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Intervention de Sandrine Mazetier

Réunion du 27 novembre 2007 à 9h30
Abrogation de l'article 89 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mazetier :

Messieurs les secrétaires d'État, chers collègues, ainsi que l'a rappelé Jean Glavany, la question du financement des établissements d'enseignement privé dans notre pays résulte d'une construction aussi complexe que délicate. Toucher à ce savant équilibre, c'est rallumer la guerre scolaire, cette autre guerre de cent ans.

Malheureusement et imprudemment, c'est ce qu'a fait l'article 89. Dans ce domaine, l'adage selon lequel l'inverse d'une erreur n'est jamais la vérité, mais souvent une autre erreur, se vérifie toujours. C'est toute l'histoire de cet article 89 dont l'intention de départ, rappelée par Jean Glavany, a été pervertie par les faits, entraînant une cascade de charges nouvelles pour des communes de taille modeste, au profit de villes voisines de plus grande importance, siège des établissements privés concernés.

Son interprétation a immédiatement soulevé des difficultés et provoqué une longue controverse. Son application est précisée par une circulaire cosignée des ministres de l'intérieur et de l'éducation nationale, en décembre 2005 qui, naturellement, ne règle pas les litiges. En mai 2006, une concertation est donc organisée entre l'association des maires de France – qui n'est pas que de gauche, mes chers collègues de l'UMP – et le secrétariat général à l'enseignement catholique, pour définir, dans l'attente d'une réponse du Conseil d'État, un cadre national des modalités de résolution des litiges. Parce qu'il y en a, naturellement !

Enfin, en juin dernier, le Conseil d'État juge illégale la circulaire cosignée par les ministres de l'intérieur et de l'éducation nationale, en décembre 2005. On pouvait se dire que cette décision ferait pousser un soupir de soulagement à tous. L'épilogue semblait d'autant plus proche que, dans son discours d'Angers, le 6 décembre 2006, le candidat Nicolas Sarkozy donnait des signes encourageants, en parlant à propos de l'enseignement public et privé, d'« équilibre chèrement acquis », d'« équilibre général qui n'est pas contesté et dont personne ne demande la remise en cause », conformément d'ailleurs, à ce qu'il avait essayé de dessiner dans la circulaire qu'il avait signée.

Vous voyez, mes chers collègues de l'UMP et du Nouveau Centre que, loin de raviver des clivages gauche–droite, s'attaquer à cet article 89 est consensuel, bien plus que vous ne le pensez. D'ailleurs, plus récemment, lors de l'examen du budget de l'éducation nationale, notre collègue de l'UMP Jean-Claude Mathis, déclarait : « afin de mettre un terme, une bonne fois pour toutes, aux querelles sur les moyens à consacrer à l'enseignement public et à l'enseignement privé, il faudrait clairement réaffirmer le principe selon lequel les communes qui peuvent scolariser les élèves dans une école publique ne sont pas obligées de participer au financement de l'école privée. » Je cite Jean-Claude Mathis, dont les propos sont à peu près identiques à ceux tenus par M. Philippe Vigier, du Nouveau Centre, tout à l'heure. Vous vous trompez, monsieur Geoffroy, en rallumant des querelles.

En dépit de ces appels pleins de sagesse et de bon sens, venant de votre propre majorité, pour préserver cet équilibre, le ministre de l'éducation nationale a choisi, par une circulaire du 27 août 2007, de s'affranchir de la décision du Conseil d'État, et de reprendre dans sa quasi-intégralité la circulaire de son prédécesseur Gilles de Robien, en n'aménageant qu'à la marge la liste des dépenses obligatoires, pour ces milliers de petites communes rurales lourdement pénalisées par cet article, comme ne cesse d'en témoigner l'association des maires des communes rurales.

En outre, cette semaine, dans un hebdomadaire qui fait sa couverture sur la suprématie de l'enseignement privé sur le public, le ministre de l'éducation nationale affiche son intention de favoriser l'implantation d'établissements privés en ZEP, en se déclarant prêt à accorder les mêmes aides de carrières aux personnels de ces établissements privés qu'à ceux du public. Mais, il ne précise pas si, en contrepartie, il soumettra ces établissements privés aux mêmes obligations de recrutement des élèves que les établissements publics. Visiblement, M. Xavier Darcos semble vouloir rallumer cette nouvelle guerre de cent ans.

Tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, vous évoquiez des chiffres de litiges, sans rendre justice à ce qu'expliquait mon collègue Yves Durand : en général, d'une commune à l'autre, on s'arrange. Ainsi, les chiffres des litiges et de l'argent récolté exploseraient si la ville de Paris, bénéficiaire de flux entrant d'élèves des communes et départements voisins dans les établissements privés de la capitale, réclamait l'argent et ce forfait de 400 à 500 euros par élève. (« Évidemment ! sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Elle ne le fait pas.

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