Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 15 juin 2011 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement préalable au Conseil européen et le débat sur cette déclaration.

La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mesdames et messieurs les députés, face aux crises que nous avons connues depuis un an – crise de la dette souveraine et de la zone euro, crise du fonctionnement de l'espace Schengen, crise des printemps arabes –, les critiques à l'encontre de l'Union européenne n'ont pas manqué.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Et je constate qu'elles ne manqueront pas, mais je m'y attends ! (Sourires.)

Pourtant, à chaque fois, nous avons su faire émerger ensemble une réponse européenne. À chaque fois, nous avons su engager une modernisation de la gouvernance européenne pour relever ces défis.

Outre la conclusion des négociations d'adhésion avec la Croatie, le Conseil européen des 23 et 24 juin prochains sera consacré à trois questions majeures : la finalisation de la nouvelle gouvernance économique européenne, le renforcement des mécanismes de l'espace Schengen et la rénovation profonde de la politique européenne de voisinage.

Je commencerai par la gouvernance économique européenne. Le Conseil européen marquera d'abord la finalisation de la réponse globale à la crise de la zone euro. La crise de la dette grecque focalise aujourd'hui l'attention générale, mais il faut mesurer le chemin parcouru en un an, grâce à une bonne entente franco-allemande et au rôle décisif du président stable du Conseil européen, Herman Van Rompuy – aujourd'hui même à Paris –, qui confirme, comme la France l'a toujours soutenu, le rôle central et la solidité de l'institution qu'il préside. Il est désormais essentiel que le Conseil européen approuve tous les éléments de cette réponse globale.

Nous sommes pleinement mobilisés pour que l'Eurogroupe arrive à un accord pour faire face aux difficultés que rencontre la Grèce. La troïka formée par le Fonds monétaire international, la Commission et la Banque centrale européenne travaille à un accord technique avec Athènes dans la perspective d'un déboursement, début juillet, de la cinquième tranche de 12 milliards d'euros du plan de soutien de 110 milliards d'euros décidé en mai 2010. La solution dépend aussi de la Grèce. Elle a adopté une nouvelle stratégie budgétaire à moyen terme : des mesures d'économies, des restructurations supplémentaires et une accélération des privatisations afin de lever 50 milliards d'euros d'ici à 2015. Ce plan courageux et nécessaire doit être adopté par le parlement grec et mis en oeuvre sans délai. Il pourra être accompagné, si nécessaire, d'un nouveau programme de financement, dont les modalités sont encore en cours de négociation entre les États de la zone euro, les institutions européennes et le Fonds monétaire international. Un quelconque « défaut » de la dette grecque est en tout cas absolument exclu.

Le Conseil européen devrait aussi clore le premier exercice du « semestre européen », dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance et des objectifs de la stratégie Union européenne 2020. Il évaluera les engagements souscrits par les États membres dans les programmes nationaux de réforme et dans les programmes de stabilité et de convergence. Il endossera les recommandations spécifiques proposées par la Commission, puis débattues et adoptées par le Conseil.

À l'occasion des échanges sur la situation économique, les chefs d'État et de gouvernement rappelleront l'importance des engagements souscrits au titre du «pacte pour l'euro plus ». Cette initiative, portée par l'Allemagne, pour renforcer la convergence des politiques économiques nationales, doit donner toute sa mesure, en particulier en matière de politique de compétitivité et en matière fiscale. Sur ce dernier point, des propositions importantes ont été présentées par la Commission concernant un projet d'assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés ou la fiscalité de l'énergie. Nous souhaitons aussi développer le dialogue entre les partenaires européens sur les pratiques fiscales dommageables.

Ce Conseil européen verra aussi la signature du traité intergouvernemental sur le mécanisme européen de stabilité, appelé à prendre la suite en juillet 2013 de l'actuel fonds européen de stabilité financière et doté de 500 milliards d'euros de capacité de prêt effective. Grâce à ce mécanisme, grâce aussi à la révision de l'accord-cadre sur le fonds de stabilité, qui portera notamment sa capacité effective de prêt à 440 milliards d'euros, la zone euro sera dotée de moyens de réponse rapide aux chocs que peuvent connaître ses États membres.

Nous souhaitons enfin que le Conseil européen puisse constater l'accord entre le Conseil et le Parlement européen sur l'ensemble du paquet législatif sur la gouvernance économique, qui prévoit un renforcement des volets préventif et correctif du pacte de stabilité, une surveillance budgétaire renforcée et la mise en place d'un mécanisme de surveillance et de prévention des déséquilibres macro-économiques excessifs entre pays de l'Union européenne.

Deuxième enjeu majeur de ce Conseil européen : le renforcement de la gouvernance de l'espace Schengen.

La libre circulation des personnes – je tiens à le réaffirmer au nom du Gouvernement – est un acquis fondamental de la construction européenne. Mais, face aux pressions migratoires et aux crises récentes, nous voyons bien que nos instruments et nos moyens actuels sont insuffisants. Pour préserver notre espace commun de libre circulation, fondé sur la confiance mutuelle, il est aujourd'hui indispensable de permettre à l'Union européenne d'en assurer un meilleur pilotage, de la doter des outils concrets pour y parvenir et de renforcer sa capacité à contrôler et à protéger ses frontières extérieures.

Le président du Conseil européen et la Commission ont répondu de façon constructive à la démarche conjointe du sommet franco-italien de Rome le 26 avril dernier. Le Conseil Justice et Affaires intérieures du 9 juin a posé les premiers jalons, en définissant une orientation sur les frontières, les migrations et l'asile, et en adoptant une stratégie en matière de réadmission.

Sur cette base, nous attendons du Conseil européen des orientations claires.

Tout d'abord, une gestion politique de l'espace Schengen mieux organisée, avec des réunions au niveau ministériel d'un « Conseil de direction » de l'espace Schengen et du conseil d'administration de l'agence Frontex.

Ensuite, une évaluation plus exigeante de la façon dont les États membres mettent en oeuvre l'acquis de Schengen. Au-delà de l'évaluation technique, c'est la capacité effective à gérer les frontières extérieures au nom des autres États membres qui doit être appréciée. C'est la condition essentielle de cette confiance mutuelle nécessaire au bon fonctionnement d'un espace de libre circulation.

Troisième orientation : des clauses de sauvegarde mieux adaptées. Les possibilités actuelles de réintroduire temporairement des contrôles aux frontières intérieures devraient être complétées pour permettre, en dernier recours, de tirer les conséquences, soit d'une situation durable et grave de défaillance dans la gestion d'une partie des frontières extérieures communes, soit d'une situation exceptionnelle de pression migratoire irrégulière, comme nous en vivons ces temps-ci. Soyons clairs : il ne s'agit pas de limiter la liberté de circulation, mais au contraire de préserver les conditions de son exercice, en tirant les leçons des dysfonctionnements actuellement constatés dans l'espace Schengen.

Quatrième orientation : la confirmation, conformément à un calendrier fixé par le Conseil européen, de l'objectif de 2012 pour l'établissement d'un régime européen d'asile commun, mais sur des bases plus justes que les projets débattus jusqu'à présent. Il ne me paraît pas admissible d'harmoniser vers le haut les droits des demandeurs d'asile au sein de l'Union européenne tout en conservant l'hétérogénéité actuelle des taux d'acceptation des demandes d'asile. Alors que la France accepte 30 % des demandes d'asile qui lui sont présentées, je rappelle que ce taux est proche de 0 % dans plusieurs États membres.

Cinquième orientation : la mise en place progressive d'un « système européen des frontières ». Outre les travaux en cours sur le renforcement de l'agence Frontex, la Commission souhaite étudier la faisabilité d'un système européen de garde-frontières. Dans notre esprit, il pourrait s'agir, dans un premier temps, d'un corps d'inspecteurs qui favoriserait le partage des pratiques, des savoir-faire et des procédures.

Enfin, sixième orientation : la poursuite d'une politique équilibrée en matière de visas, permettant des facilitations ciblées et des partenariats pour la mobilité, mais introduisant une clause de sauvegarde générale à l'égard des pays tiers où la politique de libéralisation de visas de l'Union européenne se traduirait par des détournements manifestes, des abus ou des afflux soudains.

Troisième enjeu du prochain Conseil européen : la politique européenne de voisinage.

Le Conseil européen évoquera bien sûr les crises en Libye, en Syrie et au Yémen, ainsi que nos efforts pour une relance du processus de paix au Proche-Orient. Mais, l'enjeu est aussi de poser les orientations d'une action durable de l'Union européenne à l'égard de son voisinage méditerranéen.

Après une communication le 8 mars dernier proposant un « partenariat pour la démocratie et la prospérité partagée au sud de la Méditerranée », la Haute Représentante et la Commission ont présenté le 25 mai une nouvelle stratégie pour la politique européenne de voisinage. Il s'agit pour l'Union européenne d'accompagner dans la durée les réformes structurelles nées des «printemps arabes ». Il s'agit aussi, dans un souci d'unité d'approche entre le Sud et l'Est, de continuer à inciter nos voisins d'Europe orientale à avancer dans leurs réformes démocratiques et économiques. Trois axes sont proposés par Catherine Ashton et la Commission pour rénover cette politique : appuyer l'établissement de démocraties solides, soutenir une croissance économique durable et solidaire, gérer les liens transfrontaliers de mobilité. Ces orientations seront débattues dès le Conseil Affaires étrangères du 20 juin prochain.

En ce qui nous concerne, nous soutenons d'abord l'augmentation de 1,2 milliard d'euros des crédits européens pour les seize pays couverts par la politique de voisinage pour la période 2011-2013. Cela portera l'enveloppe totale à 7 milliards sur cette période. À cela s'ajoute le relèvement du niveau des prêts de la Banque européenne d'investissements aux pays partenaires méditerranéens à 6 milliards d'euros sur la même période. Dans cet effort, la France veillera à ce que la priorité financière continue d'aller au Sud, au minimum selon le ratio deux tiers pour le Sud, un tiers pour les partenaires de l'Est.

Nous soutenons aussi la logique de différenciation qui est proposée, et notamment le renforcement de la conditionnalité des aides, selon une démarche que nous voulons incitative – j'ai parlé de conditionnalité intelligente. L'idée est d'accorder davantage de soutien financier à ceux qui iront plus loin dans les réformes démocratiques, économiques et la coopération migratoire. Pour nous, cette approche devra aussi permettre un soutien massif à la Tunisie, à l'Égypte, au Maroc et, je l'espère le plus vite possible, à la Libye nouvelle débarrassée de Kadhafi.

À l'inverse, là où les réformes n'avanceront pas, il est proposé que l'Union européenne « réexamine, voire réduise son aide » : la situation en Syrie ou en Biélorussie confirme la nécessité d'utiliser aussi ce levier, en réorientant les crédits européens vers le soutien à la société civile.

En ce qui nous concerne, nous serons très fermes sur les trois points suivants.

Premièrement, nous estimons que, outre les réformes démocratiques et économiques, la coopération effective des pays partenaires en matière de réadmission et de lutte contre l'immigration illégale, tant au Sud qu'à l'Est, devra constituer un élément intrinsèque des nouveaux partenariats qui seront négociés. C'est cette coopération, notamment la conclusion préalable d'accords de réadmission, qui nous permettra d'avancer vers la signature de partenariats pour la mobilité avec l'Arménie, le Maroc, la Tunisie ou l'Égypte, et vers des facilitations ciblées de délivrance des visas, afin de favoriser les migrations circulaires. Nous voulons en effet promouvoir une approche globale des migrations, fondée sur une coopération migratoire effective avec les pays partenaires, pour assurer une gestion concrète, confiante et efficace de nos liens transfrontaliers de mobilité.

Deuxièmement, nous considérons que le soutien financier de l'Union européenne à l'Union pour la Méditerranée doit être accentué. Fin mai, les quarante-trois États de l'Union pour la Méditerranée ont enfin désigné, à l'unanimité, un nouveau secrétaire général de grande qualité, M. Youssef Amrani, actuellement secrétaire général du ministère des affaires étrangères marocain, qui a tout notre soutien. Nous demandons maintenant que l'Union européenne appuie concrètement, par les crédits de l'instrument européen de voisinage et de partenariat, à la fois le secrétariat de l'Union pour la Méditerranée et les projets qu'il présentera. J'en citerai trois qui me paraissent prioritaires : l'office méditerranéen pour la jeunesse, sur lequel nous avons déjà beaucoup avancé ; le plan solaire méditerranéen, dont la nécessité paraît de plus en plus évidente dans le cadre de la réflexion sur la politique énergétique que mènent nos pays ; enfin, la coopération en matière de protection civile et les réseaux d'appui aux PME.

Troisièmement, nous souhaitons que le partenariat oriental prenne toute sa place au sein de la politique de voisinage et que l'Union européenne avance vers la conclusion d'accords d'association et la négociation d'accords de libre-échange. Ce sera l'objectif du sommet du partenariat oriental que la présidence polonaise de l'Union européenne tiendra à Varsovie, à la fin du mois de septembre. En revanche, nous ne souhaitons pas rouvrir les débats, tranchés sous la présidence française en 2008, sur l'idée de reconnaître une « perspective européenne » au partenariat oriental, formule très diplomatique qui désigne une adhésion potentielle à l'Union européenne. Mon homologue allemand et moi avons clairement signifié à la future présidence polonaise qu'à nos yeux, la consolidation de la démocratie ainsi que le renforcement de l'association politique et de l'intégration économique devaient être privilégiés.

Permettez-moi avant de conclure de vous dire quelques mots des négociations d'adhésion de la Croatie, …

Debut de section - PermalienAlain Juppé

…ouvertes il y a presque sept ans, et dont le Conseil européen devrait constater la conclusion.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Bien au contraire, monsieur Loncle !

La question la plus difficile restant à traiter portait sur le chapitre « Pouvoir judiciaire et droits fondamentaux ». Des engagements croates étaient en effet attendus sur la lutte contre la corruption, l'effectivité du pouvoir judiciaire, le jugement des criminels de guerre et la coopération avec le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Les Croates ont fait beaucoup d'efforts en ce sens, en particulier au cours des derniers mois. La Commission a estimé qu'une « masse critique » avait été franchie avec l'adoption des dernières réformes demandées, notamment en matière de lutte contre la corruption, qui se sont traduites par l'arrestation récente de l'ancien Premier ministre Ivo Sanader et sa traduction en justice.

La France a joué un rôle décisif dans la phase de conclusion, pour encourager l'adoption des dernières réformes nécessaires et s'assurer que les immenses efforts entrepris par la Croatie ne se relâcheraient pas avec la fin des négociations. À cet égard, je voudrais saluer l'engagement et l'énergie dont Laurent Wauquiez a fait preuve sur ce sujet comme sur d'autres…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Sur le RSA ?

Debut de section - PermalienAlain Juppé

…pour faire aboutir ce dossier.

Un accord franco-allemand a été trouvé grâce à lui sur un mécanisme de suivi des réformes récemment adoptées. Il sera mis en place dans la période intérimaire séparant le bouclage des négociations cet été de l'adhésion effective, le 1er juillet 2013. Cet accord franco-allemand prévoit aussi une clause de sauvegarde sur Schengen, qui pourra être activée, le cas échéant, lorsque se présentera ultérieurement la question de l'adhésion à Schengen afin de vérifier que la Croatie aura effectivement rempli tous les engagements pris dans son traité d'adhésion.

Le ministre croate des Affaires étrangères est venu à Paris la semaine dernière me confirmer l'accord de son pays sur ce mécanisme franco-allemand de suivi de préadhésion et la clause de sauvegarde Schengen. Sur cette base, nous avons estimé ensemble – et nous l'avons fait savoir à la Commission européenne et à la présidence hongroise de l'Union – que nous pouvions conclure les négociations.

La signature du traité devrait intervenir au second semestre de cette année, sous présidence polonaise. Le processus de ratification devra ensuite être achevé pour permettre l'adhésion effective au 1er juillet 2013. Cette adhésion sera une confirmation à un double titre : d'une part, la solidité des bases du processus d'élargissement – de la reprise de l'acquis communautaire et la capacité effective à assumer les obligations découlant de l'appartenance à l'Union ayant prévalu sur toute autre considération ; d'autre part, de la réalité de la « perspective européenne » ouverte aux Balkans, sous la présidence française en 2000, lors du sommet Union européenne-Balkans de Zagreb. À cet égard, je tiens à saluer les immenses réformes menées avec détermination par nos amis croates : vingt ans après l'éclatement de l'ex-Yougoslavie, elles montrent que le levier de la perspective européenne aura été déterminant pour tourner la page des guerres et engager, dans le projet européen, la réconciliation et la coopération régionales.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Mesdames, messieurs les députés, tels sont les messages que la France souhaite porter au Conseil européen des 23 et 24 juin. Nous souhaitons que cette réunion marque ainsi la sortie d'un cycle de crises, avant que ne s'engage le traditionnel et difficile débat consacré aux perspectives financières pour les années 2014 à 2020, sur la base des propositions chiffrées que la Commission devrait présenter le 29 juin prochain.

Laurent Wauquiez et moi-même nous tenons à votre disposition pour répondre aux questions que vous voudrez bien poser. Sachez que le Gouvernement est plus que jamais engagé dans ce combat européen. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Moscovici, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, monsieur le ministre chargé des affaires européennes, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous voici réunis une nouvelle fois pour un débat préalable à la tenue d'un Conseil européen, quasiment trois mois jour pour jour après que je suis venu ici même présenter les positions du groupe socialiste lors de notre précédent débat à ce sujet : je pourrai quasiment reprendre mot pour mot mon intervention qui, je le sais, avait pu susciter l'irritation sur certains bancs. Je ne le ferai pas. Mais je vous demande, monsieur le ministre d'État : qu'avez-vous fait de l'Europe ? (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Que faites-vous de l'Europe ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Notre continent, vous n'êtes pas sans le savoir, s'enfonce dans la crise. Alors que l'heure devrait être à la solidarité et à la responsabilité pour surmonter la crise, pour sauver la zone euro, pour relancer la croissance et accompagner les transitions en Méditerranée, c'est la défiance, le désordre et la cacophonie qui dominent et qui risquent aussi hélas de dominer la réunion du Conseil européen de cette semaine. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

J'en veux pour preuve votre attitude dans la crise grecque. Les socialistes ont, depuis son commencement, demandé à ce que du temps et de l'air soient donnés à la Grèce. C'était le sens de l'action de Dominique Strauss-Kahn au FMI. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC) J'espère qu'elle sera poursuivie par d'autres, car c'est ce que nous voulons encore aujourd'hui. Nous souhaitons en même temps que le secteur privé soit associé à l'effort, tant il serait impensable, je dis bien « impensable », que les seuls sacrifices soient supportés par les salariés, les employés et les fonctionnaires grecs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) La solution d'un échange volontaire d'obligations, en permettant de prolonger l'échéance d'une partie de la dette grecque sans entraîner le défaut du pays et déstabiliser davantage le système financier, nous semble une voie convenable à court terme. Un accord sur cette base serait une bonne chose pour l'Europe.

Dans le même temps, nous devons aux Européens de voir plus loin, tant il est vrai que repousser l'échéance ne résoudra en rien les problèmes de fond. La Grèce demeure avec ses taux d'intérêt usuraires, son économie peu compétitive et la masse insurmontable de sa dette. C'est ce que votre gouvernement refuse de voir, arc-bouté qu'il est sur son refus de mettre sur la table les questions de croissance et de mutualisation de la dette européenne. Si les droites européennes continuent à s'y refuser, tôt ou tard, nous reviendrons au chevet de la Grèce, avec les mêmes problèmes, avec les mêmes risques pour l'Europe, voire avec des risques pires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Que proposez-vous donc, monsieur le ministre d'État, pour que la Grèce, et au-delà l'Europe, repartent de l'avant ? Où comptez-vous trouver les marges pour rembourser ces dettes, si ce n'est, comme toujours, auprès des salariés, des employés, des enseignants, de tous ces Grecs dont on comprime le pouvoir d'achat pour rembourser des banques largement complices de la crise de 2008 ? En réalité, monsieur le ministre d'État, vous nous engagez dans un cercle récessif.

Comme d'habitude, on nous propose de réduire les déficits en coupant dans les dépenses sociales. Comme d'habitude, on nous propose de renforcer les sanctions pour les mauvais élèves de l'Union. Comme d'habitude, l'approche de la construction européenne, celle des conservateurs qui dirigent la plupart des États européens, n'est que celle de la convergence des déficits et des égoïsmes nationaux bien partagés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

L'assainissement des finances publiques, sachez-le chers collègues de la majorité, est une nécessité que les socialistes ont toujours su mener à bien de façon plus efficace que la droite (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Inutile de vociférer, regardez plutôt les chiffres ! Je me sens d'autant plus à l'aise sur ce plan que, sous couvert de rigueur, votre dernière réforme fiscale coûtera près de deux milliards d'euros à l'État, tout cela pour financer quelques cadeaux électoralistes.

Cette politique de bonne gestion que nous avions su mener entre 1997 et 2002 n'a de sens que si elle a pour contrepartie une véritable relance de l'économie et un rapprochement effectif de la gouvernance économique et des normes sociales de la plupart des pays de l'Union. C'est ce que vous oubliez aujourd'hui car vous ne faites finalement que préparer le lit de votre troisième, quatrième ou cinquième plan d'aide à la Grèce. L'Europe, qui n'a pas vu venir la crise, n'avait juré que par la rigueur et vous continuez. Elle avait repoussé la coordination pour privilégier la sanction et vous continuez. Elle avait négligé la stratégie d'investissement et vous continuez. La situation est pourtant telle, monsieur le ministre d'État, qu'elle réclame un peu plus de hauteur de vue. L'Union se meurt d'une vision étriquée de l'économie et de la solidarité européenne.

Une autre voie existe pourtant, c'est celle que vous proposent les socialistes dans un récent appel intitulé « Changeons l'Europe ». (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Cette autre voie, c'est celle d'une Europe qui remet au centre du jeu les principes fondamentaux de notre destin commun : la solidarité, la justice sociale, l'égalité des chances et le développement durable. Cette autre Europe, c'est celle qui s'engage dans un autre pacte que le vôtre, un pacte pour l'emploi et le progrès social qui passera par une politique industrielle européenne, par la mise en place de normes sociales minimales européennes, par le renforcement de l'efficacité, je dis bien de l'efficacité, de la dépense publique, par des investissements dans les secteurs d'avenir.

Cette autre Europe que nous voulons, c'est celle qui choisit de sortir par le haut de la crise budgétaire dans laquelle elle se trouve. Je pense ici à la mutualisation de la dette européenne, comme l'ont proposé les socialistes européens mais également des responsables européens qui n'appartiennent pas à notre famille politique mais qui ont encore à coeur l'idéal européen. Je pense à Jean-Claude Juncker et Giulio Tremonti qui, que je sache, ne sont pas des socialistes acharnés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Cette option-là, celle des euro-obligations, le Président Sarkozy l'a écartée d'emblée quand elle lui a été présentée il y a quelques mois. Elle était, paraît-il, « prématurée ». Mais ce refus qui était un non-sens hier est aujourd'hui une pure et simple aberration. C'est la seule solution qui permette de contrer les attaques spéculatives, de diminuer les taux d'intérêt et d'éviter la contagion de la crise.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Voici, messieurs les ministres, les piliers d'une politique réellement européenne. Votre fermeture d'esprit, sur tous ces points, nous préoccupe. Elle est, en réalité, assez déplorable.

Et que dire de votre politique migratoire ?

L'élan démocratique du printemps arabe, que le Gouvernement a enfin reconnu depuis votre arrivée au ministère des affaires étrangères, je le concède, a créé un grand espoir de liberté. Il offre une chance fabuleuse pour rapprocher les deux rives de la Méditerranée.

Le Président de la République a désormais pris la mesure de ce moment historique. Mais cela ne suffira pas à faire oublier le retard avec lequel la France a pris position, sa complaisance prolongée vis-à-vis des dictatures (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et les dégâts causés par des discours aussi électoralistes que nauséabonds. (Même mouvement.)

Il faut, nous disent MM. Berlusconi et Sarkozy, arrêter les hordes de migrants qui déferlent sur notre continent. Mais de quoi parle-t-on ? Des 600 000 migrants qu'accueille aujourd'hui la Tunisie dans le contexte de la révolution arabe ? De la moitié de ce nombre ? Du tiers ? Non : nous parlons de 25 000 migrants pour toute l'Europe, de 3 500 pour la France ! Faut-il qu'ils soient dangereux pour susciter une telle mobilisation !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

À moins que d'autres desseins, plus électoralistes, moins avouables, ne président à ce discours. (Applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Que répondez-vous, monsieur le ministre d'État, à la haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Navi Pillay, qui ouvrait la dernière session du Conseil des droits de l'homme en condamnant la rhétorique qui fait des migrants « un problème dont il vaut mieux se décharger ailleurs » et en appelant l'Union européenne à respecter ses obligations internationales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

À quoi pensez-vous lorsque vous proposez de rétablir les frontières à l'intérieur de l'Union, comme si la question migratoire pouvait être réglée par quelques contrôles entre Nice et Vintimille ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Votre requête, injustifiée et disproportionnée au regard des mesures de sauvegarde existantes, implique une nouvelle régression de l'Europe. Elle fonde l'accord de Schengen, qui est un traité européen, non plus sur la confiance, mais sur la défiance. Elle nationalise à nouveau ce qui était jusqu'alors un symbole de la construction européenne. Comment osez-vous plaider simultanément pour plus d'Europe ?

En réalité, voilà des années que vous ne lisez nos relations avec le Sud de la Méditerranée qu'à travers le prisme de votre politique sécuritaire et que vous agitez le chiffon rouge de risques terroristes, migratoires ou énergétiques qui existent, certes, mais que vous surestimez largement. (Exclamations sur les bancs du groupe NC.) C'est au nom de cette fameuse sécurité que votre gouvernement courtisait hier les régimes de Kadhafi et de Bachar al- Assad, que vous condamnez durement aujourd'hui. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Et pour quels résultats ? Aucun !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Et Ben Ali ? Il n'était pas socialiste, peut-être ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

La condition préalable à tout partenariat ambitieux ne réside pourtant pas dans ce type de politique d'immigration, mais dans une véritable Union euro-méditerranéenne qui soit à la fois une communauté de destin et une communauté de valeurs. Voilà ce que nous proposons, nous, la gauche, nous, les socialistes !

Enfin, monsieur le ministre d'État, je veux à nouveau vous faire part de notre inquiétude face à l'indifférence dans laquelle la Croatie s'apprête à intégrer l'Union européenne. Qu'inspire cette perspective, aujourd'hui, au Conseil européen ? (Exclamation sur les bancs du groupe NC.) Que vous inspire-t-elle ? De l'enthousiasme ? Ce n'est pas exactement ce que je vous ai entendu dire.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Ça, c'est formidable ! Il faut m'écouter avant de parler !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Vous ne m'avez semblé exprimer que votre soulagement à l'approche de clore enfin les négociations ; ce n'est pas ainsi que l'on réagit à la « fatigue de l'élargissement ». Car, au-delà de la signature d'un traité, l'élargissement, ce sont des peuples qui vont les uns vers les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

J'en termine, monsieur le président.

Quelle Europe votre gouvernement propose-t-il en définitive aux Français ? Une Europe du déclin, condamnée à une croissance faible, à la montée du chômage, des inégalités et de la précarité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Une Europe du repli sur soi, une Europe qui se réfugie derrière ses frontières. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Nous, socialistes, proposerons aux Français et aux Européens, avec toute la gauche, une autre France et une autre Europe en 2012 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Pour le groupe UMP, la parole est à M. Patrice Calméjane.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre chargé des affaires européennes, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, le prochain conseil de l'Union européenne se réunira les 23 et 24 juin. Ce sera le dernier conseil sous présidence hongroise, puisque, le 1er juillet, la Pologne succédera à la Hongrie à la tête de l'Union.

L'ordre du jour de ce conseil est particulièrement chargé, du fait de l'actualité, mais aussi en raison des sujets dont les chefs d'État et de gouvernement avaient par ailleurs prévu de discuter.

Le Conseil abordera d'abord la politique économique et conclura le « semestre européen » en évaluant les engagements pris par les États membres dans leurs programmes nationaux de réforme et dans leurs programmes de stabilité et de convergence. Il adoptera sur ce fondement des avis et recommandations par pays.

Ce débat sera bien entendu dominé – encore et toujours – par la crise de la dette grecque. L'agence Standard and Poor's vient de nouveau de dégrader la notation de la Grèce pour la ramener à CCC, considérant que le risque de défaut du pays s'est encore accru, malgré un premier plan d'aide de l'Union européenne et du FMI qui représentait plus de 100 milliards d'euros. Le ministre belge des finances a évoqué ce week-end la nécessité d'une rallonge de plus de 80 milliards d'euros, alors que deux sénateurs républicains demandent aux États-Unis de s'opposer activement à tout nouveau prêt du FMI à la Grèce, car ils considèrent que le pays serait incapable de le rembourser.

Monsieur le ministre d'État, pouvez-vous nous informer dès à présent des principales conclusions auxquels sont parvenus les ministres des finances de l'Union européenne à l'issue de la réunion qui s'est tenue hier à ce sujet ?

Dans un deuxième temps, le Conseil européen évoquera les politiques en matière d'asile et de migration. Ce sujet est au coeur de l'actualité. Dans une lettre datée du 26 avril 2011, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, avait expressément demandé au président du Conseil, Herman Van Rompuy, qu'il soit inscrit à l'ordre du jour.

Les derniers chiffres donnés hier par l'agence Frontex confirment cette actualité : Lampedusa devient le premier point d'arrivée d'immigrants dans l'Union, détrônant la frontière gréco-turque. Ainsi, au premier trimestre 2011, 32 906 immigrants ont été enregistrés aux frontières de l'Union – contre 14 857 au premier trimestre 2010 –, dont près de 22 000 personnes à Lampedusa et 7 200 en Grèce, alors qu'en 2010, au cours de la même période, 13 000 immigrants clandestins étaient entrés en Europe par la Grèce et seulement 147 par l'Italie.

Nous ignorons à ce jour si l'afflux de réfugiés fuyant la dramatique situation en Syrie se traduira par une vague migratoire vers l'Europe, depuis la Turquie où ils ont trouvé refuge.

Au-delà des récents événements survenus en Tunisie et en Libye, différents motifs ont conduit à proposer une réforme des mécanismes de Schengen.

Le premier est la sévère crise migratoire que connaît la Grèce depuis plus d'un an déjà. Les chiffres que je viens de citer démontrent l'ampleur du phénomène dès le début de l'année 2010. Les flux migratoires, qui traversaient auparavant les frontières maritimes entre la Grèce et la Turquie, se sont déplacés vers la frontière terrestre, désormais très perméable.

Or le système d'asile de l'État grec est défaillant, à tel point que les plus hautes juridictions européennes ont jugé impossible la réadmission en Grèce des migrants qui ont gagné le territoire d'autres États membres. C'est donc tout le système de Schengen qui a manifesté de graves défaillances.

Le deuxième motif est la candidature de la Roumanie et de la Bulgarie à l'entrée dans l'espace Schengen. Leur adhésion devait avoir lieu en mars 2011, mais nous avons demandé son report afin de l'entourer de toutes les précautions nécessaires. Et, le 9 juin dernier, le gouvernement néerlandais s'est joint à la France, à l'Allemagne, à la Suède, à la Finlande et au Danemark pour demander une période de probation d'au moins un an, destinée à vérifier la capacité de ces deux pays à contrôler les frontières de l'espace sans passeport de l'Union.

Si la crise méditerranéenne a joué un rôle de catalyseur, elle n'est donc pas directement à l'origine des propositions de réforme de l'espace Schengen.

Ces dernières concernent d'abord la montée en puissance de Frontex, qui n'est pas une structure très solide : ses moyens demeurent trop faibles, les demandes d'hommes et de matériel qu'elle adresse aux États membres sont trop timides.

Dans le contexte actuel de crise migratoire et dans la perspective de l'adhésion à l'espace Schengen de la Bulgarie et de la Roumanie, nous devons nous engager à bâtir les prémices d'un système européen de gardes-frontières. Il ne s'agit nullement de créer un corps de fonctionnaires européens, mais de donner aux instruments que constituent les différents services préposés à la surveillance de nos frontières extérieures – terrestres, maritimes ou aériennes – une organisation, une capacité d'évaluation, une cohérence et une communauté de vues minimales. (Exclamation sur les bancs du groupe SRC.)

À cette fin, il faut évaluer de manière plus rigoureuse la manière dont les États membres satisfont leurs obligations.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Pour vous, l'Europe, c'est l'immigration ! Il n'y a pas d'autres enjeux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

À l'heure actuelle, le contrôle est strictement interétatique. Il faut évidemment le maintenir, mais en prenant en considération, outre les voeux des États, ceux de la Commission.

Comme pour la zone euro, un mode de gouvernance plus politique est nécessaire. Soyons clairs : Frontex n'est pas véritablement dirigé. Plusieurs remèdes peuvent être imaginés : le Conseil « Affaires intérieures » et la Commission européenne pourraient consacrer du temps à Frontex ; le conseil d'administration de Frontex pourrait également réunir les ministres de l'intérieur des différents gouvernements. En somme, il faut donner à Frontex une orientation politique.

Des clauses de sauvegarde sont également nécessaires. C'est du reste sur ce point que nos propositions ont fait le plus de bruit : nous avons pu donner l'impression de vouloir remettre en cause le principe même de Schengen. Là encore, soyons très clairs : la France considère que Schengen est un acquis majeur de l'Union européenne, qui, au même titre que l'euro, concerne la vie quotidienne de nos concitoyens. Il ne s'agit en aucun cas d'affaiblir le principe de libre circulation.

Néanmoins, nous nous devons de prévoir des mécanismes de suspension provisoire de la règle, à l'initiative des États membres ou de l'Europe, en cas de crise systémique. L'essentiel est de disposer de mécanismes européens : il ne faut évidemment plus laisser à chaque État le soin d'interpréter les règles à sa guise, car cela conduirait indubitablement à la ruine de Schengen. En la matière, nous ne voulons pas moins d'Europe, mais plus d'Europe.

Ne soyons pas non plus hypocrites : il est exact que le cadre européen apparaît comme une contrainte ; on le mesure à la lecture des nombreuses directives européennes. Notre droit national se doit en effet d'être en conformité avec le droit communautaire.

Mais il est également évident que le cadre européen apporte des solutions. Il répond à l'attente de nos concitoyens en matière de libre circulation : c'est l'acquis de Schengen. En outre, il nous permet de parler d'une voix plus forte sur la scène internationale.

La bonne stratégie consiste donc à accepter sans réserve ce cadre européen, tout en s'employant à le faire évoluer conformément à nos principes et à nos intérêts. Voilà ce que nous souhaitons ; nous savons, monsieur le ministre d'État, que c'est la position que défendra le Président de la République devant ses collègues européens les 23 et 24 juin à Bruxelles.

En conclusion, je citerai un extrait d'une allocution radiotélévisée prononcée le 31 décembre 1967 par le général de Gaulle et qui, malgré quelques mots désuets, a toute sa place dans notre débat.

« Un but de la France, c'est l'union de l'Europe tout entière par la pratique, entre son occident, son centre et son orient, de la détente, de l'entente et de la coopération où nous sommes engagés ; par l'affermissement du Marché commun, pour qu'il tende à l'affranchissement, non pas à la subordination, de l'ouest de notre continent ; un jour, peut-être, par l'élargissement de cette communauté, dès lors que les candidats se seraient mis, politiquement, économiquement, monétairement, en mesure d'y entrer sans la détruire ni la dévoyer. » Quarante-quatre ans plus tard, cette affirmation est toujours d'actualité. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Pour le groupe GDR, la parole est à Mme Anny Poursinoff.

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, si j'interviens dans ce débat préalable au Conseil européen, c'est essentiellement pour vous dire qu'il nous faut faire preuve d'une plus grande solidarité économique.

En effet, l'Europe s'est engagée dans des plans d'austérité que l'on pourrait comparer aux plans d'ajustement structurels qui ont ruiné les services de santé et d'éducation des pays en voie de développement dans les années 1980. Force est de constater que ces plans ne fonctionnent pas. La dette de la Grèce, par exemple, continue d'augmenter.

C'est à cause du sacro-saint marché et de ses dérives spéculatives que les citoyennes et les citoyens européens connaissent de très graves difficultés. Mais ce sont aux salariés, aux retraités, aux bénéficiaires des minima sociaux que l'on demande de payer, et non aux spéculateurs.

Au nom de la nécessaire responsabilité budgétaire face à la crise, ces choix idéologiques mettent en péril la cohésion sociale entre Européens et notre capacité commune à assurer la transition écologique de nos économies.

Ces choix risquent en particulier de sacrifier une génération entière de jeunes dans bon nombre d'États membres, où ils sont très durement touchés par le chômage et où, loin de pouvoir contribuer pleinement à la construction de leur avenir, ils se sentent de plus en plus exclus.

Cette situation doit radicalement changer. Puisque les marchés financiers s'attaquent aux dettes souveraines, mettons en commun une partie de ces dettes sous forme d'euro-obligations. Ainsi, personne ne pourra spéculer contre la dette dans toute la zone euro. Car il ne faut pas casser la solidarité, mais mieux l'organiser.

Contrairement à ce qu'affirme le gouvernement français, ce ne sont pas les mesures mises en oeuvre sous la présidence de M. Sarkozy qui ont permis à la France de mieux résister à la crise financière.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais si !

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

Bien au contraire, ce sont les systèmes de solidarité nationale que le Gouvernement n'a pas encore démantelés qui nous ont évité le pire !

Prenons les retraites. La crise financière a entraîné une faillite du système assurantiel privé, plongeant dans la détresse des millions de retraités en Europe et aux États-Unis, des retraités qui ne dépendent que des fonds de pension privés. Est-ce le système que nous voulons en France ? Certainement pas ! Est-ce que, demain, nous ferons appel à l'assurance privée pour financer les compensations à la perte d'autonomie, au risque d'exposer nos aînés à la faillite ? Ce n'est pas notre choix.

Aujourd'hui, il s'agit d'étendre les mécanismes de solidarité, non de les réduire. La pression sur les salaires et la réduction de l'emploi public organisent la régression sociale et aggravent les inégalités. Plutôt que de mettre à sac la santé et l'éducation, qu'attendons-nous pour refondre nos politiques fiscales, lutter contre la pauvreté et financer la transition écologique de l'économie ? C'est d'autant plus crucial pour la France, qui a manqué de la volonté politique nécessaire pour développer les énergies renouvelables et qui s'obstine à défendre l'industrie nucléaire au détriment d'une politique énergétique ambitieuse et moderne !

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

C'est pourquoi nous pensons que les investissements consacrés à la conversion écologique devraient être sortis du calcul du déficit public et de l'endettement des États européens. Sans ces investissements, l'économie européenne sera, demain, encore plus vulnérable qu'aujourd'hui aux chocs liés à l'augmentation du prix des matières premières, et notamment du pétrole.

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

Sur le plan des prélèvements, il faut aussi mieux coordonner la fiscalité des entreprises, harmoniser par le haut la taxation des revenus du patrimoine et mettre en oeuvre une réelle fiscalité écologique.

Au sein de l'Europe, on constate une forme de dumping, qui nuit au développement de l'Union et au bien-être de ses citoyennes et de ses citoyens.

Évoquons aussi la menace qui pèse sur le programme d'aide aux plus démunis, suite à l'arrêt de la Cour de justice européenne du 11 avril dernier. Il nous faut réfléchir, et il y a urgence, à des moyens pour nourrir les populations les plus fragiles lorsqu'il n'y a pas d'excédents agricoles, une situation qui risque de se reproduire cette année.

Car la réponse aux crises, y compris la sécheresse, ce n'est pas le chacun pour soi. C'est la solidarité. Une solidarité qui devrait s'exercer aussi dans les relations avec les pays hors de l'Union.

Alors que, ces derniers mois, la démocratie a fleuri de l'autre côté de la Méditerranée, quelle a été la réponse de notre gouvernement pour accompagner la transition politique ? Le rejet des réfugiés ! Il est plus facile de soutenir des dictatures que d'accueillir des jeunes qui ont besoin de souffler !

De même, lorsque la France envoie des avions de chasse en Libye, elle se doit aussi d'ouvrir les portes aux personnes qui fuient les combats. L'Union européenne peut mettre en oeuvre, de manière exceptionnelle, une protection temporaire pour accueillir les réfugiés. Quel est aujourd'hui le plus important ? Empêcher des personnes d'arriver sur nos côtes ou sauver des vies ?

Un jeune Tunisien, venu témoigner la semaine dernière au Parlement européen, disait : « J'aimerais bien que les ministres qui viennent faire une croisière en Tunisie essaient de se mettre à notre place. Dans ma région, au sud de la Tunisie, les femmes sont nombreuses à travailler dans le maraîchage pour des entreprises européennes ou des multinationales. Elles gagnent à peine 60 euros par mois pour nourrir toute une famille. Je ne parle même pas des pesticides et de leurs problèmes de santé… Comment voulez-vous que, nous, leurs fils, nous ne quittions pas notre pays dans ces conditions ? » Ceci est un témoignage parmi d'autres.

Au lieu de remettre en cause le principe de la libre circulation dans l'espace Schengen, au lieu de nous enfermer dans l'Europe forteresse, soyons à la hauteur des événements historiques en Tunisie et en Libye. Entamons de nouvelles relations entre pays européens et méditerranéens, fondées sur des rapports économiques justes et équilibrés, et une nouvelle politique de circulation entre les deux rives.

Voilà ce qui serait à la hauteur des valeurs de la République française, des valeurs qui sont, il ne faudrait pas l'oublier, des valeurs humanistes, des valeurs de fraternité et d'égalité, des valeurs à l'opposé des politiques stigmatisantes et des propos discriminatoires.

C'est la raison pour laquelle je souhaite faire valoir ici notre devoir de solidarité à l'égard des douze millions de citoyens européens qui sont Roms.

Après avoir subi un génocide durant la Seconde guerre mondiale, génocide dont certains d'entre nous demandent toujours la reconnaissance officielle par l'État français, ces populations se heurtent à de très fortes discriminations.

À l'échelle de l'Europe, la stratégie d'inclusion de ces populations se heurte à la mauvaise volonté des États membres, notamment de la France – souvenons-nous des expulsions honteuses de l'été 2010. Qu'il s'agisse du logement, de la création d'aires d'accueil, de l'accès à l'éducation, c'est à l'État français d'agir pour améliorer la situation sur son territoire.

En ce qui concerne l'emploi, pointons l'hypocrisie du Gouvernement qui limite l'accès au marché du travail de ces citoyens venus de Bulgarie et de Roumanie aux métiers dits en tension. Ces restrictions devraient être levées sans attendre. Pourquoi ces citoyennes et ces citoyens européens seraient-ils traités comme des ressortissants non communautaires ? La France, pays des droits humains, devrait mettre ses principes en application.

Je conclus. En ce qui concerne la lutte contre les discriminations, le soutien aux services publics, le partage de la dette, la lutte contre la spéculation financière, l'organisation de la solidarité, l'adaptation au changement climatique, la France doit faire entendre une voix forte au Conseil européen.

Malheureusement, le Gouvernement stigmatise les pauvres, allège les taxes sur le capital, oublie d'imposer aux banques le plafonnement des rémunérations variables de leurs dirigeants, organise le démantèlement des services publics et des retraites, s'obstine à promouvoir le nucléaire alors qu'il faudrait une prise de position européenne forte pour sortir de cette énergie coûteuse, obsolète et dangereuse.

Pour résister aux crises systémiques que nous traversons, pour nous adapter au changement climatique et à ses conséquences économiques, pour construire un destin commun plus équitable, les vieilles recettes ne fonctionnent pas. Hier, nous avons enfin voté la taxation des transactions financières. Il est plus que temps de la mettre en oeuvre, de combattre efficacement la fraude et les paradis fiscaux, de créer une véritable fiscalité écologique.

Il est plus que temps aussi de tisser des coopérations plus justes avec les pays qui entourent l'Union. L'Europe, comme la France, doit se construire avec plus de solidarité, plus de justice sociale et environnementale, à l'égard de ses membres, comme à l'égard des pays moins favorisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Monsieur le président, messieurs les ministres, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, profondément européen par tradition mais aussi, et surtout, par conviction, je demeure persuadé, en dépit des difficultés auxquelles l'Europe est actuellement confrontée, de la validité et de la signification positive du projet porté par l'Union européenne. Je déplore que certains tirent de la complexité réelle des problèmes auxquels l'Europe doit faire face aujourd'hui la conclusion trop rapide qu'elle ne répond pas, ou plus, à l'intérêt bien compris des nations qui la composent : c'est condamner la fin en visant les moyens.

Néanmoins, il me semble plus que jamais que l'attachement à l'Europe impose la lucidité et, peut-être, la réaffirmation de certains principes fondamentaux. C'est dans cet état d'esprit que je voudrais présenter, au nom du groupe Nouveau Centre et de son président François Sauvadet, quelques observations sur les travaux à venir du Conseil européen et leur environnement politique.

Ma première remarque portera sur la situation économique et les politiques dites de convergence.

Je ne reprendrai pas ici l'analyse détaillée des diverses crises nationales qui, mises ensemble, paraissent remettre en cause aux yeux de beaucoup la crédibilité de la monnaie européenne. Il y a sans doute des critiques à faire sur la manière dont la Banque centrale européenne gère les affaires monétaires, en paraissant négliger, parfois, la nécessité de faire comprendre ses décisions au-delà du cercle restreint des économistes et des milieux d'affaires. Mais on ne saurait rendre l'instrument monétaire seul responsable d'une « décoordination » des politiques économiques dont les causes tiennent bien davantage à un défaut d'esprit de coopération entre États. La lenteur de l'Allemagne à prendre réellement en compte les responsabilités particulières que lui donne sa puissance économique est une réalité. Mais on peut difficilement nier que, face à la crise mondiale récente, elle n'a pas été la seule à faire prévaloir ses intérêts nationaux, d'autant plus qu'elle a fait les efforts nécessaires pour assainir son économie et ses finances publiques.

D'une certaine manière, en se laissant aller à des comportements imprudents, certains États membres se sont rendus autant, sinon davantage, coupables, pour reprendre une expression un peu facile, d'égoïsme national.

Constatons que les contestations, dans de tels cas, visent bien plus les gouvernements que l'Europe. Il me paraît donc primordial de réaffirmer la confiance de l'Union européenne dans la monnaie unique – message qui s'adresse tout autant aux peuples qu'aux marchés, car l'euro est un instrument nécessaire de la cohésion économique de l'Union face à ses grands concurrents internationaux.

Réaffirmer cette confiance implique de renouveler les instruments d'une coordination des politiques économiques et budgétaires des États membres. La nécessité d'un contrepoids politique à l'influence de l'institution autonome qu'est la Banque centrale européenne, la concurrence internationale toujours plus vive, voilà, parmi d'autres, deux arguments qui devraient inciter à surmonter la crise de la coordination des politiques économiques et financières. Des dispositions ont déjà été prises en ce sens dans le document intitulé « pacte de l'euro plus ». Je serais heureux, messieurs les ministres, de connaître l'état de la réflexion du Gouvernement sur ce point.

Le deuxième thème inscrit à l'ordre du jour du Conseil européen est le droit applicable à l'entrée et au séjour des étrangers sur le territoire de l'Union européenne, y compris les règles de police qui lui sont associées. On en vient inévitablement, dès lors, à parler des accords de Schengen.

Ces accords ont plus d'un quart de siècle d'existence. Sans doute est-ce pourquoi on a souvent oublié, aujourd'hui, les termes à la fois juridiques et politiques du débat qu'ils ont suscité au moment de leur publication. On avait beaucoup déploré, dans l'opposition de l'époque, l'atteinte que portaient des accords prétendument techniques à la souveraineté nationale. Avec l'expérience du temps qui a passé depuis, on constate que cette critique n'envisageait pas le véritable problème politique posé par les accords de Schengen.

Tous ceux qui voyagent un tant soit peu sur le territoire des États parties aux accords de Schengen ont pu apprécier la simplification des relations concrètes de pays à pays que peut procurer aux citoyens européens la suppression des frontières intérieures. Cette suppression est un levier incontestable pour la constitution d'un sentiment européen d'appartenance. Grâce à la disparition physique des barrières frontalières, elle a constitué au quotidien le premier espace commun, le premier territoire européen. En cela, elle fut positive.

En même temps, l'application des accords de Schengen a renforcé l'attraction de l'espace économique et social européen ainsi constitué comme un tout aux yeux des populations des pays du Sud. Or la pleine valeur de la procédure instituée en 1985 était impérativement subordonnée à la condition qu'aux frontières extérieures de l'espace Schengen, les modalités de contrôle et d'admission sur le territoire des États membres fussent de niveau équivalant partout. On sait bien que cette condition n'est pas pleinement remplie, ne serait-ce qu'en raison des caractéristiques du territoire européen. À côté de l'île de Lampedusa, point de passage presque obligé de l'immigration tunisienne clandestine, on peut citer les filières afghanes et pakistanaises qui utilisent le passage par les îles grecques de la mer Égée.

La réponse la plus immédiate à ce problème est le renforcement des moyens dont disposent les États aux frontières extérieures de l'Union pour contrôler l'entrée de ressortissants étrangers sur le territoire européen. Des discussions viennent d'avoir lieu en ce sens au niveau du conseil des ministres.

Plus profondément, tout en respectant le principe de subsidiarité, ne pourrait-on pas aboutir à un code de bonne conduite entre États membres, qui consisterait à éviter, dans l'application des politiques nationales de l'admission au séjour, des mesures telles que les régularisations massives qui déséquilibrent la perception de l'attitude de l'Europe à l'égard de l'immigration ?

En outre, ne pourrait-on pas envisager, à l'instar de celles que la France a mises en place de manière bilatérale avec certains pays de forte émigration, des politiques conjointes de développement ? Il est vrai que, pour ce faire, il conviendrait de dynamiser un peu plus qu'elle ne l'est actuellement l'action extérieure commune de l'Union européenne.

Moins considérable par son ampleur, mais hautement symbolique, est le débat inscrit au Conseil européen sur la question des Roms. Il s'agit là, typiquement, d'une problématique nouvelle liée à un double élargissement : l'élargissement, au sens carcéral du terme, des États de l'Europe de l'Est après la chute de l'empire soviétique, et l'élargissement au sens européen du terme, c'est-à-dire l'extension de l'Union européenne à ces nouveaux États.

Ainsi, un problème qui était traité de manière autoritaire et planifiée, non sans abus, par les démocraties populaires est devenu une affaire européenne, mutualisée à l'ensemble de l'Union et susceptible d'être traitée conformément aux droits de l'homme et aux principes insérés dans nos textes communs les mieux établis. L'inadéquation, au regard de ces principes, des méthodes employées par les États d'origine laisse intacte la nécessité d'une attitude politique commune et claire à l'égard des Roms. Quelle sera la ligne défendue par la France au Conseil européen, monsieur le ministre d'État ?

Derrière tous les débats que je viens d'évoquer, il y a évidemment la notion de territoire européen. L'adhésion de la Croatie, dont le processus arrive à une phase cruciale, confirme, s'il en était besoin, la force de cette nation. On ne doit pas sous-estimer les difficultés de tout élargissement. En même temps, il faut bien reconnaître que l'adhésion de la Croatie à un ensemble dont elle partage toutes les valeurs se situe dans la logique du projet européen. Plus que les éventuelles insuffisances du pays candidat, ce sont les défaillances globales de la construction européenne qui sont révélées par les réticences exprimées à l'encontre de cette adhésion. Raison de plus pour souhaiter que le prochain Conseil européen soit l'occasion d'un effort collectif permettant de donner à l'idée vitale de l'Europe la vigueur d'un dynamisme nouveau.

Monsieur le président, je terminerai en regrettant que nous ne soyons pas plus nombreux dans cet hémicycle, sur quelques bancs que ce soit. Ce sujet est aussi important que les questions au Gouvernement, qui donnent parfois lieu à des spectacles que vous déplorez à chaque fois. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, le prochain Conseil européen s'inscrit dans une riche actualité européenne. Bien entendu, il s'agira d'abord du gouvernement économique de l'Europe, dont vous avez, à juste titre, souligné les progrès, monsieur le ministre d'État. Les ressauts des crises des dettes souveraines, répliques sismiques de la grande crise de 2008, ne doivent pas, en effet, faire oublier combien nous avons avancé sur les trois piliers qui fondent désormais nos stratégies économiques communes.

Le premier semestre européen, d'abord, qui s'achèvera bientôt par les recommandations adressées par le Conseil à chaque État membre. La commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale a d'ailleurs, à ce propos, adopté hier une proposition de résolution sur l'avis porté par la Commission européenne sur les programmes français de stabilité et de réforme.

En réponse aux recommandations de la Commission qui semble les mettre en doute, notre résolution a précisé que les prévisions économiques sur lesquelles s'appuie le programme de stabilité de la France sont confortées par les faits, qu'il s'agisse de la croissance, qui a atteint le chiffre exceptionnel de 1 % au premier semestre, ou même des déficits, très inférieurs aux prévisions initiales. Sur le rythme d'assainissement budgétaire, nous défendons une méthode équilibrée, assise sur une maîtrise sans faille de la dépense publique mais respectueuse de la reprise, en écartant en particulier le spectre de hausses d'impôt générales. Sur les réformes, enfin, nous avons tenu à rappeler l'ampleur du chemin accompli, d'ailleurs souligné par la Commission européenne, pour revaloriser le travail, renforcer l'innovation et la recherche, et traiter les défis d'avenir, en particulier les retraites.

Grâce à la définition de priorités communes, encore renforcées par une convergence approfondie et concrète dans le « pacte pour l'euro plus », les politiques budgétaires annoncées par l'ensemble des États tendent à former un tout cohérent. Notre discussion budgétaire de l'automne sera profondément imprégnée de cette dimension européenne. J'y vois un progrès considérable.

En parallèle, la révision de nos règles fondamentales d'encadrement des politiques nationales est en bonne voie, à travers le paquet « gouvernance économique ». Le nouveau pacte de stabilité et de croissance, encore en discussion entre le Conseil et le Parlement européen, doit apporter une réelle crédibilité au gouvernement économique européen. Il est indispensable que le Parlement européen statue rapidement sur les directives. Merci donc de nous préciser, messieurs les ministres, où en sont les discussions entre le Conseil, le Parlement et la Commission européenne sur ce paquet législatif essentiel.

La solidarité européenne, troisième volet du gouvernement économique, continue, quant à elle, de subir l'épreuve du feu à travers la crise des dettes souveraines.

Il faut toutefois, là aussi, mesurer l'ampleur du chemin accompli depuis l'année dernière. Le Conseil européen s'apprête à pérenniser un mécanisme de stabilité financière doté de moyens exceptionnels. Surtout, les modalités de l'aide européenne prennent une forme de plus en plus aboutie, dont la cohérence constitue la meilleure garantie du succès.

Un test majeur est, bien sûr, notre capacité à relever ensemble le défi actuel de la crise de la dette grecque. Nous sommes, ne le cachons pas, dans une situation grave, qui constitue une menace directe pour l'euro. J'ai pu mesurer moi-même très directement, en passant deux jours à Berlin la semaine dernière, combien le débat politique en Allemagne était difficile pour la Chancelière Merkel au sein même de sa majorité.

S'agissant de la question centrale de la participation des créanciers privés, il me paraît essentiel d'en rester à l'initiative dite de Vienne, consistant à proposer aux créanciers de reprendre, lorsque leurs titres arrivent à échéance, des titres de même maturité. Il faut maintenir le principe d'un engagement volontaire des créanciers. Je sais que c'est d'ailleurs la position de la France, contrairement à ce qu'indiquait M. Moscovici tout à l'heure. À défaut, le risque de défaillances en dominos serait réel et très lourd de conséquences. Merci, là aussi, de nous préciser où en sont les discussions avec nos partenaires au sein de l'Écofin et de l'Eurogroupe.

Le Conseil devrait également désigner le successeur de Jean-Claude Trichet à la tête de la BCE. Je me réjouis que le candidat soutenu par la France, Mario Draghi, s'inscrive pleinement dans la ligne du travail remarquable effectué depuis 2003 par notre compatriote.

J'en viens à la politique européenne en matière de libre circulation des personnes, d'immigration et d'asile, qui constituera un autre point important du prochain Conseil.

Il faut, à cet égard, rappeler l'importance des réalisations concrètes de l'espace Schengen. Il ne s'agit nullement pour nous, bien entendu, de remettre en cause cet acquis fondamental mais, bien au contraire, de le renforcer en améliorant son fonctionnement et non pas en nationalisant les frontières, comme M. Moscovici l'a dit dans une caricature excessive. Avec l'accord des Vingt-sept, nous avons amélioré le fonctionnement de la gestion des crises migratoires et de l'approfondissement de la solidarité européenne pour le contrôle des frontières extérieures. Je sais que le Président de la République et le Gouvernement sont pleinement sur cette ligne d'un vrai système européen d'inspection des gardes-frontières, et même d'aide en douaniers et policiers à la Roumanie, à la Bulgarie et à la Grèce.

Je terminerai en faisant écho directement à différents travaux de notre commission à propos de trois priorités majeures.

D'abord, sur la politique industrielle de l'Europe, il faut progresser, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Ensuite, s'agissant de la mise en oeuvre au niveau européen du principe de réciprocité à l'égard de nos partenaires commerciaux, là encore, il reste beaucoup de chemin à faire du côté de la Commission. Le débat sur l'avenir de la PAC devra notamment prendre en compte cette exigence de réciprocité.

Enfin, vous avez parlé, monsieur le ministre d'État, de la mise en place d'une nouvelle politique de l'Europe pour la Méditerranée à la hauteur des aspirations des peuples et des exigences de la démocratie, passant par la refonte de l'Union pour la Méditerranée mais aussi par des aides économiques ambitieuses assorties de conditions de progrès démocratiques répondant aux besoins et à l'opportunité historique qui nous est offerte collectivement.

À l'occasion de ce prochain Conseil européen, je formule le voeu que l'Europe continue d'avancer en dépit de la situation difficile qu'elle traverse actuellement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

(Mme Élisabeth Guigou remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil européen fixera notamment des orientations pour renforcer l'efficacité de la politique européenne en matière de migration. Cet ordre du jour me paraît bienvenu alors que l'afflux d'immigrants observé ces derniers mois a révélé les failles du système Schengen dans les situations d'urgence. Compte tenu du temps qui m'est imparti, je consacrerai mon propos à ce sujet qui constitue un problème majeur, sauf à voir l'Europe se déliter petit à petit.

Ce sont 43 000 migrants, et non pas 25 000, qui ont débarqué sur les côtes italiennes depuis le début de l'année, dont 23 000 en provenance de Tunisie et 17 000 en provenance de Libye. La situation est en cours de stabilisation s'agissant du premier flux, qui avait pour cause principale la décomposition de la police tunisienne dans les mois qui ont suivi la chute de Ben Ali.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

L'aide annoncée au G 8 devrait permettre aux autorités tunisiennes de rétablir les équilibres financiers en attendant que des réformes structurelles engendrent une nouvelle croissance, soutenue par le partenariat euroméditerranéen.

Vis-à-vis de la Libye, nous sommes confrontés à une situation inédite : le régime de Kadhafi, aux abois, se sert de l'immigration comme d'une arme, l'armée et la police libyennes organisant des départs d'émigrants terrorisés par les combats. Selon les témoignages recueillis, les militaires libyens vont jusqu'à s'assurer que les migrants n'ont aucun papier avant de les faire embarquer dans des bateaux dont la résistance à la mer est souvent plus que douteuse.

Ces difficultés apparaissent à un moment particulier, celui du formidable mouvement de révolte populaire dans les pays arabes, que l'Union européenne appuie par des moyens qu'elle est en train de réorienter ou de construire. La nouvelle stratégie méditerranéenne de l'Union européenne consiste à créer un partenariat pour la démocratie et une prospérité partagée avec le sud de la Méditerranée. Le moteur d'un tel partenariat est une relation franche, sur un pied d'égalité, pour construire ensemble un espace partagé bénéfique à tous.

Notre message doit être sans ambiguïté. Les pays de l'Union européenne traversent une crise économique et financière hors du commun et ne sont pas en situation d'absorber des flux d'immigrants massifs. Cela n'exclut pas, en revanche, une politique de migration bien ciblée, strictement encadrée, en complément des investissements et des avancées dans l'intégration économique.

Ce discours de vérité, nous devons aussi le tenir afin de dissiper les inquiétudes parmi les Européens, face à des vagues d'immigration qui seraient incontrôlées. Il serait désolant que la révolution arabe soit perçue comme une menace alors qu'elle constitue une chance et une opportunité pour tous. Il s'agit, pour les Européens, de contrôler les frontières extérieures de l'Union, mais aussi de disposer d'une gouvernance qui garantisse la libre circulation. Or, pour le moment, la communication de la Commission en date du 4 mai est certes utile, mais le moins que l'on puisse dire est qu'elle manque de précision.

Maîtriser les frontières extérieures, c'est d'abord les fixer. L'intégration dans l'espace Schengen de nouveaux États est souhaitable, à condition que leur gestion des frontières soit opérationnelle. La proposition des Pays-Bas d'une période de probation avant la suppression des contrôles aux frontières intérieures avec la Roumanie et la Bulgarie me paraît, à cet égard, de bon sens. Il conviendrait aussi qu'un accord de réadmission avec la Turquie soit conclu afin de soulager la Grèce, qui connaît bien d'autres difficultés.

D'un point de vue opérationnel, une augmentation des moyens et des capacités de Frontex et la création d'un corps européen d'inspecteurs sont bien évidemment requis.

Le second volet sur lequel des décisions fortes sont attendues est celui de la réforme de la gouvernance de Schengen. La plupart des mesures envisagées par la Commission européenne ne souffrent aucune critique. Il s'agit d'améliorer la transparence des informations entre les États, afin qu'il soit rapidement possible de vérifier qu'ils agissent conformément à l'esprit et à la lettre des règles.

Les procédures de délivrance des titres doivent être rigoureusement encadrées et harmonisées. Il est heureux, à cet égard, qu'un régime commun d'asile européen puisse être défini à l'horizon 2012. Toutefois, il conviendra d'examiner avec une extrême vigilance toute dérogation au principe selon lequel un migrant doit voir sa demande traitée par l'État dans lequel il est arrivé.

En revanche, la position de la Commission européenne à propos de la clause de sauvegarde est encore beaucoup trop timide. Certes, la Commission a admis le principe qu'une telle clause soit introduite afin que les États puissent temporairement rétablir les contrôles à leurs frontières intérieures en cas de situation exceptionnelle ou de déficience à un point des frontières extérieures. Une définition très précise des conditions d'activation de la clause et du niveau de décision requis est impérative, mais demeure pour l'instant en suspens.

Pour ma part, je tiens à féliciter le Gouvernement pour les décisions qu'il a prises lorsque l'Italie a commencé de délivrer des laissez-passer pour l'espace Schengen, mais je l'invite à ne pas reculer d'un pouce. En cas de crise aux frontières extérieures, si la gouvernance ne fonctionne pas, il est normal que les États, et la France en l'occurrence, puissent décider de faire respecter ni plus ni moins les règles d'admission sur leur sol.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Nous ne devons pas hésiter à tenir ce discours de fermeté. La réforme de la gouvernance Schengen est une condition du succès de la libre circulation. Elle est aussi un complément nécessaire à ce nouveau partenariat que nous sommes en train de bâtir avec les nouvelles démocraties arabes. Elle est enfin une condition pour que nos concitoyens adhèrent à nouveau au projet d'une Europe mieux intégrée et plus protectrice. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Madame la présidente, je répondrai brièvement aux questions qui ont été soulevées par les différents orateurs.

Monsieur Moscovici, vous qui avez exercé les fonctions de ministre chargé des affaires européennes, qu'avez-vous fait de l'Europe ?

Quand vous avez géré l'Europe, vous avez légué à nos institutions européennes ce remarquable traité de Nice qui, sauf erreur de me part, ne constituait pas le meilleur équilibre institutionnel permettant à l'Europe d'être en état de marche.

La première tâche de l'actuel Président de la République quand il est arrivé au pouvoir fut de remettre l'Europe en état de marche…

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

…et de lui donner des règles de fonctionnement adéquates. Ce fut le traité de Lisbonne.

La deuxième avancée a concerné l'euro. Tous les efforts sont déployés depuis deux ans maintenant pour sauver la monnaie unique dans cette tourmente. Nous aurions apprécié avoir votre soutien en la matière, la monnaie unique étant l'un des grands acquis de la construction communautaire. Elle ne doit pas être sous-estimée parce que c'est un puissant levier pour nous permettre de renforcer l'intégration européenne et j'avais cru comprendre que cela faisait partie de vos convictions personnelles.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Quelles initiatives françaises ont permis de faire bouger les lignes en matière européenne, souvent d'ailleurs sur des sujets que vous demandiez depuis des années qu'on traite, en vain, et sur lesquels vous n'êtes jamais parvenus à la moindre avancée ni la moindre percée sur la scène européenne ?

Monsieur Moscovici, vous plaidiez depuis des années pour le gouvernement économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Quel est l'objet de ce débat ? C'est un débat politique ou un compte rendu du Gouvernement à l'Assemblée ?

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

À l'époque où vous l'aviez mis en avant, ce sujet a toujours fait l'objet d'un refus. C'est la première fois que ce dossier est évoqué au sein des institutions européennes.

Vous avez parlé également de convergence fiscale. C'est la première fois également que nous parvenons à une avancée en la matière. Lors du prochain Conseil, nous discuterons de l'harmonisation de la fiscalité européenne.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Je pourrais parler également de la relance du marché intérieur, point sur lequel vous avez tenté vainement de parvenir à des avancées…

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

…ou encore de la réciprocité afin d'avoir une politique commerciale plus équilibrée au niveau européen.

Il n'y avait eu aucune avancée sur les services publics depuis des années, aucune avancée sur les services d'intérêt généraux européens. Ces sujets reviennent à l'agenda communautaire, grâce aux initiatives qui ont été soutenues par la France, le Président de la République, le Gouvernement de François Fillon et Alain Juppé. Nous devrions être capables de nous entendre en la matière.

Oui, la France a été, dans ces périodes de crise que nous avons connues, la seule véritable force de proposition concrète pour que la réponse passe par une relance européenne.

Je n'ai trouvé aucune ligne, aucune ambition, aucune proposition concrète dans le projet socialiste sur les questions européennes.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Monsieur Moscovici, ce n'est pas parce qu'on a perdu son mentor que l'on doit perdre ses repères européens. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Chassez le naturel, il revient au galop ! Il faut toujours que vous dérapiez !

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

J'en viens maintenant aux interventions de M. Calméjane et de M. Poniatowski.

Oui, les flux de migrants sont un vrai sujet de préoccupation. En cinq mois, il y a eu environ 45 000 arrivants sur l'île de Lampedusa, ce qui représente une augmentation potentielle de l'immigration illégale en France de 25 %. Qui peut considérer ici que ce n'est pas un sujet de préoccupation ? Qui peut considérer que nous n'aurions pas dû le traiter ? Qui peut considérer qu'il ne représente pas potentiellement une déstabilisation de nos équilibres sociaux et économiques ? J'ai entendu un certain nombre de voix – à cet égard, je remercie M. Poniatowski pour son intervention – dire qu'il aurait fallu procéder à des régulations, à des flux de régularisations massifs. Le Président de la République et le Gouvernement n'ont voulu à aucun moment ce type d'approche.

Nous avons souhaité régler le plus rapidement possible les difficultés de compréhension avec le gouvernement italien. Oui, l'Italie pouvait parfaitement délivrer des titres de séjour. Non, ces titres ne signifiaient pas que l'Europe allait se transformer en une aire de libre circulation de l'immigration illégale. Nous avons réussi à trouver un terrain d'entente qui a permis à la France et à l'Italie de parler d'une même voix. Mais il est évident que la France appelle de ses voeux une relance européenne de la politique d'immigration et de protection de nos frontières, ce qui se traduit par plusieurs éléments assez simples.

D'abord, il nous faut renforcer le pilotage politique de nos frontières. Les frontières étant communes, elles doivent être défendues de façon commune. Cela passe par un renforcement des capacités opérationnelles de Frontex. La semaine dernière, nous avons rencontré, en Pologne, les agents de Frontex pour voir quels étaient leurs principaux besoins en termes d'efficacité.

Ensuite, monsieur Poniatowski, et c'est presque une métaphore de La Fontaine, si nous nous reposons sur une seule ligne de défense, si nous jouons le chêne dans la tempête, nous risquons de plier, d'être écrasés, d'être incapables de faire face à des crises comme celle qu'a connue l'Italie. Dans de tels cas, il faut prévoir une souplesse, afin que les États voisins de celui qui est soumis à une pression migratoire puissent rétablir temporairement leurs frontières. Il n'y a aucune ambiguïté de notre part : la solution est européenne, l'approche passe par une relance européenne. Mais cela n'exclut pas, de la même manière que pour l'euro, de prévoir ce que nous faisons en cas de crise. On ne peut pas avoir de mécanisme européen qui n'incorpore pas la gestion en cas de crise et les réactions que nous devons opposer en cas de difficultés.

Madame Poursinoff, vous avez appelé notre attention sur la dette. Un pays doit rembourser ses dettes parce qu'elles viennent souvent de l'épargne des petits épargnants.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Dans le cas de la Grèce, ce ne sont pas seulement les marchés financiers qui ont prêté. Bien souvent, l'épargne qui a été placée, notamment en fonds grecs, vient par exemple du Crédit agricole ou de différentes banques. Si restructuration signifiait non-remboursement des dettes, c'est tout l'équilibre économique de la zone euro qui serait compromis.

S'agissant des frontières sud, nous avons une vraie divergence d'approche avec vous, d'ailleurs partagée par les Tunisiens. Aider les pays de la rive sud de la Méditerranée consiste-t-il à accueillir des flux massifs d'immigration ? Sûrement pas ! Cela n'aurait aucun sens.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Est-il justifié d'accueillir des personnes au motif qu'elles sont soumises à des persécutions politiques au moment où la Tunisie s'ouvre à la démocratie, où elle construit son avenir ? Le gouvernement tunisien nous dit avoir besoin de notre aide et de notre accompagnement en matière de projets de développement communs. Par exemple, Alain Juppé a plaidé pour développer des projets solaires ou encore l'Office méditerranéen de la jeunesse. En revanche, ils considèrent qu'on ne les aide pas en accueillant les forces vives de la Tunisie car on la vide de sa substance. L'Europe n'a donc pas à ouvrir ses portes au moment où l'avenir se construit en Tunisie. Au contraire, il faut montrer que l'avenir de la Tunisie peut se construire là-bas.

J'en viens à l'énergie nucléaire. De très nombreux pays européens, à l'exception de l'Allemagne et de l'Italie, continuent à faire le choix de cette énergie. C'est le cas de la république tchèque, de la Slovaquie, de la Pologne, de la Finlande, du Royaume-Uni. Sur ce sujet, l'approche européenne est très simple et très claire. D'abord, le choix énergétique relève de la politique de chaque État. Ensuite, l'Europe se bat pour faire en sorte que nous ayons les meilleures normes en matière de sûreté nucléaire à l'échelle européenne, afin de montrer que cette énergie peut être utilisée en toute sécurité.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Sur ce sujet, qui a fait très souvent l'objet, dans ce pays, d'un consensus politique depuis la seconde guerre mondiale, nous devons nous garder des réactions excessives et de ces approches démagogiques qui ont fait suite au terrible accident qui a frappé le Japon.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Sortir du nucléaire peut signifier faire le choix d'énergies qui seront beaucoup plus néfastes en matière de réchauffement climatique. Sortir du nucléaire, comme le montre l'ensemble des études réalisées par les économistes, se traduirait par un surcoût du prix de l'électricité de près de 80 % pour les ménages.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

On sait qu'un ménage qui se chauffe à l'électricité paye une facture d'environ 1 400 euros par an. Sortir du nucléaire signifie que vous êtes prêts à demander à ce ménage de doubler sa facture énergétique.

Enfin, ce serait une perte de compétitivité pour nos entreprises qui pourrait se traduire par des destructions d'emplois qui sont particulièrement néfastes pour notre tissu économique et notre économie nationale.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Monsieur Rochebloine, je veux vous remercier pour le témoignage profondément européen que vous avez apporté. Je crois que nous en avons besoin.

Bien évidemment, comme vous l'avez dit, il ne faut pas confondre les difficultés auxquelles l'Europe est confrontée avec le fait que notre avenir reste profondément européen. De ce point de vue, le pacte pour l'euro plus représente le premier embryon d'un gouvernement économique européen pour lequel vous aviez plaidé. Recherche, innovation, politique industrielle, investissement dans les infrastructures : telles sont les propositions qui ont été avancées par la France. Nous veillerons et nous aurons besoin de veiller collectivement sur le fait que ce pacte, cette première esquisse d'un gouvernement économique ne soit pas affadis, qu'elle ne soit pas diluée dans la « stratégie 20-20 ». Cela doit devenir une vraie vision sur laquelle les États membres s'engagent. Ces engagements, qui doivent être précis et chiffrés, nous permettront d'améliorer la convergence entre les États membres.

J'en viens à l'intervention de M. Lequiller qui a insisté sue le pilotage économique et la crise de l'euro. Le paquet législatif sur la gouvernance sera examiné par le Conseil Ecofin du 20 juin, après la réunion informelle qui a eu lieu hier. Les textes devraient être inscrits à l'ordre du jour de la mini-session plénière des 22 et 23 juin.

Sur le fond, les discussions portent sur trois points principaux. Premièrement, quels équilibres sont possibles, notamment sur les cadres budgétaires nationaux, dans le respect des règles constitutionnelles de chaque État membre ?

Deuxième point : en ce qui concerne la majorité qualifiée inversée, quel équilibre trouver entre les pouvoirs de la Commission et ceux du Conseil ? Cette question fait l'objet de discussions dans le cadre du trilogue avec le Parlement européen.

Comment, enfin, associer le Parlement européen en matière d'information, de dialogue économique, dans le respect de la souveraineté de chaque État membre ?

Ces sujets sont importants, surtout dans le contexte de la crise grecque, point sur lequel je terminerai mon intervention.

Les modalités d'intervention du secteur privé sont encore en discussion. Nous souhaitons un renouvellement à maturité et sur une base strictement volontaire des principaux créanciers. Néanmoins, une restructuration qui signifierait le non-remboursement par un pays européen de ses dettes est hors de question dans la mesure où un tel « événement de crédit » provoquerait des réactions en chaîne incontrôlables non seulement pour les banques, mais pour l'ensemble de l'économie de la zone euro.

Ces questions nécessitent du sang-froid et doivent être examinées dans le sens de l'intérêt général européen. La France peut se féliciter d'avoir été systématiquement à l'avant-garde des réponses qu'il fallait apporter sans jamais se départir du sens de l'intérêt communautaire. Cette dimension devrait transcender les oppositions entre les différents groupes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 (nos 3459, 3513).

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement, en commençant par la première partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives à l'exercice 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 1 , portant article additionnel avant l'article 1er, présenté par la commission ainsi que par M. Alain Joyandet.

La parole est à M. Alain Joyandet.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Il s'agit de donner un nom générique à la prime, que nous proposons de baptiser « prime de partage des profits », même si le terme de « profits » a fait l'objet d'une discussion en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

La commission a voté cet amendement. M. Joyandet a fait allusion à la discussion suscitée par la dénomination finalement retenue. J'ai en effet fait valoir que le mot « profits », s'il s'appliquait aux grandes entreprises du CAC 40, pouvait plus difficilement être employé pour les PME où l'on parle de résultats, de bénéfices, de rémunérations du dirigeant. J'avais par conséquent émis quelques réserves mais la commission a donné un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, pour donner l'avis du Gouvernement.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Dans la mesure où le Gouvernement avait les mêmes réserves que le rapporteur et où il comprend très bien la philosophie d'Alain Joyandet, il s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Sans me prononcer sur l'opportunité de le voter, je note que cet amendement a le mérite de nous sortir du faux débat initial. Le ministre, en commission, et hier encore en séance, parlait de partage de la valeur ajoutée.

La valeur ajoutée se partage entre les salaires et l'excédent brut d'exploitation. Or le texte se situe au stade suivant, à savoir au moment non du partage de la valeur ajoutée mais de celui du profit. Actuellement 57 % de l'excédent brut d'exploitation est destiné à l'investissement, 36 % au capital et 7 % seulement aux salariés. Vous proposez de modifier cette répartition – de façon d'ailleurs exceptionnelle – pour les entreprises qui utilisent leurs profits pour verser à leurs actionnaires des dividendes en hausse par rapport à l'exercice précédent.

Nous considérons, pour notre part, que le partage de la valeur ajoutée doit davantage bénéficier aux salaires. Le pouvoir d'achat des travailleurs au sein de l'entreprise, c'est le salaire. Ainsi, nous ne traitons pas la question de la même façon que vous qui privilégiez le versement d'une prime exceptionnelle à certains salariés dans certaines entreprises.

La démonstration a été faite hier, reprise par la presse cet après-midi, qu'au bout du compte, votre loterie – puisque c'est bien de cela qu'il s'agit – ne concernera, qu'un nombre fort restreint de salariés qui toucheront une prime des plus réduites de façon exceptionnelle, au sein d'entreprises déjà florissantes et bénéficiant, on relèvera le paradoxe, d'une niche sociale.

(L'amendement n° 1 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Jean Mallot, pour soutenir l'amendement n° 85 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Cet amendement est le premier d'une très courte série visant à montrer la différence d'approches entre l'opposition et le Gouvernement en matière de pouvoir d'achat des salariés, de répartition de la valeur ajoutée et, à la suite des négociations annuelles obligatoires dans les entreprises, de répartition du profit puisque ce dernier est inclus dans la valeur ajoutée.

Tous les salariés doivent être concernés par la réforme puisque la bonne santé économique de la France découle largement du pouvoir d'achat de l'ensemble des citoyens qui y vivent et notamment des salariés. Cet amendement vise à encourager toute entreprise à prévoir un accord salarial d'entreprise ou un accord salarial de branche de moins de deux ans, quitte à la pénaliser si elle n'y consent pas. Il s'agit par conséquent de conditionner la réduction des cotisations de sécurité sociale – les fameuses niches sociales dont elles bénéficient, je pense en particulier aux allègements Fillon – à l'existence de tels accords salariaux.

C'est de cette façon que nous pourrons amener les entreprises à ne pas gagner sur les deux tableaux : ne pas accorder d'augmentation salariale tout en bénéficiant des niches sociales en question. Aussi la réduction de l'allègement des cotisations sociales pourrait-elle atteindre 25 % – c'est ce que retient l'amendement – ou 30 %, le taux est modulable. Reste que l'on doit soumettre l'entreprise à une sorte de pression, à une condition pour qu'elle bénéficie de cette réduction de cotisations sociales patronales, cette condition étant, j'y insiste, l'existence d'un accord salarial ou d'un accord de branche de moins de deux ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

La commission a rejeté cet amendement. On peut conditionner un avantage fiscal ou social à l'ouverture d'une négociation. C'est d'ailleurs ce que le parti socialiste n'a jamais fait, et que la majorité a fait pour la première fois, en réduisant les allégements de charges sociales pour les entreprises qui n'engagent pas la négociation annuelle obligatoire sur les salaires. Par contre, on ne peut pas conditionner un tel avantage financier à la conclusion d'un accord. Cela reviendrait à biaiser complètement la négociation. Elle serait totalement déséquilibrée, et il y alors de fortes chances pour qu'il n'y ait jamais accord. Cela aurait pour conséquence de faire sauter ces allégements.

Je rappelle que ces allégements ont un effet sur l'emploi. Il y a une sorte de consensus – je vous renvoie sur ce point au rapport que j'avais commis avec Gérard Bapt en 2008 – pour dire que ces allégements ont permis de créer ou de maintenir environ 700 000 emplois, souvent peu qualifiés.

Avis défavorable, donc.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Cet amendement propose une méthode pour répondre à une question qui est parmi les plus complexes qui se posent aux gouvernants. Il s'agit de savoir comment on peut s'y prendre, dans une économie ouverte, lorsque l'on souhaite voir les salaires augmenter mais que l'on ne veut pas pour autant adopter une méthode qui s'inspire de la Corée du Nord ou de systèmes relevant de l'économie administrée.

Naturellement, la seule réponse possible, c'est que le Gouvernement prenne des dispositions visant à inciter à la négociation. Vous pouvez partager ce point de vue, monsieur le rapporteur, mais vous vous arrêtez à ce stade. Selon nous, il ne suffit pas d'inciter à la négociation. Encore faut-il inciter à une négociation qui aboutisse. C'est l'idée – que nous proposons dans notre projet – d'une conférence annuelle tripartite sur les salaires. Pourquoi tripartite ? Parce que, par rapport aux objectifs des entreprises, il est des considérations qui ne relèvent pas uniquement de la décision des partenaires sociaux. On peut mettre dans le bloc de la négociation des questions fiscales, par exemple, de manière à pouvoir favoriser un accord. On peut imaginer un bonus pour les entreprises qui aboutissent à un accord, peut-être un malus pour celles qui n'aboutissent pas. C'est la seule méthode.

J'observe que jusqu'à présent, vous préférez être spectateurs et en rester à une simple obligation de moyens. Vous n'êtes pas en mesure de proposer un dispositif qui, sans garantir un résultat, s'efforce néanmoins de produire les mêmes effets qu'une obligation de résultats. C'est une différence assez fondamentale entre votre politique et notre projet.

(L'amendement n° 85 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 86 .

La parole est à M. Alain Vidalies.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Cet amendement propose, très concrètement, l'organisation d'une conférence salariale. Il y a naturellement un lien entre l'amendement précédent, qui proposait d'instaurer la conditionnalité – qui est un principe –, et cette proposition de conférence annuelle sur les salaires.

Il s'agit, bien sûr, d'une conférence qui se tiendrait au niveau national. Notre idée, c'est que de cette conférence sortent un certain nombre d'orientations en matière de salaires. Est-ce nécessaire ? Est-ce urgent ? Bien sûr que oui, et encore plus aujourd'hui. Car – et je le dis sans vous faire de procès d'intention – même si vous avez souhaité qu'il y ait une revalorisation des grilles salariales, le constat est là : hier encore, on a vu que des millions de salariés sont régis par des conventions collectives dont le premier stade est inférieur au SMIC – ils touchent le SMIC parce que c'est une obligation légale. Il y a là un constat de faillite de la négociation contractuelle.

L'obligation annuelle de négociation dans les entreprises est donc un outil dont le résultat n'est absolument pas satisfaisant.

Cela étant, tout dépend de l'objectif recherché. Car derrière ce débat, il y en a un autre, qui est économique. On le sait bien, et le Premier ministre le rappelle souvent, vous ne croyez pas que l'on doive rechercher la croissance à travers une évolution de la consommation. Vous êtes partisans d'essayer de retrouver de la croissance uniquement à travers l'investissement. À partir du moment où la relance par la consommation n'est pas, à vos yeux, un objectif, il est naturel que vous n'adhériez pas à notre démarche. Il y a, là aussi, une différence tout à fait fondamentale entre nous. Nous pensons que la croissance est le résultat à la fois de l'investissement et de la consommation, et qu'il n'y a aucune raison que notre économie continue à marcher sur une seule jambe. Nous proposons à la fois un objectif économique, un objectif social, et une méthode.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

La commission a repoussé cet amendement, comme d'ailleurs l'amendement n° 87 .

Je ne m'étendrai pas sur la rédaction de ces deux amendements, ni sur l'opportunité d'introduire dans la loi les termes de « parachute doré » ou de « stock-option ». Il s'agit, de toute évidence, d'un manifeste politique, plus que d'un véritable amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous sommes en train d'examiner l'amendement n° 86 .

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Si vous le permettez, mes chers collègues, je souhaite donner l'avis de la commission sur les deux amendements, nos 86 et 87 .

S'agissant du programme du parti socialiste, puisqu'il s'agit bien de cela, laissez-moi vous rappeler deux ou trois faits.

Pour ce qui est du partage de la valeur ajoutée entre les salaires et les entreprises, la part des salaires a baissé de 74 % à 65 % entre 1982 et 1988 – qui était au pouvoir de 1981 à 1986 ? –, avant de connaître des fluctuations plus limitées. Depuis 2007, on observe un net redressement du ratio : il a augmenté de deux points, passant de 64,4 % à 66,4 % entre 2007 et 2009.

D'ailleurs, le pouvoir d'achat des ménages a constamment augmenté ces dernières années, même en 2009, puisque l'INSEE indique une augmentation de 1,6 %.

Pour ce qui est des écarts de salaires et de revenus, la fameuse étude de Camille Landais, qui date de 2006, a mis en lumière la forte croissance des très hauts revenus dans les années 1998-2005. C'est dans cette période que les revenus déclarés ont augmenté de 43 % chez le dix millième des foyers fiscaux les plus favorisés, de 32 % chez le millième le plus favorisé, et de 19 % chez les 1 % les plus favorisés, quand l'augmentation a été seulement de 5 % pour l'ensemble des contribuables. Qui était aux affaires dans une grande partie de cette période, entre 1997 et 2002 ?

Pour ce qui est des stock-options et des parachutes dorés, je rappelle que j'ai été à l'origine de la taxation de ces deux dispositifs. Avec le rapport que j'avais commis sur les exonérations de charges sociales, j'ai été aussi à l'origine du concept de forfait social, qui a été mis en oeuvre par le Gouvernement. Il faudrait donc rendre à César ce qui appartient à César.

De même, s'agissant du dialogue social, que vous invoquez en permanence, je rappelle tout de même que c'est notre majorité qui, à l'initiative de Gérard Larcher, a posé le principe de la concertation et de la négociation préalable avec les partenaires sociaux. Je ne pense pas que vous puissiez en dire autant en ce qui concerne l'action que vous avez menée avant 2002, quand vous étiez au pouvoir.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Avis défavorable. J'irai même plus loin : on va rendre à César ce qui appartient à Laurent Fabius. Sur les stock-options, nous avons mis en place un forfait. Il faut savoir que celui qui, en tant que ministre de l'économie et des finances, a allégé la fiscalité sur les stock-options s'appelle Laurent Fabius. Alors, je ne sais pas quel est votre candidat et qui vous soutenez, mais enfin, les leçons que vous donnez en permanence, ça commence à bien faire. Ceux qui ont allégé la fiscalité sur les stock-options, ce sont les socialistes. Comment expliquer ces errements ? Je n'en sais rien. Il reste que c'est la réalité.

Deuxième point, sur la conférence annuelle, je ne sais pas si c'est de la naïveté de votre part ou si c'est un effet d'affichage. Entre les deux, sincèrement, j'hésite. Parce que penser qu'une conférence nationale permettrait d'augmenter les salaires de tous les Français, soit c'est de la naïveté, soit c'est du mensonge. Vous m'expliquerez pourquoi et comment seraient décidés dans une grande conférence nationale des salaires dont vous pourriez prévoir l'augmentation dans la métallurgie comme dans la grande distribution. Vous pensez sincèrement que ces branches-là se ressemblent ? Et la chimie par rapport au bâtiment ?

Tout se discute dans les branches et dans les entreprises. Et vous savez quoi ? Cela fait bien longtemps que vous n'avez pas discuté avec les partenaires sociaux. Cela fait bien longtemps que vous n'avez pas pratiqué le dialogue social. Autrement, vous n'auriez pas proposé un tel amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Je réponds d'abord à M. le rapporteur. Les Français qui nous écoutent auront sans doute été heureux d'apprendre que leur pouvoir d'achat s'améliore !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Comment pouvez-vous soutenir que la question du pouvoir d'achat ne se pose pas ? Lorsque les salaires augmentent de 1 ou 1,5 %, dans le meilleur des cas, les dépenses contraintes – c'est-à-dire l'électricité, le gaz, les assurances, les mutuelles – augmentent, elles, au minimum de 5 ou 10 %. De plus en plus de Français qui vont tous les matins au travail ne comprennent pas que l'on ne puisse pas vivre normalement de son travail, à cause de l'évolution des dépenses contraintes. C'est une situation que vous connaissez parfaitement, puisque vous devez rencontrer ces mêmes gens dans vos circonscriptions. Ils méritent une autre réponse que celle qui consiste à annoncer urbi et orbi que, tout compte fait, leur pouvoir d'achat s'améliore.

Deuxièmement, monsieur le ministre, je pense qu'au lendemain du chèque de deux milliards que vous avez signé pour les plus privilégiés, à travers une pseudo-réforme fiscale relative au bouclier fiscal que vous avez si longtemps défendu, vous devriez être un peu plus modeste sur la question de la justice fiscale. Nous avons, là aussi, des propositions, notamment la fusion entre l'impôt sur le revenu et la CSG.

Si vous dites que l'idée d'une conférence salariale relève de la naïveté ou de la communication, c'est parce que, en fait, vous ne voulez pas que l'on discute de l'augmentation des salaires. Cela ne vous intéresse pas que cette discussion ait lieu. Ce serait pourtant un grand débat public, qui concernerait l'ensemble des Français. Nous n'attendons pas qu'il en sorte un chiffre d'augmentation des salaires. L'idée est qu'il en sorte des orientations. Nous voulons une meilleure répartition de la richesse, et nous choisissons pour cela le dialogue social. C'est précisément ce que vous ne faites pas, et depuis tant d'années.

(L'amendement n° 86 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 87 .

La parole est à M. Michel Issindou.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Le ministre nous dit que nous n'allons pas souvent dans les entreprises, mais lui, il n'a pas l'air non plus d'aller souvent sur le terrain.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je vous souhaite d'y aller aussi souvent que moi !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Le pouvoir d'achat, cela se mesure aussi sur le terrain, et nous avons parfois l'impression de ne pas vivre dans le même pays. Si l'on ne voit pas la baisse du pouvoir d'achat due à l'augmentation des dépenses contraintes, c'est qu'on ne veut pas la voir !

Avec cet amendement, nous vous proposons de faire un geste significatif pour réduire les écarts de rémunération entre les plus riches et les plus pauvres dans l'entreprise. Nous proposons, bien sûr, de le faire dans les entreprises publiques, en plafonnant l'écart des salaires de un à vingt, ce qui est tout à fait acceptable, convenons-en. Dans les entreprises privées, nous proposons de faire de même.

Par ailleurs, M. Bur nous dit avoir courageusement instauré des prélèvements sur les stock-options. Nous lui en donnons acte, puisque, en effet, il se bat courageusement, depuis des années, au sein de la commission des affaires sociales. C'est ainsi que, au rythme de 2 % par an, on a fini par arriver à un certain pourcentage, qui est cependant très loin du prélèvement sur les salaires. Ce que nous demandons, c'est que ces rémunérations diverses et variées que sont les parachutes dorés, les stock-options et les bonus, soient tout simplement taxées comme de vrais salaires. Ce serait un geste bénéfique pour nos comptes sociaux. Il faudrait en arriver là.

Voilà des mesures qui seraient de nature à renforcer le pouvoir d'achat, parce que si un patron veut augmenter son salaire, il sera obligé d'augmenter celui de ses salariés.

Tout cela nous semble de bon aloi pour atteindre l'objectif que vous poursuivez. Cela serait plus efficace, à notre sens, que cette prime de 1 000 euros.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

En 2010, les patrons du CAC40 ont augmenté leurs rémunérations de 24 %. C'est une réalité. Peut-on rester sans réagir ? Peut-on continuer à tenir des discours tels que ceux que l'on trouve dans l'exposé des motifs de ce projet de loi, lequel prétend que la fameuse prime proposée par l'article 1er produirait des ressources pour les finances publiques ? Oui, elle en produit : CSG, CRDS, forfait social. Mais cela n'est rien par rapport à ce qu'elle devrait produire en termes de cotisations sociales, patronales et salariales. Cette imposture est absolument insupportable.

Nous proposons que les écarts de rémunération dans l'entreprise soient plafonnés, et il est important de noter que le Gouvernement et sa majorité s'y opposent. Nous proposons également que toutes les rémunérations, y compris celles distribuées sous forme de bonus, de stock options, ou autres, soient soumises aux mêmes prélèvements que les salaires.

C'est justice, et c'est un gisement de ressources pour la sécurité sociale, alors même que son déficit perdure, sans jamais être pris en charge, puisque lorsque l'on additionne les déficits que vous annoncez hors vieillesse, on obtient le chiffre de 45 milliards pour 2014. Nous l'avons vu à maintes reprises, notamment lors de la discussion générale, et nous le verrons à nouveau lors de l'examen de l'article 8 de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.

Comment allez-vous combler ces déficits ? La contradiction est terrible, mais le résultat en est clair, c'est le report sur les générations futures d'une charge que vous aurez fixée pour elles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Je suis surprise que cette proposition ne recueille pas davantage d'enthousiasme de la part du Gouvernement et de la majorité, puisque que le ministre a déclaré en commission que sur ce texte, il était davantage attaché à l'équité qu'au pouvoir d'achat.

À mon sens, le pouvoir d'achat est tout de même une question importante pour la vie quotidienne, mais ce sont les propos du ministre. Il vous est proposé ici un amendement qui va dans le sens de l'équité, puisqu'il plafonne les écarts de salaires.

Tout le monde connaît certains excès sur cette question, et j'espère que le Gouvernement les déplore. Proposer de plafonner dans une échelle de un à vingt les écarts de salaires me paraît une mesure de justice de bon sens. Le proposer dans les entreprises au capital desquelles il y a une participation publique est d'autant plus justifié. Proposer que les contributions et les cotisations sociales, les bonus, les parachutes dorés soient taxées comme tous les revenus, cela va aussi dans le sens de la justice.

Vous disiez que l'amendement précédent, qui proposait une conférence salariale, était utopique, cet amendement, par contre, correspond à un domaine que la loi pourrait encadrer très légitimement. Cela irait dans le sens de l'équité dont vous faites votre préoccupation. Je ne comprends donc pas pourquoi vous ne le soutenez pas.

(L'amendement n° 87 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Concernant ces amendements avant l'article premier, nous voyons quelle est la tactique de l'opposition : étant très gênée et n'ayant rien à dire sur le fond, elle tente de parasiter ce texte pour essayer de créer la confusion.

Messieurs de l'opposition : lorsque les rémunérations de quelques patrons augmentent, vous voulez agir. Les dividendes augmentent, vous ne voulez pas agir. N'y a-t-il pas une incohérence ? En définitive, ce que vous proposez, c'est à chaque fois de prendre par l'impôt. Vous ne redistribuez rien, votre credo, c'est l'impôt.

D'autre part, à voir ce que vous proposez, vous cherchez peut-être également à faire oublier vos errements passés. Nous, les stocks options, c'est une contribution de 480 millions d'euros au financement de la sécurité sociale. Vous, vous en avez allégé la fiscalité, et donc alourdi le fardeau social et fiscal.

Pour les parachutes dorés, lorsque nous avons décidé de poser deux règles, l'une s'appliquant au-dessus de 100 000 euros, l'autre au-dessus d'un million, vous n'avez pas pris part au vote.

Le vrai sujet, c'est que lorsque vous étiez au pouvoir, vous avez connu une dérive notamment avec M. Fabius, que vous cherchez à faire oublier aujourd'hui. Ceux qui apportent quelque chose aux salariés, c'est nous. Je comprends que cela vous gêne, mais il n'est pas trop tard pour que vous nous rejoigniez sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Pour avoir été rapporteur de la proposition de loi visant à limiter de un à vingt les revenus les plus bas et les plus hauts de l'entreprise dans les entreprises recapitalisées, et de demander que dans les autres entreprises…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Combien d'entreprises sont concernées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Vous savez très bien comment on agit sur les écarts de revenus, monsieur le ministre : dans les entreprises où l'État a effectivement un mot à dire, on peut utiliser la loi, c'est ce que nous avons proposé.

Dans les autres entreprises, c'est le rôle des instances telles que le conseil d'administration, et nous proposons que ce soit l'assemblée générale qui décide sur proposition du conseil d'administration, après avis du comité d'entreprise. Je pense que c'est la meilleure façon de changer les choses.

Je voudrais revenir sur les propos de M. Bur repris par M. le ministre. Je rappelle que la hausse du pouvoir d'achat du revenu disponible des ménages n'a jamais dépassé 3 % depuis 2002. Aucune année il n'a même atteint 3 %.

En revanche, entre 1997 et 2002, il n'a jamais été inférieur à 3 %. Il était de 3,2 % en moyenne, et tous les ans il augmentait de plus de 3 % par an. Nous savons pourquoi : le pouvoir d'achat résulte de deux composantes, la hausse des revenus individuels, et la création d'emplois.

Ce sont les deux composantes qui manquent à votre politique : en matière de création d'emplois, vous avez inventé un seul dispositif, cette arme de destruction massive de l'emploi que sont les subventions aux heures supplémentaires. En matière de rémunération, on a entendu de grands discours, mais rien ne s'est passé : le SMIC a été gelé pendant quatre ans, c'est la seule période pendant laquelle il n'y a pas eu le moindre coup de pouce au SMIC. Ce que vous trouvez à faire, c'est de geler le pouvoir d'achat des fonctionnaires. Je comprends que vous ayez besoin de vous rattraper, mais vous vous rattrapez par un miroir aux alouettes.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je pense que cet échange n'est pas inutile. Je ne sais pas s'il est d'usage que les ministres posent des questions aux parlementaires, je vais le faire : monsieur Muet, votre mesure sur les écarts de rémunération dans les entreprises dans lequel l'État a une participation, elle concernerait combien de patrons ?

Si vous voulez bien me répondre, cela éclairera l'ensemble de l'Assemblée. J'aimerais le savoir précisément, afin de déterminer si c'est un gadget ou une réalité.

Concernant ensuite le revenu brut disponible des ménages, il a augmenté de 2,3 % par an entre 2001 et 2007 en France…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

alors que dans l'Union européenne, il augmentait de 1,7 % par an. Nous avons fait mieux que la moyenne européenne. Ce n'est certainement jamais assez pour les ménages concernés.

Je ne sais pas si vous intervenez en tant que député ou en tant qu'expert que vous avez été.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Vu la façon dont vous avez conseillé le Gouvernement de l'époque, je ne m'étonne pas que vous n'ayez même pas été qualifiés pour le second tour de l'élection présidentielle. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Monsieur le ministre, ne mélangez pas tout ! Vous énoncez des statistiques, je vous donne donc des statistiques. De 1997 à 2002, le pouvoir d'achat du revenu disponible a augmenté tous les ans de plus de 3 %, en Europe, il augmentait de 2,5 %, tout comme la croissance européenne. La croissance française à cette époque était de 3,2 %. Nous savons comment se fait la croissance : par une politique de l'emploi, ce que vous avez complètement oublié depuis quatre ans.

Quant à ce que vous dites sur le nombre d'entreprises, bien sûr que peu d'entreprises sont concernées, mais l'État n'a pas à fixer des règles dans les entreprises privées, il doit montrer l'exemple dans les entreprises où il apporte un financement, et la règle qu'il doit fixer est de demander à ce que les actionnaires, les partenaires sociaux, jouent leur rôle.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Combien d'entreprises concernées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Vous n'allez pas nous reprocher aujourd'hui, monsieur le ministre, de laisser faire les partenaires sociaux. La France a besoin de laisser toute sa place à la négociation sociale. Notre proposition, qui affirme la responsabilité de l'État dans les domaines où il a effectivement une responsabilité et une participation, et qui demande aux autres entreprises que ce soit la négociation sociale qui complète, c'est une façon de réduire les écarts de rémunération. Ce n'est pas la seule, nous allons y revenir, et j'aurais à nouveau l'occasion de m'exprimer sur l'article 1er.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Votre mesure concernerait sept ou huit patrons. C'est un gadget.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Nous avons plusieurs inscrits à l'article 1er.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Je voudrais en revenir au fond. Cette prime est une fausse bonne idée, qui permet au Gouvernement de se donner bonne conscience.

Nous comprenons qu'il soit difficile pour vous d'assumer le fait que les dividendes restent élevés malgré la crise, ce qui est indécent et insupportable pour nos concitoyens, alors que, dans le même temps, les salaires stagnent.

Cette situation nuit au développement de l'activité économique. En effet, pour se développer, une entreprise a besoin d'investir dans le capital productif et dans la main-d'oeuvre, en fidélisant ses salariés par des salaires attractifs, par la qualification et le savoir-faire. Mais les taux de rentabilité exigés par les actionnaires, qui sont de l'ordre de 15 % aujourd'hui, ne peuvent être atteints qu'en limitant l'investissement et en comprimant les salaires, voire en réduisant la masse salariale. Au début des années 1980, les dividendes représentaient l'équivalent de 4 % de la masse salariale. Ils en représentent 13 % aujourd'hui.

Puisque votre souci est l'équité, il y a urgence à prendre des mesures pour rééquilibrer le partage de la valeur ajoutée en faveur des salaires. Monsieur le ministre, quelle disposition proposez-vous pour permettre ce rééquilibrage ? Je note que les propositions qui ont été faites par le groupe socialiste ne vous conviennent pas, je note que vous considérez, sans doute à juste titre, que M. Fabius et d'autres de vos prédécesseurs n'ont pas fait ce qu'il convenait de faire, mais vous, êtes-vous prêts à créer les conditions pour que le rééquilibrage du partage de la richesse produite dans ce pays en faveur des salaires soit effectif ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous avons dit tout le mal que nous pensions de cet article 1er lors de la discussion générale, et nous proposerons de le supprimer tout à l'heure.

Je veux évoquer brièvement trois amendements que nous avions déposés et qui ont été jugés irrecevables sur le fondement de l'article 40 de la Constitution. Ils soulèvent des sujets qui nous paraissent importants, je vais donc les mentionner rapidement.

À l'article 1er, le Gouvernement et sa majorité font figurer un alinéa deux qui indique que pour les sociétés commerciales détenues directement ou indirectement par l'État et ses établissements publics, si elles bénéficient de subventions d'exploitation, sont en situation de monopole et soumises à des prix réglementés, alors les salariés de cette entreprise n'auront pas droit à cette fameuse prime. Nous considérons que c'est tout à fait injuste et inopportun : l'entreprise aurait le droit de toucher des subventions, mais ses salariés n'auraient pas le droit de toucher une prime. Nous avions prévu un amendement supprimant cet alinéa deux.

Deuxièmement, les amendements suivants ont pour objet de traiter une faille dans le dispositif proposé. Vous vous souvenez que la prime n'est pas fixée par avance, elle est le résultat d'une négociation sociale qui doit se conclure dans l'entreprise, c'est le III de l'article 1er, qui prévoit : « Si, au terme de la négociation, aucun accord n'a été conclu, () l'employeur s'engage à appliquer unilatéralement () » ce dispositif de prime. Le montant n'est pas précisé.

Nous proposions que dans le cas où aucun accord ne serait conclu, alors une prime de 1 000 euros est versée à l'ensemble des salariés, calculée à due proportion de la présence dans l'entreprise. Il faut un verrou de ce genre pour que le patron ne s'en sorte pas en refusant tout accord et en proposant un euro par salarié.

Le troisième amendement que nous proposions visait à régler une faille du dispositif à l'alinéa 9 de cet article premier, puisque le Gouvernement a prévu de lui-même une échappatoire au dispositif : certaines entreprises pourraient ne pas être soumises aux obligations de cet article quand elles ont attribué, au titre de l'année en cours, « un avantage pécuniaire non obligatoire en vertu des règles légales ou conventionnelles ».

Nous pensons qu'il faut poser une condition à cet avantage pécuniaire non obligatoire, en le fixant par exemple à 1 000 euros. Sinon, l'entreprise pourrait donner un avantage pécuniaire non obligatoire d'un ou deux euros et échapperait de ce fait à la discussion sur un accord aboutissant éventuellement à une prime comme celle prévue par l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Je m'exprimerai également sur les amendements que nous avions déposés, mais qui n'ont pas franchi le cap de l'article 40, pour démontrer à travers quatre exemples combien le texte est inabouti et combien son application laissera d'insatisfaction.

Premièrement, chacun connaît ici le mode de financement des entreprises dites sous LBO. Il s'agit d'entreprises rachetées à partir d'un endettement extrêmement important. La règle du jeu consiste alors à ne pas répartir des dividendes, mais à rembourser des emprunts extrêmement importants. Le travail est bien fait, de la richesse est produite. il n'y a pas de dividendes versés, les salariés seront exclus du bénéfice des mesures que vous proposez, ce qui montre bien les limites du dispositif.

Deuxièmement, il est évidemment très facile de contourner le dispositif proposé par la souscription d'actions à taux préférentiel. En l'état actuel de la rédaction du texte, c'est au bénéfice des actionnaires. Si les actionnaires décident plutôt que de répartir des dividendes à souscription à taux préférentiel, les salariés n'auront plus qu'à rester spectateurs.

C'est exactement la même situation, dans l'état actuel du texte, si l'entreprise mère ne répartit pas les bénéfices, mais les transfère vers ses filiales qui, elles, les répartissent, les salariés n'auront pas droit au bénéfice de la prime. C'est la même chose pour une entreprise qui, avec les profits qu'elle dégage, rachète ses propres actions, ce qui a pour intérêt d'enrichir le nominal pour les actionnaires. Tous ces cas de figures qui représentent des centaines de milliers de salariés montrent combien l'exercice est périlleux.

Ce n'est pas un objectif d'efficacité qui est recherché, mais uniquement un effet d'annonce. Et de ce point de vue, l'objectif est rempli.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

L'article 1er du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale est central. Il traduit la volonté du Gouvernement de faire profiter les salariés du privé de l'augmentation de la richesse créée par leurs entreprises. Cette idée paraît de bon sens. D'autant plus que lorsqu'on regarde les quarante entreprises du CAC 40, l'augmentation des profits, et non des dividendes, en 2010 a été de 85 %. Il y a donc, cette année, une augmentation de 82 milliards.

Ce qui est vrai pour le CAC 40 l'est-il pour les autres entreprises ? Non, d'ailleurs dans l'étude d'impact annexé au projet, le Gouvernement rappelle que la part des profits dans la valeur ajoutée en France est stable : autour de 68 % depuis près de dix ans. Elle augmente même un peu en fin de période. Contrairement à ce qui est souvent dit, il n'y a pas de chute des salaires dans la valeur ajoutée ; il y a même une légère augmentation sur les deux dernières années. Ce n'est pas vrai en Grande-Bretagne, aux USA et dans d'autres pays, mais c'est ce qui se passe en France.

On ne peut pas dire que la part des profits augmente. Comment explique-t-on le paradoxe de cette augmentation de 85 % des profits des 40 entreprises du CAC, alors que la part des profits n'augmente pas dans la valeur ajoutée ? C'est très simple : les entreprises du CAC 40 sont pour la plupart d'entre elles des entreprises internationalisées. Elles ne réalisent pas leur profit en France, mais pour une part croissante à l'étranger. Total, par exemple, fait 10 milliards de profits sur les 82 milliards. Mais ces profits après impôts sont réalisés massivement dans les pays dans lesquels l'entreprise extrait le pétrole et très peu en France.

Vous avez beaucoup d'autres exemples de ce type. Il en est de même pour les grandes banques. Cela peut paraître paradoxal, mais je crois qu'il y a un effet d'illusion. L'augmentation des profits des grandes entreprises françaises ne se fait pas en France, ce qui explique que la part de la valeur ajoutée en France reste stable.

Je voudrais appeler l'attention de nos collègues sur nos propositions – nous les avons faites en commission et nous les referons. L'idée du Gouvernement, qui consiste à dire : il faut ouvrir la possibilité et rendre obligatoire la négociation pour aboutir à une prime dans les entreprises qui ont augmenté leurs dividendes, est-elle bonne ? C'est compliqué, car il n'y a pas de liens entre l'augmentation des dividendes d'une entreprise et l'augmentation de sa richesse. J'ai fait un petit travail sur les quarante entreprises du CAC 40.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Les chiffres sont intéressants. Seules 26 entreprises du CAC 40 augmentent leurs dividendes.

AXA a réalisé 2,7 milliards de bénéfices en baisse de 24 %, mais augmente ses dividendes. Donc, leur personnel pourra bénéficier de la mesure. À l'inverse, Total réalise le plus gros bénéfice du CAC 40 – 10,6 milliards – soit une augmentation de 25 %, mais l'entreprise maintient son dividende. Globalement, seules 24 des 40 entreprises du CAC 40 augmentent leurs dividendes et représentent environ 51 milliards sur les 82, soit 65 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Oui, mais vous avez presque doublé votre temps de parole ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Le deuxième problème posé est celui de l'équité.

Le Gouvernement a, dans son étude d'impact, indiqué que grosso modo environ 4 millions de salariés du privé en bénéficieraient. Il calcule cela à partir de la proportion des entreprises qui versent des dividendes et d'après la proportion – 23 environ – qui augmente.

Je pense que, dans cette affaire, comme on n'a pas l'appui des partenaires sociaux, on court un vrai risque : celui de ne pas avoir un quart de bénéficiaires, autour de 4 millions, mais de descendre à 2 millions par exemple.

Le groupe Nouveau Centre avait proposé deux idées. Nous discuterons tout à l'heure les amendements.

Premièrement, ouvrons la possibilité à toutes les entreprises de bénéficier de cette mesure, quelles que soient leur taille et leur forme juridique.

Deuxièmement, le dividende social, notion qui n'existe pas en droit français : la possibilité donnée aux actionnaires de distribuer une partie des bénéfices.M. Francis Vercamer avait fait cette proposition dans son excellent travail sur l'économie solidaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Hervé Novelli, qui dispose de deux minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Novelli

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, qui ne partagerait pas les préoccupations de ce projet de loi ? Il s'agit de tenter d'augmenter le pouvoir d'achat des Français, surtout dans cette période de sortie de crise – une des crises les plus profondes qui ait touché la France et le monde.

Le projet, malgré ses bonnes intentions, recèle, à l'heure où nous parlons, des insuffisances. Je souhaite que celles-ci puissent être comblées dans les heures qui viennent.

Premièrement, ce texte risque de peser sur l'avenir de la négociation sociale dans ce pays. C'est son principal défaut. À un moment où l'on sent bien que la part de négociation et le rôle des partenaires sociaux doivent être croissants dans le champ social, il eût été plus simple de favoriser les mécanismes habituels de participation, d'intéressement ou d'épargne salariale, alors que les sommes en jeu sont en nette progression depuis les années 2000, grâce aux efforts du Gouvernement et de notre majorité. Ma conviction est que nous devons continuer la modernisation en profondeur de notre démocratie sociale. Il faudra remettre à plat, à l'avenir, le champ social et le partage entre, d'un côté, la négociation et la loi, de l'autre. Je suis convaincu, depuis très longtemps, que ce n'est pas au législateur de décréter un certain nombre de choses, notamment la durée du travail ou le niveau des salaires ; je préfère le choix de la confiance et du dialogue.

Au-delà du risque sur la négociation, ce texte recèle quatre autres risques.

D'abord, il peut créer un double effet de seuil. Nous l'avons dit ici : il crée une nouvelle césure entre les entreprises de moins de cinquante salariés et les grandes entreprises. Mais, plus grave encore, il accentue encore le clivage entre les salariés des entreprises de moins de cinquante salariés et ceux des grandes entreprises. Comme cela a déjà le cas lorsque la loi sur les trente-cinq heures a été votée, les salariés des petites entreprises risquent d'être désavantagés par rapport à ceux des grandes entreprises, encore confortés dans leur pouvoir d'achat.

Deux effets pervers peuvent être notés au-delà de ces risques. Sur les salaires si la prime est pérennisée, je déposerai un amendement en ce sens, la progression des salaires, qui fait l'objet d'une négociation concertée entre partenaires sociaux, risque d'être stoppée au profit de la distribution de cette prime. Sur le financement des entreprises ensuite en incitant à modifier le mécanisme de distribution des dividendes, ce texte risque de créer un effet dépressif sur les cours de la Bourse, déjà mis à mal depuis la crise,…

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Novelli

…et de pénaliser le financement notamment des petites entreprises familiales.

C'est dans ce contexte que je souhaite que l'on puisse enrichir ce texte. C'est pourquoi j'ai déposé avec un certain nombre de collègues des amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

L'article 1er, dont nous discutons, a pour vocation, comme l'a dit mon collègue Jean Mallot dans son intervention initiale, de concrétiser la dernière lubie du Président de la République.

Voilà un Président qui a refusé tout coup de pouce pendant quatre ans au SMIC, qui gèle le traitement des fonctionnaires et qui, revenant dans les Ardennes – pas très loin du lieu de ses promesses initiales sur le pouvoir d'achat –, sort une nouvelle loi de son chapeau pour faire miroiter une prime qui devait être initialement de 1 000 euros, concerner toutes les entreprises, puis toutes les entreprises dont les dividendes augmentent, puis toutes les entreprises de plus de 50 salariés dont les dividendes augmentent, puis une prime indéfinie soumise à la négociation dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés dont les dividendes augmentent et sans obligation sous ce seuil.

Je crois que mon collègue Charles de Courson a parfaitement démontré les risques de ce dispositif : finalement, il ne va pas se produire grand-chose. Il y aura peut-être une prime versée pour une poignée de salariés, mais cela créera de profondes inégalités à un moment où la plupart des salariés subissent une stagnation de leur pouvoir d'achat, où un quart des salariés – parce que, dans les moyennes, il faut toujours regarder le détail –connaissent une baisse de leur pouvoir d'achat.

Cette proposition me semble être un véritable miroir aux alouettes. C'est également une nouvelle niche sociale. Quand on a entendu tous les discours sur la réduction des niches, leur plafonnement, le coup de rabot, etc., et que l'on voit que la seule mesure que vous proposez est une nouvelle niche sociale, on se demande quelle cohérence a votre politique dans ce domaine.

Pour améliorer le pouvoir d'achat, il faut trois choses : une conférence salariale tripartite annuelle, pour relancer les négociations ; une incitation sous forme d'un conditionnement des allégements sur les bas salaires à des négociations sur les salaires qui aboutissent. Je rappelle qu'en leur temps, nous avions conditionné ces allégements à la création d'emplois, à travers le dispositif Aubry 1. Aujourd'hui, ce pourrait l'être à une augmentation de salaires. Puis, il faut procéder à un rattrapage du SMIC. Il est totalement anormal que, dans la situation actuelle, le SMIC reste bloqué. En ces temps d'inflation et de stagnation des salaires, ce dont ont besoin les salariés ce n'est pas d'un miroir aux alouettes, mais d'une augmentation des salaires. Ils n'ont pas besoin d'une prime qui exclura la grande majorité d'entre eux et qui ne sert qu'à masquer ce qui s'est produit dans le collectif budgétaire dont nous discutions la semaine dernière – un cadeau bien réel de deux milliards d'euros aux plus fortunés de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Lorsque j'écoute le PS, je suis assez surpris que les propositions qu'ils viennent de faire, n'aient pas été réalisées quand ils étaient au pouvoir. Ils ont même fait l'inverse. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mais l'objet de mon intervention se situe dans la suite de celle de M. de Courson. L'idée d'une prime, lorsque les dividendes augmentent, peut être une idée séduisante. Néanmoins, comme le disait Charles de Courson, un certain nombre d'écueils existent.

D'abord, une inégalité de traitement entre les salariés, la taille de l'entreprise, celles qui distribuent des dividendes. Ce n'est pas corrélatif avec l'augmentation des résultats. C'est la raison pour laquelle Charles de Courson proposait de défiscaliser les primes jusqu'à un certain montant dans toutes les entreprises, pour celles qui le désirent. Si c'est simplement pour une augmentation du pouvoir d'achat, c'est une méthode assez simple et qui ne fait pas référence à la richesse de l'entreprise.

La deuxième mesure que nous proposons, c'est le dividende social. Ce n'est pas une idée totalement saugrenue, cela existe dans l'économie sociale et solidaire, dans les coopératives et l'entrepreneuriat social. L'idée, c'est que, lorsqu'une entreprise s'appauvrit en distribuant des dividendes, puisque ses fonds propres diminuent, les salariés peuvent bénéficier d'une partie d'entre eux. Nous avons proposé un taux de 20 %, qui nous paraît raisonnable. Plus, cela risquerait de décourager ceux qui veulent investir dans l'entreprise et moins, ce serait peut-être trop faible. Cela se ferait sous forme de participation, puisque le système existe déjà. C'est assez simple, l'argent est peut être débloqué immédiatement et cela représente du pouvoir d'achat supplémentaire pour les salariés des entreprises distribuant un dividende. C'est une alternative que nous proposerons tout à l'heure.

La proposition de Charles-Amédée de Courson et la mienne sont d'ailleurs compatibles et cumulables.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Vous êtes dans le même groupe, c'est facile !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Le groupe UMP, divers dans sa composition, comme il est bien normal dans une grande famille politique, travaille sur le sujet depuis plusieurs semaines.

En ce qui concerne la priorité donnée à la négociation, le Président de la République demande depuis près de deux ans que l'on réfléchisse à la question du partage de la valeur et des bénéfices et que les partenaires sociaux négocient, et l'on voit bien que la négociation a eu du mal à aboutir. S'il y a un point sur lequel nous sommes d'accord, c'est que ce texte ne porte pas sur le partage de la valeur, il est question bien sûr du partage des profits et des bénéfices et cela peut être une espèce d'aiguillon pour que les partenaires sociaux s'engagent plus fermement dans la discussion sur le partage de la valeur. Nous souhaitons bien sûr privilégier la négociation, mais, si le Président demande que nous allions un peu plus vite, c'est parce qu'elle n'a pas abouti.

En ce qui concerne les dispositifs existants, c'est prévu dans le texte. Qu'il s'agisse des sociétés commerciales ayant distribué des dividendes en augmentation ou des entreprises de moins de cinquante salariés, chacun aura la possibilité de s'y raccrocher puisque la prime qui sera allouée aux salariés pourra s'ajouter à l'intéressement ou à la participation, voire être en actions. Il n'y a donc aucune contrainte. Dans l'esprit, il s'agit non pas de créer un dispositif supplémentaire mais, au contraire, d'essayer d'améliorer le partage des bénéfices en allant un peu plus dans le sens des salariés.

Enfin, s'agissant des entreprises de moins de cinquante salariés, le groupe UMP a bien compris qu'il manquait quelque chose au texte proposé par le Gouvernement. La commission des affaires sociales a accepté à une très large majorité et au-delà des rangs de l'UMP, le groupe socialiste n'ayant en tout cas pas voté contre, un intéressement simplifié, ce qui signifie en clair qu'elles ne sont plus obligées de s'engager sur trois ans, ce qui est un gros problème pour les petites entreprises, il faut bien le reconnaître. En plus, elles ne sont pas toutes en société. Nous simplifions donc le système en mettant en place un dispositif s'adressant à toutes les PMI-PME jusqu'à l'artisan, la profession libérale avec trois ou quatre salariés. Il pourra être mis en place très facilement sur un an au lieu de trois et sera renouvelable sur plusieurs années, avec l'apport d'un avoir fiscal de 30 %, ce qui est particulièrement motivant.

Il y a donc une véritable avancée, sans pour autant que cela pose des contraintes majeures à nos entreprises.

Enfin, raisonnons par l'absurde.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Vous n'avez plus le temps de raisonner par l'absurde ! Vous avez déjà beaucoup dépassé votre temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Je termine, madame la présidente.

Sans une telle initiative, il ne se passerait rien. Avant la fin de l'année, vous verrez, plusieurs millions de Français recevront une prime, et ce sera un plus. Il n'est rien prévu d'autre à la place. Le parti socialiste, quand il était au pouvoir, a fait à peu près le contraire de ce qu'il nous propose. Nous prenons au moins une initiative pour partager les profits, qui est positive et flexible.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie de deux amendements, nos 65 et 88 , tendant à supprimer l'article 1er.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 65 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Plus les débats avancent, plus nos travaux approfondissent la réflexion et plus ils nous renforcent dans notre conviction que cette prime est à la fois injuste et inefficace. Elle ne concerne qu'un tout petit nombre de salariés, nous l'avons déjà souligné, elle peut aisément être contournée par le patronat, elle n'est donc pas équitable. De plus, elle ne résout pas le problème du pouvoir d'achat des salariés, ni celui de la pression des actionnaires sur les entreprises.

Cette mauvaise idée est encore renforcée par le fait que la prime n'est pas soumise à cotisation sociale et que le manque à gagner pour la sécurité sociale n'est pas compensé par l'État, ce qui pose deux types de questions. Il y a d'abord un évident problème financier pour la sécurité sociale, qui, encore une fois, est privée de ressources dont elle a impérativement besoin, mais il y a aussi un problème de responsabilisation de la part de l'État. Il a d'ailleurs été soulevé par le Conseil des prélèvements obligatoires, qui s'étonne que l'État accorde des exonérations sans en assumer le coût financier.

Par ailleurs, comment ne pas interpréter ce mécanisme comme un transfert d'une partie de la rémunération des salariés, donc du salaire soumis à cotisation, vers des primes qui en sont exonérées ? Ne serait-ce que pour préserver les comptes de la sécurité sociale, auxquels, visiblement, nous sommes plus attachés que vous, il y a lieu d'adopter cet amendement qui tend à supprimer l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Michel Issindou, pour soutenir l'amendement n° 88 .

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

On voit bien le débat que suscite cette prime, d'ailleurs contestée sur tous les bancs, et particulièrement dans la majorité. M. de Courson considère qu'il faut la donner à tous, et, après tout, on peut comprendre. Y aurait-il de bonnes entreprises, de bons salariés dans certaines entreprises ? M. Novelli, lui, préfère que l'on utilise le système de la participation, ce qui est finalement une bien meilleure idée. La prime, c'est vraiment ce qu'on pouvait inventer de pire. Que vient faire le législateur quand il s'agit d'accorder des primes dans une entreprise ? Il me semble que nous sortons totalement de notre rôle, surtout que cette prime, nous venons de le voir, sera accordée au petit bonheur la chance. Il y aura 2 ou 3 millions de bénéficiaires, les autres apprécieront sûrement. Ils auront vraisemblablement été de très mauvais salariés puisqu'ils n'auront pas réussi à faire en sorte que leur entreprise fasse des bénéfices ! Ils se sentiront totalement exclus par rapport à ceux des vingt-quatre ou vingt-six entreprises du CAC 40 qui en bénéficieront.

Il faut revenir aux bonnes vieilles méthodes traditionnelles, le dialogue social dans l'entreprise avec des négociations annuelles obligatoires et l'obligation de réussir. C'est ainsi que l'on réglera un jour le problème du pouvoir d'achat en donnant plus à tous les salariés qui en ont besoin et pas seulement à quelques-uns, 20 % d'entre eux, sans compter les agents de la fonction publique, qui sont totalement exclus. Ils doivent ne servir à rien dans ce pays. Ils apprécieront comme les autres.

Bref, nous vous proposons cet amendement tendant à supprimer l'article 1er pour vous rappeler qu'il y a de bien meilleures manières d'augmenter le pouvoir d'achat.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Défavorable.

Si un tel dispositif n'était pas mis en place, madame, Fraysse, aucune prime ne serait versée, et il n'y aurait donc aucune recette de CRDS, de CSG ou de forfait social. Cette année, la sécurité sociale bénéficiera donc d'une recette supplémentaire de 375 millions. Tant que cette prime sera versée en dehors de toute négociation salariale et de toute négociation liée à la participation et à l'intéressement, ce sera une recette supplémentaire. C'est assez exceptionnel, c'est une niche sociale qui rapporte.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Elle rapporte à la sécurité sociale, et j'espère que ce sera le plus longtemps possible, mais, pour être honnête, elle aura un coût fiscal. Globalement, le dispositif est à peu près équilibré cette année. J'espère que la négociation salariale que vous appelez de vos voeux pourra remplacer le dispositif que nous mettons en place.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

La démonstration du rapporteur se heurte à une difficulté, c'est la question de la substitution par la rémunération au titre de cette prime de ce qui aurait pu être donné par ailleurs au titre de la participation. Ce n'est pas la première fois que la question se pose parce le nombre de textes que vous avez votés sur le dividende du travail ou la dynamisation des revenus du travail représentent une véritable bibliothèque.

Je prends les bons auteurs, en l'occurrence M. Louis Giscard d'Estaing qui, en 2008, parlant de la participation, écrivait dans un rapport : « Ces dispositifs participent tous de la rémunération globale du travail et la comparaison de la dynamique de ces dispositifs avec la croissance de la masse salariale suggère que la substituabilité entre les deux n'est pas nulle. » Comme tout cela est excellemment dit !

S'agissant du pouvoir d'achat, vous nous avez répondu tout à l'heure, monsieur le ministre, que vous aviez fait de nombreux efforts et que vous aviez beaucoup de leçons à nous donner. Dans ce même rapport – nous étions avant la crise, en septembre 2008 –, M. Giscard d'Estaing écrivait : « La perte de pouvoir d'achat est devenue ces derniers mois une préoccupation majeure de nos concitoyens. Cette inquiétude, tous les élus ont pu la mesurer et le groupe UMP a mis en place depuis l'an dernier un groupe de travail chargé de formuler des propositions. » Cela fait trois ans que nous attendons, j'espère que votre travail va bientôt aboutir. Il finissait sur l'évolution du pouvoir d'achat, je préfère le citer pour que ses propos puissent vous convaincre : « Nos efforts n'ont pour l'heure pas porté tous leurs fruits. Entre mars 2007 et mars 2008, le salaire mensuel de base, calculé en excluant les primes, gratifications et heures supplémentaires, a bel et bien gagné 2,7 %, mais, du fait de l'inflation, les salariés ont perdu sur la même période 0,4 point de pouvoir d'achat. » « Les ouvriers et les employés, nombreux dans les petites entreprises, sont davantage touchés que les cadres et les professions intermédiaires. » Je pense que nous ne pouvons pas mieux faire pour notre démonstration que de vous renvoyer à ces écrits qui viennent de l'un des vôtres.

(Les amendements identiques nos 65 et 88 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie de trois amendements, nos 57 , 104 et 52 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n°s 57 et 104 sont identiques.

La parole est à M. Christian Vanneste, pour soutenir l'amendement n° 57 .

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Nous devons nous féliciter de l'esprit de cette loi, qui, dans le fond, s'inscrit dans une logique gaulliste d'association entre le capital et le travail. C'est le troisième étage de la fusée, après la participation et l'intéressement. Il est évident que les deux premiers étages sont structurels et que ce troisième est davantage conjoncturel, et on le comprend bien.

Nous savons bien que la rémunération du travail et celle du capital ne fonctionnent pas de la même façon, notamment dans le même temps. Or nous vivons une sortie de crise et le décalage entre la rémunération du capital et celle du travail crée un véritable problème dans l'opinion. C'est à cela que nous cherchons à répondre en permettant à un grand nombre de salariés de bénéficier plus rapidement d'une augmentation de leur pouvoir d'achat. C'est cela la logique du système.

Cela dit, c'est bien de vouloir partager un gâteau, encore faut-il qu'il grossisse, et certaines mesures risquent de diminuer la vitesse avec laquelle il pourra grossir.

C'est à ce niveau que nous rencontrons une petite incohérence. En maintenant et en renforçant le seuil des cinquante salariés, nous allons contre notre logique, qui est que l'accroissement de la richesse de notre économie passe par la création et la croissance de ces fameuses « gazelles » dont on parlait dans le temps, c'est-à-dire des établissements de taille intermédiaire.

Nous savons que la distribution de dividendes est forte dans les grandes entreprises – 40 % d'entre elles en versent –, qu'elle est plus faible dans les établissements de taille intermédiaire – 30 % – et plus faible encore dans les PME en dessous de 250 salariés – 15 %. C'est pourquoi nous pensons que le seuil de cinquante salariés est contre-productif et qu'il faudrait en trouver un qui soit plus efficace, que nous situons à 500 salariés. Ce serait une marque de bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l'amendement n° 104 .

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Je partage avec Christian Vanneste ce souci des seuils. C'est un débat qui nous agite depuis plusieurs années, même au sein du parti majoritaire. Lors d'une convention sur l'emploi en mai 2011, nous avons dressé le même constat sur ces effets de seuil, qui présentent de nombreux inconvénients, et proposé de doubler les seuils d'effectifs applicables pour gommer ces effets, que le présent texte, malheureusement, renforce.

Une PME en Allemagne, c'est 5 000 salariés ; en France, 500 salariés. Ce qui manque cruellement à notre tissu économique – je sais que le président Méhaignerie partage ce point de vue –, ce sont des entreprises intermédiaires. Nous n'avons pas assez de PME : nous avons beaucoup de TPE, nous avons de grosses entreprises, mais nous manquons d'entreprises moyennes.

Dans son rapport, à la page 21, Yves Bur rappelle que plus de dix millions de salariés bénéficient déjà d'accords de participation, soit deux millions de plus depuis 2000. Dans les entreprises qui ont signé des accords de participation, celle-ci représente 7 % de la rémunération et environ 2 227 euros par salarié. On ne peut donc dire que, dans les entreprises d'environ cinquante salariés, aucun effort n'a été fait à la suite de négociations entre syndicats et chefs d'entreprise.

Comme de nombreux collègues, je m'inquiète de ces effets de seuil. Je propose donc de porter le seuil d'effectifs à 500 salariés, ce qui est la taille de nombreuses entreprises françaises.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

J'ai entendu notre collègue Christian Vanneste, le successeur de Maurice Schumann, invoquer le gaullisme à propos de ce projet de loi, dont l'esprit est pourtant très éloigné des textes sur l'intéressement et la participation.

Je m'étonne surtout qu'il invoque le gaullisme pour porter le seuil à 500 salariés, car le texte essentiel en matière de participation, l'ordonnance de 1967, prévoit un seuil de cinquante salariés. Les entreprises qui distribuent des dividendes sont celles qui ont des résultats significatifs. Il y a déjà ce premier critère de la distribution de dividendes ; si vous en ajoutez d'autres, chers collègues, vous allez rendre ce dispositif, déjà d'application très étroite, à peu près impossible à mettre en oeuvre.

Si cette proposition m'étonne, elle est sans doute à la mesure de l'éloignement de cette majorité pour le gaullisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Hervé Novelli, pour soutenir l'amendement n° 52 .

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Novelli

Cet amendement a pour objet de prévoir l'obligation de verser une prime pour les entreprises d'au moins 250 salariés, et non cinquante. Ma proposition se fonde sur trois arguments.

Le premier tient à la spécificité de gestion et de gouvernance des PME. En déclenchant le caractère obligatoire à cinquante salariés, ce texte méconnaît les problématiques de ces entreprises. Mon exemple personnel peut s'appliquer à toutes les entreprises familiales de petite taille. Les politiques de dividendes, dans ces entreprises, sont éminemment liées aux dirigeants et à l'éventuelle transmission de leur société. Ainsi, j'ai pu acquérir la majorité de mon entreprise en désintéressant les membres de ma famille, ce que je n'aurais pu faire sans une politique de dividendes conséquente. Cela n'a donc rien à voir avec la bonne santé, une année donnée, de l'entreprise.

Une entreprise peut très bien avoir de bons résultats et choisir d'investir plutôt que de verser des dividendes à ses actionnaires. Prenez l'exemple de la société Total : elle sera exemptée de l'obligation de verser une prime du fait de sa politique de dividendes, alors que personne ne se risquerait à affirmer qu'elle est en mauvaise santé. À l'inverse, une société peut être déficitaire et décider malgré tout de puiser dans ses réserves afin de rémunérer ses actionnaires. Le versement de dividendes obéit en réalité à d'autres logiques que celle des salaires.

Ensuite, la Commission européenne définit les PME comme des entreprises employant moins de 250 salariés et ayant un chiffre d'affaires inférieur à 40 millions d'euros. Si l'on admet que, dans les petites et moyennes entreprises, la distribution de dividendes obéit à une logique différente de celle des grandes entreprises, il faut exonérer de l'obligation de verser une prime les PME au sens européen.

Enfin, cet amendement s'appuie sur la répartition par taille d'entreprise pour le versement de dividendes. Cela a été rappelé, seules 16,4 % des PME versent aujourd'hui des dividendes, contre 41 % des grandes entreprises. Prenons en considération cette réalité et ciblons l'obligation sur les entreprises de plus de 250 salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Novelli

Un dernier mot, madame la présidente.

L'État actionnaire s'exonère facilement des obligations qu'il crée. Si EDF était soumise à cette obligation – mais le texte l'en exonère –, il en coûterait cher à l'entreprise puisque les dividendes qu'elle a versés en 2010 représentent 208 % de son bénéfice. Je n'ose imaginer le scandale que cela provoquerait si des entreprises privées agissaient de la sorte !

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Je comprends parfaitement la préoccupation de nos collègues, mais la commission a repoussé ces amendements, dont je suggère le retrait.

Le seuil de cinquante salariés paraît indiqué pour plusieurs raisons. Il permet, tout d'abord, de prendre en compte une majorité de salariés – 60 % travaillent dans des entreprises de plus de cinquante salariés – tout en n'imposant une obligation qu'à un nombre limité d'entreprises : moins de 40 000 sur un total de 1,5 million d'entreprises ayant au moins un salarié.

Ensuite, ce seuil correspond à l'obligation de mettre en place la participation aux résultats, qui est un dispositif assez comparable dans sa philosophie.

Enfin, la prime sera mise en place par le même type d'accords d'entreprise ou de référendums internes que la participation. Les entreprises concernées par la participation, qui seront celles potentiellement concernées par la prime, savent donc depuis longtemps comment négocier ce type de dispositif.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis. Ces propositions vident le texte de sa substance. Si les amendements de M. Tian et de M. Vanneste sont adoptés, ce sont deux millions de salariés en moins qui bénéficieront potentiellement de la prime. L'amendement de M. Novelli en priverait quant à lui un million. Je ne vous reproche pas ce choix, messieurs les députés, mais je ne le partage pas. Le seuil de cinquante salariés que j'ai proposé n'est autre que celui de la participation. C'est cohérent et juridiquement justifié.

J'entends parfaitement vos remarques sur les seuils, mais allons plus loin. Pourquoi nos PME ne grandissent-elles pas assez vite ? La question couvre de nombreux sujets : le financement par les banques – l'Allemagne, contrairement à la France, a mis en place un financement par des banques régionales –, la question des seuils fiscaux, sociaux, juridiques, mais aussi psychologiques, l'activité des PME à l'export, en particulier sur les marchés émergents… Nous sommes confrontés à un véritable défi pour que nos PME grandissent plus vite et entrent plus vite dans la compétition internationale. Je vous rejoins là-dessus.

Comment faire ? Cela passe par la négociation. Dans le partage entre la loi et le contrat, nous avons décidé que, pour les modifications du droit du travail, ce sont les partenaires sociaux qui ont la main en premier. Nous décidons ensuite de les suivre ou non, mais nous devons leur transmettre les questions, au nom de la délibération sociale.

Ces sujets ne sont pas tabous. Vous les connaissez très bien, monsieur Novelli, en raison de votre parcours professionnel, que vous avez rappelé, et de vos précédentes fonctions gouvernementales. Ce n'est pas ce procès que je vous fais, mais si nous suivons la logique de votre amendement, nous priverons forcément de nombreux salariés du bénéfice de la prime.

J'ai pris connaissance de vos déclarations sur Total aujourd'hui. En réalité, les salariés de Total ont bénéficié d'avantages que je souhaiterais voir étendus à l'ensemble des salariés de France.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Les plans de participation ou d'intéressement vont de 6 000 à 9 000 euros par personne et par an, sans compter les attributions d'actions gratuites qui ont progressé de 15 % cette année. À sa façon, Total a réalisé le partage. Il est toujours possible de faire mieux. Dès que les dividendes progresseront, les salariés en profiteront.

J'ai également été attentif à ce que vous avez dit sur le salaire. Pour moi, les choses ont toujours été claires : il ne doit pas y avoir d'arbitrage entre le salaire et la prime. Faites confiance aux syndicats. Je souhaite bon courage au chef d'entreprise qui voudrait imposer un arbitrage ! S'il souhaite maintenir la qualité du dialogue social dans l'entreprise, il aura vocation à bien faire la part des choses.

Certes, la différence est grande entre les très grandes entreprises et les plus petites. Certaines peuvent offrir un treizième, voire un quatorzième mois, les autres non, et la participation est forcément plus importante dans les unes que dans les autres. Je considère que la démarche d'Yves Bur et d'Alain Joyandet, qui propose d'aller plus loin dans l'intéressement, est préférable. Si nous voulons parvenir au même résultat – la suppression des effets de seuil –, c'est cet amendement qu'il faut adopter.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Monsieur le ministre, je comprends parfaitement votre position, qui rejoint celle de la commission. Il n'en reste pas moins que nous savons, au terme de la mission d'information sur la compétitivité mise en place par l'Assemblée nationale, que ce problème de seuils représente un véritable obstacle.

Un levier nouveau vient de nous parvenir : trois organisations syndicales de salariés, la CFDT, la CFTC et la CGC, et trois organisations patronales ont présenté plusieurs propositions très importantes. Elles observent que, parmi les éléments qui ne permettent pas aux PME de grandir, il y a les obstacles de seuil, bien sûr, mais aussi la difficulté fiscale liée aux problèmes de transfert de génération en génération.

Cela rejoint le débat que nous avons eu sur l'ISF, qui est un obstacle fiscal. Ramener le taux d'imposition de 1,8 % à 0,5 % est à cet égard un facteur de croissance, les entreprises et les syndicats le reconnaissent aujourd'hui. Monsieur le ministre, dans cette recherche à la fois de compétitivité et d'amélioration de la vie des salariés, nous pourrions très bien envisager avant la fin de l'année, dans le cadre du débat budgétaire, une négociation avec les organisations syndicales sur cet effet de seuil parce que je suis sûr que c'est un obstacle au développement de l'emploi aujourd'hui en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Le débat interne à l'UMP sur cet effet de seuil est au moins révélateur de l'état d'impréparation du projet de loi et de la difficulté qu'ont celles et ceux censés le soutenir à en montrer la cohérence. Ainsi, M. Novelli nous a expliqué que le dispositif proposé, à savoir la distribution de primes en fonction des dividendes versés les années passées, pourrait avoir un impact sur la cotation en bourse de l'entreprise. M. de Courson, pour sa part, a dit qu'une entreprise pourrait être amenée à avoir une politique de distribution de dividendes différente de ce qu'elle aurait été si le dispositif n'avait pas existé, ce qui serait aussi susceptible d'avoir un impact sur le cours en bourse. Je me tourne vers M. Vanneste, qui se réclame du gaullisme, pour lui rappeler la fameuse formule du général de gaulle en 1966 : « La politique de la France ne se fait pas à la corbeille. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Mettez-vous d'accord entre vous : vous êtes dans la même majorité, et donc censés nous présenter le même dossier. Monsieur Vanneste, vous avez défendu votre amendement en expliquant que nous arrivions à une sortie de crise – je n'en suis pas encore convaincu, mais acceptons-en l'augure, elle va bien finir par se produire –, et qu'il y avait une demande d'augmentation de pouvoir d'achat de la part des salariés. Mais Alain Vidalies a rappelé ce qu'écrivaitLouis Giscard d'Estaing en septembre 2008, donc avant la crise, dans son rapport sur le projet de loi en faveur des revenus du travail : « La perte de pouvoir d'achat est devenue ces derniers mois une préoccupation majeure de nos concitoyens. » Il y avait avant la crise un problème de pouvoir d'achat, il y a pendant la crise un problème de pouvoir d'achat, et il y en a encore un en sortie de crise… N'est-ce pas votre politique qui pose problème ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Mon cher collègue, n'essayez pas de mettre un coin entre nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Si je voulais faire l'inventaire des positions des différents leaders du parti socialiste sur tous les sujets, j'en aurais pour la journée, voire la nuit ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) L'UMP est forte de ses richesses.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

C'est une très grande famille politique et les différents points soulevés par ces trois amendements ont été débattus, en toute transparence, en son sein.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Il y a en tout cas un problème de leadership !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Je veux vraiment rassurer ceux qui, interpellés par le seuil des cinquante, ont signé ces amendements.

Premièrement, je me souviens, mes chers collègues, des débats que nous avons eus ici sur l'extension de la participation et de l'intéressement : il s'agissait déjà de savoir comment faire pour les développer dans les entreprises de moins de cinquante salariés.

Deuxièmement, je tiens à dire àHervé Novelli, Christian Vanneste et Dominique Tian que je suis au moins aussi attaché qu'eux à ne pas créer de contraintes supplémentaires pour les chefs d'entreprise, qui ont besoin de liberté pour entreprendre dans un contexte de compétitivité très compliqué.

Troisièmement, le seuil des cinquante ne me paraît pas dangereux pour les entreprises parce que nous sommes dans un système qui ne s'appliquera pas en amont du compte d'exploitation, mais en aval. On ne peut pas dire que le fait d'être en dessous ou au-dessus du seuil rendra sa mise en place plus compliquée ou plus facile. Il n'y a pas de règle générale en la matière. Je peux parler aussi comme chef d'entreprise : en raison de la flexibilité et de la souplesse du système qui nous est proposé, il n'y aurait quasiment eu aucun problème à le rendre obligatoire pour l'ensemble des entreprises. En effet, si les dividendes augmentent et que l'entreprise va mieux, on oblige seulement l'employeur à discuter avec ses salariés pour voir ce qu'on peut verser en plus dans le courant de l'année.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Quel que soit le seuil, il n'y a pas de contrainte ! L'employeur leur donne un euro et basta !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Il n'y a pas de risque pour les entreprises entre cinquante et 500 salariés. Si le Gouvernement mettait en place un dispositif contraignant et lourd, je serais au côté de mes collègues pour dire : « Attention, cela ne va pas. Réfléchissons à une augmentation du seuil. » Il faut vraiment que nous fassions un effort sur les moins de cinquante pour tout ce qui se rapporte à la participation et à l'intéressement ; pour les autres, raccrochons-nous au système en place. Si le texte créait une contrainte supplémentaire, je répète que je serais tout à fait contre. J'ajoute qu'on peut être rassuré quant aux effets sur les entreprises entre cinquante et 500 salariés : ils ne seront pas néfastes. C'est pourquoi je pense qu'il ne faut pas exclure des millions de salariés du dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Pour arriver à convaincre ses collègues de l'UMP, M. Joyandet vient de dire des choses justes et fortes : ce n'est pas la peine qu'ils s'inquiètent puisqu'il n'y a rien dans le texte, pas la peine de formuler des craintes vis-à-vis d'une obligation qui n'existe pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

La seule obligation, c'est d'ouvrir une négociation, mais l'employeur peut ne rien proposer, et il n'y aura pas de sanction, ou proposer un euro pour satisfaire à la loi. Être obligé à rien ne suscite pas d'effet de seuil. Votre démonstration était absolument remarquable, monsieur Joyandet et, pour une fois, je souscris à votre argumentation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Novelli

Monsieur le ministre, parmi vos arguments, il y en a un que je ne peux pas recevoir parce qu'il me semble illogique : vous nous dites que si on relève le seuil, on va exclure certains salariés de la possibilité d'une augmentation de pouvoir d'achat par la distribution de primes.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Oui.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Novelli

Mais je ne comprends pas ce raisonnement. Votre peu de confiance dans la négociation vous fait penser qu'il n'y en aurait aucune et que, de facto, un million de salariés n'auraient plus aucune chance de bénéficier du dispositif. Or ce n'est pas dans le projet de loi : celui-ci prévoit une obligation de négocier dans les entreprises comprenant plus de cinquante salariés mais aussi, en deçà, une possibilité de négociation. Si on suit votre argument, il faut aller jusqu'au bout et reconnaître qu'en deçà de cinquante salariés, il n'y aura pas d'augmentation de la rémunération, ce qui n'est certainement pas ce que vous souhaitez.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Juste un point : il y a encore plus de garantie avec l'obligation qu'avec la négociation. Il ne faut pas confondre le principe de la prime et les modalités de son versement.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

M. Vanneste et moi-même retirons nos amendements, madame la présidente.

(Les amendements n°s 57 et 104 sont retirés.)

(L'amendement n° 52 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je demande une suspension de séance de quelques minutes.

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quinze.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La séance est reprise.

Je suis saisie d'un amendement n° 2 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Il s'agit d'un amendement de précision, madame la présidente.

(L'amendement n° 2 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 47 .

La parole est à M. Daniel Garrigue.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Le texte institue une prime liée au versement de dividendes successifs sans fixer les modalités de calcul de cette prime, renvoyant pour ce faire à un accord au sein de l'entreprise.

Or, pour participer à cet accord, les représentants des salariés vont se trouver devant la difficulté de disposer des éléments d'information nécessaires : les modalités d'attribution et le montant des dividendes bien sûr, mais aussi les modalités d'attribution et le montant des rémunérations des dirigeants – sujet dont on a beaucoup parlé depuis quelque temps mais dont ce texte ne dit rien, ce qui est l'une de ses lacunes. Il est évident que, dans l'esprit de tous, les primes seront en grande partie liées à ce problème des rémunérations des dirigeants.

Il se trouve qu'une négociation se déroule actuellement entre les partenaires sociaux sur les institutions représentatives du personnel et que ce problème de l'information est précisément au coeur de cette négociation. Il est toujours un peu délicat d'entrer dans ce qui fait l'objet d'une telle discussion mais, précisément, l'un des problèmes de ce texte est de télescoper cette négociation.

En toute logique, cet amendement prévoit que le comité d'entreprise – puisqu'il s'agit de sociétés de plus de cinquante salariés – puisse disposer systématiquement des informations sur les modalités de calcul et le montant des rémunérations des actionnaires et des dirigeants. Sans ces informations, on ne voit pas sur quelles bases l'accord pourrait être négocié.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

La commission n'a pas examiné cet amendement. À titre personnel, je suis plutôt dubitatif sur son insertion dans l'article 1er car, même s'il s'agit d'une question connexe, ce n'est tout de même pas la même chose. En fait, il s'agit même d'un cavalier puisque l'information éventuelle du comité d'entreprise n'a pas d'incidence sur les finances sociales.

Sur le fond, l'argumentation de l'exposé des motifs me surprend. On ne peut pas à la fois regretter que nous légiférions avant que les partenaires sociaux aient passé un accord et déjà inscrire dans la loi ce qui est le coeur de la négociation en cours avec les partenaires sociaux, à savoir les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise sur le partage de la valeur.

À titre personnel, j'émets donc un avis défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis pour des raisons de forme. Monsieur Garrigue, je pense qu'il faut renforcer l'information pour bien montrer le rôle de démocratie sociale joué par l'assemblée générale des actionnaires, mais je m'oppose à la forme de votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

L'échange entre nos collègues Joyandet et Vidalies a montré que les choses sont simples : ce texte n'impose aucune autre obligation aux entreprises – que son seuil d'application soit fixé à 50, 250 ou 500 salariés – que celle de négocier, l'aboutissement de cette négociation étant ouvert et pouvant être nul.

Mais, à partir du moment où le texte oblige à négocier, on pourrait supposer que nous soyons tous favorables à ce que l'on donne aux potentiels négociateurs les éléments pour que la négociation ait un contenu et du sens. L'amendement de notre collègue Garrigue va dans cette direction, en prévoyant de donner aux représentants des salariés des éléments sur les modalités de calcul et les montants des rémunérations des actionnaires et des dirigeants, leur permettant ainsi de conduire valablement la négociation.

Si l'on ne donne que l'obligation de négocier sans même donner aux négociateurs les éléments nécessaires pour que cette négociation ait un contenu, que reste-t-il ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Sur la forme tout d'abord, l'argument du cavalier ne me paraît pas tenir : le premier cavalier dans ce texte est précisément le dispositif qu'y a introduit le Gouvernement sur l'attribution de primes liées aux dividendes, qui n'a a priori rien à voir avec le financement de la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Cavalier pour cavalier, je ne vois pas pourquoi le Gouvernement aurait davantage le droit d'en introduire. Inévitablement, les parlementaires qui veulent discuter de ce texte sont aussi obligés d'introduire des cavaliers.

Sur le fond, dans cette affaire de partage de la valeur ajoutée, plus que tout autre dispositif, l'élément qui permettra vraiment de moraliser, de trouver un minimum de consensus, c'est le dialogue social. Or celui-ci passe d'abord par l'information et par le comité d'entreprise au sein de la société. Si vous refusez cette disposition, vous faites une grave erreur, excusez-moi de le dire, car c'est précisément la mesure qui permettrait d'avancer sur ce terrain.

(L'amendement n° 47 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 124 .

La parole est à M. Charles de Courson.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

En intervenant sur l'article, j'ai exposé l'idée de cet amendement.

Certains de nos collègues comme Hervé Novelli estiment que le seuil de 50 salariés est trop bas et qu'il faut le remonter à 250 ou 500 salariés. À l'inverse, nous pensons que le texte actuel atteint à l'égalité entre tous les salariés.

De plus, lier l'octroi de cette prime à une augmentation de la distribution des dividendes est une erreur économique. Répétons qu'une entreprise peut augmenter ses dividendes alors que ses bénéfices sont en chute, voire négatifs, en puisant dans ses réserves – Hervé Novelli l'avait évoqué – tandis qu'une autre choisira de ne pas augmenter ses dividendes ou de ne pas en verser du tout alors qu'elle est extrêmement bénéficiaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

C'est pour cela qu'il vaut mieux augmenter les salaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Toutes les situations sont possibles.

D'une simplicité biblique, notre amendement n° 124 propose que toute entreprise puisse accorder une prime, en bénéficiant d'avantages fiscaux et sociaux dans la limite de 1 200 euros par personne, que ce soit ou non dans le cadre de négociations. Cette formulation évite tout débat sur les seuils.

À cet égard, l'étude d'impact du Gouvernement est extrêmement intéressante. Elle montre que seulement 16 % des entreprises de moins de cinquante salariés distribuent des dividendes. Parmi ces dernières, combien augmentent leurs dividendes ? À peine la moitié. Cela signifie que 8 % à 10 % des salariés travaillant dans une entreprise de moins de cinquante salariés vont être concernés par le texte, alors que, dans les très grands groupes du CAC 40, la proportion atteint 80 % à 90 %, voire 95 %. Même des entreprises déficitaires du CAC 40 distribuent parfois des dividendes en prélevant sur leurs réserves pour essayer les lisser les bénéfices.

Après les débats précédents, notre amendement vise donc à simplifier le dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

La commission a repoussé cet amendement qui traduit en fait une autre philosophie du système que celle du présent texte. Pour des raisons d'équité sociale, ce dernier tend à établir un lien structurel entre l'augmentation de la distribution de dividendes aux actionnaires et ce que nous appelons parfois le dividende du travail. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Avis défavorable. En définitive, l'amendement propose un dispositif qui serait même moins avantageux que l'intéressement, la prime prévue n'étant pas liée à la performance. Il nous éloignerait complètement du but recherché.

(L'amendement n° 124 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 129 .

La parole est à M. Francis Vercamer.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Cet amendement va dans un autre sens que celui qui vient d'être présenté par M. de Courson.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Tandis que l'amendement de Charles-Amédée de Courson avait tendance à élargir l'attribution de la prime, celui-ci vise plutôt à la remplacer par un dividende social : toute société de plus de cinquante salariés distribuant des dividendes à ses actionnaires devrait verser 20 % de leur montant total sous forme de participation déblocable immédiatement au bénéfice de ses salariés et des salariés des entreprises qu'elle contrôle.

Cet amendement présente plusieurs avantages. Premièrement, il ne crée pas de niche fiscale contrairement au texte du Gouvernement qui prévoit la création d'un prime assortie d'avantages fiscaux. Dans notre amendement, il n'est question que de dividendes et de participation qui ont leurs règles fiscales. Il prévoit simplement que 80 % des dividendes soient versés aux actionnaires et 20 % aux salariés, sans introduire de modifications fiscales ou sociales particulières.

Deuxièmement, la mesure ne se substitue pas à la participation contractuelle. Il s'agit bien d'une participation complémentaire qui n'efface pas les accords d'entreprise qui pourraient exister.

Troisièmement, l'amendement défend l'idée du partage de la valeur distribuée par l'entreprise. En distribuant des dividendes, l'entreprise s'appauvrit car ses fonds propres diminuent. Les actionnaires s'enrichissent au détriment de l'entreprise. Il nous paraît logique et juste qu'une partie de ce transfert financier aille vers les salariés dont l'outil de travail et l'environnement s'appauvrissent.

Au lieu de dividende social, nous aurions pu l'appeler dividende du travail, si vous le voulez, monsieur le rapporteur. Mais notre idée est un peu différente puisque le montant n'est pas basé sur la progression des dividendes mais sur les dividendes globalement versés.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Cet amendement qui n'a pas été examiné sous cette forme par la commission s'inscrit dans une tout autre philosophie que celle du Gouvernement et le dispositif préconisé est beaucoup plus contraignant pour toutes les entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Quant à dire que ce n'est pas une niche ! C'est tout autant une niche que la participation puisqu'il en a les mêmes vertus.

À titre personnel, j'émets un avis défavorable.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Je ne suis pas du tout d'accord : ce n'est pas une niche fiscale supplémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

La participation existe, mais, au lieu d'être versée aux actionnaires, elle serait versée aux salariés. Il n'y a donc pas de niche complémentaire mais un transfert des actionnaires vers les salariés. Le système fiscal et social ne change pas ; il n'y a pas d'avantage complémentaire.

(L'amendement n° 129 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 106 et 133 .

La parole est à M. Dominique Tian, pour défendre l'amendement n° 106 .

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Je vais laisser M. de Courson, qui a beaucoup plus de talent que moi, défendre son amendement puisqu'il est identique au mien.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Charles de Courson, pour défendre l'amendement n° 133 .

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Cet amendement concerne les actions à dividende prioritaire qui ont déjà été évoquées. En effet, comme l'ont précisé plusieurs collègues, dont M. Novelli et M. Vidalies, il y a plusieurs façons de rémunérer les actionnaires : par des actions gratuites, par des rachats d'actions et, également, par des actions à dividende prioritaire. Or, ces dernières constituent le mode de financement habituel des investissements des PME. C'est pourquoi nous proposons de les sortir du débat. Comme elles sont pré-programmées, elles n'ont pas le même sens qu'un dividende normal.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

La commission a repoussé ces amendements en s'interrogeant sur leur portée : s'agit-il de contourner le dispositif ou de régler un problème concret ? La question peut être posée. C'est pourquoi j'attends de connaître la position de Gouvernement.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Avis défavorable. En définitive, ce qui est proposé, c'est d'exclure du dispositif les augmentations de dividendes liées à un déclenchement de dividendes dans le cadre d'actions à dividende prioritaire. Or, l'ordonnance de juin 2004 relative au régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales prévoit que les actions de préférence, qui peuvent, notamment, prévoir un dividende majoré, remplacent les actions de priorité, les actions à dividende prioritaire sans droit de vote, et les certificats d'investissement. Donc les actions à dividende prioritaire sans droit de vote, qui sont en voie d'extinction, sont prévues en contrepartie de l'absence de droit de vote.

Il apparaît difficile d'exclure du dispositif ce type d'opérations alors même que les actions de préférence qui prévoiraient un dividende majoré seraient toujours comptabilisées.

Pardonnez-moi d'être technique mais je sais que, si je ne le suis pas, vous allez protester, monsieur de Courson, et m'accuser de ne pas suffisamment argumenter.

L'exclusion viendrait donc créer une différence de traitement entre les sociétés qui ont émis des actions à dividende prioritaire sans droit de vote et celles qui ont émis des actions de préférence. Votre approche est donc partielle et parcellaire et, si elle était adoptée, ce que je ne souhaite pas, elle irait à l'encontre de l'approche globale du texte. Elle rendrait les choses plus compliquées et, donc, moins lisibles.

L'exclusion de ces actions ne semble pas justifiée parce que notre idée est bien de verser une prime aux salariés dès lors que la société verse des dividendes en augmentation. On perdrait en clarté et en lisibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur le rapporteur, l'objet de cet amendement est, justement, d'éviter le contournement du dispositif. Vous pouvez avoir des situations qui vont dans tous les sens. C'est pourquoi il était proposé de ne pas tenir compte des actions à dividende prioritaire.

Monsieur le ministre, si vous voulez aller plus loin et ajouter les actions de préférence, il n'y a aucun problème. Je donnerai un avis favorable à votre sous-amendement, au nom de mon groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Puisque M. le ministre fournit des précisions sur le champ d'application du dispositif, peut-être serait-il utile qu'il le fasse aussi sur les autres cas que nous avions envisagés et qui s'inscrivent dans une démarche contraire à celle de M. de Courson. Tandis qu'il propose de limiter le champ d'application, en excluant les actions à dividende prioritaire – et je rejoins à ce sujet l'explication qu'a donnée M. le ministre –, nous avons aussi envisagé la distribution gratuite d'actions et le rachat d'actions, qui n'entreraient pas littéralement dans le champ d'application de la loi, bien qu'ils enrichissent les actionnaires, et permettraient de contourner celle-ci. Qu'allez-vous faire dans ce cas-là ? Que comptez-vous répondre aux salariés qui s'indigneront de ne pas être concernés par une loi votée en leur faveur parce qu'il a été fait un autre choix de répartition ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

L'attribution d'actions gratuites n'est pas un élément déclencheur. Ce peut être une modalité, si elle est bien ouverte à l'ensemble des salariés.

Le choix d'attribuer des actions gratuites ou même, comme cela a été évoqué, d'avoir un régime de prévoyance supplémentaire ne pourra pas être fait de manière unilatérale. Il ne pourra pas être de la seule responsabilité du chef d'entreprise, mais devra forcément faire l'objet d'un accord dans l'entreprise.

(Les amendements identiques nos 106 et 133 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 3 .

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Favorable.

(L'amendement n° 3 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 125 .

La parole est à M. Charles de Courson.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Il s'agit d'un amendement de clarification. Comme cela a été souligné par plusieurs orateurs, le texte tend à rendre obligatoire la négociation dans une entreprise de plus de cinquante salariés qui augmente ses dividendes, mais pas la distribution. Si les négociations échouent et qu'il n'y a pas de distribution, l'emploi du mot « verse » peut faire naître des contentieux et entraîner la réclamation du versement d'une somme symbolique. C'est pourquoi nous estimons qu'il vaut mieux écrire « peut verser ».

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

(L'amendement n° 125 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 105 .

La parole est à M. Dominique Tian.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Le II de l'article 1er pose la règle selon laquelle la prime doit être attribuée dès lors que le montant par action des dividendes est en hausse par rapport à la moyenne des deux exercices précédents. Toutefois, pour tenir compte des effets de la crise en 2009, nous proposons de retenir, pour le calcul de la prime versée au titre de l'exercice 2010, la moyenne des années 2007 et 2008.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

(L'amendement n° 105 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 107 .

La parole est à M. Dominique Tian.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Il s'agit de bien mentionner que le dispositif de prime proposé par le présent article reste optionnel pour les filiales des groupes qui emploient moins de cinquante salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

La commission a repoussé cet amendement car il lui est apparu satisfait par le texte. Il est clair que les sociétés de moins de cinquante salariés, qu'elles appartiennent ou non à un groupe, ne seront pas obligées de verser la prime. Mais, là encore, je souhaite connaître la position du Gouvernement.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Le Gouvernement demande le retrait de l'amendement car il est satisfait.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Si l'amendement est satisfait par le texte, je le retire.

(L'amendement n° 107 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 108 .

La parole est à M. Dominique Tian.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

La commission a repoussé cet amendement qui exonérerait du système l'essentiel des grands groupes puisqu'il faudrait que toutes les filiales versent des dividendes en augmentation pour qu'un groupe y soit assujetti. Le contournement de l'obligation deviendrait, dès lors, un jeu d'enfant pour les groupes.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Avec les amendements précédents, vous étiez le défenseur de la CGPME. Là, c'est franchement du Laurence Parisot !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis que la commission.

(L'amendement n° 108 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 4 .

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Favorable.

(L'amendement n° 4 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 126 .

La parole est à M. Charles de Courson.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis que la commission.

(L'amendement n° 126 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi d'un amendement n° 5 .

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Favorable.

(L'amendement n° 5 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 109 .

La parole est à M. Dominique Tian.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Le mécanisme proposé peut conduire une filiale à se retrouver avec une situation nette négative, puisqu'il impose le versement d'une prime que la filiale fasse ou non des bénéfices. Afin de ne pas aggraver la situation financière de ces sociétés par le versement d'une prime, cet amendement a pour objet de les exonérer de l'obligation de la verser.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

La commission a repoussé cet amendement dont l'esprit est contraire au texte. C'est bien le fait que l'entreprise de tête d'un groupe augmente ou non ses dividendes qui déterminera l'obligation de primes dans tout ce groupe. Mais, naturellement, si la prime n'est pas décidée au niveau central, par accord de groupe, comme l'un de nos amendements l'autorise, rien n'interdira que son montant soit ajusté dans chaque entreprise pour tenir compte de la situation financière des différentes entreprises composant le groupe.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Cette position n'est pas cohérente avec l'amendement que nous avons adopté.

Dans le texte, il était rappelé que, quand il n'y avait rien à distribuer, on ne distribuait rien et qu'il ne fallait pas confondre augmentation des dividendes avec bénéfice.

Or, on parle maintenant de partage des profits. Il faudrait donc être cohérents et au moins préciser que, quand une entreprise est déficitaire, elle ne distribue pas de primes sur l'augmentation des dividendes car, dans ce cas, si elle distribue des dividendes en étant déficitaire, cela signifie qu'elle prend sur des réserves.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

L'amendement de M. Tian est donc un amendement de bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Suite à l'intervention de M. le rapporteur, à laquelle je souscris, je souhaiterais avoir confirmation de l'interprétation qu'il vient de donner.

Dans le cas d'une maison mère qui ne distribue pas de dividendes mais qui les rapatrie sur ses filiales, le texte ne semblait pas répondre correctement à la situation. Non seulement il nous semblait parfaitement injuste, mais encore ç'aurait été un jeu d'enfant de le contourner.

M. le rapporteur vient de préciser que, dans cette hypothèse, la maison mère ne donnerait rien et que les filiales donneraient beaucoup, auquel cas le texte s'appliquerait. Je voudrais avoir confirmation de cette interprétation, parce que c'est une précision importante.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Comme on raisonne globalement au niveau du groupe, avec ce critère, c'est vrai.

D'ailleurs, quel meilleur critère auriez-vous, monsieur Vidalies ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Et c'est une vraie question.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je ne suis pas certain que le bénéfice consolidé puisse véritablement simplifier les choses. C'est pourquoi, nous avons décidé de garder ce critère, qui est général. Nous avons cherché, je ne vous le cache pas, mais nous n'avons pas trouvé de meilleur critère permettant de couvrir l'ensemble.

(L'amendement n° 109 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 6 .

La parole est à M. Yves Bur.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Cet amendement a un double objectif : d'abord préciser que l'accord instituant la prime peut aussi être passé au niveau d'un groupe d'entreprises, le cas échéant, et ensuite, viser expressément le cas où le dispositif serait ratifié par referendum d'entreprise, car il ne correspond pas formellement à la conclusion d'un accord.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Favorable.

(L'amendement n° 6 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 7 .

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Favorable.

(L'amendement n° 7 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 8 .

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Favorable.

(L'amendement n° 8 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 80 .

La parole est à M. Jean Proriol.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Cet amendement, présenté par M. Decool et plusieurs collègues, vise à insérer, à l'alinéa 6 de l'article 1er, après le mot : « négociation », les mots : «, et après que les parties ont tenté d'aboutir de bonne foi à un accord. »

Dans un esprit de conciliation, tout doit être tenté afin de parvenir à un accord entre les parties. Ainsi celles-ci devront tenter de rapprocher leurs points de vue tout en restant respectueuses du droit, notamment du droit d'autrui.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

La commission a repoussé cet amendement, dont je suggère le retrait. En effet, le principe de bonne foi est un principe général et jurisprudentiel de la négociation collective. L'introduire dans le texte, soit n'aurait aucune portée, soit risquerait de développer de nouveaux contentieux, car on pourrait se demander pourquoi le législateur a jugé nécessaire de mentionner la bonne foi dans ce cas précis.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

L'avis de la commission et du Gouvernement serait-il différent si nous supprimions, dans l'amendement, les mots : « de bonne foi » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Je retire l'amendement.

(L'amendement n° 80 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 9 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Rédactionnel !

(L'amendement n° 9 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 10 et 79 .

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 10 .

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Jean Proriol, pour soutenir l'amendement n° 79 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Cet amendement, également présenté par M. Decool et d'autres collègues, vise à insérer, à l'alinéa 6 de l'article 1er, après le mot : « consignées », les mots : « les propositions initiales de l'employeur ».

Le procès-verbal de désaccord présente l'intérêt de récapituler, point par point, l'ensemble des propositions, afin de souligner celles qui ont été rejetées. Il nous paraît donc opportun qu'y figurent les propositions qui avaient été formulées initialement par l'employeur.

(Les amendements identiques nos 10 et 79 , acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Rédactionnel !

(L'amendement n° 11 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 81 .

La parole est à M. Jean Proriol.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Cet amendement a les mêmes auteurs que les deux précédents, que j'ai défendus avec un demi-succès. (Sourires.)

Nous proposons d'insérer, après l'alinéa 6 de l'article 1er, l'alinéa suivant :

« L'accord ou le procès-verbal de désaccord est déposé auprès de l'autorité administrative dans un délai déterminé par voie réglementaire. »

Cet amendement ne fait que reprendre le dispositif applicable en matière d'épargne salariale en vertu de l'article L. 3313-3 du code du travail. Il s'agit d'assurer l'information de l'autorité administrative, ce qui pourrait permettre d'éviter la saisine de l'autorité judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Avis défavorable. L'amendement est satisfait par l'amendement n° 8 , que nous avons adopté tout à l'heure. Je précise, à ce propos, qu'en l'absence de dépôt, il n'est pas possible de bénéficier des conditions d'exonération. Par ailleurs, il est important que le dépôt ait lieu auprès des DIRECCTE, car il n'appartient pas au réseau des URSSAF, dont ce n'est pas la fonction et qui auraient été surchargées de travail, de contrôler la réalité de ces accords.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Je retire l'amendement !

(L'amendement n° 81 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 110 .

La parole est à M. Dominique Tian.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Afin d'éviter toute confusion entre l'obligation de négocier en vue du versement de la prime et la négociation annuelle obligatoire sur les salaires, la NAO, nous proposons que, lorsqu'un accord a été conclu dans le cadre de cette dernière, la prime puisse faire l'objet en 2011, à titre exceptionnel, d'une décision unilatérale de l'employeur, après avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'ils existent.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Avis défavorable. Je rappelle aux auteurs de l'amendement qu'il s'agit, non pas d'imposer une nouvelle négociation annuelle obligatoire aux entreprises, mais bien de conclure un accord selon les modalités élargies et simplifiées qui sont celles de la participation. L'employeur pourra négocier avec des salariés mandatés ou dans le cadre de comités d'entreprise, voire passer par un référendum d'entreprise et, en cas d'échec, c'est le régime de l'engagement unilatéral qui s'appliquera.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis que la commission. On ne peut pas faire de l'engagement unilatéral la norme, même pour l'année 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Monsieur le ministre, si un accord a été signé dans le cadre de la NAO et que les obligations légales ont été parfaitement respectées, pourquoi ne pourrait-on pas accepter un régime transitoire pour l'année 2011 après avoir demandé – et j'insiste sur ce point – l'avis des délégués du personnel ou du comité d'entreprise ? Est-il nécessaire d'imposer une réglementation abusive et superfétatoire ? Cette mesure vise à assouplir le dispositif.

(L'amendement n° 110 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie de deux amendements, nos 12 et 78 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 12 .

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Il s'agit de se rapprocher du régime applicable à l'épargne salariale, dans lequel une note d'information doit être remise aux salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Jean Proriol, pour soutenir l'amendement n° 78 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Je retire l'amendement au profit de celui de M. Bur, qui me paraît plus complet, car il fait également figurer dans la note le moment où doit être effectué le versement.

(L'amendement n° 78 est retiré.)

(L'amendement n° 12 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 94 .

La parole est à M. Alain Vidalies.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Il s'agit de préciser les modalités de versement de la prime. Le texte prévoit qu'en l'absence d'accord, ce versement peut être décidé unilatéralement par l'employeur. Or, la modulation de la prime, régie par le code du travail, est possible, qu'il y ait accord ou non. Nous, nous pensons que cette modulation ne peut résulter que d'un accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

La commission a repoussé cet amendement. Si nous l'adoptions, on ne saurait pas comment la prime devrait être répartie en l'absence d'accord. Les auteurs de l'amendement semblent convaincus qu'en ce cas, la répartition serait uniforme, mais cela ne résulte pas explicitement du texte et conduirait à une solution différente de celle qui est retenue en matière de participation. Lorsque l'accord de participation ne prévoit pas de modulation, la répartition ne se fait pas uniformément, mais proportionnellement aux salaires, selon l'article L. 3324-5 du code du travail.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Le Gouvernement souscrit à l'argumentaire de la commission.

(L'amendement n° 94 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 13 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Rédactionnel !

(L'amendement n° 13 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 111 .

La parole est à M. Dominique Tian.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Si, par hasard, un chef d'entreprise qui a signé un accord dans le cadre d'une NAO ne réengage pas une négociation en vue du versement de la prime, il sera passible d'une peine d'emprisonnement d'un an pour délit d'entrave. Cela me paraît excessif. C'est pourquoi je propose de prévoir uniquement une amende de 3 750 euros. En effet, je suis certain que la complexité du dispositif va engendrer quelques difficultés.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Avis défavorable. La commission considère qu'il est logique de prévoir, dans le cas présent, la même sanction que pour le non-engagement des autres négociations obligatoires.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis que la commission.

(L'amendement n° 111 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 14 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 131 .

La parole est à M. Charles de Courson.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

L'alinéa 9 de l'article 1er dispose que « ne sont pas soumises aux obligations du présent article les entreprises ayant attribué […], par accord d'entreprise, un avantage pécuniaire non obligatoire en vertu des règles légales ou conventionnelles […] »

Nous souhaitons ajouter, après le mot : « entreprise » : « ou conclu selon l'une des modalités visées à l'article L. 3322-6 du code du travail ». Ces modalités peuvent en effet être extrêmement diverses : il peut s'agir d'un supplément d'intéressement ou de participation, d'une attribution d'actions gratuites ou d'un autre avantage pécuniaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

La commission a repoussé cet amendement qui me gêne quelque peu, car il permettrait un contournement généralisé du dispositif par toutes les entreprises qui auraient déjà mis en place ou mettraient en place des systèmes non obligatoires de distribution d'avantages financiers, d'intéressement par exemple.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis que la commission.

(L'amendement n° 131 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 112 .

La parole est à M. Dominique Tian.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Il s'agit de donner un peu de souplesse au dispositif et de privilégier la négociation collective d'entreprise plutôt qu'une obligation très lourde et contraignante.

(L'amendement n° 112 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 15 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Rédactionnel !

(L'amendement n° 15 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisi de trois amendements, nos 113 rectifié , 127 et 96 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 113 rectifié et 127 sont identiques.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l'amendement n° 113 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Je laisse à M. de Courson, qui est un grand technicien, le soin de le défendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 127 .

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Par cet amendement, nous proposons une nouvelle rédaction du VII de l'article 1er, qui fixe les modalités de la prime qui peut être attribuée dans l'ensemble des entreprises, y compris celles de moins de cinquante salariés.

Il s'agit de proposer à ces entreprises un mécanisme simple et incitatif pour celles qui voudraient effectuer une telle démarche volontaire. Dans cette optique, la prime attribuée aux salariés bénéficie des mêmes exonérations que celle attribuée par les employeurs de droit privé et des établissements mentionnés à l'article L. 3321-1 du code du travail qui emploient habituellement cinquante salariés et plus dans la limite d'un montant égal à 1 200 euros par salarié et par an.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

La commission a repoussé cet amendement, qui vise à étendre la prime facultative, et sa niche sociale, à toutes les entreprises de moins de cinquante salariés, indépendamment des dividendes qu'elles peuvent verser. Vous le savez, j'étais plutôt favorable à un tel dispositif, mais il aurait fallu qu'il soit limité dans le temps, à la première année. Or, non seulement la commission ne m'a pas suivi, mais le dispositif proposé serait pérenne.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Je souhaiterais insister – certains collègues l'ont fait avant moi – sur la situation spécifique des entreprises de moins de cinquante salariés. Si vous lisez l'étude d'impact du Gouvernement, quel est le pourcentage des entreprises de moins de 50 salariés qui distribuent des dividendes ? 16 %. Quelle proportion, au sein de ces 16 %, distribue des dividendes en augmentation ? Le Gouvernement dit : les deux tiers. C'est un maximum ; en fait, cette proportion est comprise entre la moitié et les deux tiers. Ce sont donc de 8 % à 10 % des entreprises comptant moins de 50 salariés qui sont concernées, soit 14 % ou 15 % des salariés de ces entreprises.

Mes chers collègues, nous n'avons cessé, toutes tendances confondues, de dire qu'il y avait déjà un écart important entre la situation sociale des salariés des grandes entreprises et celle des autres. Entre nous, mes chers collègues, si Total avait distribué des dividendes et en plus donné cette prime… La convention collective du secteur pétrolier est déjà la meilleure de France !

Limiter l'application de la mesure, s'agissant des entreprises de moins de 50 salariés, à celles qui distribuent des dividendes à la hausse, c'est exclure environ 85 %, peut-être 90 %, des salariés de ces entreprises.

Je vous pose donc la question, mes chers collègues : en termes d'égalité des salariés devant la loi, n'est-ce pas là un vrai problème ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Oui, même, éventuellement, un problème constitutionnel de rupture de l'égalité entre les salariés.

C'est pourquoi nous proposons un système plus libéral pour les entreprises de moins de cinquante salariés que pour les entreprises de plus de cinquante salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Tout au long de ces semaines de discussion, l'ensemble des partenaires sociaux sont revenus sur le risque que cette prime, a fortiori si elle est pérenne et si elle est instaurée dans les entreprises de moins de 50 salariés, ne vienne insidieusement prendre la place des salaires. Pour le coup, ce serait le contraire de l'objectif visé, et ce serait en outre, à mon sens, une niche sociale caractérisée. Puisque l'on va donner une prime avant finalisation du compte de résultat, par exemple au mois d'octobre, qu'elle entrera dans les charges de l'entreprise, elle sera exonérée et viendra prendre la place des salaires. Ce dispositif pourrait être intéressant s'il avait une application ponctuelle, « one shot », mais il ne s'agit pas de cela.

Cependant, votre intention sera satisfaite, monsieur de Courson, avec l'amendement 22 de la commission, par laquelle celle-ci propose la simplification du système d'intéressement. Celui-ci sera effectivement simplifié sur un an, sans prendre la place des salaires. Pour le coup, on évitera l'écueil tant redouté.

L'amendement de la commission que nous examinerons tout à l'heure me paraît donc éviter les risques d'une vraie niche sociale et du remplacement des salaires normaux par une prime. Si, en plus, le système que vous proposez devait être pérenne, ce serait l'inverse de l'objectif visé.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Nous sommes tout à fait d'accord. Je propose donc que mon ami Charles de Courson et M. Tian rectifient leurs amendements identiques en précisant que la mesure ne s'appliquera qu'à l'année 2011. Ce ne serait qu'une prime ponctuelle ; voilà qui règlerait les problèmes que poserait une prime pérenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

J'avais effectivement proposé, dans le débat, un amendement qui permettait aux très petites entreprises de verser une prime en numéraire, uniquement pour l'année 2011 et avant le 31 octobre pour qu'elle ne se confonde pas avec les primes habituelles de fin d'année. La commission avait rejeté cette proposition. Je m'en remets à son avis et j'ai donc envie de dire « sagesse », ou « avis défavorable ».

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Ce n'est pas la même chose, « sagesse » ou « avis défavorable » !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Je rappelle tout d'abord que la commission a rejeté cet amendement.

Projetons-nous un tout petit peu plus loin, en considérant ce que sera la mise en oeuvre d'un tel dispositif. Ce n'est pas un dispositif supplémentaire, facile, destiné à être utilisé une seule fois ; si nous le mettons en place « en plus », l'intéressement dans les entreprises de moins de 50 salariés sera complètement découragé. Mettez-vous à la place du chef d'une entreprise de moins de 50 salariés, à qui l'on donne le choix entre la mise en place d'un intéressement qui se raccroche au système d'intéressement habituel et une prime ponctuelle, donnée facilement sous la forme d'un chèque, sans autre forme de procès, puisque c'est ce qui est proposé. Cela détruit le dispositif d'intéressement simplifié qui vous est proposé ! C'est en tout cas ce que nous constaterons sur le terrain car, si l'on laisse le choix entre donner un chèque, sans aucune procédure, et mettre en place l'intéressement simplifié adopté par la commission des affaires sociales, cela tue ce dernier. J'attire votre attention, mes chers collègues, sur ce problème. Il n'y aura pas l'un et l'autre dans les entreprises, et le dispositif que tend à instaurer cet amendement tend à tuer celui, meilleur, que la commission des affaires sociales a adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Je me rallie à la position de nos collègues Vercamer, Tian et d'autres, et j'accepte de rectifier l'amendement n° 127 en précisant que la disposition qu'il tend à introduire s'applique pour l'année 2011. Cela permettra aussi de répondre aux objections soulevées à juste titre par notre collègue Joyandet.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Non, non, cela n'y répond pas ! Ce n'est pas ce que je disais !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Je pense, chers collègues, que notre devoir est de mener une action spécifique pour les petites entreprises. On ne peut pas continuer à légiférer d'une manière qui aggrave encore les inégalités au sein du salariat, et je pense que cette disposition serait très bien comprise.

Que veut faire le Gouvernement ? Il veut aider les salariés les plus modestes. Je suis désolé de le dire mais, s'il y a des salariés modestes dans les très grandes entreprises, les salaires y sont tout de même beaucoup plus élevés que dans les petites entreprises. Nos amendements identiques, rectifiés, permettent de corriger partiellement cela, à titre exceptionnel, en 2011. Ensuite, à partir de l'année 2012, c'est le dispositif d'intéressement que tend à instaurer l'amendement Joyandet qui s'appliquera.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Je pense que la position énoncée par Francis Vercamer est parfaitement logique. J'ai même l'impression qu'Yves Bur était sur le point de l'accepter. À l'évidence, cette rectification est un signal très fort, et, sans relancer le débat, je crois que M. Joyandet s'est un petit peu trompé dans son raisonnement. Cela évite également la rupture d'égalité évidente, sans cela, que tend à créer ce texte et un problème d'inconstitutionnalité. La rectification proposée est donc une très bonne solution.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Dans les amendements nos 113 deuxième rectification de M. Tian et 127 rectifié de M. de M. de Courson, la phrase rectifiée est donc ainsi libellée : « VII. – Les entreprises de moins de 50 salariés peuvent, de façon volontaire, à leur initiative ou par un accord conclu selon l'une des modalités visées à l'article L. 3312-5 du code du travail, verser à l'ensemble de leurs salariés, pour l'année 2011, une prime. »

Monsieur le rapporteur, êtes-vous d'accord avec l'amendement ainsi rectifié ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Au nom de la commission, je donne un avis défavorable, car la commission a voté contre cet amendement. À titre personnel, évidemment, c'est peut-être autre chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Vous vous en remettez donc à la sagesse de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ainsi rectifiés ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

L'avis du Gouvernement est défavorable.

Après un gros travail, nous sommes parvenus à un accord sur un amendement proposé par Alain Joyandet. Il apporte vraiment une clarification et permet de répondre au souhait, qui était celui de beaucoup, d'apporter une solution rapide et facile dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Non seulement les amendements identiques nos 113 deuxième rectification et 127 rectifié vampirisent l'amendement Joyandet mais, surtout, ils introduisent une confusion supplémentaire. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable, pour émettre tout à l'heure un avis favorable sur l'amendement Joyandet.

J'ai bien entendu, en outre, le rapporteur indiquer que la commission avait émis un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Il s'agit là d'un élément-clé. Je confirme donc, en tant que président de la commission des affaires sociales, l'importance de cet avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Nos amendements identiques, rectifiés grâce à M. Vercamer, ne sont pas du tout contradictoires avec l'amendement Joyandet. Pourquoi donc ? Leur application est limitée à l'année 2011. Or notre collègue Joyandet avait souligné en commission que le dispositif prévu par son amendement serait mis en place à partir de l'année 2012. Nos amendement sont donc en fait complémentaires de l'amendement Joyandet.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Je suis désolé de m'immiscer dans un débat au sein de la majorité…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

…mais l'impression d'impréparation et de pagaille conceptuelle est tout de même assez forte. Lorsque nous sommes intervenus au départ, nous avons évidemment dit que la création de cette prime en plus d'autres dispositifs – Louis Giscard d'Estaing l'avait dit à un autre propos ; cela fait quatre fois que vous nous faites le coup en six ans – créait un jeu de tiroirs avec ceux-ci. Au fond, cela ne changerait pas grand-chose, mais peu importe puisque M. Joyandet nous a expliqué qu'il n'y avait pas lieu de perdre notre temps avec une obligation qui, en fait d'obligation, est purement formelle.

Cependant, voici que le Gouvernement est obligé d'intervenir pour nous ne poussions pas ces subtilités jusqu'à leur terme, car nous risquerions de graver la confusion elle-même dans le marbre de loi. Peut-être le mieux aurait-il été que nous retournions en commission il y a quelques heures pour éclairer tous ces débats. Du moins aurons-nous vu la réalité de ce texte grâce à M. Joyandet qui, dans un éclair de lucidité, nous indiquait tout à l'heure que la confusion du texte ne changeait rien à rien, puisqu'il n'y avait aucune obligation de rien pour quiconque. Les conséquence de « rien » étant « rien », rien de tout cela ne posera aucun problème à personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Pour ne pas allonger les débats, je n'ai pas répondu tout à l'heure à M. Vidalies, mais, puisqu'il m'en donne l'occasion, je le fais maintenant.

Mes chers collègues qui appelez de vos voeux la négociation à l'intérieur des entreprises, ce texte a au moins – vous ne pouvez pas le nier – un avantage : il appelle à la négociation dans les entreprises. Cette négociation devient même obligatoire lorsque les dividendes augmentent. Ne me faites donc pas dire ce que je n'ai pas dit, je vois bien le jeu habile que vous jouez. Comme vous allez répéter cela un certain nombre de fois,…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

…je vous le dis une fois pour toutes.

M. de Courson ne manque pas non plus d'habileté. Son amendement et celui de M. Tian ne feraient que donner une facilité supplémentaire et, rectifiés, il s'accorderaient avec celui de la commission. Non, pas du tout ! Si ces amendements identiques sont adoptés, il n'y aura pas d'accélération de l'intéressement dans les entreprises de moins de 50 salariés parce que la solution de facilité sera de faire ce chèque sans entrer dans le système de l'intéressement, qui est un tout autre système. Si l'on veut vraiment s'appuyer sur les dispositifs qui existent déjà – le propos de mon collègue Hervé Novelli allait en ce sens – et ne pas en créer d'autres, ne pas ajouter une feuille supplémentaire au millefeuille de l'existant, si l'on veut plutôt raccrocher ce que l'on fait à l'intéressement, c'est bien, pour les entreprises de plus de 50 salariés, l'objet du texte que nous examinons, et l'amendement de la commission que nous examinerons tout à l'heure va dans le même sens. En ce qui me concerne, je pense que tout cela est assez cohérent, et je pense ne pas pouvoir voter les amendements identiques de M. Tian et de M. de Courson : ils tendent à instaurer un tout autre système, incompatible avec ce que nous proposons ; s'ils étaient adoptés, nous romprions l'équilibre de l'ensemble du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Vous êtes dans la poisse !

(Les amendements identiques nos 113 deuxième rectification et 127 rectifié ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Nous en venons à l'amendement n° 96 .

La parole est à M. Alain Vidalies.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Nous sommes là dans une autre logique.

Que se passe-t-il aujourd'hui ? Votre texte considère toutes les entreprises de moins de 50 salariés de la même façon, sans aucune distinction entre les entreprises de moins de 11 salariés et les entreprises qui comptent de 11 à 50 salariés.

Pour notre part, nous pensons qu'il n'y a aucune raison de les assimiler. Naturellement, vu le code du travail, je comprends qu'il faille une décision de l'employeur dans les entreprises de moins de 11 salariés. En revanche, je ne comprends pas pourquoi les entreprises comptant de 11 à 50 salariés s'exonéreraient de l'obligation d'engager une négociation, puisque c'est possible.

Par conséquent, nous faisons la distinction entre celles, entre onze et cinquante salariés, pour lesquelles il faudrait un accord, puisque cela est possible dans le cadre du code du travail, avec les délégués du personnel et les représentants syndicaux – s'il y en a. Pour les entreprises de moins de onze salariés, il faudrait que ce soit à l'initiative de l'employeur. C'est une distinction qui semble utile.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Défavorable.

S'agissant de la prime facultative dans les petites entreprises, cette proposition rigidifierait le texte.

En effet, elle imposerait, dans les entreprises de onze à cinquante salariés, de passer par une forme d'accord sur la prime, alors que le projet de loi prévoit, pour toutes les entreprises de moins de cinquante salariés, la possibilité d'agir soit par accord, soit par engagement unilatéral.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Nous ne comprenons pas pourquoi vous avez fixé la barre à cinquante salariés. Il y aurait donc les heureux bénéficiaires de la prime dans les entreprises de plus de cinquante salariés, tous les autres étant rejetés, car travaillant dans de trop petites entreprises. Nous ne comprenons pas la raison de ce blocage : y aurait-il les bons salariés et les moins bons ? Qu'est-ce qui fait la différence, si ce n'est le nombre de salariés dans l'entreprise ? J'avoue ne pas comprendre votre logique, qui renvoie au flou artistique de vos discussions entre vous. Cette prime passe de plus en plus mal, et on n'y comprend plus grand-chose : certains veulent la donner à tout le monde, d'autres souhaitent en faire de l'intéressement, ce qui semble être la meilleure solution, défendue, d'ailleurs, par M. Novelli.

Le dispositif existe, mais vous en faites autre chose, jusqu'à devenir un véritable OVNI. Plus on s'enfonce dans le texte, moins on y comprend grand-chose, si je puis employer cette phrase qui ne ressemble à rien !

J'espère qu'à l'avenir, vous allez nous apporter quelques éclaircissements, mais, pour l'heure, nous ne sommes pas sur la voie de la simplification. Vous aurez du mal, lorsque le dispositif sera voté, à expliquer aux salariés comment s'y retrouver. Certains vont réaliser que le dispositif n'était pas clair et qu'ils en ont été exclus. Ils le ressentiront sans difficulté.

(L'amendement n° 96 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 16 .

La parole est à M. Yves Bur.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Favorable.

(L'amendement n° 16 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Nous en venons à un amendement n° 97 .

La parole est à M. Alain Vidalies.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

C'est une question de fond et de cohérence : en l'état de nos finances publiques et sociales, faut-il créer des exonérations chaque fois que l'on essaie d'inciter à la négociation ? Il n'y a pas de cohérence entre le dispositif que vous préconisez aujourd'hui et la discussion que nous avons eue lors de la loi de financement de la sécurité sociale – je pense notamment aux mesures que vous avez prises, même si elles étaient insuffisantes, et que le rapporteur a rappelées tout à l'heure. À l'époque, vous nous aviez dit que la situation était telle qu'il fallait revenir sur une série d'exonérations, en remontant l'assiette et les taux pour un certain nombre de revenus exonérés. Nous n'étions pas d'accord sur le volume de l'effort à consentir, mais nous partagions la démarche sur le principe.

Aujourd'hui, vous revenez en arrière, puisque vous créez une nouvelle niche sociale. Il s'agit d'une question de fond : si, chaque fois que l'on parle d'augmentation de salaire, on doit aboutir à des exonérations, se pose évidemment la question des conditions de financement de la protection sociale. On ne peut pas, par la suite, constater les déficits pour éventuellement remettre en cause les droits acquis. Il y a là une question de fond que nos concitoyens comprennent parfaitement. Pour notre part, nous essayons d'être cohérents par rapport à nos engagements et à ce que nous ferons si nous revenons aux responsabilités. Si nous voulons sauver notre système de protection sociale, votre démarche allant vers toujours plus d'exonérations n'est pas la bonne. Il conviendrait plutôt de revenir sur les exonérations existantes. Voilà pourquoi nous ne pouvons approuver ce texte. En outre, il me paraît incohérent par rapport au discours du Gouvernement et de la majorité lors du vote de la loi initiale de financement de la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

La commission a repoussé cet amendement qui vise à supprimer le régime social spécifique de la prime.

Cette prime n'a pas vocation à se substituer au salaire. C'est seulement un élément supplémentaire de justice sociale en matière de rémunération. À ce titre, il y aura, pour le budget de la sécurité sociale, un supplément de recettes qui, compte tenu des calculs d'impact de cette décision, sera de l'ordre de 375 millions d'euros, ce qui améliorera le solde de la sécurité sociale.

Bien entendu, il ne faut pas, à l'avenir, que la prime se substitue au salaire. C'est la condition pour que cette prime constitue une recette supplémentaire pour la sécurité sociale.

Un amendement, qui viendra plus tard dans la discussion, vise à substituer à l'obligation de verser cette prime les négociations sociales qui aboutiront à un bon accord au sein des entreprises ou des branches. Voilà ce que nous souhaitons faire : cette prime doit être une incitation à discuter et à aboutir.

Je l'ai dit tout à l'heure, et je ne m'exonère pas de ce constat, s'il y a des recettes supplémentaires pour la sécurité sociale, il y aura également une perte – liée à la déduction sur les déclarations et sur l'IS – pour les finances publiques et le budget de l'État. Cette année, le système est à peu près équilibré, mais les années suivantes, il aura un coût pour le budget de l'État. Je l'ai dit dans mon intervention liminaire, ce n'est peut-être pas la meilleure manière de procéder, mais nous ne pouvons imposer un tel dispositif aux entreprises sans mettre en place une forme de contrepartie. In fine, ce sont les salariés qui seront les bénéficiaires du dispositif.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

À travers le paragraphe VIII, nous touchons à un problème que nous avons retrouvé constamment dès lors qu'il s'agissait d'un dispositif portant sur l'intéressement et la participation. Chaque fois, nous avons eu la tentation de l'accompagner de mesures d'exonération fiscale ou d'exonération de charges sociales.

Ce type de mesure a toujours été discuté, car il laisse entendre que les sommes versées à un titre ou un autre ou, en l'occurrence, les primes, ne sont pas tout à fait légitimes et que, pour les rendre acceptables, il faut qu'elles soient assorties de dispositifs d'exonérations.

Il y a là un véritable problème, car la participation et l'intéressement doivent entrer dans le droit commun si l'on considère que c'est un droit qui a une légitimité complète, dans la mesure où il est le fruit du partage des efforts consentis à l'intérieur de l'entreprise. Il n'y a donc pas de raison d'accompagner ces dispositifs d'exonérations. De surcroît, il n'est guère opportun d'introduire un tel dispositif, compte tenu de la situation actuelle des finances de la protection sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Je partage totalement ce qu'a dit M. Garrigue. Je remercie également M. le rapporteur de la franchise de son propos et de ses interrogations.

Sur le fond, nous acceptons que l'on parle d'exonérations de cotisations, parce qu'il est question du coût du travail dès lors que l'on parle de salaires. C'est un débat logique, que nous avons lancé pour les 35 heures, et que, de votre côté, vous avez engagé pour l'abattement sur les bas salaires. Le débat est légitime dans tous les cas puisqu'il s'adresse par définition à toutes les entreprises et que l'on peut ainsi entendre la réponse de chacune d'entre elles, par exemple sur l'accompagnement dont elles ont besoin en matière d'augmentation de salaires.

Aujourd'hui, nous sommes dans une autre logique. Vous nous proposez une rémunération supplémentaire pour les salariés, simplement parce qu'il existe un dividende. Est-il logique d'exonérer cette rémunération de cotisations sociales ? Ce n'est pas le même problème que lorsqu'on parle de salaires. M. le rapporteur a été franc, en disant qu'il y aurait peut-être un effet de substitution. Vous savez bien que oui ! En tout cas, vous ne pouvez pas écarter le risque. M. Louis Giscard d'Estaing l'a dit tout à l'heure, en termes modérés, mais chacun aura compris. Chaque fois que vous avez mis en place des systèmes de ce type, il y a eu des effets de substitution. Et en l'occurrence, il y aura, comme d'habitude, un effet de substitution. C'est une prise de risque, mais quasiment mesurable par l'expérience.

Enfin, M. le rapporteur l'a reconnu, dès lors que ces exonérations ne sont pas compensées, et s'il y a un effet de substitution, in fine, le déficit du budget de l'État, et surtout celui de la sécurité sociale, s'en trouveront aggravés.

Par conséquent, même en tenant compte de votre logique et de la spécificité que vous voulez donner à cette prime, il n'y a aucune raison de l'encourager par des exonérations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Dans le prolongement des propos d'Alain Vidalies sur l'effet de substitution, permettez-moi de vous dire que je comprends l'embarras de notre rapporteur lorsqu'il a expliqué longuement et d'une façon empesée son avis défavorable ! C'est que le Gouvernement a écrit, dans son projet de loi, le contraire de ce qu'il fait.

Je cite une partie de l'annexe du projet de loi : « D'une façon plus générale, le sentier de redressement des comptes du régime général à l'horizon 2014 prévoit la poursuite de la stratégie de réduction des dispositifs d'exemption et d'exonération des cotisations sociales – « niches sociales ». » Je cite encore : « ces mesures permettront d'améliorer l'équité et la lisibilité du prélèvement social, en dissuadant les comportements d'optimisation des cotisants. » Cela me semble clair !

Le rapporteur a essayé de nous expliquer tout à l'heure qu'il y aurait un bonus pour les finances sociales, car lorsqu'on fait la somme algébrique entre ce que l'on perd en impôt sur les sociétés et ce que l'on gagne en CSG, CRDS et forfait social, il y a un bonus de 300 à 400 millions d'euros. C'est sans compter le manque à gagner généré par l'exonération. Car si ces rémunérations étaient soumises au taux normal de cotisations patronales et salariales, le rapport pour les finances sociales serait supérieur de plusieurs centaines de millions d'euros. Il y a donc bel et bien un manque à gagner pour les finances sociales, et il y a bel et bien une niche sociale, en contradiction complète avec les affirmations du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Je suis en total désaccord avec ce qui vient d'être dit.

Là réside l'intérêt du débat que nous avons eu tout à l'heure sur le système d'intéressement ou les primes données, en toute facilité, sur le compte de résultats.

Concernant la notion de dividendes et de profits, lorsqu'on distribue un dividende, c'est tout de même, qu'on le veuille ou non, une partie des profits de l'entreprise. J'en profite pour revenir sur le débat que nous avons eu tout à l'heure. Une entreprise qui ne ferait pas de bénéfices cette année et qui distribuerait tout de même des dividendes à ses actionnaires ne fera jamais que distribuer des bénéfices. Si nous donnons une prime au salarié, ce sera bien une prime après que les bénéfices auront été réalisés. C'est pour cette raison que je ne crois pas à l'effet d'aubaine. Je le dis au rapporteur, je ne crois pas à l'effet d'aubaine, et donc, à une perte pour les finances de notre modèle social, parce que nous ne sommes pas dans la négociation salariale…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Quand on donne un dividende à ses actionnaires, c'est une partie des profits qui ont déjà été fiscalisés dans tous les sens. Donc, quand on donnera un « dividende » aux salariés, puisque ce sera cela en réalité, je suis persuadé qu'il n'y aura pas d'effet d'aubaine, et donc, pas de perte pour le budget de la sécurité sociale.

S'agissant du décompte selon lequel la niche va rapporter en année 1, je mets au défi quiconque de prouver qu'elle coûtera quoi que ce soit aux finances publiques en année 2. Je suis persuadé que cette prime ne se substituera pas au salaire ; ce sera donc de l'argent versé en plus. (M. le rapporteur manifeste son scepticisme.) Monsieur le rapporteur, nous pouvons avoir chacun notre avis. Mais le système même proposé par le Gouvernement élimine, à mon avis, l'effet d'aubaine et, en tout cas, la perte de recettes. Il conviendrait, de plus, de tempérer tout cela avec les recettes supplémentaires, les recettes de TVA et la consommation. La perte pour le financement de la sécurité sociale ne sera, je le pense, pas très élevée, compte tenu du dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Regardez ! tout le monde dénie vos propos : le rapporteur, M. Novelli ! C'est une question de croyance !

(L'amendement n° 97 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement rédactionnel, n° 17, présenté par la commission.

(L'amendement n° 17 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

L'amendement n° 114 tombe.

Je suis saisie d'un amendement rédactionnel, n° 18, présenté par la commission.

(L'amendement n° 18 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement de précision, n° 19, deuxième rectification, présenté par la commission.

(L'amendement n° 19 , deuxième rectification, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie de quatre amendements, nos 72 , 121 , 132 et 51 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements, n°s 72 , 121 et 132 sont identiques.

L'amendement n° 72 fait l'objet de deux sous-amendements, n°s 157 et 158 .

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 72 .

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Cet amendement, adopté par la commission à l'initiative de M. Vanneste, propose de donner priorité à la négociation collective en matière de partage de la valeur en tenant compte des résultats de la négociation actuellement en cours entre les partenaires sociaux. Le dispositif mis en place ne doit pas rester en vigueur en cas d'accord salarial entre les partenaires sociaux. C'est également l'esprit de ce texte qui est d'être une véritable incitation, un aiguillon pour le dialogue social.

Sur cet amendement, j'ai déposé deux sous-amendements rédactionnels, nos 157 et 158. Je propose, enfin, une dernière rectification orale. L'amendement n° 72 , qui tend à apporter une précision, ne doit pas se substituer à l'actuel alinéa 17. Il ne s'agit donc pas de rédiger cet alinéa, mais d'insérer une phrase après ledit alinéa.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

L'amendement n° 121 est défendu.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 132 .

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Cet amendement a pour but de rappeler qu'il existe une négociation entre les partenaires sociaux, qui n'a pas encore abouti, notamment sur le partage de la valeur ajoutée et des rémunérations. Nous tenions, par conséquent, avec nos collègues, dont l'amendement est identique, à réaffirmer que les dispositions adoptées doivent continuer à s'appliquer jusqu'au vote d'une loi faisant suite à un éventuel accord. Nous tenons à rappeler la priorité de la négociation entre partenaires sociaux sur la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Hervé Novelli, pour soutenir l'amendement n° 51 .

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Novelli

Cet amendement propose de limiter la durée d'application du dispositif à l'année 2011. Avec un recul, pour le quatrième mois consécutif, du nombre des demandeurs d'emploi sans aucune activité et une reprise de 1 % au premier trimestre 2011, nous sommes dans une période, et nous l'avons souligné à plusieurs reprises, que nous pouvons qualifier de sortie de crise. Dans ce contexte, il peut paraître légitime de répondre, en partie et ponctuellement, au problème du pouvoir d'achat auquel les Français sont confrontés, y compris grâce à cette prime. Or, au-delà de 2011, les mécanismes habituels d'intéressement, de participation et d'épargne salariale doivent prendre le relais. Depuis quelques années, ces mécanismes tournent bien, comme l'a souligné Yves Bur dans son remarquable rapport. En 2008, 58 % des salariés du secteur marchand, soit 9,3 millions de salariés, étaient couverts par un dispositif de participation, d'intéressement ou d'épargne salariale, soit une progression de près de deux millions du nombre de salariés couverts depuis 2000. Voilà une mesure d'application générale ! Il serait du reste important d'améliorer ces dispositifs et de favoriser leur diffusion dans toutes les entreprises. Nous en avons suffisamment discuté ce soir.

D'une manière générale, nous devons nous méfier de l'intrusion de la loi dans un domaine qui, à l'évidence, ressort de la négociation. C'est un sujet majeur pour aujourd'hui comme pour demain. Les lois précédemment votées par notre majorité, dont la loi Larcher de 2007 – lois auxquelles notre excellent ministre a fait référence à plusieurs reprises –, font déjà une part plus grande à la négociation. Mais nous devrons aller plus loin et confier aux partenaires sociaux un champ plus large qui laisse moins de place au législateur dans un domaine où il n'est pas le plus légitime. Nous devons avoir l'honnêteté et l'humilité de le reconnaître. La durée du travail – et cela fera plaisir à M. Vidalies – est confiée à la négociation par branche ou par entreprise dans la plupart des pays européens, ce qui n'est pas le cas en France. Reconnaissons que nous légiférons trop et, donc, que nous légiférons mal, notamment en matière sociale. Le 5 juillet prochain, j'animerai une convention au sein de l'UMP sur la refondation sociale, qui prendra en compte l'ensemble de ces éléments.

Par ailleurs, réserver ce dispositif à titre exceptionnel, cette année, évitera les effets pervers prévisibles dont nous avons parlé dans notre assemblée sur le niveau des salaires et sur la politique de l'entreprise vis-à-vis des actionnaires et des dividendes. Le versement de la prime pourrait, en effet, conduire à baisser les salaires fixes pour maintenir constant le niveau des dividendes et des investissements. Enfin, autre effet pervers potentiel, dans un contexte général, on le sait, de désaffection de la bourse, cette mesure risque d'amplifier le phénomène et de porter un nouveau coup au financement des petites et moyennes entreprises et au capitalisme familial auquel nous sommes tous, de ce côté-ci de l'hémicycle en tout cas, attachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

La commission est favorable aux amendements identiques, n°s 72 , 121 et 132 – compte tenu des sous-amendements n°s 157 et 158 et de la rectification orale – et elle a repoussé l'amendement n° 51 .

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements et les sous-amendements ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 72 sous-amendé et défavorable à l'amendement n° 51 parce qu'il vise des mesures non pérennes. Or nous posons ici un principe d'équité. L'amendement n° 72 prévoit, certes, qu'il sera tenu compte de négociations qui seraient enfin fructueuses. En attendant, nous prenons nos responsabilités et le dispositif doit, par conséquent, durer.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Je soulèverai juste une question de pédagogie politique. Nous sommes à l'Assemblée nationale. Le débat entre la majorité et l'opposition doit être clair. Or le parti majoritaire tient des discours totalement contradictoires. Je ne sais pas si M. Novelli exprime la position de l'UMP, puisqu'il semble qu'il en soit le porte-parole, s'agissant de ces sujets, ou si c'est M. Joyandet. Nous aimerions cependant bien comprendre, car ces questions sur la place de la négociation sociale, sur celle de l'intéressement et de la participation sont majeures. Vous vous interrogez comme nous sur la nécessité de cette prime, alors que des dispositifs sont déjà en vigueur. Mais il nous est difficile de vous répondre que nous ne sommes pas d'accord, puisque vous dites des choses totalement contradictoires du point de vue conceptuel. Un peu d'ordre dans la majorité serait une bonne chose. Ce débat sur le rôle des partenaires sociaux est fondamental. Le rapport entre la loi et le contrat avec, à l'arrière, si l'on va jusqu'au bout du raisonnement, la notion de constitution sociale à laquelle je m'oppose, est une question majeure. La loi Larcher a représenté un progrès et c'est cette voie que nous devons emprunter. Il ne doit ainsi pas y avoir d'initiative tant que les partenaires sociaux n'auront pas pris le temps de discuter. Si cette discussion échoue, le Parlement pourra alors intervenir. Mais un domaine réservé est tout autre chose, car on ne sait pas alors qui peut intervenir en cas d'échec. Il y a le temps de la négociation et celui de la décision. Nous aimerions, de ce point de vue, connaître avec exactitude la position de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Monsieur Vidalies, vous avez oublié le vote du début. Notre majorité présidentielle a été unanime pour repousser vos amendements de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Nous savons que vous êtes unanimes quand il s'agit d'être contre nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Cela signifie que cette majorité soutient l'initiative du Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Ce qu'elle rejette, on le sait, ce qu'elle propose, on ne le sait pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Qu'ensuite nous discutions entre nous des modalités, quoi de plus normal pour une majorité telle que la nôtre ?

Quant à vous et vos amis, monsieur Vidalies, vous ne risquez pas de vous tromper, puisque, de toute façon, vous votez contre tout ! Vous n'avez voté aucun texte représentant un progrès social, après nous avoir demandé des avancées sociales ! Vous ne pouvez pas vous tromper, votre consigne de vote est claire : c'est non ! La nôtre, c'est oui, mais au sein de ce oui, des sensibilités s'expriment. C'est la richesse de la majorité. Puisque nous ne pouvons pas débattre avec vous, qui êtes contre tout, nous discutons entre nous. Ce débat interne à notre majorité est finalement assez intéressant, puisque nous nous acheminons vers une avancée sociale supplémentaire. Lorsque nous ferons les comptes dans quelques mois, monsieur Vidalies, des millions de salariés auront reçu leur prime…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Certes, et je prends date ! Nous pourrons dire à ces salariés que la majorité parlementaire a voté cette avancée sociale supplémentaire et que, comme d'habitude, le parti socialiste s'est prononcé contre !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

En termes de débat interne, quoi que puisse faire cette partie de l'hémicycle, elle n'arrivera jamais à la cheville de cette autre partie de l'hémicycle !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Il ne sert à rien d'essayer de placer une paille dans l'oeil de l'UMP…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

..quand on a une poutre dans le sien, monsieur Vidalies ! Vous venez de dire l'exact contraire de ce qu'a écrit M. François Hollande dans Le Monde, il y a quelques jours.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Vous me dites que c'est vrai. Je m'oppose, pour ma part à ce que vous fassiez entrer les compétitions internes du parti socialiste dans cet hémicycle. M. de Rugy a commencé à le faire en égratignant Mme Royal. Vous agissez de même avec M. Hollande. Ce n'est pas le rôle de la représentation nationale. Je vous remercie, en conséquence, de rester concentrés sur le texte et pas sur vos primaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Pouvons-nous faire une minute d'humour, mes chers collègues socialistes ? J'ai lu l'intéressant article de François Hollande qui, plaidant coupable, s'agissant des dispositions prises lorsque vous étiez au pouvoir, explique qu'il y en a marre que l'État envahisse le champ de la négociation sociale et d'ajouter que, s'il est élu Président de la République, il s'engage à modifier la Constitution pour sanctuariser le champ du dialogue social. Ce n'est pas beau ? (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

C'est pour cela que Chirac vote pour lui ! (Sourires)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Or vous-mêmes avez toujours fait l'inverse ! Alors ce que dit le ministre est tout à fait exact. Il faut penser ses contradictions, comme on disait en l'heureux temps du marxisme-léninisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

J'apporterai mon soutien à l'amendement n° 51 présenté par notre collègue Hervé Novelli. Les entreprises nous disent souvent qu'elles ont besoin d'expérimenter avec nous les nouvelles dispositions. Nous discutons tout les ans d'un PLFSS. Nous pouvons, en conséquence, tester ce dispositif pendant une année. S'il donne satisfaction et représente une réelle dynamique en faveur de la négociation sociale dans les entreprises, rien ne nous empêche, après évaluation, de le mettre en place de façon pérenne.

Voilà pourquoi je soutiens l'excellent amendement d'Hervé Novelli.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Monsieur Joyandet, vous prétendez que nous n'avons jamais respecté les négociations intervenues avec les partenaires sociaux et que, sous votre majorité, nous aurions toujours voté contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Nous avons fait exactement le contraire.

Nous nous sommes fixé pour règle de respecter les accords majoritaires et lorsque ces accords comportent des initiatives qui sont le résultat d'un compromis – c'est la différence entre un accord et une loi – qui ne reçoit pas a priori notre agrément, nous les votons. Par exemple, nous avons voté pour la rupture conventionnelle parce que c'était un accord majoritaire et que nous l'avons respecté même si nous avions un doute. Chaque fois qu'un accord national interprofessionnel est venu en discussion dans cet hémicycle et que l'accord était majoritaire, nous l'avons voté. Je vous mets au défi de prouver le contraire. Nous ne sommes pas simplement, pour reprendre une expression chère au Premier ministre, des croyants en matière de démocratie sociale, nous sommes aussi des pratiquants.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Comme sur les 35 heures ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

M. Joyandet semble s'agacer. Quant à M. Novelli, il va finir par rejoindre cette partie de l'hémicycle. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

En tout cas, il reprend nos arguments que nous n'avons cessé de répéter.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Comme nous, il a fait remarquer que cela ne relevait pas de la loi, mais du dialogue social.

Certes, il tient compte de la crise, et c'est pour cette raison qu'il souhaite que les dispositions prennent fin au 31 décembre 2011. Mais dans le même temps, il indique que la sortie de crise se confirme. Pourtant le ministre lui répond que le dispositif se poursuivra néanmoins. Il faudrait savoir s'il s'agit d'une mesure de crise, auquel cas son existence peut se justifier pour un an, ou s'il s'agit d'une mesure qui doit durer et remplacer durablement le dialogue social. Pour ma part, j'y vois un très mauvais signe donné aux syndicats. Vous parlez beaucoup de démocratie sociale et de dialogue social. Or cette prime va à l'encontre de tout ce que l'on peut espérer pour les ranimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

J'ai été très ému d'entendre nos collègues de l'UMP vanter les mérites et les avantages du dialogue social et du respect des accords négociés entre confédérations syndicales et patronales. Dont acte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

En la matière, nous sommes pratiquants, plus que croyants d'ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Vous ayant parfaitement entendus, je m'étonne que vous défendiez ce texte. Dans l'évaluation préalable, vous avez indiqué, comme le droit vous y oblige, le résultat des consultations. Le conseil d'administration de l'ACOSS a émis un avis défavorable par vingt-six voix – CFDT, CFTC, CGT, FO, CGPME, MEDEF, UPA ainsi que trois personnes qualifiées. Personne n'a voté pour. Prise d'acte : deux voix. Abstention : une.

Le conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales, celui de la Caisse nationale d'assurance vieillesse comme celui de la Caisse nationale de l'assurance maladie ont tous voté contre. Il est tout de même rare d'avoir des votes unanimes pour rejeter une disposition. Vous auriez au moins pu en tenir compte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(Le sous-amendement n° 157 est adopté.)

(Le sous-amendement n° 158 est adopté.)

(L'amendement n° 72 , sous-amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

En conséquence, les amendements n°s 121 , 132 et 51 tombent.

Nous en revenons aux amendements modifiant l'alinéa 17.

Je suis saisie d'un amendement n° 20 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Nous demandons que le Gouvernement présente un rapport avant le 15 septembre 2012. Ce dispositif ne peut être traité que dans le cadre d'une loi de financement. Le bilan doit être connu dans un délai permettant une éventuelle adaptation du dispositif en loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

(L'amendement n° 20 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

L'amendement n° 137 tombe en conséquence du vote précédent.

L'amendement n° 21 de la commission est rédactionnel.

(L'amendement n° 21 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 22 , qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 156 , monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Je retire le sous-amendement n° 156 .

(Le sous-amendement n° 156 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

L'amendement n°22 vise les entreprises employant moins de cinquante salariés. Il s'agit de simplifier le dispositif d'intéressement et de permettre aux entreprises quelle que soit leur forme juridique – sociétés, entreprises individuelles, etc. – de distribuer un intéressement qui s'appuie sur le dispositif de l'intéressement classique.

Cet amendement satisfait en partie ceux qui souhaitaient mettre en place un dispositif encore plus simple. Il est proposé d'autoriser les entreprises à instituer un accord d'intéressement pour une année. On peut permettre le versement de cette prime annuelle tout en restant dans le cadre du dispositif de l'intéressement, faisant ainsi d'une pierre deux coups. Nous atteignons ainsi l'objectif que nous poursuivons tous, à savoir développer les systèmes de participation et d'intéressement dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Si les chefs d'entreprises et leurs salariés s'aperçoivent que le dispositif est aisé à mettre en oeuvre dans le courant de l'année 2011, ils auront peut-être envie de continuer. Le texte permet de les libérer de l'engagement de trois ans exigé pour tout accord d'intéressement, qui peut s'avérer dissuasif pour les petites et moyennes entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

La commission a émis un avis favorable. Cet amendement apporte une réponse positive, constructive aux sept millions de salariés des petites entreprises de moins de cinquante employés, qui étaient écartés du dispositif, lequel semblait réservé aux salariés des grandes entreprises qui bénéficiaient déjà d'un certain nombre d'avantages. La formule retenue est équilibrée. Elle permet de promouvoir l'intéressement – nous le souhaitons depuis longtemps – sachant que dans les entreprises de moins de dix salariés, l'intéressement était pratiqué dans moins de 10 % des entreprises.

C'est une bonne manière de promouvoir l'intéressement, de le faire de manière simple et de ne pas engager les chefs d'entreprise au-delà d'une année. Dans les petites entreprises, il n'est pas possible de se projeter sur trois ans à la différence des grands groupes.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Le chef d'entreprise pourra, chaque année, engager la discussion avec ses salariés et aboutir à un accord qui ne remette pas en cause l'équilibre de son entreprise dans le temps : c'est une bonne réponse pour contourner ce seuil discriminant de cinquante salariés.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis que la commission. C'est une extension intelligente. L'intéressement et la participation sont des voies auxquelles nous croyons profondément. Par ailleurs, cela permet d'éviter une fracture entre les entreprises de moins de cinquante et de plus de cinquante salariés.

Avis très favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Pourquoi l'amendement limite-t-il la portée de l'accord au 31 décembre 2014 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Il ne se passera pas grand-chose en 2011, le temps de la négociation de l'intéressement n'étant pas simple. Je parle en connaissance de cause.

La plupart des entreprises ne seront prêtes qu'au début 2012, d'où l'intérêt de l'amendement qui a failli être adopté tout à l'heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Bien sûr qu'il se passera quelque chose en 2011, monsieur de Courson. C'est tellement simple qu'après la tenue d'une assemblée générale – le 30 juin pour de nombreuses sociétés et entreprises –, il est possible de mettre en oeuvre des accords d'intéressement. Cela suppose d'en faire la promotion, mais je sais que certaines organisations syndicales y sont très favorables.

La date de 2014 s'explique parce que nous nous inscrivons dans un contexte expérimental et que nous voulons donner aux chefs d'entreprises une visibilité plus grande même si le dispositif se met en place pour une année. Nous aurions peut-être pu choisir une autre date ou ne pas en choisir du tout. Mais en n'en prévoyant aucune, nous ne serions plus dans un dispositif expérimental ; 2014 semble être un bon compromis pour ensuite modifier ou poursuivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

L'amendement rectifié par M. Bur et que vous aviez refusé, monsieur Joyandet, était bien meilleur.

Avec celui-ci, nous sommes dans un cadre expérimental jusqu'à la fin de l'année 2014. Instituer un accord pour seulement un an introduit une instabilité juridique. Qui conclura des accords dans de telles conditions ? Que se passera-t-il après 2014 ? Qu'advient-il si l'expérience n'est pas satisfaisante ? Certes, les accords ne se signent pas pour une durée de trois ans, mais ils peuvent se renouveler tacitement d'une année sur l'autre. Bref, notre amendement était meilleur.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Je souhaite lever les craintes de M. de Courson en lui indiquant que l'URSSAF diffuse déjà un document aux chefs d'entreprises, notamment sur son site où elle décrit les modalités qui pourraient être mises en oeuvre. Il y a une pédagogie qui se met en place autour de cette prime. Nous comptons aussi sur l'implication des fédérations – la CGPME notamment et l'UPA – qui ont fortement revendiqué cette disposition. Il leur revient aussi d'accompagner les chefs d'entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

On a beau savoir que l'Assemblée nationale n'a plus guère d'importance, le fait que l'URSSAF mette en ligne les modalités de ce qui n'a pas encore été voté par le Parlement est assez audacieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Sur le fond, l'intéressement ne mérite pas d'être abaissé au point de ne pas en respecter les règles, notamment pour ce qui concerne la durée.

La précision apportée par l'amendement, à savoir que c'est à titre expérimental et pour un an, relève d'une certaine logique. Si l'accord est renouvelé chaque année, vous détruisez l'idée même d'intéressement.

Il faut de la pédagogie, dites-vous, monsieur le rapporteur ; soit. Mais nous souhaitons que l'intéressement puisse se développer au mieux, or cela ne semble pas être le cas avec cet amendement. S'agissant du principe même d'intéressement, il ne peut y avoir deux droits, l'un pour les petites entreprises, l'autre pour les plus importantes. Ce sont les limites de notre discussion à propos de cette proposition dont le caractère expérimental a cependant de quoi retenir notre attention.

(L'amendement n° 22 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 49 .

La parole est à M. Daniel Garrigue.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Le Président de la République, lorsqu'il a évoqué le partage de la valeur ajoutée, a indiqué que celle-ci devait être divisée en trois parts : une première pour les salariés, une deuxième pour les actionnaires et une troisième pour les entreprises. Ce faisant, il a rouvert – bien involontairement d'ailleurs – le débat sur les droits des différents acteurs de l'entreprise sur l'accroissement d'actif, puisque c'est bien ce qu'on vise quand on parle de la part des entreprises. Il est ainsi revenu sur une question qui était au coeur de l'amendement Vallon dont est issue l'ordonnance de 1967.

Il nous paraît nécessaire d'actualiser ces dispositifs à travers une négociation annuelle sur la détermination des droits des différents acteurs, comme nous le proposons dans cet amendement.

Celle-ci irait dans trois directions.

Il s'agirait tout d'abord de maintenir, à titre de précaution, le cadre de l'ordonnance de 1967.

Il s'agirait ensuite d'étendre cette négociation des droits des salariés sur l'accroissement d'actif à l'ensemble des acteurs, c'est-à-dire les actionnaires, les salariés et les dirigeants qui constituent aujourd'hui une catégorie un peu particulière.

Il s'agirait enfin de réfléchir à la nature de l'accroissement de l'actif. Si je pouvais sous-amender mon amendement, je supprimerais d'ailleurs les mots « dû à l'autofinancement » pour ne conserver que les mots « accroissement des valeurs d'actif des entreprises ». En effet, si, dans les années soixante, l'accroissement d'actif passait par l'autofinancement et portait essentiellement sur des éléments matériels, aujourd'hui, l'actif des entreprises est composé pour une part croissante d'éléments immatériels tels que les titres, les brevets et divers autres droits. Il est temps, nous semble-t-il, d'introduire ces évolutions dans la réflexion.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

La commission n'a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j'y suis défavorable. Il propose en effet une démarche qui diffère grandement de la logique du projet de loi.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis.

(L'amendement n° 49 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 48 .

La parole est à M. Daniel Garrigue.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Je renonce à le défendre, madame la présidente, car il s'agit d'une version édulcorée du précédent.

(L'amendement n° 48 est retiré.)

(L'article 1er, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 ;

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi pour le développement de l'alternance, la sécurisation des parcours professionnels et le partage de la valeur ajoutée.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma