SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE
SOMMAIREPrésidence de M. Bernard Accoyer
Questions au Gouvernement
Formation des enseignants
M. Yves Durand
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche
Politique de l'emploi
M. Dominique Tian
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi
Violences faites aux femmes
Mme Martine Billard
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité
Crise agricole
M. Philippe Vigier
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche
TVA à 5,5 % dans la restauration
M. Marcel Rogemont
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation
Réforme du lycée
M. Bernard Perrut
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement
Service minimum d'accueil dans les écoles
Mme Colette Le Moal
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement
Réforme des collectivités locales
M. Jean-Louis Bianco
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales
Sécurité autour des matchs de football
M. Philippe Meunier
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales
Réforme des collectivités territoriales
M. Jean-Michel Villaumé
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie
Lutte contre le travail illégal
M. Damien Meslot
M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville
Naufrage du Bugaled Breizh
Mme Annick Le Loch
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés
Campagne de vaccination contre la grippe A
M. Jacques Grosperrin
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports
Scolarisation des enfants handicapés
M. Michel Ménard
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement
Droits des enfants
Mme Henriette Martinez
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité
2. Droit de finir sa vie dans la dignité
Explications de vote
M. Laurent Fabius,M. François de Rugy,Mme Colette Le Moal,M. Jean LeonettiVote sur l'ensemble
3. Réduction du risque de récidive criminelle
Explications de vote
M. Dominique Raimbourg,M. Noël Mamère,M. Michel Hunault,M. Éric CiottiVote sur l'ensemble
4. Fichiers de police
Explications de vote
Mme Delphine Batho,M. Patrick Braouezec,M. Claude Leteurtre,M. Thierry MarianiVote sur l'ensemble
5. Régulation de la concentration dans le secteur des médias
Explications de vote
M. Michel Françaix,M. Noël Mamère,M. Olivier Jardé,M. Christian KertVote sur l'ensemble
Présidence de M. Marc Laffineur
6. Convention fiscale France-Belgique
7. Convention fiscale France-Royaume-Uni
8. Convention fiscale France-États-Unis
9. Accord international sur les bois tropicaux
0. Accord avec l'Inde pour le développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes
M. Claude Birraux, rapporteur de la commission des affaires étrangères
M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères
Discussion générale
M. François Asensi
M. François Rochebloine
Mme Marie-Louise Fort
M. Gaëtan Gorce
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État
Article unique
M. Patrick Roy
M. François Asensi
11. Application de l'article 61-1 de la Constitution
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés
M. Jean-Pierre Schosteck, suppléant M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Discussion générale
M. Jean-Christophe Lagarde
M. Guy Geoffroy
M. Gaëtan Gorce
M. Daniel Paul
Article 1er
Article 2
12. Ordre du jour de la prochaine séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, je vous demande de vous mettre un instant à la place d'un jeune étudiant de deuxième année de master qui se destine à l'enseignement. Avec votre projet de réforme, il devra affronter une première série d'épreuves en septembre ou en décembre, puis préparer immédiatement après de nouvelles épreuves, qu'il passera en juin. En même temps, il devra présenter son mémoire de recherche pour valider son année. Enfin, s'il lui reste un peu de temps, il pourra effectuer un stage dans une classe pour découvrir son futur métier d'enseignant. En fait, cette année ingérable se transforme en un long bachotage qui sacrifie d'autant plus la formation professionnelle que les stages ne sont plus obligatoires.
Monsieur le ministre, il ne suffit pas de maîtriser soi-même le savoir pour être capable de le transmettre à des élèves ; cette transmission nécessite toujours plus de pédagogie. Certes, les IUFM n'étaient pas parfaits, mais alors que nous proposions de les réformer pour les améliorer, vous les supprimez.
Pour la première fois, un gouvernement méprise à ce point la mission d'enseigner qu'il se refuse à en faire un métier. L'enseignement serait-il la seule profession que l'on n'a plus besoin d'apprendre ?
C'est grave pour les jeunes étudiants, futurs enseignants, qui devront affronter une classe.
C'est grave pour les élèves, à qui vous faites payer la suppression de plus de 50 000 postes en quatre ans.
Enfin, c'est grave pour l'école elle-même, qui verra se creuser davantage encore le fossé entre les jeunes enseignants, enthousiastes mais désarmés, et des élèves de plus en plus fragiles, donc de plus en plus exigeants.
Monsieur le ministre, l'identité nationale, c'est l'école de la République qui la bâtit et ce sont les enseignants qui la forgent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Alors, cessez de les mépriser et donnez-leur enfin la formation indispensable à leur métier ! (Mêmes mouvements.)
La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député, vous avez raison (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) : rien n'est plus précieux pour un pays que de bien former ses enseignants. Tel est l'objectif de la réforme qu'avec mon collègue Luc Chatel, nous mettons en oeuvre. Cette réforme est une chance pour nos futurs professeurs et pour leurs futurs élèves.
Elle permettra en effet aux futurs enseignants d'acquérir davantage de connaissances et de compétences. Actuellement, un jeune professeur est formé à bac + 3 ; désormais, il sera formé à bac + 5 et fera donc deux années d'études supplémentaires.
La réforme permettra également aux futurs enseignants d'accomplir plus de stages. Actuellement, la quasi-totalité des jeunes professeurs qui arrivent en septembre devant une classe n'ont jamais vu aucun élève. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Désormais, ils auront trois fois plus de possibilités d'effectuer des stages – stages d'observation, de pratique accompagnée et stages en responsabilité –, et ce avant même d'avoir passé le concours. Cela signifie que, grâce à la réforme, ils feront une entrée progressive dans le métier, pour leur plus grand bénéfice et, bien évidemment, pour le plus grand bénéfice de leurs élèves.
Enfin, la réforme leur offrira davantage de débouchés pour une meilleure insertion professionnelle. Actuellement, un jeune étudiant qui rate le concours de professeur des écoles ou du CAPES n'a aucun diplôme ; il a perdu une année et n'a aucune possibilité de se réorienter. Grâce à la réforme, il aura un diplôme de master…
…qui lui ouvrira beaucoup de portes professionnelles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Hier a eu lieu un rassemblement de 1 700 cadres de Pôle emploi, au cours duquel le Président de la République est intervenu. À cette occasion, Nicolas Sarkozy a rendu un hommage très appuyé aux agents de Pôle emploi, confrontés au double défi de la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC et à la hausse du chômage que connaît notre pays depuis le début de la crise mondiale.
Face à cette crise d'une ampleur exceptionnelle, supérieure à celle du choc pétrolier des années soixante-dix, le Gouvernement s'est mobilisé depuis de longs mois, avec un triple objectif sur le front de l'emploi : tout faire pour maintenir l'emploi et éviter les licenciements ; aider les salariés qui ont perdu leur travail à rebondir, en facilitant leur reconversion vers des secteurs porteurs ; stimuler la création d'emplois dans les secteurs qui restent dynamiques.
Dans ce cadre, une série de mesures a été mise en place. Vous avez souligné à plusieurs reprises, monsieur le secrétaire d'État, que vous vouliez des mesures simples, pragmatiques et rapidement opérationnelles. Amélioration du dispositif de l'activité partielle, extension du contrat de transition professionnelle, mise en place du dispositif « zéro charges », renforcement du soutien à l'alternance pour les jeunes : au total, ce sont plus de 2,5 milliards d'euros supplémentaires par rapport au budget de l'emploi initial qui ont été consacrés à ces mesures en 2009.
Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous indiquer où en est la mise en oeuvre de ces mesures sur le terrain et quel est leur impact sur les chiffres globaux de l'emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
N'en avez-vous pas assez de vous faire remarquer, monsieur Roy ? Cela suffit !
Vous avez la parole, monsieur le secrétaire d'État.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le député, la crise que nous traversons est redoutable, d'une ampleur deux fois plus importante que celle que nous avons connue durant les années soixante-dix, au moment du choc pétrolier.
Cependant, nous commençons à voir apparaître quelques signes d'espoir, notamment le fait que, sur le troisième trimestre, notre économie a enfin cessé de détruire des emplois.
Les chiffres parlent mieux que les grands discours. En un an, le taux de chômage a augmenté de 20 % en France, ce qui est considérable. Mais il faut considérer que dans le même temps, il a doublé aux États-Unis et en Espagne, augmenté de 50 % au Royaume-Uni et de plus de 30 % en moyenne dans l'Union européenne.
Le Président de la République a rappelé hier, lors de son déplacement en soutien aux cadres de Pôle emploi, qu'il était hors de question de se satisfaire de voir notre pays être, avec l'Allemagne, celui qui a le mieux amorti le choc de la crise. Notre feuille de route consiste à rester vigilants et à faire tourner à plein régime tous les outils de la politique de l'emploi, comme l'a souhaité le Premier ministre. Ces outils sont l'activité partielle, qui permet d'éviter les licenciements et concerne plus de 300 000 personnes ; le dispositif « zéro charges », qui a facilité plus de 650 000 embauches depuis le début de l'année, faisant mieux que nos prévisions ; les mesures en faveur des jeunes, qui ont notamment permis de redresser la barre pour l'apprentissage – en chute de 20 % au début de l'année, il est maintenant en hausse de 5 % par rapport à l'année précédente.
Ces résultats, nous les avons obtenus sans sombrer dans la facilité, c'est-à-dire sans recourir aux préretraites et sans essayer de garder artificiellement les jeunes sur les bancs de la faculté. Pour autant, il reste des mois difficiles devant nous, et nous devons continuer à miser sur ces mesures, continuer à faire tourner à plein les outils de la politique de l'emploi, miser sur des outils orientés vers l'emploi et le travail : c'est cela qui nous sortira du chômage et de la crise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, plus d'un million de femmes ont été victimes de violences physiques ou sexuelles en 2007-2008, plus de la moitié d'entre elles ayant subi ces violences au sein du foyer. En 2008, en France, 156 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint
Près de quarante ans de luttes féministes ont fait progresser la législation, mais les lois sont toujours incomplètes ou mal appliquées. Quant au taux de plaintes, il est encore extrêmement faible, car les victimes hésitent à franchir la porte des commissariats.
Le collectif national pour les droits des femmes avait proposé une loi-cadre, que le groupe GDR avait déposée sous forme de proposition de loi en janvier 2008, afin d'en finir avec les demi-mesures. Il s'agissait d'organiser l'accueil, la solidarité et la protection des victimes ; de systématiser la prévention ; de modifier, enfin, les procédures judiciaires pour qu'elles traitent de manière efficace les violences faites aux femmes. Il est en effet indispensable de dépasser la seule répression, principale réponse apportée aujourd'hui.
La pétition du collectif exigeant une telle loi-cadre, déposée l'an dernier auprès du président de notre assemblée, a conduit à la création d'une mission d'information. Le rapport de cette mission contient des préconisations reprises dans une proposition de loi émanant de tous les bancs de notre assemblée. Ce n'est pas la loi-cadre que souhaitait le collectif, mais cette proposition contient de nombreuses avancées.
Or, dans le même temps, Mme la ministre de la justice a annoncé hier le dépôt d'un projet de loi sur le sujet, sous quinzaine, sans faire référence aux travaux de la mission. Le Parlement ayant travaillé dans le consensus sur cette question de la lutte contre les violences faites aux femmes, je m'étonne que le Gouvernement annonce son propre texte. Monsieur le Premier ministre, le texte du Gouvernement sera-t-il différent de la proposition de loi de la mission du Parlement, ou soutiendrez-vous cette proposition ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.
Madame la députée, vous avez raison de dire que la violence faite aux femmes est un sujet qui concerne tous les députés, sur tous les bancs de l'Assemblée.
Au moment où je vous parle, je pense à cette femme aspergée d'essence par son conjoint et brûlée vive à 70 %, il y a deux jours. Je pense également aux 156 femmes qui ont trouvé la mort sous les coups de leur compagnon ou de leur ex-compagnon. Enfin, je n'oublie pas que, tous les deux jours et demi, une femme meurt victime de violences dans notre pays.
Ces chiffres sont intolérables et inacceptables, c'est pourquoi le Premier ministre a décidé de faire des violences faites aux femmes une grande cause nationale pour 2010. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Il annoncera demain, au cours de la journée internationale des violences faites aux femmes, un grand plan de mesures qui nous permettra d'aller plus loin. Nous devons renforcer notre arsenal législatif ainsi que nos moyens. J'étais hier en Espagne avec M. Guy Geoffroy, afin de prendre connaissance des moyens techniques et technologiques dont notre voisin européen s'est doté pour protéger les femmes, notamment le bracelet électronique et le téléphone d'urgence sociale.
Comme vous l'avez rappelé, madame la députée, cette cause a fait l'objet d'une mission d'évaluation parlementaire qui a abouti à une proposition de loi dont M. Geoffroy fut le rapporteur. Le Gouvernement s'appuiera sur cette proposition de loi pour faire avancer la cause de la lutte contre les violences faites aux femmes, et l'ensemble des propositions feront l'objet d'un plan présenté par le Premier ministre. En tout état de cause, Xavier Darcos et moi-même estimons indispensable d'aller beaucoup plus loin, les chiffres des violences faites aux femmes dans notre pays étant intolérables. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, et j'y associe François Sauvadet ainsi que l'ensemble des membres du groupe Nouveau Centre.
Vous le savez, monsieur le ministre, nous sommes mobilisés sur les questions agricoles depuis de longues semaines. Nous saluons l'engagement qui a été le vôtre pour redonner des perspectives à l'agriculture française et européenne. Il reste pourtant beaucoup de chemin à parcourir.
Voilà quelques jours, le Président de la République a annoncé des dispositions permettant la mise en place de prêts bonifiés ainsi que des mesures d'allégements de charges. Mais il faut aller plus loin. L'agriculture connaît en effet un malaise profond. En cette année 2009, elle est même au bord du gouffre : plus d'une exploitation sur deux est déficitaire. Dans leur immense majorité, les agriculteurs sont désemparés. Ils veulent de la lisibilité et vivre simplement de leur activité professionnelle.
C'est pourquoi nous souhaitons, tout d'abord, la généralisation du comité de suivi des prix et des marges comme cela a été fait pour le lait.
Il n'existe pas dans un certain nombre de filières, telle celle des céréales.
Nous souhaitons également la suspension pendant deux ans de la mise en place des bonnes conditions agricoles et environnementales topographiques, encore imprécises à ce jour au moment même où les agriculteurs préparent leur assolement.
Nous souhaitons encore que, dans le respect des règles communautaires, vous puissiez assouplir les contrôles des éléments de conditionnalité des aides.
Monsieur le ministre, le plus important est de mettre en place des outils de régulation des prix qui seuls seront garants de l'avenir des agriculteurs et de leur filière. Nous le répétons, les agriculteurs doivent pouvoir vivre dignement du fruit de leur travail et ne pas être dépendants des aides apportées par la France ou les États membres, ou des fluctuations du cours de l'euro et du dollar.
Pour nous, soutenir l'agriculture française est un choix de société. Nous attendons vos réponses à ces interrogations. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le député, pour soutenir l'agriculture française, il faut une réponse immédiate : c'est l'objet du plan de soutien décidé par le Président de la République et le Premier ministre et qui a été annoncé à Poligny, voilà quelques jours.
Mais il faut aussi une perspective de long terme : c'est la régulation européenne des marchés agricoles pour laquelle je me bats, jour après jour. Je convoquerai, le 10 décembre prochain, l'ensemble des ministres de l'agriculture du G22 pour avancer dans cette direction. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Enfin, cela implique de répondre de façon pragmatique aux questions concrètes que vous avez posées. S'agissant de l'Observatoire des prix et des marges mis en place par Hervé Novelli et Christine Lagarde, nous souhaitons lui donner un caractère législatif. Cela sera fait dans le cadre de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche qui sera déposée devant le Parlement à la fin de l'année. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Cet organisme aura des pouvoirs renforcés. Il traitera tous les produits agricoles, et non pas simplement un certain nombre d'entre eux. En outre, le Parlement pourra faire un rapport sur la base de ses conclusions.
S'agissant des particularités topographiques, celles-ci ont été notifiées à la Commission européenne et à l'ensemble de nos partenaires européens. Il n'est donc pas possible, pour 2010, de revenir sur les engagements pris auprès de ces derniers. Je vous propose, en revanche, de faire un point d'étape en juin pour vérifier que la mise en place de ces particularités ne se heurte pas à trop de complexité technique.
S'agissant des BCAE, on se heurte à de vraies difficultés de mise en oeuvre – chacun peut le constater sur le terrain. Je propose donc que nous traitions désormais les prairies permanentes comme les temporaires, dans le cadre du maintien de la même surface en herbe, de façon à donner de la souplesse à tous les exploitants agricoles, et notamment aux éleveurs de France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Marcel Rogemont, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, la détresse budgétaire de la France est grande. En 2008, le déficit était de 44 milliards d'euros, et vous aviez déclaré que la France était en faillite. Que dire aujourd'hui, alors que le déficit annoncé se situe entre 130 et 140 milliards ? Où va-t-on ?
Lorsqu'on a commis une erreur, persister dans l'erreur devient une faute, surtout dans une situation aussi catastrophique. Il en est ainsi de la baisse de la TVA dans la restauration, qui n'a eu aucun résultat économique tangible – les gesticulations verbales de vos ministres ne changent rien à cette réalité. Or cette mesure coûte 3 milliards. Ce sont 3 milliards dépensés chaque année en pure perte.
Comment pouvez-vous faire croire aux Français qu'il était urgent de prendre une telle disposition alors que notre pays connaît de tels déficits ? Aucune justification ne tient, sauf votre entêtement et celui du Président de la République.
Trois milliards, c'est plus que le budget de la culture et de la communication, c'est près de la moitié du budget de la justice, c'est le salaire annuel de 85 000 fonctionnaires que vous supprimez dans l'éducation, les hôpitaux, la police, la gendarmerie.
Trois milliards c'est aussi, chaque année, de quoi inscrire dans le budget les priorités nationales sans qu'il soit nécessaire de recourir à un « Grand emprunt ».
Je vous demande, haut et fort, de reporter l'application de cette TVA à taux réduit à des temps meilleurs car les Français ont besoin de ces 3 milliards. Les socialistes ne sont pas les seuls à présenter cette demande : elle émane aussi de la commission des finances du Sénat, unanime sur ce point, et donc d'une large partie de votre majorité.
Les Français qui souffrent, et qui ont besoin de ces 3 milliards, veulent que cette somme soit affectée à d'autres priorités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.
Monsieur Rogemont, le Sénat a rejeté cette nuit l'amendement proposé par sa commission des finances.
Sur le fond, cette mesure s'applique depuis le 1er juillet avec des contreparties contenues dans le document intitulé « Contrat d'avenir ». (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il est ainsi prévu une répercussion intégrale de la baisse du taux de TVA sur sept produits. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Les contreparties visent également les salariés de la restauration (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC) avec l'engagement de négociations sociales. Celles-ci ont lieu en ce moment et doivent se terminer avant la fin du mois de novembre – nous y sommes.
Enfin, sont également prévues des mesures de contrepartie pour la modernisation du secteur.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Il n'y aura rien !
Monsieur le député, vous avez parlé d'erreur et de faute : revenir sur cette mesure serait précisément une erreur et une faute. Une erreur parce que revenir au taux précédent, c'est mécaniquement l'assurance d'engendrer une hausse des prix défavorable aux consommateurs. Et beaucoup plus grave, ce serait une grande faute à l'égard des salariés de ce secteur. Je l'ai dit, des négociations difficiles sont actuellement en cours entre les syndicats professionnels et les syndicats de salariés. Revenir sur le taux réduit entraînerait un échec de ces négociations.
Vous porteriez la responsabilité de cet échec. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Pour notre part, nous nous y refusons. C'est la raison pour laquelle l'amendement proposé au Sénat a été repoussé par la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Chaque année, 50 000 élèves quittent le lycée sans avoir obtenu le baccalauréat et un étudiant sur deux échoue à la fin de sa première année à l'université parce qu'il a été mal orienté.
Plusieurs députés du groupe SRC. Monsieur le président, notre collègue Mme Aurélie Filippetti est prise d'un malaise !
Réforme du lycée
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures vingt-cinq.)
La séance est reprise.
Monsieur Perrut, vous avez la parole pour poser votre question.
Ma question s'adresse donc à M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Chaque année, 50 000 élèves quittent le lycée sans avoir obtenu le baccalauréat et un étudiant sur deux échoue à la fin de sa première année à l'université parce qu'il a été mal orienté.
Face à ce constat, monsieur le ministre, vous avez voulu réagir pour lutter contre l'échec et favoriser la réussite des jeunes. C'est pourquoi vous proposez d'adapter le lycée aux exigences de notre société – « au monde contemporain », avez-vous dit, et vous avez raison.
Les rencontres que vous avez organisées dans nos académies ont permis aux enseignants, aux jeunes et aux parents de s'exprimer devant vous. J'ai apprécié, lors de votre venue dans ma ville de Villefranche-sur-Saône, la méthode que vous avez mise en oeuvre, fondée sur l'écoute, le dialogue et le respect de chacun.
Monsieur le ministre, quels changements nos lycéens vont-ils connaître à la prochaine rentrée ? Quelles sont les grandes innovations pour les classes de seconde, première et terminale ? Comment allez-vous favoriser une orientation plus progressive, plus ouverte et plus juste, celle qu'attendent nos jeunes lycéens ? Allez-vous aussi renforcer l'apprentissage des langues étrangères, l'accès à la culture et à la connaissance de l'économie ?
Nous pourrions aussi évoquer le nécessaire équilibrage entre la voie générale et la voie technologique. Mais c'est incontestablement l'accompagnement personnalisé qui constitue la mesure forte de votre projet. Monsieur le ministre, comment le lycée va-t-il soutenir l'élève dans la réussite de sa scolarité ? Comment va-t-il mieux responsabiliser tous nos lycéens ?
Votre détermination, monsieur Chatel, et celle du Gouvernement, constitue un signe fort et d'espérance pour notre jeunesse, que vous avez entendue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, le 13 octobre dernier, le Président de la République présentait les grandes orientations de la réforme du lycée et, depuis, j'ai eu l'occasion de faire la tournée de l'ensemble des académies, de rencontrer l'ensemble des proviseurs de nos lycées et de continuer de dialoguer avec toute la communauté éducative – les représentants des enseignants, ceux des parents d'élèves et ceux des lycéens.
Qu'est-ce qui va changer à partir de septembre 2010 au lycée ?
Tout d'abord, nos lycéens seront mieux orientés. Nous passerons d'un système qui est vécu comme un couperet, où, à quatorze ans, il faut décider pour la vie d'un choix professionnel, à un système d'orientation plus progressive et réversible, qui se traduira par l'organisation de la classe de seconde. La seconde d'exploration permettra aux lycéens de parcourir le champ du possible ; les classes de première et de terminale deviendront des classes de spécialisation progressive.
Ce qui va également changer au lycée, c'est le fait que, deux heures par semaine, tous nos lycéens recevront un accompagnement personnalisé, c'est-à-dire un temps particulier pendant lequel les élèves les plus en difficulté bénéficieront de soutien scolaire, tandis que les bons élèves, au contraire, bénéficieront de cours de perfectionnement. En clair, nous adapterons notre système éducatif à la spécificité de chaque élève.
Enfin, ce qui va changer au lycée, monsieur Perrut, c'est que nous allons nous mobiliser, dans le cadre d'un plan sans précédent, en faveur de l'apprentissage des langues. Nous allons ouvrir le lycée sur le monde de la culture. Nous allons confier davantage de responsabilités aux lycéens.
Ce que nous voulons, au final, c'est passer d'un système qui garantit l'école pour tous à un système permettant la réussite de chaque lycéen. Tel est notre objectif. (Bravo ! et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question s'adresse au ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le ministre, vous avez, par la loi du 20 août 2008, instauré un service minimum d'accueil des élèves qui crée – rappelons-le – un droit d'accueil au profit des élèves des écoles maternelles et élémentaires en cas de grève des enseignants.
Cette loi vise à concilier le droit de grève des enseignants avec le droit pour les parents d'élèves de continuer à travailler, mais aussi de bénéficier de la continuité du service public en cas de fermeture des établissements scolaires. (Très bien ! sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
Ainsi, la loi, lors d'une grève importante des enseignants, fait obligation aux maires de mettre en place un service d'accueil pendant le temps scolaire obligatoire, les frais occasionnés étant compensés par une participation financière de l'État.
En cette journée de grève nationale où 40 % des enseignants du primaire se déclarent grévistes, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous faire part de l'application de la loi, sachant que ce service a connu une mise en place progressive ? Il répond, rappelons-le, à une attente forte des parents. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Madame la députée, vous avez rappelé la mise en oeuvre de la loi, votée à l'été 2008, qui avait été présentée par mon prédécesseur, Xavier Darcos, et qui prévoit l'instauration d'un service minimum d'accueil dans les établissements scolaires les jours de grève.
C'est effectivement, comme vous l'avez souligné, une avancée importante pour les familles. Le dispositif prévoit que, lorsque le taux prévisionnel de grève dans les écoles dépasse 25 % du nombre d'enseignants, un dispositif d'accueil pour les enfants dont les parents le souhaitent doit être mis en oeuvre par les communes.
Je m'empresse de vous dire que, aujourd'hui, le taux de grévistes dans le premier degré se situe aux alentours de 13 %. Nous sommes donc en deçà du seuil à partir duquel le service minimum d'accueil est activé.
Vous avez rappelé qu'il y a eu, depuis la mise en place du dispositif, de nombreuses concertations avec les organisations d'élus.
Nous avons d'abord, mon prédécesseur et moi-même, donné des instructions précises aux inspecteurs d'académie pour que, sur le terrain, au cas par cas, les relations se nouent pour optimiser le service minimum d'accueil.
J'ai moi-même présidé, le 31 août dernier, le comité de suivi qui réunit les associations d'élus, de manière à améliorer l'efficacité de ce dispositif.
Enfin, un bilan de la première année d'application de la loi a été rédigé. Il a été présenté au Parlement en septembre.
Je crois que nous ne pouvons que nous réjouir, madame la députée, de la mise en oeuvre de cette loi, qui concilie le droit de grève, qui reste pour les enseignants un droit constitutionnel, et l'accueil des enfants, qui constitue un vrai service pour les familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Louis Bianco, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, 76 % des Français jugent la réforme des collectivités locales « confuse et incompréhensible » ; ils ne sont que 9 % à la trouver « plutôt claire et compréhensible ». (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Ce qui est clair et compréhensible, c'est que vous vous en prenez injustement aux élus locaux. Comme l'a dit un membre éminent de votre majorité, « il n'est pas acceptable de prendre comme postulat de départ que les élus locaux font mal leur boulot. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Le matin, vous leur demandez d'accélérer leurs investissements ; à midi, vous leur enjoignez d'ouvrir des crèches, et le soir, vous dénoncez l'augmentation des dépenses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Vous avez décidé de vous en prendre à la fiscalité des régions ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il faut que les Français sachent que sur 100 euros d'impôt, 80 sont prélevés par l'État et 2 seulement par les régions. Il faut que les Français sachent que vous avez créé seize nouvelles taxes en deux ans. Il faut que les Français sachent que les dépenses de communication du service d'information du Gouvernement ont progressé de 300 % entre 2008 et 2009. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. — Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Il faut que les Français sachent que vous avez dépensé 4,33 millions d'euros pour leur dire que leur pouvoir d'achat progresse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
En réalité, monsieur le Premier ministre, vous voulez poursuivre votre politique d'étranglement des collectivités locales, avec la suppression de la taxe professionnelle, qui ne sera pas compensée – vous n'avez même pas convaincu M. Juppé –, avec la dette de l'Etat envers les départements. La dette cumulée de l'État, en raison des transferts de charges non compensées, au titre du RMI et de l'allocation personnalisée d'autonomie, s'élève à ce jour à 6,85 milliards d'euros. Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous rembourser votre dette ? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. (Huées sur les bancs du groupe SRC.)
Enquête d'opinion contre enquête d'opinion, je tiens à votre disposition une enquête qui montre que 83 % des Français considèrent que notre système est illisible et à bout de souffle ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) La réforme ne se fait pas contre les élus locaux, mais avec les élus locaux ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Votre question me permet de rétablir trois vérités. D'abord, si le déficit de l'État atteint en 2009 le montant que nous connaissons, c'est parce que – quelque chose a dû vous échapper – nous connaissons une crise économique mondiale majeure ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La conséquence de cette crise, c'est une baisse de nos ressources de près de 20 %. Ensuite, malgré un contexte évidemment très difficile et très contraint, nous avons décidé de maintenir le pouvoir d'achat des collectivités locales. Car, oui, l'enveloppe globale qui leur sera accordée atteindra 57 milliards d'euros en 2010, c'est-à-dire une progression de 1,2 % ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Mieux encore, M. le Premier ministre a annoncé lors du congrès des maires que l'effort accompli lors du remboursement anticipé du Fonds de compensation pour la TVA serait non seulement concrétisé en 2009, mais surtout renouvelé en 2010.
Et enfin, je vous dirai une troisième vérité : personne, monsieur Bianco, ne peut s'exonérer du nécessaire effort de maîtrise des déficits, de maîtrise des dépenses publiques ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Le contribuable local et le contribuable national, c'est le même contribuable : ce sont nos compatriotes ! Faut-il rappeler qu'au cours des vingt-cinq dernières années, les dépenses des collectivités locales ont augmenté deux fois plus vite que la richesse nationale ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Les transferts de compétences de l'État aux collectivités ne représentent pourtant que la moitié de cette augmentation.
M. le Président de la République a pris une initiative utile, proche et juste : il réunira une conférence nationale sur les déficits publics. Les collectivités locales y seront associées. Personne ne peut s'exempter de la réflexion, ni surtout d'un effort au service de tous les Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. — Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mes chers collègues, je suis en mesure de vous donner des nouvelles très rassurantes de notre collègue Aurélie Filipetti. (Applaudissements sur tous les bancs.)
La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, des drapeaux français arrachés d'un monument aux morts puis brûlés dans une ville du Rhône ; le drapeau français arraché du Capitole de Toulouse et remplacé par un drapeau étranger ; des policiers blessés, des véhicules incendiés, des magasins pillés, par des supporters de l'équipe nationale d'Algérie ; des violences physiques inouïes et du mobilier urbain détruit à Marseille, lors du report du match OM-PSG : assez ! C'est intolérable – et tout cela pour des matchs de foot joués, de surcroît, à l'étranger par des équipes étrangères ! Ces délinquants doivent être arrêtés et lourdement sanctionnés.
Monsieur le ministre, pouvez-vous indiquer le montant des dégâts occasionnés par ces compétitions, le nombre de policiers et de gendarmes mobilisés pour assurer la sécurité des biens et des personnes à l'occasion de ces trois matchs ?
Monsieur le ministre, les instances nationales et internationales de foot ont-elles fait part de leurs regrets et de leurs excuses officielles auprès du gouvernement de la France pour toutes ces exactions ? Sinon, il serait temps qu'elles le fassent.
Les hauts dignitaires du foot doivent comprendre qu'ils sont responsables de ces événements. Ils doivent payer les dégâts occasionnés par ces compétitions, faute de quoi elles seront rejetées par une majorité de Français déjà écoeurés par ce foot business, ce foot fric qui, hélas ! défend mal les valeurs du sport.
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur le député, vous m'interrogez sur les conséquences des violences commises à l'occasion de différentes manifestations sportives.
Il ne faut pas confondre deux types d'événements qui sont en réalité de nature très différente. Il y a, d'une part, les violences urbaines : la rencontre sportive ne constitue alors, en réalité, qu'un prétexte aux exactions.
Je pense notamment à des matchs de football entre équipes étrangères qui se sont déroulés hors du territoire national – par exemple les matchs du Caire et de Khartoum. Ils ont effectivement entraîné des violences : puisque vous m'interrogez sur les chiffres précis, je vous dirai que vingt-quatre forces mobiles ont été mobilisées lors des suites du match de Khartoum le 18 novembre, et que 217 personnes ont été interpellées, celles-ci devant naturellement être déférées devant la justice.
Il y a, d'autre part, les violences commises par les supporters des clubs de football dans et aux abords des stades. Pour mieux les combattre, j'ai bien sûr pris contact avec les clubs, les ligues de football et les acteurs de la sécurité. Nous avons créé une division nationale de lutte contre le hooliganisme, afin de mieux identifier les supporters violents et de leur interdire l'accès des stades. Aujourd'hui, 216 interdictions sont en cours d'exécution. Nous devons nous donner les moyens d'éradiquer ces actes de hooliganisme.
Vous devez savoir qu'en moyenne, 11 forces mobiles sont mobilisées pour une journée de championnat. Lorsqu'un match s'avère à haut risque, le chiffre est supérieur : pour le match OM-PSG, 17 unités ont été mobilisées. Les parlementaires marseillais savent que ce match s'est déroulé dans de bonnes conditions.
Enfin, j'estime qu'il serait légitime que les clubs supportent le coût réel des moyens publics mobilisés. Avec Roselyne Bachelot, nous saisirons très prochainement le président de la ligue de football pour mettre au point des modalités de tarification mieux adaptées à la réalité des coûts.
Vous le voyez, nous sommes totalement déterminés à faire en sorte que les rencontres sportives demeurent des moments festifs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Michel Villaumé, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Si le remplacement de la taxe professionnelle est contesté, c'est notamment à cause des incertitudes sur les compensations annoncées. Il fallait réformer la taxe professionnelle, mais pas dans n'importe quelles conditions. Nous vous avons fait des propositions, vous les avez rejetées.
Ce que vous oubliez de dire, c'est que, depuis des années, si l'État engage des politiques, il ne peut le faire sans les moyens des collectivités, qui doivent payer les routes, le TGV, le RSA, l'APA, la téléphonie, le TER, les universités, et j'en passe.
Ce que vous oubliez de dire, c'est que les collectivités ont l'obligation, à la différence de l'État, de voter leurs budgets en équilibre.
Ce que vous oubliez de dire, c'est qui paiera les milliards qui seront prélevés en moins sur les entreprises ? Est-ce un État surendetté ?
Ce que vous oubliez de dire, c'est comment seront financés réellement les 12 milliards de dotations prévues en 2010. Est-ce un État surendetté ?
Comment pouvez-vous prétendre qu'il faut alléger la fiscalité sur les entreprises et que les 36 000 communes de France ne perdront pas d'argent alors que vous êtes à la tête d'un État – c'est vous qui l'avez dit, monsieur le Premier ministre – en faillite ?
Dans tous les départements, les élus sont inquiets, et les chefs d'entreprise également, qui craignent la baisse des investissements des collectivités, moteurs de l'économie.
Pour satisfaire à la demande du MEDEF, vous êtes en train de mettre en péril les moyens financiers des collectivités. Des dotations budgétaires, c'est la fin de l'autonomie fiscale. Des dotations budgétaires en diminution, c'est faire porter aux ménages le fardeau de cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Monsieur le député, je n'arrive pas à comprendre que vous expliquiez aux Françaises et aux Français que l'impôt qui porte sur les entreprises qui créent des emplois et qui engagent des investissements productifs est un impôt juste.
C'est un impôt injuste et je vous confirme, après toutes les explications données par le Président de la République et le Premier ministre, qu'il n'y aura plus de taxe professionnelle sur les investissements productifs à partir du 1er janvier prochain.
Vous savez parfaitement, après toutes les explications données, notamment à l'occasion du congrès des maires de France, par le Premier ministre, que cet impôt sera totalement compensé.
Vous savez qu'il n'aura aucune conséquence et que, au contraire, une fiscalité plus dynamique pour les collectivités que ne l'était la taxe professionnelle sera mise en place.
Oui, nous aimons nos usines. Oui, nous aimons nos ouvriers. Oui, nous aimons nos industries et nous disons à tous les investisseurs, venez chez nous, vous ne serez pas sanctionnés, mais vous serez soutenus.
Nous voulons trouver des marges de manoeuvre qui permettent à nos entreprises de se tourner plus vers l'innovation, vers les grands enjeux stratégiques, et au lien entre territoire et entreprises d'être préservé.
Les compensations intégrales permettront de ne pas peser sur les ménages.
Voilà trente ans que tous les gouvernements de gauche et de droite disent que cet impôt est injuste, qu'ils dénoncent un impôt antiéconomique, qui favorise les délocalisations, qui freine les investissements, qui pèse sur la croissance et l'emploi. Alors, oui, j'ai vraiment beaucoup de mal à comprendre qu'autant de gens intelligents défendent un impôt aussi imbécile. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Damien Meslot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
Monsieur le ministre, dans notre pays, le travail illégal augmente. Il représenterait actuellement 4 % du PIB national.
L'an passé, les services de votre ministère ont effectué 28 000 contrôles, et sur les 9 000 procès-verbaux dressés en 2008, près de 13 % concernaient l'emploi d'étrangers sans titre de travail.
De nombreuses entreprises ont recours à des sociétés utilisant des travailleurs sans titre de séjour.
Ces entreprises, qui ont recours au travail clandestin, sont trop peu sanctionnées. Le dispositif actuel n'est pas dissuasif. Il faut mettre fin à cet odieux trafic.
Notre pays traverse une crise économique sans précédent. Chaque jour, des salariés se retrouvent au chômage. Il est inacceptable que, dans le même temps, des entreprises qui embauchent préfèrent recruter des clandestins à bas coût plutôt que nos concitoyens, qui bénéficient de salaires plus élevés et d'une protection sociale.
Depuis six semaines, une campagne d'occupation de chantiers et de sociétés d'intérim est menée par près de 6 000 sans-papiers qui exigent leur régularisation. Cela ne peut plus durer.
Il existe deux solutions à ce problème : la solution démagogique et irresponsable proposée par Mme Aubry, à savoir la régularisation massive de tous les sans-papiers (Huées sur quelques bancs du groupe UMP), ce dont nous ne voulons pas, ou alors la mise en place d'un système beaucoup plus répressif à l'encontre des entreprises qui ont recours au travail clandestin.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous informiez la représentation nationale des mesures concrètes que vous comptez mettre en oeuvre pour lutter contre le travail clandestin. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
Monsieur le député, vous avez raison, le parti socialiste veut nous faire croire que la solution pour lutter contre le travail illégal, ce serait de régulariser tous les sans-papiers (Huées sur plusieurs bancs du groupe UMP), ce qui porterait en fait atteinte aux droits des travailleurs. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
En effet, qui se soucie du droit de ces mêmes travailleurs à bénéficier des droits sociaux qui leur reviennent ? Qui se soucie du droit des entreprises à être dans une situation de concurrence équitable ?
Qui se soucie de notre société qui a le droit de ne pas voir bafouées les règles, notamment les règles du travail, qu'elle se fixe ?
Lutter contre le travail illégal, ce n'est pas porter atteinte aux travailleurs, c'est faire respecter leurs droits. C'est la raison pour laquelle je réunirai après-demain, jeudi, la commission nationale de lutte contre le travail illégal, à laquelle je ferai trois propositions.
D'abord, je souhaite que les services en charge du contrôle puissent utiliser pleinement les outils dont ils disposent - reversement des aides, fin des exonérations - notamment lorsqu'il est clair que les entreprises ont utilisé sciemment des travailleurs de façon illégale.
Je fixerai des objectifs quantitatifs aux préfets de région pour 2010.
Ensuite, je donnerai un nouveau droit aux préfets pour qu'ils puissent procéder à la fermeture administrative d'établissements qui, sciemment et systématiquement, ont recours à des fraudes pour pouvoir utiliser des travailleurs sans titre de travail et lorsque l'activité de l'entreprise repose sur cette fraude.
Enfin, je souhaite que les droits des travailleurs soient respectés, même lorsqu'ils ont été en situation irrégulière. Les sommes dues au titre du travail que les travailleurs ont accompli doivent être versées, elles doivent être considérées par les entreprises comme des créances à remplir.
La solution, mesdames et messieurs, ce n'est pas d'empêcher les entreprises qui les emploient de commettre un délit, c'est plutôt d'aller dans le sens de ce que je viens d'indiquer et non pas de chercher à régulariser. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Annick Le Loch, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre de la défense, il y a près de six ans, cinq hommes disparaissaient en mer dans le naufrage, au large des côtes anglaises, de leur chalutier, le Bugaled Breizh. Depuis janvier 2004, les familles et l'armateur du navire cherchent simplement à connaître les causes de ce naufrage.
Le 27 novembre, c'est-à-dire dans trois jours, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes va décider d'autoriser ou non la poursuite de l'enquête : soit on donne à la vérité une chance d'éclore, soit on accepte de ne pas savoir ce qui a causé la mort des cinq marins.
Le jour du naufrage, vous le savez, plusieurs pays de l'OTAN participaient à un exercice dans la zone où naviguait le Bugaled Breizh. Depuis 2004, deux expertises ont abouti à la conclusion qu'il était « hautement probable » que la responsabilité d'un sous-marin soit engagée. Or, à ce jour, le secret défense n'a été que partiellement levé et les parties civiles n'ont toujours pas droit à la vérité. (« C'est scandaleux ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Se pose notamment la question de la position des sous-marins d'attaque français.
Six ans ont passé. Si le refus de déclassifier certains documents se justifiait peut-être en novembre 2005, lorsque la commission consultative du secret de la défense nationale a émis un avis défavorable, est-ce encore le cas aujourd'hui ?
Les familles attendent la vérité et la justice. Je vous ai écrit début octobre. Quarante élus l'ont également fait il y a quelques jours. Nous n'avons pas eu de réponse. Pourtant, le 11 novembre, vous avez déclaré à la télévision être prêt dans cette affaire à « tout mettre sur la table » et à recevoir les élus.
Ma question est double : quand et comment comptez-vous tenir votre promesse ? Quand comptez-vous enfin recevoir les familles qui attendent depuis six ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Madame la députée, en tant qu'élue d'une ville portuaire, je connais les risques des métiers de la pêche et la solidarité des gens de mer. À ce titre, je comprends peut-être mieux que d'autres et je fais mien le besoin des familles de savoir ce qui s'est passé le 14 janvier 2004. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
C'est la raison pour laquelle en 2005, alors que j'étais ministre de la défense, j'ai fait déclassifier la totalité des documents classés « secret défense » que demandaient les juges d'instruction.
C'est la raison pour laquelle j'ai obtenu de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne, des Pays-Bas et de l'Espagne que soient déclassifiés des documents de l'OTAN. C'est la raison pour laquelle j'ai fait transmettre les cartes indiquant la position des sous-marins dans la zone à cette époque. Depuis, d'ailleurs, de nombreux autres documents relatifs à la marine française et à celles des différents pays participant à l'exercice ont été transmis à la justice.
Aujourd'hui, une information est en cours. Les deux juges d'instruction qui la dirigent ont refusé les actes supplémentaires demandés par les parties civiles. Celles-ci ont fait appel devant la chambre d'accusation, laquelle rendra bientôt ses conclusions. Soyez assurée que, comme les familles, le Gouvernement souhaite que toute la vérité soit faite, et que le ministre de la défense recevra les familles dans quelques jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question, qui s'adresse à Mme la ministre de la santé, porte sur la campagne de vaccination qui a commencé, le 20 novembre, au bénéfice des femmes enceintes et des nourrissons de six à vingt-quatre mois.
Selon les premières constatations qui m'ont été rapportées, le temps d'attente a été impressionnant, malgré la bonne volonté et le dévouement du personnel des centres de vaccination. La saturation de certains centres a été manifeste et quelques médecins réquisitionnés se sont vus dans l'obligation de refuser des patients.
Cela montre évidemment le succès de cette mesure de prévention hors du commun que le Gouvernement a eu le courage de mettre en place, ce dont je le félicite. Malgré les quolibets de ceux qui le critiquent systématiquement, alors qu'ils avaient sans cesse à la bouche, il n'y a pas si longtemps, le « principe de précaution », la campagne de vaccination a du succès, parce que nos concitoyens ont conscience de l'importance de cette mesure de prophylaxie. Je crois savoir que 70 000 personnes ont été vaccinées samedi dernier, ce qui est un chiffre impressionnant. Pour autant et malgré cet engorgement, les autorités préfectorales du Doubs ont annoncé qu'il était possible de se rendre dans l'un des neuf centres de vaccination sans disposer préalablement d'un bon de vaccination. Un nouvel engorgement est donc à craindre.
Je sais que, à ce stade de la mesure, vous aviez exclu les médecins généralistes du dispositif. Vous l'avez notamment expliqué par le conditionnement du vaccin en flacons multidoses et par le souci de préserver le système de soins libéral et hospitalier, qui pourrait en même temps être fortement sollicité.
Dans ces conditions, quelles mesures envisagez-vous de mettre en oeuvre pour éviter que ce type de difficulté ponctuelle ne se renouvelle ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Monsieur le député, nous avons effectivement noté une forte augmentation de l'affluence dans les centres de vaccination, ce dont il convient de se féliciter. Nos compatriotes ont compris l'intérêt de la prévention par le vaccin, de sorte que la fréquentation des centres a été multipliée par sept en quelques jours. Après un début timide bien qu'honorable de 10 000 vaccinations par jour, on a procédé samedi à 70 000 vaccinations en une demi-journée.
Vous avez raison de rappeler les quolibets que nous avons entendus : après deux jours de vaccination, certains députés, à gauche de l'hémicycle, avaient même parlé d'un « bide gigantesque ». Mais, s'il faut se réjouir de ce que les sceptiques soient devenus impatients, il convient de remédier au phénomène de fil d'attente, pour ne pas décourager nos compatriotes de se faire vacciner. Avec M. Hortefeux, je vais donc faire monter en charge le dispositif.
Nous allons d'abord étendre les plages horaires d'ouverture des centres de vaccination, lesquelles peuvent être connues dans les pharmacies, les mairies et sur le site internet des préfectures. Pour y accéder, il suffit de taper le nom du département suivi de .pref.gouv.fr, soit, dans le cas du Doubs : Doubs.pref.gouv.fr.
Ensuite, nous allons armer en professionnels de santé les centres de vaccination.
Mais je rappelle de façon ferme qu'on ne doit s'y présenter que muni d'un bon. Jusqu'en février, en effet, nous recevrons les vaccins de façon progressive, ce qui impose de respecter l'ordre de priorité établi. À cette condition, la campagne de vaccination sera efficace, et nous pourrons mener une véritable politique de prévention. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Ménard, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, Yves Durand vient d'interpeller le Gouvernement sur votre réforme de la formation des enseignants, qui constitue un grand pas en arrière. En réponse, par la voix de Mme Pécresse, vous clamez votre ambition pour l'école.
Permettez-moi de vous dire combien ce discours sonne creux à l'oreille des enseignants et de toute la communauté éducative, qui souffrent de conditions d'enseignement extrêmement dégradées sous l'effet de vos réformes.
Les suppressions de postes massives – 13 500 à la dernière rentrée et 16 000 annoncées pour 2010 – ont de multiples conséquences : des remplacements non assurés ; le manque d'infirmiers et de médecins scolaires ; la disparition progressive des réseaux d'aide aux enfants en difficulté ;…
…le recul de la scolarisation des enfants de moins de trois ans ; les difficultés de scolarisation des élèves handicapés, faute d'accompagnants.
En Loire-Atlantique, un tiers des élèves handicapés, soit 340 enfants, pour lesquels la maison des personnes handicapées a prescrit et notifié un accompagnement, sont en attente du soutien d'un auxiliaire de vie scolaire. D'autres collègues pourraient vous apporter des chiffres tout aussi révélateurs de la situation sur le terrain, en totale contradiction avec les objectifs affichés et avec votre discours rassurant.
Les enseignants ne sont pas dupes, les parents de ces élèves handicapés non plus, qui se réunissent en collectifs un peu partout pour dénoncer cette situation.
Il vous faut regarder la réalité en face : il manque des milliers d'adultes pour aider les enfants handicapés à suivre leur scolarité. Nous alertons le Gouvernement depuis de nombreux mois. Sans succès.
Monsieur le ministre, quand allez-vous écouter les appels pour que l'école redevienne une priorité nationale ? Quand renoncerez-vous à brader l'éducation nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur député, le Gouvernement attache une importance toute particulière à la scolarisation des enfants handicapés (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) au sein de l'éducation nationale.
Dois-je vous rappeler que, depuis 2005, nous avons augmenté de plus de 40 % le nombre d'enfants handicapés scolarisés dans les écoles ? Ils sont 185 000, pour cette année scolaire, à être accueillis au sein du système éducatif. À la rentrée dernière, nous avons créé 200 unités pédagogiques d'intégration supplémentaires. Il y en a désormais 1 800 et il y en aura 2 000 à la rentrée prochaine.
Le Premier ministre a garanti les postes d'auxiliaires de vie scolaire individuels puisqu'il a autorisé le recrutement de 5 000 AVSI supplémentaires. Ils sont aujourd'hui 22 000 en France. Il n'y en a jamais eu autant pour accueillir les élèves handicapés. Enfin, les députés de la majorité ont décidé de permettre aux auxiliaires de vie scolaire en fin de contrat d'être recrutés par des associations et, pour que celles-ci puissent le faire, j'ai signé, avant la rentrée, une convention avec les trois principales associations.
Monsieur le député, vous parlez de moyens. Le budget que j'ai présenté il y a quelques semaines est, je vous le rappelle, le plus important qui ait jamais été adopté, à 59 milliards d'euros, soit une augmentation de 1,6 %. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Une fois n'est pas coutume, je vous encourage à écouter davantage Mme Aubry, qui disait récemment qu'il ne suffira pas d'injecter des moyens pour que l'école se porte mieux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Henriette Martinez, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État à la famille.
Nous fêtons cette année le cinquantième anniversaire de la déclaration des droits de l'enfant, adoptée par l'assemblée générale des Nations Unies en 1959, ainsi que le vingtième anniversaire de la convention internationale des droits de l'enfant, signée le 20 novembre 1989.
Garantir les droits des enfants afin qu'ils puissent grandir dans les meilleures conditions possible est une ambition essentielle à laquelle nous avons répondu en 2007 en votant, à l'unanimité, la loi relative à la protection de l'enfance.
Depuis votre prise de fonctions, madame la secrétaire d'État, vous avez signé les décrets d'application de cette loi, vous vous êtes personnellement engagée auprès des associations et vous avez porté au niveau européen des combats essentiels tels que la protection des enfants sur internet.
Vendredi dernier, vous étiez aux côtés du Président de la République Nicolas Sarkozy et des principales associations de protection de l'enfance. À cette occasion, des annonces fortes ont été faites afin de promouvoir les droits des enfants.
En ce moment symbolique que constitue ce double anniversaire, pouvez-vous nous présenter les actions concrètes du Gouvernement en faveur des enfants, qui sont les plus fragiles d'entre nous et qui feront la force de la France de demain ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.
Madame Martinez, je connais votre engagement au service des enfants.
Comme vous l'avez rappelé, à l'occasion de ce double anniversaire, le Président de la République a souhaité recevoir personnellement, en présence de Michèle Alliot-Marie et de moi-même, l'ensemble des associations représentatives qui s'occupent de la protection des enfants. Il leur a rendu hommage pour le travail essentiel qu'elles mènent activement, et qui repose pour beaucoup sur le bénévolat, partout dans notre pays. Vous avez eu raison également de rappeler la grande loi du 5 mars 2007, votée ici-même à l'unanimité. Pratiquement l'ensemble des décrets ont été pris et soixante-neuf départements ont déjà mis en place des cellules d'information sur l'enfance en danger et en particulier son signalement. Mais, nous ne pouvons accepter que près de 2 % des moins de dix-huit ans fassent l'objet de mesures de protection de l'enfance et nous devons donc aller plus loin. Nous le devons en particulier pour les enfants les plus fragiles, comme ceux qui ont fait l'objet d'un signalement dans un département et dont on perd ensuite la trace – ce fut le cas récemment de la petite Marina. Il y a bien un problème de transmission de l'information.
Pour remédier à ces difficultés, le Président de la République a tenu à ce que soient organisés les états généraux de l'enfance, au cours desquels nous définirons des politiques précises au service de l'enfance la plus fragile et la plus pauvre. La situation des enfants nous touche tous : ils sont notre avenir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Droits des enfants
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues, relative au droit de finir sa vie dans la dignité (nos 1960 rectifié, 2065).
Dans les explications de vote, la parole est à M. Laurent Fabius, pour le groupe SRC.
Monsieur le président, madame la ministre de la santé, mes chers collègues, l'article 1er de la proposition de loi que nous vous soumettons dispose : « Toute personne majeure, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée et qu'elle juge insupportable, peut demander à bénéficier, dans les conditions strictes prévues au présent titre, d'une assistance médicalisée pour mourir dans la dignité ». Les huit autres articles de ce texte précisent les conditions et les contrôles juridiques et médicaux rigoureux prévus pour l'exercice de ce droit.
Jeudi dernier, nos échanges, en général de haute tenue, ont montré qu'il n'existe pas de contradiction entre ce nouveau droit et le développement des soins palliatifs. Ceux-ci jouent un rôle essentiel : ils sont pratiqués par des soignants au dévouement admirable, et ils doivent être encouragés. Cet aspect est expressément précisé dans la proposition de loi ; il s'applique dans les pays voisins où le nouveau droit s'exerce.
Un débat s'est engagé sur la notion de dignité. Certains redoutent qu'ouvrir le choix de « mourir dans la dignité » aux malades atteints d'affections graves et incurables n'implique qu'on juge contraire à cette dignité la vie elle-même, ou la fin de vie des malades qui n'ont pas recours à ce choix. Tel n'est ni l'objet de ce texte ni son effet, car il place la personne humaine au centre de toute décision, ce qui constitue un puissant élément de dignité. Il la rend juge de décider si ses souffrances sont telles qu'elle puisse demander, dans des conditions très strictes, une aide médicale active à finir sa vie. Cette liberté ne porte atteinte à aucune autre, et le choix proposé pour soi-même ne constitue en rien un jugement de valeur sur la vie d'autrui.
C'est pourquoi l'ouverture de ce droit a reçu et reçoit le soutien de millions de femmes et d'hommes, quelles que soient leurs convictions philosophiques, religieuses ou politiques. C'est aussi la raison pour laquelle des femmes et des hommes, anonymes ou connus, ont affronté courageusement, avec leurs familles et leurs soignants, des souffrances déchirantes et des interdits, avec l'espoir qu'ils ne seraient pas « morts pour rien ». Aujourd'hui, parmi nous, beaucoup pensent à eux.
L'essentiel du débat est bien là. Chaque année en France, plus d'un millier de malades se retrouvent dans la situation extrême qu'envisage notre proposition de loi. Certes, d'importants progrès ont été réalisés : les traitements anti-douleurs, les soins palliatifs et l'arrêt de l'acharnement thérapeutique, autorisé par la loi de 2005, apportent des solutions dans de nombreux cas. Néanmoins il demeure, je le répète, plus d'un millier de personnes sans solution de cette nature, soit parce que leurs douleurs physiques ne peuvent pas être atténuées, soit parce que leur souffrance psychique ne peut pas être levée, sauf à les plonger dans un coma irrémédiable.
Que se passe-t-il alors ? Une petite partie de ces malades, ceux qui en ont les moyens financiers, trouve à l'étranger une solution qui est alors légale. Les autres dépendent de la décision prise par les soignants de tel ou tel établissement, décision qui intervient souvent en dehors de tout cadre légal. Dans ce cas, les souffrances sont abrégées sans que le malade lui-même, sa famille ni, a fortiori, un collège de médecins ne se soit prononcé. On prétend calmer la douleur, mais, en fait, on administre des doses de sédatif que l'on sait mortelles.
Le débat réel réside donc exactement dans cette alternative : ou bien, nous continuons, comme aujourd'hui, d'accepter hypocritement que de nombreuses euthanasies soient pratiquées sans règles ni contrôle, ou bien nous décidons d'ouvrir le choix d'une fin de vie encadrée par des règles précises constituant une protection tant pour le malade que pour le médecin qui agira désormais, ou qui refusera d'agir – car ce sera son droit –, dans un cadre strict.
Il ne s'agit donc pas de choisir entre une situation aujourd'hui satisfaisante et une législation dangereuse pour demain, mais entre une situation confuse et dangereuse aujourd'hui et l'adoption, pour l'avenir, de règles protectrices de la liberté et de la dignité.
Mes chers collègues, un jour viendra, j'en suis certain, où, dans notre société laïque qui conforte ses principes à travers la loi, les trois piliers de la devise républicaine seront mieux respectés, du début de la vie jusqu'à son terme.
Avec cette proposition de loi, nous proposons davantage de fraternité face à la fin de vie, en permettant à ceux qui souffrent « mille morts » – et les mots ont un sens – d'obtenir qu'il y soit mis fin. Nous proposons davantage d'égalité, car nous pensons qu'il est choquant et injuste que la fin de vie dépende du degré de fortune et de relations de chacun, voire du hasard des pratiques hospitalières. Enfin, nous proposons davantage de liberté grâce à une nouvelle avancée du droit. Nous vous proposons, par votre vote, de traduire ce droit dans la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs du groupe GDR.)
Au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je veux saluer l'initiative de nos collègues du groupe socialiste, et notamment le très fort engagement personnel de Manuel Valls et de Laurent Fabius sur le sujet difficile de la fin de vie.
Les députés Verts, Noël Mamère, Yves Cochet, Martine Billard et moi-même, ont d'ailleurs déposé une proposition de loi allant, à peu de choses près, dans le même sens que le texte défendu par le groupe SRC. Nos chemins se sont de même croisés à plusieurs reprises lors de travaux communs avec les associations, les intellectuels ou les médecins.
Sur la forme, nous regrettons que la majorité et le Gouvernement – représenté par Mme Bachelot –, aient choisi de fuir ce débat, voire aient tenté de l'escamoter par une manoeuvre de procédure en reportant le vote sur les articles et les amendements, ce qui revient, pour nous, à vider de tout contenu le droit de l'opposition et, plus largement, celui du Parlement, en matière d'initiative législative.
Si nous croyons tous au rôle législatif du Parlement – tout de même l'une des missions centrales de l'Assemblée nationale ! –, voilà bien un sujet sur lequel cette dernière s'honorerait de légiférer ; telle est en tout cas notre conviction.
Sur le fond, même si c'est difficile, je souhaite expliquer en quelques mots pourquoi les députés Verts apportent leur soutien à ce texte et pourquoi ils souhaitent le voir adopter par l'Assemblée. En effet, ce n'est pas l'affaire de la majorité ou de l'opposition ; ce n'est pas l'affaire d'un camp politique ou d'un autre, mais il est tout à fait légitime que des opinions différentes s'expriment au sein de chaque groupe. Le nôtre n'échappe d'ailleurs pas à la règle, certains pouvant se montrer partagés sur le sujet qui nous occupe, à l'image des opinions en France.
Toutefois n'est-ce pas une bonne chose que de réussir à dégager une majorité d'idées sur un tel sujet ? La fin de vie ne relève-t-elle pas de la liberté individuelle ? Il ne s'agit pas, comme sur d'autres sujets, d'imposer un modèle contre un autre, mais de prévoir une liberté de choix individuelle. Il ne saurait être question d'opposer cette procédure aux soins palliatifs, comme certains l'ont malheureusement fait parfois au cours du débat.
La loi Leonetti n'a été qu'un tout petit pas en avant ; en l'état, elle ne règle rien et il ne suffira pas de la faire mieux connaître pour que les problèmes soulevés soient réglés. Elle peut même conduire, reconnaissons-le, à des situations dramatiques – je le tiens de discussions avec des médecins – où l'on fait mourir de faim et de soif des personnes auxquelles on aurait décidé de ne plus administrer de traitement médical.
Pour éviter les dérives, il faut évidemment s'entourer de toutes les précautions, comme à chaque fois que l'on veut rendre total l'exercice d'une liberté. La proposition de nos collègues socialistes prévoit à cet égard le maximum de garanties en instaurant un avis médical collégial. Lorsqu'il s'agit de la fin de vie, les décisions ne peuvent être prises dans un face à face entre un médecin et un malade ni même seulement avec ses proches qui n'ont pas de droit particulier sur la vie de l'un des leurs. Cela ne relève pas de la conscience du seul médecin.
En la matière aussi, pour en avoir discuté avec de nombreux professionnels médicaux, j'irai plus loin : je crois qu'il faut libérer les médecins du trop lourd fardeau de cette responsabilité. Contrairement à ce qu'un de nos collègues a soutenu, ce n'est pas se positionner contre le progrès médical mais, au contraire, aller dans le sens des progrès de la médecine, progrès constants qui nous conduisent à nous poser la question de la fin de vie, qui nous invitent à faire évoluer la législation. C'est le rôle du Parlement de modifier la législation en fonction de ce qui se passe dans la société.
C'est pourquoi les députés Verts voteront en faveur de cette proposition, tout comme une grande partie des députés communistes et républicains et du parti de gauche, alors que d'autres voteront contre. (Applaudissements sur divers bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Sur le vote de l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Colette Le Moal, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avons eu un riche débat, bien qu'écourté, lors de l'examen, jeudi dernier, du texte relatif au droit de finir sa vie dans la dignité, proposé par nos collègues socialistes et aujourd'hui soumis à notre vote.
Il est certain que, de nos jours, la peur de la dépendance et de la déchéance, corollaire de l'allongement de la durée de la vie, s'ajoute à la peur ancestrale de la mort et de la souffrance qui souvent l'accompagne. C'est à partir de cette constatation que le texte qui nous est soumis autoriserait toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, à demander une aide active pour mourir afin d'éviter de subir une souffrance physique ou psychique jugée insupportable et afin de pouvoir mourir dans la dignité.
Il s'agit de légaliser l'euthanasie, transformant ainsi le droit de mourir qui relève de la liberté individuelle en droit à mourir satisfait par un tiers – qu'il s'agisse d'un médecin ou d'une commission ad hoc – qui engage sa responsabilité propre. C'est un tout autre droit. Cette proposition rompt par conséquent avec la loi en vigueur votée en 2005 à l'unanimité, il faut le rappeler, après un long travail de concertation et d'échanges.
La loi Leonetti a mis un terme à l'acharnement thérapeutique, aux traitements poursuivis par une « obstination déraisonnable ». En instaurant un droit au laisser mourir, elle a permis de mettre un terme au maintien artificiel de la vie.
Nous considérons que l'intention de traiter la souffrance ne peut pas se confondre avec celle de faire mourir ou d'aider à mourir. En effet, il existe ce qu'on appelle la théorie du double effet, qu'il convient de valoriser davantage : un acte bon – le soulagement du patient lorsqu'il est informé de la démarche – peut entraîner un effet mauvais non voulu : la mort.
Dans la seconde partie de la loi Leonetti, la souffrance du mourant est prise en compte par l'organisation des soins palliatifs, poursuivis jusqu'au terme de la vie, au-delà de l'interruption du traitement lorsqu'elle a été demandée par la personne concernée. Il s'agit d'un accompagnement humain du patient et de sa famille.
Cette loi représente une avancée considérable mais, cinq ans après son adoption, il est très regrettable qu'elle soit encore si mal connue non seulement des patients et de leurs familles, mais également du monde soignant.
De plus, cette loi est mal appliquée, sûrement parce que mal connue, mais plus encore par manque de moyens financiers. Pour combler le déficit criant d'unités de soins palliatifs, la mise en oeuvre du plan de développement des soins palliatifs 2008-2012 devra être très volontariste. Que dire également de l'insuffisance de la formation des personnels en soins palliatifs – ce qui ne remet pas en cause leur dévouement ? Leur formation doit impérativement être améliorée et valorisée.
Aussi, avant de débattre de la légalisation de l'euthanasie, comme le propose le présent texte, la loi en vigueur doit-elle être appliquée pour donner toute sa mesure.
Les sondages d'opinion démontreraient l'urgence du texte soumis à notre examen. Ses auteurs parlent d'une majorité de Français favorables à l'aide active à mourir. Cependant comment est évaluée cette demande ? Qui l'exprime : les mourants ou leurs familles et amis épuisés par leur accompagnement ? Quelle étude fiable permet de juger la situation ? Peut-on se contenter de sondages pour appuyer une réflexion sur un sujet aussi sensible ?
D'autres imprécisions entourent l'expression même de « droit de finir sa vie dans la dignité » qu'on peut entendre ainsi : « l'euthanasie pour rester digne ». Cela semble présupposer que l'homme qui souffre est devenu indigne ! D'où la nécessité de mener un débat sur la dignité humaine avant de lier ces deux mots : euthanasie et dignité.
De plus, on introduit la souffrance psychique dans le dispositif, laquelle ne peut être apaisée. On aborde là, en effet, un domaine bien mal connu du législateur et de l'opinion publique.
Pour toutes ces raisons, il y a matière à poursuivre la réflexion sur la fin de vie en prenant en compte l'évolution de la société et celle de la recherche médicale, et même en élargissant la question : qu'est-ce que l'acharnement thérapeutique au moment de la naissance ou avant dix-huit ans ?
Vous aurez compris, mes chers collègues, que le groupe Nouveau Centre privilégie l'application optimale de la loi en vigueur, son approfondissement, son éventuelle évolution et, par conséquent, ne votera pas le texte. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe NC et sur divers bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une partie du groupe socialiste a déposé une proposition de loi sur laquelle nous devons nous déterminer. Le débat a eu lieu ; il a été riche et a montré la diversité des opinions des membres de cette assemblée, opinions qui ne recouvraient pas les clivages partisans ou l'opposition entre croyants et non-croyants.
Nous nous sommes plutôt déterminés en fonction de l'expérience que nous avons tous d'une agonie que nous ne voudrions pas vivre nous-mêmes.
Nous respecterons, bien entendu, la liberté, la détermination, les convictions de chacun, mais je conteste une grande partie de l'argumentaire du rapporteur.
Il a d'abord soutenu que le présent texte constituait une étape législative supplémentaire qui viendrait compléter les lois de 2002 et de 2005. Ce n'est pas le cas. Le présent texte représente en fait une rupture avec le droit existant, rupture qui relève du code pénal et non pas du code de la santé publique. En effet, le texte crée un droit à mourir dans des conditions particulières et, partant, ne complète pas les lois en vigueur mais les annule.
D'après le rapporteur, il s'agirait de clarifier le droit pour ne pas laisser le juge décider à la place du législateur. Mon argument est simple ; c'est le même que celui de Robert Badinter selon qui « une loi de ce type serait plus source de contentieux et de difficultés que d'apaisement ».
Ensuite, l'euthanasie serait compatible avec les soins palliatifs et la démarche, la philosophie qu'ils impliquent. Or l'euthanasie n'est pas un acte médical. Le droit à la mort n'est pas un acte médical.
Vous proposez, assez maladroitement d'ailleurs, de former les médecins à l'acte euthanasique, ce qui prouve bien qu'on se situe en dehors du champ couvert par la prise de soin.
Puisque vous posez le problème des soins palliatifs, interrogeons la société française de soins palliatifs. Elle est unanime pour considérer que ceux qui pratiquent les soins palliatifs ne peuvent pas pratiquer l'euthanasie puisqu'il s'agit de pratiques complètement contradictoires. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
Enfin, monsieur le rapporteur, vous avez développé l'idée qu'il s'agissait d'un droit nouveau, alors que cette démarche, si vous réfléchissez bien, est contraire à nos droits fondamentaux.
Emmanuel Hirsch, directeur de l'espace éthique de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, rappelait que « la fonction régalienne de l'État consiste à protéger les plus vulnérables ».
Or ce texte induit un changement de repère de la société. La dignité est définie par la Déclaration universelle des droits de l'homme comme un droit universel.
Vous en donnez pour votre part une définition individuelle, mais la dignité, monsieur Valls, se lit dans le regard des autres. La dignité, ainsi que Mme Bachelot l'a dit, ne décline pas avec nos forces.
On soutient que la France accuserait un retard par rapport aux pays étrangers. Permettez-moi de vous rappeler que le comité des droits de l'homme de l'Organisation des nations unies vient de condamner les Pays-Bas, faisant part de sa préoccupation vis-à-vis de l'étendue de l'euthanasie, de l'aide au suicide au sein du royaume, pratiques que vous érigiez en modèle pour notre système républicain.
Le comité réitère ses recommandations antérieures et demande le réexamen de la législation hollandaise à la lumière de la reconnaissance du droit à la vie consacré dans tous les pactes des droits de l'homme.
Bien que cette loi de 2005 ait été votée à l'unanimité – si ce n'est pas une qualité exceptionnelle, ce n'est pas non plus un défaut irrémédiable – peut-être pouvons-nous continuer, comme nous l'avons fait avec MM. Michel Vaxès, Gaëtan Gorce et Olivier Jardé, à l'évaluer, éventuellement à la faire évoluer, comme nous l'avons proposé et comme le Conseil d'État le fait actuellement.
Le comité consultatif national d'éthique, par la voix d'Alain Grimfeld, a affirmé qu' « il serait déraisonnable de voter une autre loi » que celle de 2005.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous demande de repousser la proposition de loi de M. Valls et de ses collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe NC.)
Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement et en application de l'article 44 alinéa 3 de la Constitution, je mets aux voix par un seul vote les articles 1er à 9, ainsi que l'ensemble de la proposition de loi, à l'exclusion de tout amendement.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 545
Nombre de suffrages exprimés 528
Majorité absolue 265
Pour l'adoption 202
Contre 326
L'Assemblée n'a pas adopté. (Applaudissements sur divers bancs des groupes UMP et NC.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le groupe SRC.
Monsieur le président, madame la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, mes chers collègues, le groupe SRC ne votera pas le projet de loi qui nous a été soumis.
Il ne le votera pas parce que ce texte fait suite au projet sur la rétention de sûreté et vise à mettre en place une surveillance de sûreté, en violation de laquelle pourrait alors être immédiatement mise en oeuvre une mesure rétention de sûreté.
Ce texte fait suite à l'avis du Conseil constitutionnel qui a refusé la mise en oeuvre immédiate de la rétention de sûreté, laquelle consiste en un enfermement après la peine prononcée à l'encontre de criminels jugés dangereux lorsqu'ils ont été condamnés à plus de quinze années de réclusion soit pour des crimes sur mineurs, soit pour des crimes aggravés sur majeurs.
Nous nous opposons au texte pour cinq raisons.
Première raison : il vise à contourner l'avis du Conseil constitutionnel et à rendre possible immédiatement la rétention de sûreté, alors que ce dernier avait indiqué que, bien que s'agissant d'une mesure de sûreté, celle-ci ne serait applicable qu'au bout de la peine, c'est-à-dire au terme de quinze années à compter du jour du vote.
Deuxième raison : il ne prend pas véritablement en compte le réel. Nous ne savons pas quel est le groupe de personnes visé. Nous ne connaissons pas exactement le nombre de condamnés à plus de quinze années de réclusion pour les crimes visés par la loi. Il n'y a pas d'études précises. On parle d'une centaine, de deux cents personnes. Petit à petit, le texte s'est étendu bien au-delà des objectifs initiaux.
Troisième raison : il est bâti autour de la notion de dangerosité. Celle-ci devrait être diagnostiquée par un ensemble d'experts. Malheureusement, nous ne disposons pas d'experts capables de diagnostiquer, scientifiquement, une dangerosité. Si, aujourd'hui, la dangerosité est appréciable de façon empirique, il est impossible de l'apprécier de manière scientifique. Les méthodes visant à l'appréciation de cette dangerosité en faisant des projections à partir de résultats scientifiques ne permettent pas de l'apprécier réellement.
La quatrième raison pour laquelle nous nous opposons à ce texte est moins importante, mais elle mérite néanmoins d'être soulignée.
Ce texte réactive le fantasme selon lequel une mutilation physique ou chimique serait à même de résoudre la question des agresseurs sexuels. Il faut noter, au passage, que la catégorie des criminels dangereux s'est progressivement réduite, au cours des explications, à celle des agresseurs sexuels. Les auteurs de meurtres semblent être oubliés dans cette énumération.
Le texte n'a pas dérapé, mais il a visiblement permis la réactivation de cette idée, alors que la limitation des pulsions par des médicaments est déjà mise en oeuvre et nécessiterait une évaluation et, sans doute, des recherches. Or rien n'est proposé, sauf la mise en place d'un renforcement de l'injonction de se soumettre à des soins.
Cinquième raison pour laquelle nous nous opposons à ce texte : l'application du texte de 1978 sur le suivi judiciaire n'a pas été poussée à son terme. En 1978, avec une relative unanimité, l'Assemblée avait voté un texte prévoyant un suivi socio-judiciaire dans un certain nombre de cas limitativement prévus pour ceux qui sortent de prison, la violation des obligations du suivi entraînant une réincarcération. Ce texte n'a pas été complètement appliqué, faute de moyens. Il manque des médecins coordonnateurs, des conseillers d'insertion et de probation pour suivre réellement les personnes sortant de détention et à l'encontre desquelles a été prononcée cette mesure.
C'est si vrai que notre collègue Étienne Blanc, membre de la majorité, fait état, dans son rapport, des difficultés d'application du suivi socio-judiciaire et rappelle que moins de 10 % des personnes à l'encontre desquelles ce suivi pourrait être prononcé en font l'objet. Cela signifie ni plus ni moins que l'on empile les textes avant même d'avoir réussi à appliquer ceux qui ont été précédemment votés, qui plus est dans un relatif consensus.
Pour notre part, nous préférons nous tourner vers l'avenir, c'est-à-dire réfléchir à la meilleure manière de prévenir la première infraction et, pour ce qui concerne cette criminalité pulsionnelle, mettre en place un plan de santé publique permettant à ceux qui sont envahis par des fantasmes destructeurs de se faire traiter dès leur apparition.
Se tourner vers l'avenir, c'est ensuite répondre aux questions auxquelles le texte ne répond pas, à savoir l'articulation entre la psychiatrie et le judiciaire. Sur 5 000 postes de psychiatre d'exercice public, il en manque aujourd'hui 800. Si le suivi socio-judiciaire n'est pas appliqué, c'est également en raison du nombre insuffisant de médecins coordonnateurs.
Se tourner vers l'avenir, c'est également mettre en place un véritable contrôle en se dotant de moyens. Plutôt que de favoriser une culture de l'enfermement, mieux vaudrait mettre en oeuvre une culture du contrôle.
Nous sommes persuadés que, en 2012, c'est vers un tel programme et de telles orientations que les Français se tourneront et qu'ils rejetteront le rêve que vous poursuivez, ce rêve impossible et dangereux de l'éradication du mal par la réclusion des méchants.
C'est pour ces raisons que nous nous opposons à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
C'est la quatrième fois que le Gouvernement propose à la représentation nationale de légiférer en matière de récidive. Cette fois, vous avez franchi un cap qui, nous l'espérons, ne sera pas irréversible. Vous partez en effet d'une inversion de la pyramide du droit puisque votre texte repose sur la rétention de sûreté, laquelle permet d'enfermer des gens au nom de leur dangerosité supposée alors que, suivant le principe du droit qui fonde notre pacte social, l'on ne peut décider d'enfermer quelqu'un qu'à partir du moment où il a commis une infraction.
Que ce texte soit vicié dès le départ est dangereux pour nos libertés, dangereux pour la démocratie. S'il n'y avait que cette raison – mais il y en a, malheureusement, beaucoup d'autres – cela suffirait pour que le groupe de la gauche démocrate et républicaine se prononce avec détermination contre l'adoption de ce texte.
Il s'agit, je le répète, du quatrième texte sur la récidive qui nous est soumis ; c'est, en fait, un texte de circonstances, à la veille d'élections régionales. Il suffit d'écouter qui le Président de la République, qui le Premier ministre, qui le ministre de l'intérieur pour se rendre compte que, avec la question de la sécurité, il s'agit de braconner sur les terres du Front national à la veille de ces échéances électorales.
Vous jouez de manière honteuse avec les statistiques. En effet, vous ne dites pas aux Français que la récidive ne concerne que 1% à 2 % des personnes qui sortent de prison. Et, sur ce pourcentage, on dénombre – cinq ans après la détention – seulement 0,5 % de récidivistes dont 1 % de délinquants sexuels.
La réalité est la suivante : vous avez essayé, lors du débat sur ce texte, de transformer la justice en instrument de vengeance plutôt qu'en instrument de réparation. Je rappelle à la représentation nationale les propos tenus par de Mme la garde des sceaux devant des caméras de télévision sur la question de la castration. On essaie en effet de faire croire au bon peuple de France que la castration chimique est irréversible et que l'on s'en prend à la chair de l'auteur d'un crime sexuel. Ainsi, comme le souligne le comité européen contre la torture, on peut l'assimiler à une forme de torture.
Au cours de notre discussion, Mme la garde des sceaux a osé nous expliquer que l'on pouvait envisager de débattre de la castration physique. Le Front national ne s'y est pas trompé : M. Le Pen a parlé de castration par la tête. Voilà donc que, subrepticement, débat après débat, dans la perspective des élections régionales et à propos d'une loi de circonstance guidée par la tyrannie de l'émotion, l'on tourne autour de la question de la peine de mort que la gauche a courageusement abolie en 1981 ! On va évidemment nous dire au dernier moment qu'il ne s'agit pas de cela. En fait, il s'agit de récupérer une partie de l'électorat que vous croyez avoir acquis tant il est vrai qu'on ne siphonne pas le Front national en récupérant ses idées. Comme le dit le président du Front national, les électeurs préfèrent l'original à la copie.
N'oublions pas non plus, comme notre collègue Dominique Raimbourg nous y invite, de regarder les moyens qui sont donnés à la justice. Quelques chiffres sont significatifs : on compte seulement 350 juges d'application des peines pour 25 000 affaires et, à la cour de l'Oise, entre autres, on est passé de quatre à trois juges d'application des peines pour plus de 1 000 détenus et plus de 1 400 personnes qui sont sorties de prison.
Comment, dans ces conditions, est-il possible d'assurer le fameux suivi socio-judiciaire institué par la loi de 1998 ?
En outre, il n'y a pas suffisamment de médecins coordonnateurs. De plus, lorsque l'on se rend dans les maisons d'arrêt, celle de Beauvais par exemple, mais cela est vrai ailleurs, on se rend compte que l'on a supprimé les CMPR – ces lieux dans lesquels on peut lutter contre les psychoses et les maladies mentales – pour installer de nouvelles cellules parce qu'il faut faire du chiffre !
En matière pénale comme en matière policière, ou pour ce qui concerne les sans papiers, la seule politique qui vaille à vos yeux, c'est la politique du résultat et du chiffre.
Plutôt que de traiter les hommes et les femmes qui sont des criminels sexuels comme des bêtes, essayons de les traiter de manière humaine, de croire qu'il y a encore en eux…
…une part d'humanité que l'on peut aller chercher. Inspirons-nous du jury qui a récemment été appelé à se prononcer sur le cas d'un homme qui, à sa sortie de prison, a commis un viol. Plutôt que de le condamner à perpétuité, il l'a condamné à une peine de prison – longue certes –, mais dans la perspective du rachat, dans la perspective de la réparation. C'est dans cet esprit que nous sommes sur les bancs de gauche et c'est la raison pour laquelle nous voterons contre cette loi sécuritaire, imbécile, populiste et démagogique. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.
Au préalable, je fais annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Le projet de loi soumis à notre vote tend à amoindrir le risque de récidive criminelle et porte diverses dispositions de procédure pénale. Il vise essentiellement à compléter une loi récente, celle du 25 février 2008, relative à la rétention de sûreté, à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Cette loi a fait l'objet d'une censure partielle du Conseil constitutionnel lequel s'est fondé sur le principe de non-rétroactivité de la loi pénale. Il a ainsi censuré l'article 13 de ce texte relatif aux conditions d'entrée en vigueur des dispositions concernant la rétention de sûreté, estimant que, au regard de sa nature privative de liberté, elle ne saurait s'appliquer à des personnes condamnées avant la publication de la loi ou postérieurement à ces dates pour des faits commis antérieurement.
À la suite de cette décision, le Président de la République a chargé le président de la Cour de cassation de lui remettre des propositions de nature à limiter le risque de récidive. Je rappelle que la loi du 25 février 2008 a instauré, pour prévenir la récidive des crimes les plus graves, deux nouvelles mesures de sûreté : d'une part, la rétention de sûreté en milieu fermé ; d'autre part, la surveillance de sûreté en milieu ouvert.
La rétention de sûreté consiste dans le placement d'une personne en centre socio médical judiciaire de sûreté dans lequel il lui est proposé une prise en charge médicale, sociale et psychologique. Elle concerne des personnes condamnées pour les crimes les plus graves. Dans l'année qui suit la condamnation définitive, les personnes relevant du champ d'application de la rétention sont placées dans un service spécialisé. Leur évaluation permet au juge d'application des peines de définir un parcours de peine individualisée. Un an avant leur libération, leur situation est réexaminée par une commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, laquelle peut proposer le placement en rétention de sûreté à l'issue de la peine.
La surveillance de sûreté consiste dans le prolongement des obligations de surveillance judiciaire ou du suivi socio-judiciaire imposées à un condamné. La loi du 25 février 2008 a également développé le dispositif d'incitation à accepter des soins en détention. Elle a ainsi permis au juge d'ordonner le retrait du crédit de réduction de peine lorsqu'une personne condamnée pour un crime ou un délit sexuel refuse de suivre en détention le traitement qui lui est proposé. Elle a par ailleurs créé un régime plus sévère de réduction de peine pour ces personnes dès lors qu'elles refusent les soins qui leur ont été proposées.
Madame la garde des sceaux, mes collègues élus du Nouveau Centre auraient voulu aller plus loin dans la remise en cause de l'automaticité des remises de peines pour les auteurs de crimes récidivistes les plus graves, notamment ceux à caractère sexuel, et qu'il soit mieux tenu compte de la dangerosité des détenus. Vous-même, vous êtes attardée sur cette question lors de nos débats, car je sais que vous partagez nos préoccupations.
Nous ne dirons jamais assez l'importance de l'obligation des soins, du renforcement des moyens pour le suivi socio médical des détenus et l'accès à des soins qui relèvent souvent de la psychiatrie et des moyens nécessaires, notamment pour éviter les sorties sèches et mieux prendre en compte la dangerosité par des dispositifs plus appropriés de traitement et de suivi des détenus. C'est le moyen de mieux prévenir la récidive.
Vous avez, madame la garde des sceaux, exprimé votre souci de mieux prendre en compte les peines et vous vous êtes engagée à vous pencher, lors d'un prochain débat, sur la question de l'exécution des peines. C'est un souci constant des élus du groupe parlementaire du Nouveau Centre. Lors du récent débat sur la loi pénitentiaire, nous vous avons fait part de cette exigence.
Madame la garde des sceaux, nous vous apporterons notre soutien par notre vote, mais nous serons extrêmement exigeants et vigilants sur la question de l'exécution des peines et sur celle de la prévention de la récidive, ainsi que sur les moyens qui seront donnés pour le traitement des détenus les plus dangereux. Nous vous demandons, une nouvelle fois, de mieux tenir compte de la dangerosité d'un détenu en matière de remise de peine et de mettre en oeuvre les moyens de la prévention de la récidive, dans le suivi des détenus les plus dangereux.
Nous vous apportons notre soutien, un soutien exigeant, et je suis convaincu que vous partagez notre souci. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur divers bancs du groupe UMP.)
Le projet de loi, que le groupe UMP va vous inviter à voter, est un texte grave (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) concernant des faits qui se situent au sommet de la hiérarchie de l'horreur. Mieux protéger notre société, mieux protéger les victimes de faits, de crimes insupportables, intolérables, inacceptables : tel était l'objectif que le Président de la République a confié au Gouvernement, lequel a été traduit dans la loi contre la récidive de février 2008.
Sur la base du principe de non-rétroactivité de la loi, le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs dispositions essentielles de ce texte. Le Gouvernement, par le biais du projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui, a souhaité, avec beaucoup de détermination, de courage et de volonté, revenir sur ces dispositions. Le texte qui nous est présenté devrait faire consensus. Aussi, suis-je surpris par la position de nos collègues de l'opposition ; j'ai même été choqué par les propos énoncés à l'instant par M. Mamère.
Comment, sur des sujets aussi graves, peut-on se livrer à une telle caricature et dénoncer avec des mots outranciers un texte dont le seul objectif est de mieux protéger les victimes ?
M. Mamère et M. Raimbourg ont cité des pourcentages. Certes, les taux de récidive en la matière sont faibles : un peu plus de 2 %. Néanmoins ces 2 %, qui peuvent vous paraître ridicules, dissimulent en réalité 500 faits de récidive, 500 victimes qui ont parfois subi la contrainte de monstres remis par la suite en liberté. Ce sont ces victimes que ce texte vise à protéger.
Je tiens à saluer le travail remarquable accompli par notre rapporteur, Jean-Paul Garraud (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP), pour enrichir et améliorer le texte, ainsi que les positions adoptées par le Gouvernement ce matin. Au Perreux, dans la circonscription de Gilles Carrez, le Président de la République, entouré de plusieurs d'entre nous (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC), a ainsi rappelé son objectif : toujours mieux protéger les victimes.
Tel est tout simplement l'objet de ce texte, qui devrait nous rassembler. Si le projet permettait qu'une seule victime soit épargnée, nous aurions déjà fait oeuvre utile. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Des dispositions essentielles ont été ajoutées au texte par le Gouvernement et par le rapporteur.
Je rappelle que le projet renforce ainsi l'incitation au traitement anti-libido. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)Il s'agissait d'un point essentiel.
Je rappelle également que la rétention de sûreté peut désormais s'appliquer aux crimes de meurtre, torture ou actes de barbarie, viol, enlèvement ou séquestration commis en état de récidive légale contre des personnes majeures, ce qui n'était pas le cas auparavant.
Je rappelle en outre que la durée de la surveillance de sûreté a été portée d'un an à deux ans, que le consentement est désormais requis pour le placement sous surveillance électronique, que le placement sous surveillance de sûreté peut maintenant être prononcé s'agissant de personnes condamnées à une peine de dix ans, au lieu de quinze auparavant (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…
…, et que le seuil de peine requis pour un placement sous surveillance judiciaire est abaissé de dix à sept ans.
Enfin, il est désormais interdit au criminel de se montrer dans les lieux où réside ou travaille sa victime ; cette mesure relève du simple bon sens. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ces dispositions visent à mieux protéger notre société (Mêmes mouvements) et à prendre en considération les victimes.
De ce côté de l'hémicycle, nous aurons toujours à coeur de protéger d'abord celles-ci, plutôt que les délinquants ! (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 528
Nombre de suffrages exprimés 526
Majorité absolue 264
Pour l'adoption 325
Contre 201
(Le projet de loi est adopté.)
Dans les explications de vote, la parole est à Mme Delphine Batho, pour le groupe SRC.
C'est l'histoire de deux députés : un député de la majorité et une députée de l'opposition (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), chargés par le président de la commission des lois de rédiger un rapport d'information sur les fichiers de police à la suite du retrait par le Gouvernement, face à une importante mobilisation citoyenne, des décrets relatifs au fichier EDVIGE.
À l'origine, ces deux députés défendent des conceptions radicalement différentes des fichiers de police. Puis ils travaillent pendant six mois, écoutant bien entendu les associations de défense des droits de l'homme, se rendant dans les commissariats et dans les différents services de police et de gendarmerie. Petit à petit, leurs constats et les points de vue qui en découlent les rapprochent. Ils découvrent que 25 % des fichiers de police n'ont aucun fondement juridique ; que 83 % des 5,5 millions de fiches de personnes mises en cause inscrites au STIC comportent des erreurs ; que les conséquences entraînées par ces erreurs engagent l'accès à un million d'emplois ; que, dans bien des cas, les outils informatiques dont disposent nos policiers et nos gendarmes sont totalement obsolètes, parce qu'ils n'ont pas été modernisés depuis des années.
Bref, petit à petit, ils acquièrent la conviction commune que le Parlement doit s'emparer de ce sujet, qu'il faut légiférer. Ils formulent alors cinquante-trois propositions de manière consensuelle. Surtout, ils acquièrent la conviction que dans ce domaine, où l'on a si souvent opposé la protection des libertés individuelles et l'efficacité policière, le consensus parlementaire révèle que toutes deux sont non seulement compatibles, mais indissociables.
Ils formulent donc une proposition de loi qui est adoptée à l'unanimité. Nous étions, chers collègues, tous d'accord pour refondre entièrement le cadre juridique des fichiers de police, pour améliorer la protection des citoyens et pour moderniser les outils dont disposent les policiers, comme pour résoudre par la loi le problème du nouveau fichier appelé à se substituer à celui des renseignements généraux.
Or patatras : faisant fi de ce travail parlementaire et de ce consensus, ruinant tous nos efforts, le Gouvernement a décidé, par deux décrets, de créer de nouveaux fichiers qui prennent la suite du fichier EDVIGE et posent exactement les mêmes problèmes sur certains points.
Le texte que nous avons inscrit à l'ordre du jour n'est ni une proposition de loi du groupe socialiste ni la proposition de loi de ces deux députés : c'est la proposition de loi qui a été votée à l'unanimité par la commission des lois le 16 juin dernier. Il était du reste assez pathétique d'entendre jeudi dernier certains de nos collègues de la majorité essayer de s'expliquer et plaider l'inverse de ce que nous avions défendu ensemble en commission. En d'autres termes, la majorité s'empresse malheureusement de détruire son propre travail, celui que nous avions mené tous ensemble, en raison d'une injonction gouvernementale.
Pourquoi ceux de nos collègues qui ont soulevé jeudi des objections de fond, pourquoi le Gouvernement lui-même n'ont-ils pas amendé notre texte si certains points de détail posaient problème ? Même cela, vous vous y êtes refusés sous prétexte que cette proposition de loi, votée par la commission des lois, avait été inscrite à l'ordre du jour par le groupe socialiste.
Cela révèle l'absurdité et le caractère ridicule de la situation.
Mes chers collègues, nous regrettons profondément que, pour des raisons purement politiciennes…
…et totalement étrangères aux enjeux d'efficacité policière et de protection des libertés, vous ayez fait ce choix, qui empêchera probablement l'Assemblée nationale d'adopter cette proposition de loi.
Pour notre part, nous confirmerons le vote que nous avions émis en commission des lois le 16 juin dernier et nous appelons tous nos collègues à faire de même, car le Parlement doit s'emparer de ce sujet afin que nous accomplissions tous ensemble une véritable avancée démocratique, utile à la défense des libertés comme à l'efficacité de la police et de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Nous voterons naturellement pour cette proposition de loi, qui tend à éclaircir l'origine et les usages des fichiers utilisés par les services de police. Néanmoins je souhaite d'abord revenir sur les conditions dans lesquelles l'opposition travaille et débat au sein de cet hémicycle depuis la réforme constitutionnelle.
En choisissant de réserver les votes, le Gouvernement a signé un bon d'absence aux députés de la majorité. Or à quoi sert que l'opposition ouvre un débat si la majorité n'y participe pas ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je l'ai dit jeudi dernier, avant de quitter l'hémicycle : les droits de l'opposition sont sinon bafoués, du moins méprisés. Il est de plus en plus clair que la désignation des membres des commissions d'enquête, les droits de tirage ou les journées d'initiative parlementaire sont des exercices de pseudo-démocratie, des mascarades.
Je persiste et signe : le Gouvernement impose la façon dont on travaille dans cette assemblée, ce qui est intolérable aux représentants du peuple et aux garants de la démocratie que nous sommes.
J'en reviens au fond du débat qui nous occupe : les fichiers de police, souvent épinglés par la CNIL, qui est ainsi revenue dans un récent rapport sur l'usage calamiteux du STIC. Nous nous en étions déjà rendu compte lors de nos permanences en circonscription. Combien d'administrés avons-nous reçus qui avaient perdu leur emploi ou à qui l'on avait refusé un recrutement ou le renouvellement de leur badge dans les zones aéroportuaires, uniquement parce qu'ils étaient des « fichés STIC » à leur insu ? Les listes sont malheureusement longues, dans nos territoires populaires peut-être plus encore qu'ailleurs. Cela déséquilibre le traitement républicain s'agissant des droits les plus élémentaires.
Au-delà de ces erreurs qui, raisonnablement traitées, devraient être réparées, nous devons nous interroger sur le contrôle auquel vous êtes en train de soumettre très méticuleusement la société.
Les STIC, ARIANE, EDVIGE, CRISTINA, JUDEX, FNAEG, FAED, SDRF, SALVAC et autres fichiers sont autant d'injures à notre démocratie. Au nom d'un libéralisme moderne, celle-ci développe des moyens de contrôle de plus en plus drastiques et limite de plus en plus les libertés.
Voyez le sort fait à la CNDS ou la faiblesse croissante des moyens affectés à la CNIL. À l'occasion du débat budgétaire, la majorité parlementaire s'apprête à réduire massivement les moyens des autorités indépendantes chargées de la protection des droits et libertés. Après avoir programmé la suppression de la CNDS et de la défenseure des enfants, coupables de prendre au sérieux la défense des droits contre l'arbitraire dans leurs domaines de compétence respectifs, le Gouvernement cherche à présent à porter un coup décisif à la plupart de ces contre-pouvoirs indépendants. Ainsi, alors que des dizaines de fichiers de police ont été créés au cours des dernières années, la CNIL, dont les moyens sont déjà très inférieurs à ceux de ses homologues allemande ou britannique, verrait ses crédits réduits de 15 %.
Or l'existence de ces autorités indépendantes est essentielle à la préservation des droits et libertés. Ainsi, au cours d'une journée ordinaire de la vie urbaine, chacun de nous est tracé au moins une dizaine de fois. La CNIL a elle-même mis en garde contre la création d'une société de la surveillance. Se fondant à l'origine sur des besoins légitimes et d'apparence anodine – suivre le parcours scolaire des élèves ou réguler le trafic urbain, entre autres –, le fichage global pourrait, au cours des années à venir, mettre un outil extrêmement performant au service de la sélection, de la discrimination, de la stigmatisation des « déviants » et du contrôle social généralisé, d'autant que les politiques actuelles, sécuritaires et traqueuses de fraudeurs dans la France d'en bas, ne cessent de renforcer la surveillance tout en protégeant les fraudeurs de la France d'en haut.
Ce tableau inquiétant de la France d'aujourd'hui témoigne d'un net recul des libertés et des menaces qui pèsent sur la vie privée, l'action militante, le travail social et les associations de défense des droits. Alors que puces, caméras, base de données et fichiers pullulent et sont de plus en plus interconnectés, toute proposition visant à contrôler, à clarifier, à encadrer et à épurer les pratiques policières sortant des cadres déontologiques fixés par la loi nous semble particulièrement importante.
Voilà pourquoi nous voterons pour cette proposition de loi du groupe SRC. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Je fais annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Pour le groupe Nouveau Centre, la parole est à M. Claude Leteurtre.
Monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, l'inscription à notre ordre du jour par le groupe socialiste de cette proposition de loi relative aux fichiers de police nous permet d'aborder un sujet essentiel.
Je rappelle que le Nouveau Centre a maintes fois exprimé sa très vive préoccupation à ce propos, notamment par la voix de son ancien président, Hervé Morin.
Soulever la question de l'encadrement législatif des fichiers de police, c'est d'abord s'interroger sur les droits et les libertés fondamentales garantis à chacun de nos concitoyens, tout particulièrement sur le droit de voir son intimité respectée par la puissance publique.
Cependant nous devons concilier ces droits et libertés avec la nécessité pour nos services de police ou de renseignement de disposer d'outils et de répertoires de données leur permettant de remplir efficacement leur mission : au-delà des polémiques, c'est bien de la sécurité que l'État doit garantir à chacun qu'il s'agit.
Pour autant, il importe de ne pas fausser le débat d'aujourd'hui en laissant croire à une confrontation manichéenne entre majorité et opposition sur un sujet aussi fondamental. Chacun se souvient des réticences et des interrogations, parfois légitimes, suscitées, voici un an, par la création du fichier EDVIGE. Il faut également se souvenir de la polémique soulevée par la création du fichier des renseignements généraux en 1991, sous un gouvernement et une majorité socialistes.
Dans cet hémicycle, mes chers collègues, il n'y a pas d'un côté les défenseurs acharnés des droits fondamentaux et, de l'autre, ceux qui voudraient à tout prix les étouffer. Il y a, bien au contraire, une réelle complexité que chacun se doit de reconnaître dès lors qu'il s'agit de définir un cadre législatif au développement des fichiers de police.
Face à ce véritable défi, notre assemblée s'est engagée, à l'initiative de la commission des lois, dans une démarche consensuelle de réflexion et de travail. Le texte qui nous est soumis résulte d'un travail mené conjointement par un membre de la majorité et un membre de l'opposition et ses conclusions ont été adoptées à l'unanimité par la commission des lois.
L'article 5, au coeur de la proposition de loi, vise à poser un principe simple : la nécessité de passer par une loi pour créer tout nouveau fichier ou toute nouvelle catégorie de fichiers. De même, il prévoit la nécessité d'un vote au Parlement pour lever l'interdiction de principe pesant sur la collecte des données dites sensibles, telles que celles touchant à l'origine ethnique ou aux croyances religieuses.
En outre, le dispositif proposé a le mérite de présenter une certaine et nécessaire souplesse en permettant de créer au moyen d'une seule disposition législative une catégorie entière de fichiers répondant aux mêmes règles et poursuivant les mêmes finalités.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je tiens, au nom du groupe Nouveau Centre, à exprimer le regret que l'examen de cette proposition de loi en séance publique n'ait pas été empreint du même esprit de consensus que celui qui avait animé les travaux de la commission des lois.
Un sujet aussi essentiel aurait nécessité une démarche commune et un débat plus approfondi. Il aurait été utile que la représentation nationale tout entière puisse marquer son attachement et sa volonté de concilier efficacement la garantie des droits fondamentaux et la nécessité de disposer d'outils de renseignement adapté à nos besoins.
Ce travail préalable et consensuel n'a pas eu lieu. Aussi le Nouveau Centre ne prendra-t-il pas part au vote de cette proposition de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite en quelques mots expliquer les raisons qui conduisent le groupe UMP à rejeter cette proposition de loi.
La qualité du travail qui nous a été proposé n'est naturellement pas en cause. Je veux au contraire saluer l'initiative de la commission des lois et de notre président Jean-Luc Warsmann d'avoir confié une mission d'information à nos collègues Delphine Batho et Jacques-Alain Bénisti. C'est en effet à partir de l'excellent rapport qu'ils ont remis le 24 mars 2009 qu'une proposition de loi a été rédigée puis adoptée, le 16 juin 2009, par la commission des lois.
Comme mon collègue Charles de la Verpillière l'a si bien souligné dans son intervention de jeudi après-midi, les députés de notre groupe considèrent que nous devons nous donner les moyens, tous les moyens, d'une politique rigoureuse de sécurité publique. Nous approuvons le recours aux fichiers de police informatisés. Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas, au nom d'un « droit de l'hommisme » mal compris, nous priver des possibilités qu'offrent les technologies modernes, notamment l'informatique et internet.
La police et la gendarmerie ne peuvent travailler en aveugle. Il s'agit de permettre la répression mais aussi la prévention des infractions. Un policier, un gendarme a besoin de pouvoir consigner et consulter des informations et de le faire en toute légalité.
Ce cadre légal a toutefois besoin d'être modernisé et précisé. En effet, trente ans se sont écoulés depuis l'adoption de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. La France avait alors fait oeuvre de pionnier. Un important travail jurisprudentiel a été accompli sur cette base par la commission nationale de l'informatique et des libertés.
Pour autant, des incertitudes et des imprécisions demeurent, comme l'a montré, par exemple, l'affaire du fichier EDVIGE. Le travail que vous avez mené avec notre collègue Jacques-Alain Bénisti, madame Batho, s'inscrivait dans cette perspective. Il n'en demeure pas moins vrai que, depuis le mois de juin, le contexte a évolué.
D'une part, le Gouvernement a créé, par décret du 18 octobre 2009, comme l'y autorisait la loi du 6 janvier 1978, deux fichiers concernant respectivement la prévention des atteintes à la sécurité publique et les enquêtes administratives liées à la sécurité publique, qui viennent se substituer à l'ancien fichier des renseignements généraux.
D'autre part et surtout, sous l'impulsion de Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, le point de vue du Gouvernement et celui de la commission des lois se sont rapprochés. Au terme de ce qu'il faut bien appeler un processus de coproduction législative, le Gouvernement accepte désormais de modifier la loi de 1978 et de mieux encadrer la création des fichiers de police.
Les réflexions menées en commun ont d'ailleurs révélé la rédaction parfois trop imprécise et imparfaite de la proposition de loi adoptée par la commission des lois, notamment de son article 5, et débouché sur de nouvelles propositions.
Ce matin même, la commission des lois de notre assemblée a examiné et adopté des amendements de notre collègue Jacques Alain Bénisti qui reprennent, en les améliorant, les principales dispositions de cette proposition de loi. C'est ainsi dans le cadre la proposition de loi d'amélioration de la qualité du droit et de simplification présentée par le président Warsmann que nous comptons faire évoluer la législation relative aux fichiers, ce dont vous devriez d'ailleurs vous réjouir, madame Batho. Comme vous le savez, la proposition de loi du président Warsmann sera très rapidement inscrite à l'ordre du jour des travaux de nos amis sénateurs et ces dispositions entreront ainsi rapidement en vigueur.
De surcroît, nous ne nous arrêterons pas là : d'autres dispositions trouveront naturellement leur place dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, dite LOPSI 2, que nous examinerons à partir du mois de février 2010.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe UMP votera contre la proposition de loi qui nous est soumise. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement et en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, je mets aux voix par un seul vote les articles 1er à 20 ainsi que l'ensemble de la proposition de loi, à l'exclusion de tout amendement
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 500
Nombre de suffrages exprimés 496
Majorité absolue 249
Pour l'adoption 200
Contre 296
(La proposition de loi n'est pas adoptée.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues visant à réguler la concentration dans le secteur des médias ( n° 1958).
Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Françaix, pour le groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues : Bernard Arnault, Vincent Bolloré, Serge Dassault, Arnaud Lagardère, Édouard de Rothschild, François Pinault, Francis Bouygues, les industriels français s'aiment en patrons de presse.
Pourquoi s'en plaindre, me direz-vous ? Au-delà des connivences malsaines, au-delà des amitiés utiles avec le pouvoir en place, je vais vous expliquer pourquoi nous ne pouvons pas approuver cette spécificité française.
C'est en France que l'on trouve le plus grand nombre de grands patrons vivant des commandes de l'État. Deux entreprises leaders dans l'industrie de l'armement sont à la tête de deux grands groupes de presse de l'hexagone : Lagardère et Dassault. C'est sans doute cela l'exception culturelle vue par la droite.
Les relations économiques nées de la passation de marchés publics et privés impliquent dans le secteur des médias une berlusconisation des esprits. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) La dépendance économique à l'égard d'un bailleur de fond est la porte ouverte à l'autocensure. Quelle crédibilité peut avoir le journal Les Échos quand il traite de l'économie du luxe ?
Quand Dassault achète la Socpresse, il s'offre non seulement Le Figaro, qu'il convoitait depuis longtemps, mais fait aussi une bonne affaire en cédant aux plus offrants les différents titres régionaux, lesquels ne se sont jamais remis de ce changement.
Les patrons de presse sont remplacés par les groupes financiers mais ceux-ci sont davantage obsédés par l'influence qu'ils peuvent tirer de la propriété d'un journal que par le souci de sa qualité ou de son développement.
Les concentrations ne sont pas des réussites. À chaque fois qu'un journal régional fait l'acquisition d'un autre, cela se solde par une perte de lectorat.
Plus grave encore, non seulement l'émergence de grands groupes privés voulue par le pouvoir ne garantit en aucun cas un mieux disant économique mais elle balaie, de manière désinvolte, l'idée entérinée par la convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle selon laquelle la presse et la culture ne sont pas des biens comme les autres.
Alors que les Français passent près de trois heures chaque jour devant leur poste de télévision et qu'ils sont près de 18 millions à lire un quotidien, n'est-il pas primordial que ces médias leur proposent en retour des réflexions plurielles, des regards personnels, des découvertes ? Être citoyen ne consiste pas seulement à consommer des contenus qui vous intéressent à travers internet, les médias à la demande ou les revues spécialisées. La presse écrite, la radio, les chaînes de télévision sont des médias de l'offre : ils exposent les consommateurs à des contenus que ceux-ci n'avaient pas forcément sollicités. Cela oblige à s'ouvrir à d'autres choix. Seuls ces médias généralistes produisent du lien social. Ils sont fédérateurs et permettent de souder une société soumise au risque de désagrégation. Ils peuvent même être facteur d'identité nationale. Le mot est lâché car, pour moi, l'identité nationale est avant tout liée à notre diversité culturelle.
Voilà pourquoi il serait intellectuellement totalitaire que les concentrations réduisent les médias à l'uniformisation, à la pensée unique, au politiquement correct.
La nécessité de l'indépendance et du pluralisme des médias n'est pas une coquetterie de la part de quelques socialistes mais la garantie apportée à tous que notre démocratie est toujours vivante, qu'elle permet à toutes les opinions et à tous les points de vue de s'exprimer et de créer librement.
Une presse fragile, une presse vulnérable permet, il est vrai, de gouverner avec plus d'aisance car il est évident qu'elle ne peut survivre sans l'appui des pouvoirs publics. Comme l'a excellemment noté notre rapporteur Patrick Bloche, les multiples interventions croisées entre le politique et le monde des affaires et, à présent, la dépendance affichée dans laquelle le pouvoir exécutif tient l'audiovisuel public depuis l'adoption de la loi le réformant – nomination du président de France Télévisions, suppression de la publicité compensée par une manne gouvernementale octroyée selon le bon plaisir du Président de la République – ne contribuent pas positivement à l'image de la France.
À cet égard, l'adoption d'une réglementation rendant incompatible pour une même entreprise des activités dans les médias et des activités relevant de la commande publique serait utile et nécessaire.
Chers collègues, il est temps de revenir à des bases plus saines. C'est ce but qu'a poursuivi notre groupe en inscrivant cette proposition à l'ordre du jour. Il est dommage que le débat n'ait pas pu avoir lieu du fait de…
On ne va pas me censurer une deuxième fois ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Le débat n'a pu avoir lieu dans notre hémicycle la semaine dernière, au moins, qu'on me laisse terminer aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, je compte sur vous pour que la fois prochaine, nous puissions avoir un véritable débat à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rejoins la conclusion de notre collègue Michel Françaix : nous avons en effet le sentiment d'être des dupes de la procédure des propositions de loi instaurée par la révision de la Constitution pour donner, paraît-il, davantage de pouvoirs au Parlement. Les techniques utilisées par le Gouvernement consistant à demander la réserve du vote ne sont qu'une incitation à l'abstention de députés lors de la discussion ; c'est une manière d'escamoter la discussion de ces propositions de loi qui ont pourtant toute leur importance.
Revenons à celle qui a été déposée par nos collègues du groupe SRC.
Sachez tout d'abord que notre groupe votera en sa faveur même si nous considérons qu'elle arrive un peu tard. Lorsque la gauche était au pouvoir, entre 1997 et 2002, notre Parlement a voté une loi sur l'audiovisuel et les médias, la loi Trautmann.
Nous étions quelques-uns, bien seuls malheureusement, à aller dans le droit fil de ce qu'avait proposé la gauche pour ce qui concerne les médias, à savoir que des entreprises qui répondent à des commandes publiques ne puissent pas détenir la majorité du capital des chaînes privées. Malheureusement, nous n'avons pas été suivis. Cependant il n'est jamais trop tard pour bien faire puisque seuls les imbéciles ne changent pas d'avis.
Aujourd'hui, nous nous trouvons dans une situation inédite sous la Ve République : les amis du Président de la République, pas simplement ceux du Fouquet's, ceux qui étaient membres de cette association que l'on appelait Neuilly communication, créée en 1985 par le jeune maire de Neuilly-sur-Seine et dont M. Françaix a rappelé les noms, outre être propriétaires de chaînes de télévision et de journaux se livrent à une forme de néo-colonisation. Je pense, en particulier, à l'entreprise Bolloré qui exploite des forêts en Afrique.
Du reste, je crois savoir que, lors de son premier voyage en Afrique, le Président de la République s'est rendu chez une personne que regrettent peu les défenseurs des droits de l'homme et qui était poursuivie par l'association Transparency International. Or, comme par hasard, le parquet, aux ordres du Gouvernement, a dit : circulez, il n'y a rien à voir ; on ne s'occupe pas des amis de la Françafrique !
Oui, il faut le dire ici : ce sont les deux plus grands marchands d'armes de notre pays qui sont propriétaires de la plupart des titres de presse. Oui, il faut le dire ici : nous avons assisté à une régression considérable du point de vue démocratique puisqu'un Président de la République nous a expliqué qu'il fallait supprimer plutôt que réformer le CSA étant donné que celui-ci n'était pas indépendant. Aujourd'hui, nous sommes dans une dépendance à la fois politique, éditoriale et économique de toutes les grandes chaînes de télévision, les présidents de l'audiovisuel étant nommables et révocables par le Président de la République.
Si l'on ajoute à cette « berlusconisation » des médias publics ces amitiés, ces petits arrangements entre amis, effectivement il y a atteinte au pluralisme. En effet, je mets au défi quiconque, qu'il soit de droite ou de gauche, de nous dire s'il a vu, sur TF1, des reportages critiques sur le Maroc où la société Bouygues construit des routes et des mosquées, sur les antennes mobiles chargées d'alimenter les téléphones, ou encore, ailleurs que sur Arte ou sur le service public, des émissions, des reportages et des documentaires critiques sur la distribution de l'eau. Et je pourrais dresser la liste des sujets qui sont actuellement tabous sur ces grandes chaînes.
Il y a donc conflit d'intérêts, atteinte au pluralisme et une sorte de monopole du privé lié aux intérêts du Président de la République car ce sont ces journaux, ces télévisions qui lui ont permis d'accéder aux plus hautes marches du pouvoir. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est cette complicité, cette forme d'inceste politique que nous dénonçons. Voilà pourquoi nous voterons cette proposition de loi présentée par nos collègues socialistes, qui vise à réduire la part des entreprises qui répondent à des commandes publiques, dans le capital des chaînes et des médias. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, nous arrivons au terme de l'examen de la proposition de loi qui vise à limiter la concentration dans les médias et, plus précisément, à prévenir tout soupçon d'ingérence des pouvoirs publics dans ce secteur afin de garantir leur indépendance et, surtout, leur pluralisme.
Les moyens proposés reposent sur l'interdiction, pour tout acteur privé entretenant des relations économiques avec la puissance publique, d'éditer un service de radio ou de télévision ou un titre de presse d'information politique et générale.
Nous savons que les impératifs de la mondialisation de l'économie ont conduit, dans notre pays, à une concentration importante dans le secteur de la presse et de l'audiovisuel pour affronter la concurrence internationale constituée de grands groupes.
Pour autant, cette évolution ne doit pas être la caution de l'atteinte au pluralisme, et il est de notre responsabilité d'en assurer la garantie. C'est d'ailleurs de ce principe à valeur constitutionnelle que découle la volonté de fixer des règles anti-concentration, laquelle justifie notamment l'existence des dispositions de la loi de 1986 relative à la liberté de communication qui fixe des règles d'octroi d'autorisations des services de radio et de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre.
C'est d'ailleurs en vertu du pluralisme, essentiel au fonctionnement de notre démocratie, que de nombreux dispositifs ont été instaurés, notamment l'interdiction, pour une même personne physique et morale ou un même groupe de personnes, de contrôler plus de 30 % de l'ensemble de la presse nationale, régionale ou locale.
Pourtant, en dépit des règles contraignantes qui ont été fixées, l'évolution de ce secteur et la possession par des groupes d'intérêts divers de chaînes de radio et de télévision fait émerger le problème de la dépendance des médias de plus en plus globaux pour lesquels il est, de fait, de plus en plus difficile de se détacher de la commande publique.
Ainsi nous sommes aujourd'hui confrontés au double enjeu qui réside dans le délicat équilibre de veiller à la prévalence des règles anti-concentration pour garantir le pluralisme et l'indépendance des médias sans pour autant nuire, par des dispositions trop contraignantes, à leur capacité à faire face aux évolutions technologiques et à la concurrence étrangère.
Le Nouveau Centre estime qu'une transparence accrue de l'actionnariat des rédactions est nécessaire, car la réflexion sur la concentration des médias, tout aussi nécessaire qu'elle soit, ne doit pas conduire à imposer une présomption d'incompatibilité entre la passation de marchés publics et la qualité de propriétaire d'une entreprise exerçant une activité dans le secteur des médias. Pour autant, au vu de l'évolution que j'évoquais précédemment, ce risque ne doit pas être ignoré.
Nous proposons donc que des moyens visant à assurer la pleine transparence financière des entreprises de presse, de radio et télévision soient mis en place afin que les éventuels liens économiques avec la puissance publique soient clarifiés.
Ainsi, des mesures visant à organiser une transparence dans le regroupement des capitaux devraient être prises, car il est vrai que les entreprises de médias sont largement concernées par la commande publique.
Au regard des observations précédentes, le groupe Nouveau Centre estime que la voie de la transparence est donc à privilégier, plutôt qu'une modification trop radicale du dispositif anti-concentration en vigueur. Il considère également que le sujet mérite une réflexion plus approfondie qui fera l'objet d'une proposition de loi de notre part.
En conséquence, le groupe Nouveau Centre ne votera pas ce texte.
L'on retrouve chez nos collègues de l'opposition les vieux fantômes qui les habitent. Pour M. Noël Mamère, c'est le club du Fouquet's au point que je me demande s'il n'est pas frustré de ne pas y avoir été convié. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Pour M. Michel Françaix, ce sont les grands groupes capitalistiques qui vampirisent les libertés.
À côté de ces intervenants, notre excellent rapporteur, Patrick Bloche...
..paraît très mesuré. D'ailleurs, ce n'est pas sa bonne foi qui est en cause, mais son sens de l'opportunité.
En effet, comment peut-on présenter un texte de cette nature alors que le marché publicitaire pour la presse et l'audiovisuel s'est effondré, que les états généraux de la presse ont conclu qu'il n'y avait pas lieu de légiférer sur la concentration des médias, et que les entreprises françaises qui dépendent de la commande publique sortent à peine d'une période de crise ?
Monsieur le rapporteur, cette proposition est un peu à contre-courant, et vous le savez bien. Et elle l'est d'autant plus que, il y a quelques années, alors que Mme Trautmann siégeait à la place de M. Frédéric Mitterrand, l'un de vos collègues avait estimé qu'une proposition de loi de même nature était excessive.
Si c'était le cas il y a une dizaine d'années, qu'en est-il aujourd'hui, alors que les progrès de la technologie en matière de médias ont tellement fait avancer les choses qu'on peut se douter qu'il n'est plus besoin de contraindre un domaine économique probablement déjà trop contraint ?
Monsieur le rapporteur, nous avons le dispositif anti-concentration le plus contraignant du monde.
Où faudrait-il vraiment renforcer ce dispositif ?
Nous avons la limitation à 49 % du capital ; nous avons la limitation du cumul d'autorisation dans la télévision et les autres médias ; nous avons la séparation des activités de production et de diffusion qui est imposée par les excellents décrets de Mme Tasca ; nous avons le contrôle des autorisations de régulation et de concurrence sur toutes les opérations de concentration. Alors que la tendance est, dans les pays européens et dans le monde, à l'allégement, cette nouvelle proposition donnerait un signal très négatif si nous l'acceptions.
En réalité, que vous le vouliez ou non, les grandes entreprises vivent, pour une grande partie, des commandes publiques. Non, monsieur le rapporteur, nous ne pouvons pas vous suivre dans ce raisonnement...
..qui aboutirait à l'immobilisme et à écraser le dynamisme des entreprises françaises.
Vous l'avez si bien compris que si votre texte venait à être adopté, il n'entrerait pas immédiatement en application. En réalité, il reporterait le problème dans le futur, à long terme, c'est-à-dire qu'il ne ferait même pas face aux difficultés que vous voulez combattre.
Cette proposition est dangereuse sur le plan de l'économie et de l'entreprise. Elle aboutirait probablement à contraindre les actionnaires de certaines entreprises de médias à devoir rétrocéder mécaniquement leur part de capital.
Comme l'a rappelé le ministre jeudi dernier, la commande publique concerne un grand nombre de secteurs de l'économie : 120 milliards d'euros par an. Comment peut-on penser que vous laisseriez partir une partie de ce capital à des investisseurs probablement étrangers ?
En commission où étaient présents de nombreux députés, contrairement à ce qu'a prétendu M. Françaix, vous avez tenté de nous répondre, sans nous convaincre.
En réalité, la vraie question n'est pas celle de la concentration, mais celle de la capacité de nos médias à faire face aux évolutions technologiques et à la concurrence des grands groupes internationaux.
Sur ces bancs, nous préférons des groupes forts, concurrents, plutôt qu'un émiettement de groupes.
Voilà pourquoi le groupe UMP rejettera cette proposition de loi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
À la demande du Gouvernement et en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, je mets aux voix, par un seul vote, les articles 1er et 2, ainsi que l'ensemble de la proposition de loi, à l'exclusion de tout amendement.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 480
Nombre de suffrages exprimés 480
Majorité absolue 241
Pour l'adoption 187
Contre 293
(La proposition de loi n'est pas adoptée.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures cinq, sous la présidence de M. Marc Laffineur.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôt sur les revenus (nos 1851 rectifié, 2083).
Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifié, en application de l'article 103 du règlement.
Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi adopté par le Sénat autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital (nos 1849, 2080).
Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement.
Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (nos 1850 rectifié, 2082).
Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement.
Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord international de 2006 sur les bois tropicaux (nos 1888, 2084).
Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement.
Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde pour le développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire (nos 1982, 2079).
La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur de soumettre aujourd'hui à votre approbation l'accord de coopération entre la France et la République de l'Inde pour le développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire, signé à Paris le 30 septembre 2008.
Pour avoir présidé ici-même, pendant de nombreuses années, le groupe d'amitié France-Inde de l'Assemblée nationale, je suis très sensible au développement de nos relations avec ce pays dans un domaine, le nucléaire civil, qui constitue pour chacun de nos deux pays une priorité énergétique, écologique et technologique.
La France et l'Inde se sont engagées depuis de nombreuses années dans un partenariat stratégique. Cet accord vise à décliner un volet prioritaire de ce partenariat identifié par le Président de la République et le Premier ministre indien dès 2005.
Cet accord est dans l'intérêt de la stabilité internationale, car il comporte des mesures nécessaires en matière de non-prolifération et de sécurité. Il est aussi un jalon indispensable dans la lutte contre le réchauffement climatique.
La France entend aujourd'hui, en approuvant cet accord de coopération, conférer une dimension concrète à l'autorisation donnée à l'Inde par l'ensemble de la communauté internationale d'aller plus loin dans ses activités nucléaires civiles, dans le cadre des engagements pris par Delhi pour se rapprocher de ceux du régime de non-prolifération nucléaire. Ce projet de coopération entre l'Inde et la France est donc un exemple de ce qu'il faut faire par contraste avec l'attitude de l'Iran ou de la Corée du Nord qui refusent pour leur part toutes les propositions de coopération internationale dans le domaine de l'utilisation pacifique de l'atome.
Cet accord représente également un pas décisif pour la coopération entre l'Union européenne et l'Inde dans le domaine des hautes technologies, et notamment dans celui du nucléaire.
Cet accord de coopération n'aurait pu voir le jour si nous n'avions assisté ces vingt dernières années à de profonds bouleversements des équilibres politiques, stratégiques et économiques mondiaux, qui ont touché l'Inde au premier chef.
Ce partenariat franco-indien, que je vous propose aujourd'hui d'approuver, n'aurait pas été possible sans remise en cause par l'Inde elle-même de son positionnement stratégique dans le monde de l'après-guerre froide. À la relation privilégiée qu'elle entretenait avec l'Union soviétique s'est substituée une nouvelle relation au monde plus équilibrée et très largement tournée vers les États-Unis et les pays de l'Union européenne comme la France. Pour l'Inde, cette nouvelle configuration géopolitique et politique vise à lui donner un nouvel élan vers l'Asie, l'Océan indien et, au-delà, en Europe et sur le continent américain.
Ainsi, le 6 novembre dernier, le Premier ministre suédois, Fredrik Reinfeldt, Président en exercice de l'Union européenne, a rencontré le Premier ministre indien Manmohan Singh à l'occasion du sommet entre l'Union européenne et l'Inde, à New Delhi, pour évoquer les questions climatiques à la veille du sommet de Copenhague, la coopération nucléaire entre l'Union européenne et l'Inde et la négociation d'un accord de libre échange.
Depuis sa première édition en 2000, ce sommet constitue un cadre de dialogue politique au plus haut niveau entre l'Inde et l'Union européenne.
Lors du sommet de 2004, un partenariat stratégique concret avait été acté, puis révisé en 2008 pour tenir compte des nouveaux grands défis internationaux, comme la question du réchauffement climatique.
Le 6 novembre, un accord de coopération nucléaire a été signé portant sur la recherche dans le domaine de la fusion thermonucléaire contrôlée. Je rappelle en effet que l'Inde fait partie du consortium des pays associés au projet international de réacteur de fusion thermonucléaire ITER développé en France à Cadarache.
Vous êtes trop bon, monsieur Myard ! C'est vrai que j'avais à l'époque négocié pour le compte de la France.
Cet accord vise « à intensifier la coopération en vu de développer les connaissances scientifiques et les capacités techniques indispensables à un système d'énergie à fusion ». Si, comme nous l'espérons, ce système fonctionne à l'échelle industrielle, il sera un élément clé de la gestion du réchauffement climatique.
En second lieu, sur le plan économique, l'Inde entend jouer un rôle de tout premier plan sur la scène mondiale en modernisant son économie et en se dotant des moyens de diversifier son offre énergétique pour son immense marché intérieur.
L'Inde est devenue l'un des grands pays émergents de ce début de XXIe siècle et l'une des sources potentielles majeures de croissance économique dans le monde. C'est là un fait incontournable dont témoignent l'essor de ses industries de haute technologie, l'arrivée sur la scène internationale de capitaines d'industrie comme la famille Tata ou Lakhsmi Mittal, et l'émergence de produits de qualité « made in India » identifiés comme tels.
Lors de sa récente visite au Kazakhstan, le Président de la République rappelait que cette région du monde, l'Asie, était devenue celle où il était nécessaire d'être présent. L'Inde, pour reprendre les propres termes du Président, fait partie de ces « pays qui sont des têtes de pont, des pays qui sont leaders et avec lesquels la France construira des partenariats au XXIe siècle ».
Pour appuyer les propos du Président de la République, je voudrais citer un extrait de la carte de l'avenir mondial, tirée du rapport du projet 2020 du National Intelligence Council américain, qui résume à elle seule l'importance que prend l'Inde dans les relations stratégiques internationales au XXIe siècle : « L'émergence probable de la Chine et de l'Inde, comme d'autres, en tant que nouveaux acteurs mondiaux importants, similaire à l'avènement d'une Allemagne unifiée au XIXe siècle et des puissants États-Unis au début du XXe siècle, va transformer le paysage géopolitique, avec des impacts potentiellement aussi importants que ceux enregistrés au cours des deux derniers siècles. De la même façon que des commentateurs se réfèrent aux années 1900 comme le siècle américain, le XXIe siècle pourra être considéré comme l'époque où l'Asie, menée par la Chine et l'Inde, réalise sa destinée ».
On ne saurait mieux souligner toute l'importance que nous devons accorder, nous Français, au développement de l'Asie en général et de l'Inde en particulier. Aider ce pays à apporter à nombre de ses ressortissants la prospérité économique qui leur fait encore défaut et travailler avec les Indiens à l'énergie propre qui est leur est nécessaire sont des défis qu'il nous faut relever en commun. L'industrie nucléaire française peut répondre à ces besoins de manière particulièrement appropriée.
Conscients de l'importance croissante de cette région, les États-Unis eux-mêmes s'impliquent de plus en plus aux côtés d'États comme l'Inde ou la Chine. Le fait que le Président américain Barack Obama n'ait pas trouvé le temps de se rendre au vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin, mais qu'il ait trouvé dix jours pour aller en Asie montre l'évolution des grands équilibres géostratégiques de notre temps.
En écho à la visite du Président Obama en Chine, le Premier ministre indien Manmohan Singh a entamé depuis hier une visite de quatre jours aux États-Unis. Il est venu chercher, précisément, un soutien à l'accord de coopération nucléaire civile conclu entre les deux pays sous la présidence Bush alors que se manifestent, au sein de l'actuelle administration américaine, comme au Congrès, un certain nombre de réticences politiques. M. Singh attend maintenant la phase opérationnelle de l'accord et, dans un récent entretien au magazine Newsweek, il dit souhaiter que l'administration Obama soit « plus libérale en matière de transfert de technologies nucléaires ».
En fait, comme le rappelait récemment, lors d'un colloque, à propos de cet accord, un militaire indien retraité – parce que, à New Delhi, ce sont les militaires retraités qui parlent,…
…dans les instituts de recherche –, « nous allons de l'avant et voulons assurer notre sécurité énergétique en misant sur le nucléaire. Avec ou sans vous ». Il s'adressait aux États-Unis.
Vous le savez, l'obstacle a longtemps été le traité de non-prolifération et les essais nucléaires de 1974, ainsi que la prolifération, entre l'Inde et le Pakistan, au milieu des années 90.
L'Inde n'est pas signataire du traité de non-prolifération. C'est même l'un des très rares États au monde à ne pas l'avoir signé. C'est pour cela que l'accord exemplaire entre l'Inde et la France qui vous est soumis a été conclu après que l'Inde a souscrit un nouvel accord de garanties avec l'Agence internationale de l'énergie atomique – AIEA –, qui soumettra un nombre croissant d'installations nucléaires indiennes, civiles, au contrôle de l'Agence.
De même, le groupe des fournisseurs nucléaires, qui est, comme vous le savez, un régime multilatéral efficace de quarante-cinq États parties au contrôle des exportations dans le secteur nucléaire, a signé avec l'Inde, le 6 septembre 2008, un accord de coopération unanimement salué.
Nous soutenons depuis longtemps, dans le cadre du partenariat stratégique franco-indien, l'ouverture de cette coopération nucléaire civile avec l'Inde, qui lui permettrait de concilier la satisfaction de ses besoins énergétiques avec la lutte contre le changement climatique, avec bien sûr les garanties de non-prolifération.
La décision du groupe des fournisseurs nucléaires de septembre 2008 a marqué un progrès important pour le régime de non-prolifération, et nous nous étions à l'époque félicités de la réaffirmation par l'Inde de ses engagements dans le domaine nucléaire. Deux jours plus tard, cet accord a été signé.
Comme pour les États-Unis, c'est dans ce cadre qu'a été confortée la volonté de la communauté internationale, et la nôtre, de nous engager dans le partenariat nucléaire avec l'Inde.
Pouvait-on, en effet, alors que l'Inde est aujourd'hui une puissance émergente – avec plus d'un milliard d'habitants –, qu'elle est en plein développement, qu'elle pèse sur le changement climatique de façon majeure, lui dénier notre soutien en matière d'énergie, et d'énergie propre ?
Concrètement, l'Inde s'est également engagée à clairement séparer ses activités nucléaires civiles de ses activités militaires.
Elle s'est, en deuxième lieu, engagée à maintenir son moratoire sur les essais nucléaire, après ceux de 1998, et à appliquer des règles claires et strictes de contrôle à l'exportation – ce qui n'a pas été le cas de tout le monde dans le passé –, sur le modèle de ce qui existe au sein du groupe des fournisseurs nucléaires, conformément aux engagements pris en 2008.
L'Inde, on le voit, n'est donc absolument pas la Corée du Nord. Ce n'est pas non plus l'Iran, dont je vous rappelle qu'il a refusé, mercredi dernier, de transférer à l'étranger son uranium faiblement enrichi,…
…afin de l'enrichir davantage sous contrôle international, selon la proposition qui lui avait été faite par l'AIEA il y a un mois. L'AIEA prévoyait de fournir un combustible nucléaire, avec des garanties de livraison. Le projet d'accord incluait la Russie et la France pour la fabrication du combustible. L'Iran a rejeté cette proposition. Quant à la Corée du Nord, vous connaissez la situation.
Dans le cas de l'Inde, nous sommes dans une situation inverse puisque, nation responsable, elle s'est engagée à se comporter comme les États parties au traité de non-prolifération. L'accord qui vous est soumis est l'exemple même de ce qu'il est possible de faire de bon en matière de coopération nucléaire dans le monde.
Enfin, il y a un aspect climatique sur lequel je voudrais insister. L'Inde est désormais le sixième émetteur mondial de gaz à effet de serre. Le 29 septembre dernier, le Premier ministre indien a estimé, lors d'une conférence internationale sur le nucléaire à New Delhi, qu'une forte hausse de la part du nucléaire dans la production énergétique du pays d'ici aux quarante prochaines années pourrait permettre à l'Inde de réduire son impact sur le réchauffement climatique de la planète.
Manmohan Singh rappelait à cette occasion l'importance de l'accord de coopération signé l'an dernier avec les États-Unis dans le nucléaire civil, qui initiait une nouvelle ère pour une production énergétique plus sûre et plus propre en Inde. Le Premier ministre indien a clairement exprimé l'ampleur du défi à cette occasion : « L'expansion de notre programme d'énergie nucléaire va entraîner d'énormes opportunités pour l'industrie mondiale du nucléaire », parce que l'Inde doit « penser grand », a-t-il dit, pour les besoins énergétiques futurs de son 1,2 milliard d'habitants.
Concrètement, 470 000 mégawatts pourraient être produits par des centrales nucléaires indiennes d'ici à 2050, ce qui constituerait un net changement d'échelle par rapport aux 4 120 mégawatts – l'équivalent de quatre centrales françaises – actuellement produits par les dix-sept réacteurs nucléaires en activité dans le pays. Le nucléaire ne représente que 3 % de la production d'énergie en Inde. Le potentiel de croissance est donc immense.
Le développement de l'industrie nucléaire civile en Inde réduira grandement la dépendance de ce pays aux énergies fossiles et fournira indéniablement une contribution majeure à la lutte contre le changement climatique.
Or, à moins de deux semaines de l'ouverture de la conférence de Copenhague, il est bon de rappeler que la France peut aussi aider l'Inde, grâce au nucléaire, à réduire ses émissions, grâce à l'expertise dont elle dispose dans ce domaine et grâce aux entreprises et aux établissements publics de notre pays comme le CEA, Areva, GDF SUEZ, EDF ou Alstom. Tous peuvent apporter à l'Inde ce dont elle a besoin dans les domaines énergétiques et environnementaux.
Pour illustrer mon propos d'exemples concrets de l'intérêt de cette coopération nucléaire avec l'Inde, je rappelle qu'Areva emploie déjà en Inde plus de 4 200 personnes et y compte huit sites industriels. En février dernier, Areva a annoncé la signature avec la Nuclear Power Corporation of India Limited d'un protocole d'accord ouvrant la voie à une collaboration dans le domaine de la production d'électricité nucléaire et visant à construire au moins deux réacteurs EPR à Jaitapur, dans l'État du Maharashtra, et une option sur quatre autres.
Ces projets sont certes utiles à l'Inde, mais ils sont aussi utiles, vous l'aurez compris, pour nous tous si nous voulons nous engager en commun dans une lutte efficace contre le réchauffement climatique…
…à l'échelle de la planète, un réchauffement auquel nous avons tous à perdre si rien n'est fait aujourd'hui pour enrayer ce processus.
Cet accord, je le rappelle, décline les champs et les modalités de notre future coopération. Il prévoit bien évidemment l'encadrement de nos coopérations industrielles et de recherche. Il répond, je crois, aux attentes de l'Inde en matière de sécurité de ses approvisionnements énergétiques, d'approvisionnement en combustible, de sûreté et de sécurité nucléaire. Il ne contribue en aucune façon à la production d'armes nucléaires. Il est, de fait, un élément clef de stabilité en faveur de la non-prolifération nucléaire, de par les garanties qu'il apporte aux deux partenaires.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, les principales observations qu'appelle pour la France l'approbation d'un tel accord de coopération avec l'Inde sur le développement commun des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire.
C'est donc avec confiance et avec la plus grande détermination que je vous propose aujourd'hui, au nom du Gouvernement, d'approuver ce projet de loi tout particulièrement marquant pour la relation franco-indienne et ses développements futurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Claude Birraux, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j'avais envie de commencer en vous disant « namasté », c'est-à-dire bonjour, en hindi.
J'aimerais d'abord resituer, comme M. le secrétaire d'État l'a fait, la portée de cet accord et de notre discussion d'aujourd'hui. Il s'agit d'autoriser l'approbation de l'accord signé le 30 septembre 2008 entre la France et l'Inde, accord qui a pour objectif de développer la coopération entre nos deux pays dans le domaine du nucléaire civil.
Cet accord fixe un cadre très large à la coopération entre l'Inde et la France, et il englobe tous les domaines liés à l'utilisation pacifique de l'atome, incluant le cycle du combustible et le retraitement des déchets. Cela me donne l'occasion de répondre par avance à ceux qui croiraient que nous pourrions garder les déchets : la loi du 28 juin 2006, dont j'ai été l'instigateur et le rapporteur, précise que les déchets venant de l'étranger ne peuvent être présents en France que pour le transit ou pour le retraitement, mais qu'ils doivent repartir dans le pays expéditeur.
Cela fait l'objet d'un accord intergouvernemental publié au Journal officiel.
L'accord qui nous est soumis garantit également que les activités bilatérales ne seront pas proliférantes. Il garantit, surtout, l'approvisionnement des centrales nucléaires. C'est ce à quoi l'Inde est particulièrement attachée parce que, aujourd'hui, ses centrales nucléaires tournent à 50 % de leur capacité, faute de la disponibilité de la matière première qui est le combustible. La France s'engage à fournir du combustible et à participer à une initiative de banque commune de combustible, ce qui répond à l'idée de non-prolifération.
J'aimerais vous donner également quelques éléments sur la situation énergétique de l'Inde. Ce pays importe 80 % de son pétrole. Ses besoins énergétiques, en 2006, étaient de 566 millions de TEP – ceux de la France sont de 274 millions de TEP. Ses émissions de gaz carbonique se sont élevées, en 2006, à 1 270 millions de tonnes, contre 377 dans notre pays. Son émission par habitant est de 1,1 tonne, contre 6 tonnes en France.
La production électrique de l'Inde était de 740 térawattheures en 2006, contre 569 térawattheures en France. Le secrétaire d'État l'a dit, dix-sept centrales sont en fonctionnement en Inde, d'une puissance d'environ 4 000 mégawatts. Six sont en construction. Elles sont de type bouillant, PWR. Je vous signale, à titre de comparaison, que la puissance installée en France est de quelque 63 000 mégawatts.
J'en viens au contexte. L'Inde dispose d'un arsenal militaire nucléaire, et elle n'a pas signé le traité de non-prolifération. C'est la raison pour laquelle elle a été tenue à l'écart de la coopération internationale. Néanmoins, la coopération civile est prévue par le TNP de 1968. D'ailleurs, la France ne l'a ratifié que récemment, ce qui ne l'a pas empêché d'avoir des coopérations dans le domaine du nucléaire civil.
Le 10 septembre 2008, les quarante-sept États membres du groupe des fournisseurs nucléaires, instance informelle qui fixe les règles en matière d'exportation de produits nucléaires, a décidé, à l'unanimité, de lever les restrictions concernant le commerce nucléaire avec l'Inde. Quels ont été les fondements de cette décision ?
D'abord, les engagements de l'Inde souscrits au titre de la non-prolifération, et la réaffirmation de son moratoire sur les essais nucléaires.
Ensuite, l'Inde soumet déjà dix de ses dix-sept réacteurs existants aux inspections de l'AIEA. Outre ces dernières, d'ailleurs, des caméras surveillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre tous les mouvements. Les bilans de transferts de matières radioactives – les stocks et les flux – sont également portés à la connaissance de l'AIEA.
Enfin, toute nouvelle infrastructure sera soumise au contrôle de l'AIEA.
Les besoins énergétiques futurs de l'Inde sont considérables. Aujourd'hui, la production électrique est essentiellement assurée par le charbon, avec les conséquences environnementales que l'on connaît. C'est sûrement l'une des raisons pour lesquelles, alors que ses besoins de production vont être multipliés par trois d'ici à 2030, l'Inde veut développer de nouvelles capacités électronucléaires, et peut-être multiplier par dix sa puissance actuelle, au moyen de vingt à trente réacteurs supplémentaires dans les années à venir. Ses besoins énergétiques devraient passer à 1 106 millions de TEP en 2030, contre 760 millions en 2015.
Par ailleurs, il est prévu que l'Inde rejettera, en 2030, 2 209 millions de tonnes de CO2. C'est, du reste, une des raisons pour lesquelles ce pays refuse tout accord contraignant dans le cadre du sommet de Copenhague.
J'en viens aux coopérations politiques. Depuis le 10 septembre 2008, l'Inde a signé sept accords de coopération nucléaire. Elle a ainsi conclu des partenariats généraux incluant la construction de centrales avec la Russie et les États-Unis et des accords sur les conditions de fourniture de matières premières pour ses centrales avec l'Argentine, le Kazakhstan, la Namibie et la Mongolie. La coopération politique s'accompagne de coopérations commerciales. En effet, toutes les grandes entreprises mondiales – russes, américaines, canadiennes, coréennes – ont obtenu des marchés, soit pour des centrales, soit pour la fourniture de combustibles. Comme M. le secrétaire d'État l'a rappelé, Areva a signé ce que l'on pourrait appeler un mémorandum de compréhension susceptible de conduire à la construction de deux EPR dans les années à venir. La France a donc tout intérêt à approfondir son partenariat avec l'Inde qui sera, à l'avenir, un acteur majeur en matière d'énergie nucléaire.
En conclusion, l'accord du 30 septembre 2008 a été rendu possible par la décision unanime des quarante-sept pays du groupe des fournisseurs nucléaires d'autoriser le commerce avec l'Inde. Celle-ci a noué avec les puissances nucléaires des partenariats qui ont eu des retombées commerciales immédiates. Or, notre industrie nucléaire est l'une des premières du monde ; je rappelle en effet qu'Areva est le premier fournisseur de services nucléaires aux États-Unis. C'est donc une opportunité pour le savoir-faire français. Au demeurant, plus les coopérations existeront, plus les relations entre les autorités de sûreté et les scientifiques se développeront, et plus l'Inde tendra à se rapprocher des standards internationaux de sûreté nucléaire.
Cet accord offre des garanties en matière de non-prolifération, compte tenu des engagements que l'Inde a pris vis-à-vis de l'Agence internationale de l'énergie atomique. A n'en pas douter, ce pays a la capacité et les infrastructures scientifiques nécessaires pour faire face au développement de cette énergie. C'est la raison pour laquelle votre commission des affaires étrangères vous recommande d'adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les points techniques de cet accord, que le rapporteur a excellemment présentés ; j'insisterai plutôt sur l'équilibre du partenariat ainsi noué et sur sa portée stratégique.
L'Inde, dont la population atteint actuellement 1,2 milliard d'habitants, va faire face à des besoins énergétiques considérables, puisque la demande d'énergie y progressera de plus de 3 % par an d'ici à 2030. À titre de comparaison, cette demande augmenterait de 0,3 % en Europe et de 0,4 % aux États-Unis, soit dix fois moins. Les réponses à apporter à cette explosion des besoins doivent tenir compte de deux éléments incontournables. Le premier est la dépendance de l'Inde vis-à-vis de l'extérieur. Le rôle trop important joué par le charbon oblige ce pays, qui en est pourtant le troisième producteur au monde, à importer des minerais. Malgré la présence de gisements sur son territoire, le pays importe également la quasi-totalité de son pétrole et de son gaz naturel. L'Inde pourrait devenir le troisième importateur mondial de pétrole dans quelques années. En second lieu, le réchauffement climatique impose le recours à des énergies moins polluantes. Les émissions indiennes de C02 pourraient tripler entre 2006 et 2030.
Ces simples éléments statistiques permettent de comprendre pourquoi l'Inde cherche à développer ses capacités électronucléaires : elle n'a pas d'autre choix si elle veut garantir sa sécurité énergétique. C'est tout l'objet du présent accord, qui accorde à l'Inde des garanties particulières en matière de sécurité d'approvisionnement, en contrepartie d'un contrôle accru de l'Agence internationale de l'énergie atomique.
Jusqu'à l'an dernier, il était impossible d'aider l'Inde dans ses projets nucléaires. Réunis au sein du groupe des fournisseurs nucléaires, les pays exportateurs s'interdisaient de transférer des éléments sensibles à un État qui n'aurait pas conclu, avec l'AIEA, un accord de garanties élargies, soumettant l'ensemble des installations nucléaires aux contrôles de l'Agence. Par leur décision unanime du 10 septembre 2008, les quarante-sept États membres de ce groupe ont décidé de faire une exception pour l'Inde, ce qui a permis d'accélérer un mouvement de coopération entamé depuis plusieurs années. Rappelons en effet que deux déclarations communes avaient été faites dès 2005, avec les États-Unis et la France, prévoyant de lancer des coopérations dans le domaine nucléaire. Ainsi, depuis le 10 septembre 2008, l'Inde a conclu sept accords de coopération nucléaire avec la France et les États-Unis, ainsi qu'avec la Russie, l'Argentine, le Kazakhstan, la Namibie et la Mongolie. L'empressement de tous les États nucléaires à nouer des relations avec l'Inde est significatif d'une évolution internationale majeure, dont il faudra tenir compte en droit.
En effet, aujourd'hui, le TNP engage les États à développer la coopération nucléaire, tout en leur demandant de lutter contre la prolifération. Les nombreuses difficultés soulevées par cette situation ne pourront être résolues qu'en associant tous les États nucléaires, y compris ceux qui ne sont toujours pas parties au traité. La conférence d'examen du TNP, prévue en 2010, est une occasion idéale pour entreprendre cette rénovation. Sans attendre, l'Inde a apporté des garanties notables en matière de non-prolifération, répondant par avance aux critiques faites au présent accord. La France peut donc participer, avec de réelles chances de succès, à la compétition pour l'attribution des marchés nucléaires indiens, sans craindre les conséquences en matière de prolifération. La commission des affaires étrangères recevra, du reste, Mme Anne Lauvergeon, la présidente du directoire d'Areva, le mercredi 9 décembre prochain, ce qui nous donnera l'occasion d'évoquer notamment les nouveaux marchés ouverts par l'entrée en vigueur de cet accord.
Avant de conclure, je souhaite élargir mon propos. Je crois avoir montré que les implications stratégiques du présent accord dépassent nos relations bilatérales. En réalité, elles dépassent même les discussions sur l'énergie nucléaire. En effet, cet accord est une des manifestations du rééquilibrage massif que le monde va connaître du fait des évolutions démographiques. Si l'Inde a besoin de produire plus d'énergie, c'est avant tout parce que sa population pourrait augmenter de 30 % au cours des quarante prochaines années. Les services de l'ONU estiment ainsi que le monde sera peuplé, d'ici à 2050, de plus de 9 milliards d'habitants. Dès 2025, la planète en compterait plus de 8 milliards. Cette croissance démographique sera inégalement répartie. L'Union européenne à vingt-sept comptera environ 15 millions d'habitants de moins en 2050 qu'en 2005, soit 470 millions d'habitants au total, alors que la population pakistanaise aura presque doublé dans la même période, pour atteindre 335 millions d'habitants. Entre 2005 et 2050, la population chinoise stagnera autour de 1,3 milliard, quand celle de l'Inde progressera de 1,2 à 1,6 milliard. Quant à la population du continent africain, elle passera de 1 milliard à 2 milliards d'habitants.
Afin que ces évolutions ne suscitent pas de problèmes insurmontables, il faudra imaginer les solutions pour offrir au plus grand nombre des conditions de vie décentes, tout en garantissant un développement économique et social durable. Il est essentiel de mieux cerner les difficultés et les tensions qui apparaîtront nécessairement. Je souhaite donc que la commission des affaires étrangères mène des travaux sur les implications de ces évolutions démographiques.
Pour ma part, j'estime qu'en prenant la tête du mouvement international de coopération pour l'utilisation pacifique de l'atome, la France contribue à résoudre certains des problèmes qu'induira le bouleversement démographique. C'est pourquoi je vous invite, comme l'a fait la commission des affaires étrangères, à voter en faveur du présent projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'Inde est devenue une puissance majeure au plan régional. Adossée à une démographie en forte expansion, elle fait désormais figure de moteur de la croissance mondiale. On ne peut que se réjouir du développement de ce pays, qui permet l'amélioration des conditions de vie de ses habitants, mais il recèle des défis considérables, au premier rang desquels figure la réponse à la demande énergétique.
En effet, l'essentiel de l'électricité indienne est actuellement produite par des usines à charbon. Or le développement de ces usines n'est ni envisageable compte tenu de la raréfaction des ressources, ni acceptable au regard de la lutte contre le changement climatique dans laquelle l'Inde s'est engagée avec détermination. En raison de ce cadre fortement contraint, l'Inde a fait le choix souverain de se tourner vers l'énergie nucléaire afin de maîtriser ses rejets de C02.
Toutefois, je regrette que l'accord que nous examinons aujourd'hui fasse l'objet d'une présentation sans nuance. Il est en effet indiqué que « le nucléaire constitue une source d'énergie sûre, respectueuse de l'environnement et durable ». Or, des incidents peuvent se produire faute de contrôle et cette énergie nécessite une matière première rare, qui est à l'origine de nombreux conflits. L'une des principales motivations de l'Inde est d'ailleurs de s'assurer, grâce à cet accord, un approvisionnement en uranium, ses centrales nucléaires ne fonctionnant qu'à 50 % de leurs capacités, faute de combustible.
L'accord signé en 2008 entre la France et l'Inde intervient au terme d'un renforcement de nos relations diplomatiques et d'un processus de dialogue constructif sur la question du nucléaire, processus dont je me félicite, tant ce pays est amené à jouer un rôle grandissant sur la scène mondiale et, peut-être, prochainement au sein du Conseil de sécurité de l'ONU. Toutefois, en dépit des convergences entre différentes instances de contrôle du nucléaire française et indienne, les transferts de matériaux et de technologies prévus par le présent accord de coopération ne me semblent pas dissiper totalement les craintes que peut susciter la sécurité des futures installations nucléaires civiles. Je pense à la vente de réacteurs EPR, alors même que les premières réalisations connaissent des difficultés soulignées par différentes autorités de sûreté nucléaire européennes. Je pense également aux déchets nucléaires, dont la gestion est insuffisamment encadrée par cet accord. Il serait en effet catastrophique que ces déchets tombent entre de mauvaises mains. Vingt-deux kilos de plutonium non recensés et non contrôlés, soit l'équivalent de cinq bombes atomiques, viennent d'être récemment découverts au centre nucléaire français de Cadarache. Si notre longue expérience de la filière nucléaire ne nous prémunit pas contre un tel incident, il est légitime de s'assurer que les autorités indiennes ont prévu des garde-fous. La défense de la filiale nucléaire publique française, actuellement menacée de dépeçage et de rachat par des firmes étrangères, ne peut que conduire à accroître le risque nucléaire dans ce pays asiatique.
Je souhaite profiter de ce débat pour revenir sur une problématique essentielle et intimement liée au développement du nucléaire civil, celle de la prolifération, que vous avez abordée, monsieur le secrétaire d'État. L'histoire du nucléaire et l'expérience des inspections de l'Agence internationale à l'énergie atomique nous enseignent, en effet, que le passage d'un versant civil à un versant militaire est difficilement contrôlable dans la phase d'enrichissement et de retraitement des combustibles. L'Inde n'avait-elle pas – certes, il y a plusieurs décennies – développé sa propre arme atomique à partir d'une installation civile ?
Au regard de la lutte contre la prolifération, cet accord suscite quelques interrogations : l'apport de matériau nucléaire fissile dans une région politiquement instable est-elle sans risque ? L'exception accordée par les pays fournisseurs du nucléaire à l'Inde, pays non signataire du traité de non-prolifération, ne remettra-t-elle pas en cause les efforts de contrôle de l'AIEA et les volontés de désarmement intégral ?
Certes, l'Inde est une démocratie installée, qui a accompli de grands progrès dans le contrôle des installations nucléaires. La séparation des activités civiles et militaires, l'acceptation des contrôles de l'Agence sur ses installations et le moratoire sur les essais nucléaires sont autant de signaux positifs, qui ont permis, en 2008, la signature d'un accord avec l'Agence internationale et le groupe des fournisseurs du nucléaire. Toutefois, cette nation demeure en conflit avec le Pakistan à propos du Cachemire, et leur affrontement récent a des effets palpables dans la région. On peut craindre une surenchère nucléaire, le Pakistan ayant déjà réamorcé son effort devant l'accroissement des stocks nucléaires indiens. Or, nous connaissons la particulière fragilité de l'État pakistanais, en butte aux attaques des talibans et gangrené par des réseaux de prolifération du nucléaire. De nombreux observateurs redoutent donc qu'à terme, une partie de cet arsenal puisse tomber aux mains de terroristes.
Par ailleurs, le renforcement de la coopération nucléaire civile avec l'Inde s'inscrit dans une inflexion de la politique américaine sur le continent asiatique, marquée par l'affaiblissement des liens avec le Pakistan. Comment le régime d'Islamabad pourra-t-il désormais défendre son alliance avec les États-Unis contre les talibans si le camp occidental soutient son voisin et ennemi ?
J'en viens aux effets d'une coopération civile avec l'Inde sur le contrôle international du nucléaire.
En 1968, les cinq pays détenteurs de l'arme atomique ont pris conscience du risque de prolifération de l'arme atomique et ont mis sur pied le traité de non-prolifération, qui sera réexaminé en mars 2010. Ce traité, certes révélateur des intérêts des grandes puissances, a offert un cadre pour lutter contre la prolifération, développer le nucléaire civil et oeuvrer au désarmement sous l'égide de l'AIEA.
Face aux programmes nucléaires lancés par l'Inde, le Pakistan et Israël via l'enrichissement de l'uranium, le principe d'une autorégulation des transferts nucléaires civils sous le contrôle de l'Agence a été accepté par le groupe des pays fournisseurs du nucléaire. Je suis inquiet que cette architecture de contrôle soit contournée par le présent accord, et de manière plus générale par le blanc-seing donné à l'Inde par les fournisseurs du nucléaire.
Je parle de blanc-seing car l'Inde devient le seul pays à bénéficier de la fourniture de matériaux et de technologies sans avoir signé le traité de non-prolifération. Il n'est pas acceptable que l'Inde soit encouragée de cette manière à demeurer en dehors du contrôle de la communauté internationale. En effet, seules les installations construites dans le cadre de cet accord seront soumises aux inspections de l'Agence. Le risque d'un détournement vers un usage militaire doit donc être pris très au sérieux, d'autant que l'accord que nous examinons prévoit en annexe une coopération dans le domaine de l'enrichissement et du retraitement.
Pour quelles raisons les pays se soumettraient-ils au traité de non-prolifération s'il est désormais possible d'obtenir le matériel nucléaire sans en être adhérent ? La crédibilité et l'impartialité de l'édifice onusien pourraient aussi être sapées par ce en quoi l'on peut voir deux poids, deux mesures. D'une main les membres du Conseil de sécurité transfèrent des technologies d'enrichissement du nucléaire à l'Inde et, de l'autre, ils font – à juste titre – pression sur l'Iran, adhérent au traité de non-prolifération, pour que l'enrichissement de son combustible soit délocalisé.
Cette évolution entre en totale contradiction avec le revirement stratégique des États-Unis de Barack Obama : l'abandon du bouclier antimissile et divers engagements pour le désarmement ouvrent la voie à la dénucléarisation dans un futur que nous espérons relativement proche. La résolution en faveur d'un monde libre d'armes nucléaires, soutenue par Washington devant l'ONU, doit, à cet égard, être saluée et l'ouverture mise à profit.
Comme vient de le souligner un rapport parlementaire de la commission des affaires étrangères, l'urgence est à conforter le traité de non-prolifération, non à l'affaiblir. L'arme atomique demeurant une épée de Damoclès au-dessus de la civilisation, je ne conçois pas que la France ne se place pas à la pointe des projets de renforcement du contrôle sur les exportations nucléaires et le désarmement.
Pour conclure, les efforts consentis par l'Inde pour se rapprocher de la norme de contrôle internationale sur le nucléaire doivent être salués comme tels, et il est du devoir des pays industrialisés de ne pas laisser ce pays seul face à un immense défi énergétique. C'est dans cet esprit que le groupe GDR a abordé ce projet de loi, même si certains de mes collègues du groupe se prononceront contre cet accord par refus du développement du nucléaire civil – c'est là l'expression de la diversité au sein de notre groupe.
Pour autant, il me semble difficile d'approuver cet accord sans exiger que l'Inde soit adhérente au traité de non-prolifération, car un signal négatif serait ainsi envoyé à la communauté internationale. C'est pourquoi notre groupe s'abstiendra sur ce texte.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le débat auquel nous sommes appelés par la ratification de l'accord nucléaire franco-indien se trouve au point de convergence de deux préoccupations majeures : d'une part, la sécurité collective, garante de la paix du monde ; d'autre part, les tendances nouvelles du développement économique, porteuses pour nos pays respectifs d'autant de chances que de risques. Dans le cas présent, l'ouverture proposée vers un développement des utilisations pacifiques de l'atome mêle des échanges scientifiques extrêmement complexes, dont la maîtrise est réservée aux spécialistes, et un choix politique dont les répercussions, notamment économiques, intéressent toute la société. Le rapport de notre collègue Claude Birraux donne toutes les précisions qui conviennent sur les procédures techniques encadrant la diffusion des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire.
Je voudrais, pour ma part, évoquer les raisons politiques qui justifient l'adhésion du groupe Nouveau Centre à l'accord dont il est proposé d'autoriser la ratification. Nous le savons bien, l'acquisition du « savoir nucléaire » est une affirmation de puissance politique. Dans le contexte de la confrontation bloc contre bloc, la volonté du général de Gaulle d'assurer et de maintenir l'indépendance nucléaire de la France a toujours eu une double explication stratégique, militaire comme économique. On se souvient d'ailleurs que la considération réciproque que se portaient le Pandit Nehru et le chef de l'État français se nourrissait de ce commun souci.
L'entrée en vigueur du traité de non-prolifération nucléaire peut être considérée comme une forme de stabilisation d'un rapport de forces favorable aux puissances nucléaires de l'époque, dans un contexte bipolaire encore dominant. Aujourd'hui, l'effondrement de l'ex-URSS a rendu complètement obsolètes les termes anciens de la dissuasion militaire. Certes, il n'a pas fait disparaître l'objectif de la non-prolifération des armements nucléaires, mais il a considérablement renforcé la volonté d'affirmation politique des pays dits émergents. C'est pourquoi il conduit à poser autrement le problème de la diffusion pacifique du nucléaire. Il ne permet plus de juger légitime une attitude de fermeture totale à une telle diffusion. Dans la mesure où, à un affrontement bilatéral se substitue la coexistence de plusieurs ambitions nourries par l'émergence économique, il est normal qu'on entoure de garanties négociées l'accès de puissances nouvelles, comme l'Inde, aux technologies nucléaires de pointe. Il légitime, du même coup, le rejet d'une politique agressive comme celle de l'Iran, dont tout donne à penser qu'elle s'inscrit non pas dans ce cadre d'ouverture négociée, mais dans une perspective qui met en péril la sécurité collective.
C'est une considération de cet ordre qui a poussé le président Bush, en 2005, à jeter les bases d'une coopération nucléaire entre l'Inde et les États-Unis. Le temps qui s'est écoulé entre cette ouverture de principe et la décision prise par le groupe des fournisseurs nucléaires de lever l'embargo sur les programmes de coopération nucléaire avec l'Inde, en septembre 2008, a été mis à profit pour définir, dans le cadre des instances internationales existantes, les mesures propres à assurer l'inscription du développement de l'énergie nucléaire par ce pays dans le cadre de garanties négociées que j'ai précédemment mentionnées. L'Inde a consenti, à cette occasion, un important effort pour se conformer aux principes qui ont inspiré le traité de non-prolifération et se plier aux procédures d'inspection internationale.
Son attitude est conforme à son intérêt bien compris. En effet, le rapport de la commission des affaires étrangères rappelle les besoins d'une économie indienne en pleine expansion, notamment les perspectives de croissance rapide de sa demande d'énergie. L'Inde a fait le choix de développer son parc d'installations nucléaires civiles et de miser sur la coopération internationale pour développer ses capacités énergétiques. Depuis la levée de l'embargo, ce sont ainsi pas moins de huit pays exportateurs de nucléaire qui ont conclu ou sont en passe de conclure avec l'Inde des accords du type de celui dont nous débattons. L'accord permettra ainsi à la France et à ses entreprises, dont l'expertise est reconnue en matière d'exploitation civile du nucléaire, de se positionner sur le marché indien, à l'heure où chacun sait que le rétablissement de notre balance commerciale est l'une des conditions de la reprise de l'activité économique.
Au-delà de cet aspect industriel, le développement de la coopération franco-indienne en matière nucléaire constituera, à n'en point douter, un levier privilégié de l'intensification de notre relation bilatérale.
Pour toutes ces raisons, le groupe du Nouveau Centre votera le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de coopération nucléaire franco-indien.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je me réjouis que nous puissions, à la demande du bureau de la commission des affaires étrangères, débattre aujourd'hui de cet accord entre la France et l'Inde sur l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire.
Cet accord est important à plus d'un titre. En premier lieu, il concerne l'Inde, immense pays dans tous les sens du terme, avec lequel la France a mis en place, depuis maintenant de nombreuses années, un partenariat stratégique. En second lieu, il concerne le développement d'une énergie – l'énergie nucléaire – dont notre pays est un des leaders mondiaux incontestés. Nos intérêts économiques et commerciaux sont donc tout particulièrement concernés par la ratification cet accord,
Je ne reviendrai pas sur les différents aspects techniques que notre rapporteur Claude Birraux a fort bien décrits. Je souhaite en revanche faire quelques remarques qui me paraissent importantes et susceptibles d'expliquer pourquoi le groupe UMP soutient sans réserves cet accord.
À moins de quinze jours de la conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique – la conférence de Copenhague, qui se tiendra du 7 au 18 décembre prochain –, cet accord tient toute sa place. En effet, comme l'a rappelé le rapporteur, l'Inde compte plus d'un milliard d'habitants – 1,2 milliard – et sa croissance est continue et régulière. Ses besoins énergétiques augmentent de manière extrêmement rapide, et ce pays est déjà, à l'heure actuelle, le sixième émetteur mondial de gaz à effet de serre.
L'Inde utilise en grande majorité le charbon pour répondre à ses besoins énergétiques croissants : 70 % de sa production électrique provient des centrales à charbon. Moins de 3 % de sa production électrique est d'origine nucléaire, cette électricité étant fournie par dix-sept réacteurs de taille moyenne. Ce pays, qui souhaite faire des efforts substantiels afin de réduire son impact sur le réchauffement climatique de la planète, a donc fait le choix du développement de son parc électronucléaire.
Un tel choix lui permet de concilier, d'une part, sa volonté de maîtriser sa dépendance et sa croissance énergétique, d'autre part, sa volonté de participer aux efforts collectifs en matière de lutte contre la dégradation climatique. Les résultats du sommet de Copenhague sont loin d'être acquis, même si nous espérons tous, sur ces bancs, un accord ambitieux. Le représentant de la Commission européenne aux négociations climatiques évoquait, début novembre, un possible accord dans les trois à six mois suivant la Conférence !
Nous l'avons constaté il y a encore quelques jours, l'Europe, pourtant en pointe sur ce sujet, a du mal à chiffrer sa participation effective à l'aide qu'il faut accorder aux pays émergents. Nous sommes loin du temps où l'Union affirmait qu'elle prendrait sa juste part au financement de la lutte contre le changement climatique ! Ces querelles de chiffres et de répartition du fardeau pèseront sans nul doute sur les négociations.
Face à ces enjeux vitaux pour notre planète, la France se doit d'apporter une aide aux pays qui souhaitent développer de manière pacifique et contrôlée leur capacité nucléaire civile. C'est dans ce sens que nous pensons que cet accord est essentiel. Certes, l'énergie nucléaire suscite des débats, entre autres sur le traitement et le stockage des déchets, mais elle est reconnue comme étant actuellement une source d'énergie peu polluante et dont l'impact sur l'environnement est réduit.
Comme l'a rappelé le rapporteur, cet accord prévoit, dans son article 1er, une coopération dans la recherche fondamentale, le développement et l'utilisation des applications de l'énergie nucléaire, ainsi qu'en matière de gestion des déchets, de sûreté nucléaire, de radioprotection et de protection de l'environnement.
Mes chers collègues, nous le savons, cet accord résulte d'un long cheminement de l'Inde et prend une dimension toute particulière à l'heure où la communauté internationale poursuit des négociations difficiles avec un pays tel que l'Iran, suspecté de procéder, derrière la mise en place d'un parc électronucléaire civil, au développement de l'atome à des fins militaires – la vocation militaire du nucléaire nord-coréen n'étant plus, elle, à démontrer depuis des années !
Paradoxalement, la puissance indienne a fait le contraire, puisque dès 1974, elle procède à un premier essai nucléaire issu d'un programme entamé sur des bases civiles dès l'indépendance du pays, avec l'aide des États-Unis et du Canada. L'Inde ne s'est réellement lancée dans un programme militaire que lorsque la Chine a atteint, en 1964, le statut de puissance nucléaire. Ses derniers essais remontent à 1998.
Ce premier essai de 1974 lui vaut d'être exclue du traité de non-prolifération, que le Premier ministre Indira Ghandi avait refusé de signer dès 1969. C'est d'ailleurs en 1974, à la suite de cet essai, que s'est créé le groupe des fournisseurs nucléaires – le GNF –, qui regroupe aujourd'hui quarante-sept pays et a pour objectif de mettre en place un régime commun sur les transferts des biens et technologies nucléaires.
En 1992, le GFN a adopté une règle générale selon laquelle aucune exportation de technologie nucléaire n'interviendrait en faveur d'États n'ayant pas accepté les garanties généralisées de l'AIEA, c'est-à-dire le placement de la totalité de leur programme nucléaire sous son contrôle.
Avec les rapprochements diplomatiques opérés entre l'Inde et les États-Unis et d'autres pays occidentaux dont la France, la nécessité de faire évoluer le cadre de la coopération s'est fait sentir dès le milieu des années 2000.
En 2006, le Parlement indien vote un plan de séparation entre ces activités nucléaires militaires et civiles. Les activités civiles seront soumises aux garanties de l'AIEA. Aux vues de ces nouvelles garanties – inspections des dix installations sous garantie, mise sous garantie de tous les futurs réacteurs civils à construire – le GFN ouvre la voie à la coopération avec l'Inde en septembre 2008. Si cette décision est possible, c'est en raison des engagements indiens – maintien entre autres de son moratoire sur les essais nucléaires, collaboration à un futur traité d'interdiction de production de matière fissile –, mais aussi parce qu'est reconnu le caractère non proliférant du programme nucléaire indien.
Dans les mois qui suivent, l'Inde signe des accords avec sept pays différents dont les États-Unis, la Russie, le Kazakhstan, la Namibie, l'Argentine. Le pays négocie aussi actuellement avec le Canada.
C'est dans ce cadre qu'est signé l'accord que nous sommes chargés de ratifier aujourd'hui. Les engagements pris par ce pays rapprochent l'Inde du système de non-prolifération en vigueur.
Mes chers collègues, dans un domaine, le nucléaire civil, où la France est un des leaders incontestés, nous ne pouvons nous permettre de rester en dehors de cette coopération. Il en va de nos intérêts économiques.
L'accord que nous examinons aujourd'hui nous apporte les garanties nécessaires et indispensables, il nous autorise à coopérer avec un grand pays émergent ami, soucieux de maîtriser sur le long terme sa production et sa consommation d'énergie.
Notre message est clair : le développement du nucléaire civil, sous contrôle de l'AIEA et dans le respect des règles de non-prolifération édictées par la communauté internationale, peut être une solution énergétique pour les pays émergents. C'est le sens du soutien du groupe UMP à cet accord. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cet accord se situe dans le cadre plus large de la problématique énergétique, qui est redevenue au fil des années – mondialisation de la croissance aidant – une question stratégique centrale. C'est donc au regard aussi de cet aspect que nous devons examiner l'accord qui nous est présenté, tant il n'est pas imaginable que la France, tout comme d'ailleurs les autres nations concernées par ces sujets, puissent définir leurs actions uniquement au cas par cas. Elles doivent naturellement l'envisager en fonction du retentissement que ces initiatives peuvent avoir plus globalement sur la stratégie énergétique qui doit être menée dans un cadre européen et mondial.
Commençons par les enjeux. Ceux-ci sont considérables et ne se limitent pas aux relations franco-indiennes. Je n'insisterai pas sur les enjeux environnementaux et sur l'importance que revêt la nécessité de développer toutes les formes d'énergie propre. C'est sur ce point qu'il faudra insister à Copenhague.
Les enjeux sont également diplomatiques et, en l'occurrence, stratégiques. S'agissant de l'Inde, et plus globalement de l'ensemble des pays qui cherchent à accéder au statut de puissance nucléaire à travers le nucléaire civil, il est évident que la France et l'Europe doivent considérer cette revendication avec attention. À travers le contrôle du charbon pour la Grande-Bretagne, puis du pétrole pour les États-Unis tout au long du XXe siècle, l'énergie a été le moyen du leadership mondial. L'Europe ne devrait-elle pas se demander comment elle pourra tenir son rôle dans le nouvel ordre mondial, à travers la maîtrise non seulement de l'énergie nucléaire mais également des énergies de demain ? C'est aussi la question que pose ce débat.
On ne peut pas non plus écarter les problèmes de sécurité et les conséquences sur le nucléaire militaire tant la frontière entre ce dernier et le nucléaire civil est devenue ténue. On le voit bien à propos de l'Iran et on le sait aussi, au moins pour une part, s'agissant de l'Inde. Cette question doit donc être envisagée dans le cadre d'une réflexion plus globale sur l'avenir du traité de non-prolifération. Très récemment, Jean-Michel Boucheron et Jacques Myard ont évoqué devant la commission des affaires étrangères la nécessité de revoir la configuration de ce traité et de sortir de l'hypocrisie qui fait qu'un certain nombre de pays qui développent aujourd'hui les technologies nucléaires à usage militaire sont en dehors du dispositif qui a été négocié. Il est indispensable de pouvoir progressivement les y intégrer.
On sait que la question se pose pour l'Inde, d'autant que toutes les aides qui peuvent être apportées à ce pays, tel l'accord signé par le Président Bush en 2006 ou le présent accord, sont orientées, certes, vers le nucléaire civil, mais ont des conséquences sur le nucléaire militaire puisque cela libère du potentiel pour développer cette activité à travers les transferts de technologies et de matière.
Il est donc nécessaire de redéfinir assez rapidement une stratégie à la fois internationale et nationale pour ne pas être dans l'ambiguïté. L'accord de 2006 signé par les Américains puis ceux qui ont suivi, et qui ont donné lieu à des évolutions, notamment sur le groupe des fournisseurs nucléaires, posent la question de savoir comment doivent, être traités des pays ayant développé leur activité nucléaire en dehors du traité pour obtenir ensuite une reconnaissance sans qu'il puisse y avoir de réactions particulières de la part des grandes puissances ou des pays ayant signé les traités. Il faut sortir rapidement de cette ambiguïté.
Au-delà des enjeux, il y a l'accord lui-même, que les députés socialistes ont adopté en commission. Ils considèrent que la France a toutes les raisons de s'impliquer dans cette coopération. Compte tenu du rôle que l'Inde est amenée à jouer dans le monde dans les années à venir, la France et l'Europe doivent évidemment compter parmi ses partenaires. Il est nécessaire également d'accompagner l'Inde dans son processus de croissance, qui est considérable et qui s'accompagne d'une demande croissante d'énergie et d'électricité. Le besoin en matière d'énergie va ainsi doubler dans les vingt prochaines années et le besoin en matière d'électricité va être multiplié par cinq. Or, dans le même temps et du fait de la taille de ce pays et de la nature de ses activités, l'Inde est le cinquième ou sixième pays rejetant le plus de dioxyde de carbone. Aider l'Inde à trouver des solutions alternatives en matière de production d'énergie et d'électricité constitue donc un enjeu important.
Pour autant, et pour mettre quelques bémols, on peut regretter que nous nous concentrions essentiellement, voire presque exclusivement, sur l'utilisation d'un savoir-faire qui nous est reconnu, celui d'Areva, sur le nucléaire civil. Pourquoi ne pas développer aussi nos efforts dans d'autres secteurs, ce qui suppose des choix politiques en France et en Europe, pour ne pas laisser à d'autres pays le monopole de telles initiatives ? Pourquoi ainsi ne pas développer plus fortement nos investissements et notre capacité d'exportation sur d'autres technologies énergétiques, comme le solaire et l'éolien pour ne prendre que ces deux exemples ? Pourquoi ne mettons-nous pas autant d'énergie à vendre des panneaux photovoltaïques et des éoliennes que nous en mettons à vendre nos EPR, sachant que ceux-ci soulèvent toujours toute une série d'interrogations ? Je pense par exemple au retraitement des déchets. Comme beaucoup de mes collègues, je ne peux donc pas souscrire à l'appréciation dithyrambique portée sur l'énergie nucléaire dans le préambule de cet accord sans émettre quelques réserves.
S'il faut considérer notre politique avec l'Inde et, de manière générale, d'exportation de notre compétence en matière de nucléaire civil, en fonction des grands enjeux que j'ai évoqués, il faut aussi l'apprécier dans le cadre des limites qui doivent être appliquées à l'usage du nucléaire civil. Je rappelle que l'organisme d'études sur la sécurité en Europe a fait valoir à plusieurs reprises que le nucléaire ne pouvait pas être la solution de substitution au charbon, par exemple, compte tenu de ces limites.
Sous ces réserves, nous approuverons cet accord de coopération. Notre groupe est prêt à y souscrire. Mais nous souhaiterions que, sur les points que j'ai évoqués, le Gouvernement s'inscrive dans une stratégie globale, prenne en compte les limites du nucléaire et diversifie notre politique d'exportation. Nous aimerions qu'il nous apporte, aujourd'hui ou dans les mois à venir, des réponses claires à travers des décisions, des initiatives et des orientations qui puissent, elles aussi, recueillir notre approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Le débat a été de grande qualité et les points importants qui ont été soulevés méritent réponse. C'est le jeu normal de la démocratie.
Je veux d'abord rendre hommage au travail du rapporteur, M. Birraux, qui a présenté la totalité du dossier de façon très claire et très complète, ainsi qu'à celui du président de la commission des affaires étrangères, qui a eu raison d'insister sur la dimension démographique du problème. Il existe en effet une corrélation directe entre le taux de croissance et le taux de consommation énergétique, et c'est naturellement fonction de la poussée démographique. C'est tout l'enjeu de Copenhague sur la clé de répartition.
Monsieur Asensi, vous y êtes allé un peu fort dans votre attaque de la sécurité du réacteur EPR. Il n'y a pas d'énergie et d'industrie qui soient soumises à autant de systèmes de contrôle que le nucléaire. Certes, la mise au point d'une nouvelle filière de réacteurs est toujours compliquée ; c'est comme la mise au point d'un nouvel avion, d'une nouvelle fusée. Mais de là à parler de problèmes d'insécurité, c'était un peu fort…
De même, vos allégations sur le dépeçage de la filière nucléaire me paraissent frappées au coin de l'exagération.
Il nous faut, au contraire, parvenir à constituer – et c'est difficile – une équipe de France du nucléaire. Face à l'importance des commandes et du développement du nucléaire dans le monde, il nous faut mettre en place un système industriel extrêmement porteur pour l'ensemble de notre économie. Les commandes sont nombreuses. Or une centrale, c'est un coeur nucléaire mais pas seulement : c'est aussi du BTP, des turbines, de la distribution d'énergie et de la formation d'ingénieurs pendant des années. C'est tout cela qu'il faut construire à l'échelle du pays de façon très efficace pour un cycle de redémarrage du nucléaire à travers le monde. Monsieur Asensi, c'est donc tout l'inverse de ce que vous disiez en évoquant le dépeçage de l'industrie nucléaire française.
À propos de la disparition de 22 kilogrammes de plutonium à Cadarache, je ne peux pas passer sur des affirmations qui pourraient laisser le champ libre à beaucoup d'interrogations ou de malveillances. De quoi s'agit-il ? Comme vous le savez, une procédure judiciaire a été engagée par l'autorité de sûreté. Je n'entrerai donc pas dans le détail, car cela ne serait pas conforme au droit. Je peux dire en tout cas qu'il s'agit du démantèlement d'une unité de retraitement intitulée Magenta.
Nous travaillons au démantèlement de quelque 400 cellules depuis vingt-quatre mois. Or cela implique une marge d'incertitude entre la prévision et le résultat effectif de production de matière. Les chiffres précis ont été communiqués à l'Agence de sûreté nucléaire : il s'agit de pourcentages infinitésimaux par rapport aux quantités de matière traitées dans ces cellules de retraitement. De telles incertitudes ont toujours existé en ce domaine. Monsieur Asensi, nul n'est parti avec un fût de 20 kilos de plutonium ! Il y a toujours une marge d'incertitude quand vous traitez les matières, que ce soit au niveau de l'enrichissement, du retraitement ou du conditionnement des déchets, surtout sur des quantités importantes.
Par ailleurs, monsieur Asensi, il y a un moment dans votre discours où j'ai un peu souri. En effet, vous avez dit qu'il était très grave de faire ce cadeau à l'Inde, parce qu'il y avait ainsi deux poids deux mesures. Vous n'avez pas tort : il s'agit bien d'une exception au régime de non-prolifération. C'est très grave, avez-vous dit, parce que cela va déstabiliser le Pakistan, déjà soumis à la pression des talibans. Sur ce point aussi vous avez raison.
Mais il y avait comme une nostalgie dans votre description géopolitique. Qu'il était beau, sembliez-vous dire, le temps où l'Union soviétique s'occupait de l'Inde et les États-Unis du Pakistan (Sourires),…
…avec d'ailleurs le succès que l'on sait, puisque l'Amérique a inondé le Pakistan de F-16 et d'argent pendant des décennies, ce qui n'a jamais empêché Ali Bhutto de promettre qu'il construirait la bombe nucléaire. Et il l'a fait, avec l'aide, comme vous le savez, d'autres pays, qui se sont, eux, livrés à la prolifération nucléaire. Je pense notamment à la Chine. À cet égard, des documents qui viennent d'être publiés montrent à quel point la coopération entre ces pays a été loin.
Nous ne sommes pas du tout dans un tel cas de figure et il est important de le comprendre. Plusieurs d'entre vous l'ont remarqué, notamment Mme Fort. Quand il est question des connexions entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire, il faut savoir exactement de quoi l'on parle. L'Inde est le seul pays qui a proliféré à partir d'un programme nucléaire civil. Elle a utilisé, pour cela, du plutonium produit par des centrales très particulières, les CANDU, livrées à l'époque par le Canada et qui sont très plutonigènes.
Tous les autres programmes nucléaires militaires – y compris le nôtre – ont été conduits à partir d'unités dédiées, en général de petite taille, et qui ciblaient la fabrication de plutonium ou d'uranium le plus enrichis possible. Pour ce faire, monsieur Asensi, et vous le savez bien, on n'a pas besoin de centrales électronucléaires du type EPR ou PWR, qui fabriquent des quantités très importantes de barreaux de combustible irradié et sont soumises aux caméras de l'AIEA. Ce n'est pas ce qu'il y a de plus pratique !
Si vous voulez vraiment réaliser un programme nucléaire militaire, vous ne passez pas par un programme d'énergie nucléaire civile.
Regardez d'ailleurs ce qui se passe dans le monde. En Corée du Nord, il n'y a pas vraiment de programme d'énergie nucléaire civile. En Iran, il existe une centrale nucléaire, en construction depuis trente-cinq ou quarante ans, d'abord réalisée par l'Allemagne, puis par la Russie, mais qui n'est toujours pas en état de marche. Ce pays possède d'abondantes ressources en gaz et en pétrole. Pourtant, on y trouve des petites unités, composées soit de réacteurs de recherche, soit – et c'est surtout de cela qu'il s'agit – d'unités d'enrichissement de l'uranium. On a découvert dernièrement que certaines sont enterrées sous des montagnes, ce qui n'est pas tout à fait le signe de programmes civils visant au développement de l'électricité nucléaire !
Soyons donc clairs : le Pakistan a proliféré par le biais d'un programme militaire. L'Inde, quant à elle, était partie, comme l'a très justement rappelé Mme Fort, d'un programme civil. Elle s'était arrêtée, mais a redémarré dans les années quatre-vingt-dix, dans le cadre de la course aux armements avec le Pakistan, pour des raisons de compétition locale.
Il faut espérer que cette situation est aujourd'hui stabilisée. C'est la raison pour laquelle la France a pris toute une série de mesures. Le présent accord de coopération avec l'Inde vise à traiter l'aspect économique et climatique du problème. Quant à l'aspect sécuritaire, c'est tout l'enjeu de notre relation avec le Pakistan. Nous avons pris langue avec ce pays ; nous essayons de participer à la stabilité de cette région, y compris par notre présence en Afghanistan. (M. Daniel Paul marque son scepticisme.) Je vous renvoie aux propos du Président de la République sur l'importance qu'il y a à stabiliser la situation en Afghanistan et à ne pas laisser l'instabilité gagner un pays doté de la puissance nucléaire.
Je veux en outre remercier M. Rochebloine, qui a justement rappelé le dilemme que constitue l'exception au traité de non-prolifération, et le temps qu'il a fallu, entre 2005 et 2008, pour parvenir à la créer. Cela ne veut pas dire qu'il faille abandonner ce traité ou considérer qu'il est condamné. Bien au contraire, nous travaillons tous à le maintenir.
Enfin, monsieur Gorce, je crois avoir répondu à vos observations sur le lien entre les énergies nucléaires civile et militaire et sur la manière dont on passe de l'une à l'autre.
Vous m'avez également interrogé pour savoir si la France voulait pousser au développement d'autres énergies. Vous savez bien que c'est le cas. Vous avez d'ailleurs raison de dire que nous devons être plus actifs pour l'exportation d'autres technologies. En ce qui me concerne, je fais partie de ceux qui regrettent que l'Allemagne nous ait dépassés en matière d'éoliennes et de solaire. Quant aux cellules photovoltaïques, monsieur Gorce, savez-vous que celles que nous utilisons sont fabriquées en Chine ? Il y a donc, en effet, beaucoup à faire dans ces domaines où nous avons pris du retard.
Cela n'a d'ailleurs rien à voir avec le clivage droite-gauche : il convient, pour développer ces énergies, de mobiliser l'ensemble de notre pays.
Je dois d'ailleurs dire que, moi aussi, j'espère qu'en matière de politique industrielle – et notamment celle qui sera conduite grâce au grand emprunt –, beaucoup sera fait dans ces domaines. Les décisions ne sont pas encore prises, mais il y a là quelque chose de très important.
Pour conclure, je voudrais naturellement remercier les groupes SRC, NC et UMP de nous apporter leur soutien sur ce texte. Je regrette que le groupe GDR ne soit pas avec nous. En effet, si j'ai bien compris, il va s'abstenir, voire voter contre, suivant les sensibilités qui s'expriment en son sein.
Je vous rappelle simplement qu'au Sénat nous avions recueilli l'unanimité pour la ratification de cet accord,…
…et j'aurais souhaité qu'il en aille de même ici, mais je remercie chacun de l'excellente qualité de ce débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Sur l'article unique, je suis saisi de demandes d'explications de vote.
La parole est à M. Patrick Roy.
Je voudrais dire à M. le secrétaire d'État que, dans cet hémicycle où les échanges sont souvent virulents, parfois orageux, il est aussi agréable d'examiner des textes plus consensuels. Je crois que cela fait du bien à tout le monde…
…et c'est le cas du présent texte, qui concerne l'accord avec l'Inde pour le développement du nucléaire civil.
Je souhaite non pas émettre des réserves – puisque, vous le savez, le groupe SRC votera ce texte –, mais rappeler quelques-unes de nos priorités. En particulier, le préambule de l'accord fait tout de même la part un peu belle – trop belle – au nucléaire, comme M. le secrétaire d'État a d'ailleurs eu l'honnêteté de le dire. Or il existe d'autres énergies tout à fait intéressantes, qu'il faut développer et sur lesquelles la France n'est pas toujours en pointe. Sur ce sujet, j'ai donc été assez heureux d'entendre les derniers propos tenus par M. le secrétaire d'État.
Ce débat est aussi important parce qu'il aborde un sujet ayant une portée historique. L'histoire, vous le savez, ce sont des évolutions lentes marquant des territoires, voire la planète tout entière. Or, après l'époque du charbon et celle du pétrole, nous entrons de plain-pied dans une ère nouvelle, au cours de laquelle la question de l'énergie va déterminer les convergences et les équilibres dans le monde. Nous pensons que l'Europe – avec, bien évidemment, la France au premier rang – doit prendre toute sa place pour le développement de ces énergies nouvelles.
En ce qui concerne l'accord avec l'Inde, il faut que nous puissions continuer à développer nos relations économiques avec un pays comptant parmi les plus importants du monde,…
…en raison de sa taille, mais aussi – et surtout – du grand développement technologique qu'il connaît, avec des performances remarquables dans beaucoup de domaines. Il va de soi que l'industrie française ne peut pas être absente de ce développement.
Je conclurai, monsieur le président, en disant que nous voterons, malgré les précisions que je viens d'apporter, cet accord sur le développement du nucléaire civil avec l'Inde.
Je voudrais rassurer M. Lellouche, à supposer que ce soit possible : je ne suis pas du tout un nostalgique de l'Union soviétique et du socialisme réel ! (Sourires.)
Pour votre information, j'étais, dans une vie antérieure, un des dirigeants du parti communiste français, membre de son comité central. Mais, pour avoir demandé qu'il rompe avec le parti communiste de l'URSS, j'en ai été exclu !
Vous voyez donc que j'ai toutes les raisons d'être serein dans ce débat. Je me félicite de l'existence d'un monde multipolaire et de l'évolution que connaît l'humanité. En ce qui concerne toutefois les nuances que j'ai soulignées, je redirai que notre groupe se félicite de cette coopération avec l'Inde, eu égard aux questions de démographie et de lutte contre les gaz à effet de serre, sans oublier la place que doit avoir ce pays. La seule raison qui nous conduit à nous abstenir sur ce texte, à la différence des sénateurs communistes, tient justement à l'exception par laquelle l'Inde, bien que n'étant pas signataire du traité de non-prolifération, va bénéficier de cet accord.
C'est une nuance, mais je ne crois pas qu'il soit interdit d'en avoir ! Rien n'est jamais blanc ou noir. Le groupe GDR va donc s'abstenir sur ce texte, même si, au sein de notre groupe, lors d'un débat très riche ce matin, certains députés ont exprimé le souhait de le voter.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
Tiens ! M. Daniel Paul a voté pour le texte ! C'est la diversité dans le groupe GDR. (Sourires.)
Article unique
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est immédiatement reprise.)
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi organique, modifié par le Sénat, relatif à l'application de l'article 61-1 de la Constitution (n° 2006).
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le texte qui vous est soumis aujourd'hui en deuxième lecture met en oeuvre le mécanisme d'exception d'inconstitutionnalité prévu par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008.
La question prioritaire de constitutionnalité permet au justiciable de contester la constitutionnalité d'une loi au regard des exigences posées par la Constitution. C'est une avancée démocratique considérable, qui consacre aussi, en fin de compte, la vocation première de notre bloc de constitutionnalité : protéger les libertés et les droits fondamentaux des citoyens.
Le texte soumis à votre examen en deuxième lecture a été adopté à l'unanimité au Sénat. Avant cela, la discussion en première lecture, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, a été marquée par un véritable esprit de consensus, qui s'est élevé très nettement au-dessus des clivages partisans.
Le résultat en a été que les échanges entre le Gouvernement et le Parlement se sont révélés constructifs. Chacun a pu participer au débat, dans le cadre de ses fonctions, avec un sens partagé de l'intérêt général.
Je tiens à souligner que les commissions des lois des deux assemblées ont effectué un travail remarquable sur le texte. Je veux saluer l'investissement personnel de leurs rapporteurs respectifs, qui ont su poser les vraies questions et apporter des réponses constructives sur l'ensemble des enjeux.
Au final, je considère que le texte que nous examinons aujourd'hui a gagné en clarté, en lisibilité, mais aussi en cohérence par rapport au texte initial.
Je ne reviendrai pas longuement sur ce texte qui vous est désormais bien connu, puisque nous l'avons examiné en commission et en séance ; je voudrais seulement en rappeler les principaux objectifs.
Le premier de ces objectifs est d'assurer la cohérence de la question prioritaire de constitutionnalité avec les principes de notre droit.
Nous le faisons d'abord en garantissant la primauté de la Constitution sur les règles de droit interne. Désormais, le moyen tiré de l'inconstitutionnalité d'une loi pourra être soulevé au cours de toute instance devant toute juridiction, qu'elle relève du Conseil d'État ou de la Cour de cassation. La question sera traitée prioritairement, avant tout moyen tiré de la méconnaissance d'une norme internationale : le contrôle de constitutionnalité aura bien priorité sur le contrôle de conventionnalité.
Nous le faisons ensuite en assurant la conformité de la question prioritaire de constitutionnalité aux principes de notre organisation juridictionnelle. Le texte respecte le principe de spécialité des juridictions : les juridictions judiciaires et administratives vérifient la compatibilité entre les lois nationales et les normes internationales ; le Conseil constitutionnel vérifie la conformité de la loi à la Constitution. Les cours souveraines demeurent des cours souveraines, tandis que le contrôle du Conseil constitutionnel demeure abstrait – c'est-à-dire qu'il ne s'occupe pas des problématiques concrètes du fond du dossier – et limité à la seule question de constitutionnalité posée.
Le deuxième objectif de ce texte est d'assurer la pleine effectivité du mécanisme par des règles de procédure adaptées. Vous le savez, je ne répète donc que très rapidement : le texte prévoit un filtre à deux degrés.
L'examen de la question de constitutionnalité par le premier juge saisi vise à déterminer si le moyen est opérant. L'examen de la question par les cours souveraines détermine si le moyen est pertinent.
Les décisions de transmission des juridictions de fond sont des décisions juridictionnelles. Elles doivent donc être motivées. Sur ce point, le texte adopté par le Sénat lève toute ambiguïté.
La procédure, même filtrée, doit aussi s'inscrire dans un délai raisonnable : nous avons eu la préoccupation d'éviter que le contrôle de constitutionnalité ne devienne un moyen dilatoire. Le juge examinera la question « sans délai », c'est-à-dire dès qu'il sera en mesure de le faire.
La solution retenue par le Sénat prend en compte tous les paramètres de la procédure : l'exigence de célérité bien sûr, mais aussi le risque d'engorgement des cours et le risque de perte d'efficacité du filtrage en cas de délai trop strict.
Conformément à ce que l'Assemblée nationale a décidé en première lecture, les cours souveraines disposeront d'un délai de trois mois pour examiner les questions de constitutionnalité. À l'expiration de ce délai, le Conseil constitutionnel se trouvera, le cas échéant, saisi de plein droit de ces questions. Toute question examinée par le Conseil constitutionnel aura ainsi été examinée par un juge du fond, dans des délais garantissant l'efficacité du dispositif et la maîtrise des délais de jugement. Les exigences posées par le constituant sont donc satisfaites.
Je crois inutile de rentrer davantage dans le détail de ce texte que vous connaissez parfaitement. Je veux simplement souligner que le texte soumis aujourd'hui à votre examen en deuxième lecture apporte de véritables garanties nouvelles au justiciable. En renforçant concrètement la protection des droits et libertés du citoyen, il répond aux exigences posées par la Constitution – c'est la moindre des choses. Au-delà, en assurant l'effectivité du mécanisme, en veillant au délai raisonnable des procédures, en préservant l'autorité de la loi, ce texte concilie ambition et réalisme afin de mieux protéger les droits des citoyens.
Toutes les conditions sont, je crois, réunies pour que ce texte marque un progrès pour la justice et une avancée pour le justiciable, tout en réaffirmant fortement les principes de l'État de droit que nous avons voulu et construit ensemble pour la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Pierre Schosteck, suppléant M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi organique relatif à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, qui avait été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 14 septembre 2009, nous revient aujourd'hui du Sénat qui l'a adopté le 13 octobre dernier.
Nous avons, en première lecture, effectué un travail d'analyse approfondi et, dans un large consensus, apporté au texte initial un certain nombre de compléments, avec le souci constant de rendre le dispositif de la question de constitutionnalité plus opérationnel.
L'Assemblée nationale a souhaité affirmer clairement qu'une question de constitutionnalité doit être examinée par les juridictions avant la question de conformité d'une disposition législative aux engagements internationaux conclus par la France. Elle a pour cela réécrit la disposition relative à la priorité d'examen, et également rebaptisé la question « question prioritaire de constitutionnalité ».
L'Assemblée nationale a également modifié les critères devant être utilisés par les juridictions pour transmettre aux juridictions suprêmes, puis pour renvoyer au Conseil constitutionnel, une question de constitutionnalité, afin de permettre à cette question de porter sur toute disposition législative applicable au litige.
L'Assemblée nationale s'est penchée sur les délais d'examen des questions de constitutionnalité par les juridictions de chacun des deux ordres de juridiction puis par les juridictions suprêmes. Afin d'éviter toute utilisation dilatoire de cette nouvelle procédure, il a été retenu un délai maximal d'examen de deux mois devant les juridictions saisies, et de trois mois devant le Conseil d'État et la Cour de cassation. Pour rendre ces délais pleinement opérationnels, l'Assemblée nationale a également introduit une disposition permettant une transmission de la question à défaut de réponse dans les délais par la juridiction.
L'Assemblée nationale a également étendu le dispositif de la question prioritaire de constitutionnalité aux lois du pays de la Nouvelle-Calédonie.
Enfin, concernant l'examen de la question de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel, l'Assemblée nationale a souhaité restreindre aux seuls Président de la République et Premier ministre la faculté de transmettre au Conseil constitutionnel des observations sur une question dont il serait saisi. L'Assemblée a également prévu qu'une question renvoyée au Conseil constitutionnel devrait en toute hypothèse être examinée par lui, quel que soit le sort de l'instance à l'occasion de laquelle la question a été soulevée.
Le Sénat a, dans une très large mesure, approuvé les choix faits en première lecture par l'Assemblée nationale et apporté les modification suivantes : il a prévu une motivation de toutes les décisions des juridictions relatives à la transmission ou au renvoi des questions prioritaires de constitutionnalité ; il a étendu aux juridictions financières les dispositions relatives à l'examen des questions prioritaires de constitutionnalité ; il a rétabli les observations pouvant être transmises au Conseil constitutionnel par les présidents des deux assemblées parlementaires ; il a enfin supprimé l'existence d'un délai d'examen des questions par les juridictions et la disposition relative à la transmission de la question à la juridiction suprême à défaut d'examen dans le délai prévu.
Si les premières de ces modifications confirment les orientations retenues par l'Assemblée nationale, en revanche, la dernière modification manifeste une réelle divergence. En commission des lois, le président Jean-Luc Warsmann a exprimé ses regrets que le Sénat ait supprimé l'exigence d'un délai maximal d'examen des questions prioritaires de constitutionnalité par les juridictions. L'argument selon lequel l'intérêt du délai pour le justiciable ne serait que relatif, dans la mesure où la partie pourrait à nouveau soulever la question de constitutionnalité en appel ou en cassation, n'est pas très robuste, car il est toujours dans l'intérêt du justiciable de savoir le plus rapidement possible si sa question est recevable et doit prospérer, ou si elle est au contraire infondée. Et la crainte que le juge du fond ne laisse courir le délai afin de laisser à la cour suprême le soin de statuer révèle un pessimisme à l'égard du travail des magistrats qui peut sembler excessif.
Le délai aurait pu être conservé devant les juridictions de l'un ou l'autre ordre, et ce d'autant plus que le Sénat a maintenu le délai de trois mois imposé dans tous les cas aux juridictions suprêmes, et la transmission automatique au Conseil constitutionnel de la question qui n'aurait pas été examinée dans ce délai.
À défaut d'un rétablissement du texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, qui aurait pour effet de prolonger la navette et de retarder l'entrée en vigueur de ce nouveau droit constitutionnel, le président Warsmann, et avec lui la commission des lois, a exprimé le souhait que le Gouvernement renseigne, par des indicateurs précis et détaillés, le temps passé par les différentes juridictions à l'examen des questions de constitutionnalité qui seront soulevées. Comme le Gouvernement s'est engagé à dresser un bilan de l'application de la question prioritaire de constitutionnalité pour ses premières années d'application, ces indicateurs, qui devront figurer dans ce bilan, permettront au législateur, le cas échéant, d'adapter le dispositif actuel.
La commission vous propose donc d'adopter sans modification le présent projet de loi organique, ce qui devrait ainsi permettre aux justiciables de pouvoir exercer ce nouveau droit trois mois après la promulgation de la loi, c'est-à-dire dès le printemps 2010. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, avec cette seconde lecture du projet de loi organique relatif à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, nous poursuivons le vaste chantier que constitue la mise en place effective de l'ensemble des dispositions de la révision constitutionnelle, votée il y a présent plus d'un an par le Congrès.
La session extraordinaire de nos travaux s'est ainsi ouverte sur la première lecture de ce texte et refermée sur l'examen du projet relatif à l'encadrement du pouvoir de nomination du Président de la République. Dans quelques jours, nous examinerons en commission le projet de réforme du Conseil supérieur de la magistrature – où magistrats et non-magistrats seront désormais à parité – avant de discuter, très prochainement, nous le souhaitons, des textes touchant au Défenseur des droits ainsi qu'à l'extension du référendum.
Lors de la révision constitutionnelle s'est imposé un constat selon lequel moderniser notre démocratie n'impliquait pas seulement de revoir au sein de notre loi fondamentale les règles régissant les rapports entre les pouvoirs exécutif et législatif. À l'instar du référendum d'initiative partagée, l'inscription dans la Constitution d'un nouvel article 61-1 a ainsi procédé d'une logique propre, visant à donner à nos concitoyens de nouveaux droits, de nouvelles voies pour s'impliquer dans la vie de leurs institutions et par là de nouveaux moyens de peser dans le débat public.
L'entrée en vigueur effective de l'article 61-1 permettra ainsi à tout citoyen de se prévaloir devant la justice des droits fondamentaux garantis par la Constitution, et donc également par le Préambule de 1946 et la Déclaration de 1789. Devant toute juridiction, qu'elle relève de l'ordre administratif ou judiciaire, un citoyen sera désormais en mesure de poser la question de la constitutionnalité de la disposition législative qui lui est opposée, avec la perspective de la voir abrogée dans le cas où elle contreviendrait effectivement à une disposition de valeur constitutionnelle, et ce conformément à l'article 62 de la Constitution.
Cette nouvelle voie de droit, rebaptisée à l'occasion de nos travaux en première lecture « question prioritaire de constitutionnalité », est donc tout d'abord un moyen de réaffirmer au sein de notre ordre juridique la prééminence de la norme constitutionnelle. C'est aussi, dès lors, un moyen de faire progresser dans notre pays l'État de droit en soumettant l'ensemble de la législation en vigueur, que celle-ci soit antérieure ou postérieure à 1974, à la possibilité d'un contrôle par le juge constitutionnel.
Le contrôle préventif de la norme législative, institué en 1958 et systématisé par l'ouverture à l'opposition parlementaire de la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel, sera ainsi complété par un mécanisme de contrôle a posteriori, dont la vocation sera cette fois-ci curative, et qui permettra de purger de notre ordre juridique l'ensemble des normes inconstitutionnelles, que celles-ci l'aient été dès l'origine ou qu'elles le soient devenues à l'occasion d'un changement de circonstances de droit ou de fait.
L'entrée en vigueur effective de l'article 61-1, c'est aussi et peut-être surtout, mes chers collègues, un nouveau pouvoir entre les mains du citoyen justiciable. Celui-ci ne sera ainsi plus, comme c'est encore paradoxalement le cas aujourd'hui, obligé de se tourner vers les juridictions européennes plutôt que vers un juge français pour faire valoir l'un des droits fondamentaux que lui garantit la Constitution. Ces droits eux-mêmes, l'égalité entre hommes et femmes ou encore l'égalité entre tous les citoyens devant les charges publiques, pour ne citer que ceux-là, souvent suspects de n'être que fictifs, prendront ainsi à leur tour une résonance et une force nouvelles.
Après que deux projets similaires eurent été, en 1990 puis en 1993, déposés par le Gouvernement avant d'échouer à recueillir l'assentiment du Parlement, les députés du Nouveau Centre ont apporté dès la première lecture – et même dès l'examen de la révision constitutionnelle – leur soutien à ce texte, et c'est, vous l'avez dit, madame la garde des sceaux, dans un esprit de large consensus que notre assemblée l'a adopté en première lecture.
Lors de ces débats, nous avions mis en avant la nécessité pour la question prioritaire de constitutionnalité de n'être ni un nouvel artifice de procédure, un mécanisme à vocation strictement dilatoire, rallongeant inutilement le cours d'un procès, ni une mesure simplement théorique car trop complexe à utiliser pour le justiciable.
La question du filtrage des requêtes joue en effet un rôle central dans la viabilité du dispositif qui sera mis en place. Trop lâche, le filtre aurait pour conséquence de conduire à la saturation du Conseil constitutionnel et, à l'instar du tribunal constitutionnel de Karlsruhe dans les années 1970, à sa complète paralysie. Trop étanche, le filtre aurait à l'inverse pour seul effet de priver purement et simplement le citoyen du droit de voir sa question prospérer devant le Conseil constitutionnel, alors même qu'elle pouvait être légitime, en méconnaissant du reste le principe de spécialisation des juridictions.
L'un ou l'autre de ces écueils ferait alors immanquablement de cette réforme un rendez-vous manqué. Cette question centrale des critères retenus pour filtrer les requêtes a été posée devant notre assemblée et elle a fait, lors de la première lecture, l'objet d'un riche débat avec le Gouvernement. Je crois, comme vous l'avez dit, que nous avons pu enrichir ce texte.
Le Sénat, pour sa part, a adhéré aux orientations retenues par notre assemblée et le dispositif de filtrage conserve ainsi l'équilibre qui avait été trouvé en première lecture dans cet hémicycle.
Le second point déterminant pour la viabilité de la question prioritaire de constitutionnalité tient aux délais de cette nouvelle procédure.
Nous nous réjouissons tout d'abord que des précautions aient été prises afin que le sursis à statuer entraîné par la transmission d'une question prioritaire n'ait pas de conséquences trop lourdes pour l'une ou l'autre des parties. Ainsi, lorsque la privation de liberté d'une personne sera en cause, le juge aura la possibilité – nous y tenions beaucoup – de déroger à cette règle du sursis à statuer. C'est là un point essentiel, dans la mesure où la mise en place de cette nouvelle voie de droit ne saurait se traduire par un rallongement d'une détention provisoire.
Au-delà de ces exceptions, la procédure de la question prioritaire se doit d'être courte, du moins ses délais se doivent-ils d'être prévisibles pour les parties. Si nous pouvons constater, à l'issue de l'examen par le Sénat, un désaccord de forme avec la position de nos collègues sénateurs en ce qui concerne le délai laissé à la première juridiction pour décider de transmettre ou non la question à sa juridiction suprême, il n'en demeure pas moins que les modifications apportées au texte procèdent d'un souci de fluidifier au maximum la procédure de la question de constitutionnalité et qu'elles ne traduisent donc pas un désaccord quant au fond du texte.
Aussi, madame la ministre d'État, les députés du Nouveau Centre confirmeront-ils, à l'occasion de cette seconde lecture, leur total soutien à ce texte.
Pour autant, ce qui déterminera le succès ou l'échec de la question prioritaire de constitutionnalité sera bien la réalité ou non de son appropriation par nos concitoyens. Aussi nous formons le voeu que cette réforme, une fois entrée en vigueur, puisse faire l'objet, notamment sur ces questions du filtre et des délais, d'une réelle évaluation a posteriori par le législateur, afin qu'elle marque réellement le progrès que nous en attendons pour la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre d'État, mes chers collègues, le groupe UMP se réjouit que, dans un délai relativement bref, ce texte revienne dans cet hémicycle après avoir fait l'objet d'un travail que nous jugeons globalement tout à fait positif de la part de nos collègues sénateurs.
La question que nous appelons aujourd'hui prioritaire de constitutionnalité, que nous nommions, au tout début de nos réflexions, l'exception d'inconstitutionnalité, est essentielle, vous l'avez rappelé, madame la ministre d'État, et nous devons, au moment du vote définitif, bien en mesurer la portée.
De quoi s'agit-il ? Lorsque, au cours d'un procès ou même de l'instruction d'un procès, un justiciable estimera que la loi qui va lui être appliquée n'est pas conforme aux droits et libertés garantis par la Constitution, il pourra, grâce à la procédure mise en place, le faire valoir auprès du Conseil constitutionnel.
Le corpus législatif couvert est très vaste, puisque, a priori, toutes les lois sont concernées, sauf bien sûr – mais elles ne sont pas en vigueur –, les lois qui ont été annulées au préalable en tout ou partie par le Conseil constitutionnel. À l'arrivée, si le Conseil constitutionnel donne droit à la personne qui a soulevé cette question prioritaire de constitutionnalité, le texte législatif en question sera purement et simplement sorti du champ des lois applicables, de la même manière qu'un texte n'est pas applicable et est présumé non conforme à la Constitution lorsqu'il est soumis, par des parlementaires ou par le Président de la République, à l'examen du Conseil constitutionnel. Nos concitoyens ne manqueront pas, sans doute, d'accorder à ce texte toute l'importance qu'il mérite pour la défense de leurs droits et libertés.
Pour donner ces droits nouveaux à nos concitoyens, le projet de loi initial du Gouvernement était de très bonne qualité. À partir de ce texte, nous avons pu nous livrer à une analyse fouillée, consensuelle, positive, qui a débouché, grâce aux améliorations apportées par notre assemblée, à un document sur lequel le Sénat ne pouvait, et nous en sommes satisfaits, que confirmer la ligne qui avait été fixée, pour aboutir au texte qui nous est aujourd'hui soumis.
Je voudrais rapidement rappeler les modifications que nous avions souhaité apporter et celles que le Sénat a introduites à son tour, en mettant en exergue le point sur lequel députés et sénateurs n'étaient pas d'accord, qui concerne les délais d'examen de la demande présentée en première instance par le justiciable.
Nous avions tout d'abord décidé, j'en parle au passé fort heureusement, que la question de la constitutionnalité deviendrait une question prioritaire, traduisant ainsi la primauté du constitutionnel sur le conventionnel. À l'heure où se développent les droits associés aux droits nationaux, avec parfois des droits qu'il nous faut ensuite inscrire dans notre droit national, il est important de réaffirmer que notre Constitution, le socle de tout ce qui fonde nos valeurs communes, a la primauté sur tous les autres textes.
La deuxième amélioration que nous avions apportée concernait le champ d'application. En retenant la formule « applicable au litige » plutôt que « qui commande l'issue du litige », nous avons voulu donner à ces nouvelles dispositions toutes les possibilités d'être retenues et proposées par le justiciable.
Ensuite, nous avons traité la question des délais. L'amendement de nos collègues socialistes a constitué un pas en avant important. Il fallait que la décision du juge saisi en première instance soit prise sans délai. Nous avions souhaité que ce délai ne soit pas laissé à la seule appréciation du juge, au risque d'être extrêmement long, et nous avions souhaité fixer les deux notions de « sans délai » et de « deux mois maximum » sachant que, si ce délai n'était pas respecté, le justiciable aurait la possibilité, ce n'est pas automatique, de transmettre lui-même à l'échelon supérieur, c'est-à-dire soit au Conseil d'État, soit à la Cour de cassation.
Pour le Conseil d'État et la Cour de cassation, nous avons proposé et décidé que le délai soit fixé à trois mois et que si ce délai n'était pas respecté, la transmission soit automatique.
La quatrième amélioration a été de considérer que les lois du pays de Nouvelle-Calédonie entreraient dans le cadre d'application de ces dispositions.
Une autre modification, dont les conséquences ne seront probablement pas mineures, a été de prévoir qu'en cas d'extinction de l'instance qui a permis de soulever la question prioritaire de constitutionnalité, si cette question est déjà parvenue devant le Conseil constitutionnel, celui-ci aurait à en juger, parce qu'il aurait été saisi après toutes les étapes de la procédure et qu'il lui reviendrait de prendre toutes les dispositions qui s'imposent.
Le Sénat a maintenu cette ligne. Il a modifié une disposition qui nous paraissait importante, et notre rapporteur a rappelé les raisons qui font que, après une nouvelle analyse de la part de la commission des lois de l'Assemblée nationale, nous pouvons nous en remettre à la sagesse de la Haute assemblée. Le Sénat a souhaité que l'on n'enfermât pas de manière trop rigoureuse ce premier délai de première instance et que nous en restions à la formule, proposée par Jean-Jacques Urvoas et nos collègues du groupe socialiste, du « sans délai ». Ce sera donc probablement la formule qui sera retenue dans le texte définitif.
Le Sénat a ensuite ajouté quelques nouvelles améliorations, qui méritent d'être soulignées.
Tout d'abord, l'obligation de motivation de la part des juges qui auront, au premier ou au second stade, soit à transmettre, soit à ne pas transmettre. Cette précision me semble très intéressante.
Ensuite, nos collègues sénateurs ont jugé, fort opportunément, que toute instance devant les juridictions financières entrerait également dans le cadre d'application de ces nouvelles dispositions constitutionnelles.
Au final, ce texte peut tout à fait donner satisfaction, sans qu'aucune des assemblées n'ait le sentiment de n'avoir pas été écoutée par l'autre ou de n'avoir pas été écoutée par le Gouvernement.
Nous avons fait du bon travail, ici même, avec vous, madame la ministre d'État, et avec nos collègues sénateurs. Le texte définitif qui sera adopté bientôt, je l'espère, apportera à nos concitoyens ce que le constituant a souhaité, à savoir un droit nouveau, moderne, puissant, un droit dont les conséquences ne seront pas négligeables, un droit qui donnera à notre démocratie encore plus d'éléments affirmant la prise en compte du citoyen.
Cette question prioritaire de constitutionnalité étant parvenue au terme de son examen par les deux assemblées, et en parfait accord avec le Gouvernement, le groupe UMP, sans aucune surprise mais avec une totale détermination, votera le texte en l'état, dans la rédaction qui nous a été transmise par nos collègues sénateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous n'avons bien évidemment les uns et les autres qu'à nous réjouir du texte qui nous est présenté et de l'unanimité qui l'accompagne. D'une part, parce qu'il s'agit d'un véritable progrès, d'autre part, parce qu'il s'agit d'un vieux combat qui trouve ici son aboutissement.
Vous permettrez à un ancien collaborateur de François Mitterrand à l'Élysée de rappeler que, le 14 juillet 1989, il qualifiait comme une des grandes réformes qui pourraient être ajoutées à notre patrimoine en matière de protection des libertés l'idée de cette exception d'inconstitutionnalité, l'idée que le citoyen puisse directement saisir un juge pour défendre sa liberté et ses droits si le législateur y avait manqué. Un projet de loi déposé par Robert Badinter n'avait pas reçu, malheureusement, le même accueil dans cette assemblée et au Sénat. Les clivages politiques étaient alors – mais ce n'est que nostalgie et souvenirs que l'on doit effacer – plus marqués qu'ils ne le sont aujourd'hui, la gauche n'hésitant pas à apporter aujourd'hui ses suffrages à cette réforme. En 1993, le rapport Vedel, une fois de plus, y faisait allusion montrant bien que nous étions, là, dans une évolution indispensable.
Cette évolution n'était d'ailleurs pas facile à introduire dans les esprits, avant même d'être traduite dans notre Constitution. En effet, toute notre tradition juridique est fondée sur la souveraineté de la loi. On avait même reproché à un de mes anciens collègues, ancien ministre, André Laignel, d'y avoir fait ici à cette tribune allusion d'une manière qui a ensuite servi presque d'étendard à la critique contre une supposée hégémonie, qui était en fait une hégémonie législative, dont il ne faisait que rappeler l'histoire et la tradition.
Oui, c'est vrai, la République s'est bâtie sur l'idée que la loi était la plus forte. Parce qu'elle était l'expression de la volonté nationale, de la représentation nationale, elle ne devait pas connaître de limite autre que la sagesse des législateurs.
C'était faire une grande confiance aux législateurs, forcément fondée par le passé, plus difficile à imaginer aujourd'hui, non pas que la qualité de ceux qui peuplent cette assemblée ait diminué, mais parce que la complexité des sujets que nous avons à traiter et le nombre de lois n'ont cessé d'augmenter, nécessitant un renforcement des protections.
De ce point de vue, il a fallu la IVe République pour introduire un premier élément de contrôle, tellement modeste et tellement prudent, puis la Ve République, à travers la création du Conseil constitutionnel. Mais la tradition gaulliste, vous ne m'en voudrez pas, madame la garde des sceaux, n'était pas vraiment d'introduire un contrôle de la loi une fois votée, mais plutôt d'essayer d'enserrer le Parlement dans un ensemble de règlements et de procédures sur lequel le Conseil constitutionnel avait d'abord à veiller. Ce n'est qu'en 1971 que le Conseil constitutionnel a élargi le champ de son contrôle. Chacun s'en est réjoui, et il faut rendre hommage également au Président Giscard d'Estaing d'avoir eu, en 1974, le souci de permettre aux parlementaires de saisir directement le Conseil constitutionnel.
Tout cela pour dire que nous sommes au terme, peut-être provisoire parce que d'autres évolutions pourraient être envisagées, d'une évolution à laquelle chacun a peu à peu apporté sa pierre.
Il n'en demeure pas moins que si le texte qui nous est présenté constitue un progrès, si le groupe socialiste, et mon collègue Jean-Jacques Urvoas s'est exprimé sur le sujet à de nombreuses reprises, a contribué avec d'autres à son amélioration, il soulève toute une série de questions qu'il faudra que nous gardions en tête pour l'avenir.
La première concerne directement le Conseil constitutionnel. À travers les dispositions organiques, nous avons tiré les premières conséquences du changement qu'introduit la possibilité pour le citoyen de saisir directement cette instance. Il faudra que celle-ci modifie son organisation, pour faire face à une charge de travail plus lourde, et qu'elle fasse preuve de plus de transparence. Par ailleurs, il conviendra de réfléchir aux conditions dans lesquelles elle délibère et, plus encore, aux critères sur lesquels ses membres sont nommés.
Une deuxième question porte sur la stabilité de la Constitution. On ne peut imaginer de développer le contrôle de constitutionnalité par une deuxième voie, si l'on n'est pas assuré que le texte constitutionnel bénéficie d'une relative stabilité, au moins pour la disposition de ses articles. Or, au cours des dernières années, de nombreuses modifications ont été apportées à la Constitution, qui ne vont pas toutes dans le sens d'une clarification juridique. Certaines, en effet, appelleront une interprétation. Si, à l'avenir, quelqu'un veut introduire d'autres modifications, on peut souhaiter qu'il se montre plus modeste et plus sage, ou du moins qu'il manifeste un souci de précision, surtout s'il s'agit de faire évoluer la composition du Conseil : n'ajoutons pas, à l'incertitude des nominations, celle du texte, qui ne doit pas avoir à être interprété.
La dernière question porte sur l'évolution de ce qui constitue notre bloc de constitutionnalité. Si j'ai plaidé pour la stabilité du texte constitutionnel, je souhaite paradoxalement que nous clarifiions ceux qui font aujourd'hui référence, notamment le préambule de la Constitution et les dispositions auxquelles il renvoie. Qui ne percevrait pas l'inéluctable contradiction entre les textes directement issus de la Révolution, ceux qui ont été votés par nos glorieux ancêtres de la IIIe République, lesquels ont posé des fondamentaux que nous prenons toujours pour référence, ceux qui furent adoptés dans l'enthousiasme, notamment social, de la Libération, et ceux qui ont été introduits en 1958 ?
Ce serait une belle tâche, sinon pour les législateurs, du moins pour les juristes et les citoyens, que de réfléchir à une charte des droits et des libertés, comparable à celle qui a été élaborée au niveau européen. Elle devrait réussir la synthèse entre différentes préoccupations et offrir au Conseil constitutionnel doté de nouveaux droits et d'un nouveau mode de saisine, que nous appelons de nos voeux, un texte de référence exprimant l'idée que nous nous faisons de nos droits, de nos libertés et de nos garanties fondamentales.
Au lieu de discuter de l'identité nationale, que l'on mélange à d'autres thèmes plus douteux comme l'immigration, la nation et le Parlement se grandiraient s'ils cherchaient à réactualiser, à renouveler, à redéfinir les libertés et les droits auxquels nous croyons et sur lesquels nous voulons fonder l'avenir non seulement de notre législation mais de notre République.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l'examen en deuxième lecture de ce projet de loi organique nous amène à faire quelques remarques sur les modifications apportées au texte par le Sénat.
La Haute assemblée a en effet supprimé le délai à statuer de deux mois, par les juridictions des deux ordres, sur la transmission de la question de constitutionnalité aux juridictions suprêmes. Il n'y a donc plus de délai explicite pour transmettre ces questions, même si la mention « sans délai » est maintenue. Cette nouvelle rédaction nous semble recéler une ambiguïté : ou bien on considère que la mise en place d'un délai à statuer risque d'être contre-productive, de ralentir les procédures et de favoriser le renvoi en bloc sans examen réel des questions soulevées ; ou bien on considère qu'un tel délai est nécessaire pour assurer l'effectivité de la nouvelle voie de droit.
Pour notre part, il nous semble que le dispositif retenu comporte déjà trop de filtres qui portent atteinte à ce droit. Supprimer de la loi organique le délai à statuer de deux mois revient à laisser aux juridictions la possibilité de ne pas statuer prioritairement sur les questions soulevées. En effet, les moyens de la justice ne permettent pas que les instances saisies se prononcent effectivement sans délai. Or offrir un nouveau droit aux justiciables, c'est donner un surcroît de travail à des instances judiciaires déjà étranglées, qui manquent cruellement de moyens humains et financiers. Il faut donc augmenter ceux-ci pour garantir l'application de la loi organique.
Les quelques retouches effectuées par les sénateurs ne bouleversent pas l'économie générale du texte, ce qui m'amène à rappeler les différents points qui nous semblent fortement sujets à critique.
Le dispositif mis en place est trop filtrant. Le législateur organique procède comme si les juridictions allaient être soumises à un afflux monumental de questions de constitutionnalité. Puisque le Gouvernement réduit chaque année les moyens financiers et humains de la justice, il diminue considérablement la portée de la nouvelle voie de droit par un double filtrage et un arsenal de moyens techniques dissuasifs, au lieu d'en garantir la pleine effectivité.
Nous répétons qu'il est inutile de créer la possibilité pour le citoyen de poser une question de constitutionnalité si tout est fait pour l'en dissuader. Un filtrage simple nous paraît suffisant. Ainsi, on aurait pu imaginer que les juridictions statuent dans un délai déterminé sur l'opportunité de transmettre directement la question au Conseil constitutionnel. Mais le filtrage que vous imposez est plus fort encore, puisque, par un certain nombre de dispositions annexes, vous faites en sorte que l'intérêt bien compris du justiciable soit de ne pas poser la question de constitutionnalité.
C'est le cas lorsque le projet de loi organique confère une priorité absolue à la question de constitutionnalité sur la question de conventionalité. On le sait, la seconde est un outil extrêmement utilisé par les parties, notamment d'un point de vue purement procédural. Privilégier la première, c'est donc faire en sorte que les plaideurs ne la posent qu'en appel, puisque, s'ils le faisaient en première instance, ils se priveraient des moyens offerts par le contrôle de conventionalité. Baptiser cette procédure « question prioritaire de constitutionnalité » relève de l'oxymore.
La majorité est d'ailleurs coutumière des techniques de manipulation sémantique. Pour citer un autre exemple, le texte autorisant le travail du dimanche fut baptisé « Loi réaffirmant le principe du repos dominical ». En l'espèce, si la question de constitutionnalité est réputée prioritaire, les délais de transmission aux juridictions suprêmes sont supprimés, et tout est fait pour qu'elle ne soit posée qu'en appel.
Autre filtrage implicite : poser la question de constitutionalité engendrera immanquablement des frais supplémentaires importants pour la partie qui en décidera. Il est donc à craindre que, dans la pratique, seuls les justiciables les plus aisés ou les groupes de pression aient la possibilité d'utiliser favorablement cette nouvelle voie du droit. Cela reviendrait à remettre en cause le principe d'égal accès de tous les citoyens à la justice, car la majoration de l'aide juridictionnelle ne couvrira manifestement pas le coût de la défense devant les juridictions supérieures.
Enfin, outre cet excès de filtrages en tous genres, la question de la nature du Conseil constitutionnel, nécessairement impactée par ce projet de loi organique, fait problème. Il deviendra en effet une juridiction véritable, amenée à entendre des plaidoiries et à trancher des litiges. Or, du fait de sa composition, cette institution, véritable prélature personnelle de la majorité au pouvoir, ne présente pas de garanties suffisantes d'impartialité pour jouer légitimement ce rôle.
Les membres du Conseil constitutionnel sont nommés par les têtes du pouvoir exécutif et législatif, ce qui garantit a contrario leur extrême partialité. Qui plus est, les anciens chefs de l'État disposent d'un droit anachronique d'y siéger à vie. Les juges constitutionnels sont donc en position d'être juges et parties, puisqu'ils devront se prononcer sur la constitutionnalité de textes qu'ils ont fait voter ou soutenus. D'où la nécessité de réformer la procédure de nomination de ses membres.
Enfin, si l'on y réfléchit, le pouvoir du Conseil constitutionnel est exorbitant, puisque celui-ci se substitue au législateur. En effet, lorsqu'un texte est censuré, c'est par la volonté d'une instance moins légitime que le Parlement, puisque non élue au suffrage universel. Il serait donc préférable qu'un texte de loi rejeté par le Conseil, plutôt que d'être abrogé, soit soumis directement au Parlement qui, par un vote en matière constitutionnelle, décide d'abroger le texte ou de réviser la Constitution.
Vous le voyez, chers collègues, la « belle unanimité » et « l'esprit de consensus » tant vantés par le rapporteur n'existent que dans son esprit, puisque j'ai formulé devant vous des objections que nous tenons pour importantes.
Cela ne nous empêche pas de considérer qu'il faut effectivement donner au citoyen le moyen de poser la question de constitutionnalité. En outre, tous les moyens visant à garantir ses droits et libertés sont bons à prendre dans un contexte de politique sécuritaire, de sous-financement de la justice et de lois d'exception, souvent à la limite de l'esprit démocratique.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre ce projet de loi.
La discussion générale est close.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi organique sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
(L'ensemble du projet de loi organique est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Projet de loi relatif au Grand Paris.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures dix.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma