La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Bernard Accoyer complétant l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (nos 325,740).
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, le président de notre assemblée nous propose ce matin de travailler sur le fonctionnement des commissions d'enquête avec beaucoup de raison, tout d'abord parce que celles-ci sont évidemment aux avant-postes de la revalorisation du Parlement : ces dernières années, elles ont été un des vecteurs privilégiés de la fonction de contrôle – il me suffit de rappeler l'affaire d'Outreau –, une fonction qui prend une part de plus en plus grande dans notre travail et doit participer au rééquilibrage du rôle du Parlement voulu par le Président de la République.
Le mode de travail dans les commissions d'enquête a été l'objet de nombreuses expérimentations puis d'évolutions : je pense à l'initiative, prise par notre ancien président, Jean-Louis Debré, de partager les responsabilités entre la majorité et l'opposition, – à l'une la présidence, à l'autre le poste de rapporteur – ; à l'évolution sensible en matière de publicité des auditions ; à l'élargissement du champ d'intervention du Parlement – libération des infirmières bulgares ou domaine judiciaire. Bref, les domaines d'intervention se sont multipliés et diversifiés.
Dans cette évolution les témoins que nous entendons sont placés dans une position de visibilité sans cesse accrue. Il se pose dès lors plusieurs questions relatives à leur obligation de témoigner, à la publicité donnée à ces auditions et à la responsabilité qui en découle. C'est donc dans un contexte en pleine évolution que le président de notre assemblée nous propose de légiférer.
Le constat est clair : le besoin de protection des témoins entendus par les commissions d'enquête se fait de plus en plus pressant. Depuis un siècle un équilibre s'est progressivement construit visant à la mise en place d'un dispositif complet pour contraindre les témoins à prêter leur concours aux commissions. Leur devoir est désormais clairement établi : obligation de comparaître avec, si nécessaire, recours au procureur, à la gendarmerie ou à la police, prestation de serment et levée du secret professionnel, le tout étant assorti de l'épée de Damoclès que constitue l'éventualité de fortes sanctions : amendes allant de 7 500 euros pour un refus de déposer à 100 000 euros pour un témoignage mensonger aggravé et peines d'emprisonnement – maximum de deux ans pour refus de comparaître et de sept ans pour témoignage mensonger aggravé avec privation éventuelle des droits civiques. Le moins qu'on puisse dire est que le dispositif est complet et dissuasif.
En contrepartie se pose le problème de la protection relative à offrir au témoin : en effet, alors que la contrainte qui pèse sur celui-ci – participer à la manifestation de la vérité devant la commission d'enquête – pouvait auparavant s'exercer sans conséquence dommageable pour lui dans le cadre de débats se déroulant le plus souvent à huis clos, la situation a évolué en raison du caractère désormais public des comptes rendus et des auditions.
À l'origine de cette évolution, qui a duré une vingtaine d'années, la loi de juillet 1991, qui a posé en principe que la publicité est la règle et le huis clos l'exception. À son tour, un arrêt de la Cour de cassation de 2004 a soumis sans ambiguïté toute personne appelée à témoigner devant une commission d'enquête au droit commun de la diffamation, écartant toute assimilation du témoignage apporté devant une commission d'enquête avec celui effectué devant un tribunal, qui lui est protégé des actions en diffamation. À ce nouveau contexte juridique s'est ajouté un nouveau contexte technique : retransmissions fréquentes et souvent en direct des auditions sur la Chaîne Parlementaire, reprises par d'autres médias, ou mise en ligne sur Internet des comptes rendus. Il convient enfin de ne pas oublier un nouveau contexte social : la société a en effet un appétit renforcé pour une meilleure transparence et un nombre toujours plus élevé d'images, obtenues autant que possible en temps réel.
Ces évolutions ont eu des conséquences pour les témoins, qui sont menacés de plaintes en diffamation, ce qui risque de les dissuader d'apporter, au travers de leur témoignage, leur pierre au travail des commissions parlementaires. N'oublions pas en effet que, dans le cadre d'une société de plus en plus médiatisée, la simple annonce d'une plainte pour diffamation suffit à assurer à son auteur une importante publicité. Dans une telle situation, les témoins peuvent être, plus que jamais, tiraillés entre l'obligation de se présenter devant la commission d'enquête pour témoigner et les risques contentieux que leurs propos, tenus en toute bonne foi, pourraient leur faire courir. Cette évolution – est-il besoin de le souligner ? – n'est pas favorable au travail des commissions d'enquête, qui ont évidemment besoin de ces témoignages du fait qu'ils sont le plus souvent une source essentielle de données.
La proposition de loi, visant à apporter une réponse au besoin de protection des témoins, va donc dans le bon sens, mais à la condition qu'elle permette de trouver un équilibre, tout d'abord entre l'obtention par la commission d'informations sensibles – la commission a donc besoin que les personnes auditionnées coopèrent – et la publicité la plus large possible des débats, ensuite entre l'obligation de comparaître et la protection, qui seule permet de s'exprimer librement, enfin entre la liberté d'expression garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme ou l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, la protection de la réputation ou des droits d'autrui – article 10 de la Déclaration –, le droit au recours effectif – article 16 de la Déclaration et article 13 de la Convention européenne – et l'exercice par le Parlement de sa mission de contrôle.
La réponse qui nous est proposée est celle de la création d'une immunité relative qui, à la fois, protège les propos des témoins, ce qui permet de veiller à la liberté d'expression, et protège ces mêmes témoins contre les actions en diffamation, pour outrage ou injure, avec l'objectif de libérer leur parole et donc de faciliter la manifestation de la vérité. C'est un modèle apparenté à la protection des témoins judiciaires, avec toutefois une différence majeure : lors des commissions d'enquête les médias sont présents et retransmettent le plus souvent en direct, ce qui n'est pas le cas dans les tribunaux. Une telle immunité permettra également de protéger les comptes rendus faits de bonne foi des propos tenus par les témoins, ce qui sera valable pour les comptes rendus publiés en annexe des rapports des commissions d'enquête comme pour la diffusion télévisée ou la reprise dans les différents médias.
Toutefois cette immunité ne doit en aucun cas être absolue du fait que le témoin ne doit pas pouvoir dire n'importe quoi et qu'il nous faut préserver les droits des tiers. Seront donc exclues du champ de la protection les fautes disciplinaires et les infractions graves visées à l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse – provocation à commettre des atteintes volontaires à la vie, à commettre des agressions sexuelles, des vols ou des actes terroristes, appel à la haine raciste, apologie des crimes, des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité. De plus, la commission des lois a limité la portée du texte en adoptant un amendement visant à exclure du champ de cette immunité relative les propos étrangers à l'objet de l'enquête.
Par ailleurs, la notion restrictive de bonne foi applicable aux comptes rendus s'applique. Vous savez en effet qu'en matière de diffamation, il existe une présomption de mauvaise foi et que pour établir la bonne foi il faut prouver quatre critères cumulatifs : l'objectivité, la prudence, l'absence d'animosité personnelle et la légitimité du but. Par exemple, la reproduction par un journaliste d'une information même issue d'une dépêche d'agence de presse n'exonère pas sa responsabilité car les journalistes sont tenus de vérifier l'exactitude de ce qu'ils publient. De même, un reportage qui ne présenterait que la version des faits proposée à une commission d'enquête par un témoin de manière imprudente, voire mal intentionnée, pourrait être considéré comme tendancieux et la bonne foi ne pas être établie.
Mes chers collègues, autant j'ai eu l'occasion depuis le début de mon intervention de vous dire combien cette proposition de loi me semble de bon aloi au regard de l'évolution des dernières années, autant je me dois d'ajouter qu'elle exigera de chacun d'entre nous une rigueur accrue. En effet, si, en accordant aux témoins la protection d'une immunité relative, nous renforçons notre mode de travail, nous accroissons du même coup les risques d'instrumentalisation de nos commissions d'enquête, notamment par des témoins que nous avons convoqués et qui s'en serviraient comme d'une tribune qu'ils pourraient être tentés d'utiliser de manière malintentionnée en vue de régler des comptes.
Cela nécessitera le devoir – plus important encore – pour le président ou le rapporteur d'une commission d'enquête de ne pas laisser s'exprimer un témoin qui commencerait à porter des accusations sans l'interrompre, sans lui demander de se justifier, d'apporter des preuves de ce qu'il affirme.
Cela rappelle aussi à chacun des futurs membres des commissions d'enquête – a fortiori au président et au rapporteur –, que, même s'il existe de la part de l'opinion publique un fort appétit de transparence, le huis clos fait aussi partie du travail parlementaire. Il est par conséquent tout à fait légitime que des commissions d'enquête puissent décider d'entendre des témoins à huis clos, à savoir sans la presse, afin de ne pas prendre le risque d'une instrumentalisation des débats et afin de jouir d'une plus grande liberté d'échanges et de ton. Il est donc important de rappeler que le huis clos n'est pas exclu, même si la loi de 1991 a pris sur la question une position de principe.
Enfin, dernier point, chacun doit garder à l'esprit que nous disposons d'une arme : l'incrimination pour faux témoignage. Il ne faudra donc pas hésiter, à l'avenir, si une commission d'enquête venait à être instrumentalisée par un témoin voulant abuser de la protection relative que nous lui voterions ce matin, à saisir le parquet et à demander des poursuites en cas de faux témoignage.
Voilà le bilan du travail de la commission des lois sur cette heureuse proposition. Nous voulons, mes chers collègues, en vous appelant à la voter, à la fois maintenir la légitimité, la crédibilité et l'efficacité des commissions d'enquête. Nous souhaitons améliorer l'équilibre entre l'impératif de publicité et celui d'efficacité de ces commissions. La solution proposée par le président de l'Assemblée et modifiée par la commission des lois dans le sens que je viens d'indiquer garantit cet équilibre. (Applaudissements.)
La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la proposition examinée aujourd'hui par l'Assemblée nationale, si elle se résume en un article unique, présente pourtant une importance particulière puisqu'elle tend à permettre le bon fonctionnement d'une institution indispensable à la vie de notre démocratie.
À l'heure où le Gouvernement travaille à une réforme des institutions, notamment au renforcement des prérogatives du Parlement, je me réjouis qu'il soit aujourd'hui débattu, à l'initiative du président Accoyer, des moyens d'assurer aux enquêtes parlementaires leur pleine effectivité, et à nos concitoyens amenés à participer aux travaux des commissions d'enquête une pleine protection.
Il est en effet de notre devoir commun de faire en sorte que ces commissions, apparues en France avec le régime parlementaire, demeurent un instrument efficace du contrôle parlementaire, d'autant que leur poids et leur influence n'ont cessé de croître au cours de ces dernières années grâce à l'élargissement de leurs moyens d'investigation et à la publicité de leurs auditions depuis 1991.
Nos concitoyens ont ainsi appris à connaître cette institution. Les travaux de plusieurs commissions, notamment celle consacrée aux suites du procès d'Outreau, ont récemment démontré, à l'évidence, qu'elles constituaient de véritables « caisses de résonance » pour le débat démocratique. La publicité donnée aux travaux des commissions d'enquête a clairement valorisé le travail parlementaire, mais, à cette occasion, on a pu constater l'émergence de difficultés nouvelles.
La menace de poursuites judiciaires en raison des témoignages faits de bonne foi devant une commission d'enquête constitue une pression réelle, tangible, qui peut entraver l'apparition de la vérité. Des affaires récentes ont démontré la fragilité de la situation juridique des personnes appelées à témoigner devant ces commissions, qui ont pu faire l'objet de poursuites pour diffamation en raison de leur témoignage.
Or il n'est pas admissible que la liberté de parole de ces personnes soit entravée par la crainte de telles poursuites. Comment les commissions d'enquêtes pourraient-elles, en effet, remplir le rôle que le législateur leur a confié, si elles ne peuvent recueillir des témoignages libres de toute pression ?
C'est pourquoi je tiens à remercier le président Accoyer d'avoir pris l'initiative de renforcer, grâce à cette proposition de loi, la protection des témoins entendus par les commissions d'enquête.
La situation actuelle est en effet paradoxale, comme le montre très bien le président Warsmann dans son remarquable rapport.
C'est un constat objectif.
En vertu de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, toute personne convoquée par une commission d'enquête parlementaire est tenue de comparaître et de déposer sous serment, son refus ou son faux témoignage pouvant faire l'objet de poursuites pénales. En revanche, ces personnes ne bénéficient d'aucune protection légale pour les propos qu'elles tiennent devant la commission.
Les immunités politiques qui, en application de l'article 26 de la Constitution et de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, couvrent les propos tenus par les parlementaires dans l'exercice de leurs fonctions – qu'il s'agisse des discours tenus au Parlement, des rapports imprimés par les assemblées ou des comptes rendus faits de bonne foi des séances publiques – ne s'appliquent pas dans cette hypothèse.
Il en est de même pour les immunités judiciaires prévues par l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 qui interdisent toute action en diffamation, injure ou outrage pour les propos tenus par un intervenant à un procès judiciaire.
Si quelques décisions de justice éparses ont accordé une immunité aux témoins devant les commissions d'enquête, la jurisprudence va désormais dans le sens contraire et les témoins peuvent être poursuivis pour les propos tenus lors de leurs auditions devant les commissions d'enquête.
Pour combler cette lacune et mettre fin à cette incohérence, la présente proposition institue une immunité partielle pour les personnes déposant devant une commission d'enquête. Elles ne pourront plus, désormais, être poursuivies pour diffamation, injure ou outrage pour leurs propos ou leurs écrits.
Elle prévoit logiquement la même immunité pour les comptes rendus faits de bonne foi des séances publiques de ces commissions. Le texte instaure ainsi une immunité similaire à celle qui existe pour les témoins en justice, une immunité précisément encadrée, une immunité justifiée et nécessaire pour que les commissions d'enquête puissent continuer à remplir leur mission.
Cette proposition est donc pleinement justifiée, et je souhaite, en conclusion, remercier le président Accoyer d'avoir présenté ce texte, soucieux qu'il est de permettre au Parlement en général et à l'Assemblée nationale en particulier de jouer pleinement son rôle. C'est, bien sûr, tout naturellement que je vous invite, mesdames, messieurs les députés, au nom du Gouvernement, à adopter ce texte tout à fait opportun. (Applaudissements.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi, pour commencer, de citer M. Roulet, le président de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la MIVILUDES, directement rattaché au Premier ministre lui-même, et qui écrivait en introduction du rapport d'activités de la mission pour 2005 : « Pendant les dix années écoulées, le Gouvernement français a considéré de son devoir de garantir la sûreté des citoyens en faisant preuve d'une grande vigilance, en alertant le public sur les risques sectaires et en luttant contre les agissements délictueux. […] Le Parlement s'est montré extrêmement attentif à ces questions, et cela, de manière très consensuelle. »
Il convient d'insister, monsieur le secrétaire d'État, sur ce consensus. Et j'en profite pour souligner l'absence de l'un de nos collègues, Georges Fenech, qui a été l'objet d'une décision du Conseil constitutionnel qui nous prive de sa présence toujours très efficace sur ce sujet.
En ce qui concerne les autres sujets, je formulerai la même remarque à propos de Jacques Myard quand il intervient sur la politique générale du Gouvernement.
M. Roulet poursuit ainsi : « Le vif intérêt manifesté en ce domaine par la représentation nationale a toujours constitué, pour les gouvernements successifs, à la fois un encouragement en même temps qu'un signe fort de la légitimité de son action contre les dérives sectaires et les atteintes inacceptables aux droits de l'homme qu'elles induisent. »
Ces propos confirment le fait que le phénomène sectaire interpelle les pouvoirs publics au plus haut niveau de leurs responsabilités. C'est d'ailleurs encore le cas, aujourd'hui même, avec cette proposition dont l'initiative, on l'a dit, revient au président de l'Assemblée.
Je tiens d'ailleurs à rendre hommage à cette réaction exceptionnelle qui illustre une fois de plus l'engagement des parlementaires – de toutes les sensibilités politiques représentées dans cet hémicycle – pour la défense des libertés individuelles et collectives dès lors que certains mouvements pseudo-religieux utilisent la liberté pour faire progresser l'obscurantisme et, partant, bafouer nos libertés.
Vous avez parlé, monsieur le secrétaire d'État, des immunités des parlementaires, mais elles ne sont pas aussi larges que votre propos pourrait le laisser entendre.
Je n'ai pas dit cela.
Ainsi, y compris dans l'exercice de notre travail parlementaire – par exemple, pour donner écho au travail d'une commission d'enquête –, nous sommes susceptibles d'être poursuivis. C'est ce qu'ont déjà fait des sectes en harcelant les parlementaires qui enquêtaient sur leurs activités – de même que quelques-uns d'entre nous, Alain Gest est bien placé pour le savoir. Le champ de l'immunité dont bénéficiaient les parlementaires a d'ailleurs été réduit par le Conseil constitutionnel,…
…à une époque – je le précise pour votre curiosité personnelle, monsieur le secrétaire d'État – où l'un de ses membres s'était laissé aller à produire des textes au bénéfice de la scientologie.
Les mouvements sectaires exploitent à leur profit les vides de notre société, l'absence de lisibilité, l'effondrement des grands systèmes idéologiques, la peur de l'avenir, la difficulté de comprendre ce qui nous arrive individuellement et collectivement. Ces groupes menacent l'ordre public lorsqu'ils se radicalisent et, au-delà, loin des médias, au quotidien, combien comptons-nous de personnes abusées et spoliées, de couples brisés, de parents accablés, de vies mises en danger ?
À cet activisme s'ajoute l'activisme procédurier déployé par certains mouvements, souvent les plus importants et – cela va de pair – les plus riches, tels que la scientologie ou les témoins de Jéhovah. J'ajoute, toujours pour votre information, monsieur le secrétaire d'État, que les témoins de Jéhovah, à ma connaissance, n'ont pas acquitté leur dette au Trésor public – l'une des caractéristiques de ces groupements est en effet le viol de nos lois.
Là encore, ces organisations agissent en exploitant les failles de notre système juridique. Elles agissent en assaillant de procès les ex-adeptes qui osent témoigner publiquement, ou encore en harcelant juridiquement tout journaliste ou tout parlementaire susceptible de mettre à jour la dangerosité des activités déployées par ces organisations. Ainsi, comme le constatent les associations de défense des victimes de sectes, les ex-adeptes ne peuvent que trop rarement trouver argent et force psychologique pour entamer de longues et coûteuses procédures judiciaires face à des groupes ou associations armés pour une guerre financière et psychologique à outrance.
Cette réalité n'est malheureusement pas nouvelle. Ainsi, dès 1997, l'Observatoire interministériel sur les sectes, dans son rapport annuel, constatait l'utilisation pléthorique des procédures administratives et judiciaires :
« Au cours des deux dernières années, les associations répertoriées comme ayant un caractère sectaire dans le dernier rapport parlementaire, ont multiplié les actions judiciaires à l'encontre des personnes, élus ou spécialistes, et des associations engagées dans la lutte contre les dérives sectaires, sur le fondement de la diffamation, de l'injure raciale ou religieuse ou encore de la discrimination.
« Sans pour autant renoncer à ce type de comportement, certaines de ces associations privilégient aujourd'hui la saisie des tribunaux administratifs, en vue de gagner une reconnaissance sociale et obtenir des avantages identiques à ceux consentis aux religions traditionnelles. La multiplication des requêtes devant les juridictions administratives visant notamment à obtenir la communication des dossiers constitués au ministère de l'intérieur et sollicités, dans un premier temps, par l'intermédiaire de la CNIL ou de la CADA, témoigne de cette préoccupation.
« Mais, c'est surtout une organisation en particulier qui, désireuse de convaincre de l'insertion de ses membres dans la société, s'attache le plus à créer une jurisprudence en sa faveur. Attaquant en justice les municipalités qui s'opposent à l'implantation de ses lieux de culte, cette association a également engagé plus de 400 procédures devant les juridictions administratives, afin de bénéficier des exemptions fiscales réservées aux seules associations cultuelles régies par le loi de 1905. Au-delà de l'enjeu financier non négligeable, il s'agit pour cette association d'essayer d'obtenir le statut d'association cultuelle. »
Dans ce contexte, la proposition de loi qui nous est soumise est un excellent rempart contre l'acharnement procédurier, qui finit par s'apparenter à une forme de harcèlement et qui porte atteinte à la libre parole devant les commissions d'enquête.
Il nous appartient, à nous législateurs, de prendre le temps, dans l'objectivité d'un examen serein et méticuleux de la situation, d'établir un véritable état des lieux des conséquences de l'influence des sectes sur leurs victimes et des moyens dont disposent les acteurs concernés pour combattre, prévenir mais aussi sanctionner ce type de dérives. Pour mener à bien ce travail, il importe que le législateur puisse entendre les témoins, les ex-adeptes ou encore les acteurs de la lutte contre les dérives sectaires, dans un environnement juridique sécurisant.
Avec la commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau – cela a été rappelé tout à l'heure –, mais également grâce à l'excellence du travail mené par certains médias, et je pense particulièrement à La Chaîne Parlementaire,…
…les députés ont permis aux commissions d'enquête de siéger publiquement, en multipliant les auditions télévisées. Cette donnée nouvelle est bonne pour la démocratie puisqu'elle encourage la transparence du travail parlementaire et fait ainsi oeuvre de pédagogie. Mais dans le cas qui nous occupe, elle ouvre la porte aux dérives procédurières.
C'est pourquoi, je partage le point de vue exprimé par le président de notre assemblée selon lequel « les personnes entendues sous serment devant les commissions parlementaires doivent pouvoir s'exprimer sans crainte. [...] Il n'est pas admissible que le simple fait de rapporter ce que l'on a vécu puisse exposer à des poursuites. Si ce dispositif n'était pas adopté, on peut craindre qu'à l'avenir plus personne n'accepte de témoigner ! ».
Faire taire les témoins, faire taire ceux qui se battent sans relâche pour les libertés individuelles et collectives, voilà le combat mené par les sectes sur le terrain judiciaire.
Pour ce qui nous concerne, ne nous laissons pas embrumer par ceux qui cherchent à se dissimuler derrière le principe de la liberté de conscience pour mieux asseoir leur emprise sur leurs adeptes.
La liberté de conscience, nous y sommes tous profondément attachés. Nous sommes les défenseurs de la loi de 1905, nous l'avons rappelé avec force à l'occasion du centenaire de celle-ci. Et c'est parce que nous voulons continuer de défendre les libertés individuelles et collectives, et nous donner les moyens de rappeler les règles de la République afin de protéger les plus vulnérables, que nous voterons pour cette proposition de loi. (Applaudissements.)
Monsieur le secrétaire d'État, au nom de mes collègues du Nouveau Centre, je voudrais vous apporter notre soutien dans le cadre de l'examen de cette proposition de loi, une heureuse initiative prise par le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer.
Alors que nous allons bientôt discuter d'une réforme des institutions, et au moment où chacun s'accorde sur la nécessité de revaloriser le rôle du Parlement, nous savons combien les commissions d'enquête parlementaires contribuent précisément à cette revalorisation.
Il a été dit à cette tribune, ce matin encore, que tous ont en mémoire les travaux de ces commissions d'enquête. L'une des dernières en date, la commission dite d'Outreau, a pris, notamment grâce à La Chaîne Parlementaire, une dimension insoupçonnée, puisque tous les foyers ont eu la possibilité d'avoir accès à ses travaux.
Les travaux des commissions d'enquête valorisent le rôle du Parlement, mais concourent également à la recherche de la vérité. Dans ce cadre, nous sommes amenés à auditionner des témoins. Le sens de cette proposition de loi, comme l'a fort bien dit notre rapporteur, est de protéger ceux-ci.
Nous en avons discuté la semaine dernière au sein de la commission des lois. Ce texte me semble respecter un juste équilibre, en ce sens qu'il répond à la nécessité de protéger les témoins tout en permettant qu'ils ne se sentent pas non plus dépositaires d'une immunité totale telle que celle dont peuvent bénéficier les parlementaires.
Je veux seulement dire par là que le texte qui nous est soumis n'a pas vocation à donner aux témoins les mêmes droits et prérogatives que les parlementaires. C'est une précision que je voulais apporter.
Néanmoins, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, à l'occasion du vote de cette proposition de loi, nous devons prendre garde de ne pas trop figer et encadrer les travaux des commissions d'enquête parlementaires. Nous devons laisser à ces commissions, en fonction des sujets qu'elles abordent, en fonction de l'actualité, en fonction, surtout, des décisions de leurs présidents et de leurs membres, la faculté de décider elles-mêmes de l'organisation de leurs travaux.
Si nous devons avoir pour souci de légiférer dans la transparence et d'enquêter dans la plus grande transparence – vous savez, à cet égard, quel a été mon combat pour que La Chaîne Parlementaire et les journalistes aient accès aux auditions de la commission dite d'Outreau –, il reste cependant des circonstances dans lesquelles le huis clos peut être un élément de protection des témoins. Cela vaut pour l'organisation des travaux comme pour le compte rendu de certaines auditions.
Oui, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, les députés du Nouveau Centre voteront bien entendu cette proposition de loi, qui est équilibrée et protectrice. Mais prenons garde de ne pas trop figer l'organisation des commissions d'enquête. En fonction des sujets et des circonstances, veillons à ce qu'elles puissent décider d'une organisation propre, et par exemple faire le choix du huis clos, qui offre parfois une protection encore plus grande que celle que nous recherchons ce matin.
Voilà les observations que je souhaitais formuler, s'agissant d'un texte très consensuel. Comme M. Brard l'a rappelé tout à l'heure, sur des sujets extrêmement difficiles, les témoins ne sont parfois pas les seuls à être mis en cause. Nous devons, les uns et les autres, être particulièrement solidaires. Notre mission, celle de légiférer, est difficile. Mais quand il faut rechercher la vérité et mettre en cause des intérêts contraires à ceux de la nation, je crois qu'il faut faire preuve de courage. Quand il s'agit de protéger les témoins, nous devons faire preuve de cohésion et de solidarité. (Applaudissements.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui, d'une part, répond, à une exigence, celle d'adapter notre fonctionnement institutionnel aux évolutions de la société française, et, d'autre part, s'inscrit dans une démarche globale de revalorisation du rôle du Parlement. Il apparaît en effet que le renforcement des pouvoirs de contrôle exercés par le Parlement est un des éléments essentiels de cette revalorisation.
Dans cette optique, le comité de réflexion sur les institutions présidé par Édouard Balladur a examiné la possibilité d'étendre le champ d'application des commissions d'enquête, notamment en leur donnant des prérogatives élargies. Les commissions d'enquête occupent déjà une place prépondérante parmi les instruments de contrôle dont dispose le Parlement. Elles ont ainsi produit, ces dernières années, des travaux significatifs sur un certain nombre de sujets qui ont suscité des débats au sein de la société française, et que certains collègues viennent d'évoquer à l'instant.
Face à l'importance croissante que prennent les commissions d'enquête parlementaires au sein du débat démocratique, il apparaît que les modalités de fonctionnement de cet instrument sont perfectibles. Ainsi, la commission d'enquête sur l'influence des sectes et leurs conséquences sur la santé physique et mentale des mineurs a mis en évidence les imperfections du dispositif, s'agissant notamment de la question de la protection dont bénéficient les témoins.
En effet, le contentieux en diffamation consécutif aux travaux de cette commission a été abondant. Pour avoir vécu, à titre personnel, les prémices de ce phénomène en 1995, j'ai pu observer que les responsables des mouvements sectaires, qui disposent bien souvent de moyens financiers importants, ont fait de l'acharnement procédurier une arme de dissuasion et d'intimidation à l'encontre des personnes dont ils jugent le témoignage gênant.
Lors de la commission d'enquête consacrée aux mineurs victimes des sectes, créée en 2006, ce n'est rien moins, mes chers collègues, que sept témoins qui ont fait l'objet de plaintes déposées contre eux par deux organisations sectaires coutumières de telles procédures.
Dans un tel contexte, et face à l'absence de protection, la parole risque de ne plus être libre, et c'est alors la pertinence du dispositif qui est remise en cause.
La position des témoins s'est trouvée fragilisée au travers des évolutions successives du dispositif, mais aussi en raison des attentes sociales et de la technique.
Comme l'a indiqué tout à l'heure notre rapporteur, c'est principalement la conjonction du caractère obligatoire du témoignage et de la publicité des débats qui expose les témoins à des répercussions judiciaires.
Cependant, tant que le secret des débats était la règle et la publicité l'exception – et je parle ici du secret des débats effectif, mais je vais y revenir –, cette obligation de témoigner n'appelait pas de protection particulière. Or, depuis la loi du 20 juillet 1991, la publicité est devenue la règle. Ainsi, au fil des années, on est passé des comptes rendus et des rapports à une diffusion la plus large possible, sous les effets conjugués de la demande croissante de transparence vis-à-vis de nos concitoyens, souvent exprimée ce matin, et de l'évolution des moyens techniques.
Dans un tel contexte, il apparaît nécessaire d'assurer la sécurité juridique des témoins au regard des obligations que l'on fait peser sur eux, notamment de les prémunir des actions en justice au titre de la diffamation, de l'injure et de l'outrage.
Au-delà de cette exigence morale envers les témoins, c'est l'efficacité même de la commission d'enquête qui peut être remise en cause par un usage abusif des procédures de justice.
Alors que l'on peut imaginer que les évolutions institutionnelles actuellement envisagées conduisent les commissions d'enquête à se saisir de faits faisant l'objet de procédures judiciaires, il est inconcevable que les témoins ne puissent pas bénéficier de la même protection que celle octroyée par les tribunaux.
Si la nécessité d'instaurer une protection s'impose de manière indiscutable, il convient néanmoins de proposer une solution équilibrée, qui respecte les droits des tiers. C'est ce à quoi s'attache la présente proposition de loi de Bernard Accoyer.
On pourrait imaginer l'extension aux témoins de l'immunité dont bénéficient les parlementaires en raison de leur participation à des travaux de nature parlementaire. Cette solution, retenue notamment au Royaume-Uni, n'est pas conforme à notre tradition juridique, qui donne à l'immunité dont bénéficient les parlementaires un caractère exceptionnel – ce terme n'est d'ailleurs peut-être pas très bien choisi – qui ne doit comporter aucune extension. De même, la notion de travaux parlementaires ne peut être extensive.
Au demeurant, je me permettrai, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, de regretter, comme l'a fait tout à l'heure Jean-Pierre Brard, la protection toute relative que représente, pour le parlementaire l'immunité dite « dans l'exercice de ses fonctions », si j'en juge par les difficultés rencontrées par un certain nombre d'entre nous, confrontés au harcèlement judiciaire de mouvements sectaires.
Une autre possibilité aurait été d'instaurer à nouveau le secret et l'anonymat par le huis clos et la publication des témoignages sous X. On voit bien que cette solution, évoquée à plusieurs reprises, et encore ce matin par notre collègue Hunault, n'est pas satisfaisante, dans la mesure où la publicité des auditions participe du retentissement des travaux et permet l'appropriation du débat par nos compatriotes.
Des événements passés nous ont montré la grande relativité de l'efficacité du huis clos. Lorsque notre excellent rapporteur dit que « le filtre du huis clos devenait de plus en plus mince », c'est un euphémisme. Notre assemblée, mes chers collègues, a connu, ici même, en 1995, les limites du huis clos.
À l'époque, en qualité de président de la commission d'enquête sur les sectes, j'ai été confronté à la relativité de ce fameux secret des débats : avant même la fin des auditions, qui se déroulaient à huis clos, il a été porté à ma connaissance que la liste des personnes auditionnées, l'ordre des auditions et le contenu de celles-ci avaient été débattus à l'occasion d'un colloque d'organisations à caractère sectaire. Cette découverte a provoqué une émotion légitime et le dépôt d'une plainte par le président de l'Assemblée nationale. Toutefois, cette plainte n'a malheureusement pas permis d'établir les conditions ni les auteurs des fuites. Elle a surtout démontré la totale inefficacité du recours au secret des débats face à la dérive totalitaire de certains mouvements sectaires. Une ancienne adepte venue témoigner devant la commission d'enquête s'était d'ailleurs retrouvée entraînée dans une procédure judiciaire.
Le présent texte a donc fait le choix d'une solution médiane qui permet de concilier efficacité et publicité des débats : une immunité partielle de nature législative, similaire à celle octroyée aux témoins judiciaires par l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cette immunité est partielle dans la mesure où elle préserve les droits des tiers. Son champ d'application est restreint à la diffamation, l'injure ou l'outrage, mais, tout ne pouvant être dit devant une commission d'enquête, les propos mensongers et subordonnés demeurent sanctionnables par la loi. De plus, cette immunité, qui s'applique également aux publications parlementaires et à leurs auteurs, est circonscrite par la bonne foi qui repose, selon la jurisprudence, sur quatre critères cumulatifs : l'objectivité, la prudence, l'absence d'animosité personnelle et la légitimité du but. Un amendement adopté en commission a apporté un encadrement supplémentaire à cette immunité en excluant de son champ de protection les propos qui n'ont pas de lien avec l'objet de l'enquête et les faits examinés par la commission. J'y souscris tout en espérant qu'il ne donnera pas lieu à des interprétations allant dans un sens que nous ne souhaiterions pas.
L'auteur de la présente proposition de loi, notre président Bernard Accoyer, doit être remercié, car il a trouvé une réponse équilibrée qui, tout en sécurisant les témoins, n'omet pas de poser les garde-fous nécessaires pour préserver les droits des tiers. Les missions du Parlement s'en trouveront confortées. C'est la raison pour laquelle, au nom du groupe UMP, je vous invite à adopter ce texte. (Applaudissements.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'initiative qui nous est proposée est parfaitement justifiée. À l'évidence, notre assemblée doit prendre en compte la préoccupante multiplication des recours en justice engagés contre des personnes amenées à témoigner devant des commissions d'enquête parlementaires. Comment ne pas constater que ces actions en diffamation émanent souvent de mouvements détenant un savoir-faire éprouvé en matière de manipulation des foules, dont l'objectif est de décrédibiliser les individus ou de déstabiliser les organisations qui se sont donné pour objectif de dénoncer leurs agissements ?
L'arrêt rendu par la Cour de cassation le 23 novembre 2004 soulignant que le droit commun de la diffamation s'appliquait à tout individu auditionné par une commission d'enquête parlementaire, il était légitime de réfléchir à partir de son contenu. Cet arrêt revient en effet à permettre à tout groupement mal intentionné d'exercer d'inadmissibles pressions sur un témoin pour affaiblir son témoignage, voire le condamner au silence. Si cette logique d'intimidation atteignait son objectif, c'est le pouvoir de contrôle du Parlement lui-même, fondement de notre République, qui s'en trouverait altéré. Il est donc tout à l'honneur de notre assemblée de tenter, par cette proposition de loi, de remédier à ces graves dysfonctionnements qui, s'ils se multipliaient, ne manqueraient pas de porter gravement atteinte à nos institutions démocratiques.
Nous avons, sur la nature du mal et sur sa gravité, des avis convergents. En revanche, après réflexion, il nous apparaît que la thérapeutique préconisée par le texte tient du remède de cheval qui, au lieu de revigorer le patient, risque de l'abattre plus encore. Dans le souci légitime de mettre fin à des travers assurément répréhensibles, la proposition de loi emprunte des chemins tortueux dont le juge constitutionnel, s'il était saisi – ce que nous ne ferons pas, pour notre part –, pourrait considérer qu'ils posent des difficultés sur le plan du droit.
Pour tout dire, je ne trouve pas la proposition aussi équilibrée que notre rapporteur a bien voulu la présenter. D'abord, elle vise à étendre par une loi ordinaire aux témoins des commissions d'enquête un principe de valeur constitutionnelle, qui, depuis 1789, n'a jamais été remis en cause, écorné tout au plus. Loin de nous l'idée, dans un réflexe corporatiste, d'en réclamer la jouissance exclusive : l'immunité parlementaire n'est pas un privilège, mais un moyen de placer le pouvoir législatif à l'abri des atteintes de l'exécutif. Le législateur s'est déjà aventuré sur ce terrain et mal lui en a pris. Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 7 novembre 1989, a en effet considéré que la mission confiée par le Gouvernement à un parlementaire ne pouvait exonérer celui-ci de façon absolue de toute responsabilité pénale et civile, les actes en question étant distincts de ceux accomplis dans l'exercice de ses fonctions. Un parlementaire en mission n'est pas couvert par l'immunité parlementaire.
Dès lors, on voit mal pourquoi ce qui a été refusé hier au législateur pour le parlementaire en mission serait aujourd'hui admis pour le simple témoin devant une commission d'enquête, même si cette immunité est relative.
Au demeurant, il est logique de penser que si la Cour de cassation développe aussi une interprétation très stricte de l'immunité parlementaire, c'est bien parce que celle-ci ne peut être autorisée que par la Constitution.
Mais cette remarque n'est pas la seule que nous avons à formuler s'agissant de ce texte. On peut aussi se demander s'il ne conduit pas à porter atteindre au principe constitutionnel du droit au recours. Cela a été dit par le rapporteur et par M. Hunault. Ainsi, un tiers qui serait attaqué par un témoin devant une de nos commissions d'enquête, sur un sujet en lien direct avec l'objet de l'enquête, se trouverait privé du droit élémentaire d'ester en justice pour défendre sa réputation. Je me place bien là sur le plan du droit. Il peut donc sembler paradoxal qu'en voulant protéger une liberté, on porte en même temps atteinte au principe tout aussi sacré du droit au recours.
Autre interrogation, votre texte pourrait être perçu comme contraire à l'égalité devant la loi et la justice, si l'on se réfère à la décision du Conseil constitutionnel du 7 novembre 1989.
S'appuyant sur l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et sur l'article 2 de la Constitution, le Conseil avait considéré que la mise en oeuvre, au profit de quiconque, d'une exonération de responsabilité à caractère absolu, portait atteinte à ce principe d'égalité devant la loi.
Permettez-moi de formuler sur ce texte des remarques de droit. Nous craignons que son application ne débouche sur certains effets pervers. Et ce n'est pas parce que je m'interroge que le groupe socialiste est hostile au texte.
M. Warsmann, dans son intervention, équilibrée pour le coup, soulignait qu'il y avait potentiellement de la part des témoins un « risque d'instrumentalisation de ces commissions » et appelait à juste titre à la réserve de ceux qui seront appelés à les présider ou à en établir le rapport. Elles pourraient y perdre leur crédibilité. Il faut, au contraire, tout faire pour que les commissions d'enquête aient un vrai pouvoir d'investigation, car elles ont démontré, vous l'avez rappelé mieux que je ne saurais le faire, après Outreau, toute leur utilité. On ne peut accepter que des propos tenus en leur sein à la demande de l'Assemblée nationale puissent porter tort à ceux qui les ont tenus. Toutefois, pardonnez-moi de le redire, je demeure convaincu que la solution retenue dans cette proposition de loi pose des problèmes de droit.
Je le confesse, je n'ai jamais été associé à une commission d'enquête.
J'imagine néanmoins que leur souplesse de fonctionnement permet sans grand-peine de parvenir au but recherché sans prendre le risque d'une décision juridiquement discutable.
Je sais bien que, depuis 1991, l'audition publique est devenue la règle. Mais puisque l'ordonnance de 1958 prévoit le recours possible au huis clos pour protéger certains témoins,…
…rien n'interdit d'user de cette modalité lorsque les circonstances l'exigent.
Je vous ai entendu.
Il pourrait être utile, dès le lancement de la procédure, d'informer très clairement les témoins que, lors d'une audition publique, leurs propos sont susceptibles de donner lieu à des poursuites. Cet avertissement pourrait, par exemple, figurer sur leur lettre de convocation. C'est le sens d'un amendement que je vous proposerai. Il s'agirait ici de faire comprendre que dire la vérité n'implique pas pour autant la tenue de propos injustifiés et condamnables. Une protection accrue des personnes auditionnées devant les commissions d'enquête pourrait également passer par un recours aux témoignages sous X, qui garantirait du même coup leur anonymat. On pourrait enfin envisager de demander aux témoins des écrits qui seraient exploités dans le rapport sans que leur auteur soit nominativement cité. Je n'ignore pas ce que cette justification du secret, même mesurée, peut avoir d'anachronique et de politiquement incorrect en ces temps marqués par une exigence de transparence qui n'admet nulle entrave, mais, comme l'excès de silence ou d'opacité, je crois que l'excès de transparence peut porter atteinte au fonctionnement de la démocratie et accentuer l'affaiblissement du politique.
En conclusion, ce que nous vous proposons, c'est de résoudre le problème que vous avez justement souligné en recourant plus aux possibilités offertes par l'ordonnance de 1958 (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.).
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le phénomène sectaire existe bel et bien, contrairement à ce qu'ont pu affirmer fort malencontreusement certains conseillers politiques.
Trois commissions d'enquête en ont mis les dérives en évidence, et il est impératif que l'Assemblée puisse continuer à le faire. De nombreux progrès ont été réalisés dans la lutte contre les mouvements sectaires avec la fameuse loi About-Picard de 2001, la création de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, qu'il convient de préserver et de renforcer dans sa mission, ou la récente circulaire du ministre de l'intérieur appelant l'attention des préfets sur les dérives sectaires et la lutte à mener contre celles-ci.
Il ne s'agit pas de juger ce qu'est une religion. Les procès en anti-religion parfois faits aux commissions d'enquête sont totalement infondés : nous sommes tous pour la liberté religieuse telle qu'elle est consacrée par la Constitution.
On peut croire aux bienfaits du grand chêne qui déverse ses influences cosmiques sur chacun d'entre nous. (Sourires.) Mais si certaines personnes se réunissent sous le grand chêne et assoient les enfants sur les branches en attendant qu'il leur enseigne la vérité, tout en leur interdisant d'aller à l'école, alors l'État doit intervenir pour que cessent ces agissements contraires à la loi.
Le principe de laïcité fait qu'en aucune manière, nous ne pouvons nous prononcer sur ce qu'est une religion. L'État est certes là pour constater qu'il y a des religions, mais il est bien incapable de définir ce qu'est une religion. Cela relève d'un autre champ d'action.
Ce qui est en cause, vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, ce sont les délits sectaires : l'abus de faiblesse, le harcèlement, la non-assistance à personne en danger, la séquestration, les mauvais traitements sur des mineurs, comme l'a mis en exergue la dernière commission d'enquête, l'exercice illégal de la médecine par un certain nombre de charlatans. Ces agissements sont la réalité au quotidien.
J'ai d'ailleurs demandé la création d'une commission d'enquête pour faire le point sur les délits sectaires en matière médicale et paramédicale, domaine où règnent très souvent nombre de pseudo-médecins, de pseudo-psychothérapeutes qui sont autant de gourous et de véritables charlatans. J'espère que l'Assemblée votera la création de cette nouvelle commission d'enquête.
Face à ces agissements répréhensibles, il est impérieux de protéger les témoins. En effet, sans eux, comment faire apparaître la vérité sur les agissements d'une secte, alors que l'on sait, huis clos ou non, que ces témoins seront ensuite harcelés par des gourous, par des membres de la secte qui voudront les faire entrer dans le rang ? Nous avons tous pu constater qu'un certain nombre des témoins que nous avions reçus avaient fait l'objet de menaces pour qu'ils se taisent, ceux-ci n'étant pas totalement sortis des griffes des mouvements sectaires. Voilà pourquoi j'approuve sans réserve cette proposition de loi.
Nous avons évoqué tout à l'heure la question de l'immunité parlementaire. Je souhaiterais obtenir des précisions du Gouvernement sur ce point et sans doute notre Assemblée devra-t-elle y revenir. Lorsqu'un parlementaire cite sur divers médias, c'est-à-dire hors du cadre de cette maison, des propos consignés dans un rapport parlementaire, il peut faire l'objet d'un recours. Ce fut le cas à la suite de la commission d'enquête présidée par Alain Gest. L'Assemblée a certes pris en charge les frais d'avocats liés à la défense des parlementaires, mais il n'en reste pas moins que ceux-ci ont été attaqués en justice pour des propos tenus lors d'une commission d'enquête et à l'Assemblée. Il ne faut pas croire que tout cela soit illusoire. C'est un moyen employé par les mouvements sectaires qui ont de l'argent et utilisent souvent des sommes considérables pour harceler ceux qui entendent dénoncer leurs agissements.
C'est la raison pour laquelle nous devrons, un jour ou l'autre, affiner la notion d'immunité parlementaire, qui est d'ordre constitutionnel. Pour les témoins, il s'agit en l'occurrence d'une immunité ordinaire destinée à leur éviter de rester dans les griffes des sectes. (Applaudissements.)
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le président, je voudrais d'abord remercier les parlementaires qui ont exprimé leur accord, et parfois leurs doutes, sur la proposition de loi soumise à l'Assemblée.
Je souhaiterais indiquer à M. Urvoas, en attendant qu'il défende son amendement, que je ne partage pas certains des doutes qu'il a exprimés.
Je pense que ce texte est équilibré, qu'il offre une immunité partielle aux témoins, immunité qui n'est pas celle – plus large, sinon absolue – dont les parlementaires bénéficient. Ce dispositif s'appuie sur quelque chose de connu : la protection des témoins dans les procès, dont nous avons l'expérience.
J'ai bien entendu les interventions de MM. Gest, Myard et Brard sur la notion même d'immunité parlementaire, notamment les remarques de M. Myard sur les recours engagés contre les propos tenus dans la presse par les parlementaires. J'ai demandé à M. Warsmann de bien vouloir examiner ce point et de nous présenter éventuellement des propositions.
Je partage l'appréciation de M. Hunault sur la nécessité pour les commissions d'enquête de conserver la maîtrise de leurs travaux, notamment en matière de publicité.
M. Brard et M. Gest ont rappelé, à juste titre, les pressions subies par les témoins et même par les parlementaires, ce qui est évidemment inadmissible.
M. Gest a insisté sur le fait que les commissions d'enquête contribuaient à la revalorisation du rôle du Parlement. Je partage naturellement son point de vue. Ces commissions donnent aux assemblées les moyens d'exercer leur mission de contrôle, mission qui va se développer – du moins je l'espère – avec la réforme constitutionnelle.
M. Urvoas a, comme ses collègues, déploré les dérives observées depuis quelques années en ce qui concerne les actions menées contre les témoins des commissions d'enquête. Il a, en revanche, considéré que la solution proposée n'était pas adaptée. Je ne partage pas ses craintes sur le plan constitutionnel. L'immunité offerte aux témoins n'est pas générale. Il ne s'agit pas d'une immunité parlementaire, mais d'une simple application de l'article 41 de la loi de 1881, qui protège les témoins en justice. Nous sommes dans le cadre d'un débat beaucoup plus ciblé ; nous ne sommes pas dans le cadre de l'article 26 de la Constitution relatif aux immunités parlementaires.
Avant de donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement de M. Urvoas, je voudrais indiquer que je suis bien conscient que le problème des commissions d'enquête parlementaires se pose, pas seulement par rapport à la situation des témoins, mais également par rapport à celle de l'ensemble des parlementaires. Je souhaite que nous ayons avec M. Warsmann une réflexion approfondie sur ce point, afin que les parlementaires ne soient pas mis en cause.
Sur l'article unique, je suis saisi d'un amendement n° 1 .
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le soutenir.
Étant novice, mes propos seront nécessairement prudents. Il n'en demeure pas moins que je suis gêné par les échanges que nous venons d'avoir et sur la focalisation sur un seul type de commission d'enquête. Certes, je reconnais le travail remarquable effectué par les commissions d'enquête sur les sectes et je comprends qu'il soit nécessaire de protéger les témoins. Toutefois, j'ai du mal à me prononcer sur un texte qui ne prend en compte qu'une seule situation.
Je le répète, des possibilités sont offertes par l'ordonnance de 1958 pour protéger les témoins, afin qu'ils puissent nourrir la réflexion de la commission et l'éclairer le plus largement possible.
Je propose donc, par l'amendement n° 1 , de substituer aux alinéas 2 et 3 de l'article unique de la proposition de loi présentée par le président Accoyer un alinéa soulignant les possibilités de huis clos, notion qui me parait parfaitement fondée en droit. Pardonnez-moi de faire du juridisme, …
La commission a émis un avis défavorable.
La commission d'enquête est souveraine. Je crois préférable de lui laisser la liberté d'organiser éventuellement l'audition à huis clos d'un témoin.
Je souhaiterais vraiment que M. Urvoas accepte de retirer son amendement, qui vise à introduire un dispositif très différent de celui proposé par M. Accoyer. Dans le cas contraire, j'en demanderai le rejet.
Si son objectif est de protéger les témoins, je crains que l'amendement ne permette pas forcément d'atteindre ce but. En effet, le dispositif qu'il propose ne permet pas de protéger complètement les témoins qui interviendraient dans le cadre d'une commission d'enquête dont les travaux seraient retransmis en direct à la télévision. De plus, ce dispositif contraint trop les commissions d'enquête, lesquelles doivent avoir la possibilité de choisir librement si elles entendent rendre ou non public le nom d'un témoin, ne serait-ce que parce qu'une telle divulgation peut donner du crédit au contenu du rapport et aux informations qu'il contient.
Comment ne pas accéder à une requête aussi intelligemment présentée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je retire l'amendement n° 1 .
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, j'indique à l'Assemblée que, conformément aux conclusions de la commission, son titre est ainsi rédigé :
« Proposition de loi complétant l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. »
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures quarante, est reprise à onze heures dix.)
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 199 .
La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, notre amendement n° 199 vise à apporter à l'alinéa 2 de l'article 1er un complément d'information et de législation, dans le droit fil des conclusions du Grenelle de l'environnement. Ces dernières ont abouti au consensus du « libre choix de produire et de consommer sans OGM ». Cette liberté doit être défendue par l'État contre toute atteinte portée par des intérêts privés. Le « sans OGM » est un droit qui doit être reconnu pour tous et par tous, et garanti par l'État.
Que signifie « sans OGM » ? Les seuils de détection scientifique n'ont rien à voir avec le seuil européen, qui déclenche l'obligation d'étiquetage, de 0,9 %. Pour nous, il n'y a pas de présence « fortuite » d'OGM, puisque les contaminations éventuelles proviendraient de dissémination volontaire depuis des champs qui auraient, délibérément, été semés en OGM. La liberté de choix que nous voulons voir figurer dans la loi signifie, pour nous, la conservation des activités préexistantes aux OGM, parmi lesquelles l'agriculture sans OGM, qu'il importe donc de protéger.
Le « sans OGM » doit être reconnu, garanti et bénéficier de mesures de protection. Les filières sans OGM doivent être nommées. Elles n'existent pas « par défaut », mais à part entière.
Anecdote révélatrice : lorsque le groupe de travail OGM du Grenelle de l'environnement a remis en cause le seuil de 0,9 %, le Groupe national interprofessionnel des semences et plants – le GNIS – s'est empressé de faire un communiqué indiquant qu'une telle révision était impossible au niveau français. J'en conclus que, pour les promoteurs des OGM, le refus d'un seuil de contamination dite « fortuite » revient à porter atteinte à leur liberté de produire des OGM. Nous estimons au contraire que la liberté de choix, clairement affirmée, impose que la loi garantisse la liberté de produire et de consommer sans OGM.
La parole est à M. Antoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.
La commission constate qu'un amendement analogue a été examiné hier soir. La seule différence est qu'au lieu de filières commerciales, il est cette fois-ci question de filières économiques. Sur le fond, l'avis est défavorable ; sur la forme, nous estimons que l'amendement devrait tomber.
Il me paraît, à moi aussi, effectivement redondant. Les services de la séance ont toutefois considéré qu'il n'était pas identique. Cela dit, si vous en êtes tous d'accord, nous pouvons considérer que cet amendement n° 199 est tombé.
Je suis saisi d'un amendement n° 201 .
La parole est à M. François de Rugy, pour le soutenir.
Cet amendement vise à traduire en droit interne l'article 26 bis de la directive 200118 relatif à la dissémination volontaire des OGM qui autorise les États membres à prendre les mesures nécessaires pour éviter la présence d'OGM dans d'autres produits. Il serait logique que nous profitions de l'occasion offerte par ce débat pour transposer cette disposition.
Comme nous l'avons déjà dit, nous sommes attachés au droit de pouvoir produire sans OGM. À cet égard, d'un point de vue linguistique et mathématique, nous considérons que « sans OGM » signifie 0 %. Le seuil de 0,9 % actuellement proposé revient pour nous à ouvrir la possibilité de la dissémination des OGM, voire à la justifier. Seul un taux en deçà du seuil de détection fixé à 0,1 % est de nature à apporter aux producteurs et aux consommateurs la garantie de produire et de consommer sans OGM.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Dans les articles suivants, le projet de loi prévoit de créer un Haut conseil des biotechnologies à qui il incombera de trancher ces questions.
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Même avis que la commission.
Je suis saisi d'un amendement n°202 .
La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.
Conformément à la lettre et à la philosophie du Grenelle de l'environnement, nous souhaitons qu'il soit tenu compte de la liberté d'entreprendre des agriculteurs qui souhaitent cultiver des produits sans OGM.
Entre autre principes fondamentaux de notre République, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui figure en préambule de notre Constitution, dispose à son article 4 que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Or dès lors qu'il est possible de cultiver des OGM dans quelques parcelles, la contamination des parcelles voisines est probable – les statistiques américaines ou argentines le prouvent et M. le ministre d'État lui-même ne le conteste pas. La liberté de cultiver sans OGM est donc directement menacée par celle de cultiver des OGM alors même que les cultures sans OGM ne comportent aucun risque pour les cultures transgéniques. Cette asymétrie implique d'appliquer le principe fondamental de notre République, à valeur constitutionnelle, que j'ai rappelé.
Les cultures d'organismes génétiquement modifiés ne sont pas d'intérêt général. Elles se sont développées en dehors des contraintes environnementales et écologiques. Elles peuvent porter atteinte au libre exercice de l'agriculture conventionnelle, biologique, durable,…
Non, pas « raisonnée » : c'est le vocabulaire employé par la FNSEA pour désigner un type d'agriculture qui use de beaucoup de pesticides – voyez le cahier des charges.
Au-delà de la réparation des dommages en cas de contaminations avérées, les cultures OGM nouvelles ne peuvent pas laisser à la charge des filières traditionnelles le surcoût des mesures de protection et de traçabilité qu'elles leur imposent. Elles ne doivent pas porter atteinte au droit de produire sans OGM, ni à celui des apiculteurs. Nous aurons l'occasion d'en reparler à l'occasion d'autres articles ; face aux cultures OGM, nos amis apiculteurs se heurtent à un problème spécifique : conduits à déplacer leurs ruches pour suivre les floraisons ou répondre aux demandes de pollinisation des cultures, ils sont particulièrement exposés au risque de contamination de la nourriture de leur cheptel ou de leurs produits.
Le récent arrêt de la cour d'appel d'Agen, du 12 juillet 2007, démontre que le droit positif, faute de volonté politique de retranscrire jusqu'ici en droit interne les dispositions communautaires, n'a pas encore intégré le phénomène nouveau des dommages provoqués par les contaminations génétiques non intentionnelles. Cette insuffisance doit être corrigée, ce que se propose de précisément de faire cet amendement.
Cette discussion est analogue à la précédente. Ces sujets relèvent eux aussi du Haut conseil des biotechnologies, dont je ne puis imaginer qu'il s'affranchisse des principes de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen… Avis défavorable.
Même avis.
Normalement, je ne suis pas obligé de vous la donner, mais je le fais bien volontiers. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, je ne le prends pas comme une faveur, mais comme l'application d'une règle.
On ne peut pas continuer ainsi ! Peut-être préférez-vous que nous demandions une suspension de séance ?
Monsieur le président, avant de commencer, je fais seulement remarquer qu'il ne s'agit pas d'une faveur : cela se fait même assez régulièrement… Il est normal que nous puissions répondre et à la commission et au Gouvernement. M. Ollier lui-même est d'accord avec nous. Et si l'on avait pas créé cet incident, j'aurais déjà fini de parler.
J'avais cru comprendre que la majorité était favorable à la liberté d'entreprendre. En l'espèce, nous savons bien qu'il existe un problème de coexistence entre les productions avec OGM et les productions sans OGM. C'est bien ce qui a conduit certains députés de l'UMP, que je salue, à nous rejoindre hier soir dans le vote d'un amendement. M. le ministre lui-même, sur France Inter hier matin, a presque capitulé : à la question « comment allez-vous établir une barrière entre les cultures OGM et sans OGM ? », il a répondu « Mais je ne suis pas en train de dire qu'il faut une barrière ». Tout est dit. C'est reconnaître que, à terme, ces deux types de culture ne pourront coexister.
Par ailleurs, les agriculteurs membres du Comité national de l'agriculture biologique et de l'Institut national de l'origine et de la qualité viennent de nous adresser un courrier pour exprimer leurs inquiétudes sur leur capacité à continuer à « produire bio » et à atteindre le seuil de 6 % que le Grenelle de l'environnement a lui-même fixé.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, éclairez-nous sur ce point ? Le coeur du débat est bien là : il ne s'agit pas d'accepter les productions OGM et d'évaluer les risques de contamination – et les barrières pour empêcher la dissémination ne se calculent pas en mètres, en hectomètres ni en kilomètres, personne ne peut le dire exactement – mais de garantir la possibilité de produire sans OGM. Aidez-nous à comprendre un peu mieux !
Beaucoup ont évoqué le Grenelle de l'environnement, certains d'ailleurs avec une vigueur proportionnellement inverse à leur participation à ses groupes de travail… Il est vrai que nos agendas ne nous permettent pas d'être partout ! Lors de son atelier OGM, rappelons-le, un consensus s'était établi sur plusieurs points : adoption d'une loi relative aux OGM, création d'une Haute autorité, principe du libre choix de produire et de consommer avec ou sans OGM – malgré un débat sur les seuils –, principe de transparence et de participation citoyenne.
Dans son prolongement, mon amendement n° 100 propose que l'évaluation des risques ne soit pas seulement indépendante, mais aussi transparente. La question de la transparence et de l'accès du public aux études relatives à la santé et à l'environnement est en effet déterminante dans le respect du principe d'information du citoyen. Conformément à la convention d'Aarhus et à la directive de 2001, la loi doit clairement l'affirmer.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 254 .
L'intergroupe OGM du Grenelle de l'environnement avait retenu six principes : non-brevetabilité du vivant, libre choix de produire et de consommer, principe de pollueur-payeur et régime de responsabilité, principe de précaution, principe de transparence et de participation, subsidiarité territoriale. Ces principes ont tous fait l'objet d'un consensus, à l'exception de celui de subsidiarité.
Pour ce qui concerne le principe de transparence, il est précisé que la composition de la haute autorité devra être partenariale, que les résultats devront être diffusés, qu'il faudra prévoir une articulation avec le secret industriel et que la déclaration des parcelles sera obligatoire.
Il est indispensable d'inscrire ce principe de transparence dans l'article 1er, dans la mesure où il s'agit d'un principe fondamental, voire fondateur.
Par ailleurs, les dispositions concernant l'information du public ont été confortées notamment par la convention d'Aarhus signée le 25 juin 1998 par la France, puis par l'Union européenne.
Adoptée en application de l'article 10 de la déclaration de Rio pour la région Europe de la commission économique des Nations unies, cette convention porte sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement.
Telles sont les raisons qui justifient l'adoption de l'amendement n° 254 .
La commission avait émis un avis défavorable sur ces amendements dans la mesure où un amendement de M. Jacob et M. Debré, qui sera présenté ultérieurement, reprenait le terme de transparence, mais dans une perspective plus large.
Cela dit, monsieur Pancher, ce sujet a été largement évoqué lors de la discussion générale, mais vous avez raison d'y revenir. Il faut effectivement donner une information claire à l'opinion publique, car elle ne comprend plus rien en la matière. Aussi devons-nous faire preuve de transparence.
Voilà pourquoi, monsieur le président de la commission, je crois opportun de modifier l'avis que la commission avait émis sur ces deux amendements, en intégrant la notion de transparence proposée conjointement par M. Pancher et M. Chassaigne, tout en conservant l'amendement de M. Jacob et de M. Debré.
Pour ce qui est de la correction grammaticale de l'ensemble, la navette nous donnera l'occasion d'y revenir plus tard.
Tout à fait favorable.
Nous nous félicitons de l'évolution de la position de la commission sur ces deux amendements.
Le Sénat avait déjà amélioré – c'est un des rares points où il l'a fait – le texte en précisant que l'évaluation devait être indépendante. Il s'agit maintenant d'ajouter que cette étude est rendue publique. Comme nous l'avons rappelé au cours de la discussion générale, le principe de transparence est au centre du Grenelle de l'environnement.
Pour ce qui est de l'amélioration grammaticale, j'indique que nous présenterons ultérieurement un amendement formulé de façon plus claire, prévoyant que l'étude d'évaluation est rendue publique.
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
Je suis saisi d'un amendement n°232 .
La parole est à M. Germinal Peiro, pour le soutenir.
Notre amendement tend à mentionner dans l'alinéa 3 de l'article 1er, après l'environnement, les cultures conventionnelles. Tout le monde connaît maintenant notre opposition sur le fond de l'article 1er qui prévoit que l'on peut produire et consommer avec ou sans OGM. Nous considérons en effet que la liberté de produire sans OGM sera bafouée dès lors que l'on accorde le droit de produire avec OGM. La coexistence entre les cultures ne sera pas possible car la dissémination ne manquera pas de se généraliser rapidement.
Il convient donc de protéger en premier lieu les cultures conventionnelles. Nous avions d'ailleurs compris que telle était l'une des conclusions du Grenelle de l'environnement qui devait accorder et respecter la liberté de produire sans OGM. Or le présent texte change radicalement la donne en prévoyant que l'on pourra produire des OGM.
Nous estimons que les cultures conventionnelles doivent être mentionnées dès l'article 1er afin de répondre à l'attente de milliers d'agriculteurs qui ne veulent pas que leurs productions soient polluées par les champs voisins OGM. Une seule filière veut imposer la culture OGM en France : celle des grands céréaliers. Tous ceux qui pratiquent la polyculture, qui produisent sous label ou sous IGP ne le réclament pas parce qu'ils savent que la présence des OGM portera atteinte à la crédibilité de leurs produits. Chacun sait bien que la plus-value de l'agriculture française, ce sont les productions de qualité, de terroir.
Le législateur doit défendre la grande majorité des agriculteurs de ce pays. Voilà pourquoi nous demandons que les cultures conventionnelles figurent à l'alinéa 3 de l'article 1er.
Monsieur Peiro, vous soulevez une question intéressante, comme toujours. Toutefois, la commission a émis un avis défavorable. L'alinéa 3 retranscrit mot à mot ce que prévoit la directive 200118 s'agissant de l'environnement et de la santé. En introduisant des considérants différents, nous risquons d'adresser un message bien confus à Bruxelles.
Toutefois, votre préoccupation devrait être satisfaite plus loin dans le texte, puisque les commissions de surveillance biologique du territoire ont précisément pour vocation d'examiner l'ensemble des problématiques liées à l'agriculture, sur les OGM comme sur l'ensemble des techniques agricoles, de produire des informations et de faire des rapports qui seront transmis au Haut conseil des biotechnologies qui pourra s'en saisir et, le cas échéant, en tenir compte lorsqu'il sera amené à statuer.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement.
Même avis.
Il est important de poser, à cet endroit du texte, les bases de ce que nous voulons. L'évaluation est très importante si l'on ne veut pas mettre nos systèmes agricoles en liberté conditionnelle par rapport aux OGM. L'agriculture conventionnelle doit être protégée, et notamment au niveau de l'évaluation.
Permettez-moi à nouveau de montrer une carte : voyez ce qui a déjà été planté dans le Sud-Ouest ! Moi qui suis élue d'un territoire de montagne, je peux vous dire que si l'agriculture de montagne n'est pas nécessairement labellisée, il n'en demeure pas moins qu'elle s'impose des contraintes de qualité. Nos territoires, en butte à de lourdes difficultés, s'efforcent de mettre en avant une valeur ajoutée, en termes de qualité de vie comme de qualité de nos produits. Et c'est dès l'évaluation que ces préoccupations doivent être prises en compte afin de protéger en premier lieu les spécificités de notre agriculture conventionnelle.
Je suis saisi d'un amendement n° 255 .
La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.
Cet amendement vise à définir plus précisément la notion d'indépendance.
En commission, nous avons tenté de renforcer à la fois la notion de transparence, de faciliter l'accès du public aux études réalisées et de définir avec précision ce qu'est l'indépendance. Pour ce faire, nous avons fait référence à un protocole international qui le définit avec précision en utilisant les termes de compétence, de pluralité, de transparence et d'impartialité, comme nous l'avons déjà fait pour certaines agences, notamment l'AFSSA.
Il me semble préférable de se reporter à un cadre juridique très précis, de façon à éviter toutes les ambiguïtés sur la notion d'indépendance, comme celles que l'on a pu entendre ici depuis le début de l'examen du texte.
La commission est favorable à cet amendement qui précise utilement les qualités que doit présenter toute évaluation, comme la compétence, la pluralité et l'impartialité.
Je souhaite m'arrêter un instant sur l'amendement de Christian Jacob, car il est essentiel.
Il faut sortir du débat manichéen entre les « pour » et les « contre » : aucun texte de loi n'interdira jamais tous les OGM. Du reste, ce ne serait pas conforme au droit communautaire. Certes, on peut le faire croire en dehors de l'hémicycle, mais ce n'est pas la vérité.
Évidemment, il faut protéger le plus faible, le « disséminé » plutôt que le disséminant. Et pour cela, nous avons besoin d'expertises aux niveaux français et européen.
Aux deux niveaux, monsieur Henri Emmanuelli ! Vous le savez, la France a demandé que soient modifiées les règles d'expertise européenne, parce que ce qui était vrai il y a dix ou douze ans ne l'est plus forcément aujourd'hui, les choses ayant évolué. Et ne nous racontons pas de salades ! Croyez-vous quel les Pyrénées suffiront pour régler la coexistence ?
Pour ce qui est de l'indépendance, de la transparence, cela va bien sûr mieux en le disant. Mais je me félicite que l'amendement de Christian Jacob fasse référence à la notion de pluralité des disciplines. C'est là un point essentiel qui avait été demandé par le Grenelle : il faut éviter qu'une seule discipline, une seule catégorie de chercheurs, ne s'approprie tous les sujets. Voilà pourquoi le Gouvernement est très favorable à cet amendement.
Nous sommes d'accord avec les principes exposés. Cela dit, le groupe socialiste avait déposé un amendement dont la rédaction est meilleure que celle de l'amendement n° 170 . En effet, une expertise doit, par définition, être compétente. Si les experts sont incompétents, cela signifie que le Gouvernement n'est pas très bon…
Pour notre part, nous proposions que cette évaluation soit assurée par une expertise publique, collective, transparente et contradictoire. Or il n'est pas fait mention ici du terme « contradictoire ». Pourtant, il est évident qu'une bonne expertise, c'est une expertise contradictoire. Les experts n'ont pas forcément tous le même avis.
Préciser que l'expertise est « publique, collective, transparente et contradictoire », c'est mieux que de se contenter d'une expertise « compétente ». Qui pourrait penser que le Gouvernement n'a pas nommé, notamment dans son comité de préfiguration, des personnalités qui ne le seraient pas, même si certains d'entre elles sont aujourd'hui critiquées ?
Je suis saisi d'un amendement n° 233 .
La parole est à Mme Annick Le Loch, pour le soutenir.
Cet amendement consiste à ajouter à l'alinéa 3 de l'article 1er que l'évaluation doit être rendue publique. À cela, trois raisons.
Premièrement, il s'agit de respecter l'article 7 du code de l'environnement selon lequel « les évaluations préalables aux décisions d'autorisation sont rendues publiques ».
Deuxièmement, Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie a répété à maintes reprises que la préoccupation majeure du Grenelle de l'environnement consistait à instaurer la transparence et à rétablir la confiance.
Troisièmement, nous devons répondre aux inquiétudes de nos concitoyens. Elles sont très nombreuses et justifiées tant la liste des risques encourus est longue.
Nous souhaitons logiquement que l'évaluation soit faite en toute clarté, en toute transparence. L'information doit être la plus large possible, donc rendue publique, afin de rassurer nos concitoyens.
Avis défavorable, mais pas sur le fond, monsieur Brottes.
La technique parlementaire vous conduit à déposer cet amendement à l'article 1er pour, en quelque sorte, prolonger la discussion générale,...
...et défendre un certain nombre de principes.
Je vous rappelle que l'article 2, en son alinéa 7, prévoit que le Haut conseil « rend publics ses avis et recommandations ». Par ailleurs, la commission a adopté l'amendement n° 20 qui modifie l'architecture de cet article pour faire remonter l'obligation de publication, qui relève, pour moi, de l'évidence.
Il ne s'agit pas d'un problème de fond, je le répète, mais nous ne sommes pas d'accord pour introduire une telle obligation à cet endroit du texte. Je vous demande, madame la députée, de vous rallier le moment venu à l'amendement 20 à l'article 2.
Même avis.
Chaque fois que le plateau est constitué de cette façon, c'est la même chose ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je vous en prie, monsieur Emmanuelli ! Ce n'est pas vous qui faites le règlement de l'Assemblée nationale !
En principe, doivent s'exprimer un orateur pour l'amendement, et un orateur contre.
M. Mamère a demandé la parole avant M. Peiro.
Vous avez la parole, monsieur Mamère.
Conformément à mes habitudes, monsieur le président, je vais contribuer à apaiser le débat. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En tout cas, l'apaisement est de notre fait, et pas du vôtre, que je sache. (Mêmes mouvements.)
Je soutiens l'amendement de Mme Le Loch. Le cas de figure est voisin de celui d'hier soir, où nous avons eu une discussion animée.
En tout état de cause, et il faut le répéter, l'article 1er tord le cou aux principes fixés par le Grenelle de l'environnement, à savoir la possibilité de produire et de consommer sans OGM. Or, c'est l'article fondateur à partir duquel se déclinera tout l'esprit de la loi.
Nous objecter que la demande du groupe socialiste est satisfaite par l'article 2 est un moyen de détourner l'esprit du Grenelle. Cela ne correspond pas à ce que le Gouvernement recherchait en présentant le projet de loi initial. De la même manière, vous n'avez pas accepté, comme le demandait très justement notre collègue Le Déaut, d'introduire l'adjectif « contradictoire ». Nous savons très bien qu'une expertise valable et sincère ne peut être que contradictoire. D'ailleurs, il a fallu beaucoup de temps à notre pays accepte de financer des expertises indépendantes – qui évitent que le contrôleur ne soit aussi le contrôlé – et contradictoires. C'est grâce à de telles expertises que l'on a pu mettre au jour certaines des conséquences sanitaires et environnementales qui nous étaient cachées jusqu'alors.
On ne peut pas à la fois revendiquer la transparence, prétendre vouloir appliquer la convention d'Aarhus et refuser d'affirmer dès l'article 1er la publicité des expertises. Qu'elles soient contradictoires et rendues publiques est consubstantiel à la validité des expertises.
Déjà, et j'en termine, monsieur le président, nous savons qu'il existe des maïs « pesticides », pour reprendre l'expression du Président de la République. Quelqu'un ici peut-il nous dire si ce maïs est évalué selon les mêmes critères que le pesticide fabriqué chimiquement par les mêmes sociétés ? La réponse est non !
Faut-il aussi rappeler à M. le ministre d'État et à la majorité qu'il a fallu faire appel aux tribunaux pour lever le secret industriel, dont excipait la société Monsanto, et prendre connaissance des études menées sur des rats pendant quatre-vingt-dix jours ?
Lesquelles faisaient état d'anomalies présentes dans le foie, les reins de ces animaux et chez les femelles. Il aura fallu en arriver là. On est encore loin de la transparence dont vous vous gargarisez à longueur de journée.
C'est pourquoi nous demanderons, chaque fois que nous en aurons l'occasion, que les expertises soient indépendantes, contradictoires et rendues publiques.
De la même façon, nous reviendrons sur la Haute autorité, dont je vous rappelle, monsieur le ministre d'État, qu'elle est devenue, passée au filtre du Sénat et de notre commission, un Haut conseil, dont M. François Grosdidier a très bien exposé les carences et les limites dans la lettre qu'il a envoyée à ses collègues de l'UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je soutiens également l'amendement de notre collègue Annick Le Loch car il faut évidemment préciser dès l'article 1er que les évaluations préalables aux décisions d'autorisation devront être rendues publiques. Cela va de soi !
Vous savez à quel point le doute habite nos concitoyens et même bon nombre de nos collègues. Jean-Yves Le Déaut a raison : l'évaluation doit être non seulement publique, mais encore contradictoire. C'est une évidence ! Sinon, comment avoir confiance ? Il faut confronter des opinions différentes pour éclairer le public et ceux qui auront la responsabilité de donner les autorisations. Des principes simples et simples doivent être posés, pour inspirer confiance et rassurer nos concitoyens. Notre rôle de législateur consiste à voter un texte sur lequel les uns et les autres pourront s'appuyer. Certes, nous avons une divergence fondamentale ; il n'empêche qu'il y a des principes sur lesquels nous pouvons nous retrouver. Et rendre publique l'évaluation, l'inscrire dans la loi dès l'article 1er sont des points qui doivent pouvoir nous rassembler, et même faire l'unanimité sur nos bancs.
La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l'amendement n° 16 rectifié .
Cet amendement s'inscrit également dans une logique de transparence, comme celui que nous avons voté sur le caractère indépendant de l'expertise. Il tend à rendre accessibles au public l'ensemble des informations.
En commission, notre rédaction a convenu à une partie du groupe socialiste, mais j'ai été très étonné de rencontrer sur ce point l'opposition des députés Verts. Il s'agit pourtant de préciser que « les études et les tests sur lesquels se fonde cette évaluation en vue des autorisations sont réalisés dans des laboratoires agréés par les pouvoirs publics. » Aujourd'hui, ce sont les obtenteurs de semences eux-mêmes qui fournissent à l'appui de leur demande d'agrément les études, qui suivent un protocole international. Demander à ce qu'elles soient réalisées dans des laboratoires agréés va beaucoup plus loin. Le groupe UMP a pris cette initiative forte pour aller dans le sens de l'indépendance et de la transparence.
Par ailleurs, et cela contribue à enrichir le texte, les conclusions de toutes les études et les tests seront mises à la disposition du public, sans nuire évidemment aux intérêts de la propriété intellectuelle. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Là encore, les Verts ont refusé de voter cet amendement.
Vous avez voté contre en commission, monsieur Cochet. Assumez vos responsabilités jusqu'au bout.
Autrement dit, ceux qui sont contre la transparence, contre l'indépendance sont dans votre camp, monsieur Cochet ! (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Telle est bien la réalité. La vérité est parfois gênante.
Un dernier point. Cet amendement constitue une amélioration très importante du texte, fruit des travaux de notre commission, sur une initiative du groupe UMP. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Favorable.
Le groupe socialiste avait déposé l'amendement n° 233 , qui soumettait les évaluations à l'appui des autorisations au principe de transparence. Il vient d'être repoussé.
Tout autre est le contenu de l'amendement n° 16 rectifié qui propose un Canada dry de transparence ! En effet, le deuxième alinéa précise que « la transparence ne doit pas nuire à la protection de la propriété intellectuelle »…
Or tous les OGM faisant l'objet de brevets de la part des semenciers, ceux-ci soulèveront systématiquement cet argument pour ne pas rendre publics les tests préalables aux autorisations. Nous voterons donc contre l'amendement n° 16 rectifié et invitons nos collègues à en faire autant.
Et quel est l'avis de M. Brottes, qui a voté pour l'amendement en commission ?
Monsieur le président, j'ai été interpellé ! Permettez-moi de répondre !
Non, monsieur Brottes, vous réglerez cela à la fin de la séance ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je voudrais répondre à M. Jacob, qui prend un malin plaisir à transformer les députés Verts en boucs émissaires. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Comme si nous étions les ennemis des agriculteurs ! Nous ne l'avons jamais été (« Ah ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : nous sommes les amis d'une agriculture de qualité, qui renonce aux pratiques intensives, nous sommes les amis de ceux qui pratiquent l'agriculture paysanne, et nous combattons les dérives d'une agriculture productiviste qui porte atteinte à la biodiversité, tue l'environnement et les paysans, et peut aussi nuire à notre santé ! (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Jacob, vous avez été président d'une organisation syndicale agricole.
Vous savez comme moi que dans certaines de nos régions, comme la Bretagne, on est aujourd'hui obligé d'acheter de l'eau minérale, tellement les nappes phréatiques sont polluées par les nitrates ! (« Ce n'est pas vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Notre collègue Germinal Peiro a dit hier que, dans mon département, la Gironde, et ma région, l'Aquitaine, les tumeurs au cerveau étaient trois fois supérieures à la moyenne nationale, précisément à cause de cette agriculture intensive !
Votre amendement n'est qu'un leurre ; vous nous prenez pour des imbéciles heureux ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Son troisième alinéa est un monument d'hypocrisie ! Je ne résiste pas au plaisir de vous le relire :
« Les conclusions de toutes les études et tests réalisées dans ces laboratoires sont mises à la disposition du public – écoutez bien ! – sans nuire à la protection des intérêts énumérés aux I de l'article L. 124-4 et II de l'article L. 124-5 et à la protection de la propriété intellectuelle lorsque l'organisme génétiquement modifié ne fait pas encore l'objet d'une protection juridique à ce titre. »
Sans vouloir relancer la polémique (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), je disquevous prouvez clairement votre soumission intellectuelle aux grands semenciers. À aucun moment, depuis le début de ce débat, les questions du dépôt de brevets et de la propriété intellectuelle n'ont été abordées. Seul Yves Cochet, lors de la question préalable, a évoqué la question de la brevetabilité en soulignant que le problème, c'était que des semenciers s'arrogeaient la propriété de certains gènes. Dans les pays en voie de développement ou du Sud, cela va jusqu'à la biopiraterie ! Ainsi au Brésil, ou au Venezuela, ces grandes entreprises sont purement et simplement en train de pirater des plantes avec des variétés génétiques particulières,…
…s'en arrogeant la propriété au détriment des populations locales. Heureusement, aujourd'hui, certaines résistent !
Monsieur Jacob, présenter un amendement comme celui-ci et nous faire croire que vous et vos amis – mais pas tous, on l'a vu hier – voulez faire progresser la transparence, franchement, vous nous prenez pour des imbéciles !
Monsieur Brottes, vous le ferez après le vote sur cet amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
M. Chassaigne vient de me faire parvenir un sous-amendement, n° 481 , ainsi rédigé :
« Dans l'alinéa 2 de l'amendement n° 16 rectifié , après le mot : “réalisés”, insérer les mots : “par des instituts de recherche publique et, à défaut,” ».
La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.
Quelle que soit l'appréciation globale que l'on porte sur l'amendement n° 16 rectifié , il me paraît indispensable d'adopter ce sous-amendement. (Murmures sur plusieurs bancs.)
La commission n'a évidemment pas pu l'examiner. La notion de « laboratoire agréé » étant évoquée par ailleurs, je m'interroge sur l'opportunité de ce sous-amendement. J'aimerais connaître l'avis du ministère, et vérifier si cela ne déséquilibre pas le texte.
Confier les évaluations à des organismes agréés par les pouvoirs publics, c'est déjà une nette amélioration. Je n'ai pas d'avis a priori sur le sous-amendement, mais il faudra s'assurer durant la navette parlementaire que la modification proposée va bien dans le même sens. Qu'en pense Christian Jacob ?
Comme M. le ministre d'État, je préférerais qu'on y revienne à l'occasion de la navette. Sur le fond, je partage l'opinion de M. Chassaigne. Simplement, je crains qu'en mentionnant les « instituts de recherche publics », les entreprises privées qui, aujourd'hui, financent ces recherches, ne soient tentées de les faire payer par les laboratoires publics.
On paiera ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous nous prenez vraiment pour des idiots !
Personnellement, je pense que c'est à celui qui demande l'autorisation de payer. C'est pourquoi je préfère…
C'est précisément ce que fait Monsanto, qui utilise ses propres laboratoires ! On voit le résultat !
Nous disons la même chose, monsieur Chassaigne ! Aujourd'hui, les tests sont réalisés par les semenciers dans leurs propres laboratoires ; ce que je propose, c'est qu'ils soient faits dans des laboratoires agréés, qui ne leur appartiennent pas. Profitons de la navette en prenant garde de ne pas faire payer à l'INRA les recherches de Monsanto ! Voilà mon inquiétude – et je la crois légitime !
Monsieur Chassaigne, vous n'avez pas la parole. Vous ne pouvez engager ainsi un dialogue d'un côté de l'hémicycle à l'autre !
L'INRA et les organismes publics ne sont pas là pour financer les recherches américaines – ou autres : c'est ma seule réserve, légitime, à votre sous-amendement.
Dans l'amendement n° 16 rectifié , le passage du deuxième au troisième alinéa pose vraiment problème. L'exposé sommaire montre bien qu'on parle en fait d'études sur les conséquences de l'utilisation en milieu ouvert d'organismes génétiquement modifiés faisant encore l'objet de recherches : vous craignez que la publicité donnée à ces études ne soit utilisée par d'autres laboratoires privés pour s'approprier l'OGM en question. Mon inquiétude est donc profonde : on va expérimenter en milieu ouvert des OGM qui sont à l'étude dans des laboratoires privés, qui n'ont fait l'objet d'aucune expérimentation publique et sur lesquels il n'y a pas encore de brevet. Quelque chose ne va pas !
En tout état de cause, la loi est la loi ! Si un produit est protégé par les règles de la propriété intellectuelle, il n'y a aucune raison de le répéter dans un article de loi ! Ce que révèlent vos interventions, monsieur Jacob, c'est que votre troisième alinéa est un acte politique plutôt que juridique. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Tout juriste qui prendra la peine de démonter votre système vous prouvera qu'en fait, vous êtes en train de donner l'autorisation, dans certains cas, de ne pas publier d'étude d'expérimentation.
C'est ainsi que nous lisons en droit, monsieur Jacob, et ce que semble confirmer votre exposé des motifs.
Rappelez-vous : lorsque, il y a quelques années, nous avons pris la décision de mettre tous les avis en ligne afin que le public, qu'il soit citoyen, agriculteur ou enseignant-chercheur, y ait immédiatement accès et qu'un débat contradictoire puisse s'engager, on y a opposé la protection de la propriété intellectuelle. Voyez comme c'est dangereux !
Je mets aux voix le sous-amendement n° 481 , bien que je doute de sa recevabilité...
Mettre en garde sur ce point, c'est parfaitement le rôle du président !
Monsieur Brard, vous n'avez pas la parole !
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n° 16 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Monsieur le président, j'aurais préféré m'exprimer avant le vote, mais c'est votre choix, votre liberté et votre autorité…
Je ne mets pas en cause votre présidence.
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1, relatif au déroulement de nos travaux. M. Jacob a fait allusion aux travaux en commission qui ont précédé le débat dans l'hémicycle. Sans en faire une question personnelle – auquel cas vous ne pourriez m'autoriser à m'exprimer dans l'instant –, je souhaite préciser que nous avons effectivement considéré cet amendement comme une avancée parce qu'il confiait les tests à des laboratoires agréés par les pouvoirs publics. Mais, ainsi que vient de le souligner Mme Lebranchu, nous avions des doutes sur la portée de sa deuxième partie. Et nous avons finalement voté contre parce qu'il s'agit en réalité d'un détournement de la loi en vigueur. Dire qu'on doit appliquer et respecter les articles sur la propriété intellectuelle est inutile, puisque c'est déjà dans la loi. C'est superfétatoire, Mme Lebranchu l'a bien montré.
Monsieur Brottes, ce n'est pas un rappel au règlement ! Je vous laisse terminer, mais rapidement, car cela n'a rien à voir. Vous parlez de détournement, mais vous faites, vous, un détournement de procédure !
Monsieur le président, quand vous dites que cela n'a rien à voir avec notre débat et le déroulement de la séance, je vous laisse la responsabilité de vos propos – mais votre appréciation est souveraine.
Je termine donc.
Ces articles précisent que l'on peut refuser la communication des éléments demandés par les experts. Dans sa rédaction actuelle, l'amendement qui vient d'être voté met donc en cause le principe même de la réalisation des tests, et pas seulement la communication de leurs résultats. C'est extrêmement grave ! C'est pourquoi je tenais, monsieur le président, à préciser que si, en commission, nous avions émis un avis favorable sur la première partie de cet amendement, nous avions des doutes sur la seconde. Ces doutes étaient fondés : il s'agit bel et bien d'un refus de transparence.
Je n'ai pas dit, monsieur Brottes, que votre intervention n'avait pas de rapport avec la séance, mais elle ne constituait pas un vrai rappel au règlement.
Soit. La parole est à M. André Chassaigne, pour un rappel au règlement.
Il semble que le Gouvernement, sur le fondement de l'article 101 du règlement de l'Assemblée, ait la volonté de revenir sur le vote d'un de nos amendements, adopté hier soir.
Au nom de la transparence…
…et de la clarté dans laquelle doivent se dérouler nos débats, je pose la question à M. le ministre d'État, à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement et à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie : avez-vous l'intention, avant le vote final du projet de loi, de revenir sur le vote de cet amendement ? J'attends une réponse claire car, si telle est votre intention, ce serait un déni de démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Cela n'était pas non plus un rappel au règlement, monsieur Chassaigne !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Le Gouvernement doit répondre !
Non, monsieur Peiro, cela suffit ! Les deux précédentes interventions n'avaient déjà rien à voir avec le règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Votre groupe est au complet, vous êtes trois ! Vous pouvez vous réunir ici !
Monsieur le président, depuis le début de cette séance, nous éprouvons un malaise certain. Nous avons entendu un collègue de l'UMP déclarer dans cet hémicycle, que vous étiez bien aimable de nous donner la parole.
Il n'est nullement question d'amabilité : nous voulons parler parce que c'est notre droit, cela doit être clair pour chacun. Nous n'en demandons pas plus, mais nous voulons être respectés.
La question que notre collègue Chassaigne a posée est d'une extrême gravité : reviendra-t-on sur le vote des députés hier soir ? Le fait que nous n'obtenions pas de réponse justifie que nous réunissions notre groupe, et je demande pour ce faire une suspension de séance de dix minutes.
Reprise de la discussion
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à douze heures vingt-cinq.)
La séance est reprise.
Je suis saisi d'un amendement n° 203 .
La parole est à M. François de Rugy, pour le soutenir.
Je vais le défendre, monsieur le président, mais auparavant, j'aimerais faire un rappel au règlement fondé sur l'article 58, alinéa 1, du règlement de notre assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pour le bon déroulement de nos travaux, nous demandons au Gouvernement d'exprimer une position claire. Il n'est pas possible de rester ainsi dans le flou au sujet d'une disposition essentielle, votée hier par les députés de l'opposition mais aussi certains de la majorité, et qui protège des OGM les produits du terroir, labellisés ou bénéficiant d'une AOC. Le public et les gens qui suivent nos débats à l'extérieur de cette enceinte doivent savoir ce qu'il en est. Nous demandons que le Gouvernement s'exprime clairement : Y aura-t-il une seconde délibération ? Le Gouvernement demandera-t-il aux sénateurs de revenir sur l'amendement ? C'est seulement après la réponse que nous pourrons envisager la poursuite de nos débats.
Aucun article du règlement n'autorise des rappels au règlement pour de tels motifs. Je ne vous donnerai donc plus la parole pour cela.
Non, monsieur le président, nous n'avons pas eu de réponse du Gouvernement, et je demande une suspension de séance au nom de mon groupe. Elle est de droit !
Reprise de la discussion
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt-six, est reprise à douze heures vingt-huit.)
La séance est reprise.
La parole est à M. François de Rugy, pour défendre l'amendement n° 203 .
Nous constatons que le Gouvernement n'a pas répondu. J'en suis d'autant plus étonné que sont présents sur nos bancs M. le ministre d'État, Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie et M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. La moindre des choses serait que celui-ci nous éclaire sur les intentions du Gouvernement et la suite du débat parlementaire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je vois que M. Borloo lève la main : peut-être pourrait-il s'exprimer avant que nous reprenions la discussion ?
À l'Assemblée, il y a des règles, et nous les appliquons, tout simplement. Ce que je peux vous dire, c'est que je n'ai reçu aucune instruction du Premier ministre, si ce n'est une : lever l'urgence, afin que nous puissions discuter tranquillement au cours de quatre lectures. Ne me demandez pas, monsieur de Rugy, ce qui se passera au Sénat, car je n'ai aucune espèce d'instruction à ce sujet.
Laissons se poursuivre le débat démocratique conformément au règlement. Vous n'allez quand même pas me demander toutes les demi-heures ce que je ferai d'ici à la fin de la session ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. — Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Il n'y a pas de la part du Gouvernement de volonté maligne : si c'est cela votre question, la réponse est claire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous en revenons à l'amendement n° 203 .
La parole est à M. François de Rugy, pour le soutenir, cette fois-ci !
Tout à fait, monsieur le président ! Mais vous verrez que, en fait, tout se tient… L'amendement n° 203 , comme d'autres que nous avons déposés, a pour objet de clarifier la rédaction de la loi. Monsieur le ministre d'État, depuis que je suis député, depuis le début de la législature, je n'ai jamais fait d'obstruction. Dans ce débat, ce n'est pas la logique des membres de l'opposition, qui préfèrent un débat transparent et sincère. Il est normal que nous posions des questions, puisque nous constatons qu'au sein même de la majorité il existe des divergences importantes.
J'en reviens à l'objet de cet amendement. Le problème est toujours le même : vous reconnaissez les grands principes, comme la liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM. Et je veux bien croire à votre sincérité, monsieur le ministre, comme à celle de M. le secrétaire d'État. Je doute davantage de la sincérité de la majorité lorsqu'elle refuse toutes les précisions que nous proposons d'ajouter dans ce texte. Mais le sort de l'amendement qui a été adopté hier nous permettra bientôt d'être fixés.
Les OGM affectent un certain nombre de productions, et particulièrement l'apiculture, qui est au coeur du débat.
M. Jacob nous a tout à l'heure pris de haut lorsque M. Mamère s'est exprimé sur la situation de l'agriculture en Bretagne. Certes, M. Mamère n'est pas un député breton, mais je peux vous dire, en tant qu'élu breton, que les agriculteurs de ma circonscription ne peuvent plus utiliser l'eau de leurs forages tellement elle est polluée…
…et il vous faudra bien en tenir compte. Que ferons-nous demain dans notre pays si les apiculteurs ne peuvent plus exercer leur profession et produire du miel dans de bonnes conditions, parce qu'on n'aura pas su imposer de normes assez strictes sur les OGM ? Ce sont autant de pans de l'activité agricole qui disparaîtront. C'est pourquoi nous demandons des précisions au Gouvernement. La pollinisation des plantes, qui est le mode de dissémination des OGM, passe par les abeilles. Si, demain, on demande aux apiculteurs de placer leurs ruches à plus de cent mètres, voire à dix kilomètres des champs cultivés avec des OGM, ils ne pourront plus travailler ! Telle est, entre autres, la raison du dépôt de cet amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La commission a émis un avis défavorable. C'est un débat que nous avons déjà eu dans la discussion générale, lorsque nous avons abordé la question de la liberté de consommer avec ou sans OGM. Je vous invite donc à rejeter cet amendement.
Je rejoins l'avis de la commission sur ce point. La question de l'apiculture est naturellement très importante, mais votre préoccupation est déjà satisfaite par des amendements très intéressants votés par vos collègues sénateurs : je vous invite à relire le texte sur la question.
En outre, cet amendement vise à rappeler que les textes relatifs aux OGM s'appuient sur les principes de précaution, de prévention, d'information, de participation et de responsabilité inscrits dans la Charte de l'environnement. Mais ces principes sont tellement importants qu'ils ont été constitutionnalisés – pas toujours avec votre soutien, d'ailleurs – sous la précédente législature !
Je parlais de la gauche dans son ensemble ! J'avais beaucoup regretté, à l'époque, que l'ensemble de la gauche ne vote pas ce texte… Ces principes constitutionnels s'appliquant à toutes les lois, il n'y a pas lieu de les réaffirmer dans chaque texte, sous peine de l'alourdir inutilement.
Je suis naturellement défavorable à cet amendement, mais je voudrais revenir sur les propos de M. de Rugy, qui accuse le monde agricole breton d'avoir pollué les terres. Je vous rappelle que la profession agricole déploie, depuis des années, des efforts considérables pour reconquérir la qualité de l'eau. Les choses sont en bonne voie. Vous ne pouvez pas dire que les forages sont encore pollués aujourd'hui. Dans le Léon, où je réside, nous allons chercher notre eau dans les forages utilisés par les élevages. Alors ne dites pas n'importe quoi ! La volonté du monde agricole de reconquérir la qualité de l'eau est en marche. Alors que trente-six bassins versants n'étaient pas aux normes, il n'en reste plus que neuf aujourd'hui. Les choses évoluent favorablement grâce à la volonté des pouvoirs publics et du monde agricole. S'il vous plaît, un peu de respect pour ces gens-là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'interviens en effet en faveur de cet amendement. Certes, madame la secrétaire d'État, le principe de précaution a été constitutionnalisé. Mais si nous souhaitons qu'il figure dans cette loi, c'est parce que nous ne voulons pas que celle-ci soit inconstitutionnelle !
Nous tenons vraiment au respect de ce principe.
Nous ne voulons pas montrer du doigt telle ou telle catégorie professionnelle. C'est au contraire le texte que l'UMP va voter qui, une nouvelle fois, fera des agriculteurs des boucs émissaires, car ce sont eux que l'on accusera d'être des pollueurs. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous devons tous en avoir conscience et en assumer la responsabilité, nous avons dans notre pays eu recours à des pratiques agricoles qui ont gravement nui à l'environnement puisque 70 % des masses d'eau, qu'elles soient superficielles ou souterraines, sont aujourd'hui polluées.
Ces remarques valent également pour le monde industriel. Il ne vous a peut-être pas échappé, mes chers collègues – cela a occupé trois lignes dans les journaux nationaux – que nous n'avons plus le droit de pécher l'omble chevalier dans les lacs Léman, d'Annecy et du Bourget, pollués par les PCB.
Le Rhône, je l'ai dit hier, est également très pollué. Nous avons laissé faire, et nous avons même légalisé l'usage de ces produits. Vous comprenez pourquoi nous en appelons à la prudence. Nous ne voulons pas stigmatiser une catégorie sociale. Nous défendons, nous aussi, les agriculteurs, mais on ne peut pas dire que la qualité de l'eau en Bretagne soit irréprochable.
La France a été condamnée récemment par l'Union européenne, et aujourd'hui les collectivités doivent consacrer des fonds très importants à la dépollution. Et chacun sait que la directive européenne qui nous impose de retrouver un bon état écologique des cours d'eau d'ici à 2015 ne sera pas respectée. Les dégâts sont tels qu'il sera extrêmement difficile de revenir à un niveau acceptable.
Nous avons, les uns et les autres, commis des erreurs au cours des dernières décennies. Si nous ne voulons pas les reproduire, il est nécessaire de voter cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
À la suite de mon collègue Germinal Peiro, dont les propos auraient pu servir à la défense de cet amendement, je vous demande, mes chers collègues, et je ne le répéterai pas, d'arrêter de prendre les députés Verts, qui ont la même légitimité démocratique que vous, pour des boucs émissaires et de les faire passer pour des ennemis des agriculteurs. Ce que nous dénonçons, ce ne sont pas les agriculteurs mais les pratiques agricoles auxquelles on les a contraints pour développer une agriculture productiviste. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
C'est le système qui est en cause, et non les agriculteurs. Nous voulons les aider à sortir de leur dépendance à l'égard des intrants, des pesticides et autres poisons pour l'environnement et pour notre santé.
Je vous rappelle, monsieur le député de Bretagne, que les marées noires ne sont pas seules en cause dans la pollution des océans puisque 82 % de celle-ci provient des pratiques agricoles, par l'intermédiaire des rivières qui se jettent dans les mers. Révisez vos chiffres, regardez vos cahiers, vous verrez que nous avons raison ! Ce n'est pas un hasard, monsieur Le Guen, si c'est en Bretagne que sont nés, il y a quelques années, à l'instigation d'un militant chrétien qui s'appelait Bernard Lambert, les paysans travailleurs, qui ont donné naissance à la Confédération paysanne. Ils avaient déjà compris, il y a plus de quarante ans, de manière prémonitoire, les dérives auxquelles conduirait l'agriculture productiviste et les dégâts qu'elle provoquerait chez les agriculteurs, sur l'environnement et sur notre santé.
L'amendement que nous vous proposons est au coeur du débat, puisqu'il tend à revenir à ce qui avait été décidé au Grenelle de l'environnement, à savoir la possibilité de produire et de consommer sans OGM. Ce n'est pas un amendement de principe mais un amendement de fond, fidèle à l'esprit du Grenelle de l'environnement – qui n'est pas, que je sache, une coquetterie du Gouvernement, mais le fruit d'une volonté politique de réunir autour d'une table des personnes qui jusqu'à présent s'ignoraient, et parfois s'invectivaient.
Des centaines d'hommes et de femmes, croyant à la sincérité du Gouvernement, ont ainsi travaillé des mois durant. Ils ont pris un certain nombre de décisions et ont formulé des prescriptions ; ils ont notamment demandé une agriculture qui ne rende pas les agriculteurs – que nous défendons toujours – dépendants des semenciers et de cette iniquité qu'est le brevetage du vivant.
Cette prescription, attendue par l'ensemble de la société, a été trahie par le Sénat et par le Gouvernement, qui s'en est rendu complice, mais aussi par vous-mêmes, mes chers collègues de l'opposition, lorsque vous avez en commission décidé de maintenir l'obligation, qui va devenir légale, de produire et de consommer avec ou sans OGM.
Je ne reviendrai pas, monsieur le président – mais je pourrais le faire –, sur le fait que ce texte légalise une coexistence impossible entre deux libertés inconciliables, celle accordée aux uns violant celle des autres. La Charte de l'environnement, qu'évoquait à l'instant Mme Kosciusko-Morizet et que nous avons votée à Versailles, dispose que l'environnement est une propriété collective, un bien commun. Nous pouvons aujourd'hui définir juridiquement, grâce à la Constitution, ce bien commun qu'est l'environnement et dire, sans passer pour un provocateur, que ceux qui portent atteinte à l'environnement volent la propriété des autres…
…que ce sont eux les délinquants, et non les « faucheurs volontaires », qui défendent l'intérêt général !
Pour terminer…
C'est un sujet très important, que vous ne pouvez pas escamoter, monsieur le président ! Avec la sagesse due à votre fonction, faites respecter ce que nos collègues ne cessent de nous répéter depuis des jours, à savoir un certain équilibre… (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Mamère, si l'équilibre n'est pas respecté, ce n'est certainement pas parce que je laisse davantage la parole à la majorité. Veuillez conclure !
L'alinéa 4 de l'article 1er est la pierre angulaire de ce projet de loi. La proposition 136 du Grenelle de l'environnement visait à garantir « le libre choix de produire et de consommer sans OGM ». La rédaction de l'alinéa 4 tourne le dos au Grenelle et au principe de précaution. Vous passez de la volonté prescrite – et collectivement acceptée – par le Grenelle de produire et de consommer sans OGM à la « liberté de produire et de consommer avec ou sans OGM ». Ce faisant, vous placez sur un pied d'égalité le « avec » et le « sans » et c'est cela qui nous pose problème dans ce texte. La rédaction de cet alinéa 4 permet la coexistence des cultures OGM, des cultures conventionnelles et de l'agriculture biologique. Ce qui vous met, quelque part, en légère contradiction avec l'affirmation du rapporteur, à la page 16 de son rapport : « L'utilisation des OGM en agriculture constitue en effet l'incarnation la plus visible de cette technologie. La mise en culture a un impact concret sur le milieu environnant et la production qui en découle est susceptible d'entrer dans la chaîne alimentaire. » C'est la pierre angulaire de ce projet de loi.
La coexistence supprime la liberté de produire sans OGM. Dans notre amendement n° 234 , nous proposons de supprimer les mots « avec ou », de façon à redonner à chacun la liberté de consommer et de produire sans OGM. Vous-même, monsieur le ministre, avez affirmé hier sur France Inter que l'on ne pouvait pas dresser de barrières. Mais vous ne pourrez pas garantir cette coexistence ; à cet égard, l'amendement n° 234 est à mettre en parallèle avec celui que nous avons voté hier soir et qui vous met tellement en difficulté.
Je vous demande, comme toute la gauche prise dans son ensemble, de respecter la liberté de produire sans OGM et de ne pas aller à l'encontre des préconisations du Grenelle, comme le souhaitent les députés des groupes SRC et GDR. J'aimerais entendre la réponse de M. le ministre ou de Mme la secrétaire d'État sur ce point, car je ne comprends pourquoi le rapport diffère tant des préconisations du Grenelle, notamment à la page 16 où la dangerosité d'une telle mesure est clairement énoncée.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 257 .
Je partage les propos tenus par les orateurs Verts et socialistes. Je ne reviendrai pas sur le fond de cet amendement, mais je voudrais lancer un appel solennel : monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, vous avez présenté le Grenelle de l'environnement comme une formidable aventure.
C'est vrai !
Combien de fois nous avez-vous dit ici même, en réponse à des questions, notamment à des questions au Gouvernement, quelle dimension avait ce Grenelle de l'environnement, quel enthousiasme il a provoqué dans le pays et quelles attentes il a suscitées ? C'est la crédibilité du monde politique et de sa parole que vous jouez désormais.
L'intergroupe sur les OGM a proposé de garantir « le libre choix de produire (règles de coexistence) et de consommer (traçabilité, étiquetage, seuil) sans OGM. » Le texte est très clair. Je ne comprends pas pourquoi vous avez fait évoluer le texte dans ce sens. Vous ne vous êtes pas livrés à un simple exercice de style, car cette évolution porte sur le fond.
Je fais appel au rapporteur, dans sa grande sagesse, et à vous, monsieur le ministre d'État, pour que vous reveniez au texte du Grenelle de l'environnement. C'est une question de crédibilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Défavorable. J'ai tenu, dans mon intervention liminaire et lors de la discussion de ce projet en commission, à rappeler ma position. Ce texte est l'interprétation qu'a faite le Président de la République du Grenelle de l'environnement, et nous l'assumons. Je ne pousserai pas mon explication plus avant. M. le ministre d'État le fera sans doute avec plus de brio que moi.
Pour terminer, je veux remercier Mme Erhel de m'avoir fait l'honneur de lire mon rapport.
Défavorable.
Monsieur Chassaigne, vous avez lu le texte du Grenelle. Vous avez prononcé les mots : « règles de coexistence ». Qu'est-ce que la coexistence ? Le Grenelle, monsieur Chassaigne, ce n'est pas, lorsqu'il y a cinq collèges et un compromis, la remise en cause permanente des quatre autres par un seul. Le Grenelle est un compromis, par nature compliqué, et dans le cadre duquel il est demandé à chacun de faire un effort. Que demande-t-il ? Un, l'activation de la clause de sauvegarde, en l'état des informations dont nous disposons sur la dissémination ; deux, la réévaluation du niveau d'expertise européen ; trois, un texte sur les OGM et les biotechnologies garantissant la transparence, la responsabilité et l'expertise plurielle – pour ce qui est d'une Haute autorité, nous verrons plus tard.
Je suis navré de vous dire, monsieur Chassaigne, que le texte exact, voté à l'unanimité des membres des cinq collèges, mentionne bien « les règles de coexistence ». On peut certes en discuter, voire revenir en arrière. Auriez-vous préféré que nous rédigions un article 1er disposant qu'il serait possible de produire et de consommer sans OGM, et organisant des règles de coexistence ? Quoi qu'il en soit, je ne vois pas très bien où est la différence.
La société avance avec des compromis. Aujourd'hui, celui-ci est respecté. Il existe certes des points sur lesquels nous pouvons être en désaccord, comme le débat au Sénat l'a démontré ; il est même arrivé que le Gouvernement ne soit pas d'accord avec le point de vue majoritaire du Sénat. C'est le jeu démocratique. Respectons scrupuleusement ce compromis et ne faites pas dire à ce texte ce qu'il ne dit pas !
Je voterai l'amendement de M. Mamère, pour les raisons qu'il a indiquées : on ne peut en effet concilier deux choses totalement inconciliables. En tant que non inscrit, je n'ai pas souvent l'occasion de m'exprimer – du reste je n'interviendrai plus sur ce sujet –, mais laissez-moi vous dire ceci : je suis conscient des efforts que déploient M. le ministre et Mme la secrétaire d'État – à laquelle je rends hommage – sur un sujet aussi difficile. Mais, malheureusement, nous n'avons pas respecté le bon timing dans cette affaire. Nous l'avions demandé sous la précédente législature lors de l'examen du texte sur le développement des territoires ruraux – Patrick Ollier s'en souvient sans doute : nous aurions dû discuter d'une loi cadre sur l'avenir de l'agriculture française et tout remettre à plat. La question des OGM aurait alors fait l'objet d'un débat plus apaisé et nous aurions pu apporter des solutions que nous ne sommes pas en mesure de faire aujourd'hui. Quel dommage !
En attendant, je constate que le nombre des exploitations agricoles en France diminue chaque jour…
Il faut conclure, monsieur Lassalle ! Et je remarque que vous ne vous exprimiez pas contre l'amendement...
La pluriactivité, qui est le socle de notre agriculture, est en train de disparaître, et nous sommes en train de nous faire du mal inutilement. Quel dommage de ne pas avoir commencé par une grande loi cadre sur l'agriculture et la citoyenneté en France ! Pour ma part, je ne voterai pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je soutiens, bien sûr, ces amendements, qui sont au coeur de ce texte. Là est le clivage essentiel.
Nous considérons que l'autorisation de produire avec des OGM aura des conséquences économiques graves dans notre pays sur l'agriculture conventionnelle et sur les labels de qualité – AOC, IGP –, bref, sur toute l'agriculture de terroir qui ne se reconnaît pas aujourd'hui dans les cultures OGM. Nous estimons qu'il y aura également des conséquences environnementales extrêmement graves parce qu'irréversibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous le savons tous sur ces bancs : lorsque seront autorisées les cultures de PGM à grande échelle, parce qu'il s'agit bien de grandes cultures, la contamination se généralisera. Tout le monde en est convaincu, certains même l'avouaient ouvertement il y a seulement quelques jours…
J'insiste particulièrement sur le fait que l'article 1er porte atteinte à l'un des fondements de notre vie républicaine. Il y a plus de 200 ans aujourd'hui, notre nation s'est constituée autour de la devise « Liberté, égalité, fraternité ». Mes chers collègues, si la France occupe cette place dans le monde, ce n'est pas parce que nous sommes un peu plus de 60 millions d'habitants, ni parce que nous sommes la troisième ou la quatrième puissance économique, c'est parce que nous avons été capables de porter des valeurs universelles, au premier rang desquelles figure la liberté.
Des hommes et des femmes sont morts pour la défendre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Or cet article bafoue la liberté d'une grande partie des habitants de notre territoire, et notamment de ceux qui vivent de l'agriculture conventionnelle. Il bafoue la liberté des collectivités territoriales : je rappelle que 238 régions d'Europe ont adopté des motions visant à interdire la culture d'OGM. Il bafoue des principes non seulement protégés par la Constitution, mais auxquels tous les républicains sont profondément attachés.
Encore une fois, réfléchissez avant d'agir ! Quelle urgence y a-t-il à légiférer ? Croyez-vous vraiment que la pyrale constitue une menace pour notre pays ou pour l'économie mondiale ? Soyons sérieux et ramenons les choses à leur juste proportion.
Le groupe socialiste et l'ensemble de la gauche vous appellent à nouveau à décréter le moratoire. Vous avez fait jouer la clause de sauvegarde, monsieur le ministre d'État : continuez dans cette voie au lieu de faire adopter ce texte qui, en généralisant les cultures OGM, risque de provoquer des dégâts considérables et irréversibles. Choisissons plutôt la prudence. Et gardons à l'esprit que la liberté est un des fondements de notre République, et que personne, ici, n'a le droit de la bafouer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Non ! Nous avons suffisamment discuté de ces amendements. (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif aux organismes génétiquement modifiés.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma