Madame la présidente, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, l'article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, complété par l'article 89 de la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, qui prévoit l'application des trois premiers alinéas de l'article L. 212-8 du code de l'éducation, a rendu obligatoire la contribution des communes de résidence aux frais de scolarisation des enfants fréquentant une école privée sous contrat d'association dans une autre commune.
En l'absence de décret d'application précisant le niveau de contribution de la commune de résidence, le précédent ministre de l'éducation nationale s'était empressé de faire passer une circulaire permettant la mise en oeuvre de la loi par la seule information des préfets, inspecteurs d'académie et directeurs des services départementaux de l'éducation nationale, omettant de prévenir les maires, premiers concernés.
Suite à un recours en annulation déposé devant le Conseil d'État par de nombreuses organisations syndicales et largement appuyé par l'association des maires de France, cette circulaire d'application a heureusement été annulée.
C'était compter sans le nouvel empressement des ministres de l'intérieur, de l'outre-mer et de l'éducation nationale, qui signèrent, le 8 août dernier, une nouvelle circulaire reprenant les termes de la précédente, ce qui a provoqué, le 6 octobre, un nouveau recours devant le Conseil d'État, introduit par le Comité national d'action laïque, suivi cette fois par l'association des maires ruraux de France.
Les problèmes posés par cet article, dont la vocation annoncée était plutôt d'encourager l'ouverture de classes supplémentaires dans le service public d'éducation, ne tiennent cependant qu'à des interprétations contestables de la part des ministres successifs. En effet, tel qu'il est rédigé, l'article devait normalement laisser aux municipalités la possibilité de refuser de payer cette contribution, notamment lorsqu'elles disposent elles-mêmes d'une école privée sur leur territoire.
Dans ces conditions, nous ne pouvons que souhaiter l'abrogation de cet article, avec des arguments de plusieurs natures.
D'un point de vue financier tout d'abord, cette mesure pourrait coûter aux communes de 150 à 400 millions d'euros, selon le forfait scolaire, montant qui viendrait s'ajouter aux 425 millions d'euros déjà versés par les communes aux établissements privés sous contrat en application de la loi du 31 décembre 1959, dite loi Debré.
Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, si l'article 89 de la loi de 2004 ne modifie en rien la loi Debré, expliquez-moi donc, par exemple, pourquoi je recevais de nouveau hier, et pour la troisième fois, une lettre par laquelle un établissement privé d'une commune voisine de celle dont je suis maire me demande de payer, à compter de 2004, les frais de scolarisation d'une vingtaine d'élèves pour lesquels je n'ai pas donné mon accord, alors même qu'il y a de la place dans les écoles publiques de ma commune. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Cette demande est la troisième que je reçois et, je le répète, c'est la troisième fois que cet établissement me demande de payer.
Le Conseil supérieur de l'éducation avait fait part de son opposition a ce texte, non seulement en ce qu'il introduit une profonde inégalité au détriment de l'école publique et un risque de déstabilisation des cartes scolaires, mais surtout en ce qu'il engendre une très forte augmentation des dépenses. L'association des maires ruraux de France a de son côté jugé le texte tout à fait inacceptable d'un point de vue budgétaire et pointé le risque de disparition de l'école publique en zone rurale en raison de la difficulté rencontrée par les municipalités pour assumer les coûts. Il s'agirait bien là d'un « exode scolaire ».
Il est en outre inadmissible que cette augmentation des charges communales se traduise par une diminution des crédits de fonctionnement alloués à l'école publique. Comme l'a demandé M. Michel Houel, sénateur UMP, au ministre de l'éducation nationale le 4 octobre dernier, comment peut-on expliquer qu'un maire soit obligé de payer deux fois, pour sa propre école et pour l'école privée d'une commune voisine ?
J'ajoute enfin qu'il n'est pas exclu que des établissements soient désormais ouverts dans le seul but d'être financés par les communes. C'est une véritable porte ouverte à la marchandisation de l'école !
Le principe de parité de financement invoqué dans cette dernière circulaire – la commune de résidence devant payer le même forfait communal à la commune de scolarisation, que l'élève soit scolarisé dans le public ou dans le privé sous contrat, sans toutefois que soit imposée aux communes une charge plus importante pour le financement des écoles privées que pour celui des écoles publiques – est un argument purement politique, un argument de circonstance, qui ne saurait donc avoir de légitimité.
Il s'agirait, en tout état de cause, d'une égalité de droits, et non de devoirs, avec le service public, tenu quant à lui à la non-sélection des élèves, au choix des filières et à des principes de laïcité, de neutralité et de gratuité.
Ces circulaires peinent en effet à masquer leur objectif réel : le financement de l'école privé, et donc l'attaque en règle contre la laïcité et parfois contre la mixité.
L'article 1er de notre constitution stipule pourtant que la France est une république laïque.