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Intervention de Serge Blisko

Réunion du 17 juillet 2007 à 21h30
Lutte contre la récidive — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Blisko :

Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, vous n'avez pas prévu les moyens de faire en sorte que la loi soit appliquée. C'est donc bien une loi d'affichage.

J'en veux pour preuve, madame la garde des sceaux, la petite controverse qui vous oppose à l'association nationale des juges d'application des peines. Vous avez indiqué lors de votre audition qu'il y aurait environ 200 médecins coordonnateurs en France. Mais d'après l'ANJAP, il y en aurait un peu moins de 100. Où sont passés les 100 médecins coordonnateurs de différence ? Il faudra sans doute les chercher sur tout le territoire. Quand on connaît le désert médical en général et plus spécifiquement le désert de la psychiatrie publique dans un certain nombre de départements, on peut être sûr qu'il ne sera pas facile de mettre en oeuvre le « plan ambitieux » que vous avez annoncé d'ici à mars 2008. Il est vrai que ce sera une période électorale et qu'on peut donc faire des promesses qui n'engageront que ceux qui y croiront. Il est si simple de promettre des « plans ambitieux » sans ligne budgétaire correspondante. Soyez certains que, sur ce point aussi, nous serons vigilants.

Nous souhaitons d'abord que la loi Guigou du 17 juin 1998 soit étudiée et que son impact soit mesuré. Nous souhaitons également qu'on en revienne à deux textes fondamentaux qui vous ont peut-être échappé. Le suivi thérapeutique existe en effet depuis cinquante ans en France. Une loi de 1954, intitulée, si mes souvenirs sont bons, « loi sur les alcooliques dangereux », obligeait les personnes en état d'ivresse à se soigner. La sanction la plus redoutée en cas de non-respect du traitement – au demeurant très sévère – pour parvenir à un sevrage alcoolique était le retrait du permis de conduire, qui pouvait se révéler professionnellement très préjudiciable pour certains.

Puis, la loi du 31 décembre 1970, qui visait la toxicomanie, a fait pour la première fois allusion à l' « injonction thérapeutique ».

Ces deux lois ont été appliquées avec bonheur et succès au début, précisément parce qu'on avait prévu les moyens de les mettre en oeuvre. Certes, en 1954, ceux-ci étaient un peu frustes. Ainsi, les médecins étaient à la fois spécialistes du permis de conduire et de l'alcoolisme. Mais, à partir des années 70, ces moyens sont devenus plus sophistiqués. Au fil des ans, ces dispositifs ont connu des difficultés, faute de personnel, de lieux de thérapie, de crédits et d'évaluation. En outre, le nombre de personnes et de juges qui y avaient recours ne cessait de croître.

Ces deux lois de santé publique et de prévention pénale générale sont aujourd'hui largement tombées en désuétude. Nous sommes peu à avoir professionnellement vécu les années 50. Mais nous sommes nombreux à avoir vu que beaucoup de jeunes, dans les années 70, ont pu être soignés avec quelques résultats. Il est vrai que les juges, alors en nombre suffisant, étaient en mesure d'expliquer aux jeunes que, s'ils ne se faisaient pas soigner, ils iraient en prison. Aujourd'hui, nous sommes très loin de cela en matière de toxicomanie.

Nous aurions pu examiner ces deux dispositifs, nous aurions pu comprendre comment ils avaient fonctionné, puis cessé de fonctionner, avant de nous lancer dans une nouvelle aventure avec ce texte, et plus particulièrement ses articles 5 à 9, qui restent très problématiques.

En conclusion (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), on aurait souhaité une approche qualitative plus que quantitative. Malheureusement, l'effet d'affichage est là. Vous voulez remplir les prisons, augmenter les durées de détention. Bref, faire du chiffre. C'est une tentation chez vous depuis 2002. Et quand les chiffres ne correspondent pas à votre attente, vous faites une autre loi. C'est une sorte d'antienne. Et, depuis 2002, nous nous réunissons deux fois par an pour faire une loi qui sera, celle-là, définitive, dure, qui rassurera la population et contraindra les délinquants à rentrer dans le rang. Pourtant, nous savons bien que les taux de récidive ne sont pas liés à la loi. Ils varient très fortement selon l'âge, la formation, le milieu social de la personne, son passé judiciaire et, surtout, les conditions de sortie, en particulier l'existence d'une insertion professionnelle. En cela, le travail des conseillers d'insertion et de probation est fondamental.

Vous le savez si vous visitez les prisons, les personnes incarcérées appartiennent de plus en plus à une population jeune, marginalisée, pauvre, socialement, économiquement et culturellement désinserée. Mais quelle place est donnée à la prévention dans ce projet de loi ?

De plus, votre refus de recourir obligatoirement à une enquête de personnalité dans certaines affaires pour les récidivistes montre le peu de cas que vous faites de l'individualisation de la peine. Il n'y a que votre crainte du Conseil constitutionnel qui vous ait conduite à réaffirmer ce principe.

En raison notamment de son impréparation, du manque de concertation préalable, du manque de moyens mais aussi pour des questions de fond, du fait de la confusion opérée entre psychiatrie, médecine et justice, le groupe socialiste demande le renvoi pour étude en commission de ce projet de loi. Il en a bien besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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