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Intervention de Axel Poniatowski

Réunion du 24 novembre 2009 à 15h00
Accord avec l'inde pour le développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAxel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les points techniques de cet accord, que le rapporteur a excellemment présentés ; j'insisterai plutôt sur l'équilibre du partenariat ainsi noué et sur sa portée stratégique.

L'Inde, dont la population atteint actuellement 1,2 milliard d'habitants, va faire face à des besoins énergétiques considérables, puisque la demande d'énergie y progressera de plus de 3 % par an d'ici à 2030. À titre de comparaison, cette demande augmenterait de 0,3 % en Europe et de 0,4 % aux États-Unis, soit dix fois moins. Les réponses à apporter à cette explosion des besoins doivent tenir compte de deux éléments incontournables. Le premier est la dépendance de l'Inde vis-à-vis de l'extérieur. Le rôle trop important joué par le charbon oblige ce pays, qui en est pourtant le troisième producteur au monde, à importer des minerais. Malgré la présence de gisements sur son territoire, le pays importe également la quasi-totalité de son pétrole et de son gaz naturel. L'Inde pourrait devenir le troisième importateur mondial de pétrole dans quelques années. En second lieu, le réchauffement climatique impose le recours à des énergies moins polluantes. Les émissions indiennes de C02 pourraient tripler entre 2006 et 2030.

Ces simples éléments statistiques permettent de comprendre pourquoi l'Inde cherche à développer ses capacités électronucléaires : elle n'a pas d'autre choix si elle veut garantir sa sécurité énergétique. C'est tout l'objet du présent accord, qui accorde à l'Inde des garanties particulières en matière de sécurité d'approvisionnement, en contrepartie d'un contrôle accru de l'Agence internationale de l'énergie atomique.

Jusqu'à l'an dernier, il était impossible d'aider l'Inde dans ses projets nucléaires. Réunis au sein du groupe des fournisseurs nucléaires, les pays exportateurs s'interdisaient de transférer des éléments sensibles à un État qui n'aurait pas conclu, avec l'AIEA, un accord de garanties élargies, soumettant l'ensemble des installations nucléaires aux contrôles de l'Agence. Par leur décision unanime du 10 septembre 2008, les quarante-sept États membres de ce groupe ont décidé de faire une exception pour l'Inde, ce qui a permis d'accélérer un mouvement de coopération entamé depuis plusieurs années. Rappelons en effet que deux déclarations communes avaient été faites dès 2005, avec les États-Unis et la France, prévoyant de lancer des coopérations dans le domaine nucléaire. Ainsi, depuis le 10 septembre 2008, l'Inde a conclu sept accords de coopération nucléaire avec la France et les États-Unis, ainsi qu'avec la Russie, l'Argentine, le Kazakhstan, la Namibie et la Mongolie. L'empressement de tous les États nucléaires à nouer des relations avec l'Inde est significatif d'une évolution internationale majeure, dont il faudra tenir compte en droit.

En effet, aujourd'hui, le TNP engage les États à développer la coopération nucléaire, tout en leur demandant de lutter contre la prolifération. Les nombreuses difficultés soulevées par cette situation ne pourront être résolues qu'en associant tous les États nucléaires, y compris ceux qui ne sont toujours pas parties au traité. La conférence d'examen du TNP, prévue en 2010, est une occasion idéale pour entreprendre cette rénovation. Sans attendre, l'Inde a apporté des garanties notables en matière de non-prolifération, répondant par avance aux critiques faites au présent accord. La France peut donc participer, avec de réelles chances de succès, à la compétition pour l'attribution des marchés nucléaires indiens, sans craindre les conséquences en matière de prolifération. La commission des affaires étrangères recevra, du reste, Mme Anne Lauvergeon, la présidente du directoire d'Areva, le mercredi 9 décembre prochain, ce qui nous donnera l'occasion d'évoquer notamment les nouveaux marchés ouverts par l'entrée en vigueur de cet accord.

Avant de conclure, je souhaite élargir mon propos. Je crois avoir montré que les implications stratégiques du présent accord dépassent nos relations bilatérales. En réalité, elles dépassent même les discussions sur l'énergie nucléaire. En effet, cet accord est une des manifestations du rééquilibrage massif que le monde va connaître du fait des évolutions démographiques. Si l'Inde a besoin de produire plus d'énergie, c'est avant tout parce que sa population pourrait augmenter de 30 % au cours des quarante prochaines années. Les services de l'ONU estiment ainsi que le monde sera peuplé, d'ici à 2050, de plus de 9 milliards d'habitants. Dès 2025, la planète en compterait plus de 8 milliards. Cette croissance démographique sera inégalement répartie. L'Union européenne à vingt-sept comptera environ 15 millions d'habitants de moins en 2050 qu'en 2005, soit 470 millions d'habitants au total, alors que la population pakistanaise aura presque doublé dans la même période, pour atteindre 335 millions d'habitants. Entre 2005 et 2050, la population chinoise stagnera autour de 1,3 milliard, quand celle de l'Inde progressera de 1,2 à 1,6 milliard. Quant à la population du continent africain, elle passera de 1 milliard à 2 milliards d'habitants.

Afin que ces évolutions ne suscitent pas de problèmes insurmontables, il faudra imaginer les solutions pour offrir au plus grand nombre des conditions de vie décentes, tout en garantissant un développement économique et social durable. Il est essentiel de mieux cerner les difficultés et les tensions qui apparaîtront nécessairement. Je souhaite donc que la commission des affaires étrangères mène des travaux sur les implications de ces évolutions démographiques.

Pour ma part, j'estime qu'en prenant la tête du mouvement international de coopération pour l'utilisation pacifique de l'atome, la France contribue à résoudre certains des problèmes qu'induira le bouleversement démographique. C'est pourquoi je vous invite, comme l'a fait la commission des affaires étrangères, à voter en faveur du présent projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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