, comme tout à fait banal, chez nous ou dans d'autres cultures.
L'erreur est que vous vous centrez exclusivement sur l'acte. Vous prétendez respecter l'individualisation de la peine. Mais ce n'est pas vrai : vous ne parlez que de l'acte ou d'articles du code pénal ; vous ne vous préoccupez que de ce que le condamné a fait et non de ce qu'il est. Intéressez-vous aussi à ce prévenu, à celui que vous allez condamner à être soigné. Il y a, à mon sens, une erreur absolue et régressive dans le choix de votre angle d'approche.
Encore une fois, tout acte que vous qualifiez d'anormal ne relève pas de la psychiatrie. La FFP rappelle ainsi qu'« une prise en charge thérapeutique ne saurait se concevoir pour l'ensemble des troubles du comportement, elle doit rester centrée sur les soins des troubles mentaux, et ne peut être considérée comme le principal moyen de prévenir la récidive des crimes et délits. » Certaines choses échappent au traitement. Les troubles mentaux ne font pas l'ensemble des actes pénaux. Vous ne pouvez pas vous décharger sur la psychiatrie : les comportements déviants ont également une origine sociale et circonstancielle. Demain, des personnes soignées pendant des années et considérées comme guéries pourront récidiver.
Dans les enquêtes psychologiques et psychiatriques, les juges qui ont affaire à un criminel interrogent les experts sur l'évaluation de la dangerosité. Voici ce que le docteur Cyril Manzanera, dans une étude sur l'expertise psychiatrique pénale en date du 11 juillet, note très justement en matière d'évaluation de la dangerosité : « [...] la justice d'une société contemporaine, portée par ses peurs et son insécurité, sollicite l'expert bien au-delà de sa compétence de psychiatre en lui demandant d'élargir son approche à une analyse [pas seulement psychiatrique mais également ] psycho-criminologique, en oubliant alors que la criminologie est par essence multidisciplinaire associant notamment un regard social, environnemental et culturel, sans parler d'une ouverture indispensable au droit pénal et à la pénologie. » Voilà ce qu'on attendait de ce texte : un travail sur l'expertise psychiatrique.
Aujourd'hui, on demande à l'expert psychiatre de se prononcer sur la dangerosité. Demain, on l'interrogera sur le risque de récidive. Il est ainsi obligé de rentrer dans une démarche prédictive qui ne relève pas de sa fonction. Aura-t-il raison ou tort à 90 %, 95 % ou 60 % ? Il doit simplement poser un diagnostic. Il n'est pas censé dire ce que sera la personne dans trois ou cinq ans. Nul ne peut savoir si elle se remettra à voler ou à reprendre de la drogue.
Les attentes de la société vis-à-vis de la psychiatrie sont fortes, trop fortes. Elles nous interpellent, comme le disait Mme Lebranchu. Que peut-on faire pour celui qui ne relève pas de la psychiatrie ? Que peut-on faire pour celui qui refuse de se soigner ? Si l'on en croit M. Goujon, il sera enfermé.
En fait, le consentement sera en quelque sorte « arraché » au condamné, ce qui sera contre-productif. Ce texte, confond dangereusement sanctions et soins. En effet, le condamné ne bénéficiera de son sursis ou de sa liberté conditionnelle que s'il se soumet à l'injonction thérapeutique. Soyons clairs, les soins seront subis, dans de nombreux cas. À défaut d'être accepté par les malades avec enthousiasme, si vous imposez ce suivi thérapeutique à tous, nos psychiatres se retrouveront face à des condamnés sans volonté réelle de se soigner, ou qui dissimuleront pour pouvoir sortir plus vite. Or cela ne peut conduire qu'à l'échec du traitement.
Il est primordial de revenir aux fondamentaux et de distinguer le processus judiciaire du processus thérapeutique.
Nombre de mes collègues ont souligné le manque de moyens de la justice et de la psychiatrie. Comme le souligne le rapport de la commission des lois du rapporteur de votre majorité, M. Guy Geoffroy, « les principales difficultés d'application du suivi socio-judiciaire concernent la désignation des médecins coordonnateurs et la pénurie de médecins psychiatres dans certains départements ou de médecins psychiatres formés au traitement des délinquants sexuels ».
Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, vous n'avez pas prévu les moyens de faire en sorte que la loi soit appliquée. C'est donc bien une loi d'affichage.
J'en veux pour preuve, madame la garde des sceaux, la petite controverse qui vous oppose à l'association nationale des juges d'application des peines. Vous avez indiqué lors de votre audition qu'il y aurait environ 200 médecins coordonnateurs en France. Mais d'après l'ANJAP, il y en aurait un peu moins de 100. Où sont passés les 100 médecins coordonnateurs de différence ? Il faudra sans doute les chercher sur tout le territoire. Quand on connaît le désert médical en général et plus spécifiquement le désert de la psychiatrie publique dans un certain nombre de départements, on peut être sûr qu'il ne sera pas facile de mettre en oeuvre le « plan ambitieux » que vous avez annoncé d'ici à mars 2008. Il est vrai que ce sera une période électorale et qu'on peut donc faire des promesses qui n'engageront que ceux qui y croiront. Il est si simple de promettre des « plans ambitieux » sans ligne budgétaire correspondante. Soyez certains que, sur ce point aussi, nous serons vigilants.
Nous souhaitons d'abord que la loi Guigou du 17 juin 1998 soit étudiée et que son impact soit mesuré. Nous souhaitons également qu'on en revienne à deux textes fondamentaux qui vous ont peut-être échappé. Le suivi thérapeutique existe en effet depuis cinquante ans en France. Une loi de 1954, intitulée, si mes souvenirs sont bons, « loi sur les alcooliques dangereux », obligeait les personnes en état d'ivresse à se soigner. La sanction la plus redoutée en cas de non-respect du traitement – au demeurant très sévère – pour parvenir à un sevrage alcoolique était le retrait du permis de conduire, qui pouvait se révéler professionnellement très préjudiciable pour certains.
Puis, la loi du 31 décembre 1970, qui visait la toxicomanie, a fait pour la première fois allusion à l' « injonction thérapeutique ».
Ces deux lois ont été appliquées avec bonheur et succès au début, précisément parce qu'on avait prévu les moyens de les mettre en oeuvre. Certes, en 1954, ceux-ci étaient un peu frustes. Ainsi, les médecins étaient à la fois spécialistes du permis de conduire et de l'alcoolisme. Mais, à partir des années 70, ces moyens sont devenus plus sophistiqués. Au fil des ans, ces dispositifs ont connu des difficultés, faute de personnel, de lieux de thérapie, de crédits et d'évaluation. En outre, le nombre de personnes et de juges qui y avaient recours ne cessait de croître.
Ces deux lois de santé publique et de prévention pénale générale sont aujourd'hui largement tombées en désuétude. Nous sommes peu à avoir professionnellement vécu les années 50. Mais nous sommes nombreux à avoir vu que beaucoup de jeunes, dans les années 70, ont pu être soignés avec quelques résultats. Il est vrai que les juges, alors en nombre suffisant, étaient en mesure d'expliquer aux jeunes que, s'ils ne se faisaient pas soigner, ils iraient en prison. Aujourd'hui, nous sommes très loin de cela en matière de toxicomanie.
Nous aurions pu examiner ces deux dispositifs, nous aurions pu comprendre comment ils avaient fonctionné, puis cessé de fonctionner, avant de nous lancer dans une nouvelle aventure avec ce texte, et plus particulièrement ses articles 5 à 9, qui restent très problématiques.
En conclusion (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), on aurait souhaité une approche qualitative plus que quantitative. Malheureusement, l'effet d'affichage est là. Vous voulez remplir les prisons, augmenter les durées de détention. Bref, faire du chiffre. C'est une tentation chez vous depuis 2002. Et quand les chiffres ne correspondent pas à votre attente, vous faites une autre loi. C'est une sorte d'antienne. Et, depuis 2002, nous nous réunissons deux fois par an pour faire une loi qui sera, celle-là, définitive, dure, qui rassurera la population et contraindra les délinquants à rentrer dans le rang. Pourtant, nous savons bien que les taux de récidive ne sont pas liés à la loi. Ils varient très fortement selon l'âge, la formation, le milieu social de la personne, son passé judiciaire et, surtout, les conditions de sortie, en particulier l'existence d'une insertion professionnelle. En cela, le travail des conseillers d'insertion et de probation est fondamental.
Vous le savez si vous visitez les prisons, les personnes incarcérées appartiennent de plus en plus à une population jeune, marginalisée, pauvre, socialement, économiquement et culturellement désinserée. Mais quelle place est donnée à la prévention dans ce projet de loi ?
De plus, votre refus de recourir obligatoirement à une enquête de personnalité dans certaines affaires pour les récidivistes montre le peu de cas que vous faites de l'individualisation de la peine. Il n'y a que votre crainte du Conseil constitutionnel qui vous ait conduite à réaffirmer ce principe.
En raison notamment de son impréparation, du manque de concertation préalable, du manque de moyens mais aussi pour des questions de fond, du fait de la confusion opérée entre psychiatrie, médecine et justice, le groupe socialiste demande le renvoi pour étude en commission de ce projet de loi. Il en a bien besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Comme beaucoup de mes collègues ici, j'ai une estime très sincère pour les compétences de M. Blisko, et son propos n'est pas totalement inutile. Mais puisqu'il s'agit ici d'un renvoi en commission et que mon rapport a été évoqué, je voudrais relever une méprise : ce texte ne sous-tend absolument aucune volonté du Gouvernement de médicaliser la réponse pénale par rapport à la récidive.
Nous l'avons précisé d'ailleurs en commission, à l'occasion de l'examen de vos amendements de suppression des articles 5 à 9. Cela ne retire aucune valeur à vos propos, monsieur Blisko. Je suis cependant tenté de dire que ces articles attestent, au contraire, de la volonté du Gouvernement de faire voter un texte tendant non seulement à réprimer, dans certains cas plus sévèrement, la récidive, mais également de mieux la prévenir. On sait très bien – le travail du président Warsmann a été très souvent cité à cet égard – que l'essentiel est d'éviter les sorties sèches de prison. Rappelons-le, les articles 5 à 9 prévoient de manière précise que l'injonction de soins peut être articulée avec une libération conditionnelle, avec un sursis avec mise à l'épreuve, avec une surveillance judiciaire et, éventuellement, une réduction de peine.
Tout ceci se fait dans un cadre que vous ne pouvez pas ignorer puisque vous avez lu le texte comme tout le monde. Ce cadre, c'est une expertise préliminaire à la décision du juge, suite à laquelle ce dernier peut très bien ne pas décider d'injonction thérapeutique, même si l'expertise le lui recommande. En sens inverse, grâce à un amendement du Sénat qui a été accepté par le Gouvernement et sur lequel la commission des lois de notre assemblée n'a pas souhaité revenir, il est prévu qu'en cas de refus de soins par le justiciable, le juge peut estimer que cela ne constitue pas une raison suffisante pour l'empêcher de prononcer un sursis avec mise l'épreuve. De même, le juge peut décider que certains éléments du comportement, de la volonté ou de la capacité du justiciable interdisent que l'on s'appuie sur un refus de sa part pour le priver des droits auxquels il peut prétendre.
J'espère, à l'issue de cette démonstration, que nous n'aurons pas besoin de trop nous attarder sur les articles 5 à 9. De ces articles découlent la philosophie et la lettre du texte, dont vous vous êtes éloigné, monsieur Blisko, malgré la pertinence de vos propos.
Je ferai remarquer, en conclusion, que, si vous avez cité le rapport de la commission, vous avez omis – sans doute pour nous faire gagner du temps – les deux paragraphes qui suivent votre citation et qui témoignent du souci de la commission, partagé par tous ici, que le dispositif des articles 5 à 9 ne soit pas mis en place sans que l'État débloque les moyens correspondants. Le Gouvernement s'est engagé à faire passer de 202 aujourd'hui à 500 le nombre de médecins coordonnateurs, décision sans laquelle le texte perdrait en effet de sa substance. Mais je fais confiance au Gouvernement. Les engagements qu'il a pris seront confirmés par la garde des sceaux au cours de l'examen de ces articles et des amendements.
C'est, entre autres, la raison pour laquelle la commission ne peut pas donner un avis favorable à la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.
Le groupe Nouveau Centre s'opposera au renvoi en commission. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
J'ai écouté Serge Blisko avec beaucoup d'attention et je m'associe aux propos du rapporteur sur la sensibilité qu'il témoigne à propos du problème des prisons. Mais, pendant sa demi-heure d'intervention, il n'a jamais employé le mot « victime ». Or, je crois que les victimes et l'augmentation de la délinquance sont au coeur de ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous oubliez la question de la dissuasion et remettez en cause ce que l'on apprend lorsque l'on étudie le droit, à savoir que la peine est un facteur de dissuasion pour les délinquants.
Ce texte est un signal en direction des récidivistes, pour qu'ils cessent leurs agissements. Nous devons donc aider le Gouvernement. J'ai cru un moment, monsieur Blisko, que vous étiez le porte-parole de la Fédération française de psychiatrie. Nous ne sommes pas là pour être les porte-parole des fédérations, mais pour essayer de trouver les meilleures solutions permettant de lutter contre la récidive.
Au cours de la discussion générale, des chiffres objectifs ont été cités. Le rôle du législateur est de faire en sorte que la loi nous permettre de répondre à une situation inadmissible : l'augmentation de la délinquance par des auteurs de crimes et délits qui pensent pouvoir récidiver en toute impunité.
Le projet du Gouvernement est un projet équilibré. Mme la garde des sceaux, lorsqu'elle a été auditionnée par la commission des lois et lors de la discussion générale, a laissé la porte ouverte aux amendements susceptibles d'améliorer le texte. Notre devoir aujourd'hui, c'est non seulement de le voter, mais aussi de l'améliorer. Vous avez posé à propos des prisons une vraie question, sur laquelle nous reviendrons quand nous examinerons les amendements avant l'article 1er. La situation dans les prisons est en effet inquiétante, car nous savons qu'elle favorise la récidive, notamment dans les cas de sortie sèche.
La meilleure chose à faire, ce n'est donc pas de renvoyer ce texte en commission, mais c'est de s'atteler à son amélioration et d'y travailler sur-le-champ. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur Hunault, ce texte ne va pas dans le sens des victimes, et pour une raison simple : il restreint les capacités de motivation du juge au moment du prononcé de la peine. Dans la plupart des cas, le juge prononcera la peine plancher et ne sera tenu de modifier sa décision que s'il décide de déroger à cette peine. Si vous appelez cela un progrès pour les victimes, nous n'avons pas la même conception du droit des victimes.
Nous considérons, nous, que ce texte a été fait dans la précipitation, qu'il témoigne de beaucoup d'impréparation et qu'il comporte – nous aurons l'occasion de le démontrer tout au long du débat – de nombreux points qui restent flous.
J'illustrerai ce manque de clarté par un exemple dont nous reparlerons à propos des articles 1er et 2. Il s'agit de la notion de nouvelle récidive, qui n'existe pas actuellement dans le droit pénal. Telle qu'elle est exprimée dans le texte, on ignore s'il s'agit d'une nouvelle récidive pour un crime ou délit identique ou assimilé, ou bien s'il s'agit d'une nouvelle récidive pour un autre crime. Cela montre bien que le texte n'est pas suffisamment précis et qu'un certain nombre d'éléments peuvent prêter à confusion.
Je veux aussi vous dire, madame la ministre, que le fait que les conséquences de ce texte ne soient pas évaluées pose un problème majeur. Je ne mets pas en cause le travail de M. Tournier, qui est excellent, mais lorsque vous proposez une disposition qui aura pour conséquence soit de diminuer la population carcérale de 8 000 détenus, soit de l'augmenter de 10 000, c'est bien qu'il y a un problème. Il n'est pas acceptable de devoir miser sur la chance avec 8 000 détenus en moins, ou sur la malchance avec 10 000 détenus supplémentaires ! Comment peut-on légiférer à partir d'une évaluation aussi floue ?
Vous aurez, madame la ministre, à gérer dans quelques mois une situation qui vous fera comprendre que faire preuve de responsabilité, aujourd'hui, ce n'est pas approuver un texte de manière aveugle, mais faire en sorte qu'on puisse prendre le temps de l'étudier, en le renvoyant en commission. C'est pourquoi nous soutenons la motion de renvoi en commission défendue par M. Blisko. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Je ne suis pas du tout de l'avis exprimé par notre collègue Michel Hunault. Ce texte n'est pas un bon texte, il est à la fois déraisonnable et dangereux – nous avons eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises.
J'attends en effet que l'on m'explique la logique d'un texte qui fait que, lorsque l'on commet un vol dans le RER en troisième infraction, on subit une peine beaucoup plus grave que lorsque l'on commet un meurtre en première infraction.
J'attends aussi que l'on m'explique pourquoi on applique aux mineurs des dispositions qui concernent les majeurs et pourquoi on remet en cause le lent et long travail accompli sur la justice des mineurs depuis plus d'un demi-siècle. Vous nous proposez là un texte idéologique, dénué de tout pragmatisme et qui va contribuer à criminaliser une partie de la jeunesse de notre pays.
Plusieurs dispositions ont été prises par la gauche – Julien Dray et Manuel Valls l'ont rappelé – ou par le précédent gouvernement, comme la création des centres fermés.
Il faut arrêter d'enfumer la population française en lui expliquant que les centres fermés sont une invention formidable !
Il y a 12 millions d'habitants à Paris et en région parisienne. Mais savez-vous combien il y existe de centres fermés ? Un seul, où sont enfermés six mineurs de seize à dix-huit ans.
Il y en aura bientôt un deuxième dans ma circonscription !
Nous savons bien que la réponse qui doit être apportée à la délinquance des mineurs consiste non pas à aggraver la répression,…
…mais à lutter contre ce qui mine la société française et empoisonne une partie de la population, à savoir les ghettos, le chômage, les familles éclatées et les discriminations de toutes sortes dont sont victimes certains de nos concitoyens, ceux notamment qui vivent dans les banlieues.
J'insisterai par ailleurs, comme Serge Blisko, sur le fait que l'on est en train de « psychiatriser » la récidive. C'est un procédé qui établit une confusion dangereuse entre ce qui serait de l'ordre de la délinquance et de l'ordre de la pathologie, en voulant nous faire croire, à la suite des propos tenus par le candidat, ministre de l'intérieur, aujourd'hui Président de la République, que la délinquance sexuelle et le crime obéiraient à une sorte de prédétermination psychique.
Le juge est privé de toutes ses capacités d'individualisation des peines, depuis l'introduction, par la loi de 1998, de l'injonction de soins, pour laquelle c'est l'expert psychiatre qui décide et non le magistrat. Et, bien que la loi n'ait jamais été évaluée, vous avez étendu en décembre 2005 l'injonction de soins au suivi socio-judiciaire. Cette confusion est inacceptable, et vouloir médicaliser la délinquance, les délits et les infractions est contraire aux principes du droit.
Nous ferions bien de regarder au-delà de nos trottoirs et de nos frontières. Il y a, en Europe, un pays qui s'appelle l'Allemagne et qui procède de la manière exactement contraire à celle que veut nous imposer ce gouvernement 100 % à droite et 100 % conservateur.
En effet, on y applique aux majeurs de dix-huit à vingt ans les méthodes que l'on applique aux mineurs. Et, si les problèmes de délinquance sont relativement les mêmes en Allemagne et en France, les prisons outre-Rhin ne sont pas aussi engorgées que chez nous.
Mais le problème de notre pays, c'est que les détenus ne sont pas considérés comme des citoyens. Et ce n'est pas la gauche ni l'opposition qui le disent : c'est le président Canivet ! C'est dans ce sens que nous devons nous battre si nous voulons rétablir la citoyenneté à tous les étages de la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
J'avoue, monsieur Blisko, avoir eu beaucoup de mal – et je ne suis pas le seul – à vous suivre dans l'imbroglio de votre motion de renvoi. Vous avez commencé par nous dire que nous allions avec ce texte tenir une promesse électorale. Eh bien ! Il faudra vous y habituer ! Chaque fois que nous proposerons une loi, elle correspondra à une promesse électorale du candidat Nicolas Sarkozy, qui est devenu Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous nous parlez ensuite des décrets des précédentes lois qui ne sont pas encore publiés. Je vous signale que certains l'ont été mais que, pour ce qui concerne la loi de mars dernier, que vous avez prise comme exemple, il est encore un peu tôt.
Monsieur Blisko, pour le cas où vous ne le sauriez pas, apprenez qu'un vol de véhicule ne s'effectue pas par opportunité : c'est un acte préparé, pensé. On appelle cela la préméditation. En matière pénale, la préméditation est sanctionnée et les textes sur ce point existent depuis quarante ans. Si vous voulez changer les choses, il faudra vous y prendre autrement.
Vous voulez changer les techniques policières. Les services de police vont être ravis de l'apprendre ! Car quel est le rapport avec le texte sur la récidive que nous discutons aujourd'hui ?
Vous dénoncez l'insuffisance de formation professionnelle pour les délinquants. Je vous rappelle que nous discutons ce soir de multirécidivistes qui, plus que d'une formation, ont besoin d'une reconstruction psychologique et sociale, avec une approche des repères et des valeurs.
Vous avez déploré l'absence de concertation sur ce projet de loi, mais faut-il vous rappeler que la plupart des textes de loi en matière de sécurité adoptés au cours de la précédente législature et que vous critiquez aujourd'hui ont fait l'objet de centaines d'auditions de professionnels ?
Il me semble aussi que vous faites une confusion entre la détection précoce dans un cadre psychiatrique et l'injonction thérapeutique pour les délinquants sexuels ou ceux qui sont dépendants d'un opiacé quelconque.
Non, ce n'est pas la même chose.
Comme certains de vos collègues, vous faites une confusion entre le rapport sur la prévention de la délinquance et le rapport de l'INSERM, rédigé par les pontes de la médecine française et qui préconisait effectivement un dépistage systématique dès l'âge de trois ans. Tous les pédopsychiatres sont d'accord pour reconnaître que l'éducation d'un enfant se fait entre zéro et trois ans et que les troubles du comportement doivent être traités pendant la période oedipienne, soit entre trois ans et six ans. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
S'agissant du refus de soins, le texte est très clair. Un grand nombre de délinquants souffre de troubles du comportement, qui nécessitent des soins, notamment psychiatriques. C'est la raison pour laquelle l'application de la mesure est reportée à mars 2008, afin de pouvoir recruter les professionnels concernés.
En fait, monsieur Blisko, vous avez davantage parlé des anciens textes, notamment de la loi de 1998 – dont vous nous avez fait un exposé mais que nous connaissions –, et vous avez formulé des recommandations concernant la loi pénitentiaire, alors que nous attendions de vous une intervention sur le texte inscrit aujourd'hui à l'ordre du jour.
La majorité rejettera donc la motion de renvoi en commission. Cependant, nous nous reverrons en commission au mois d'octobre pour le prochain projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1, du règlement de l'Assemblée.
Avant que la discussion article par article ne s'engage, beaucoup de députés, de l'opposition comme de la majorité et quels que soient les désaccords, ont placé notre débat sur le traitement de la récidive en regard des questions budgétaires et des moyens de la justice. (« Absolument ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Je me félicite d'ailleurs que Mme la ministre soit montée à la tribune et nous ait répondu (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) – cela avait été plus difficile avec Mme Lagarde il y a quelques jours.
Je veux remercier Mme Dati au nom de mes collègues de l'opposition.
Nous avons progressé de façon sensible sur un certain nombre de réponses, et je veux insister sur le fait que, dans le cheminement de notre débat sur la récidive, la question budgétaire doit rester à notre esprit parce qu'elle est décisive si nous voulons agir concrètement en matière de lutte contre la violence, surtout lorsque celle-ci est de nature récidiviste.
Cela dit, je m'interroge.
En quelques minutes, Mme la ministre a annoncé 13 200 places de prisons supplémentaires avant 2012. Cela représente déjà un demi-milliard d'euros supplémentaires.
Elle a annoncé 21 centres d'éducation fermés de plus avant 2009. Nous avons dépassé le mur du premier milliard supplémentaire annuel en année pleine.
Cela n'a rien à voir avec un rappel au règlement, monsieur le président !
Elle a annoncé 700 places d'unités hospitalières – proposition formulée par le précédent garde des sceaux qui n'avait pas trouvé le moindre euro pour financer la mesure. La facture passe à 1,5 milliard d'euros.
Et lorsque nous avons entendu Mme la ministre annoncer, avec bonne foi, la création de juges délégués des victimes dans la centaine de ressorts que comptent les tribunaux de grande instance en France, alors qu'à l'ENM le nombre de créations de poste diminue, nous nous sommes demandé comment ces miracles budgétaires pouvaient s'opérer sous nos yeux en temps réel ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Montebourg, quel rapport votre intervention a-t-elle avec le déroulement de la séance ?
C'est une question de méthode. Hier, dans cet hémicycle, au cours des discussions sur le budget de l'État, les mêmes députés de la majorité ici présents ont été d'accord pour que 13 milliards de moins soient distribués, et ce soir, en quelques minutes, les propos de la ministre nous laissent comprendre que 1,5, peut-être 2 milliards de plus seront attribués pour la réalisation des objectifs annoncés. J'espère donc que Mme la ministre va nous apporter enfin des réponses, ce dont je ne doute pas car elle dispose d'une solide « armature intellectuelle », dont les représentants sont assis derrière elle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Montebourg, nul doute qu'il vous sera répondu point par point dans le cadre de l'examen des amendements.
J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.
Nous allons d'abord examiner les amendements portant articles additionnels avant l'article 1er.
Ce que nous proposons n'imposera pas d'affecter des millions d'euros supplémentaires au budget de la justice.
Face à la surpopulation dans les prisons françaises, cet amendement vise à préciser dans le projet de loi que le garde des sceaux présentera, chaque année, au Parlement, un rapport sur l'état de nos prisons et sur les mesures qui auront été prises en matière d'insertion.
Je répète que la France a déjà été épinglée par le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe. Notre situation n'est pas en conformité avec la convention internationale des droits de l'enfant que, pourtant, nous avons ratifiée. Et nos prisons françaises n'ont jamais été aussi dégradées depuis 1945.
Même si l'on peut vouloir tordre le cou aux chiffres, il y a des réalités qui s'imposent avec le principe des peines plancher : les prisons seront encore plus surpeuplées quand ce projet de loi sera mis en application et la situation deviendra ingérable. Dans certaines prisons françaises, l'atmosphère est déjà particulièrement détestable, et vous prenez le risque d'y mettre le feu. Il sera extrêmement difficile de faire face aux conséquences du projet de loi.
Cet article additionnel avant l'article 1er prévoit donc que le garde des sceaux présente un rapport au Parlement et qu'il s'engage sur un certain nombre d'orientations de sa politique pénitentiaire.
Je sais bien que Mme la ministre va nous répondre que sa loi pénitentiaire est à l'étude, mais nous préférons, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, obtenir d'ores et déjà des engagements noir sur blanc de sa part. Au moins, pour une fois, les promesses n'engageront pas seulement ceux qui les écoutent.
J'avais déposé cet amendement il y a une quinzaine de jours avant les réunions de la commission des lois, et je constate qu'il a été repris par d'autres collègues sur les bancs de cet hémicycle.
La situation des prisons doit être entre nous un sujet non pas d'opposition, mais de consensus. J'ai en mémoire les travaux des commissions parlementaires sur les prisons, notamment celle présidée par Laurent Fabius puis par Louis Mermaz, dont les conclusions avaient donné lieu à un rapport adopté à l'unanimité. Au cours de la précédente législature, nous nous sommes également retrouvés, au-delà des clivages politiques, pour dénoncer la situation préoccupante des prisons françaises.
Madame la garde des sceaux, votre projet de loi suscite des interrogations quant aux conséquences qu'il aura sur le nombre de détenus dans les prisons françaises. Je rappelle les chiffres : actuellement, près de 61 000 personnes sont incarcérées pour une capacité de 48 500 places. Cette situation dramatique a été dénoncée par un certain nombre d'organismes, notamment par le Conseil de l'Europe.
Madame la garde des sceaux, quand j'ai rédigé cet amendement, je voulais attirer votre attention en proposant que, chaque année, le Gouvernement présente un rapport à la représentation nationale et explique la politique pénitentiaire, afin de nous permettre d'agir et d'améliorer la situation.
Or, depuis la rédaction de cet amendement, vous vous êtes engagée, au nom du Gouvernement, sur deux projets de loi. Le premier vise à créer un contrôleur général indépendant des lieux de privation de liberté. S'agissant du deuxième, vous nous avez indiqué que vous alliez travailler à l'élaboration d'une loi pénitentiaire qui reprendra les rapports du Conseil de l'Europe, notamment, et les grandes lignes de la charte pénitentiaire.
Afin que cet amendement ne soit pas une source d'opposition entre la représentation nationale et le Gouvernement, ou entre les différents partis représentés dans cet hémicycle, je vous demande de nous confirmer l'engagement du Gouvernement sur le travail de préparation de cette loi pénitentiaire, et d'accepter d'y associer l'ensemble de la représentation nationale. En outre, au-delà des constats, des rapports parlementaires, de la dénonciation, je souhaite que nous nous engagions, Gouvernement et représentation nationale, à donner à l'administration pénitentiaire les moyens de replacer l'homme au coeur des préoccupations, pour que la seule sanction soit la privation de liberté et non pas les humiliations permanentes constatées dans les prisons. Enfin, tout ce qui concerne la réhabilitation, la formation des détenus pour lutter contre les sorties « sèches », doivent être des éléments qui contribuent à rendre plus exceptionnelle la récidive. C'est ce qui, je crois, pourrait nous réunir ce soir.
Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements en discussion ?
La commission a émis un avis défavorable.
Elle n'est pas insensible à ces questions de fond, et je voudrais redire aux auteurs de ces deux amendements combien nous sommes tous d'accord sur le constat, sur l'analyse et sur les voies à suivre pour dégager des solutions.
Il n'y a pas, je crois, de plus grande cause que celle de la dignité humaine, y compris celle des personnes qui sont privées de liberté et pour lesquelles la peine à laquelle elles sont condamnées est une punition suffisante − je confirme en cela ce que disait Michel Hunault. Mme la garde des sceaux nous l'avait dit au moment de son audition et l'a redit depuis, cette question est au coeur du projet de loi pénitentiaire qui sera présenté à l'automne. Pour éviter que nos travaux ne soit redondants avec ce grand débat qui se déroulera ici même et dont nous aurons largement à nous préoccuper à ce moment-là, la commission a émis un avis défavorable à ces deux amendements, tout en souhaitant que leurs auteurs puissent les retirer après que le Gouvernement leur aura confirmé ses intentions.
Cette demande est tout à fait pertinente et correspond aux principes qui nous animent. Nous soumettrons deux textes au Parlement : le projet de loi pénitentiaire sera discuté à l'automne et j'ai récemment présenté au Conseil des ministres un second texte sur le contrôleur général des lieux privatifs de liberté. Cette autorité indépendante aura pour mission de contrôler les conditions de vie des détenus et les conditions de travail du personnel pénitentiaire ou de tout autre lieu privatif de liberté. Il sera également chargé de remettre un rapport au Président de la République et au Parlement. Nous pourrons, si c'est insuffisant, l'intégrer dans la loi pénitentiaire. C'est pourquoi nous sommes défavorable à ces amendements.
Ce débat est tout à fait sympathique et intéressant, mais il passe à côté de l'essentiel, qui était déjà au coeur des interventions de cet après-midi : le nombre de détenus. Le Gouvernement fait le pari que les peines plancher vont dissuader les auteurs de crimes ou délits de recommencer. Si tel est bien le cas, la loi n'aura pas à être appliquée par les juges, puisque la seule menace suffira à dissuader les délinquants. On devrait donc assister à une diminution de la population carcérale. C'est d'ailleurs avec un certain étonnement que j'ai vu, tout à l'heure, M. le rapporteur reprendre cet argument et s'appuyer sur le travail de M. Tournier, souvent cité aujourd'hui, pour prédire que l'on aboutirait à une baisse de 8 000 incarcérations − c'est le fameux scénario déflationniste que Mme la garde des sceaux a également repris à son compte. Or vous avez oublié de signaler que le chercheur, quant à lui, ne croit pas à cette thèse. Vous-même, d'ailleurs, en même temps que vous mettez en place les peines plancher, vous prévoyez d'accroître le parc pénitentiaire, et ce n'est pas seulement pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale, qui est bien réel, mais aussi parce que vous savez, comme le confirment les chiffres qui ont été publiés tout à l'heure dans le journal Le Monde et qui émanent de votre administration, madame la ministre, que nous allons assister, dans les années qui viennent, à une augmentation de la surpopulation carcérale.
Je veux bien que des rapports annuels permettent de mieux connaître la situation : on ne peut que s'en réjouir. Mais, si je me réfère à mon tour aux travaux de M. Tournier, une fois que j'ai écarté le premier scénario, auquel vous ne croyez pas, et le second, puisqu'il présuppose que, les peines plancher ne se révélant aucunement dissuasives, les magistrats seront portés à utiliser systématiquement la marge de manoeuvre prévue par le projet de loi, ce qui impliquera qu'il n'y ait aucun changement − hypothèse à laquelle vous ne croyez pas davantage, sinon vous n'auriez pas présenté cette loi −, je suis bien obligé de conclure qu'il faut travailler très sérieusement sur les conséquences que votre loi aura sur l'augmentation du nombre des détenus dans les prisons françaises, ce qui justifiait d'ailleurs la motion de renvoi en commission.
Madame la ministre, j'imagine que vous disposez depuis un certain temps déjà de statistiques précises sur le nombre de personnes écrouées au 1er juillet 2007. Pour honorer vos engagements et répondre le plus précisément possible aux amendements qui ont été déposés, je vous demande de bien vouloir nous communiquer ces chiffres dans le courant de la soirée. Nous en avons besoin pour étayer nos arguments et mieux comprendre où vous voulez aller, car, permettez-moi de vous le dire, vos propos ou ceux de M. le rapporteur sur les statistiques publiées par M. Tournier sèment une grande confusion ou, plutôt, confortent la thèse selon laquelle ce texte va provoquer une véritable explosion dans nos prisons.
Je suis saisi d'un amendement n° 54 rectifié .
La parole est à M. Michel Hunault, pour le soutenir.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Non seulement ce texte est en contradiction avec le principe de l'individualisation des peines, mais son article 1er présente une difficulté de fond. La page 28 du rapport détaille en effet le quantum moyen des peines prononcées en matière criminelle : selon les peines encourues, il est de l'ordre de treize à quinze ans, lorsque nous sommes en présence de crimes commis en récidive. Ainsi, non seulement ce texte, qui prévoit des peines plancher, encourt des critiques d'inconstitutionnalité, mais il est inutile puisque, dans la pratique, les tribunaux prononcent d'ores et déjà des peines bien supérieures aux peines plancher.
Ce texte va à l'encontre du principe d'individualisation des peines et de la pratique actuelle des tribunaux et des cours d'assises, qui sont d'ores et déjà extrêmement sévères en matière de récidive. Il paraît donc tout à fait inutile.
Avec les articles 1er et 2, nous abordons le mécanisme des peines plancher. M. Raimbourg a eu parfaitement raison de souligner que, en matière criminelle, l'article 1er n'aura probablement aucune conséquence : le tableau publié par le rapporteur est fort clair, les peines plancher sont très inférieures à la moyenne des peines actuellement prononcées en matière criminelle.
Je veux aller plus loin, cependant. Vous savez que, en cour d'assises, au moment du délibéré, la cour et le jury doivent répondre à diverses questions, très précisément définies par le code de procédure pénale. Vous ne prévoyez pas, dans votre texte, que des questions puissent être posées à la cour et au jury sur l'application des peines plancher. Ainsi, ce texte n'aura aucun caractère contraignant pour eux. Autant dire que l'article 1er n'est qu'une déclaration d'intention. Nous affirmions que, par certains aspects, ce projet de loi était un texte d'affichage : nous en avons là la preuve flagrante. Le président de la cour d'assises n'a pas, formellement, la possibilité de demander à la cour s'il faut ou non déroger aux peines plancher.
J'ai posé, tout à l'heure, dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, une question qui me paraît extrêmement importante : que recouvre pour vous la notion de nouvelle récidive, que vous introduisez dans le code pénal ? S'agit-il d'une récidive qui concerne un crime ou un délit assimilé, ou s'agit-il d'une nouvelle récidive, par rapport à un autre crime ou un autre délit ? Le texte n'est pas clair à cet égard. On peut comprendre que la nouvelle récidive s'applique à l'état de récidive et non pas à l'un des délits ou à l'un des crimes. Il y a là une importante source de confusions : il faudrait la clarifier, au moins dans les débats. Selon les cas, ce ne serait pas du tout la même situation qui serait visée. Si vous avez une interprétation extensive de cette nouvelle récidive, elle concernera des délinquants qui auront commis en récidive des crimes et des délits de natures différentes.
Enfin, dans son article 132-8 qui, à ma connaissance, n'est pas abrogé par votre texte, le code pénal actuel ne prévoit que deux peines pour les crimes commis en récidive : la perpétuité ou trente ans. Or vous prévoyez des peines plancher pour des crimes punis de quinze ou vingt ans de réclusion. Cela veut dire que vous sortez de la notion de récidive et que les peines plancher risquent de s'appliquer à des délinquants qui ne sont pas en état de récidive. Là encore, les ambiguïtés ou les confusions de ce texte n'ont été levées ni par le travail du rapporteur ni par les amendements. Il serait bon de le faire à présent.
En tout état de cause, l'article 1er est un article déclamatoire, d'intention, mais qui n'a aucune portée normative et n'exercera aucune contrainte sur les cours d'assises.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons posé publiquement diverses questions sur ce texte et nous souhaiterions que Mme la ministre alimente notre réflexion et celle de la population qui nous observe.
En cinq ans, sur les 97 000 peines en partie ou totalement fermes qui ont été prononcées, on a noté un surcroît de 17 000 peines. Les taux d'occupation excèdent parfois les 100 %, voire les 200 % dans certains établissements pénitentiaires, comme l'ont rappelé des orateurs de toutes sensibilités. Il y a aujourd'hui, dans les prisons françaises, 50 000 places et 63 000 écrous, il n'y a pas eu de décret de grâce, pas de loi d'amnistie, plus de libérations conditionnelles, et la tolérance zéro, qui est un choix politique, va s'appliquer.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Nous sommes courageux, nous !
Le Premier ministre s'est exprimé tout à l'heure à la télévision : nous sommes heureux qu'il le fasse, car nous doutions qu'il ait encore envie de l'être. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Carton jaune !
Il n'y a pas de carton jaune, ici !
Le Premier ministre a donc affirmé que, s'il fallait construire des prisons, il en construirait. Aussi demandons-nous à Mme la garde des sceaux quel format pénitentiaire le Gouvernement s'apprête à privilégier. Quels sont les quantités, les budgétisations en jeu ? Cette question recoupe celle qu'a posée notre collègue Manuel Valls, qui voudrait savoir où nous en sommes, ou M. Hunault, qui aimerait qu'on nous le dise tous les ans. Nous aimerions obtenir réponse à ces questions. Où en sommes-nous, au 1er juillet 2007 ? Quel est le nombre d'écrous par rapport au nombre de places ? Comment allez-vous faire pour gérer ce surcroît d'emprisonnements ?
Surtout, vers quel format pénitentiaire nous dirigeons-nous ? Regardons, en effet, ce qui se passe aux États-Unis d'Amérique, où l'emprisonnement, comme M. Fenech le faisait remarquer, est massif, puisque c'est tout de même l'équivalent d'une ville de deux millions d'habitants qui y est enfermée dans les établissements pénitentiaires : dans ce pays, la violence n'a nullement diminué.
C'est là un résultat à méditer pour tous ceux qui croient à la loi selon laquelle plus on enferme, moins on a de récidive.
Si nous transposions ce format-là à la société française, ce sont 400 000 détenus que nous aurions alors à dénombrer, ce qui coûterait d'ailleurs en investissement, sans même parler de fonctionnement, 12 milliards d'euros.
Bien sûr, monsieur Fenech, que nous n'y sommes pas, mais comprenez que nous posions la question à Mme la ministre, si elle veut bien à la fois nous entendre et nous répondre – et il faudra qu'elle nous réponde, car cela relève de sa responsabilité, la nôtre étant de l'écouter : quels sont les chiffres vers lesquels nous tendons ? En termes budgétaires, l'épure est en effet incohérente, et, sur le plan législatif, nous savons que la situation est telle aujourd'hui que toutes les peines prononcées ne seront certainement pas exécutées, faute de places dans les prisons françaises.
Madame la ministre, cet amendement répond aux préoccupations exprimées à l'instant par mes collègues à propos de l'article 1er, qui fixe le principe des peines minimales, ou peines plancher, avec la vocation, dans l'esprit même du texte que vous nous proposez, de dissuader les éventuels récidivistes.
Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, il faut savoir regarder au-delà de notre pays. En effet, plusieurs expériences ont été conduites en la matière, en particulier depuis 1997 dans le Territoire du Nord en Australie. Or, en 2001, le principe des peines plancher y a été aboli en raison à la fois des nombreux suicides enregistrés en prison et de l'engorgement des établissements pénitentiaires. Faut-il rappeler également que la Grande-Bretagne est en passe d'abandonner ce système ? Quant aux États-Unis, où l'on criminalise une partie de la population, notre collègue, M. Fenech, ferait bien de relire certaines études portant sur le système carcéral américain : pour un blanc, on y compte huit noirs emprisonnés. Comme l'a excellemment souligné mon collègue M. Montebourg, ce sont près de deux millions de personnes qui sont emprisonnées aux États-Unis, et je ne sache pas que la violence ait été affaiblie par la politique inspirée par M. Bush ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il faut, par ailleurs, bien comprendre que le principe de l'article 1er est d'une portée beaucoup plus générale que celle qui avait été annoncée pendant la campagne présidentielle. En effet, les peines plancher ne concerneront pas seulement des actes de violence, mais également des atteintes aux biens telles que le vol ou l'abus de confiance. Ainsi, pour un vol dans un RER constituant une troisième infraction, le prévenu encourra une peine d'emprisonnement très largement supérieure à celle prévue pour des crimes ou délits commis en première infraction !
En outre, les peines plancher s'appliqueraient dorénavant aux majeurs comme aux mineurs dès l'âge de treize ans, c'est-à-dire que l'on appliquerait aux mineurs des dispositions prévues pour les majeurs ! C'est l'exact contraire de ce qui se passe dans d'autres pays, par exemple en Allemagne, où la situation est tout de même meilleure à cet égard.
Contrairement, enfin, à presque tous les exemples étrangers, le système proposé aurait vocation à s'appliquer quel que soit le préjudice découlant de l'infraction et donc de la gravité des faits commis. Pour cette raison également, nous estimons que l'article 1er doit être supprimé.
Je reviendrai, en conclusion, sur la demande que j'ai formulée tout à l'heure puisque, contrairement à mon collègue M. Hunault, j'ai maintenu avant l'article 1er mon amendement tendant à ce que Mme la garde des sceaux veuille bien nous tenir informés de la situation dans les prisons françaises. Après mes collègues, je lui demande donc qu'au cours de la soirée nous soyons informés de l'état de nos prisons au 1er juillet 2007, car nous ne pouvons pas discuter d'un texte aux conséquences aussi graves en termes de politique pénale sans avoir en notre possession les chiffres permettant d'éclairer nos débats.
L'article 1er a pour objet d'insérer un nouvel article dans notre code pénal afin d'instaurer des peines d'emprisonnement minimales, c'est-à-dire des peines plancher, pour les récidivistes en matière criminelle. Ne serait-ce que pour cette seule raison, il s'agit là d'un article d'affichage.
L'examen des statistiques de votre ministère, madame la garde des sceaux, prouve en effet que, contrairement à ce que laisse penser un tel dispositif, les magistrats ne prononcent pas de peines trop légères en cas de récidive en matière criminelle : avec les jurés, ils prononcent des peines plus sévères que les peines plancher prévues par cet article. Ainsi, quand la peine plancher prévue est de dix ans, le quantum moyen prononcé est de quinze ans et sept mois, contre treize ans et neuf mois pour une peine plancher de sept ans, et quinze ans et neuf mois pour une peine plancher de cinq ans.
Dans ces conditions, madame la ministre, monsieur le rapporteur, est-il nécessaire d'adopter un tel article quand, dans les faits, les peines prononcées par les magistrats vont bien au-delà des peines plancher ?
Le Gouvernement prétend que cet article serait utile parce qu'il serait de vertu dissuasive. Sans revenir sur les explications que nous avons déjà données, je rappellerai simplement que toutes les législations et toutes les expériences étrangères ont montré qu'il n'en était rien. Le durcissement de la peine n'a jamais entraîné une baisse de la délinquance. Les exemples outre-manche sont à cet égard probants, et c'est du reste l'un des arguments essentiels qui a justifié l'abolition de la peine de mort. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est pour ces raisons que nous demandons la suppression de l'article 1er, sachant que si nous n'étions pas entendus nous défendrions un amendement de repli.
La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression. Sans trop entrer dans les détails, je m'attacherai à en expliquer les raisons.
La première est fondamentale. Contrairement à ce que les auteurs de ces amendements prétendent, le dispositif de l'article 1er, comme d'ailleurs celui de l'article 2, à l'occasion duquel je ne reprendrai donc pas mon argumentation, n'enfreint pas le principe de l'individualisation des peines. Je sais bien que nous pourrions en parler des heures entières puisque nous n'avons pas tous ici la même lecture du texte, mais c'est bien ainsi que le projet de loi doit selon nous se comprendre : le juge a toujours, quoi qu'on en pense, la possibilité de prononcer une peine inférieure au minimum prévu par la loi.
Cette remarque me permet d'ailleurs de répondre à ceux qui ont souligné presque « l'insignifiance » du nombre des peines minimales par rapport aux peines moyennement décidées par les cours d'assises. Cela signifie probablement – à supposer qu'on puisse parler de quantum moyen, et il serait intéressant d'avoir le détail – que, si certaines peines ont été égales ou proches du quantum maximum, d'autres ont été inférieures.
Certes, mais dans ces conditions, l'utilité du nouveau dispositif en matière de crime sera certainement plus réduite qu'on ne le pense, dans le cas où l'objectif serait de faire en sorte qu'il y ait plus de gens condamnés à des peines plus lourdes. Or tel n'est pas l'objectif poursuivi : ce qui est recherché, c'est la certitude de la peine, et non le prononcé d'une peine plus forte.
Dois-je d'ailleurs faire remarquer que, d'ores et déjà, l'article 132-18 du code pénal, qui a été évoqué par certains, prévoit des peines minimales non pas à la première récidive, mais pour tout premier crime ?
Ma dernière remarque me permettra de faire le lien entre l'article 1er et les articles 2 et 3 à propos de l'excuse de minorité, car celle-ci joue de manière ordinaire par rapport aux peines minimales, sauf limitations définies à l'article 3. Les peines minimales sont, en effet, divisées par deux pour les mineurs en ce qui concerne tant les crimes, objet de l'article 1er, que les délits, sujet de l'article 2. C'est pour moi une occasion de plus pour réaffirmer ce que l'on a eu tendance à trop oublier au cours de la discussion générale, à savoir que le principe de l'atténuation de responsabilité pénale jouera toujours pour la première infraction et la première récidive. Ce n'est qu'à la deuxième récidive que le principe est inversé. Je ne voulais pas manquer cette occasion de le rappeler.
Même avis défavorable.
Ainsi que mes collègues l'ont rappelé, notre système pénal est l'un des plus répressifs qui soit puisqu'il peut être prononcé des peines de dix ou vingt ans en cas de récidive – et je ne parle pas des peines de trente ans ou de la réclusion à perpétuité. Un arsenal important est donc déjà à notre disposition.
La question que je serais tentée de poser à cet égard, après l'argumentation de M. le rapporteur, qui n'a d'ailleurs pas répondu à nos questions (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), c'est que, si l'on compte à peu près 11 000 détenus supplémentaires depuis quelques années, n'est-ce pas que les juridictions ont été sévères et même très sévères en moyenne, comme vient de le rappeler mon collègue ? Or, dans le même temps où, en France, des peines de privation de liberté sont prononcées en nombre – je parle d'actes graves, et non de vols de portables dans la rue, forme de délinquance qui, nous l'avons tous reconnu, a diminué –, vous êtes tous d'accord pour dire que les actes de violence augmentent. Plus on incarcère, plus les atteintes aux personnes augmentent ! Je ne comprends pas ce que l'on y a gagné.
Sans aller jusqu'à penser que la société est en train d'exploser totalement, il n'en reste pas moins que les incarcérations sont beaucoup plus nombreuses alors qu'elles se font, madame la ministre, dans des conditions extrêmement difficiles. Les parlementaires qui ont visité nos établissements le savent, nos prisons sont beaucoup plus criminogènes qu'avant. Dans ces conditions, soit les privations de liberté sont sans effet, soit leur effet criminogène est lié aux conditions d'incarcération, mais, en tout cas, une vraie question nous est posée ce soir : pourquoi, avec plus de 10 000 détenus en plus, doit-on déplorer beaucoup plus de violence ? Et ce constat, ce n'est pas aux États-Unis ou ailleurs qu'on peut le faire, c'est en France.
Aussi, la loi pénitentiaire ne doit pas seulement viser à créer de nouvelles places de prison ou à améliorer les conditions de détention des détenus, même si cela est indispensable en termes de dignité, seule et unique façon de lutter contre la récidive. Il s'agit aussi de se demander pourquoi le fait d'incarcérer beaucoup plus n'empêche pas que les violences augmentent, ce qui est désespérant. C'est cette question qui nous est posée à tous.
La France est extrêmement répressive, et de plus en plus chaque année. Or, malgré le nombre croissant de personnes privées de liberté, il y a de plus en plus de violences, d'atteintes aux personnes. C'est une question qui nous est posée à tous, pas seulement à l'Assemblée nationale. Nos magistrats sont durs, et personne ici ne peut leur faire de reproche.
L'effet qu'auront les peines planchers ne peut pas être estimé à la simple lecture des textes. Je ne vais pas reprendre la démonstration qui a été faite : elles n'en auraient pas. Souvenez-vous, lorsque nous avons voulu faire diminuer le nombre des détentions provisoires avec la loi sur la présomption d'innocence – que vous avez votée, vous ou vos prédécesseurs –…
Au Sénat, il y avait aussi des membres l'UMP. D'ailleurs, M. Devedjian avait dit qu'elle n'avait pas été votée ici parce que la détention provisoire est l'avatar de la lettre de cachet. Quoi qu'il en soit, pendant les huit mois qui ont précédé l'application du texte, le nombre des détentions provisoires a diminué très fortement. C'est donc que les magistrats sont sensibles aux messages qui leur sont adressés. Mais, à la suite de l'affreuse affaire Bonnal, il a de nouveau augmenté alors même que la loi existait. De tels éléments seraient à prendre en considération dans le cadre d'une étude d'impact. Il aurait été intéressant d'en discuter avec les magistrats. En tout cas, les chiffres français montrent bien que la multiplication ces dernières années des incarcérations, en particulier dans les conditions actuelles, n'a servi à rien pour enrayer l'augmentation des violences faites aux personnes.
Je suis saisi d'un amendement n° 1 .
La parole est à le M. le rapporteur, pour le soutenir.
Les explications que je vais donner sur l'amendement n° 1 vaudront également pour l'amendement n° 2 à l'article 2, ainsi que pour l'amendement qui viendra en lieu et place, à l'article 3, des deux suppressions que je propose avec les amendements nos 1 et 2 .
Le Sénat a inséré aux articles 1er et 2, à l'initiative de Robert Badinter, une disposition extrêmement importante et positive qui rappelle que, pour les mineurs, seules les sanctions pénales prononcées par le tribunal pour enfants ou la cour d'assises des mineurs sont prises en compte pour l'établissement de l'état de récidive légale. Nous avons considéré que cette disposition trouverait mieux sa place dans l'ordonnance de 1945, c'est-à-dire à l'article 3. L'amendement n° 1 tend donc à supprimer cette disposition dans l'article 1er, l'amendement n° 2 faisant de même à l'article 2, ce qui permet dans le même temps de rectifier une erreur de rédaction qui aurait eu des conséquences incongrues. L'essentiel est que la disposition proposée par Robert Badinter, acceptée par le Sénat avec l'accord du Gouvernement, soit bien reprise, probablement mieux écrite et mieux à sa place.
Je suis saisi d'un amendement n° 18 .
La parole est à M. Noël Mamère, pour le défendre.
Il n'a échappé à personne que des questions ont été posées au Gouvernement. Mais celui-ci reste muet, laisse passer les amendements et ne se lève même plus de son banc. Or ce sont des questions sérieuses – et elles se multiplient à mesure que le temps passe ! – qui réclament des réponses précises. Nous n'accepterons pas de rester sans interlocuteur et, au besoin, nous prendrons les moyens nécessaires pour convaincre Mme la ministre de consulter son entourage.
Je suis saisi d'un amendement n° 19 .
La parole est à M. Noël Mamère, pour le défendre.
Je suis saisi de deux amendements, nos 49 et 88 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Michel Hunault, pour défendre l'amendement n° 49 .
L'amendement n° 88 rectifié a le même objet que celui de M. Hunault. Mais j'aimerais revenir sur ma question. La rédaction du texte, « Lorsqu'un crime est commis une nouvelle fois en état de récidive légale », me semble prêter à confusion. S'agit-il d'un troisième ou d'un quatrième acte ?
Pourtant, on pourrait penser qu'il s'agit d'un quatrième acte.
L'amendement, extrêmement important, que je propose ici a été déposé au Sénat par M. Zocchetto. Il tend à élargir la capacité du juge à déroger en cas de nouvelle récidive. Dans la première récidive, le juge peut déroger en raison de la personnalité, des circonstances de l'infraction et des capacités de réinsertion du prévenu. Mais en cas de nouvelle récidive, ces capacités sont restreintes aux seules capacités de réinsertion ; ni la personnalité du délinquant ni les circonstances ne peuvent être prises en compte. Nous sommes là au coeur du sujet de l'individualisation. Si, en première récidive, le juge conserve une liberté, en cas de nouvelle récidive, il n'aura plus la capacité de déroger. De fait, la plupart des personnes qu'il aura à juger ne pourront pas présenter de garanties de réinsertion. Par conséquent, il sera tenu, dans la quasi-totalité des cas, d'appliquer la peine plancher. Dans les faits, la rédaction du texte rend pratiquement impossible l'application de l'individualisation de la peine pour le juge. Il faudra que le Conseil constitutionnel se prononce sur ce point.
Voilà pourquoi M. Zocchetto, élu compétent et respecté, avait présenté cet amendement. Pour le refuser, vous avez utilisé un argument spécieux : en cas de nouvelle récidive, la personnalité de l'auteur de l'infraction serait en quelque sorte contenue dans l'acte de nouvelle récidive. Ce n'est pas sérieux ! C'est au juge de l'apprécier, la loi n'a pas à fixer les critères d'appréciation de la personnalité. Que vous le vouliez ou non, il y a bien dans votre texte une forme de suspicion envers les magistrats. Voilà pourquoi cet amendement est important et pourquoi nous le représentons après que vous l'ayez repoussé au Sénat.
On parle de première récidive en présence de deux éléments : une première infraction et une deuxième infraction, qui correspond soit au même crime ou délit, soit à un crime ou délit assimilé. La deuxième récidive a comme premier élément le deuxième élément de la première récidive et comme deuxième élément la troisième infraction. Il s'agit donc bien de la troisième infraction, et non pas de la quatrième.
Si ! Je vous renvoie à la page 70 de mon rapport : « On parle de nouvelle récidive légale lorsqu'une personne commet une troisième infraction qui constitue le deuxième terme d'une récidive dont le premier terme est aussi le second terme d'une première récidive. » Cela peut paraître extrêmement compliqué, mais c'est très simple !
Pour ce qui est de l'avis de la commission sur l'amendement n° 88 rectifié , dans l'esprit du texte, nous ne pouvons pas – et nous ne voulons pas – considérer la deuxième récidive comme la première. Laisser penser à l'auteur d'une infraction qu'il sera traité de la même manière – voire qu'il se verra infliger la même sanction – que pour la première récidive, c'est encourager la première, puis la deuxième, puis la multirécidive. Les garanties prévues pour la première récidive ne peuvent donc pas jouer dans la deuxième, à l'exception des garanties d'insertion ou de réinsertion. Nous pouvons donner des exemples, qui ne sont pas seulement théoriques, que ces garanties exceptionnelles pourront tout à fait être réunies par le juge à l'appui d'une décision de ne pas appliquer la peine minimale. Avis défavorable.
Le texte crée un régime juridique adapté à la récidive. Il prévoit un régime simple pour la première récidive, caractérisée par deux faits de même nature ou similaires. L'innovation principale et la première disposition du texte est l'instauration de peines minimales en deçà desquelles les magistrats pourront aller, avec un pouvoir d'appréciation encadré comme dans d'autres délits ou crimes, au regard de trois critères : circonstances de l'infraction, personnalité de l'auteur et garanties d'insertion ou de réinsertion. C'est le principe de base d'une motivation d'une décision de justice.
Un régime spécial est également prévu pour une récidive aggravée, caractérisée par trois faits de même nature ou assimilés. Pour une personne qui est ancrée dans la délinquance, puisqu'elle répète trois fois les mêmes faits, intégrer les mêmes critères dans le pouvoir d'appréciation ferait disparaître le régime différencié. Aujourd'hui, le juge doit motiver sa décision au regard de l'infraction, de la personnalité et du quantum de la peine. Mais si la personne commet à nouveau des faits pour lesquelles elle a déjà été condamnée, elle ne peut plus bénéficier du sursis simple. Le magistrat n'a pas à se justifier de nouveau au regard de la personnalité, puisque c'est un élément qui fait déjà partie de la deuxième infraction. Nous avons donc un régime simple avec trois critères et un régime aggravé avec un critère, qui intègre les faits précédents. Le passé pénal devient de fait un élément de personnalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je mets aux voix l'amendement n° 88 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 48 .
La parole est à M. Michel Hunault, pour le défendre.
Avis défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 37 .
La parole est à M. Michel Vaxès, pour le soutenir.
L'amendement de suppression de l'article 1er n'ayant pas été adopté, nous proposons cet amendement de repli, qui a pour objet de substituer aux mots : « garanties exceptionnelles », les mots : « garanties suffisantes. »
L'article 1er est contraire, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, bien que vous vous en défendiez, au principe de l'individualisation de la peine
Lors de l'exposé de la question préalable, j'ai fait état des inquiétudes très sérieuses de tous les professionnels. Permettez-moi d'y ajouter celle du président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, M. Cotte. Il souligne que la nécessité de motiver la décision sur la base de garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion reviendra en pratique à n'accorder ce bénéfice qu'à une infime partie de prévenus, compte tenu notamment des difficultés pour une majorité d'entre eux de présenter, lors de leur jugement un projet suffisamment solide, notamment en termes d'emploi, dans un environnement social et économique qui n'est pas particulièrement favorable pour les personnes ayant le statut d'ancien détenu.
Le critère de « garanties exceptionnelles » nous semble excessivement restrictif. Il s'avère dans les faits incompatible avec le principe de l'individualisation de la peine.
J'ai écouté les propos tenus par M. le rapporteur. Madame la ministre, j'ai lu attentivement les arguments que vous avez développés devant le Sénat. Ils ne me convainquent pas davantage que ceux de M. le rapporteur.
Le rapporteur de la commission des lois du Sénat a reconnu, en séance, avec beaucoup de sagesse, que les garanties exceptionnelles d'insertion et de réinsertion n'étaient pas faciles à appréhender pour les magistrats et que la commission, au terme de ses travaux, n'avait pas réussi à déterminer ce qu'il fallait entendre par « garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion ».
Je citerai les propos tenus par notre collègue sénateur M. Badinter. Ils se suffisent à eux-mêmes. Comment voulez-vous, disait M. Badinter, que les magistrats et les jurés, au moment où ils vont prononcer une peine criminelle très lourde, puissent déterminer s'il y aura, à la sortie de prison, c'est-à-dire six, sept, dix ou quinze ans plus tard, des garanties exceptionnelles d'insertion ? C'est impossible. Aucun jury de cour d'assises n'est en mesure de le savoir. En fait, les seuls qui pourront justifier de garanties exceptionnelles de réinsertion à leur sortie seront des fils de famille, ceux dont les parents pourront affirmer devant la cour d'assises, que dans dix ans ils assureront à leur fils, à la sortie de prison, les garanties d'une réinsertion grâce aux moyens dont ils disposent. Ces propos méritaient d'être rappelés.
Mes chers collègues, pensez-vous qu'un tel clivage social soit acceptable pour la justice de notre pays. L'amendement de la commission des lois du Sénat n'a pas été adopté, le Gouvernement y étant défavorable. Nous le regrettons. L'amendement prévoyait que la garantie de réinsertion ne pouvait être le seul critère retenu, tant il niait le principe de l'individualisation des peines. Il retenait également les circonstances de l'infraction et la personnalité de son auteur. C'est bien la preuve que le Gouvernement n'a nullement l'intention que le principe de l'individualisation s'applique en cas de deuxième récidive.
Faisons simple et retenons pour la deuxième récidive la notion de « garanties suffisantes », qui seront plus faciles à définir pour le magistrat. Pour que cet amendement puisse être adopté, il suffit que vous acceptiez que les peines plancher ne soient pas des peines automatiques.
Avis défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 89 .
La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.
Madame la ministre, le système que vous proposez est simple, voire simpliste. Vous généralisez ce système non seulement en matière criminelle, mais également en matière délictuelle.
De ce fait, en cas de nouvelle récidive un certain nombre de personnes se retrouveront condamnées beaucoup plus lourdement pour des crimes bien moins graves que ceux commis par d'autres délinquants qui ne sont pas en état de récidive. Des peines très lourdes seront prononcées en cas de récidive pour des vols simples par exemple, alors que des condamnations moins lourdes le seront pour des primo-délinquants ayant commis des crimes bien plus graves.
Cette disposition sur la nouvelle récidive est une machine à condamner sans discernement.
Vous avez également décidé d'appliquer ce mécanisme aux mineurs. Notre amendement n° 89 vise à faire en sorte qu'en cas de nouvelle récidive les possibilités de déroger aux peines plancher pour le juge tiennent compte de la personnalité et des circonstances de l'infraction. Ces éléments sont extrêmement importants pour les mineurs. Ce sont des adultes en devenir. Le juge doit avoir la possibilité d'apprécier en fonction de la personnalité, des circonstances de l'infraction, s'il doit ou non appliquer les peines plancher en cas de nouvelle récidive. Des condamnations extrêmement lourdes seront prononcées pour des mineurs. Elles ne respecteront pas le principe de la proportionnalité de la peine.
rapporteur. La commission a repoussé cet amendement qui est extrêmement surprenant. En effet, il réécrit le droit pénal actuel.
L'amendement mentionne « l'état de récidive légale ». Or, l'« état de récidive légale », c'est la récidive. Il y a eu une première infraction et l'on est en état de récidive légale lorsqu'une seconde infraction est commise dans le champ de la première. Cet amendement décrit exactement le droit pénal actuel, aussi bien pour les majeurs que pour les mineurs.
Cet amendement est encore plus surprenant et atteste d'une erreur dans la rédaction car l'exposé sommaire mentionne le contraire : « Il est proposé de retenir, y compris en cas de nouvelle récidive,… » Vous avez probablement voulu parler de la nouvelle récidive – la deuxième et les suivantes – et non pas de l'état de récidive légale.
La commission a émis un avis défavorable pour deux raisons. Premièrement, nous sommes dans le droit actuel et il n'est probablement pas nécessaire de le réécrire. Deuxièmement, si on le réécrivait on rentrerait dans le débat que nous venons d'avoir.
Avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, seul l'esprit de l'amendement nous intéresse. Il s'agit de réhabiliter le rôle du juge et les principes du droit, c'est-à-dire l'individualisation des peines et de remettre à plat la politique pénale élaborée patiemment en direction des mineurs. Les dispositions que vous nous proposez vont à l'encontre du travail accompli pendant des décennies, où patiemment, avec l'aide de la protection judiciaire de la jeunesse, nous nous sommes attachés à mener une véritable politique en direction des mineurs.
En instituant les peines plancher, comme l'a fort bien souligné notre collègue Caresche, vous augmenterez les peines infligées aux mineurs, vous les jetterez en prison, alors que beaucoup d'efforts devraient être entrepris en matière de réinsertion, de politique sociale et éducative. Nous savons qu'en la matière votre gouvernement et ceux qui l'ont précédé ont singulièrement réduit les crédits.
L'amendement n° 89 vise à adopter une véritable politique pénale en direction des mineurs, afin de ne pas les considérer comme un concentré d'adulte. Il faut mener des actions particulières à leur égard car leur personnalité est en développement. On ne peut pas, d'un côté, augmenter la politique répressive et, de l'autre, réduire les efforts en matière de lutte contre le chômage, les ghettos, les discriminations de toutes sortes, qui sont aussi l'une des causes de la délinquance des mineurs et de la récidive.
Je mets aux voix l'article 1er , modifié par l'amendement n° 1 .
(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)
Mon rappel au règlement porte sur le déroulement de la séance.
M. Montebourg a demandé, il y a quelques minutes, des éclaircissements budgétaires à propos des annonces qui nous ont été faites.
J'ai également demandé à Mme la garde des sceaux de nous fournir des éléments sur les statistiques mensuelles concernant les personnes écrouées au 1er juillet 2007 et en termes de budget. Il me semble nécessaire d'obtenir ces renseignements, pour faciliter l'examen des articles et amendements suivants.
En effet, les parlementaires doivent connaître les conséquences budgétaires de l'adoption des mesures que vous nous proposez.
S'agissant des éléments budgétaires, je rappelle que le programme de constructions des places de prison date de 2002 ; 13 200 places ont été lancées. Je m'engage, dès demain après-midi, à vous fournir le détail de ces places, ainsi que des renseignements sur les établissements pour mineurs, les centres éducatifs fermés, la PJJ et sur le juge dédié aux victimes.
En ce qui concerne les statistiques relatives aux prisons, la direction de l'administration pénitentiaire communique régulièrement. Vous pouvez vous adresser à elle pour obtenir toutes les précisions qui vous intéressent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 2.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Je formulerai les mêmes remarques en ce qui concerne l'individualisation des peines.
L'article 2 aggrave encore la situation. En effet, en matière de deuxième récidive – de récidive sur récidive – le tribunal ne peut prononcer qu'une peine d'emprisonnement. L'article ne prévoit pas, me semble-t-il, de possibilités de dérogation à l'obligation de prononcer une peine d'emprisonnement ferme.
La possibilité de dérogation offerte au juge est trop restrictive, dans la mesure où elle ne peut être argumentée qu'à partir de circonstances exceptionnelles de réinsertion.
Nous nous trouvons avec l'article 2 en matière délictuelle. En matière criminelle, les peines plancher restent largement inférieures au quantum moyen prononcé en cas de récidive. À l'inverse, en matière délictuelle, les peines plancher sont assez nettement supérieures au quantum moyen prononcé actuellement en cas de récidive.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est fait pour !
Nous savons que le juge pourra y déroger assez largement, mais dans les procédures rapides de comparution immédiate, ce sera beaucoup plus difficile. En effet, le juge ne disposera pas des éléments d'appréciation de la personnalité du prévenu.
Il est probable, madame la ministre, monsieur le rapporteur, qu'en matière délictuelle, votre projet ait des conséquences importantes sur le nombre de détenus dans les prisons françaises. Le scénario dissuasif que vous évoquez n'est pas crédible. Vous aurez inévitablement des condamnations à des peines d'emprisonnement plus importantes, lesquelles augmenteront encore la population carcérale : plusieurs milliers de détenus supplémentaires qui s'ajouteront à ceux qui sont actuellement détenus, et qui ne sortiront pas du fait de la suppression de la grâce présidentielle. Certes, le principe de la grâce était extrêmement contestable, mais il n'en est pas moins vrai qu'en la supprimant, vous ne contribuez pas à désengorger les prisons.
Quels sont les moyens que vous allez mettre en oeuvre pour faire face à la surpopulation carcérale générée par votre projet de loi ? Vous annoncez la création de 13 000 places en 2012 : ce n'est donc pas pour demain. En attendant, des risques de tensions sont à prévoir. Comment allez-vous gérer cette situation, madame la garde des sceaux ?
Il est en outre évident que les 13 000 places que vous annoncez ne seront pas suffisantes, car elles ne permettront pas d'absorber le surplus de détenus. Et je crains qu'avec votre loi pénitentiaire et la mise en place d'un contrôleur général, vous ne vous débarrassiez à bon compte du problème. Le contrôleur général des prisons aura la responsabilité de constater les problèmes. J'ai le sentiment que sa mission se bornera à cela : constater que vous avez, dans un premier temps en tout cas, contribué à augmenter de façon insupportable la population carcérale.
Je confirme que 2 000 places de prison seront livrées d'ici à l'année prochaine – il faut le temps de la construction. Permettez-moi aussi de rappeler que ce sont des gouvernements de droite qui ont lancé des programmes sans précédent de constructions d'établissements pénitentiaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je peux aussi vous répondre sur la délinquance, monsieur Dray, qui a augmenté de plus de 17 % entre 1997 et 2002,…
…et même de plus de 50 % s'agissant des atteintes aux personnes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
On ne va tout de même pas remonter à Mathusalem ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous répondons au problème de la surpopulation carcérale. La dernière loi pénitentiaire date du 22 juin 1987 sous un gouvernement de droite. Nous, pour notre part, nous nous préoccupons de ce problème en mettant en oeuvre des programmes de construction de prisons.
Dois-je vous rappeler que les taux d'aménagement de peine étaient extrêmement faibles sous les gouvernements de gauche ? C'est nous qui avons augmenté ces aménagements de près de 30 %. C'est nous encore qui avons augmenté de moitié le recours aux bracelets électroniques, que vous contestiez à l'époque et dont vous refusiez le principe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Sur le bracelet électronique, instauré en 1997, il y aurait bien d'autres choses à dire, mais je ne veux pas céder à la caricature.
D'autant que, je vous le rappelle, le Sénat et l'Assemblée avaient, sous l'avant-dernière législature, produit deux rapports d'excellente qualité, permettant d'élaborer une loi pénitentiaire, qui avait recueilli un large consensus et qui fut approuvée, madame la garde des sceaux, par l'une de vos collègues du Gouvernement .
Permettez-moi de conclure. Je ne suis pas en état de récidive ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je vous mets au défi de trouver des textes qui prouveraient que nous étions opposés au bracelet électronique !
Je veux bien que la droite ait tout fait et la gauche rien. Mais cela ne sert pas la démocratie, madame la garde des sceaux.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est pourtant la vérité !
Élaborer une loi pénitentiaire ne se fait pas en trois semaines, ni même en trois mois. Nous avons mis dix mois pour aboutir à des conclusions, car il s'agit d'un travail de longue haleine.
J'ai remis le projet de loi à M. Perben, lors de son arrivée au ministère en mai 2002. Il a reconnu lui-même l'urgence du problème et m'a fait savoir qu'il avait des échos positifs sur le texte. Or, entre 2002 et 2007, il ne s'est rien passé alors que tout était prêt. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ne vous esclaffez pas, chers collègues, ce n'est pas drôle car il n'est pas aisé de présenter des bilans. Et je ne hurlerai pas de rire, le jour où vous serez dans cette situation. Ce genre de réactions n'est pas digne en démocratie !
Cela dit, nous avions prévu un programme de construction de places de prison, doté des moyens nécessaires en novembre 2001. Le Gouvernement qui a succédé au nôtre – même si je l'avoue, j'aurais préféré rester (Sourires ) – a changé de politique. Au lieu d'utiliser les crédits budgétaires prévus, ce gouvernement a décidé de ne pas faire appel à l'agence que nous avions créée, mais de recourir au privé pour la construction des établissements. Beaucoup de temps a été perdu. M. Bédier, alors chargé du dossier, a délibérément fait perdre deux ans et demi de ce seul fait, sans parler des difficultés ultérieures, que je ne rappellerai pas par respect pour les personnes. Alors, ne dites pas que, seule la droite, construit des établissements pénitentiaires. Nous avions, à l'époque, décidé de construire des places dans des prisons neuves, y compris pour les mineurs, et de fermer les établissements vétustes, impossibles à réhabiliter, comme ceux de Lyon, de Nancy ou du Mans, par exemple. La situation est aujourd'hui tout à fait différente, puisqu'il faudra faire face à un afflux de 10 000 détenus supplémentaires. Mais nous aurons l'occasion de revenir sur ces questions.
J'en viens à l'article 2. Gardons à l'esprit, sur tous les bancs, que devant une peine trop lourde à prononcer, certains magistrats renonceront finalement à en prononcer une, par manque de preuves, par exemple. Il faut le dire et, du reste, nous le savons tous. Nous avons tous visité des prisons, rencontré des juges d'application des peines, des avocats, des éducateurs. Tous nous ont expliqué que c'est parfois seulement après la troisième infraction commise, qu'un délinquant témoignait d'une réelle volonté de réinsertion, qu'il était prêt à faire de réels efforts et que le magistrat en tenait compte : désormais, cela ne sera plus possible.
Il faut se mettre à la place des magistrats qui ont des peines très lourdes à prononcer, parfois à la fin d'une longue journée après avoir prononcé des peines faibles pour des actes plus graves. Dans ce cas, ils préféreront peut-être n'en prononcer aucune au motif que le dossier est incomplet par exemple. Cela existe et nous devons en tenir compte.
L'opposition vient de déclarer que le Gouvernement allait s'en remettre à une loi pénitentiaire et à un organisme indépendant. Elle estime que ce texte pose deux problèmes : l'individualisation des peines et l'appréciation des juges, deux principes constitutionnels. Si vous considérez que ce projet de loi les enfreint, le Conseil constitutionnel tranchera.
Mais j'avoue, chers collègues, ne pas avoir encore saisi la pertinence de vos arguments.
Restons à l'Assemblée nationale !
Mme la garde des sceaux a pris l'engagement devant la représentation nationale de faire adopter une loi pénitentiaire et de créer un organisme indépendant, chargé de contrôler les prisons. Mme Lebranchu a été garde des sceaux. Elle a été la première à associer l'ensemble de la représentation nationale – toutes tendances politiques confondues – afin d'élaborer un texte.
Alors, si nous voulons réellement améliorer la situation des prisons, de grâce, cessons les procès d'intention ! La future loi pénitentiaire n'est pas, comme vous le laissez entendre, destinée à répondre à l'augmentation du nombre de détenus, mais à redonner un sens à l'incarcération.
Permettez-moi de citer l'exemple du Canada sur lequel nous pourrons peut-être nous entendre. Dans ce pays, comme dans certains autres, l'on essaie de privilégier les peines alternatives à l'emprisonnement pour les petits délinquants, comme le prévoit la future loi pénitentiaire, ce qui permettra d'éviter une explosion de la population carcérale, que vous redoutez. Alors, cessez, mes chers collègues, de faire nous peur en nous laissant croire que ce projet de loi conduira à l'explosion de la population carcérale avec 70 000, voire 100 000 détenus supplémentaires.
Depuis tout à l'heure, on entend les mêmes rengaines. Et pour essayer de gagner un peu de temps, j'aimerais souligner que les vrais problèmes de surpopulation en milieu carcéral concernent les majeurs, comme vous le montrera une analyse scrupuleuse des rapports. Or les problèmes de récidive touchent principalement les mineurs, pour lesquels il n'y a pas de crise de surpopulation.
S'agissant du plan carcéral, je veux bien vous concéder que, sous le gouvernement Jospin, des études préparatoires et des rapports parlementaires ont été publiés. Mais le plan lui-même, c'est le précédent gouvernement qui l'a lancé. Il a même nommé un ministre chargé des prisons.
L'exemple est pour le moins mal choisi ! (Sourires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
En outre, rien aujourd'hui ne prouve qu'il y ait un lien de causalité entre l'augmentation des incarcérations et l'augmentation des actes délictueux, laquelle est due, entre autres, au manque de réponses pénales immédiates aux délits constatés. Juges et avocats s'accordent pour le dire.
Autre sujet rabâché par l'opposition : la politique de la tolérance zéro aux États-Unis n'aurait pas eu les résultats escomptés. Les rapports internationaux montrent pourtant qu'en quinze ans, il y a eu une baisse de 40 % des premiers délits et de 60 % des récidives.
Mais comment pouvez-vous citer des chiffres globaux à propos des Etats-Unis : la justice est différente selon chaque état !
Monsieur le président, j'aimerais juste faire une précision. Je ne peux pas laisser M. Bénisti dire de telles contrevérités !
Madame la garde des sceaux, les excès ne servent pas la cause que vous prétendez défendre. La droite n'a pas tout fait et la gauche, rien. Venir vous vanter devant nous d'une politique qui a contribué à augmenter la population carcérale, c'est dire en creux que vous avez renoncé à mettre en place des politiques alternatives à la prison, comme le font d'autres pays européens. Autrement dit, la politique que vous avez choisie est celle de l'enfermement et de l'incarcération.
Monsieur Bénisti, au lieu de vous livrer à des exagérations sur la politique pénale américaine, lisez donc les ouvrages de Loïc Wacquant, qui, chiffres à l'appui, permettent de mieux cerner vos contrevérités.
L'article 2, comme l'article 1er, va aggraver la surpopulation carcérale. Au 1er mai 2007, il y avait environ 60 000 détenus dans nos prisons. Le taux d'occupation dans les maisons d'arrêt s'élevait à 200 % et le taux moyen était de 150 % pour tous les établissements. Nous n'allons pas citer encore une fois les chiffres indiqués dans plusieurs documents par le professeur Tournier. Il n'y a pas de scénario de déflation, comme il l'explique, bien au contraire. Si l'on applique la loi dite des peines plancher, il y aura demain 70 000 détenus dans nos prisons.
À cet égard, madame la garde des sceaux, nous ne voulons pas des chiffres approximatifs que vous avez avancés. Nous attendons des précisions, dès demain après-midi.
Quant aux aménagements de peine, comme l'a souligné Christophe Caresche, ils seront très compliqués à mettre en oeuvre par les juges car ceux-ci ne disposeront pas du temps nécessaire : les récidives sont jugées en comparution immédiate. De surcroît, comme vous avez fixé le reliquat à purger à un an, les demandes de mise en liberté ou de semi-liberté aboutiront très difficilement.
N'allez pas nous faire croire, avec cet article 2, que les dérogations seront possibles. Les peines plancher conduiront de nouveaux majeurs et de nouveaux mineurs dans les prisons et contribueront au phénomène de surpopulation carcérale, aujourd'hui dénoncé par le commissaire des droits de l'homme du Conseil de l'Europe et par nombre d'organisations internationales.
Défavorable à ces amendements.
Monsieur Bénisti, je veux bien que vous invoquiez l'expérience et le savoir-faire mais comment pouvez-vous citer des statistiques globales à propos des États-Unis alors que la justice est différente selon les états : certains pratiquent la tolérance zéro, comme l'état de New York, d'autres, comme l'Arkansas, ont choisi la voie de politiques alternatives ; certains appliquent la peine de mort, d'autres, non. Vous avez certainement inventé à la dernière minute les chiffres que vous citez !
Je suis saisi d'un amendement n° 21 .
La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.
Cet amendement tend à revenir sur le principe d'individualisation des peines. Nous ne saurions renoncer à ce principe constitutionnel.
La commission est défavorable tout simplement parce que la suppression des mots « , par une décision spécialement motivée, » va à l'encontre du but recherché par les auteurs de l'amendement. Supprimer l'exigence de motivation spéciale de la décision du tribunal correctionnel pose un problème : la motivation est de nature à rendre la décision compréhensible à la fois pour la personne mise en cause mais également pour la victime. Elle est donc indispensable pour justifier la dérogation au principe. La supprimer, c'est supprimer la justification, ce qui va à l'encontre de la nécessaire individualisation de la peine.
Madame la garde des sceaux, vous prétendez que ce texte n'aura pas de répercussions sur le nombre de condamnations et sur la durée des peines prononcées car vous pratiquerez une politique d'aménagement des peines. Or, depuis 2002, toutes les lois votées par votre majorité n'ont eu de cesse de restreindre les capacités d'aménagement de peine.
Avec la loi Clément, vous avez limité le sursis avec mise à l'épreuve ; dans le présent projet de loi, vous limitez les possibilités de libération conditionnelle.
Cela tient à une raison inavouée de votre texte : vous croyez qu'il existe dans notre pays un noyau dur de la délinquance qu'il faudrait neutraliser et donc incarcérer. Pour vous, les délinquants à l'origine de nombreux délits devraient être, non pas réinsérés, mais mis à l'écart de la société.
Les habitants du 18e arrondissement seront ravis d'apprendre que vous ne voulez pas qu'on s'attaque aux délinquants !
À cet égard, la nouvelle récidive ressemble à ce qu'on appelait la tutelle pénale, qui visait à maintenir les délinquants en détention en vue d'une prétendue réinsertion, dispositif supprimé par la loi « sécurité et liberté » parce qu'il était inefficace. Ce sont des mesures de ce type que vous rétablissez dans ce texte.
Par ailleurs, madame la garde des sceaux, je vous demande de nous communiquer la note de l'administration pénitentiaire évoquée par Manuel Valls, à laquelle Le Monde a fait référence. Nous aimerions savoir pourquoi cette administration envisage une augmentation considérable de la population carcérale.
Enfin, avec votre texte, la motivation va devenir exceptionnelle alors qu'elle devrait être la règle, pour les victimes et pour les délinquants. Des personnes seront condamnées pour la première fois ou pour une récidive, sans jamais que la sanction qui leur est infligée ne soit motivée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Ce texte ne remet absolument pas en cause les dispositifs relatifs à l'aménagement de peine inscrits dans le code. Comment prétendre d'ailleurs que, sous la dernière législature, nous les aurions restreints alors que les aménagements de peine ont augmenté de 30 %, les placements sous bracelet électronique de 59 % et les alternatives à l'incarcération de 12 %, chiffres issus de statistiques auxquelles vous pouvez avoir accès ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La libération conditionnelle est restée stable, pour une raison simple : ce sont souvent les délinquants sexuels qui en bénéficient et ils sont astreints à une obligation de soins.
S'agissant de la motivation, vous disiez que l'on suspectait les juges, ce que vous faites vous-même. Je vous renvoie à l'article 485 du code de procédure pénale : toute décision doit être motivée. C'est la mission élémentaire de tout magistrat.
Pas du tout, nous l'encadrons, comme cela se fait pour d'autres crimes et délits.
Pour placer une personne en détention provisoire, il faut une décision spécialement motivée. Nous ne touchons en rien aux principes de notre droit.
Quant à la note de l'administration pénitentiaire, vous l'avez.
Vous l'aurez. Il s'agit d'une note de prospective, fondée sur des indicateurs de l'INSEE, avec des projections sur l'évolution de la démographie et du taux de délinquance. Il est normal que l'administration pénitentiaire se livre à de telles études, c'est une aide pour nous qui voulons nous occuper de la population carcérale dès maintenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je suis saisi d'un amendement n° 22 .
La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.
Madame la ministre, nous ne sommes pas des juristes mais des spécialistes du général et nous nous intéressons à tout. Ce que vous ne dites pas c'est que, dans votre projet, le juge n'est pas obligé de motiver sa peine plancher et que c'est la dérogation qui doit être motivée. Vous supprimez donc bien un principe du code de procédure pénale, celui de la motivation.
Notre amendement n°22 est de repli.
Si la motivation est toujours obligatoire, pourquoi alors la prévoir explicitement dans certains cas ? Il n'est pas nécessaire de légiférer si l'on doit motiver dans chaque cas.
Votre réponse pose problème puisque, d'un côté, vous nous dites que toute décision doit être motivée, tandis que, de l'autre, vous nous soumettez un texte qui prévoit de motiver les raisons qui conduisent à ne pas appliquer la peine plancher.
J'aurais souhaité que l'on supprime toute référence à des motivations puisqu'elles doivent être obligatoires pour toutes les décisions. Votre réponse n'est donc pas adaptée à la situation, me semble-t-il.
Monsieur Hunault, nous nous étions tous mis d'accord pour dire que la privation des libertés, c'est-à-dire l'incarcération, devait être l'ultime recours. Ainsi, il fallait supprimer les peines plancher, les minima, pour que les magistrats puissent avoir toute latitude pour trouver des réponses appropriées afin que les personnes concernées par ces actes puissent avoir une chance d'être réinsérées.
Je cite avec plaisir Mme Boutin, qui, alors qu'elle menait une délégation du groupe UMP, avait considéré qu'un encadrement excessif des peines était générateur de difficultés à l'intérieur des prisons et de problèmes de réinsertion.
À l'époque, vous étiez d'accord sur ce point. Or aujourd'hui, vous en rajoutez.
Pourquoi ce que l'on a estimé absolument indispensable pour que la privation de liberté devienne l'ultime recours disparaîtrait tout à coup ?
Je le répète, madame la ministre, si la motivation est obligatoire pour tout le monde, je ne vois pas pourquoi on la spécifie dans un cas.
Je suis saisi d'un amendement n° 92 .
La parole est à M. Manuel Valls, pour le défendre.
Je suis saisi d'un amendement n° 2 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je suis saisi d'un amendement n° 91 rectifié .
La parole est à M. Manuel Valls, pour le défendre.
Je mets aux voix l'amendement n° 91 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 24 .
La parole est à M. Noël Mamère, pour le défendre.
La parole est à M. Christophe Caresche, pour défendre l'amendement n° 90 .
Cet amendement tend à supprimer le caractère exceptionnel des garanties de réinsertion que vous voudriez exiger en cas de récidive. Non seulement on ne tient pas compte de la personnalité, des circonstances de l'infraction, mais en plus il faudrait que les garanties de réinsertion soient exceptionnelles. Cela signifie que vous restreignez considérablement le pouvoir d'appréciation laissé au juge. Ainsi, vous allez empêcher l'individualisation des peines. Il ne s'agit ni d'être laxiste, ni d'être ferme, mais de prononcer une peine juste à la fois pour la victime parce que tout délit mérite réparation, mais aussi pour le condamné, c'est-à-dire une peine qui lui permette de se réinsérer.
Il s'agit là d'une question sérieuse. Il faut préciser ce que l'on entend par garanties exceptionnelles. Soit des garanties d'insertion ou de réinsertion sont données et le juge prend sa responsabilité par rapport à ces informations, soit il n'en a pas. Le législateur doit pouvoir apporter des précisions qui permettront au juge de travailler. Or, comment le pourront-ils dès lors que nous ne définissons pas la notion d'exceptionnalité ?
Faites confiance à la jurisprudence ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je mets aux voix l'article 2, modifié par l'amendement n° 2 .
(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 93 portant article additionnel après l'article 2.
La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir cet amendement.
Comme nous avons quelques incertitudes et interrogations sur les conséquences de ce texte, nous demandons qu'un rapport relatif à l'application de ces articles soit présenté au Parlement, afin de connaître l'impact des dispositions. Il faut qu'on sache s'il y aura 8 000 détenus en moins ou 10 000 en plus.
Je précise que nous sommes prêts à retirer cet amendement si le président de la commission s'engage à ce qu'un rapport soit fait sur l'application de cette loi dans un délai de six mois.
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Sur ce texte comme sur les autres, nous procéderons comme le prévoit le règlement de l'Assemblée.
Je vous demande donc de retirer l'amendement n° 93 .
L'amendement n° 93 est retiré.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Aujourd'hui, mercredi 18 juillet 2007, à quinze heures, première séance publique :
Suite de la discussion du projet de loi, n° 63, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs :
Rapport, n° 65, de M. Guy Geoffroy, au nom de la commission des lois constitutionnelle, de la législation et de l'administration générale de la République.
À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
Suite de l'ordre du jour de la première séance.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 18 juillet 2007, à une heure dix.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton