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Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 24 novembre 2009 à 15h00
Application de l'article 61-1 de la constitution — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi organique

Michèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le texte qui vous est soumis aujourd'hui en deuxième lecture met en oeuvre le mécanisme d'exception d'inconstitutionnalité prévu par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008.

La question prioritaire de constitutionnalité permet au justiciable de contester la constitutionnalité d'une loi au regard des exigences posées par la Constitution. C'est une avancée démocratique considérable, qui consacre aussi, en fin de compte, la vocation première de notre bloc de constitutionnalité : protéger les libertés et les droits fondamentaux des citoyens.

Le texte soumis à votre examen en deuxième lecture a été adopté à l'unanimité au Sénat. Avant cela, la discussion en première lecture, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, a été marquée par un véritable esprit de consensus, qui s'est élevé très nettement au-dessus des clivages partisans.

Le résultat en a été que les échanges entre le Gouvernement et le Parlement se sont révélés constructifs. Chacun a pu participer au débat, dans le cadre de ses fonctions, avec un sens partagé de l'intérêt général.

Je tiens à souligner que les commissions des lois des deux assemblées ont effectué un travail remarquable sur le texte. Je veux saluer l'investissement personnel de leurs rapporteurs respectifs, qui ont su poser les vraies questions et apporter des réponses constructives sur l'ensemble des enjeux.

Au final, je considère que le texte que nous examinons aujourd'hui a gagné en clarté, en lisibilité, mais aussi en cohérence par rapport au texte initial.

Je ne reviendrai pas longuement sur ce texte qui vous est désormais bien connu, puisque nous l'avons examiné en commission et en séance ; je voudrais seulement en rappeler les principaux objectifs.

Le premier de ces objectifs est d'assurer la cohérence de la question prioritaire de constitutionnalité avec les principes de notre droit.

Nous le faisons d'abord en garantissant la primauté de la Constitution sur les règles de droit interne. Désormais, le moyen tiré de l'inconstitutionnalité d'une loi pourra être soulevé au cours de toute instance devant toute juridiction, qu'elle relève du Conseil d'État ou de la Cour de cassation. La question sera traitée prioritairement, avant tout moyen tiré de la méconnaissance d'une norme internationale : le contrôle de constitutionnalité aura bien priorité sur le contrôle de conventionnalité.

Nous le faisons ensuite en assurant la conformité de la question prioritaire de constitutionnalité aux principes de notre organisation juridictionnelle. Le texte respecte le principe de spécialité des juridictions : les juridictions judiciaires et administratives vérifient la compatibilité entre les lois nationales et les normes internationales ; le Conseil constitutionnel vérifie la conformité de la loi à la Constitution. Les cours souveraines demeurent des cours souveraines, tandis que le contrôle du Conseil constitutionnel demeure abstrait – c'est-à-dire qu'il ne s'occupe pas des problématiques concrètes du fond du dossier – et limité à la seule question de constitutionnalité posée.

Le deuxième objectif de ce texte est d'assurer la pleine effectivité du mécanisme par des règles de procédure adaptées. Vous le savez, je ne répète donc que très rapidement : le texte prévoit un filtre à deux degrés.

L'examen de la question de constitutionnalité par le premier juge saisi vise à déterminer si le moyen est opérant. L'examen de la question par les cours souveraines détermine si le moyen est pertinent.

Les décisions de transmission des juridictions de fond sont des décisions juridictionnelles. Elles doivent donc être motivées. Sur ce point, le texte adopté par le Sénat lève toute ambiguïté.

La procédure, même filtrée, doit aussi s'inscrire dans un délai raisonnable : nous avons eu la préoccupation d'éviter que le contrôle de constitutionnalité ne devienne un moyen dilatoire. Le juge examinera la question « sans délai », c'est-à-dire dès qu'il sera en mesure de le faire.

La solution retenue par le Sénat prend en compte tous les paramètres de la procédure : l'exigence de célérité bien sûr, mais aussi le risque d'engorgement des cours et le risque de perte d'efficacité du filtrage en cas de délai trop strict.

Conformément à ce que l'Assemblée nationale a décidé en première lecture, les cours souveraines disposeront d'un délai de trois mois pour examiner les questions de constitutionnalité. À l'expiration de ce délai, le Conseil constitutionnel se trouvera, le cas échéant, saisi de plein droit de ces questions. Toute question examinée par le Conseil constitutionnel aura ainsi été examinée par un juge du fond, dans des délais garantissant l'efficacité du dispositif et la maîtrise des délais de jugement. Les exigences posées par le constituant sont donc satisfaites.

Je crois inutile de rentrer davantage dans le détail de ce texte que vous connaissez parfaitement. Je veux simplement souligner que le texte soumis aujourd'hui à votre examen en deuxième lecture apporte de véritables garanties nouvelles au justiciable. En renforçant concrètement la protection des droits et libertés du citoyen, il répond aux exigences posées par la Constitution – c'est la moindre des choses. Au-delà, en assurant l'effectivité du mécanisme, en veillant au délai raisonnable des procédures, en préservant l'autorité de la loi, ce texte concilie ambition et réalisme afin de mieux protéger les droits des citoyens.

Toutes les conditions sont, je crois, réunies pour que ce texte marque un progrès pour la justice et une avancée pour le justiciable, tout en réaffirmant fortement les principes de l'État de droit que nous avons voulu et construit ensemble pour la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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