La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre l'informant de sa décision de charger M. Jean-Louis Dumont, député de la Meuse, d'une mission temporaire auprès de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre mer et des collectivités territoriales.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean Glavany et plusieurs de ses collègues, visant à abroger l'article 89 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (nos 370, 420).
La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, je veux en commençant appeler l'attention de notre assemblée sur le risque de dérapage législatif qui peut se produire lorsqu'un gouvernement a la tentation – cela peut arriver – de brider les débats parlementaires.
De quoi s'agit-il en la circonstance ? D'un amendement à la loi sur la décentralisation de 2004, voté au Sénat dans la plus grande perplexité, la commission des lois ayant préféré ne pas se prononcer sur le fond, le Gouvernement ayant donné son accord avec un empressement suspect. L'Assemblée n'avait pu en débattre, le Gouvernement ayant fait usage de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution pour faire adopter le texte. Ainsi, une disposition qui n'avait fait l'objet que d'une discussion rapide au Sénat, sans débat à l'Assemblée, s'est ainsi vue promulguer et se retrouve à poser un problème juridique, constitutionnel et financier incommensurable à bon nombre de communes.
Je voudrais d'emblée vous éviter une tentation : celle de nous faire le coup de : « c'est l'amendement Charasse ».
Oui, c'est vrai, monsieur Geoffroy. Mais vous qui êtes un homme expérimenté, vous avez sûrement lu les comptes rendus des débats du Sénat. Que voulait M. Charasse en la circonstance ? Il s'en est expliqué depuis, pour s'en excuser en regrettant la faute qu'il avait commise – ce qui chez lui est plutôt rare, j'en conviens. (Rires.)
Par cet amendement, Michel Charasse voulait prévenir le risque, qu'il avait cru déceler dans ses montagnes du Puy-de-Dôme, de voir des maires de communes rurales encourager les élèves à aller dans des écoles privées des communes voisines pour ne pas avoir à payer le forfait scolaire.
Jusqu'à la loi du 13 août 2004, en effet, la commune de résidence ne subissait alors aucune charge financière, bien que la loi en ait depuis longtemps ouvert la possibilité. Elle devait par contre verser une contribution financière dès lors que l'enfant allait dans une école publique, mais sous certaines conditions prévues par l'article L. 212-8 du code de l'éducation : si la commune de résidence ne possède pas d'école publique capable d'accueillir l'enfant scolarisé, si le maire de la commune de résidence a donné son accord préalable à l'inscription de l'enfant ou si des raisons médicales, professionnelles ou familiales, imposent la scolarisation des enfants dans une autre commune.
À cause de l'empressement du Sénat, de M. Charasse et du Gouvernement, on a créé la même obligation pour les enfants allant dans des écoles privées, à une différence près : on n'a fixé aucune limite et on a oublié de préciser que les conditions fixées pour les écoles publiques s'appliqueraient également. Moyennant quoi, on a mis en place un mécanisme infernal, qui provoque un déséquilibre objectif entre le financement des écoles publiques et celui des écoles privées et qui, depuis, ne cesse de poser problème. De nombreux élus s'en sont émus, jusqu'à l'association des maires de France – j'y reviendrai.
Pourquoi cette disposition pose-t-elle problème ? Pour une raison simple : elle porte atteinte au principe de laïcité.
Parfaitement, monsieur Geoffroy, et je vais vous expliquer pourquoi. La circulaire d'application dite de Robien, puis la circulaire de M. Darcos et de Mme Alliot-Marie, rompent en effet les conditions d'équilibre entre l'enseignement public et l'enseignement privé.
De la loi Guizot à la loi Goblet, une seule logique avait prévalu : « à enseignement public, fonds publics, à enseignement privé, fonds privés ». Mais, depuis, l'histoire a évolué, avec la loi Barangé et surtout la loi Debré de 1959, qui scelle dans la loi le principe de parité.
Un équilibre a été trouvé, avec la création des établissements sous contrat d'association, et, comme le confirme la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le principe de l'équilibre entre le financement des écoles publiques et celui des établissements privés sous contrat d'association doit être respecté scrupuleusement, en tout cas pour le fonctionnement des établissements scolaires.
Ce que ressentent un grand nombre d'élus, de responsables de l'enseignement public…
…, et de républicains, c'est que cet article et les circulaires d'application ont rompu l'équilibre, portant clairement atteinte au principe de laïcité.
La circulaire Robien a fait l'objet d'un recours en Conseil d'État et a été annulée – pour des raisons de forme, j'en conviens : les ministres l'avaient fait signer par leurs directeurs de cabinet et non par les directeurs d'administration centrale. Une fois de plus, le Conseil d'État s'est gardé de s'exprimer sur le fond et s'est retranché derrière un argument de forme.
Une nouvelle circulaire, signée par M. Darcos et Mme Alliot-Marie, a repris pour l'essentiel la circulaire Robien, en changeant à la marge les dispositions de calcul des forfaits scolaires devant être payés par les communes de résidence.
Cette situation a provoqué une vive émotion et de nouveaux recours : celui du comité national d'action laïque, qui défend l'enseignement public, et je m'en réjouis, mais aussi celui de l'association des maires des communes rurales, confrontées à un déséquilibre majeur, je le disais à l'instant, mais aussi à un problème financier.
Dans l'attente d'une nouvelle décision du Conseil d'État, nous vous proposons aujourd'hui d'abroger purement et simplement l'article 89, et je vois six raisons de le faire.
La première est d'ordre constitutionnel.
Depuis plusieurs années, la situation est claire, et je vous mets en garde car vous avez déjà succombé à la tentation fin 1993 en essayant d'aggraver la loi Falloux. Dans son arrêt de janvier 1994, le Conseil constitutionnel a dit explicitement que les dispositions que vous vous étiez empressés de faire adopter à la hussarde après la victoire de 1993 – parce que c'était la question centrale de la société française – ne présentaient pas les garanties suffisantes pour empêcher l'enseignement privé de bénéficier de plus de crédits que l'enseignement public. Il a donc fait sien le principe de parité et annulé une disposition législative qui portait atteinte au principe d'équilibre et de parité entre l'enseignement public et l'enseignement privé.
La deuxième raison, c'est l'équité.
L'enseignement privé accueille environ 17,1 % des élèves scolarisés et bénéficie globalement de 20 % des postes d'enseignant. On constate déjà un léger déséquilibre en sa faveur. L'accentuer au moment où l'on supprime des classes par centaines dans le monde rural serait une faute très grave.
La troisième raison est d'ordre financier.
Environ 120 000 élèves sont scolarisés dans des communes d'accueil dans l'enseignement privé. Le forfait scolaire étant de 400 ou 500 euros par an en moyenne, cela représente une dépense de 60 millions d'euros, au hasard pour les communes rurales, 60 millions d'euros de recettes supplémentaires pour l'enseignement privé. Une paille ! Qui plus est, les premières concernées sont les petites communes, qui n'ont pas de structure scolaire et qui se retrouvent à devoir payer. Autrement dit, ce sont celles qui sont le plus exsangues, les communes rurales, qui auront la plus lourde charge.
La quatrième raison est d'ordre juridique.
J'ai entendu dire à plusieurs reprises, monsieur le président Warsmann, en public et en privé, bien que je n'aie été, à mon grand regret, membre de la commission des lois qu'à titre tout à fait passager, que vous aviez une obsession : la simplification législative, l'harmonisation des codes. À force d'aller à la va-vite et de faire n'importe quoi, on en arrive à avoir dans le code de l'éducation des dispositions totalement contradictoires.
On parle du fond, essayez de répondre sur le fond.
L'article L.212-8 du code de l'éducation fixe les conditions, extrêmement limitées, dans lesquelles l'enseignement public peut être subventionné par des communes de résidence, et l'article L.442-9 précise qu'elles ne sont pas applicables à l'enseignement privé. Or voilà que le même code, du fait de l'article 89 de la loi du 13 août 2004, dit au contraire que ce dernier peut être subventionné, mais sans les mêmes garanties !
La cinquième raison – et j'en aurai presque fini, madame la présidente – est une raison de morale politique.
Il y a deux ans, l'association des maires de France avait saisi le ministre de l'intérieur, en charge des collectivités territoriales, des difficultés d'application de cet article. Celui-ci, qui avait pour nom Nicolas Sarkozy, y a consacré en mai 2006 une table ronde, à laquelle participait l'association des maires de France et des représentants de l'enseignement catholique. Cette table ronde a abouti à un relevé de conclusions, qui dit explicitement que la circulaire ne sera applicable aux écoles privées que dans les mêmes conditions que celles qui s'imposent à l'enseignement public.
Or la circulaire de M. Darcos et de Mme Alliot-Marie ne tient pas cet engagement du Président de la République. Et voilà la raison de morale politique : nous devons aider le Président à tenir l'engagement pris à l'égard de l'association des maires de France de faire respecter le principe d'équité.
La dernière raison est une raison de sagesse. Je l'ai dit tout à l'heure : que cela nous plaise ou non – et cela n'a pas vraiment plu au monde laïque, dont nous sommes – les lois Debré ont instauré le principe que l'équilibre devait être préservé entre l'enseignement privé et l'enseignement public. De ce point de vue, cette disposition est dangereuse en ce qu'elle rallume la guerre scolaire.
C'est faux, monsieur Geoffroy, nous le disons depuis le début.
La sagesse nous commande donc d'abroger cet article 89 pour apaiser les inquiétudes, les remous et les protestations que son application suscite partout, et pas seulement dans le monde rural.
Vous faites erreur ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Voilà pourquoi, monsieur Soisson, nous proposons l'abrogation pure et simple de cet article 89.
Pour finir, madame la présidente, j'interpelle les ministres, le président de la commission, M. Geoffroy et les autres parlementaires de l'UMP. Si vous deviez, pour des raisons purement idéologiques – vous en êtes capables – refuser l'abrogation de l'article 89, je proposerais alors un amendement de repli, visant à assurer une application scrupuleuse du « protocole Sarkozy » passé avec l'AMF et l'enseignement catholique, selon lequel le financement des écoles privées doit obéir exactement aux mêmes règles que celles applicables à l'enseignement public.
Ce n'est pas vrai, ce n'est pas dans la circulaire. Vous voyez qu'il est important de fixer par la loi des conditions exactement identiques.
Il s'agit de préciser que l'article 212-8 dans son intégralité s'applique dans ce cas de figure, et pas seulement ses trois premiers alinéas. Nous aurions ainsi limité les dégâts. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, monsieur le rapporteur, je souhaite avant toute chose vous présenter les excuses de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, particulièrement mobilisée sur le terrain ce matin. Dans les heures difficiles que traversent certains quartiers de notre pays, chacun comprendra que le ministre de l'intérieur soit aux côtés de celles et ceux qui oeuvrent en faveur du rétablissement de la paix sociale.
Et de la paix civile, bien évidemment : vous avez raison de le souligner.
Vous affirmez, monsieur le député Glavany, que l'article 89, introduit par la loi du 13 août 2004, constitue une remise en cause du principe de laïcité en imposant aux communes de participer aux dépenses de fonctionnement des écoles privées. À vos yeux, cet article avantage de manière excessive l'enseignement privé au détriment de l'école publique. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Certains qui partagent vos idées politiques ne partagent pas votre analyse. « Lorsqu'une commune de résidence envoie un enfant dans l'école d'une commune voisine et que le nombre d'élèves requis est atteint – cinq, me semble-t-il – elle paie une participation. En revanche, si elle l'envoie dans une école privée, elle ne paie rien : c'est la commune d'implantation qui en a totalement la charge, ce qui n'est tout de même pas équitable ! ». Ces propos sont ceux du sénateur Michel Charasse, que personne ici ne peut soupçonner de cléricalisme. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
En fait, si le sénateur Charasse a déposé l'amendement qui est devenu ensuite ce fameux article 89 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, c'était dans le but, partagé par la majorité de ses collègues qu'il a su convaincre, et légitime de mon point de vue, de remédier à des pratiques contestables.
Je cite de nouveau le sénateur du Puy-de-Dôme : « je me suis aperçu qu'un certain nombre de maires de communes de résidence incitaient les familles à envoyer leurs enfants à l'école privée de la commune voisine pour éviter le paiement de la participation ». (« Minable ! Politicien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Il ne s'agit donc pas d'une prise de position idéologique, mais d'un constat très concret fait par le président d'une association départementale de maires : c'est le précédent système qui, dans un certain nombre de situations tout à fait concrètes, favorisait la fréquentation des écoles privées, et non l'inverse.
L'obligation pour les communes de participer aux dépenses de fonctionnement des écoles privées sous contrat d'association n'a pas été introduite par l'article 89 de la loi du 13 août 2004, mais bien par la loi Debré du 31 décembre 1959. Il me semble utile de le rappeler.
La loi de 1959 a consacré le principe de parité entre l'enseignement public et l'enseignement privé. Il se traduit notamment par la prise en charge des dépenses de fonctionnement des classes sous contrat dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public.
Loin donc de constituer une remise en cause du dispositif actuel de financement, l'article 89 le conforte bien au contraire, en tirant toutes les conséquences du principe de parité entre l'enseignement public et l'enseignement privé.
Je serai encore plus précis : le code de l'éducation prévoyait déjà la participation de la commune de résidence aux dépenses de fonctionnement générées par la scolarisation, dans l'école privée d'une autre commune, d'enfants domiciliés sur son territoire. Toutefois, à défaut d'accord, le préfet ne pouvait pas être saisi pour arbitrer le différend, alors qu'il le pouvait pour les écoles publiques.
C'est donc un alignement de deux régimes qui a été opéré. Désormais, à défaut d'accord entre les communes d'accueil et de résidence, le préfet pourra être saisi et fixera la contribution de la commune de résidence.
J'ajouterai que ce n'est pas seulement une question d'égalité de traitement entre l'enseignement public et l'enseignement privé ; c'est aussi une question d'équité entre les communes dont les élèves sont scolarisés dans le privé : les communes d'implantation des établissements privées sont bien tenues, elles, de financer ces établissements.
Désormais, les communes seront donc sur un pied d'égalité en matière de financement des écoles privées : celles qui ont sur leur territoire des écoles privées sous contrat d'association ne seront plus les seules à financer ces écoles.
Il va de soi que le gouvernement actuel, tout autant que le gouvernement précédent, est parfaitement conscient de la sensibilité de ce dossier. Certaines communes, en particulier les plus petites d'entre elles, ont des marges financières réduites. Je n'ignore pas les litiges que provoque la répartition des charges entre les écoles de l'enseignement public, et je peux comprendre la vigilance des organisations les plus mobilisées en faveur de l'enseignement laïque. Il aurait sans doute été préférable qu'une plus large concertation préside à l'adoption de cet amendement. Mais encore une fois, ce n'est pas le Gouvernement qui est à l'origine de cet article.
En revanche, c'est bien lui qui a pris initiative de rapprocher les positions des uns et des autres.
Si un accord a pu être trouvé en mai 2006 entre l'AMF et les représentants de l'enseignement privé, c'est bien sur la base de la stricte application du principe de parité dans la mise en oeuvre de l'article 89.
Quant à vos accusations de guerre scolaire, monsieur Glavany, un simple bilan de la mise en oeuvre de l'article 89 suffit à en démontrer l'inanité. L'enseignement élémentaire compte 5 147 écoles privées sous contrat d'association regroupant 899 612 élèves et susceptibles d'être concernées par l'article 89 de la loi du 31 août 2004 portant sur la prise en charge par les communes de leurs élèves scolarisés sur le territoire d'une autre commune.
L'article 89 a été appliqué, dans le cadre d'une convention avec l'enseignement catholique, à compter de la rentrée de septembre 2005. À ce jour, cette application n'a donné lieu à des négociations que dans 600 écoles. Dans 128 cas, elles ont d'ores et déjà débouché sur un accord positif ; dans 326 cas, elles devraient connaître une issue favorable.
Des problèmes ont été recensés dans environ 150 communes, réparties sur une dizaine de départements, soit 3,4 % des écoles. (« C'est déjà trop ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Enfin ces cas litigieux n'ont à ce jour donné lieu qu'à dix-neuf contentieux, soit environ 0,4 pour 1 000. Voilà la réalité des chiffres, monsieur Glavany.
La circulaire interministérielle du 27 août 2007, que vous avez vous-même évoquée et qui fait suite à l'annulation, pour des motifs de pure forme – la circulaire précédente du 2 décembre 2005 avait été signée par les directeurs de cabinet des ministres, alors qu'elle aurait dû l'être par les directeurs d'administration centrale compétents – rappelle que la voie du dialogue entre les collectivités sera privilégiée, dans l'esprit de l'accord intervenu. (« Tu parles ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Sur le fond, il revient au représentant de l'État de rechercher un accord entre les communes concernées. C'est toujours la meilleure solution. Soyez assurés que je rappellerai ce point de la manière la plus claire à tous les préfets, en leur demandant de s'impliquer personnellement dans ces dossiers.
À défaut d'accord, la commune de résidence ne sera amenée à participer aux dépenses de fonctionnement de l'école privée que dans le cas où elle serait tenue de le faire si l'élève était inscrit dans l'école publique d'une autre commune. Les modifications apportées par la nouvelle version de la circulaire ont pour objectif de respecter encore plus scrupuleusement ce principe. Si les dépenses de contrôle technique réglementaire, la rémunération des agents territoriaux de service des écoles maternelles et la participation aux dépenses relatives aux activités extrascolaires présentant un caractère facultatif ont été retirées de la liste des dépenses à prendre en compte, c'est bien parce qu'elles avaient un caractère facultatif, alors que la comparaison ne doit porter que sur des dépenses obligatoires.
De plus, et conformément aux dispositions de l'article 89 de la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programmation pour l'avenir de l'école, les dépenses engendrées par la scolarisation d'un enfant dans un établissement privé d'une autre commune ne peuvent en aucun cas être supérieures au coût qu'aurait représenté, pour la commune de résidence, ce même élève, s'il avait été scolarisé dans une école publique.
En effet !
L'article 89 ne favorise donc pas l'enseignement privé au détriment de l'enseignement public.
Il rétablit la portée du principe de parité voulu par le législateur de 1959 et contribue ainsi au respect du principe de la laïcité de l'État. Le Conseil constitutionnel chargé d'examiner la loi du 13 août 2004 n'a d'ailleurs soulevé aucun élément susceptible de mettre en doute la constitutionnalité de ce dispositif.
Un élément nouveau est cependant intervenu depuis hier : je constate en effet, monsieur le député, que vous souscrivez désormais à cette position, puisque vous avez amendé votre proposition initiale en rendant cette fois applicable aux écoles privées sous contrat d'association l'ensemble des dispositions de l'article L. 212-8 du code de l'éducation.
Vous feriez mieux d'écouter ce que je dis, au lieu de lire bêtement ce que vous écrivent vos conseillers, qui n'y comprennent rien ! Ce sont des politiciens de bas étage !
J'observe avec satisfaction que vous acceptez finalement le principe d'une participation des communes de résidence aux frais de fonctionnement des écoles privées dans le cas où ce financement existe pour l'école publique, et rejoignez ainsi la position du Gouvernement. Je vous en remercie.
Votre amendement se heurte néanmoins à une importante difficulté juridique, qui a déjà fait obstacle à l'époque du vote de l'article L. 212-8, à l'enseignement privé. En effet, monsieur Glavany, cet article prévoit que, dans l'hypothèse où la commune de résidence dispose d'une capacité d'accueil suffisante dans ses établissements scolaires, elle peut néanmoins être amenée à participer aux dépenses de fonctionnement de la commune d'accueil si « le maire de la commune de résidence, consulté par la commune, a donné son accord à la scolarisation de ces enfants hors de sa commune ». Vous comprendrez que cette disposition ne peut, en l'état, s'appliquer à l'enseignement privé. Un tel mécanisme serait sans aucun doute contraire au principe à valeur constitutionnelle de la liberté de l'enseignement,…
…qui garantit aux parents le droit de choisir librement l'établissement privé où ils souhaitent inscrire leurs enfants.
En outre, il se heurterait au principe constitutionnel selon lequel les conditions d'application d'une loi organisant l'exercice d'une liberté publique ne peuvent dépendre d'une décision des collectivités territoriales.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Glavany, il y a ceux qui choisissent aujourd'hui de rallumer artificiellement l'opposition entre enseignement public et enseignement privé (« C'est vous ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)…
…et ceux qui, au contraire, regardant vers l'avenir, recherchent des solutions pragmatiques destinées à favoriser un apaisement durable entre toutes les formes d'enseignement qui contribuent à la structure de notre République.
Vous comprendrez aisément quel est mon choix, celui de la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et celui du Gouvernement et pourquoi donc nous ne pouvons que proposer au Parlement de rejeter cette proposition de loi, ainsi l'amendement proposé, eu égard aux difficultés constitutionnelles majeures qu'ils soulèvent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, le débat que nous ouvrons ce matin est, sous des apparences techniques, d'une grande importance politique…
…et mérite donc mieux, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, que des arguties politiques et techniques, voire des faux débats tels qu'une exégèse à laquelle vous vous livreriez des intentions qui animaient le sénateur Charasse lorsqu'il a déposé son amendement.
Je tiens, pour ma part, à poser le problème de fond qui nous réunit tous – ou tout au moins qui le devrait : l'article 89 de la loi respecte-t-il le principe de parité entre l'enseignement public et l'enseignement privé ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Comme l'a démontré l'excellent rapport de M. Glavany, la réponse est évidemment non.
Je passe – trop rapidement, mais certains de mes collègues y reviendront certainement plus longuement – sur le coût généré par cet article de la loi pour les communes, et notamment les petites communes rurales, coût si important que l'ensemble des associations de maires, qu'il s'agisse de l'association des maires de France ou de l'association des maires des communes rurales, se sont particulièrement émues de cette disposition. Il n'y a donc pas, monsieur le secrétaire d'État, comme vous voudriez le faire croire, les bons d'un côté et les méchants de l'autre, les idéologues et les pragmatiques, mais des maires qui, fidèles à leurs principes de gestion et au principe de parité, se sont émus et même révoltés de cette disposition – et ils ne sont pas tous de gauche, loin de là.
Au-delà se pose le problème de la parité. Vous avez certes rappelé, monsieur le ministre, la disposition qui oblige les maires à payer pour les élèves qui fréquentent une école publique dans une autre commune ; mais en réalité, dans plus de 95 % des cas, cette disposition ne s'applique pas, du fait des accords de réciprocité conclus entre les maires. En tant que maire d'une commune, j'ai ainsi conclu avec mon collègue et voisin Marc-Philippe Daubresse, qui a été avec vous membre du précédent gouvernement, un accord de réciprocité : je reçois des élèves de sa commune et il reçoit des élèves de la mienne, sans aucune conséquence en termes de coûts. On sait bien, en revanche, que le principe s'appliquera avec la plus grande rigueur dans le cas de l'enseignement privé et qu'il n'y aura donc pas, dans les faits, d'égalité ni de véritable parité de traitement entre les écoles publiques et les écoles privées.
Un député du groupe socialiste. Il ferait mieux de se cacher !
Sans revenir sur l'argument constitutionnel développé par M. Glavany dans son rapport et rappelé par une décision du Conseil constitutionnel sur la loi de janvier 1984, je soulignerai que, sur un point qui devrait pourtant nous réunir tous, vous avez voulu, à partir d'une interprétation personnelle de l'intention sous-jacente à un amendement sénatorial, refaire systématiquement ce que vous avez déjà fait en tentant d'aggraver la loi Falloux avec la loi de 1994 : remettre en cause le fragile équilibre institué en 1959 par la loi Debré.
L'histoire de la République est intimement liée à l'histoire de la laïcité en France. C'est là une particularité, une singularité importante de notre pays. La laïcité est une valeur républicaine.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et la liberté ?
Elle a été difficile à imposer, à faire accepter, à construire. Il est vrai que nous avons tous fait des pas les uns vers les autres. Même si bon nombre d'entre nous, qui ne sont pourtant pas d'un âge canonique (Sourires), ont lutté contre la loi Debré, chacun reconnaît aujourd'hui qu'elle permet un équilibre difficile à préserver. Vous savez très bien, pour avoir mis un million de personnes dans la rue en 1994,…
…que chaque fois qu'on touche à cet équilibre, on va au-devant des difficultés majeures.
Monsieur Vanneste, vous êtes un spécialiste en la matière ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
J'y viens en effet, si on me laisse parler, madame la présidente.
Je vous demande très sincèrement et très solennellement de ne pas rallumer cette guerre…
…et de ne pas casser cet équilibre, car il en va non seulement de l'école, mais de la laïcité et, au-delà, du principe de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – « Ridicule ! » et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, l'article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, complété par l'article 89 de la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, qui prévoit l'application des trois premiers alinéas de l'article L. 212-8 du code de l'éducation, a rendu obligatoire la contribution des communes de résidence aux frais de scolarisation des enfants fréquentant une école privée sous contrat d'association dans une autre commune.
En l'absence de décret d'application précisant le niveau de contribution de la commune de résidence, le précédent ministre de l'éducation nationale s'était empressé de faire passer une circulaire permettant la mise en oeuvre de la loi par la seule information des préfets, inspecteurs d'académie et directeurs des services départementaux de l'éducation nationale, omettant de prévenir les maires, premiers concernés.
Suite à un recours en annulation déposé devant le Conseil d'État par de nombreuses organisations syndicales et largement appuyé par l'association des maires de France, cette circulaire d'application a heureusement été annulée.
C'était compter sans le nouvel empressement des ministres de l'intérieur, de l'outre-mer et de l'éducation nationale, qui signèrent, le 8 août dernier, une nouvelle circulaire reprenant les termes de la précédente, ce qui a provoqué, le 6 octobre, un nouveau recours devant le Conseil d'État, introduit par le Comité national d'action laïque, suivi cette fois par l'association des maires ruraux de France.
Les problèmes posés par cet article, dont la vocation annoncée était plutôt d'encourager l'ouverture de classes supplémentaires dans le service public d'éducation, ne tiennent cependant qu'à des interprétations contestables de la part des ministres successifs. En effet, tel qu'il est rédigé, l'article devait normalement laisser aux municipalités la possibilité de refuser de payer cette contribution, notamment lorsqu'elles disposent elles-mêmes d'une école privée sur leur territoire.
Dans ces conditions, nous ne pouvons que souhaiter l'abrogation de cet article, avec des arguments de plusieurs natures.
D'un point de vue financier tout d'abord, cette mesure pourrait coûter aux communes de 150 à 400 millions d'euros, selon le forfait scolaire, montant qui viendrait s'ajouter aux 425 millions d'euros déjà versés par les communes aux établissements privés sous contrat en application de la loi du 31 décembre 1959, dite loi Debré.
Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, si l'article 89 de la loi de 2004 ne modifie en rien la loi Debré, expliquez-moi donc, par exemple, pourquoi je recevais de nouveau hier, et pour la troisième fois, une lettre par laquelle un établissement privé d'une commune voisine de celle dont je suis maire me demande de payer, à compter de 2004, les frais de scolarisation d'une vingtaine d'élèves pour lesquels je n'ai pas donné mon accord, alors même qu'il y a de la place dans les écoles publiques de ma commune. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Cette demande est la troisième que je reçois et, je le répète, c'est la troisième fois que cet établissement me demande de payer.
Le Conseil supérieur de l'éducation avait fait part de son opposition a ce texte, non seulement en ce qu'il introduit une profonde inégalité au détriment de l'école publique et un risque de déstabilisation des cartes scolaires, mais surtout en ce qu'il engendre une très forte augmentation des dépenses. L'association des maires ruraux de France a de son côté jugé le texte tout à fait inacceptable d'un point de vue budgétaire et pointé le risque de disparition de l'école publique en zone rurale en raison de la difficulté rencontrée par les municipalités pour assumer les coûts. Il s'agirait bien là d'un « exode scolaire ».
Il est en outre inadmissible que cette augmentation des charges communales se traduise par une diminution des crédits de fonctionnement alloués à l'école publique. Comme l'a demandé M. Michel Houel, sénateur UMP, au ministre de l'éducation nationale le 4 octobre dernier, comment peut-on expliquer qu'un maire soit obligé de payer deux fois, pour sa propre école et pour l'école privée d'une commune voisine ?
J'ajoute enfin qu'il n'est pas exclu que des établissements soient désormais ouverts dans le seul but d'être financés par les communes. C'est une véritable porte ouverte à la marchandisation de l'école !
Le principe de parité de financement invoqué dans cette dernière circulaire – la commune de résidence devant payer le même forfait communal à la commune de scolarisation, que l'élève soit scolarisé dans le public ou dans le privé sous contrat, sans toutefois que soit imposée aux communes une charge plus importante pour le financement des écoles privées que pour celui des écoles publiques – est un argument purement politique, un argument de circonstance, qui ne saurait donc avoir de légitimité.
Il s'agirait, en tout état de cause, d'une égalité de droits, et non de devoirs, avec le service public, tenu quant à lui à la non-sélection des élèves, au choix des filières et à des principes de laïcité, de neutralité et de gratuité.
Ces circulaires peinent en effet à masquer leur objectif réel : le financement de l'école privé, et donc l'attaque en règle contre la laïcité et parfois contre la mixité.
L'article 1er de notre constitution stipule pourtant que la France est une république laïque.
En l'occurrence, alors que les responsables de l'enseignement catholique, qui représente 90 % du privé sous contrat, tendent à fonder leur spécificité non pas sur un type d'enseignement mais sur une identité religieuse, comment peut-on soutenir que cette obligation de financement de l'école privée puisse s'inscrire dans une réelle séparation de l'Église et de l'État, loi fondamentale datant de 1905 ?
En outre, le subventionnement de l'école privée deviendrait désormais obligatoire et le maire n'aurait même plus le pouvoir de le refuser, alors que, s'agissant des écoles publiques, la commune de résidence n'est tenue de contribuer financièrement que si le maire a donné son accord à cette scolarisation. De plus, la participation de la commune de résidence pour un élève scolarisé dans une école publique située hors de son territoire n'est vraiment obligatoire qu'en l'absence de places disponibles dans l'école de la commune et dans les cas de dérogation liés aux motifs suivants : obligations professionnelles des parents, fratrie dans un établissement de la commune d'accueil, raisons médicales. Où est l'équité lorsque l'on envisage un cadre bien précis d'un côté – pour l'école publique –, et un régime obligatoire sans dérogation de l'autre – pour le privé ?
Un tel dispositif contrevient aussi au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales – article 72 –, en mettant en cause leurs décisions de gestion au service de l'intérêt public, pour le financement d'intérêts privés. Nous estimons même, en tant que députés communistes et républicains, que seul le financement de l'école publique, laïque et gratuite devrait être pris en charge de manière obligatoire par les collectivités locales.
Pour toutes ces raisons, le groupe de la gauche démocrate et républicaine votera bien entendu en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la présidente, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, chacun reconnaîtra que les débats autour de la liberté d'enseignement et du financement public de l'enseignement privé ne sont pas récents. Déjà, l'adoption de la loi Falloux sur l'instruction publique, le 15 mars 1850, avait provoqué des remous à l'Assemblée nationale. Rappelons que, dans son article 9, la Constitution de 1848 proclamait : « l'enseignement est libre », tout en ajoutant : « La liberté d'enseignement s'exerce selon les conditions de capacité et de moralité déterminées par les lois, et sous la surveillance de l'État. Cette surveillance s'étend à tous les établissements d'éducation et d'enseignement, sans aucune exception ». L'enseignement primaire et secondaire se trouve désormais partagé entre l'enseignement public, géré par les communes, les départements et l'État, et l'enseignement privé, dit « libre » (« Non, privé ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), dont les établissements sont gérés par des particuliers, des associations ou des congrégations. J'appelle chacun à réfléchir à la phrase de Victor Hugo, qui, s'opposant à cette loi, déclarait : « Voilà comment je comprendrais l'éducation publique nationale, messieurs, à côté de cette magnifique instruction gratuite […] je placerai sans hésiter la liberté d'enseignement pour les instituteurs privés, la liberté d'enseignement pour les corporations religieuses ; la liberté d'enseignement pleine, entière, absolue, soumise aux lois générales comme toutes les autres libertés ». Chacun comprend bien qu'il ne rejetait ni le rôle ni l'utilité de l'enseignement privé, dont il ne craignait pas la concurrence.
N'oublions pas, mes chers collègues, que les écoles privées sont sous contrat, que les instituteurs qui y enseignent sont des agents publics et que leur rémunération est prise en charge par l'État, qui consacre 7 milliards d'euros au financement de l'enseignement privé, et que ces établissements sont engagés à fournir aux élèves un enseignement dont les programmes sont définis par l'État, ce qui justifie donc ce financement public.
C'est pourquoi je voudrais aborder trois points.
Tout d'abord, la question du financement public des écoles privées, qui est posée avant tout comme un problème politique. Or il faut sortir du dogmatisme politique dans lequel certains s'enferment par de purs calculs de politique politicienne.
Le débat entre public et privé ne doit plus être placé sous le même angle qu'au dix-neuvième siècle. Qui, ici, souhaite remettre en cause l'existence d'un service public de l'enseignement, libre, fondé sur l'égalité d'accès et la gratuité ? Cette défense de l'école publique n'est pas l'apanage d'un clan politique, elle appartient à tous les républicains, à ceux qui croient en la liberté et en la nécessité de former des citoyens éclairés. Nombreuses ont été les occasions où la participation du privé au service public de l'enseignement a été reconnue.
Aucun ministre de gauche n'est jamais revenu sur les principes posés par la loi Falloux. Le 31 décembre 1984, Michel Rocard va même plus loin en autorisant le financement par les collectivités locales de l'enseignement agricole privé ; et, le 13 juin 1992, Jack Lang, alors ministre de l'enseignement, fixe les nouvelles modalités de participation aux dépenses de fonctionnement et établit une parité public-privé pour les personnels.
Mais, au-delà de la question du maintien du service public de l'école en milieu rural, le problème est aujourd'hui celui des capacités de financement des collectivités locales et de la décentralisation.
Jusqu'à présent, avant l'amendement Charasse, le système prévoyait, chacun le sait, l'obligation pour toutes les communes d'attribuer à chacune des écoles situées sur leur territoire un forfait communal d'un montant compris entre 800 et 1 500 euros par élève.
Pour les petites communes rurales, c'est un montant important – je vous retrouve sur ce point, monsieur Glavany. En revanche, une scolarisation de l'enfant hors de sa commune d'origine n'ouvrait droit à ce même forfait que s'il était à l'école publique. Depuis le vote de l'amendement Charasse, les communes ont désormais l'obligation de financer une partie de la scolarité des enfants scolarisés dans une école privée située à l'extérieur de leur territoire. Or c'est le cas d'une grande partie des 900 000 élèves scolarisés dans le privé, d'après les chiffres de la Fédération nationale des établissements de l'enseignement catholique. Et cette nouvelle charge incombe aux communes. C'est pourquoi, en 2005, la loi de 2004 a été modifiée afin de limiter la participation des communes au coût qu'auraient représenté les mêmes élèves inscrits dans le public. La question du financement est donc en partie résolue, même si je souligne que c'est le premier budget des petites communes rurales.
Le problème, c'est que la portée morale de ce mode de financement est encore débattue. Or un soutien public à l'école privée ne fait pas obstacle à ce que nous soyons attachés au service public de l'école.
Je suis moi-même opposé à la remise en cause et à la suppression de la carte scolaire en milieu rural. Elle est une garantie de l'existence d'un service public de l'école sur tout le territoire. Il serait d'ailleurs intéressant d'appliquer les principes de la carte scolaire aux établissements privés qui bénéficient du financement des communes voisines, et de rendre ces contributions facultatives lorsque la commune dispose d'une capacité d'accueil permettant la scolarisation des enfants concernés.
Il s'agirait d'une coopération entre le public et le privé, selon un principe de subsidiarité qui gouvernerait les nouveaux rapports ainsi établis.
Enfin, pour conclure, je mettrai en exergue la nécessité de poser les jalons de l'école moderne et de réfléchir aux apports du privé à la démarche de modernisation du système scolaire. L'équilibre est difficile à trouver, mais je crois qu'il faut aborder cette question en posant les vrais problèmes : comment sortir du dogmatisme politique, et s'interroger sur les causes de l'augmentation de la scolarisation dans le privé ? Si le niveau est meilleur dans l'école privée de la commune voisine, peut-on réellement empêcher les parents de vouloir y inscrire leurs enfants ? Ne faut-il pas s'interroger sur les causes de la désaffection pour l'école publique ? Aujourd'hui, l'école privée n'est plus réservée à une bourgeoisie soucieuse de se reproduire, elle n'est pas non plus réservée à certaines religions. Le privé s'est ouvert à tous les profils. Il permet en outre une meilleure prise en compte des particularismes de chaque élève – en matière de handicap, de capacité d'apprentissage, chaque maire le sait. Dans le privé, les élèves sont davantage surveillés, c'est un fait ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
L'exigence y est bien plus élevée, et les clefs du succès du privé ne sont méconnues de personne : plus d'indépendance pour les proviseurs, plus de liberté pédagogique, de l'autonomie, de l'adaptabilité, des projets d'établissement forts, et une meilleure collaboration avec les familles. Arrêtons, je vous en prie, d'opposer le public et le privé. C'est une guerre d'un autre âge.
Ce sont les socialistes qui sont d'un autre âge ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La majorité des établissements publics remplissent parfaitement leur mission, et, nous avons beau le critiquer, le niveau de l'école en France est bon. Il ne s'agit pas de remettre en cause l'existence de l'école publique, laïque et républicaine, mais de bénéficier des savoir-faire du privé et de la flexibilité qu'offrent certaines structures d'établissements. Il faut avoir le courage, mes chers collègues, de poser le problème de manière globale et d'en finir avec des textes a minima qui ne permettent pas de placer dans un projet d'ensemble l'ambition pédagogique de la France. Les enseignements privés ont des méthodes pédagogiques efficaces et énergiques dont pourraient bénéficier certaines zones géographiques en difficulté. Posons enfin les jalons d'une coopération efficace du privé au service public de l'école. Mais, pour cela, il faut lancer une grande réflexion avec les différents acteurs, les collectivités locales, et permettre à chacun de trouver sa place et d'incarner le rôle dans lequel il excelle le plus. L'erreur de ces textes est d'avoir introduit une nouvelle forme de partenariat sans que celui-ci ait été formalisé en amont. Pour autant, l'efficacité du dispositif n'est pas aujourd'hui remise en question. C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre ne votera pas en faveur de l'abrogation de l'article 89 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, j'ai entendu Jean Glavany parler d'empressement de notre part, de guerre scolaire qui serait rallumée, bien évidemment du fait de la majorité. (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Mais de quoi est-il question aujourd'hui ? D'un texte de 2004, modifié en 2005 ; nous sommes fin 2007, et c'est le parti socialiste qui, dans le cadre d'une séance d'initiative parlementaire, décide qu'il est temps de le modifier à nouveau. Qui rallume le brûlot de la guerre scolaire ? (« C'est vous ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Je pose la question et j'y réponds : c'est vous, mesdames et messieurs du groupe socialiste ! Parce que vous êtes en panne, le fait est notoire, vous cherchez en vain tous les sujets qui pourraient de nouveau attirer sur vous les regards positifs de l'opinion.
Alors, vous êtes en préparation, comme nous tous, des échéances électorales du printemps prochain, et vous cherchez des sujets de consensus entre vous. Vous exhumez donc un sujet que vous croyez être consensuel pour vous, et clivant entre vous et nous : la laïcité.
Alors vous l'utilisez à toutes les sauces, et, permettez-moi de le dire, d'une manière bien incertaine, bien raccourcie, bien aléatoire.
Je voudrais pointer plusieurs incertitudes dans votre démarche, dans cet empressement à dénoncer l'empressement.
S'agissant de votre empressement à dénoncer ce que le Gouvernement aurait fait en 2004, j'ai sous les yeux l'exposé des motifs de votre proposition de loi, mes chers collègues socialistes : c'est tout simplement atterrant. À aucun moment on n'y lit que l'article 89 de la loi de 2004 est issu d'un amendement parlementaire présenté au Sénat. À aucun moment vous ne précisez – et on vous comprend ! – que cet amendement vient de chez vous !
Ensuite, vous évoquez, dans cet exposé des motifs, la première circulaire, en omettant de dire que si elle a été annulée, c'est pour défaut de forme. Vous oubliez pudiquement d'évoquer ce motif.
Pas dans l'exposé des motifs, monsieur Glavany. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Plus loin, vous dites que l'annulation de la circulaire aurait dû inciter le Gouvernement à faire preuve de prudence et à comprendre que les foudres de la justice administrative valaient abrogation implicite de l'article 89. Bref, vous maquillez de manière très grossière ce qui chez vous n'est qu'un artifice politique et politicien, parce que vous manquez de sujets de convergence entre vous.
Devant votre empressement à dénoncer la guerre scolaire que nous rallumerions, je fais remarquer que vous avez porté la mèche pendant plusieurs années et qu'elle va peut-être vous exploser à la figure.
Dans cet empressement, vous avez tout simplement oublié, mesdames, messieurs les députés socialistes, dans votre recours devant le Conseil constitutionnel relatif à la loi de 2004, de demander l'annulation de ce fameux article 89. J'ai relu votre recours et l'ensemble des articles concernés : l'article 89, si injustement introduit par votre ami Michel Charasse au Sénat, n'en fait pas partie !
Vous avez prétendu tout à l'heure, au nom de six grands principes, que cet article 89 constituait une véritable violation de la Constitution. Que n'avez-vous mis en avant cette violation de la Constitution, lorsqu'il en était largement temps, c'est-à-dire au moment de votre recours devant la grande juridiction constitutionnelle, en 2004 ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Allons un peu plus loin. En 2005, dans votre empressement à dénoncer l'irréparable, vous aviez une deuxième chance lors du vote de la loi d'orientation pour l'avenir de l'école. À aucun moment vous n'avez présenté d'amendements pour remettre en cause les dispositions…
Pas celles-ci ! Et dans votre recours devant le Conseil constitutionnel, une nouvelle fois, vous n'y avez pas fait allusion ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Bref, vous êtes tout simplement en panne d'idées, en panne de solutions pour vous ressourcer. Vous cherchez – je ne dirais pas n'importe, quoi parce que je prends très au sérieux la laïcité dans notre pays – …
…mais vous utilisez n'importe quel motif pour essayer de vous refaire une santé ! La vérité, c'est que l'amendement de Michel Charasse était tout simplement de bon sens. Évidemment, vous avez omis d'y faire référence dans votre exposé des motifs.
Pour compléter la lecture faite tout à l'heure par M. le secrétaire d'État, je voudrais citer le paragraphe suivant, écrit par M. Michel Charasse : « à partir du moment où, quoi que l'on en pense sur le fond, on a voulu à travers les conventions aligner complètement enseignement public et enseignement privé, je suggère que les règles de participations des communes à la scolarisation des enfants dans les écoles privées soient les mêmes que si les enfants sont scolarisés dans les écoles publiques ». Tout est dit !
D'ailleurs, la circulaire annulée pour des raisons de forme – vous l'avez mentionné, mais très brièvement – donnait déjà les premiers éléments de réponse à l'interrogation de Michel Charasse. Dans la deuxième circulaire que nous avons souhaité mettre en place après une concertation très étroite avec l'association des maires de France – le président Pélissard en parlera bien mieux que moi tout à l'heure – …
…nous sommes allés encore plus loin. Finalement, l'amendement de repli que, dans votre empressement à essayer de vous sortir de la nasse dans laquelle vous vous êtes glissés vous-même…
…vous avez proposé à la commission des lois lors de sa réunion au titre de l'article 88, prévoit tout simplement d'en arriver au texte tel qu'il est aujourd'hui avec la circulaire qui a été promulguée au mois d'août ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Avec cette proposition de loi, vous souhaitez cliver et reprendre l'avantage. Je vais vous le dire très sincèrement, et je sais que tous les députés de la majorité sont d'accord avec moi : la laïcité, vous n'en avez pas le monopole ! ( Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.-Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La laïcité ce n'est pas la dénonciation – toujours à fleur de peau chez vous, comme vous l'avez montré tout à l'heure –, de l'enseignement privé qui serait coupable, par rapport à l'enseignement public qui serait vertueux. Je suis homme de l'enseignement public…
…je respecte l'enseignement privé, et je veux cet équilibre entre l'un et l'autre.
L'article 89 de la loi de 2004 dont vous venez de découvrir, en cherchant un sujet de niche, qu'il vous ferait peut-être du mal et éventuellement du bien, est né d'un amendement de sagesse, qui a permis d'avancer, qui rend totalement applicable certaines dispositions des lois Debré de 1959. Il ne faut pas y toucher.
Dans son empressement à dénoncer cet article 89, le rapporteur n'a pas pris le temps de donner l'avis de la commission des lois, qui a repoussé l'examen de cette proposition de loi socialiste.
Je sais que la majorité refusera de voter cette proposition de loi. Je demande donc à la majorité – et elle y est prête – de suivre l'avis du Gouvernement. C'est une mascarade que proposez, sous prétexte d'une laïcité que vous avez toujours à la bouche sans vraiment jamais la définir. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Il faut être sérieux et réaliste. Michel Charasse l'a été en son temps, et il ne le regrette probablement pas aujourd'hui. Mesdames et messieurs, messieurs les secrétaires d'État, je crois qu'il est temps d'en finir…
…et je souhaite que la majorité, avec moi, vote contre cette mauvaise proposition de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Messieurs les secrétaires d'État, chers collègues, ainsi que l'a rappelé Jean Glavany, la question du financement des établissements d'enseignement privé dans notre pays résulte d'une construction aussi complexe que délicate. Toucher à ce savant équilibre, c'est rallumer la guerre scolaire, cette autre guerre de cent ans.
Malheureusement et imprudemment, c'est ce qu'a fait l'article 89. Dans ce domaine, l'adage selon lequel l'inverse d'une erreur n'est jamais la vérité, mais souvent une autre erreur, se vérifie toujours. C'est toute l'histoire de cet article 89 dont l'intention de départ, rappelée par Jean Glavany, a été pervertie par les faits, entraînant une cascade de charges nouvelles pour des communes de taille modeste, au profit de villes voisines de plus grande importance, siège des établissements privés concernés.
Son interprétation a immédiatement soulevé des difficultés et provoqué une longue controverse. Son application est précisée par une circulaire cosignée des ministres de l'intérieur et de l'éducation nationale, en décembre 2005 qui, naturellement, ne règle pas les litiges. En mai 2006, une concertation est donc organisée entre l'association des maires de France – qui n'est pas que de gauche, mes chers collègues de l'UMP – et le secrétariat général à l'enseignement catholique, pour définir, dans l'attente d'une réponse du Conseil d'État, un cadre national des modalités de résolution des litiges. Parce qu'il y en a, naturellement !
Enfin, en juin dernier, le Conseil d'État juge illégale la circulaire cosignée par les ministres de l'intérieur et de l'éducation nationale, en décembre 2005. On pouvait se dire que cette décision ferait pousser un soupir de soulagement à tous. L'épilogue semblait d'autant plus proche que, dans son discours d'Angers, le 6 décembre 2006, le candidat Nicolas Sarkozy donnait des signes encourageants, en parlant à propos de l'enseignement public et privé, d'« équilibre chèrement acquis », d'« équilibre général qui n'est pas contesté et dont personne ne demande la remise en cause », conformément d'ailleurs, à ce qu'il avait essayé de dessiner dans la circulaire qu'il avait signée.
Vous voyez, mes chers collègues de l'UMP et du Nouveau Centre que, loin de raviver des clivages gauche–droite, s'attaquer à cet article 89 est consensuel, bien plus que vous ne le pensez. D'ailleurs, plus récemment, lors de l'examen du budget de l'éducation nationale, notre collègue de l'UMP Jean-Claude Mathis, déclarait : « afin de mettre un terme, une bonne fois pour toutes, aux querelles sur les moyens à consacrer à l'enseignement public et à l'enseignement privé, il faudrait clairement réaffirmer le principe selon lequel les communes qui peuvent scolariser les élèves dans une école publique ne sont pas obligées de participer au financement de l'école privée. » Je cite Jean-Claude Mathis, dont les propos sont à peu près identiques à ceux tenus par M. Philippe Vigier, du Nouveau Centre, tout à l'heure. Vous vous trompez, monsieur Geoffroy, en rallumant des querelles.
En dépit de ces appels pleins de sagesse et de bon sens, venant de votre propre majorité, pour préserver cet équilibre, le ministre de l'éducation nationale a choisi, par une circulaire du 27 août 2007, de s'affranchir de la décision du Conseil d'État, et de reprendre dans sa quasi-intégralité la circulaire de son prédécesseur Gilles de Robien, en n'aménageant qu'à la marge la liste des dépenses obligatoires, pour ces milliers de petites communes rurales lourdement pénalisées par cet article, comme ne cesse d'en témoigner l'association des maires des communes rurales.
En outre, cette semaine, dans un hebdomadaire qui fait sa couverture sur la suprématie de l'enseignement privé sur le public, le ministre de l'éducation nationale affiche son intention de favoriser l'implantation d'établissements privés en ZEP, en se déclarant prêt à accorder les mêmes aides de carrières aux personnels de ces établissements privés qu'à ceux du public. Mais, il ne précise pas si, en contrepartie, il soumettra ces établissements privés aux mêmes obligations de recrutement des élèves que les établissements publics. Visiblement, M. Xavier Darcos semble vouloir rallumer cette nouvelle guerre de cent ans.
Tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, vous évoquiez des chiffres de litiges, sans rendre justice à ce qu'expliquait mon collègue Yves Durand : en général, d'une commune à l'autre, on s'arrange. Ainsi, les chiffres des litiges et de l'argent récolté exploseraient si la ville de Paris, bénéficiaire de flux entrant d'élèves des communes et départements voisins dans les établissements privés de la capitale, réclamait l'argent et ce forfait de 400 à 500 euros par élève. (« Évidemment ! sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Elle ne le fait pas.
Mais ne nous poussez pas à le faire, monsieur le secrétaire d'État ! MM Glavany et Mathis ont fait entendre la voix de la sagesse et du consensus républicain dans cet hémicycle. Errare humanum est ! L'erreur est humaine…
Absolument ! Et chacun sait à quel point le sénateur Charasse en est pétri. (Exclamations sur divers bancs.) D'humanité, s'entend ! (Sourires) Mais avez complété vous-même : perseverare diabolicum. Ne soyons donc pas diaboliques !
L'abrogation de l'article 89 de la loi d'août 2004 nous permettrait de ne pas persévérer dans l'erreur. Elle nous permettrait de résoudre – simplement et rapidement – bien des difficultés rencontrées par les petites communes, et de faire gagner du temps aux élus locaux, aux préfets, aux ministres, à leurs directeurs de cabinet, à leurs directeurs d'administration centrale et à nous-mêmes. Enfin, elle permettrait de mettre un terme à la controverse née de cet article, de l'infinie casuistique et des arguties qu'il a suscitées. Je vous invite, mes chers collègues, à voter cette proposition de loi d'abrogation de l'article 89. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Messieurs les secrétaires d'État, chers collègues, je voudrais d'abord poser une question imprévue mais suscitée par l'intervention de Mme Sandrine Mazetier. Les menaces verbales très graves que celle-ci vient de proférer… (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
…à l'égard des communes périphériques de Paris sont-elles confirmées par M. Bertrand Delanoë, le maire de Paris ? La réponse sera instructive.
Nous traitons pourtant d'une disposition législative introduite dans notre droit par un sénateur socialiste, même si cela vous gêne, Michel Charasse. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Oui, il faut le rappeler.
De quoi s'agit-il ? De la possibilité, ouverte par l'article 89 de la loi du 13 août 2004, de régler les conflits entre communes, pour le financement des élèves scolarisés dans les écoles primaires privées, hors du territoire de la commune de résidence, comme cela se pratiquait déjà pour des élèves scolarisés dans des écoles publiques. Donc, l'article 89 a été adopté pour mieux appliquer la loi Debré qui prévoit la parité du financement avec les écoles publiques.
En effet, le principe de la contribution des communes pour les élèves scolarisés à l'extérieur de leur commune de résidence, s'appliquait déjà aux écoles privées comme aux écoles publiques. Toutefois, ce principe n'était assorti d'aucun dispositif permettant de résoudre les éventuels conflits surgissant entre les communes. En conséquence, le financement de la commune de résidence restait, de fait, souvent facultatif.
L'article 89 vient donc apporter une réponse à ce problème d'absence d'accord entre deux communes, en prévoyant l'intervention du préfet, pour fixer la répartition des contributions entre elles.
Dès lors, les différentes hypothèses étant réglées, on peut légitimement s'interroger sur la nécessité de revenir aujourd'hui – et aujourd'hui seulement, comme s'en étonnait Guy Geoffroy – sur une disposition qui ne pose manifestement pas de difficulté pratique, ne concernant d'ailleurs qu'un nombre très résiduel de communes, comme l'a fait observer très justement le secrétaire d'État.
Lors des débats sur la loi d'orientation pour l'avenir de l'école, du 23 avril 2005, l'article 89 a été modifié à l'initiative du Sénat, dans un souci de clarification : il a été introduit un mécanisme de plafonnement des dépenses supportées par la commune de résidence, lorsque celle-ci ne dispose pas d'école publique. Sa contribution ne saurait alors être supérieure celle de la moyenne départementale constatée pour les écoles publiques. Résultat : le départ d'un élève vers une école privée, hors de la commune de résidence, ne peut avoir pour conséquence d'alourdir les dépenses communales pour cet élève.
En aucun cas l'article 89 ne modifie le périmètre de la compétence des communes pour la prise en charge des dépenses de fonctionnement des classes sous contrat. De même, il ne crée aucune obligation ni charge nouvelle : il vise simplement à mettre en place un règlement des conflits entre communes, sachant – et c'est bien ce principe qui prévaut – que l'accord entre celles-ci devra toujours être privilégié. La nouvelle circulaire du 27 août prend en compte les souhaits exprimés par les principales parties concernées.
L'article 89, dites-vous, porterait atteinte à la liberté constitutionnelle de l'enseignement. Mais lorsque la loi du 13 août 2004 avait été soumise au Conseil constitutionnel, l'opposition n'avait pas argué de l'inconstitutionnalité de cet article ! Le Conseil n'avait de son côté soulevé aucune question s'agissant de sa conformité à la Constitution.
Vous affirmez de surcroît, monsieur le rapporteur, que le financement des écoles primaires privées dépendrait de l'interprétation de la législation par la commune, stigmatisant même, selon les termes de votre rapport, le « penchant coupable » en faveur de l'enseignement privé du conseil municipal qui accorderait « une aide financière pour tout élève scolarisé dans un établissement d'enseignement privé » : appréciez-vous bien la portée de tels propos ?
Dans la même veine, vous prétendez encore que « l'enseignement public demeure le seul enseignement qui assure pleinement le respect de l'intégralité des principes républicains ». (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Est-ce à dire que les principes républicains ne sont pas respectés dans l'enseignement privé ?
« Insensiblement, c'est le coeur du service public de l'enseignement qui aurait à pâtir d'une trop grande complaisance à l'égard de l'enseignement privé », ajoutez-vous, au risque de rallumer artificiellement une guerre scolaire heureusement terminée, et ce pour des motifs, « à l'évidence », purement politiciens, comme l'a rappelé Guy Geoffroy.
C'est parce que nous prônons une laïcité ouverte et juste que, pour notre part, nous donnons à toutes les écoles les moyens de vivre dans notre République, et c'est donc dans un souci d'apaisement et d'équité que nous voterons contre la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, le principe de laïcité, au coeur du débat d'aujourd'hui, est un principe de tolérance et une notion fondamentale et historique, posée par la Révolution française, portée par la gauche en 1848, puis lors de la Commune de Paris, de la IIIe République, et enfin mise en oeuvre par le centre gauche et les républicains modérés. Depuis cette époque, la laïcité a occupé tout le champ politique.
Je rappelle que la laïcité figure à l'article 1er de la Constitution, qui dispose : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. » Cette notion, je n'en disconviens pas, appartient à tous, sauf aux rétrogrades intégristes qui mènent des combats du XIXe siècle (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)…
Il y en a dans cette assemblée, même si ce n'est pas le cas de tout le monde !
La laïcité a été un combat de la gauche. Puis il y a eu une appropriation républicaine. Lors de la dernière campagne présidentielle, le Président de la République s'était approprié, au nom de la République, les hautes personnalités de Jaurès et de Blum ; de la même manière, nous nous réjouissons que toute la République s'approprie l'idée de laïcité. Mais je déplore, pour dire les faits, qu'un sénateur issu de nos rangs et que la majorité récupère, ait eu cette initiative malheureuse.
Je voudrais, par contrepoint, faire nôtre l'initiative de la haute personnalité qu'est Jean-Louis Debré d'avoir fait voter, malgré le peu d'enthousiasme du Gouvernement, la loi interdisant le port ostensible de signes religieux.
Ainsi, les idées de laïcité circulent, et elles ont gagné tous les bancs : nous en sommes d'accord.
L'école républicaine est l'école de tous et non de quelques-uns, et elle doit être défendue. Les finances communales aussi : d'autres collègues l'ont excellemment souligné.
Je suis néanmoins un peu préoccupé par le fait que le Président de la République, votre chef politique suprême, chers collègues de la majorité, ait pour référence le modèle américain.
Vous allez voir que j'y viens, mon cher collègue.
Malheureusement, le modèle américain du Président de la République n'est pas celui des démocrates bostoniens, mais le modèle communautariste de droite défendu par George Bush, (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)…
…modèle qui aboutit, dans certaines écoles américaines, à l'enseignement de cette fable surréaliste qu'est le créationnisme ! Oui, l'école communautariste de M. Bush aboutit à l'enseignement du créationnisme, cette fable stupide et anti-scientifique selon laquelle tout aurait été créé en un seul jour il y a 4 000 ans, de la molécule à l'éléphant, en passant par l'homme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La laïcité est le lieu de la concorde républicaine…
Vous vous trompez, chers collègues de la majorité, en vous obstinant : vous portez ainsi un mauvais coup à la synthèse républicaine, qui existe sur un certain nombre de sujets.
Vous ouvrez la porte à une rumeur de protestation qui peut enfler et devenir assourdissante demain.
Je me souviens que François Bayrou était lui aussi certain d'avoir raison lorsque, en 1993, il entendait réformer le financement des écoles publiques et privées.
Pour assurer l'égalité des financements ! L'école privée n'a pas d'argent !
Cela apporterait, nous disait-il, des modifications de bon sens. Quelques mois plus tard, le 16 janvier 1994, on vit près d'un million de manifestants dans les rues de Paris. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Je le répète : ces héritages lointains de la Révolution française et de la philosophie des Lumières que sont le principe de laïcité, la séparation des églises et de l'État, ont désormais un vécu républicain qui en font le socle inaltérable de la République française. Contre le retour européen et mondial des intégrismes et des dogmatismes,…
…c'est le fondement laïque de notre République et la personnalité de la France qu'il faut préserver et réaffirmer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est un vrai Émile Combes !
Madame la présidente, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, permettez-moi d'abord d'évoquer les grands principes du radicalisme, le plus ancien courant politique de notre pays – avec près de cent soixante ans d'existence –, principes qui fondent l'équilibre entre les libertés individuelles et la solidarité nationale.
Il s'agit, à côté de l'universalisme, de la tolérance, qui permet d'accepter les différences conformes à la loi républicaine ; de l'humanisme, qui mise sur le développement des qualités essentielles de l'être humain ; de la solidarité, garante de l'équité sociale et d'une société vraiment active et responsable ; de la laïcité enfin, qui garantit à chacun une liberté de choix dans le respect des autres.
L'école a toujours été au coeur des débats de société relatifs à la laïcité, et celle-ci provoque régulièrement en son sein beaucoup d'interrogations et d'inquiétudes. Périodiquement, la question de la laïcité revient en effet en milieu scolaire et mobilise alors la nation tout entière : je pense notamment à la loi Debré en 1959, au projet Savary en 1984, aux différentes affaires touchant au voile islamique à partir de 1989 – lesquelles ont abouti à la loi du 15 mars 2004 –, ou encore au projet de révision de la loi Falloux en 1994. Depuis plus d'un siècle, la République et l'école se sont construites l'une avec l'autre : l'école de la République, ciment de la nation, est ainsi la vraie source de l'identité française – bien loin de tests ADN plus que contestables.
Valeur fondamentale de notre République, la laïcité est en grande partie entrée dans l'État par son école : comment s'étonner, dans ces conditions, que celle-ci soit si fortement impliquée à chaque fois que le principe de laïcité est réinterrogé dans l'ensemble de la société ? Le combat laïque se justifie à l'aune d'une morale républicaine : l'école forme les citoyens et assure l'unité de la nation, les enseignants étant porteurs de l'intérêt général. C'est pourquoi l'école privée doit rester marginale et, au contraire des affirmations de certaines églises, la République ne doit pas dissocier la laïcité de l'État et celle de l'école.
C'est dans ce contexte qu'il faut s'interroger sur les conséquences de l'article 89 de la loi du 13 août 2004, qui rend obligatoire la contribution des communes de résidence aux frais de scolarisation des enfants fréquentant une école privée sous contrat d'association d'une autre commune, alors que ce financement est facultatif et soumis à des critères conjuguant intérêt général et particulier pour les enfants fréquentant une école publique. L'article 89 tend à ignorer l'intérêt général au profit de seuls intérêts particuliers : d'abord en favorisant sans limites la scolarisation dans une école privée ; ensuite en incitant, parce qu'elle la facilite, à la scolarisation hors de la commune de résidence. Il tend à infliger une double peine aux communes : d'une part en provoquant l'exode scolaire, voire la désertification progressive des zones rurales et la fermeture de classes ou même d'écoles ; de l'autre en imposant des charges obligatoires non prévisibles et non maîtrisables, évaluées à environ 1 000 à 1 500 euros par élève. Les communes de banlieue ou rurales qui ont moins de ressources paieront pour la ville centre, Nanterre pour Neuilly et Decazeville pour Rodez !
L'article 89 introduit aussi une augmentation des dépenses d'éducation tout en réduisant les moyens de la commune affectés à ses écoles, en grevant sans information préalable et sans pouvoir opposable les budgets locaux – ce qui bafoue à nouveau le principe de libre administration des collectivités territoriales –, en augmentant les impôts locaux et en instaurant, pour le privé, un chèque éducation prélevé sans son accord sur la commune de résidence.
Que dire, mes chers collègues, de cette commune de 570 habitants de la Sarthe, Soulitré, qui se voit réclamer par l'école privée Sainte-Adélaïde de Montfort-le-Gesnois près d'un tiers de son budget communal ?
Le surcoût est estimé à 350 à 500 millions d'euros par an pour au moins 350 000 élèves hors commune dans le privé : c'est considérable.
L'article 89 tend aussi à inciter à une concurrence accrue, démultipliée et faussée avec le service public en accroissant la ségrégation sociale et en encourageant tous les comportements d'évasion hors de la carte scolaire que ce gouvernement facilite déjà, au détriment des communes rurales et de banlieue.
Pour les communes, la gestion prévisionnelle et la programmation des investissements deviennent plus aléatoires chaque année. En effet, aucun contrôle préalable des inscriptions dans une école privée n'est envisagé. Cela s'inscrit en outre dans une politique de restriction budgétaire à l'égard de l'enseignement public.
N'oublions pas non plus qu'en zone rurale surtout, le regroupement des écoles est imposé dans l'enseignement public et guère appliqué dans l'enseignement privé, en particulier là où la concurrence scolaire reste particulièrement vive.
Enfin, l'article 89 institue une école à deux vitesses, dans laquelle le privé échappe à toutes les contraintes. Seul le service public accueille toutes et tous, quelles que soient les conditions : démographiques, géographiques, sociales ou linguistiques. L'école privée obtient encore plus que l'illégitime parité des moyens qu'elle revendiquait. Elle s'exonère en outre des obligations qui pèsent sur le seul service public laïque de l'éducation.
Pour un élu radical de gauche, mes chers collègues, c'est toujours un grand honneur de prendre la parole pour défendre la laïcité. S'il advenait que nos désormais lointains cousins valoisiens se réveillent sur ces problèmes fondamentaux, j'en serais d'ailleurs très heureux.
De telles valeurs doivent être défendues car elles sont menacées partout dans le monde : aux États-Unis, comme cela a été rappelé, on parle d'interdire l'enseignement des thèses de Darwin ; aux Pays-Bas, Ayaan Hirsi Ali, élue députée, doit se cacher pour échapper à une condamnation de fanatiques et sauver sa vie ; en Turquie, la laïcité est remise en cause. Partout dans le monde, c'est un combat d'actualité : serions-nous en France à l'abri de ces remises en cause ?
Il est vrai, pour le moment, que nous parvenons à éviter le mélange des genres, mais il nous faut rester vigilants. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Au demeurant, les protestations contre cette loi ne viennent pas d'un front « laïcard » et rétrograde : par une question écrite publiée le 19 juillet 2007, M. Rémy Pointereau, sénateur UMP du Cher, signalait les problèmes posés par cet article du point de vue des finances locales. D'autres protestations de tous bords ont eu lieu. La mobilisation de l'association des maires ruraux en a été un exemple : elle trouve que le texte est une source de conflits et qu'il faut l'abroger. La loi ne doit pas accélérer la désertification de nos communes périphériques en les transformant en cités-dortoirs : la mixité sociale ne doit pas rester un slogan !
L'école de la République est aussi celle de la proximité. Mes chers collègues, les principes qui régissent la carte scolaire sont des principes modernes, qui n'ont rien de ringard. La France plurielle ne doit pas exister ni être médiatisée uniquement sur des terrains de football ! L'école, qui est l'un des fondements de notre République, doit être réorganisée pour favoriser le pluralisme et la diversité. Indifférente à l'origine et à la condition des élèves, elle incarne une idée très française selon laquelle l'accès au savoir est une condition essentielle de la liberté individuelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, mon propos sera un propos d'apaisement.
Nous ne sommes pas dans une situation de conflit, car s'agissant de la scolarisation des enfants, nous sommes tous partisans de la laïcité et de la liberté de choix des parents. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans ce contexte, mon propos s'articulera en trois points : la genèse de la disposition, l'accord du 16 mai 2006 et la situation actuelle.
S'agissant de la genèse, nous connaissons tous Michel Charasse : nul ne peut le suspecter de cléricalisme militant, bien au contraire, et nous savons tous qu'au plus profond de lui-même, il est imprégné des valeurs de laïcité. Pour le côtoyer régulièrement à l'association des maires de France, dont il est le trésorier général, je sais que c'est un homme dont les qualités humaines, la liberté et l'honnêteté intellectuelle sont hors du commun.
Il m'a dit avoir présenté cet amendement car dans le département du Puy-de-Dôme, plusieurs maires étaient confrontés à la situation suivante…
Je me souviens parfaitement de son récit : leurs communes ne disposant pas d'école publique sur leur territoire…
Non, c'est la vérité, mais elle vous gêne !
…ces maires ont été tentés de conseiller à leurs concitoyens de scolariser les enfants dans l'école privée située à l'extérieur de la commune. Pourquoi ?
Aux termes du décret de 1986 de M. Chevènement, à la suite de la loi de 1959, la scolarisation d'un enfant dans une école publique extérieure à la commune de résidence peut être facturée à cette dernière, mais non sa scolarisation dans une école privée. Constatant cette lacune du dispositif – nous sommes en Auvergne, ne l'oubliez pas –, certains maires ont été tentés de conseiller à leurs administrés de scolariser leurs enfants dans le privé.
Décidément, cela vous gêne vraiment ! Michel Charasse, tirant les conséquences de cette situation locale,…
Il a bien fait ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
…a souhaité rééquilibrer le dispositif, afin d'éviter à l'école publique une distorsion de concurrence. Il a seulement cherché à supprimer une différence de traitement financier au détriment de l'école publique !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Eh bien, c'est raté !
C'est dans ce contexte que l'amendement a été voté, sans contestation d'ailleurs. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
J'en viens à l'accord du 16 mai 2006. Face à cette situation, nous avons jugé nécessaire de ramener la paix dans le dispositif et de parvenir à une solution consensuelle.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est tellement simple !
L'association des maires de France a pris ses responsabilités en engageant des négociations avec les ministères de l'éducation nationale et de l'intérieur et avec l'enseignement catholique. C'est ainsi que nous sommes parvenus au compromis du 16 mai 2006, qui figure en annexe du rapport de notre collègue Jean Glavany.
Selon les termes de ce compromis, une commune qui ne dispose pas d'école publique sur son territoire devra financer la scolarisation des enfants dans une école privée située dans une commune voisine, à parité avec le financement de la scolarisation dans une école publique prévu dans le décret Chevènement de 1986 et la loi de 1959. En revanche, une commune qui dispose de sa propre école publique – le protocole du 16 mai est à cet égard une avancée – n'est désormais plus tenue de financer la scolarisation dans l'école d'à côté, qu'elle soit publique ou privée, hormis dans les trois cas prévus par l'article L. 212-8 du code de l'éducation nationale. (« Voilà ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ce dispositif équilibré et consensuel qui respecte, ne vous en déplaise, la liberté de choix des parents et le principe de parité de traitement, a permis de ramener la paix dans nos campagnes.
Enfin, quelle est la situation actuelle ? Le congrès de l'association des maires de France, qui s'est terminé il y a quelques jours et a réuni plus de 13 000 maires, soit 30 % de plus que l'année dernière, n'a jamais abordé cette question au cours de son atelier sur l'éducation ni dans la résolution finale, rédigée par André Laignel, son secrétaire général. Cela montre bien qu'elle n'inquiète plus les maires et qu'un consensus a été trouvé ! Le dispositif mis en place est clair et équitable, c'est pourquoi ma démarche est celle de l'apaisement. Ne ranimons donc pas, chers collègues, une polémique dépassée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà plus de trois ans qu'a été voté, dans le cadre de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, l'article 89, adopté sur proposition – sans doute maladroite – du sénateur Michel Charasse. Les circulaires de décembre 2005 et d'août 2007 en ont ensuite détourné les objectifs, comme le confirment les explications de son auteur sur ses intentions initiales.
Malgré l'annulation par le Conseil d'État de la circulaire interministérielle d'application du 2 décembre 2005, le Gouvernement semble pourtant déterminé à appliquer un texte qui risque de compromettre tant l'état des finances des communes que l'équité au sein du système éducatif.
Cet article favorise ouvertement l'enseignement privé, au détriment de l'enseignement public. La loi dispose en effet que la participation financière de la commune de résidence d'un enfant scolarisé dans une école publique extérieure n'est obligatoire que dans trois cas précis : obligations professionnelles des parents, fratrie dans l'établissement de la commune d'accueil, raison médicale. En revanche, la participation devient obligatoire si l'enfant est inscrit dans une école privée… La loi introduit donc une disparité de traitement entre l'enseignement public et l'enseignement privé, au détriment du premier. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) En outre, le montant de la contribution obligatoire pour la scolarisation d'un enfant dans un établissement privé d'une commune extérieure pourra être comparable à celui de la contribution facultative au financement d'une inscription dans une école publique.
Comment le ministère de l'éducation nationale peut-il invoquer le principe de parité entre l'enseignement public et l'enseignement privé alors que les règles d'inscription sont totalement différentes, que seules les écoles publiques ont pour obligation d'accueillir tous les enfants, que la loi sur le port des signes religieux ne s'applique pas dans le privé, et qu'enfin la participation de la commune de résidence est obligatoire pour le privé, mais facultative pour le public ?
Nous respectons le choix des familles, mais admettez que s'il y a plusieurs écoles au sein la République, il n'y a qu'une seule école de la République, qui garantit la gratuité et la laïcité : c'est l'école publique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Nous comprenons encore moins cet entêtement à faire en sorte que les établissements privés captent automatiquement l'argent des communes… (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
…au risque de mettre en danger leurs finances et leur développement même, surtout en milieu rural ! (Protestations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
L'association des maires ruraux de France ne s'y est pas trompée et s'est engagée en faveur de l'abrogation de l'article 89. Car cette dépense obligatoire, parfois considérable mais toujours imprévisible, car elle dépend du choix des familles, déstabilisera chaque année le budget des communes. Selon certaines estimations, son coût atteindrait 350 à 500 millions d'euros pour l'ensemble du territoire.
L'intérêt particulier s'imposera, au détriment de l'intérêt général – celui des municipalités élues, condamnées à payer sans autre forme de procès, sans que les maires n'aient aucune prise sur cette décision. D'ailleurs, dans un récent communiqué, l'association des maires ruraux de France juge « inacceptable que les finances communales puissent être engagées à leur insu par le choix des parents de scolariser leur enfant dans une école privée ».
La scolarisation d'un enfant dans une école privée relève avant tout du choix personnel des familles et de la liberté de choix de l'enseignement. (« Ah, tout de même ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mais ce choix, conclut l'association « ne saurait avoir pour conséquence de mettre à mal les efforts importants que les communes ont consentis en faveur du maintien et de la qualité de leurs écoles publiques ».
Dans les communes concernées, le financement de la scolarité dans un établissement privé extérieur à la commune peut mettre en péril la qualité, voire le maintien d'une école publique. Il s'agit pourtant d'un service public essentiel, dont dépend la survie de bon nombre de communes rurales.
De nombreux maires, conscients de l'importance d'avoir sur leur commune une école publique accueillante, font de gros efforts financiers. Certaines petites communes risquent d'être contraintes de fermer des classes, pour le plus grand profit l'école privée de la commune voisine. Pourquoi leur imposer cette charge, alors que le service d'éducation qu'elles fournissent ne souffrait d'aucune carence ? D'autres ne pourront trouver l'investissement nécessaire à la création d'une école publique qui leur manque. Ce serait pourtant vital pour leur développement, car cela contribuerait au maintien des populations dans les campagnes et répondrait aux besoins d'une population nouvelle, notamment les familles dont les deux parents travaillent et qui s'installent de plus en plus loin des grandes villes.
C'est pourquoi, comme nombre de mes collègues socialistes, j'ai demandé par écrit aux maires de ma circonscription de ne pas appliquer la nouvelle circulaire d'août 2007… (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Bravo !
…dans l'attente de la décision du Conseil d'État, puisqu'un recours a été déposé, à moins que nous ne décidions d'abroger cet article ce matin même ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Il y a quelques jours, un maire qui avait apporté son soutien à mon concurrent de l'UMP lors des élections législatives m'a confié qu'il était d'accord avec moi ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Durant plusieurs décennies, notre pays a souffert de la guerre scolaire.
La loi Chevènement de 1985, avec ses mesures simples et pragmatiques, à défaut de satisfaire tout le monde, aura permis de trouver un équilibre. Pourquoi le remettre en cause ?
Afin de répondre à l'inquiétude des maires et prévenir la concurrence déloyale dont risque de souffrir l'école publique, qui est l'école de la République, au profit des établissements privés…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et la liberté ?
…je vous demande, mes chers collègues, de voter l'abrogation de l'article 89 de la loi du 13 août 2004. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Madame la présidente, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, alors que tous, ou presque, s'accordent à reconnaître que l'école publique gratuite et laïque permet la mixité des enfants, quelle que soit leur origine sociale, ethnique ou religieuse, l'école publique a évolué et le principe d'égalité est battu en brèche : les différences de traitement sont évidentes entre une commune rurale et une commune des beaux quartiers, entre le département des Hauts-de-Seine et celui de l'Ariège.
Aujourd'hui, faute de moyens financiers, ni les enseignants, ni les élèves ne peuvent travailler dans de bonnes conditions. La suppression annoncée de 11 200 postes conduira inévitablement à des fermetures de classes et confortera le système éducatif à plusieurs vitesses qui s'instaure dans notre pays.
À cela s'ajoute, avec l'article 89, une inégalité supplémentaire : l'obligation pour les communes de participer au financement des dépenses de fonctionnement des écoles privées hors de leur territoire quand un élève résidant de la commune y est inscrit. Cette disposition, dénoncée par de nombreux maires, de gauche comme de droite, est de toute évidence un danger pour l'école publique. En effet, face au coût financier exorbitant qu'il représente, surtout pour les petites communes rurales, notamment de montagne, ce nouveau cadeau à l'enseignement privé sonnera le glas de bon nombre de classes qui tentent, chaque année, d'échapper au couperet du seuil fatidique de fermeture. Certains conseils municipaux se battent depuis des années pour maintenir les petites écoles. Si, pour des raisons qui ne sont pas toujours pertinentes, les parents d'un ou de deux élèves inscrivent ceux-ci dans l'école d'une commune voisine, le nombre d'élèves de l'école d'origine tombe alors au-dessous de l'effectif limite et l'école doit fermer. Autrement dit, la commune devra payer pour des élèves qui provoquent la fermeture de l'école publique !
Il est primordial de rappeler que, dans l'enseignement public, la participation aux frais de scolarité des enfants inscrits dans une autre commune est soumise à des règles strictes, conditionnées notamment par l'accord des maires des deux communes. Pour les élèves du privé, le maire n'est pas consulté. En outre, dans la limite des places disponibles, aucune école publique ne peut refuser la scolarisation d'un enfant – ce qui n'est pas le cas dans le privé. Donner les mêmes moyens financiers au privé et au public revient à affaiblir l'école publique. On est loin du principe de parité défendu par votre texte !
Cette disposition représente un coût supplémentaire pour les communes, dont les budgets sont déjà fortement amputés par la politique gouvernementale. En effet, le forfait pour la scolarisation d'un enfant à l'école élémentaire varie de 400 à 1 400 euros par an. Cela représente des sommes importantes, que certains budgets communaux auront du mal à supporter.
Le Gouvernement demande aux communes d'assumer sans aucune compensation cette charge supplémentaire. Les enjeux de la suppression de l'article 89 sont de taille : il s'agit de maintenir des écoles sur tout le territoire, en particulier dans les zones rurales, et d'éviter d'alourdir les finances communales. En effet, le coût de l'application de l'article 89 a été estimé à environ 300 millions d'euros.
Ces enjeux sont d'autant plus d'actualité que le succès de l'école privée est une réalité, alors que l'on dépouille de plus en plus l'école publique des moyens et des conditions nécessaires pour accomplir sa mission. Les raisons de la scolarisation dans le privé sont souvent bien loin des contingences religieuses ou confessionnelles. De plus en plus, le choix d'un établissement privé se fait pour des raisons négatives, c'est-à-dire pour éviter l'école publique de son secteur, et bien souvent pour des raisons de ségrégation sociale… Car si, en principe, les établissements privés scolarisent des enfants de toutes catégories sociales, les statistiques montrent que, majoritairement, les catégories dites favorisées y sont surreprésentées, et ce pour plusieurs raisons : les établissements privés ne sont pas soumis à l'obligation d'accueillir tous les enfants et peuvent donc choisir leurs élèves ; ils ne sont pas non plus soumis à la sectorisation ; ils peuvent choisir l'organisation de la journée scolaire, et le nombre d'élèves par classe y est inférieur. Ainsi, la moyenne des classes en maternelle et en primaire est de 19,4 élèves dans le privé, alors qu'elle est de 23,8 élèves dans le public. Pour l'académie de Paris, la moyenne est de 24,7 enfants dans le public, contre 20 dans le privé. Pour l'académie de la Réunion, elle est de 24,3 élèves dans le public, contre 18 dans le privé. Il est plus facile, dans ces conditions, de mieux prendre en charge les élèves ! Il est évident qu'inscrire son enfant dans un établissement privé est un choix individuel et personnel. Mais la collectivité n'a aucune raison de prendre ce choix à sa charge par le biais des impôts locaux, surtout si cela met en péril l'école publique et les finances communales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Pour conclure, si nous considérons que l'éducation est un droit fondamental, que tous les citoyens doivent y avoir accès et recevoir la même éducation, quels que soient leurs moyens et quelle que soit leur commune de résidence, si, après les déserts médicaux, les déserts judiciaires, nous ne voulons pas voir fleurir les déserts scolaires…
…alors, nous devons donner des moyens à l'école publique au lieu de l'en dépouiller, nous devons supprimer cet article 89 et organiser un grand débat sur les relations entre public et privé et sur l'avenir du service public d'éducation, comme le réclament un grand nombre d'élus et de citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Beaucoup de choses ont été dites mais, pour commencer, je voudrais rappeler à certains de nos collègues, qui essaient de faire croire que le groupe SRC, en déposant cette proposition de loi, chercherait à favoriser l'enseignement public au détriment de l'enseignement privé, que c'est exactement l'inverse !
Monsieur Geoffroy, vous arrive-t-il parfois d'être de bonne foi ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche veut rétablir un équilibre rompu par l'article 89, au détriment de l'enseignement public et en faveur de l'enseignement privé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) L'article 89 prévoit en effet le financement automatique sans conditions des écoles privées par les communes d'accueil, alors que celui des écoles publiques se fait sous conditions. Cette disposition crée un déséquilibre, que nous voulons corriger. Voilà la seule modification que nous demandons, laquelle va d'ailleurs, monsieur Pélissard, dans le sens de ce qu'a souhaité l'association des maires de France – mais j'y reviendrai.
Ensuite, je rappelle à M. le secrétaire d'État, aux différents intervenants et à M. Geoffroy, principal intervenant du groupe UMP, que j'avais souhaité, dans mon intervention liminaire en tant que rapporteur, qu'on nous épargne le coup « Charasse ». Mais vous avez cédé à la facilité ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Geoffroy, ayez la patience d'attendre mon argumentation, si vous ne m'avez pas écouté quand j'étais à cette tribune ! Michel Charasse a reconnu avoir fait une bêtise.
Il a avoué s'être trompé : pour preuve, il a tenté à plusieurs reprises de réparer sa bévue.
Mais vous, bien sûr, vous ne retenez que l'erreur qu'il a commise, en occultant le fait qu'il l'ait reconnue ensuite. C'est si facile d'aller dans ce sens !
Cela n'a rien de laborieux, il a pris, publiquement, plusieurs initiatives, ayez l'honnêteté de le reconnaître ! À moins que vous ne reconnaissiez pas le droit à un homme, une femme, ou tout citoyen digne de ce nom, de se tromper…
…alors qu'il s'agit d'une liberté fondamentale !
Si l'article 89 n'était pas abrogé, ai-je dit, nous souhaitons que l'on adopte notre amendement de repli qui tendrait à restaurer l'équilibre entre le public et le privé.
Vous nous avez dit que cela figurait dans la circulaire, monsieur Geoffroy, mais c'est inexact ! Dans le cas contraire, je serai prêt à reconnaître publiquement ma légèreté, mon erreur, pour peu que vous m'en donnez la preuve, dès que je sortirai de l'hémicycle ! Mais vous savez que c'est totalement faux et que la circulaire ne prévoit rien de tel.
D'ailleurs, et je m'adresse à M. Pélissard, qui affirme que cela est prévu dans l'accord du 15 mai 2006…
…signé par le ministre de l'intérieur de l'époque, M. Sarkozy, par l'enseignement catholique et par l'association des maires de France : certes, cet accord rétablit l'équilibre, mais il n'a aucune portée juridique et n'est en rien repris par la circulaire. Si vous voulez vraiment rétablir l'équilibre, vous devriez voter à l'unanimité l'amendement du groupe SRC, dont c'est l'objet. Mais vous ne le ferez pas, parce que vous êtes de mauvaise foi !
N'est-il pas symptomatique enfin que M. Goujon voie comme une menace le fait qu'une commune, qui accueille à l'école publique des élèves venant de communes voisines, pourrait exiger de celles-ci le versement d'un forfait scolaire – proposition faite par Mme Mazetier dans son excellente intervention ? Propos révélateur, qui de surcroît a recueilli l'approbation du Gouvernement, à ma grande surprise : lorsqu'un ministre ou un parlementaire déclare qu'appliquer la loi de la République constitue une menace, cela en dit long sur leur volonté de faciliter le financement…
Mais si, c'est précisément ce que vous avez dit ! Drôle de menace que celle d'appliquer la loi !
Vous exigez le financement des écoles privées sans conditions, ce qui, selon vous, serait un geste d'équilibre, et celui des écoles publiques sous conditions, ce qui, toujours selon vous, serait une menace pour la République ! Voilà qui en dit long, monsieur Goujon, sur votre état d'esprit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
J'ai écouté tous les intervenants avec beaucoup d'attention et je voudrais, au terme de cette matinée de débats, apporter des précisions sur quatre points.
Premièrement, tous les orateurs, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent, ont rappelé leur attachement à l'école publique et aux principes qui la fondent…
…notamment au principe de laïcité. Il est bon de le rappeler, ce n'est pas un sujet de divergence entre nous et ce n'est pas non plus l'objet de notre discussion.
Deuxièmement, sur le fond, y avait-il, avant le vote de l'article 89, une lacune dans les textes existants ? La réponse est clairement oui : avant l'adoption de cet article, une participation aux frais de fonctionnement des écoles privées sous contrat était prévue lorsque les enfants habitent la commune d'implantation de l'établissement, mais non dans le cas contraire. Quels que soient les reproches que l'on peut faire à la rédaction, certes imparfaite, de l'article 89, celui-ci vise à combler une lacune.
Troisièmement : vivons-nous dans un climat de guerre scolaire ? Absolument pas.
Que s'est-il passé depuis le vote de la loi d'août 2004 ? Tous les partenaires se sont réunis autour d'une même table pour discuter. Mes chers collègues, dans le rapport de la commission des lois, figure en annexe le relevé de décision de la réunion du 16 mai 2006, qui réunissait notamment l'association des maires de France et les représentants de l'enseignement privé.
Ceux-ci ont décidé de tenir compte, dans les modalités d'application de la loi, des capacités d'accueil des écoles de la commune où habitent les enfants, de n'appliquer ces dispositions que dans les cas dérogatoires prévus par l'article L. 212-8 du code de l'éducation, et enfin, de privilégier systématiquement la discussion au niveau local entre élus et écoles, ce qui fait qu'il y a moins de vingt contentieux dans l'ensemble de notre pays : dès qu'un problème se pose, les acteurs concernés se réunissent autour d'une table pour en débattre.
Quatrièmement enfin, M. le secrétaire d'État a indiqué tout à l'heure les consignes données par le Gouvernement aux préfets, puisque le texte prévoit qu'en cas de litige, les préfets sont saisis pour tenter une conciliation. Qui plus est, M. Estrosi l'a rappelé, le Gouvernement a donné consigne à tous les préfets de privilégier la discussion pour parvenir partout à des solutions négociées.
Après cette matinée de débats, je vous appelle, mes chers collègues, à un vote d'apaisement. La sagesse ne consiste pas à abroger l'article 89, mais à stopper le débat en refusant de passer à la discussion de l'article unique, et à continuer de privilégier la négociation, la discussion et l'apaisement, comme nous le faisons déjà depuis plusieurs mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, les discussions qui viennent d'avoir lieu montrent combien certains, loin de souhaiter un débat constructif et apaisé, souhaitent, en ravivant artificiellement des débats d'un autre siècle, ranimer la guerre scolaire. Nul ne peut douter de l'attachement du Gouvernement et de la majorité au principe de la laïcité. (« Eh si ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Le Gouvernement veillera à appliquer scrupuleusement le principe de parité. Et je veux dire à tous les orateurs, notamment ceux des groupes SRC et GDR, qui sont intervenus pour soutenir la proposition de M. Glavany, qu'ils font naître chez nous une certaine incompréhension : d'un côté, ils soutiennent la démarche de M. Glavany demandant l'abrogation de l'article 89 – adopté au Sénat à l'initiative de Michel Charasse –, et de l'autre, le même M. Glavany dépose un amendement…
Monsieur Glavany, vous amendez vous-même votre proposition initiale, en rendant cette fois applicable aux écoles privées sous contrat d'association l'ensemble des dispositions de l'article 212-8 du code de l'éducation.
Vous accepteriez donc le principe d'une participation des communes de résidence aux frais de fonctionnement des écoles privées…
Vos conseillers vous on fait dire une grosse bêtise ! Ils ne connaissent rien à la procédure parlementaire !
…dans les cas où ce financement existe pour l'enseignement public, rejoignant ainsi la position du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je veux remercier MM. Goujon, Geoffroy, Vigier et, bien sûr, Jacques Pélissard, le président de l'association des maires de France – qui, à ce titre, est le mieux placé pour rappeler la position de l'association ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) – : tous ont souligné la nécessité de concilier les principes du libre choix des parents, de l'autonomie communale et de la laïcité. Ils ont également rappelé qu'aux termes du compromis négocié par l'AMF, la règle est d'abord celle de l'accord local – lequel intervient dans la majeure partie des cas –, l'article 89 et la circulaire d'application n'intervenant qu'à défaut d'accord. C'est une solution d'équilibre. Avec cet ensemble : amendement Charasse-article 89, circulaire d'application et accord intervenu entre l'AMF, l'enseignement catholique, l'éducation nationale et le ministère de l'intérieur, et que les préfets sont tenus par une circulaire d'août 2007 de faire respecter, nous sommes parvenus à l'équilibre souhaité. Ainsi, un maire se doit de financer la scolarisation d'un élève dans le privé dès lors qu'il serait obligé de le faire au titre de la scolarisation du même élève dans le public. Cette parité constitue une solution équitable et garantit l'équilibre entre le libre choix des parents et l'autonomie des communes. En voulant la remettre en question, vous souhaitez raviver la guerre scolaire entre le public et le privé ; à cela, le Gouvernement est fondamentalement opposé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La commission n'ayant pas présenté de conclusions, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 3, du règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion de l'article unique du texte initial de la proposition de loi.
Conformément aux dispositions du même article du règlement, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion de l'article, la proposition de loi ne sera pas adoptée.
Avant d'en venir aux explications de vote, je vous informe que sur le passage à la discussion de l'article unique, je suis saisie par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Philippe Plisson, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la présidente, messieurs les secrétaires d'État, chers collègues, la proposition de loi visant à abroger l'article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales trouve sa justification dans l'inégalité que cette loi introduit entre écoles publiques et écoles privées et dans la charge qu'elle impose aux finances communales. L'article 89 – qui n'a jamais fait, je vous le rappelle, l'objet d'un débat en séance publique par l'Assemblée nationale – modifie l'article L. 212-8 du code de l'éducation et rend obligatoire la participation des communes au financement des écoles privées sous contrat d'association pour les enfants des familles résidentes de ces communes. Malgré l'annulation par le Conseil d'État, dans son arrêt du 4 juin 2007, de la circulaire Sarkozy-Robien du 2 décembre 2005, la nouvelle circulaire publiée au Bulletin officiel de l'éducation nationale du 6 septembre 2007 en reprend les termes, ne modifiant que la liste des dépenses obligatoires. Les communes doivent ainsi financer les écoles privées situées hors de leur territoire, même si elles disposent d'une école publique.
De très nombreux maires se sont élevés contre cette circulaire, qui introduit une très grave inégalité entre l'école publique et l'école privée. Alors que le maire d'une commune disposant d'une école publique peut s'exonérer d'une participation financière quand un élève est inscrit ailleurs dans une école publique, il ne semble pas qu'il puisse le faire si ce même élève est inscrit librement par ses parents dans une école privée sous contrat.
Plus encore, les deux circulaires successives n'ont pas levé les ambiguïtés de la disposition législative. Deux interprétations s'opposent. Selon la première, défendue par l'association des maires de France, la commune n'accorde de compensation financière que lorsque la scolarisation dans une école privée hors du territoire communal intervient en raison de l'absence de capacité d'accueil dans la commune. Dans un courrier adressé aux maires du département le 20 mars dernier, l'inspecteur d'académie de la Gironde, directeur des services départementaux de l'éducation nationale, confirmait cette interprétation. La seconde, défendue par le secrétariat général de l'enseignement catholique, considère, à l'inverse, que le versement d'une participation financière est justifié dès lors que l'élève est scolarisé dans une école privée hors de sa commune de résidence. Cette très grave divergence d'interprétation aurait nécessité l'adoption d'un texte réglementaire d'application et justifie à elle seule l'abrogation de l'article 89.
Partout en France, dans le monde rural, les municipalités se sont mobilisées afin de maintenir une école publique dans leur commune, parfois au prix de regroupements, au nom d'un des fondements de l'éducation, l'égalité des chances. Le maintien de ces écoles dans les petits villages constitue un effort considérable pour les budgets communaux, mais il garantit l'existence d'une école de proximité et permet la sauvegarde de lieux de vie dans des bourgs parfois désertifiés. Aussi est-il inacceptable que les finances communales puissent être engagées à l'insu des maires par le choix des parents de scolariser leur enfant dans une école privée extérieure à leur commune. Indubitablement, les frais engendrés entraîneront de graves conséquences sur les finances communales, déjà fortement affectées par le transfert de compétences sur les collectivités locales et le désengagement de l'État, et viendront ponctionner une part des budgets consacrés aux écoles publiques. Plus grave encore, cette possibilité met en péril l'existence même de l'école publique, véritable coeur du village, où l'effectif ne tient parfois qu'à une famille convaincue par le maire.
Le 31 août dernier, l'association des maires ruraux de France a demandé à ses adhérents de ne payer aucune des sommes qui pourraient leur être réclamées, sauf accord local préalable, et de maintenir leur position jusqu'au contentieux si nécessaire. Des maires et élus, toutes tendances confondues – plus de 2 000 à ce jour –, des présidents et vice-présidents d'associations telles que la fédération nationale pour l'école rurale ou la ligue de l'enseignement se sont engagés par voie pétitionnaire en faveur de l'abrogation de l'article 89. Nous soutenons leur démarche et nous nous y associons pleinement. À défaut de cette abrogation, nous défendons l'adoption de l'amendement proposé par Jean Glavany, qui tend à élargir aux écoles privées l'application de l'article L. 212-8 du code de l'éducation, afin de leur appliquer les mêmes contraintes que pour le public. Dès lors, l'aide financière ne serait attribuée qu'après accord du maire de la commune de résidence, ou dans les cas où la scolarisation dans une autre commune s'explique par l'absence d'école primaire dans la commune d'origine ou pour des raisons médicales.
Au-delà de l'attachement que nous portons, chers collègues, à l'école publique, école de la République, l'inégalité qu'introduit l'article 89, la charge qu'il induit sur les finances publiques et la menace de fermeture qu'il fait peser sur les écoles rurales mettent en péril, à terme, la légitimité et donc l'existence même des petites communes de nos campagnes. C'est pourquoi le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche votera en faveur du passage à la discussion sur la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Dans un premier temps, l'examen de cette proposition de loi nous est apparu comme une histoire que nos collègues socialistes voulaient nous raconter, celle du pêcheur repenti. Le pêcheur, c'est M. Charasse qui, à croire M. Glavany, aurait reconnu rapidement son erreur après l'adoption de son amendement. C'est pourquoi nous avons pu entendre à son propos cette très belle formule latine : errare humanum est, perseverare diabolicum !
Mais en réalité, l'histoire racontée par nos collègues est bien celle des moutons de Panurge !
Car en ce jour, funeste pour nos collègues de l'opposition, où l'article 89 a été voté, il n'y a eu pas moins de 120 sénateurs socialistes unanimes pour l'approuver ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Depuis, chaque niche du groupe parlementaire socialiste aurait pu être une occasion de réparer cette erreur, mais vous ne l'avez pas fait. Vous auriez pu porter cette disposition honteuse devant le Conseil constitutionnel, mais vous ne l'avez pas fait. Perseverare diabolicum ! Et aujourd'hui, vous avez le culot de prétendre que le Gouvernement et sa majorité veulent rallumer la guerre scolaire ! Eh bien non, c'est vous qui voulez reprendre la guerre, parce que vous êtes en panne de sujets, parce que vous cherchez l'occasion de vous refaire une santé et de vous racheter aux yeux des Français ! La voilà, la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Mais le groupe UMP n'en veut pas !
Comme tous mes collègues, j'ai entendu avec un certain effroi une oratrice du groupe socialiste affirmer – et cela figurera au compte rendu – que donner à l'école privée autant d'argent qu'à l'école publique revient à porter un mauvais coup à cette dernière. Ne sommes-nous pas en 2007 ? Ils sont pourtant loin, tous ces mauvais combats d'arrière-garde menés par la gauche contre l'enseignement privé !
Moi qui suis profondément attaché à l'enseignement public, je rappelle que le service public de l'éducation, dans notre pays, est assuré à la fois par l'école publique et par l'école privée sous contrat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
L'ensemble des dispositions de l'article 89, de la première circulaire – annulée pour vice de forme, et non pour des raisons de fond – et de la deuxième, qui s'inspire des échanges entre l'AMF, le ministère et l'enseignement privé sous contrat, sont fondées sur le bon sens et la sagesse.
Je voudrais adresser un dernier remerciement à nos collègues socialistes : d'erreurs en erreurs, ils nous aident à faire tomber les masques et à siffler la fin de cette très mauvaise récréation. Ils ont demandé un scrutin public, tant mieux ! Nos concitoyens sauront ainsi qui est du côté de l'apaisement, qui est du côté de la liberté de l'enseignement sous toutes ses formes, qui est du côté de la vraie défense de la vraie laïcité !
Ceux-là, ce sont les élus de l'UMP et du Nouveau centre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Pour ces raisons, vous l'aurez compris, le groupe UMP, dans son empressement à en finir avec cette calamiteuse initiative, ne voudra absolument pas passer à l'examen des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
J'ai déjà eu l'occasion d'expliquer pourquoi le groupe GDR votera cette proposition de loi. Jacques Pélissard nous a expliqué à nouveau, il y a quelques instants, l'objectif de l'amendement Charasse, conçu à l'origine pour soutenir et développer l'école publique en zone rurale. Selon lui, la circulaire n'oblige pas les maires à financer les écoles privées situées en dehors de leur territoire dès lors qu'ils peuvent les accueillir dans une école publique de leur commune et qu'ils n'ont pas donné leur accord à cette scolarisation. Mais force est de constater que les établissements privés en font plutôt la même lecture que nous. Comme je l'indiquais tout à l'heure, j'ai reçu hier encore, en tant que maire, une lettre d'un établissement privé situé dans une ville voisine, me demandant, avec effet rétroactif depuis 2004, de financer la scolarisation d'une vingtaine d'élèves que les écoles de ma commune sont pourtant en capacité de recevoir. Cet établissement privé semble avoir bien compris le sens de votre engagement !
Pour la scolarisation dans une école publique hors du territoire communal, la règle demeure l'accord de la commune d'origine : c'est une bonne règle, qui devrait s'appliquer aussi aux établissements privés.
Si vous prétendez qu'il ne s'agit pas d'un cadeau supplémentaire fait à l'enseignement privé, finalement mieux loti que l'enseignement public, alors qu'il a été dans le même temps décidé, dans le projet de loi de finances pour 2008, d'y supprimer 11 200 postes ; si enfin vous n'acceptez pas que les collectivités locales subissent une ponction supplémentaire comprise entre 150 et 400 millions d'euros – et que dénoncent d'ailleurs de nombreux maires –, il faut abroger cet article 89 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales !
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine se prononcera, en conséquence, en faveur du passage à la discussion de l'article unique de cette proposition de loi. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je mets aux voix le passage à la discussion de l'article unique de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 418
Nombre de suffrages exprimés 417
Majorité absolue 209
Pour 189
Contre 228
L'Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion de l'article unique, la proposition de loi n'est pas adoptée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
Questions au Gouvernement.
Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 351, pour le développement de la concurrence au service des consommateurs :
Rapport, n° 412, de M. Michel Raison, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire ;
Avis, n° 408, de M. Bertrand Pancher, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
À vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
La séance est levée.
(La séance est levée à onze heures quarante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton