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Intervention de Philippe Plisson

Réunion du 27 novembre 2007 à 9h30
Abrogation de l'article 89 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales — Vote sur le passage à la discussion de l'article unique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Plisson :

Madame la présidente, messieurs les secrétaires d'État, chers collègues, la proposition de loi visant à abroger l'article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales trouve sa justification dans l'inégalité que cette loi introduit entre écoles publiques et écoles privées et dans la charge qu'elle impose aux finances communales. L'article 89 – qui n'a jamais fait, je vous le rappelle, l'objet d'un débat en séance publique par l'Assemblée nationale – modifie l'article L. 212-8 du code de l'éducation et rend obligatoire la participation des communes au financement des écoles privées sous contrat d'association pour les enfants des familles résidentes de ces communes. Malgré l'annulation par le Conseil d'État, dans son arrêt du 4 juin 2007, de la circulaire Sarkozy-Robien du 2 décembre 2005, la nouvelle circulaire publiée au Bulletin officiel de l'éducation nationale du 6 septembre 2007 en reprend les termes, ne modifiant que la liste des dépenses obligatoires. Les communes doivent ainsi financer les écoles privées situées hors de leur territoire, même si elles disposent d'une école publique.

De très nombreux maires se sont élevés contre cette circulaire, qui introduit une très grave inégalité entre l'école publique et l'école privée. Alors que le maire d'une commune disposant d'une école publique peut s'exonérer d'une participation financière quand un élève est inscrit ailleurs dans une école publique, il ne semble pas qu'il puisse le faire si ce même élève est inscrit librement par ses parents dans une école privée sous contrat.

Plus encore, les deux circulaires successives n'ont pas levé les ambiguïtés de la disposition législative. Deux interprétations s'opposent. Selon la première, défendue par l'association des maires de France, la commune n'accorde de compensation financière que lorsque la scolarisation dans une école privée hors du territoire communal intervient en raison de l'absence de capacité d'accueil dans la commune. Dans un courrier adressé aux maires du département le 20 mars dernier, l'inspecteur d'académie de la Gironde, directeur des services départementaux de l'éducation nationale, confirmait cette interprétation. La seconde, défendue par le secrétariat général de l'enseignement catholique, considère, à l'inverse, que le versement d'une participation financière est justifié dès lors que l'élève est scolarisé dans une école privée hors de sa commune de résidence. Cette très grave divergence d'interprétation aurait nécessité l'adoption d'un texte réglementaire d'application et justifie à elle seule l'abrogation de l'article 89.

Partout en France, dans le monde rural, les municipalités se sont mobilisées afin de maintenir une école publique dans leur commune, parfois au prix de regroupements, au nom d'un des fondements de l'éducation, l'égalité des chances. Le maintien de ces écoles dans les petits villages constitue un effort considérable pour les budgets communaux, mais il garantit l'existence d'une école de proximité et permet la sauvegarde de lieux de vie dans des bourgs parfois désertifiés. Aussi est-il inacceptable que les finances communales puissent être engagées à l'insu des maires par le choix des parents de scolariser leur enfant dans une école privée extérieure à leur commune. Indubitablement, les frais engendrés entraîneront de graves conséquences sur les finances communales, déjà fortement affectées par le transfert de compétences sur les collectivités locales et le désengagement de l'État, et viendront ponctionner une part des budgets consacrés aux écoles publiques. Plus grave encore, cette possibilité met en péril l'existence même de l'école publique, véritable coeur du village, où l'effectif ne tient parfois qu'à une famille convaincue par le maire.

Le 31 août dernier, l'association des maires ruraux de France a demandé à ses adhérents de ne payer aucune des sommes qui pourraient leur être réclamées, sauf accord local préalable, et de maintenir leur position jusqu'au contentieux si nécessaire. Des maires et élus, toutes tendances confondues – plus de 2 000 à ce jour –, des présidents et vice-présidents d'associations telles que la fédération nationale pour l'école rurale ou la ligue de l'enseignement se sont engagés par voie pétitionnaire en faveur de l'abrogation de l'article 89. Nous soutenons leur démarche et nous nous y associons pleinement. À défaut de cette abrogation, nous défendons l'adoption de l'amendement proposé par Jean Glavany, qui tend à élargir aux écoles privées l'application de l'article L. 212-8 du code de l'éducation, afin de leur appliquer les mêmes contraintes que pour le public. Dès lors, l'aide financière ne serait attribuée qu'après accord du maire de la commune de résidence, ou dans les cas où la scolarisation dans une autre commune s'explique par l'absence d'école primaire dans la commune d'origine ou pour des raisons médicales.

Au-delà de l'attachement que nous portons, chers collègues, à l'école publique, école de la République, l'inégalité qu'introduit l'article 89, la charge qu'il induit sur les finances publiques et la menace de fermeture qu'il fait peser sur les écoles rurales mettent en péril, à terme, la légitimité et donc l'existence même des petites communes de nos campagnes. C'est pourquoi le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche votera en faveur du passage à la discussion sur la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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