Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le débat auquel nous sommes appelés par la ratification de l'accord nucléaire franco-indien se trouve au point de convergence de deux préoccupations majeures : d'une part, la sécurité collective, garante de la paix du monde ; d'autre part, les tendances nouvelles du développement économique, porteuses pour nos pays respectifs d'autant de chances que de risques. Dans le cas présent, l'ouverture proposée vers un développement des utilisations pacifiques de l'atome mêle des échanges scientifiques extrêmement complexes, dont la maîtrise est réservée aux spécialistes, et un choix politique dont les répercussions, notamment économiques, intéressent toute la société. Le rapport de notre collègue Claude Birraux donne toutes les précisions qui conviennent sur les procédures techniques encadrant la diffusion des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire.
Je voudrais, pour ma part, évoquer les raisons politiques qui justifient l'adhésion du groupe Nouveau Centre à l'accord dont il est proposé d'autoriser la ratification. Nous le savons bien, l'acquisition du « savoir nucléaire » est une affirmation de puissance politique. Dans le contexte de la confrontation bloc contre bloc, la volonté du général de Gaulle d'assurer et de maintenir l'indépendance nucléaire de la France a toujours eu une double explication stratégique, militaire comme économique. On se souvient d'ailleurs que la considération réciproque que se portaient le Pandit Nehru et le chef de l'État français se nourrissait de ce commun souci.
L'entrée en vigueur du traité de non-prolifération nucléaire peut être considérée comme une forme de stabilisation d'un rapport de forces favorable aux puissances nucléaires de l'époque, dans un contexte bipolaire encore dominant. Aujourd'hui, l'effondrement de l'ex-URSS a rendu complètement obsolètes les termes anciens de la dissuasion militaire. Certes, il n'a pas fait disparaître l'objectif de la non-prolifération des armements nucléaires, mais il a considérablement renforcé la volonté d'affirmation politique des pays dits émergents. C'est pourquoi il conduit à poser autrement le problème de la diffusion pacifique du nucléaire. Il ne permet plus de juger légitime une attitude de fermeture totale à une telle diffusion. Dans la mesure où, à un affrontement bilatéral se substitue la coexistence de plusieurs ambitions nourries par l'émergence économique, il est normal qu'on entoure de garanties négociées l'accès de puissances nouvelles, comme l'Inde, aux technologies nucléaires de pointe. Il légitime, du même coup, le rejet d'une politique agressive comme celle de l'Iran, dont tout donne à penser qu'elle s'inscrit non pas dans ce cadre d'ouverture négociée, mais dans une perspective qui met en péril la sécurité collective.
C'est une considération de cet ordre qui a poussé le président Bush, en 2005, à jeter les bases d'une coopération nucléaire entre l'Inde et les États-Unis. Le temps qui s'est écoulé entre cette ouverture de principe et la décision prise par le groupe des fournisseurs nucléaires de lever l'embargo sur les programmes de coopération nucléaire avec l'Inde, en septembre 2008, a été mis à profit pour définir, dans le cadre des instances internationales existantes, les mesures propres à assurer l'inscription du développement de l'énergie nucléaire par ce pays dans le cadre de garanties négociées que j'ai précédemment mentionnées. L'Inde a consenti, à cette occasion, un important effort pour se conformer aux principes qui ont inspiré le traité de non-prolifération et se plier aux procédures d'inspection internationale.
Son attitude est conforme à son intérêt bien compris. En effet, le rapport de la commission des affaires étrangères rappelle les besoins d'une économie indienne en pleine expansion, notamment les perspectives de croissance rapide de sa demande d'énergie. L'Inde a fait le choix de développer son parc d'installations nucléaires civiles et de miser sur la coopération internationale pour développer ses capacités énergétiques. Depuis la levée de l'embargo, ce sont ainsi pas moins de huit pays exportateurs de nucléaire qui ont conclu ou sont en passe de conclure avec l'Inde des accords du type de celui dont nous débattons. L'accord permettra ainsi à la France et à ses entreprises, dont l'expertise est reconnue en matière d'exploitation civile du nucléaire, de se positionner sur le marché indien, à l'heure où chacun sait que le rétablissement de notre balance commerciale est l'une des conditions de la reprise de l'activité économique.
Au-delà de cet aspect industriel, le développement de la coopération franco-indienne en matière nucléaire constituera, à n'en point douter, un levier privilégié de l'intensification de notre relation bilatérale.
Pour toutes ces raisons, le groupe du Nouveau Centre votera le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de coopération nucléaire franco-indien.
Le 05/12/2009 à 17:08, Le Canard Déchaîné (Lecteur averti) a dit :
D'après le Canard enchaîné du 2 décembre 2009, à 17h lors de cette séance :
« Maxime Gremetz hurle dans les travées : " Il y a un malade ! Il y a un malade " [en désignant] son collègue François Rochebloine, [...] qui est affalé sur deux fauteuils.
[..]
Un huissier secoue [alors] un peu fortement le député qui s'ébroue et s'écrie : "Mais non, mais non, ça va. Je dormais" »
François Rochebloine aurait peut être du remercier dans son discours son collègue Gremetz. Sans son attention, il serait peut être resté dans les bras de morphée et n'aurait pu le prononcer !
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