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Intervention de François Rochebloine

Réunion du 15 juin 2011 à 15h00
Déclaration du gouvernement préalable au conseil européen et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Rochebloine :

Monsieur le président, messieurs les ministres, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, profondément européen par tradition mais aussi, et surtout, par conviction, je demeure persuadé, en dépit des difficultés auxquelles l'Europe est actuellement confrontée, de la validité et de la signification positive du projet porté par l'Union européenne. Je déplore que certains tirent de la complexité réelle des problèmes auxquels l'Europe doit faire face aujourd'hui la conclusion trop rapide qu'elle ne répond pas, ou plus, à l'intérêt bien compris des nations qui la composent : c'est condamner la fin en visant les moyens.

Néanmoins, il me semble plus que jamais que l'attachement à l'Europe impose la lucidité et, peut-être, la réaffirmation de certains principes fondamentaux. C'est dans cet état d'esprit que je voudrais présenter, au nom du groupe Nouveau Centre et de son président François Sauvadet, quelques observations sur les travaux à venir du Conseil européen et leur environnement politique.

Ma première remarque portera sur la situation économique et les politiques dites de convergence.

Je ne reprendrai pas ici l'analyse détaillée des diverses crises nationales qui, mises ensemble, paraissent remettre en cause aux yeux de beaucoup la crédibilité de la monnaie européenne. Il y a sans doute des critiques à faire sur la manière dont la Banque centrale européenne gère les affaires monétaires, en paraissant négliger, parfois, la nécessité de faire comprendre ses décisions au-delà du cercle restreint des économistes et des milieux d'affaires. Mais on ne saurait rendre l'instrument monétaire seul responsable d'une « décoordination » des politiques économiques dont les causes tiennent bien davantage à un défaut d'esprit de coopération entre États. La lenteur de l'Allemagne à prendre réellement en compte les responsabilités particulières que lui donne sa puissance économique est une réalité. Mais on peut difficilement nier que, face à la crise mondiale récente, elle n'a pas été la seule à faire prévaloir ses intérêts nationaux, d'autant plus qu'elle a fait les efforts nécessaires pour assainir son économie et ses finances publiques.

D'une certaine manière, en se laissant aller à des comportements imprudents, certains États membres se sont rendus autant, sinon davantage, coupables, pour reprendre une expression un peu facile, d'égoïsme national.

Constatons que les contestations, dans de tels cas, visent bien plus les gouvernements que l'Europe. Il me paraît donc primordial de réaffirmer la confiance de l'Union européenne dans la monnaie unique – message qui s'adresse tout autant aux peuples qu'aux marchés, car l'euro est un instrument nécessaire de la cohésion économique de l'Union face à ses grands concurrents internationaux.

Réaffirmer cette confiance implique de renouveler les instruments d'une coordination des politiques économiques et budgétaires des États membres. La nécessité d'un contrepoids politique à l'influence de l'institution autonome qu'est la Banque centrale européenne, la concurrence internationale toujours plus vive, voilà, parmi d'autres, deux arguments qui devraient inciter à surmonter la crise de la coordination des politiques économiques et financières. Des dispositions ont déjà été prises en ce sens dans le document intitulé « pacte de l'euro plus ». Je serais heureux, messieurs les ministres, de connaître l'état de la réflexion du Gouvernement sur ce point.

Le deuxième thème inscrit à l'ordre du jour du Conseil européen est le droit applicable à l'entrée et au séjour des étrangers sur le territoire de l'Union européenne, y compris les règles de police qui lui sont associées. On en vient inévitablement, dès lors, à parler des accords de Schengen.

Ces accords ont plus d'un quart de siècle d'existence. Sans doute est-ce pourquoi on a souvent oublié, aujourd'hui, les termes à la fois juridiques et politiques du débat qu'ils ont suscité au moment de leur publication. On avait beaucoup déploré, dans l'opposition de l'époque, l'atteinte que portaient des accords prétendument techniques à la souveraineté nationale. Avec l'expérience du temps qui a passé depuis, on constate que cette critique n'envisageait pas le véritable problème politique posé par les accords de Schengen.

Tous ceux qui voyagent un tant soit peu sur le territoire des États parties aux accords de Schengen ont pu apprécier la simplification des relations concrètes de pays à pays que peut procurer aux citoyens européens la suppression des frontières intérieures. Cette suppression est un levier incontestable pour la constitution d'un sentiment européen d'appartenance. Grâce à la disparition physique des barrières frontalières, elle a constitué au quotidien le premier espace commun, le premier territoire européen. En cela, elle fut positive.

En même temps, l'application des accords de Schengen a renforcé l'attraction de l'espace économique et social européen ainsi constitué comme un tout aux yeux des populations des pays du Sud. Or la pleine valeur de la procédure instituée en 1985 était impérativement subordonnée à la condition qu'aux frontières extérieures de l'espace Schengen, les modalités de contrôle et d'admission sur le territoire des États membres fussent de niveau équivalant partout. On sait bien que cette condition n'est pas pleinement remplie, ne serait-ce qu'en raison des caractéristiques du territoire européen. À côté de l'île de Lampedusa, point de passage presque obligé de l'immigration tunisienne clandestine, on peut citer les filières afghanes et pakistanaises qui utilisent le passage par les îles grecques de la mer Égée.

La réponse la plus immédiate à ce problème est le renforcement des moyens dont disposent les États aux frontières extérieures de l'Union pour contrôler l'entrée de ressortissants étrangers sur le territoire européen. Des discussions viennent d'avoir lieu en ce sens au niveau du conseil des ministres.

Plus profondément, tout en respectant le principe de subsidiarité, ne pourrait-on pas aboutir à un code de bonne conduite entre États membres, qui consisterait à éviter, dans l'application des politiques nationales de l'admission au séjour, des mesures telles que les régularisations massives qui déséquilibrent la perception de l'attitude de l'Europe à l'égard de l'immigration ?

En outre, ne pourrait-on pas envisager, à l'instar de celles que la France a mises en place de manière bilatérale avec certains pays de forte émigration, des politiques conjointes de développement ? Il est vrai que, pour ce faire, il conviendrait de dynamiser un peu plus qu'elle ne l'est actuellement l'action extérieure commune de l'Union européenne.

Moins considérable par son ampleur, mais hautement symbolique, est le débat inscrit au Conseil européen sur la question des Roms. Il s'agit là, typiquement, d'une problématique nouvelle liée à un double élargissement : l'élargissement, au sens carcéral du terme, des États de l'Europe de l'Est après la chute de l'empire soviétique, et l'élargissement au sens européen du terme, c'est-à-dire l'extension de l'Union européenne à ces nouveaux États.

Ainsi, un problème qui était traité de manière autoritaire et planifiée, non sans abus, par les démocraties populaires est devenu une affaire européenne, mutualisée à l'ensemble de l'Union et susceptible d'être traitée conformément aux droits de l'homme et aux principes insérés dans nos textes communs les mieux établis. L'inadéquation, au regard de ces principes, des méthodes employées par les États d'origine laisse intacte la nécessité d'une attitude politique commune et claire à l'égard des Roms. Quelle sera la ligne défendue par la France au Conseil européen, monsieur le ministre d'État ?

Derrière tous les débats que je viens d'évoquer, il y a évidemment la notion de territoire européen. L'adhésion de la Croatie, dont le processus arrive à une phase cruciale, confirme, s'il en était besoin, la force de cette nation. On ne doit pas sous-estimer les difficultés de tout élargissement. En même temps, il faut bien reconnaître que l'adhésion de la Croatie à un ensemble dont elle partage toutes les valeurs se situe dans la logique du projet européen. Plus que les éventuelles insuffisances du pays candidat, ce sont les défaillances globales de la construction européenne qui sont révélées par les réticences exprimées à l'encontre de cette adhésion. Raison de plus pour souhaiter que le prochain Conseil européen soit l'occasion d'un effort collectif permettant de donner à l'idée vitale de l'Europe la vigueur d'un dynamisme nouveau.

Monsieur le président, je terminerai en regrettant que nous ne soyons pas plus nombreux dans cet hémicycle, sur quelques bancs que ce soit. Ce sujet est aussi important que les questions au Gouvernement, qui donnent parfois lieu à des spectacles que vous déplorez à chaque fois. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

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