La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Mes chers collègues (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent), c'est avec une grande émotion et une profonde tristesse que nous avons appris le décès de Philippe Séguin qui présida l'Assemblée nationale de 1993 à 1997.
Je rendrai hommage à sa mémoire à l'issue de la séance des questions au Gouvernement. Je précise qu'il n'y aura pas de suspension de séance après la réponse à la dernière question.
Je vous invite à marquer dès à présent notre peine en observant une minute de silence.
(Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)
La parole est à M. Jean-René Marsac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
-->M. Jean-René Marsac. Monsieur le Premier ministre, je souhaite, au nom de mon groupe, vous interroger sur votre politique concernant la filière automobile.
Vous avez aidé les constructeurs par des prêts à hauteur de 6 milliards d'euros et par la prime à la casse qui a coûté 400 millions d'euros à l'État. Vous avez répondu à leur demande de suppression de la taxe professionnelle, taxe qu'ils présentaient comme un obstacle majeur à leur développement en France. Quelles contreparties avez-vous obtenues ?
Lors de la signature du pacte automobile, le 9 février 2009, le Président de la République avait présenté le maintien de la production automobile en France comme une condition imposée aux constructeurs en échange de ces aides publiques. Ces engagements sont-ils tenus ?
En effet, le 7 janvier, les médias ont annoncé que la nouvelle Clio serait fabriquée en Turquie. Renault contredit ainsi de façon flagrante ses engagements de février 2009.
Les propos qui seront échangés demain entre le ministre de l'industrie et le directeur général de Renault ne nous suffiront pas ; non plus que les protestations des ministres de l'emploi et de l'industrie feignant la colère, comme le rapportent les dépêches AFP.
Comment comptez-vous faire respecter les engagements du groupe Renault et des autres industriels ? Comment l'État assume-t-il son rôle de deuxième actionnaire du groupe ?
Vous signez des pactes, vous organisez des états généraux, mais cela ne fait pas une politique industrielle. Avez-vous la volonté de faire respecter concrètement les engagements pris par les dirigeants économiques sur ce dossier comme sur d'autres ? Le comportement des banques et celui des hôteliers et restaurateurs ont malheureusement démontré que vous ne pesiez pas ; il en va de même aujourd'hui avec l'industrie automobile. Il est plus qu'urgent de changer de politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Oui, monsieur Marsac, l'État a soutenu le secteur automobile, avec la prime à la casse, à hauteur de 600 millions d'euros. Ainsi, 600 000 véhicules ont été vendus l'année dernière, soit 10 % de plus qu'en 2008 – un record depuis 1990.
Oui, l'État a soutenu ces deux grands industriels que sont PSA et Renault en apportant 3 milliards d'euros à chacun pour leur permettre de mener une grande politique d'innovation.
Oui, l'État, sous l'égide de Christine Lagarde, a décidé de supprimer la taxe professionnelle afin d'alléger les charges de nos industries de près de 32 %. Ainsi l'industrie – le secteur automobile en particulier – peut-elle mieux résister à la crise et peut-elle mieux soutenir l'emploi. C'est pourquoi nous allons poursuivre cette politique.
Oui, enfin, l'État actionnaire, propriétaire de 15 % de Renault, a son mot à dire. Au nom du Premier ministre et du Gouvernement, j'affirme que quand une voiture française est destinée à la vente en France, elle doit être produite en France. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C'est ce que j'ai rappelé ce matin au directeur des achats de Renault et à l'ensemble des équipementiers avec lesquels nous réorganisons la filière.
Nous n'avons pas placé 250 millions d'euros à Flins destinés à la construction de la nouvelle Zoé électrique et à la mise en route d'une chaîne de production de batteries pour véhicules électriques, et nous n'avons pas décidé de prendre de grandes initiatives en ce sens, pour que les véhicules français destinés à la vente en France soient produits à l'étranger !
Non, nous ne laisserons pas la Clio 4 être produite en Turquie. La Renault sera produite en France pour être vendue en France.
Je me rappelle M. Jospin déclarant, à Vilvoorde, que l'État ne peut pas tout faire. Nous considérons au contraire que l'État peut tout faire. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Lezeau, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le ministre, après les tristes et graves événements auxquels nous avons assisté ces dernières semaines dans les établissement scolaires, avec la mort d'un élève et l'agression d'un autre hier encore, le Président de la République a immédiatement réagi en précisant, à raison, que « s'il y a bien un lieu qui doit être protégé de toute forme de violence, un lieu qu'entre tous il faut sanctuariser, c'est bien l'école ».
Le Président de la République avait d'ailleurs annoncé le 18 mars dernier à Gagny, huit jours après une expédition punitive menée dans un lycée de la ville par une vingtaine de personnes capuchonnées et armées de barres de fer, bâtons et couteaux, la sanctuarisation des établissements scolaires et le recensement des plus exposés aux intrusions.
Le Gouvernement a ainsi souhaité sécuriser les abords des établissements à risque pour éviter les intrusions de bandes violentes. Près de 200 collèges et lycées considérés comme particulièrement vulnérables ont ainsi préparé des plans pour endiguer une violence qui ne s'arrête plus aux murs des établissements. Des mesures portant essentiellement sur les abords, les problèmes de clôture, voire la vidéo-prévention avaient donc été prises.
Mais, malheureusement, il est impossible de se prémunir contre la violence aveugle de certains. Aussi, pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, le bilan de ces mesures ainsi que leurs perspectives, sur un sujet particulièrement difficile et douloureux lorsqu'il se termine par la mort d'un jeune ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, la mort du jeune Hakim, dix-huit ans, a bouleversé l'ensemble de la communauté éducative et, naturellement, l'ensemble de nos concitoyens. Mes premières paroles iront à sa famille, à ses parents, à ses amis.
Monsieur le député, ce sont deux vies qui ont été sacrifiées : celle d'Hakim, celle de son agresseur. Et c'est l'ensemble des acteurs de l'école qui sont aujourd'hui bouleversés.
Que faire face à cette banalisation de la violence ? Je crois que la réponse réside à la fois dans la fermeté et dans le dialogue.
La fermeté, c'est le plan de sanctuarisation des établissements scolaires que nous avons mis en oeuvre depuis la rentrée avec Brice Hortefeux. Il repose sur des diagnostics effectués dans chaque établissement. Nous avons déjà étudié 30 % de nos lycées, et 20 % font actuellement l'objet d'un diagnostic. Nous aurons achevé ce travail d'ici à la fin de l'année scolaire. L'objectif est d'apporter une réponse appropriée à chaque établissement : ici, la vidéo-protection ; là, une régulation à l'entrée ; ou encore, éventuellement, la mise en place de sas ou de portiques de détection.
La réponse, c'est aussi la formation de nos personnels. Brice Hortefeux et moi-même avons mis en place un séminaire de formation.
La réponse, c'est aussi la mise en place d'équipes mobiles de sécurité, qui viennent accompagner les personnels d'encadrement dans les lycées. Nous avons créé 500 postes à la rentrée.
Mais au-delà de cela, monsieur le député, la réponse réside dans le dialogue avec l'ensemble de la communauté éducative. Ce qui s'est passé vendredi au lycée du Kremlin-Bicêtre, c'est le contraire de l'école de la République. Nous devons tous nous mobiliser pour que la violence n'ait pas droit de cité à l'école.
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, les inégalités se creusent et deviennent insupportables.
Restos du coeur, Secours populaire et Secours catholique battent des records de fréquentation. Un adulte sur huit est au chômage. Le surendettement des familles explose. En deux ans, le nombre de personnes qui sont allées gager leurs biens au Crédit municipal a augmenté de 30 %.
Les taxes, les hausses de redevance télévision et de forfait hospitalier pleuvent. Voilà la réalité, et ne dites pas que c'est la faute à la crise !
Car de l'autre côté, que voit-on ? « L'insolente santé de la Bourse », comme l'écrit le journal Les Echos, la masse énorme des cadeaux fiscaux, bouclier fiscal en tête. Cela coûte au budget de la France un tiers de ses recettes.
Il faut y ajouter les 11 milliards d'euros de cadeaux de taxe professionnelle pour suppléer des banques qui non seulement ne font pas leur devoir de soutien à l'économie, mais recommencent à spéculer.
Ainsi, l'appauvrissement de plus en plus de familles des classes populaires et moyennes sert à grossir les revenus indécents d'une poignée de privilégiés qui sont, avec les gouvernements, responsables de la crise actuelle.
Il faut en finir avec ces privilèges qui détruisent cohésion sociale et nationale, érigent en valeur suprême l'égoïsme en lieu et place de la solidarité.
Dans l'urgence, nous vous demandons, monsieur le Premier ministre, de prolonger d'un an les indemnités des chômeurs en fin de droit, d'accorder une aide exceptionnelle aux familles qui ne peuvent plus payer leur chauffage et leur loyer, d'interdire les licenciements utilisés pour enrichir les actionnaires, de créer un pôle financier et bancaire public afin d'orienter l'argent vers l'investissement productif, l'emploi et la formation, et non vers la spéculation, les bonus et les paradis fiscaux.
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le député, la politique du Gouvernement en matière d'économie et d'emploi peut se résumer simplement : encourager, soutenir, stimuler l'emploi et l'investissement.
Au titre de l'emploi, nous allons évidemment continuer un certain nombre des mesures que nous avions prises. Nous voulons en particulier maintenir l'emploi, parce que l'emploi, c'est le passeport évident pour le salaire, pour le pouvoir d'achat, et tous nos concitoyens le savent.
Nous souhaitons donc maintenir le système d'indemnisation du chômage partiel. Vous savez que nous l'avons dopé en 2009. Nous continuerons en 2010.
De la même manière, nous maintiendrons l'obligation de revitalisation des territoires pour chacune des entreprises qui décideront de procéder à des licenciements économiques. Et nous serons, comme Christian Estrosi l'a rappelé tout à l'heure, sous l'autorité du Premier ministre, extrêmement attentifs, et pas seulement comme observateurs, à toutes celles des entreprises qui s'amuseraient à licencier, à restructurer, sous prétexte de crise.
Nous allons également, bien sûr, maintenir l'incitation à la création d'emplois pour les entreprises de moins de dix salariés, qui bénéficieront du dispositif zéro charge, pour être encouragées à créer des emplois.
Je ne vous parle pas des plus de 300 000 emplois aidés que nous allons maintenir dans le budget 2010.
S'agissant de l'investissement, soyons clair : il nous faut impérativement le stimuler, et encourager les banques pour ce faire. J'aurai l'occasion, tout à l'heure, de répondre à une question sur les méthodes que nous utilisons en la matière.
Il faut aussi qu'OSEO puisse jouer son rôle aux côtés des petites et moyennes entreprises. Il faut que l'ensemble des dispositifs, y compris le fonds stratégique d'investissement, puissent jouer leur rôle pour soutenir l'investissement et le financement des entreprises. C'est à cela que concourait également la taxe professionnelle. Je ne crois pas que la nationalisation des banques, ni qu'un quelconque établissement, puisse permettre d'améliorer plus la situation que ce que nous faisons actuellement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, ma question s'adresse au ministre du travail et des relations sociales.
Un grand journal économique a révélé hier que la gestion du comité d'entreprise d'Air France présentait un trou de plus de 20 millions d'euros. Selon le quotidien, ce trou « inexpliqué » dans les caisses est évalué entre « 21 et 24 millions d'euros » ; « 95 % de ce trou s'explique par une mauvaise gestion, 5 % par un possible enrichissement personnel » a estimé un observateur proche du dossier.
Un audit est en cours afin de déterminer les tenants et aboutissants de cette nouvelle affaire, liée à la gestion hasardeuse et manifestement très opaque de ce comité d'entreprise. Depuis plusieurs années, des millions auraient été dépensés sans aucune justification.
Monsieur le ministre, à l'heure où la crise frappe notre pays, où des millions de Français font des efforts énormes pour adapter leur train de vie à une situation difficile, nous constatons que la gestion des comités d'entreprise est un fiasco généralisé. L'argent de ces comités, ponctionné sur les usagers ou les clients de grandes entreprises,…
…géré dans l'opacité par les syndicats de notre pays, n'a qu'un seul but : assurer des avantages hors du commun à une minorité de salariés,…
…et permettre l'embauche de permanents pour les syndicats. Cette situation n'est plus acceptable et nombreux sont les Français qui attendent des mesures concrètes pour mettre fin à ces dispositifs.
Dans l'affaire Air France, outre que ces sommes échappent à tout contrôle, c'est aussi le silence des responsables de l'entreprise qui est choquant. La paix sociale serait-elle à ce prix ? Combien de centaines de millions d'euros devront être détournés pour avantager quelques-uns ?
Monsieur le ministre, les Français qui nous regardent en ont assez de ces magouilles. Ils attendent de votre part, et de la part du Gouvernement, des réponses pour que cesse la gabegie et pour que la gestion du financement des syndicats dans notre pays change enfin. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Monsieur le député, veuillez excuser l'absence de Xavier Darcos, qui est en ce moment même au Sénat.
Vous avez raison de poser le problème d'ensemble des comités d'entreprise. D'ailleurs, une délibération sociale est actuellement en cours entre les partenaires sociaux pour réfléchir à leur avenir.
Dans le cas précis, Air France consacre 3,11 % de sa masse salariale à huit comités d'établissement et la somme importante de 45 millions d'euros au seul comité central d'entreprise.
Si les faits dévoilés par Le Figaro étaient avérés, ils seraient en effet d'une extrême gravité. Vous l'avez indiqué, un audit est en cours. Je suis persuadé que les élus de ce comité central d'entreprise saisiront la justice s'il apparaît que des faits délictueux ont été commis.
Vous avez raison de rappeler que le comité d'entreprise est indépendant de l'entreprise Air France, dans laquelle d'ailleurs l'État est aujourd'hui actionnaire minoritaire. Il n'empêche, dès lors que son nom est cité, c'est sur l'ensemble de l'entreprise et sur son image que retombe le préjudice. C'est la raison pour laquelle, hier, à la demande du Premier ministre, j'ai appelé immédiatement le directeur général d'Air France, je lui ai écrit aujourd'hui en lui demandant des explications : s'il y a délit, la justice sera saisie. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé et des sports.
Madame la ministre, le 22 juillet dernier, au cours d'une audition de la commission des affaires sociales de notre assemblée, au regard des 94 millions d'unités vaccinales contre la grippe A, je vous posais la question suivante : « Avez-vous évalué la logistique humaine nécessaire pour la vaccination de deux fois 47 millions de Français ? »
Le 16 septembre, toujours face à cette commission, vous affirmiez que vous « n'entendiez pas prendre de décision seule » et que « si l'observation, l'expertise et l'analyse sont scientifiques, les décisions sont politiques et, dans l'un et l'autre cas, l'exercice s'enrichit d'être collégial ».
Le 15 décembre, vous affirmiez avoir choisi « la sécurité et la transparence » en préférant avoir recours à des centres de vaccination plutôt qu'aux médecins libéraux. Lors de la même audition, vous annonciez enfin qu'une vaccination durait « vingt minutes en moyenne pour une équipe rodée », alors que la circulaire du 21 août prévoyait trente injections par heure et par agent vaccinateur.
À quel moment disiez-vous la vérité, madame la ministre ? (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Le 4 janvier 2010, vous vous défendiez en affirmant que « ce serait à refaire, vous le referiez ». Vous admettrez que c'est pour le moins inquiétant.
Face à une autre pandémie, refuseriez-vous à nouveau d'accorder aux députés les moyens d'exercer un contrôle sur une campagne de vaccination ? Vous priveriez-vous à nouveau du réseau des médecins de ville ?
Madame la ministre, vous cherchez à vous couvrir en comparant cette pandémie à des crises sanitaires passées qui n'ont rien à voir avec celle-ci. Le principe de précaution doit servir à protéger la population, non à protéger le portefeuille ministériel. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ma question est simple : quand allez-vous accorder aux parlementaires le droit de contrôler cette campagne à travers une mission d'information ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations et quelques claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Allons, madame Lemorton, ne rejoignez pas les experts de la troisième mi-temps, ce n'est pas digne de vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.) Ne vous vautrez pas dans les charmes de la lucidité a posteriori ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le Gouvernement a fait des choix à la fois techniques et éthiques ; il a choisi d'être dans le club des pays qui assuraient la protection maximale à leurs concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je remarque d'ailleurs que ce choix n'a jamais été contesté, y compris sur les bancs de la gauche, à l'Assemblée nationale. Dois-je rappeler qu'un député socialiste, à la fin du mois de juillet, trouvait que le Gouvernement français n'en faisait pas assez ? (Mêmes mouvements.)
Oui, nous avons fait, avec d'autres pays comme la Grande-Bretagne, le Canada ou la Suède, le choix de protéger le maximum de nos concitoyens. Nous avons d'ores et déjà vacciné 5,5 millions de personnes contre une grippe qui a déjà fait 230 morts, et nous continuerons cette campagne de vaccination.
Jusqu'à ce jour, des contraintes logistiques nous ont empêchés d'associer la médecine de ville à la campagne de vaccination,pour la protéger. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Rappelez-vous, mesdames, messieurs les députés, la semaine précédant Noël : un million de consultations supplémentaires liées à la grippe et un million de vaccinations à assurer.
Aujourd'hui, nous observons un ralentissement dans la pandémie. Les médecins généralistes sont prêts ; nous travaillons avec eux, nous avons besoin d'eux pour continuer cette campagne de vaccination et assurer la meilleure protection possible à nos concitoyens. Voilà la vérité, madame Lemorton ! Vous devriez vous associer à cette campagne au lieu de la dénigrer ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe NC.)
Campagne de vaccination contre la grippe A
La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports.
Je voudrais tout d'abord vous féliciter pour la gestion de la pandémie grippale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du il y a quelques mois, reprochaient le manque de groupe UMP.)
Je tiens surtout à dénoncer le double langage de ceux qui, préparation de votre ministère et qui, aujourd'hui, prétendent qu'on en aurait trop fait ! Madame la ministre, pour la santé des Français, on n'en fait jamais trop ! (« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La grippe A était prétendue bénigne. En réalité, elle est et reste extrêmement contagieuse ! Il existe encore aujourd'hui des formes fulgurantes qui concernent les enfants, les sujets jeunes, les femmes enceintes, et peuvent encore être mortelles.
La question du nombre de vaccins achetés par le gouvernement français pour permettre la vaccination de nos concitoyens contre la grippe A a donné lieu, ces derniers jours, à des polémiques stériles et irresponsables !
Vous avez, pour votre part, annoncé des décisions à ce sujet. Pourriez-vous nous éclairer, alors que la campagne de vaccination se poursuit, sur le nombre de doses de vaccins dont dispose notre pays pour faire face à ce virus, qui, il faut le rappeler, continue de sévir ? Plus généralement, pouvez-vous nous indiquer quelles seront les prochaines étapes de cette campagne de vaccination ?
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Monsieur Moyne-Bressand, je vous remercie pour vos observations.
Vous avez effectivement raison de dire que ces polémiques sont inutiles. Pire ! elles sont irresponsables car elles risquent de nuire gravement à la santé publique. Il n'est pas inutile de rappeler à quel moment les décisions d'achat de vaccins ont été prises. À un moment où les autorités sanitaires nous indiquaient que deux injections étaient nécessaires et nous avons fait le choix éthique et politique de protéger l'ensemble de nos compatriotes.
Aujourd'hui, après la décision – qui, je le répète, a été prise le 20 novembre par les autorités sanitaires nationales, internationales et européennes – selon laquelle une dose seulement était nécessaire, nous avons pris alors les mesures qui s'imposaient. Nous avons résilié, de manière unilatérale, l'achat de 50 millions de doses et nous sommes en train de négocier avec les fabricants de vaccins la meilleure façon de faire supporter la dépense la plus faible possible à nos concitoyens. C'était une décision responsable.
Nous avons actuellement un certain nombre de doses uniques : 170 000 doses de vaccins Panenza, 850 000 doses de vaccins Focetria en unidoses et 4,9 millions de doses de Focetria indéconditionnables en boîtes de dix. Cette livraison, arrivée à la fin du mois de décembre, sera réservée aux généralistes, qui auront ainsi la possibilité avec cette livraison d'environ 5 millions de vaccins unidoses, de vacciner de la meilleure façon qui soit dans les cabinets libéraux.
Nous sommes donc à une phase mixte de centres de vaccination et de médecins libéraux.
Bientôt, début mars, les médecins libéraux seront seuls aux commandes pour vacciner nos concitoyens jusqu'au mois de septembre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Permettez-moi tout d'abord, monsieur le président, de saluer la mémoire de ces deux jeunes soldats qui viennent de trouver la mort en Afghanistan. Mathieu Toinette est tombé hier ; il était originaire de La Réunion et avait vingt-huit ans.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'enseignement supérieur. Depuis plusieurs semaines, et de façon inédite, les sciences de l'éducation donnent lieu, à La Réunion, à un débat qui a largement franchi les portes de l'université.
Il est vrai que la menace est de taille. Il s'agit, ni plus ni moins, que de supprimer définitivement la licence, le master et le laboratoire de rattachement de ces diplômes. La volonté de voir disparaître cet enseignement à La Réunion ne résulte pas de son manque d'attractivité. Il accueille, en effet, plusieurs centaines d'étudiants. Elle ne se justifie pas non plus par ses taux de réussite, qui figurent parmi les plus importants de l'université, pas plus par le taux d'insertion professionnelle de ses étudiants, particulièrement élevé.
Non ! Ces suppressions se fonderaient sur une évaluation très contestée.
Si elle était confirmée, cette décision remettrait gravement en cause les projets des 400 étudiants actuellement engagés dans ce cursus. Et ce n'est pas son remplacement par une licence de sciences humaines et sociales qui pourrait les rassurer. Contrairement aux diplômes de sciences de l'éducation, bien identifiés dans la sphère universitaire et dans le monde du travail, cette nouvelle licence n'existe nulle part.
Ne plus permettre à la seule université française de l'Océan Indien de délivrer des diplômes de sciences de l'éducation reviendrait à priver La Réunion du seul outil de formation continue dont elle dispose pour lutter contre l'illettrisme et l'exclusion sociale.
Il est grand temps de retrouver la sérénité qui sied aux études et à la recherche. Une solution pourrait y contribuer. Elle consisterait à maintenir, dans le cadre du prochain contrat quadriennal, l'habilitation pour la licence, le master et le laboratoire, quitte à l'assortir d'une évaluation exceptionnelle à mi-parcours. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Madame Huguette Bello, vous vous inquiétez pour l'avenir de la filière sciences de l'éducation à l'université de la Réunion.
Je tiens à vous rassurer immédiatement. Cet avenir est garanti.
Madame Bello, nous avons simplement fondé notre politique universitaire sur une évaluation indépendante des filières de formation par l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur.
L'évaluation de l'université de La Réunion a donné à la fois la meilleure note – A – au master de l'université de la Réunion en sciences de l'éducation et la moins bonne note – C – à la licence en sciences de l'éducation.
Cette évaluation n'est évidemment pas une condamnation. C'est au contraire une incitation à agir. Nous sommes en train de travailler avec le président de l'université au renforcement de cette formation, pour lui donner une meilleure qualité pour tous les étudiants réunionnais.
Dès la rentrée 2010, la licence sera plus ouverte, plus pluridisciplinaire, pour bénéficier d'un rayonnement plus grand. Le master sera renforcé et deux emplois supplémentaires seront donnés à l'université pour améliorer la qualité de sa recherche.
L'évaluation est un outil de pilotage extrêmement puissant pour l'université française. Cela nous permet d'améliorer la performance de l'ensemble de nos formations, au bénéfice de tous les étudiants sur tout le territoire de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Marc Francina, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Madame la ministre, vous avez, ce matin, annoncé dans les médias la création d'une taxe sur les bonus des banques. Cette annonce vient s'ajouter à la politique de moralisation réclamée par tous les Français.
Compte tenu de la réactivité efficace de notre système bancaire, ne faudrait-il pas envisager de la faire perdurer dans l'avenir ?
Pour cette année, pouvez-vous préciser à la représentation nationale comment elle sera appliquée et combien elle rapportera ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le député, je citerai quelques chiffres, rappellerai trois principes et mentionnerai trois pays.
Quelques chiffres d'abord. Oui, monsieur le député, nous proposons de taxer les bonus à 50 %. Cette taxation portera sur les bonus des opérateurs de marché supérieurs à 27 500 euros.
D'après nos calculs, la taxe rapportera 360 millions d'euros dont 270 millions seront affectés au Fonds de garantie des dépôts.
Trois principes, ensuite. Premièrement, la mesure est inspirée par notre détermination de faire que ceux qui prennent le plus de risques participent à plus de sécurité.
Deuxièmement, nous souhaitons donner un signal fort aux banques afin qu'elles utilisent la reconstitution de leurs fonds propres non pour verser des rémunérations exceptionnelles, qui seront taxées de manière exceptionnelle, mais pour financer l'économie, en particulier la reconstitution des stocks par les petites et moyennes entreprises : c'est indispensable.
Troisièmement, face à une situation exceptionnelle, il y a eu un concours exceptionnel : il est donc normal qu'il y ait une taxation exceptionnelle.
Trois pays, enfin : la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis. Dès le mois d'août, la France a été à l'initiative. Lorsqu'il a rencontré le Premier ministre Gordon Brown, le Président de la République a décidé au mois de décembre dernier d'aligner les régimes français et anglais, afin qu'il n'y ait d'avantage compétitif ni d'un côté ni de l'autre de la Manche. Par ailleurs, les Etats-Unis, qui s'étaient prononcés contre ces principes, envisagent enfin une taxation des banques à caractère exceptionnel.
Taxer exceptionnellement ces rémunérations à caractère exceptionnel : telle est la détermination du Gouvernement sous l'autorité du Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question, relative à la taxe carbone, s'adresse à Mme Lagarde.
Auparavant, je souhaite indiquer à Mme la ministre que c'est avec plaisir que nous l'entendons, enfin, donner son accord à la taxation des bonus, accord qu'elle nous avait refusé avec vigueur et même avec hauteur pendant de nombreux mois (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), expliquant qu'une telle politique était inimaginable en France. Vous avez changé d'avis, madame la ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) : pour une fois, vous avez eu raison.
L'année dernière en loi de finances, vous avez fait voter par votre majorité UMP, qui s'est exécutée (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), une vingt-troisième taxe supplémentaire depuis 2007 : la fameuse taxe carbone.
L'annulation de cette taxe par le Conseil constitutionnel constitue évidemment un désaveu pour le Président de la République autant qu'une leçon pour la majorité UMP, qui devrait cesser de suivre aveuglément les volontés politiques de l'Élysée (Protestations sur les bancs du groupe UMP) …
Il s'agit bien d'un désaveu pour le Président de la République car cette annulation était largement prévisible depuis l'élaboration de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en la matière, en 2000 sous le gouvernement Jospin, et sa confirmation sous le gouvernement Raffarin en 2002.
Madame la ministre, le Président de la République a annoncé un nouveau texte pour le 20 janvier, puis pour début juillet. Pouvez-nous nous confirmer si vous avez bien l'intention de refaire voter cette taxe carbone après que les Français auront voté pour le renouvellement des conseils régionaux dans quelques semaines ?
Par ailleurs, madame la ministre, plutôt que de procéder comme vous l'avez fait, ne préférez-vous pas confier au Parlement le soin de travailler sereinement, en y consacrant le temps nécessaire, et respecter ses choix, contrairement à ce qui s'est fait pour la taxe professionnelle ? Cela permettrait à la censure du Conseil constitutionnel d'être une chance pour notre pays et non un désaveu définitif pour le Président de la République et son gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Vos propos ne correspondent pas à votre comportement habituel dans cet hémicycle, monsieur Cahuzac. Dois-je vous rappeler que vous avez voté cette contribution climat-énergie qui figurait à l'article 2 du Grenelle de l'environnement, adopté à l'unanimité ?
Mais comme sa mise en oeuvre est difficile, qu'elle demande du courage et que cela concerne les générations futures, ce n'est ni le bon moment, ni la bonne modalité ! Pourtant, peu de textes auront été travaillés avec autant de soin et de précaution, avec une commission et des débats très ouverts. Le Conseil constitutionnel a estimé quant à lui – c'est son rôle et son droit – que la règle des 1 100 sites industriels qui font l'objet des directives européennes pour les inciter à modifier leurs émissions de gaz à effet de serre ne correspondait pas à ce qu'il attendait. Dont acte.
Monsieur Borloo, rétablissez la vérité : nous n'avons pas voté cette taxe !
La métamorphose économique et écologique – véritable révolution – est l'affaire de notre génération. Ni simple, ni facile à mettre en oeuvre, elle est cependant indispensable.
Pour répondre précisément à votre question, monsieur Cahuzac, oui , nous allons prendre en compte la préoccupation du Conseil constitutionnel, tout en étant très attentifs à la compétitivité de nos sites industriels…
.afin qu'ils ne subissent pas une concurrence déloyale de la part d'autres sites qui ne feraient pas les mêmes efforts.
Bien entendu, nous allons en débattre avec les groupes parlementaires.
La parole est à M. Christian Kert, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de la culture et de la communication, il y a un an, nous votions une vaste réforme de l'audiovisuel public, qui fut immédiatement appliquée. Des programmes plus ambitieux, une écoute plus confortable grâce à la disparition de toute publicité à partir de vingt heures, la création d'une société unique qui a su mener une stratégie de média global : tels sont quelques-uns des aspects les plus satisfaisants de cette réforme.
Lors du débat, nous avions anticipé les effets de la crise, qui a réduit les ressources publicitaires sur les écrans privés comme pour les petites chaînes. Écrêter la taxe sur le chiffre d'affaires de toutes les chaînes nous avait paru relever du bon sens. Ceux qui ont alors critiqué cette mesure s'aperçoivent aujourd'hui qu'elle correspond à une réalité économique, notamment pour les chaînes historiques, désormais talonnées par les petites chaînes de la TNT.
Monsieur le ministre, j'observe tout d'abord que le résultat très satisfaisant obtenu par France Télévisions sur les écrans publicitaires de jour pourrait nous conduire à revoir notre position au moment du rendez-vous de suivi de la loi. D'autre part, quel bilan dressez-vous de cette réforme ? Surtout, comment pourrons-nous continuer de soutenir la production audiovisuelle française face aux défis qui l'attendent, dans le public comme dans le privé, ainsi que le préconisait la commission Copé ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.
Avant de vous répondre, monsieur Kert, permettez-moi de signaler que France 3 diffusera ce soir, à 23 heures 30, Ma nuit chez Maud d'Éric Rohmer. Ces tristes circonstances permettront ainsi au service public d'accomplir son devoir et d'affirmer sa spécificité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Au début de l'année 2008, le Président de la République a souhaité libérer les antennes de France Télévisions de la contrainte publicitaire et replacer l'État actionnaire face à ses responsabilités en nommant les présidents des sociétés nationales de programmes.
Souvenons-nous des critiques que l'opposition formulait alors : le service public serait condamné à un sous-financement chronique ; on offrait aux chaînes privées des cadeaux injustifiés en leur permettant de récupérer cette manne publicitaire ; l'indépendance des sociétés nationales de programmes et le pluralisme des courants de pensée et d'opinion seraient bafoués… Quelle est aujourd'hui la réalité ?
Cette réforme a été plébiscitée par les téléspectateurs, dont plus de 70 % se déclarent satisfaits des nouvelles grilles de programmes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La programmation est le coeur de cette réforme ambitieuse, à laquelle elle donne son sens. Ainsi, France Télévisions a notamment renforcé de manière significative son engagement en faveur de la création d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles.
D'autre part, la suppression progressive de la publicité sur les antennes n'a pas réduit les moyens dont dispose la télévision publique, bien au contraire, puisque la dotation budgétaire s'est ajoutée au financement par la redevance.
Quant à l'indépendance des sociétés, le Gouvernement n'a bien entendu jamais voulu la remettre en cause. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) De fait, si l'on écoute ou si l'on regarde les chaînes de radio ou de télévision publiques, l'on ne peut que constater que les opinions politiques les plus diverses s'y expriment en toute liberté. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Serge Blisko, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre de l'intérieur, de nombreux citoyens français qui souhaitent renouveler leurs papiers d'identité sont confrontés à une administration tatillonne, qui met en doute leur nationalité française, laquelle leur est parfois reconnue depuis plusieurs dizaines d'années. Ils s'étonnent du nombre de pièces à fournir pour renouveler une carte d'identité ou un passeport.
Ainsi, si le demandeur n'est pas né en France, ou s'il est né en France de parents nés à l'étranger, il doit produire un certificat de nationalité française, dont l'obtention peut exiger plusieurs mois. Cette longue attente entraîne de fâcheuses conséquences en empêchant nos concitoyens d'honorer leurs obligations familiales ou professionnelles.
En outre, de nombreux documents sont exigés pour obtenir ce certificat. Commence alors un véritable parcours du combattant, souvent vécu comme une humiliation, en particulier par ceux qui ont fait don de leur talent à la France ou versé leur sang pour elle.
En effet, produire des documents qui concernent ses parents ou ses grands-parents peut s'apparenter à une mission impossible, notamment pour ceux qui ont fui un pays en guerre ou pour leurs descendants.
La différence de traitement entre Français selon leur lieu de naissance ou leur origine est manifestement discriminatoire.
Monsieur le ministre, entre un débat sur l'identité nationale qui entraîne les effets les plus redoutables et les circulaires – dont certaines ne sont pas publiées – qui remettent brutalement en cause l'identité française de dizaines de milliers de nos concitoyens, votre ministère et celui de M. Besson ont une fois de plus démontré leur faculté de nuire.
Envisagez-vous de clarifier la situation et de mettre fin à cette situation insupportable et aux méthodes inquisitoriales que subissent nos compatriotes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR et sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur Blisko, vous avez rappelé les difficultés administratives auxquelles sont confrontés certains de nos compatriotes qui souhaitent renouveler leur carte nationale d'identité, difficultés dont je ne conteste pas l'existence.
Rappelons tout d'abord un principe fondamental : tous les Français sont égaux devant la loi, quelle que soit la manière dont ils ont acquis la nationalité française (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et qu'ils soient nés en France ou à l'étranger.
Comme vous, et comme d'autres parlementaires – dont Pascal Clément, qui a approuvé votre intervention –, j'ai cependant conscience des difficultés pratiques qui se posent dans certains services départementaux, lesquels exigent systématiquement un certificat de nationalité française pour toute demande de renouvellement des papiers d'identité. Vous l'avez dit à juste titre, ces certificats sont parfois très difficiles à obtenir (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), et les demandeurs voient dans cette exigence une remise en cause de leur nationalité française.
Informé comme vous de ces cas, j'ai, dès le 2 décembre, adressé aux préfets des instructions écrites très précises afin de clarifier la situation. J'ai notamment demandé que soit très largement appliquée la notion de possession d'état de Français, laquelle permet précisément de remédier à la situation qui nous préoccupe, en évitant tout tracas administratif. Car s'il faut combattre avec fermeté les fraudes à l'identité, nous devons en revanche éviter ces désagréments ; je pense que nous nous accorderons tous sur ce point.
Je vous le dis très simplement, devant la représentation nationale : je veillerai à ce que ces instructions écrites soient pleinement respectées. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Chantal Brunel, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Patrice Point avait cinquante et un ans. Entré dans la police en 1981, il avait été nommé major à Chessy. C'était un policier aimé de ses collègues, respecté pour son expérience professionnelle du terrain. Il venait d'ailleurs de refuser un poste administratif afin d'être toujours au plus près de sa mission.
Le 27 décembre, à Montévrain, dans ma circonscription, alors qu'il s'était rendu sur le lieu d'un cambriolage, il a été sauvagement et délibérément écrasé contre un mur par deux cambrioleurs cagoulés à bord d'un 4x4 volé. Le bas du corps et le bassin broyés, il est mort des suites de ses blessures le 29 décembre.
Patrice Point n'est hélas pas un cas unique : il est le onzième policier mort dans l'exercice de ses fonctions en 2009.
Monsieur le ministre de l'intérieur, vous vous êtes rendu par deux fois au commissariat de Chessy. Ce drame aussi barbare que gratuit nous interpelle. Que compte faire l'État pour que ses policiers reçoivent le respect dû à leurs fonctions et une protection à la hauteur de leur engagement ?
Tuer un policier est un acte exceptionnellement grave et je considère qu'il doit rester tel et ne jamais être banalisé. Face au déchaînement de haine et de violence dont la police est aujourd'hui l'objet, quelle valeur la République désire-t-elle accorder à la vie de ceux qui se battent chaque jour pour qu'elle existe ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Comme vous l'avez rappelé, madame la députée, je me suis rendu il y a quelques jours aux obsèques du brigadier-major Patrice Point, élevé au grade de commandant à titre posthume ; vous y étiez d'ailleurs présente ainsi qu'un certain nombre d'élus du département de Seine-et-Marne. Il s'agissait pour moi de rendre hommage à la victime et de soutenir sa famille, et plus largement toute la police, légitimement choquée et endeuillée par ce drame.
Il faut rappeler encore les faits. Le 27 décembre, à la suite d'un appel à police secours, deux patrouilles du commissariat de Chessy se rendent devant un pavillon dans lequel un cambriolage avait lieu. Les deux cambrioleurs « empruntent » alors un 4x4 extrêmement puissant et, tout à fait délibérément, foncent sur les policiers et écrasent contre la rampe d'accès le brigadier-major Point, qui est gravement blessé – je rappelle devant la représentation nationale que son agonie a duré trois jours.
Cela permet de rappeler une réalité que nous ne soulignons peut-être pas assez et sur laquelle les médias n'insistent pas suffisamment, c'est que le métier de policier, le métier de gendarme, qui consiste à assurer la protection de nos concitoyens, est un métier difficile, exigeant et dangereux. L'année dernière, 12 000 policiers et gendarmes ont été blessés dans l'exercice de leurs fonctions et vingt-deux ont été tués – onze policiers et onze gendarmes.
Je vous le dis, madame la députée, parce que je sais que vous y êtes attentive : l'enquête avance rapidement et je suis sûr que les auteurs de ce crime seront sanctionnés durement par la justice, car les sanctions pénales les plus sévères doivent être appliquées à ceux qui ont agi ainsi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, je veux d'abord vous adresser tous mes voeux républicains : voeux de réussite, puisque c'est l'intérêt du pays, voeux de lucidité aussi, puisque c'est la condition de la réussite.
À cet égard, monsieur le Premier ministre, je m'interroge avec les membres de mon groupe sur la manière dont certains de vos ministres prennent la mesure de la crise sociale qui s'annonce.
Cette crise sociale fait aujourd'hui l'objet d'un bulletin d'alerte – une alerte rouge – émanant de Pôle emploi. Il annonce en effet très clairement qu'un million de nos concitoyens sans emploi ne recevront pas d'indemnisation au titre de l'assurance chômage pour l'année 2010. Leur nombre avait augmenté de près de 35 % en 2009, il va encore croître significativement en 2010. Or seuls 17 % d'entre eux bénéficieront de l'allocation spécifique de solidarité.
Je crois, monsieur le Premier ministre, qu'au lieu de ratiociner sur l'identité nationale et de s'esbaudir dans les colloques sur la régulation du capitalisme mondial (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP), il faudrait agir et agir vite.
Il importe de faire de la question des chômeurs non indemnisés non pas un simple sujet de discours mais une priorité politique.
Il importe ensuite de ne pas de vous défausser sur les partenaires sociaux d'une négociation qui n'aboutira pas avant la fin de cette année et de prendre des mesures concrètes pour étendre le bénéfice de l'allocation spécifique de solidarité, en y consacrant les moyens nécessaires. Il y a des bonus pour les traders, nous demandons un bonus pour les chômeurs ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Il importe enfin de confier à l'AFPA, que vous avez déstabilisée, une vraie mission de réinsertion et d'accompagnement de ces personnels, conforme à sa vocation et digne d'elle.
Vous qui chantez « Changer le monde » avec force gesticulations, êtes-vous prêts à changer concrètement le sort de centaines de milliers de nos concitoyens, privés d'emplois et de ressources ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.
Monsieur le député, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de Laurent Wauquiez, retenu en ce moment au Sénat.
La question que vous posez est très importante. Mais avant d'y répondre, je voudrais vous rappeler que la durée minimale nécessaire à la perception de l'assurance chômage est passée de six à quatre mois, grâce à la nouvelle convention d'assurance chômage négociée par les partenaires sociaux. Cette nouvelle convention a une conséquence : 200 000 personnes supplémentaires bénéficieront, en année pleine, de ces nouveaux droits. Je ne crois pas que l'on puisse appeler cela un recul. Il s'agit, bien au contraire, d'une amélioration.
Le Gouvernement a également amélioré l'indemnisation des licenciés économiques, en la portant à près de 100 % du salaire net pendant un an pour les bénéficiaires du contrat de transition professionnelle et de la convention de reclassement personnalisée.
Quant à la question que vous posez, je n'entends pas m'y dérober. En temps normal, on estime à 800 000 le nombre moyen de personnes qui épuisent chaque année leurs droits à l'assurance chômage. Ces personnes, rappelons-le, ne sont pas dénuées de ressources. Vous le savez bien, puisque vous avez fait allusion à l'allocation de solidarité spécifique. Au-delà, le revenu de solidarité active entre en jeu.
Pour l'année 2010, deux facteurs se conjuguent : l'acuité de la crise, qui explique l'augmentation du nombre de demandeurs d'emploi en fin de droits ; mais aussi l'impact de la nouvelle convention d'assurance chômage. C'est un sujet qui relève essentiellement de la négociation entre partenaires sociaux. Ils s'en sont saisis mais cela n'empêchera pas le Gouvernement de prendre ses responsabilités. Il ne s'agit pas de laisser les chômeurs sans ressources. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la secrétaire d'État chargé de l'écologie, la biodiversité, c'est-à-dire la diversité biologique de la vie, s'éteint à une vitesse croissante. En 2002, à l'occasion du sommet de la Terre de Johannesburg, les 191 pays présents s'étaient engagés à lutter contre la perte de la diversité à l'échelle planétaire à l'horizon 2010 : nous y sommes.
Les gènes et les espèces disparaissent à un rythme mille fois supérieur au rythme naturel, au point que la communauté scientifique parle d'une sixième grande crise d'extinction. La France, d'après l'Union internationale pour la conservation de la nature, compte 778 espèces mondialement menacées. Notre pays représente un véritable carrefour de la biodiversité réparti sur trois océans.
Je prendrai un exemple emblématique, celui des abeilles. Un tiers d'entre elles a disparu en Europe. Ce sont 30 % de la pollinisation qu'il sera nécessaire de compenser par des moyens humains et financiers. Demain, il faudra payer pour un service qui nous était jusqu'alors offert par la nature.
Il est urgent d'enrayer l'érosion de la biodiversité. Des mesures importantes ont été prises. Je pense à la « trame verte et bleue » ou au classement de grandes réserves, notamment en Guyane. Beaucoup d'autres questions restent à régler, comme celle du thon rouge ou de l'atoll de Tetiaroa, situé à quarante kilomètres de Papeete, que des bulldozers labourent actuellement pour y construire un grand hôtel, alors qu'il s'agit d'une réserve ornithologique remarquable.
Le moment ne serait-il pas venu, à l'occasion de l'année de la biodiversité, de sonner la mobilisation générale et d'informer le grand public sur ces questions ? Mais comment agir quand les Français ont la plus grande difficulté à définir la biodiversité, ce qu'elle recouvre, ce qu'elle apporte ?
Madame la secrétaire d'État, comment comptez-vous, en 2010, générer une telle prise de conscience et mobiliser chacun d'entre nous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.
Monsieur le député, vous avez raison, c'est bien de mobilisation qu'il faut parler concernant la biodiversité, c'est-à-dire la diversité des espèces animales et végétales qui nous entourent, puisque la moitié de notre alimentation et de notre pharmacopée en dépendent. Vous avez évoqué, à juste titre, l'exemple des abeilles : leur disparition nous coûterait 2 milliards d'euros chaque année.
Or j'ai bien conscience que nos électeurs nous demandent plus des routes que des trames vertes ou bleues : 66 % des Français n'ont pas conscience de la biodiversité, ils ne connaissent pas sa définition.
Aussi avons-nous décidé, avec Jean-Louis Borloo, d'organiser cette année une fête populaire de la nature, à l'instar de ce qui existe pour la musique. Cette fête aura lieu le 21 mai. Je vous invite, mesdames, messieurs les députés, à convier dans vos parcs, dans vos espaces, les associations, afin d'y faire découvrir la nature à un large public.
D'autres actions seront menées en 2010, comme la création de nouveaux parcs, et notamment un –l'un des plus beaux – outre-mer, ou encore le lancement d'une mission pour définir les contours de ce que pourrait être une agence de la nature en France, chargée de gérer enfin de manière un peu cohérente l'ensemble de notre patrimoine naturel.
Je vous souhaite donc une excellente année de la biodiversité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, le traité de Lisbonne prévoyait l'augmentation, pour douze États membres, du nombre de leurs députés européens, afin de tenir compte des évolutions démographiques. Ne sachant pas quand le traité de Lisbonne entrerait en vigueur, le Conseil européen de décembre 2008, qui se tenait sous la présidence française, avait prévu, dans ses conclusions, que cette décision puisse être appliquée après l'élection du Parlement européen de juin 2009. C'est ainsi notamment qu'en Espagne, en Autriche, en Suède, en Bulgarie, en Lettonie ou encore à Malte, des dispositions ont été prises avant l'échéance électorale sur la manière dont seraient élus les députés supplémentaires s'il s'avérait que le traité de Lisbonne entre en vigueur. Pourquoi le Gouvernement français ne s'est-il pas appliqué à lui-même ce qu'il a suggéré et fait adopter sous sa présidence aux autres États membres ?
Concernant le petit nombre d'États qui sont dans la même situation que la France, tous ont choisi de pallier cette carence en retenant comme base juridique les résultats des élections européennes de juin dernier. Le choix du Gouvernement français de revenir à l'époque où le suffrage universel n'existait pas et de nommer les députés européens parmi les parlementaires nationaux constitue non seulement une exception, mais aussi un véritable déni de démocratie. C'est pourquoi notre groupe, avec les autres groupes de l'opposition, ne s'est pas associé à cette manipulation.
La France est aujourd'hui la risée de l'Europe. Le Parlement européen a clairement indiqué qu'il refuserait que des députés français puissent siéger en son sein, fût-ce comme observateurs. Le Gouvernement a donc retiré le vote prévu demain. Mais la question de la désignation de nos représentants reste entière.
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : comment comptez-vous sortir de cette impasse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Monsieur le député, je vous rappelle tout d'abord que c'est au Président de la République, Nicolas Sarkozy (« Ah ! sur les bancs du groupe SRC) que nous devons les deux sièges supplémentaires obtenus par la France au Parlement européen. Ces sièges, il les a obtenus en juin 2007, c'est-à-dire juste après son élection, lors des négociations finales du traité de Lisbonne. La France aura donc soixante-quatorze députés, au lieu de soixante-douze sous l'empire du traité de Nice.
C'est encore au Président de la République (« Ah ! sur les bancs du groupe SRC) que l'on doit, sous présidence française en 2008, que ces nouveaux députés puissent siéger à Strasbourg avant les prochaines échéances électorales de 2014. Il n'est donc pas acceptable, mesdames et messieurs de l'opposition, de faire une mauvaise polémique sur une question de procédure alors que nous venons d'obtenir un véritable succès de fond pour la France.
J'en viens à ces questions de procédure. La solution annoncée par le Premier ministre le 30 novembre dernier prévoit l'élection par tous vos collègues de deux députés observateurs jusqu'en 2014, l'un de l'opposition, l'autre de la majorité. Cette solution, expressément prévue par le Conseil européen de juin 2009, est la seule conforme à la Constitution.
Il ne vous a pas échappé, monsieur le député, que le Parlement européen était actuellement en session sur la ratification de la Commission, et que la Conférence intergouvernementale réclamée par l'Espagne ne pourrait pas se tenir avant le mois de mars. C'est pourquoi il a été nécessaire de reporter cette désignation, ce qui, je crois, vous rend service, car vous n'aurez pas à choisir entre vous-mêmes et vos amis Verts à l'approche des élections régionales…
En résumé : nous avons deux députés supplémentaires, dont un de l'opposition. C'est un succès pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent),en septembre 1944, dans les combats pour la libération de la France, le quatrième régiment de tirailleurs tunisiens monte la côte de Ferrières, en Franche-Comté. L'aspirant Robert Séguin, vingt-trois ans, est arrêté par les balles allemandes. Il laisse à Tunis un fils de seize mois, né le 21 avril 1943, à l'intention de qui il a griffonné sur un carnet ces quelques mots qui seront son testament : « Adieu mon fils, sois un homme loyal, honnête et droit ».
Cette ligne de conduite, Philippe Séguin l'a suivie, fidèlement. Pupille de la Nation, il a rempli ses devoirs.
Le 2 avril 1993, élu au fauteuil que j'occupe aujourd'hui, il dédie l'honneur de cette élection à ce père qui, « à l'appel du général de Gaulle, tomba à l'entrée d'un petit village du Doubs ».
Dans cet hémicycle retentit encore l'écho de sa voix, à la fois chaleureuse et grave, comme lui. Jeune député des Vosges, il n'avait pas attendu longtemps avant de prendre la parole. Sa première question au Gouvernement, le 10 mai 1978, portait déjà sur l'emploi, au moment où les difficultés de l'industrie textile frappaient durement son département. Et déjà, son premier discours, le 27 juin 1978, visait à défendre les moyens en personnel de la Cour des Comptes. Protéger le pouvoir d'achat des salariés tout en contrôlant scrupuleusement l'usage des deniers publics, c'était il y a presque trente-deux ans, mais force est de constater que ces deux exigences sont restées pour lui primordiales tout au long d'une carrière hors du commun.
Orateur d'exception, Philippe Séguin se fait vite remarquer par un irremplaçable mélange de conviction et d'ouverture. Conviction d'un jeune gaulliste qui a le sens de la formule et qui possède au plus haut degré l'art de pourfendre l'adversaire. Conviction d'un député actif qui se révèle pleinement dans la farouche opposition qui l'anime après l'alternance de 1981. Mais ouverture d'esprit, sens de l'écoute, indépendance d'un vrai républicain pour qui l'adversaire n'est pas l'ennemi et qui sait reconnaître l'argument juste, y compris lorsqu'il vient d'en face.
Philippe Séguin orateur, c'est ce député qui, le 17 septembre 1981, se déclare favorable à l'abolition de la peine de mort, osant même parler contre la question préalable défendue par la droite. Comme il le rappelle alors à tous ses collègues, « le respect de la vie et le souci de la paix sociale sont des préoccupations dont on peut bien admettre sans déchoir qu'elles sont partagées ».
Chez lui, la conscience prime la consigne. En 1986, nommé ministre des affaires sociales et de l'emploi au sein d'un gouvernement qui présente une alternative libérale, il cultive le dialogue avec les partenaires sociaux. En 1992, fidèle à ses convictions et croyant devoir choisir entre l'Europe de Maastricht et la nation, il se fait le héraut d'une France qui veut dire « non » au fédéralisme.
Pour autant, Philippe Séguin n'était pas de ceux qui se laissent enfermer dans un nationalisme étroit et sans vision. Sa circonscription d'Épinal, où il était fier d'avoir été « adopté » par les Vosgiens, formait le centre d'un vaste polygone qui excédait largement les frontières nationales : Tunis, sa ville natale ; Draguignan où il avait grandi avec sa mère institutrice dont la perte récente l'a si profondément affecté ; Aix-en-Provence où cet enfant de la méritocratie républicaine poursuit ses études ; Paris où le jeune énarque commence à servir nos institutions ; mais aussi la Polynésie où il fait son stage en 1968, Montréal où il a enseigné et Genève où il a représenté notre pays au sein du Bureau international du travail.
« Ma France n'appartient pas qu'aux seuls Français », déclarait-il en 1995. Cet homme de culture comprenait intimement la complexité du monde musulman et la subtilité des liens qui unissent depuis longtemps les deux rivages de la Méditerranée, mais ce Méditerranéen viscéral regardait aussi par-delà l'Atlantique. Il savait la valeur de l'amitié franco-américaine, tout en défendant l'exception française avec ferveur. Philippe Séguin n'oubliait pas non plus nos cousins d'Amérique, ce Québec qu'à l'exemple de son illustre modèle il aurait voulu libre, suscitant parfois quelques remous dans le monde feutré de la diplomatie. Et c'est d'ailleurs sur ces « arpents de neige » de la Nouvelle-France, quand il ressentit le besoin de prendre du recul et de se consacrer aux travaux de l'esprit, qu'il trouva une forme de sérénité en tant que chercheur-invité auprès de l'Université du Québec à Montréal.
Philippe Séguin professeur de géopolitique, c'était le praticien qui devenait théoricien, l'homme d'expérience qui transmettait, non un savoir abstrait, mais une certaine idée de la France et du monde, telle qu'il la retirait d'une vie d'engagement et de combat.
Une idée d'autant moins abstraite qu'elle s'enracinait profondément dans l'histoire, cette autre discipline qu'il aimait au plus haut point et dans laquelle il s'illustra avec brio. Comment oublier que cet authentique républicain, rompant avec la tradition héritière de Victor Hugo, entreprit de réhabiliter la mémoire de Napoléon III, substituant au personnage caricatural de Badinguet la vision d'un empereur moderniste et soucieux du bien commun qui équipa et enrichit la France. Comment ignorer que, président de l'Assemblée, il publia la « saga » des 240 hommes d'État qui de Jean-Sylvain Bailly à lui-même, avaient présidé les assemblées françaises ? Du serment du Jeu de Paume à la Ve République courait pour lui le fil rouge de la conscience démocratique ; les ruptures n'effrayaient pas Philippe Séguin, et pourtant ce qui dominait chez lui restait le sentiment d'une grande continuité historique dépassant les accidents et les individualités. C'est pourquoi aussi, devenu Premier président de la Cour des comptes, il sut donner tout son lustre au bicentenaire de cette grande institution de la République où il était entré à vingt-sept ans et dont il défendit jusqu'au bout les prérogatives.
Mû par une haute idée du service public, Philippe Séguin s'est montré un réformateur dans l'âme, partout où il a exercé des responsabilités. Il l'a prouvé comme député, multipliant les rapports et les propositions de loi ; il l'a prouvé comme ministre, réfutant l'immobilisme en même temps que le dogmatisme ; il l'a prouvé avec éclat en tant que président de l'Assemblée nationale, de 1993 à 1997, puisque nous lui devons des changements aussi profonds que la session unique de neuf mois ou les séances d'initiative parlementaire. Réformer, pour lui, constituait l'exercice noble entre tous qui permet de sauvegarder l'autorité de l'État et de maintenir le pacte social. Comme il le déclara lui-même, « la réforme est indissociable de la pédagogie et du rassemblement qui sont au coeur de la politique ».
Tel fut Philippe Séguin, un homme libre, courageux, aimé des Français autant qu'il a aimé la France, une personnalité exceptionnelle de la Ve République, respectée par l'ensemble du monde politique.
D'un bloc il était, d'un bloc il est tombé. Cette grande voix s'est tue nous laissant à notre tour orphelins – oui, orphelins – d'un grand homme d'État qui aura tout donné à la République. Philippe Séguin n'est plus. Par une dernière foucade, il s'est retiré sur l'autre rive et déjà il nous manque. Son éloquence, son intelligence, sa culture, sa hauteur de vue, son courroux salutaire, c'est tout cela que nous avons perdu, et aussi quelque chose de plus : l'homme attachant et passionné, dont les colères ne faisaient qu'exprimer l'intransigeance avec laquelle il s'était donné mission de défendre la France et de faire vivre les valeurs de la République.
Aujourd'hui, en me penchant sur tout ce qui a fait la vie pleine et dévouée de Philippe Séguin, je me dis que notre ancien collègue qui lisait tant, qui citait volontiers les grands auteurs, a dû souvent méditer « If », le poème de Kipling.
Oui, Philippe Séguin, tu as su « rester digne en étant populaire » et « rester peuple en conseillant les rois », « rêver, mais sans laisser le rêve être ton maître, penser sans n'être qu'un penseur » ; tu as pu « être dur sans jamais être en rage », « rencontrer Triomphe après Défaite et recevoir ces deux menteurs d'un même front ».
Oui, comme le voulait le jeune aspirant tombé en 1944, tu as été « loyal, honnête et droit ».
Parce que son père ne l'avait pas reçue, Philippe Séguin a toujours refusé la Légion d'honneur, mais je veux dire à sa famille, à son épouse Béatrice, à ses enfants Catherine, Patrick, Pierre et Anne-Laure, à ses petits-enfants ainsi qu'à ses amis, à ses compagnons, à tous ceux qui ont été ses collaborateurs, l'estime que tous ici nous lui portons. Au nom de tous les députés de l'Assemblée nationale et en mon nom personnel, je leur présente mes condoléances attristées.
En un temps où il semble parfois de bon ton de dénigrer la politique, la vie de Philippe Séguin montre à tous, par l'exemple, la noblesse de l'action publique et la grandeur de l'engagement civique.
Il le disait lui-même: « Ma France est un idéal qui s'adresse à tous les Hommes de bonne volonté, un idéal qui se décline dans la magnifique devise de la République. »
Telle était la passion de Philippe Séguin pour la France.
La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, une voix chaude au timbre brûlé s'est éteinte : dans ses éclats et ses soupirs, elle nous parlait toujours de la France. À pas lents, une silhouette imposante s'éloigne, laissant dans son sillage un parfum de Gitane et de combats pour la République.
Le jeudi 7 janvier, Philippe Séguin nous a quittés.
Pour moi, il n'y a pas d'honneur plus cruel que celui qui me porte aujourd'hui à célébrer sa mémoire. Et, pourtant, en ces heures si tristes, je me souviens de ses yeux malicieux, de ses fulgurances intellectuelles, de sa gravité perfectionniste, de ses colères grondantes, qui pouvaient être suivies d'un rire éclatant. Je me souviens d'un homme inclassable et frondeur, imposant à des salles parfois hostiles un silence tendu par l'intelligence de ses mots et par la noblesse de ses idéaux. Je me souviens de l'autorité rayonnante avec laquelle Philippe Séguin orchestrait nos débats.
Arbitre de nos différends, il ne fut ni l'homme de la droite ni celui de la gauche, mais l'homme de la République. Son goût du pluralisme éclairait sa passion de l'unité nationale, parce qu'il n'y a pas un peuple de gauche contre un peuple de droite, il n'y a que le peuple français, capable, dans son unité, de toutes les grandeurs.
Je veux me souvenir de l'éloquence de Philippe Séguin. Il croyait au pouvoir du verbe qui conduit l'action.
Respectueux de l'intelligence dont est capable tout un chacun pour peu qu'on la sollicite, il cherchait à inspirer l'estime du fait politique et la dignité du débat républicain. L'intensité de ses engagements ne se confondit jamais avec le mépris de l'adversaire politique. Philippe Séguin fut toujours digne et loyal dans la controverse.
Méditons la vigilance à laquelle il nous invite dans ses Mémoires : « Contre les émotions instantanées sur lesquelles joue la médiacratie, le discours cherche à réintroduire le temps long de l'argumentation raisonnée. Contre la réduction des hommes au statut de consommateur par la sondocratie, il cherche à s'adresser au citoyen. Contre le conformisme propre à la tyrannie cathodique, il cherche à réintroduire la contradiction. » Je crois, mesdames et messieurs les députés, à la modernité d'une pensée et d'un style qui honorent notre démocratie, et, plus encore, la condition humaine.
J'ai en mémoire son discours sur le traité de Maastricht, qui fut un coup de tonnerre dans le ciel si tranquille de l'establishment.
Et j'entends encore ce discours si bienveillant, en hommage à Pierre Bérégovoy : « Préservons le mystère du geste qui brisa cette vie. Conservons pour nous-mêmes la méditation qu'il nous impose sur la part d'ombre, les épreuves et les espoirs trompés qui jalonnent la vie d'un homme public, sur les exigences terribles et l'engagement entier qu'appelle parfois le service de la Nation. »
Je souhaite, avec vous, me souvenir de Philippe Séguin chaleureux, prévenant avec les plus modestes et touché par les blessés de la vie. Intransigeant aussi, comme il l'était avec lui-même. Ombrageux et fier, mais encore pudique, insatisfait et hanté, hanté par les épopées qui soulevèrent la France, hanté par la mort de son père, l'aspirant Robert Séguin, tombé au combat en 1944.
L'annonce du décès de Philippe Séguin a soulevé une vague d'émotion et de louanges. Toute la classe politique, tous les Français, ont été touchés. Que ce flot d'éloges converge ainsi vers un homme qui n'a que peu exercé le pouvoir exécutif n'est que plus saisissant encore.
C'est la marque des hommes libres, ceux dont le rayonnement transcende le prestige des fonctions. C'est le destin de ceux, qui, comme Pierre Mendès France, ont moins recherché les titres que le pouvoir intellectuel et moral. Philippe Séguin incarne une certaine idée de la politique, faite d'intégrité et de vision. Indifférent aux modes, étranger aux familiarités et aux paillettes qui abaissent le crédit des hommes publics, il opposait à la société du spectacle la culture et le sens de l'histoire.
La République fut le fil de sa vie. Contre les féodalités, il exigeait l'État, dont l'autorité est fondée sur la rigueur de sa gestion. Contre les inégalités sociales et les communautarismes, il en appelait à l'école des hussards. Contre le sectarisme, la laïcité. Contre le cynisme économique, le gaullisme social qui allie les forces de la liberté et celles de la solidarité. Contre le conservatisme, le goût de la modernité industrielle que lui transmit Georges Pompidou, dont il fut le collaborateur. Contre les corporatismes, l'intérêt général. Contre les divisions, l'unité nationale.
Philippe Séguin n'est pas un républicain de circonstance ; il n'était pas un patriote de hasard. « La nation française, écrivait-il, ce n'est pas un clan, ce n'est pas une race, ce n'est pas une tribu... La nation, c'est ce par quoi on accède à cette dignité suprême des hommes libres qu'on appelle la citoyenneté. » L'idéal du citoyen souverain, conscient de son rôle et responsable de son vote, est à la source de sa haute conception de la République et de la démocratie.
C'est pour défendre cet idéal qu'il mena sa charge contre le traité de Maastricht. Seul ou presque contre tous, Philippe Séguin décida de dire « non ». Non au conformisme de la pensée unique. Non à la mécanique technocratique. Non à la domination d'une banque indépendante des pouvoirs. Non à la petite Europe. Non à la standardisation des souverainetés nationales.
Il y a, dans cette révolte solitaire, une part du caractère français et du tempérament gaullien. « Nous voulons l'Europe, mais debout ! », disait-il.
Il voyait les choses en grand, non pour assouvir un nationalisme étroit, mais parce qu'il voulait une autre Europe. Que l'on fût d'accord ou non avec son combat, personne ne resta indifférent au dynamisme de ses arguments lors du référendum de 1992. Avec le temps, plusieurs de ses intuitions se révèlent justes, et, si je milite, avec vous, pour une Europe politique, c'est parce que j'ai la conviction que l'aventure européenne n'a de sens que si ses responsables sont aux commandes.
La nécessité du politique, je la retrouve aussi dans son analyse de la mondialisation, analyse à bien des égards prémonitoire. Avant beaucoup d'autres, il dressa un réquisitoire lucide sur ses dérives. Il le fit sans démagogie, parce que la mondialisation est, pensait-il, un fait qui nous impose d'adapter notre modèle économique et notre pacte social, mais son réquisitoire fut sans concession, parce qu'il n'acceptait pas l'idée que la mondialisation nous prive de notre capacité d'agir.
Le pouvoir d'agir, là était l'obsession de Philippe Séguin, qui ne fut pas seulement un homme de pensée. On le présente parfois comme un nostalgique de nos grandeurs anciennes, un défenseur poignant d'une France qui aurait donné son congé au monde.
Toute l'action de Philippe Séguin s'inscrit en faux contre ces clichés. Partout où il fut en responsabilité, il entreprit, transforma, réforma.
À Épinal, il fut un maire exceptionnel qui redessina le visage de sa ville.
Ministre des affaires sociales et de l'emploi, il noua des relations confiantes avec les partenaires sociaux et n'hésita pas à mettre un terme à l'autorisation administrative de licenciement. Soucieux de dire et d'agir pour la vérité, il engagea une politique résolue de maîtrise des comptes sociaux.
Président de votre assemblée, il n'eut de cesse de revaloriser ses droits et d'actualiser son règlement. Il restera comme l'un de vos présidents parmi les plus brillants et les plus respectés.
Premier président de la Cour des comptes, il donna à l'institution de la rue Cambon une vigueur inégalée. Il la modernisa, lui garantit son indépendance et lui offrit en partage son autorité et son charisme.
Cette foi en la politique, ce refus du fatalisme qui est l'antichambre du déclin, cette conception du progrès humain qui ne se perd pas dans la course au profit, cette synthèse entre l'efficacité économique et la justice sociale, tous ces principes qui étaient chers à Philippe Séguin, retrouvent leur actualité et fondent son héritage.
Je ne sais pas si, un jour, Philippe Séguin eut véritablement le souhait d'exercer le pouvoir exécutif, mais il ne fit rien pour l'obtenir par des compromis. Dès lors, il fera davantage campagne pour les autres que pour lui-même. Et il les mena d'ailleurs souvent au succès.
Son problème ne fut jamais les Français, mais les partis, les coteries, les arrangements, et, lorsque je parle d'arrangements, j'évoque ces pactes intimes que l'on noue avec sa conscience et ses propres tourments.
Avec ceux qui, comme moi, ont regretté de n'avoir pas vu Philippe Séguin assumer de plus hautes fonctions encore, me reviennent les mots de Camus : « Le héros est celui qui fait non ce qu'il veut, mais ce qu'il peut. » Lui, l'enfant de Tunis, le pupille de la Nation, lui qui gravit tous les échelons de la République, fut le héros d'une vie qui ne lui promettait rien mais qu'il dressa de toutes ses forces vers ses rêves.
Que reste-t-il du séguinisme, s'interrogent certains observateurs ? S'il est une question qui doit faire sourire Philippe, c'est bien celle-ci ! Lui qui prit le malin plaisir de décourager ceux qui voulaient enfermer sa liberté dans un courant où ses pensées seraient froidement administrées. Lui qui se défiait des idéologies et des maîtres à penser qui ignorent le poids des circonstances de l'histoire.
Il n'y a pas de séguinisme de parti, il y a Philippe Séguin ! Philippe Séguin incarnant l'idéal républicain et la gloire du politique. Philippe Séguin dont la trajectoire lumineuse peut inspirer chacun d'entre nous. Philippe Séguin, solitaire et pourtant populaire, comme le furent Gambetta, Clemenceau, et tous les lions de la République.
Si le séguinisme existe, il faut en chercher l'essence au sein du peuple français lui-même, ce peuple épris de liberté, de fierté, de grandeur, à qui il donna sa voix, ce peuple, qui, de Valmy au Vercors, trouva toujours la force de se soulever pour la justice et pour son honneur.
« Puisque tout recommence toujours, écrivait le général de Gaulle, ce que j'ai fait sera, tôt ou tard, une source d'ardeur nouvelle, après que j'aurai disparu. »
Philippe Séguin fut un rugissement, un jaillissement du gaullisme. Et le gaullisme est éternel autant que l'est l'esprit de révolte. Le gaullisme, c'est la flamme qui éclaire les peuples que l'on méprise et que l'on bâillonne. C'est la flamme de la liberté. C'est celle de l'indépendance nationale. Cette flamme, qui inspirait Philippe Séguin, ne s'éteindra jamais.
La France qu'il aimait nous oblige. Elle nous oblige au courage de l'action. Elle nous oblige au rassemblement national lorsque l'essentiel est en jeu. Elle nous oblige au goût de la vérité plutôt qu'à celui des illusions, au choix de la droiture plutôt qu'à celui de l'esquive.
Mesdames et messieurs les députés, Philippe Séguin se voulut acteur d'une épopée, mais il dut, comme chacun d'entre nous, se résoudre à agir avec son époque.
Il y avait en lui une part de Cyrano de Bergerac. Empruntant sa tirade ultime, je vois Philippe se disputer avec ses vieux ennemis, le mensonge, les compromis, les préjugés, les lâchetés : « Je sais bien qu'à la fin, dit Cyrano, vous me mettrez à bas. N'importe : je me bats ! […] Il y a quelque chose que sans un pli, sans une tache, j'emporte malgré vous, et c'est... mon panache. »
Hier, la cérémonie aux Invalides est venue clore une vie, en la ressuscitant parmi les grandes figures de notre histoire.
Philippe Séguin nous a quittés, mais son souvenir ne nous quittera jamais.
J'adresse à Béatrice son épouse, à sa famille, un témoignage d'affection, et je veux dire à ses enfants, Catherine, Anne-Laure, Pierre et Patrick, qu'ils peuvent être fiers de porter son nom.
(Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
Madame, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent), c'est avec infiniment de tristesse et d'émotion que nous avons appris la mort, le 3 novembre dernier, de notre collègue et ami Jean-Paul Charié.
Pour la République, Jean-Paul Charié était un serviteur passionné. Pour le Parlement, un député exemplaire. Pour ceux qui l'ont connu, il restera un homme de coeur, aimé et respecté. À tous, il manquera, et manque déjà, à la mesure de son remarquable engagement public, profondément humain.
Ce sens de l'engagement, Jean-Paul Charié le cultive dès son plus jeune âge aux côtés de son père, Pierre Charié, figure de la Résistance et député du Loiret de 1958 à 1973. À cette école de la République, il découvre et embrasse des convictions gaullistes qui le guideront toute sa vie au service de la France et de l'intérêt général.
Pour Jean-Paul Charié, la valeur n'attend pas le nombre des années : né en 1952 à Égry, il est chef d'entreprise à vingt-quatre ans à peine, prenant la tête du Courrier du Loiret. C'est à vingt-neuf ans, en 1981, qu'il est élu député du Loiret : il devient, avec François Fillon, le benjamin de l'Assemblée nationale. Tous deux, à ce titre, entourent le doyen d'âge, Marcel Dassault, lors de la cérémonie d'ouverture de la septième législature de la Ve République.
Jean-Paul Charié ne quittera plus les bancs du Palais Bourbon : le talent et la passion qui l'animent lui vaudront d'être réélu sans discontinuité pendant vingt-huit ans. Cette confiance renouvelée à chaque élection n'est au fond guère surprenante, tant Jean-Paul Charié était investi dans son mandat, un mandat unique auquel il consacrait toute son énergie.
À l'Assemblée, il gagne rapidement l'estime de tous, bien au-delà de sa famille politique, par son assiduité, son sérieux, son exigence. Dès son entrée au Parlement, il se consacre aux questions liées au commerce et à la distribution, privilégiant toujours des méthodes d'écoute et de concertation. Très vite, il devient, en ces domaines essentiels au plan sociologique, politique et économique, la référence parlementaire incontestée.
Pendant vingt-huit ans, Jean-Paul Charié restera l'un des piliers de la commission de la production et des échanges, rebaptisée commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, dont il assure le secrétariat à partir de 2008. C'est là, en particulier, qu'il défend sans relâche le petit commerce, l'artisanat et les petites et moyennes entreprises, convaincu que les valeurs de travail et de proximité sont le ciment de tout projet de société.
C'est dans cet esprit qu'il préside, en 1999, la mission d'information sur l'évolution de la distribution, puis, de 2002 à 2007, le groupe d'études parlementaire sur les petites et moyennes entreprises.
Soutenant une économie loyale, à taille humaine, il préside ensuite le groupe d'études sur l'artisanat et les métiers d'art, ainsi que la commission d'examen des pratiques commerciales.
C'est tout naturellement qu'il est nommé, en 2008, rapporteur d'un des textes phares de notre législature : la loi de modernisation de l'économie. C'est en son nom, et en hommage à sa contribution décisive, que la commission des affaires économiques et son président, Patrick Ollier, mèneront à son terme le rapport de contrôle d'application de cette loi, dont les conclusions devraient être rendues très prochainement.
Chargé, l'an dernier, par le Premier ministre d'une mission sur l'urbanisme commercial, Jean-Paul Charié remet un rapport dont le titre seul pourrait résumer ses préoccupations : « Avec le commerce, mieux vivre ensemble ».
C'est du Loiret, auquel il était si profondément attaché, que lui vient cette conviction. Pour les électeurs de sa circonscription de Pithiviers, il est d'abord le défenseur des « petits ». Chaleureux, généreux, direct, il s'implique sans réserve à leurs côtés. Son soutien n'a jamais manqué aux commerçants ou aux agriculteurs. Il n'a jamais manqué à quiconque pouvait être en difficulté : face à la montée du chômage, par exemple, il n'hésite pas à créer une association d'aide au retour à l'emploi. C'est à l'aune de son écoute et de sa disponibilité que tous regrettent aujourd'hui l'enfant du pays.
Gaulliste convaincu, Jean-Paul Charié ne transigeait pas sur les valeurs républicaines, au premier rang desquelles l'équité, la justice, la dignité. Ce sont elles qui donnaient le ton de toutes ses interventions. « Ma finalité, disait-il, c'est de servir une société de progrès pour l'homme. » Car c'est bien de l'homme que nous parlons, de l'homme qu'il plaçait toujours au centre de son action, mais surtout de l'homme qu'il était : un homme droit et courageux jusque dans son dernier combat contre la maladie, et qui, jusqu'au bout, a rempli son mandat. Un homme de convictions qui savait fédérer et inspirer ceux qui l'écoutaient, par sa voix et ses talents d'orateur inoubliables ; un homme aussi d'une grande gaîté qui avait toujours un sourire, une attention pour chacun : « Le sens de la vie se trouve seulement dans l'ordre du coeur », disait-il.
Pour le général de Gaulle, « la mort n'a d'importance que par ce qu'elle nous fait penser de la vie ». La vie de Jean-Paul Charié, c'est cette grande leçon de coeur, d'engagement, de détermination et de courage, jusqu'aux derniers instants. Nous ne l'oublierons pas.
À vous, madame, à ses enfants Anne-Carole et Romain, à toute sa famille, à ses amis, à ses compagnons et amis du groupe parlementaire majoritaire, j'adresse, au nom de tous les députés de l'Assemblée nationale et en mon nom personnel, mes condoléances attristées.
La parole est à M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, chère madame, de nouveaux défis se présentent, une nouvelle année de travaux législatifs s'annonce, et un ami manque à l'Assemblée pour les aborder.
Jean-Paul Charié, député de la cinquième circonscription du Loiret, nous a quittés le 3 novembre dernier. Sa mort a provoqué la plus vive émotion chez tous ceux qui, comme nous, ont eu le bonheur de faire une partie du chemin de vie avec lui, que ce soit sur les bancs de l'Assemblée nationale ou dans son cher département du Loiret.
Le jour de ses funérailles, à l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire où nous étions un certain nombre à partager l'émotion d'une foule immense, j'entendais Éric Doligé, président du conseil général du Loiret, rendre hommage à « un homme au caractère entier, doublé d'un grand coeur ». Éric Doligé évoquait toutes les occasions dans lesquelles l'élu enraciné révèle son véritable tempérament : les cérémonies de toute nature – très nombreuses –, les réunions publiques, les séances de travail, la tenue des permanences.
Certains se prêtent aux manifestations de la vie locale par devoir ou par habitude, mais cela se sent et cela se voit. Jean-Paul Charié y mettait d'autant plus d'énergie et de naturel que son propre vécu l'associait à chaque projet du Gâtinais. Sa personnalité séduisait et rassemblait. Son rayonnement fixait pour beaucoup la poésie du quotidien. Son engagement politique a marqué d'une manière mémorable la vie parlementaire de notre pays ces trois dernières décennies. J'en veux pour preuve que, mieux que d'autres, il savait de quelle histoire les chantiers du département du Loiret procédaient ; il les avait lui-même désirés et portés parfois depuis trente années.
Ainsi, quand un musée de la Résistance et de la Déportation s'ouvrait à Lorris, il y déposait, comme un tribut de fidélité, quelques souvenirs ayant appartenu à son père. Par ailleurs, quand le chantier de l'autoroute A 19 s'achevait à Fontenay-sur-Loing, en juin dernier, il surmontait encore sa fatigue pour conclure par un discours retentissant, dont nous avons gardé le souvenir, plusieurs décennies d'études et de négociations. De même, de 1975 à 2003, cet excellent orateur avait placé le Courrier du Loiret qu'il dirigeait au service de l'animation et du débat local.
Jean-Paul Charié est né à Égry, petite commune rurale du canton de Beaune-la-Rolande, au sein d'une famille qui a su lui transmettre les valeurs de la République et de la démocratie : il y apprit le sens de l'engagement et du labeur.
C'est avec fierté et admiration qu'il portait son regard sur son père – le commandant Pierre Charié –, figure emblématique de la Résistance dans le Loiret, chef de réseau pendant cette période douloureuse.
L'engagement politique de son père, élu député du Loiret en 1958, alors que Jean-Paul était bien jeune encore, a très certainement marqué son enfance, bercée par les réunions publiques, les inaugurations, les contraintes et le travail d'un député. Il hérita de son père, qui siégea sur ces bancs jusqu'en 1973, le formidable sens de la proximité, qu'il a su développer avec ses administrés du Loiret, ainsi que ses qualités humaines si nombreuses et généreuses qui le rendaient tellement précieux à leurs yeux.
À pareille école, l'inclination de Jean-Paul Charié pour l'intérêt général et la chose publique ne pouvait que se développer. La personnalité du général de Gaulle et les valeurs attachées au gaullisme achevèrent d'ailleurs de forger ses convictions. Répondant à l'appel des habitants de la cinquième circonscription du Loiret, il décida de se présenter aux élections législatives de 1981, prenant le parti de continuer à cultiver le sillon creusé par son père. Brillamment élu à l'âge de vingt-neuf ans, il siégea pendant vingt-huit années au Palais Bourbon, empli du respect que lui a toujours inspiré cette institution, et animé d'un sens du devoir sans égal, dont il ne se départit jamais.
Nous n'avons, à l'évidence, pas tous suivi Jean-Paul Charié dans les rues de Fleury ou de Pithiviers, saluant, écoutant, encourageant, défendant ses convictions auprès de chacun, mais tous, au sein de l'Assemblée nationale, vous avez reconnu sa compétence, son autorité et sa gentillesse. Dès son premier mandat, il avait manifesté une connaissance exacte des problématiques de l'artisanat, du commerce et des petites et moyennes entreprises.
Six fois réélu, toujours fidèle à ce mandat de député dans lequel il s'investissait sans compter, il avait élevé cette connaissance au niveau d'une véritable expertise. Auteur de rapports majeurs sur la loyauté des pratiques commerciales, Jean-Paul Charié était devenu, au gré des missions que la représentation nationale avait su lui confier, le spécialiste de questions aussi actuelles que la compétitivité numérique des entreprises, l'urbanisme commercial, le développement des foires et salons français, la refonte des rapports entre fournisseurs et distributeurs.
Rapporteur de la loi de modernisation de l'économie, il avait occupé dans ce cadre la présidence de la commission d'examen des pratiques commerciales dont il avait inspiré la création. Vingt ans durant, les majorités successives, ici même, ont salué son pragmatisme et son sens du bien commun en le choisissant comme rapporteur spécial du budget des PME.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, au plus dur de ses dernières épreuves, Jean-Paul Charié travaillait encore à réformer le code de l'urbanisme commercial pour rendre l'initiative aux élus et pour restaurer la diversité commerciale au coeur de nos villes. Durant l'automne dernier, il réunissait encore fournisseurs, distributeurs, partenaires institutionnels, autour d'un pacte de bonnes relations dont il achevait la synthèse.
Au coeur de la crise économique et financière, il luttait toujours pour défendre la libre concurrence et ses vertus, mais aussi pour rapprocher intelligemment les entreprises du monde politique par le décloisonnement de leurs cultures.
Ces combats ne disparaissent pas avec lui. Je sais que l'Assemblée nationale aura à coeur de les poursuivre.
Lors de la cérémonie de ses funérailles, je rappelais les mots du général de Gaulle que Jean-Paul Charié affectionnait tant. Il disait en substance que le destin de la France évoquait en lui l'héritage du passé, les obligations du présent et l'espoir de l'avenir. Aujourd'hui, de nouveau, je tiens à rappeler au nom du Gouvernement que l'héritage du passé, Jean-Paul Charié a su l'assimiler et le faire fructifier en honorant de son engagement la représentation nationale ; qu'aux obligations du présent, Jean-Paul Charié ne s'est jamais soustrait, mais qu'il y a toujours fait face avec lucidité, courage et sens du devoir ; que l'espoir de l'avenir, enfin, s'est lu dans chacun des combats politiques qu'il a menés et qui nous inspireront. Puissions-nous, chacun à notre manière, les poursuivre sans relâche.
À vous, madame, à vos enfants, à votre famille, je veux redire au nom du Gouvernement la part que nous prenons à la peine légitime que vous éprouvez. Je veux aussi exprimer au groupe auquel il appartenait, à la commission dans laquelle il siégeait, tous les sentiments que les membres du Gouvernement ressentent en cet instant.
Au nom du Gouvernement de la République française, je veux, simplement, mais solennellement, rendre à Jean-Paul Charié l'hommage de la France reconnaissante.
(Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures vingt.)
J'ai reçu de M. le Premier ministre des lettres m'informant de ses décisions de charger deux députés de missions temporaires :M. Étienne Blanc, député de l'Ain, auprès de M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, etM. Yves Fromion, député du Cher, auprès de M. le ministre de la défense.
La conférence des présidents propose de modifier comme suit l'ordre du jour de l'Assemblée :
Le mardi 19 janvier, après les questions au Gouvernement et le soir, projet sur le renouvellement des conseils généraux et régionaux.
Le mercredi 20 janvier, après les questions au Gouvernement et le soir, proposition sur la parité dans les conseils d'administration ; proposition sur la vente à distance.
Le vendredi 22 et le lundi 25 janvier, suite du projet sur le renouvellement des conseils généraux et régionaux.
Il n'y a pas d'opposition ?
Il en est ainsi décidé.
L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales.
La parole est à M. Jean Proriol, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre chargé de l'industrie, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, nous sommes réunis pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire qui s'est tenue au Sénat le 22 décembre dernier sur le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales. Cet examen intervient à l'issue d'un long processus législatif qui a permis d'enrichir substantiellement le texte déposé par le Gouvernement sur le bureau du Sénat le 29 juillet 2009, et adopté par la Haute Assemblée le 9 novembre.
Le texte transmis à l'Assemblée nationale était satisfaisant. Sur les points les plus fondamentaux – les articles 1er et 2 –, le Gouvernement et le Sénat avaient en effet apporté les garanties nécessaires. Ainsi, en matière de composition du capital, l'actionnariat avait été rigoureusement circonscrit à l'État, au personnel de La Poste et aux personnes morales de droit public, afin de s'assurer que La Poste resterait une entreprise 100 % publique contrôlée par l'État, actionnaire majoritaire. Le caractère « imprivatisable » de cette entreprise – M. le ministre a montré qu'il avait à coeur ce néologisme et la réalité qu'il recouvre – était par ailleurs garanti par sa qualification de service public national.
En outre, l'étendue et le financement de la mission d'aménagement du territoire de La Poste, à laquelle nous sommes autant attachés que les sénateurs, avaient déjà été gravés dans le marbre de loi grâce à la sanctuarisation des 17 000 points de contact existants et à l'institution d'un mécanisme de compensation financière ajustable au coût net du maillage territorial de La Poste.
Satisfaite des garanties apportées, l'Assemblée nationale a travaillé pour l'essentiel dans deux directions nouvelles.
Il s'est d'abord agi de mettre l'accent sur les services offerts aux citoyens et usagers. Cet aspect avait quelque peu été laissé de côté par le texte initial. Notre poste est souvent excellente, et elle m'inspire, à moi comme à la majorité de nos concitoyens, une grande fierté. Quoi qu'en disent ses opposants, l'esprit de ce texte était d'ailleurs de donner à La Poste les moyens nécessaires pour que nous continuions à être fiers d'elle. Cela étant, le service public postal doit être adapté aux modes de vie des usagers – je pense aux horaires d'ouverture –, aux nouvelles exigences de rapidité – il s'agit de réduire le temps d'attente aux guichets – ou aux risques suscités par les services offerts par la Banque Postale – ce qui renvoie à la prévention du surendettement. Sur tous ces sujets, l'Assemblée nationale a adopté des dispositions importantes.
D'autre part, la régulation du secteur a elle aussi fait l'objet de modifications notables. Les pouvoirs de l'ARCEP ont été limités à ce qui est strictement nécessaire : mesure de la qualité des prestations de La Poste uniquement dans le champ du service universel ; limitation de l'obligation de transmettre à l'ARCEP la comptabilité analytique de La Poste aux seules activités de service universel. À l'inverse, à l'initiative de l'opposition, les pouvoirs du ministre en matière de contrôle d'opérations immobilières ont été étendus aux filiales de La Poste, actuellement détentrices de l'essentiel du patrimoine. Enfin, pour des raisons de calendrier, la transformation de La Poste en société anonyme a été repoussée au 1er mars 2010.
Toutes ces modifications ont été validées par la commission mixte paritaire, ce dont on ne peut que se féliciter.
Avant de présenter plus en détail les conclusions de la commission mixte paritaire, il faut rappeler que l'opposition de principe de la gauche et de la plupart des syndicats de salariés a donné au débat une tournure un peu singulière. Je respecte toutes les convictions qui ont été exprimées au sujet de ce projet de loi, mais je ne peux m'empêcher de regretter que la discussion ait reposé pour l'essentiel sur un procès d'intention (Protestations sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC), reconnu comme tel, à plusieurs reprises, par ses auteurs. (Mêmes mouvements.)
Je le répète : la discussion a reposé pour l'essentiel sur le procès d'intention fait au Gouvernement et aux partisans du texte, procédé avoué, à plusieurs reprises, par ses auteurs !
Comment peuvent-ils prétendre que nous voulons démanteler le service public postal (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC), alors que, dans notre esprit, mais aussi dans la réalité, c'est tout le contraire ?
Permettez-moi de vous rappeler, mes chers collègues, ce qui constitue un gage d'optimisme : sur les vingt et une postes nationales transformées en entreprises de droit privé dans l'Union européenne, quinze sont à 100 % publiques, trois ont ouvert leur capital à des fonds privés minoritaires et seulement trois autres ont été privatisées. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
La commission mixte paritaire a permis de réaliser un vrai travail : au cours de près de deux heures trente de débats parfois vifs, dix-huit amendements ont été adoptés, certes techniques pour la plupart, mais tous avec l'accord des deux rapporteurs. Je tiens à souligner que l'esprit qui a régné a été très constructif, contrairement à celui dans lequel s'est déroulée la séance publique. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
J'en veux pour preuve que les arguments présentés par l'opposition ont conduit les rapporteurs à retirer leur amendement visant à supprimer la compétence des commissions techniques paritaires en matière de conditions de travail – La Poste relevant désormais des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail – et à rectifier leur amendement tendant à simplifier la rédaction des objectifs de lutte contre le surendettement susceptible d'être provoqué par les conditions d'octroi de prêt à la Banque Postale.
Deux modifications apportées en CMP reviennent de façon justifiée sur les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale. Ainsi, à l'article 2 ter, l'ARCEP a reçu le pouvoir d'obtenir de La Poste les éléments dont elle a besoin pour évaluer le coût de son maillage territorial obligatoire. Le projet de loi lui confiait déjà le soin de mener à bien cette mission d'évaluation, mais sans plus de précision. Il est donc logique que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes obtienne de La Poste les moyens d'y parvenir.
En outre, à l'article 14, la CMP a choisi la périodicité triennale plutôt que biennale pour le rapport d'exécution des missions de service public de La Poste. Le rythme de remise du rapport sera donc aligné sur la durée du contrat de présence postale territoriale, ce qui constitue un élément de simplification.
Enfin, le Sénat avait modifié l'article 16 en prévoyant que le fonds de compensation du service universel assurerait la compensation des coûts découlant de l'ensemble des prestations dudit service et non des seuls envois de correspondance. L'Assemblée nationale avait accompagné cette évolution en assurant la coordination d'autres dispositions. Mais, pour que la cohérence soit complète, il convenait d'asseoir sur l'ensemble des prestations du service universel et non sur les seuls envois de correspondance les contributions dues par les opérateurs autorisés : c'est ce qui a été fait en commission mixte paritaire.
À tous égards, le texte nous paraît aujourd'hui satisfaisant. La commission mixte paritaire vous propose en conséquence d'adopter le projet de loi dans la rédaction qu'elle a retenue le 22 décembre, rédaction qui a été adoptée par le Sénat le jour suivant. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président de l'Assemblée nationale, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je me présente aujourd'hui devant vous avec le texte issu du débat en commission mixte paritaire.
Ce texte a d'ores et déjà été adopté par le Sénat le 23 décembre dernier. Son adoption par votre assemblée sera donc, sans nul doute, le point final de ce projet de modernisation et d'avenir pour La Poste.
Il ne sera pas le point final, mais le début d'un processus que nous refusons !
Comme l'a déjà indiqué votre rapporteur, le texte issu de la CMP est proche – voire quasiment identique – de celui adopté par votre assemblée, le 18 décembre dernier.
En effet, les principales évolutions introduites en CMP portent sur les points suivants : éviter que La Poste n'ait à réaliser un nouvel arrêté comptable en raison de son changement de statut le 1er mars, en cours d'année civile ; préciser que le décret définissant la méthode d'évaluation du coût de la mission d'aménagement du territoire devra être pris avant le 31 mars 2010, afin que l'ARCEP dispose rapidement d'une visibilité complète ; prévoir que l'ARCEP puisse demander à La Poste toute information nécessaire à une évaluation correcte de ce coût de la mission d'aménagement du territoire.
Les modifications apportées en CMP sont donc marginales, et elles témoignent d'une réelle convergence de vue des deux assemblées. Tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, des majorités unies et soudées ont montré qu'elles étaient convaincues du bien-fondé et de l'intérêt de ce projet de réforme et d'avenir pour La Poste.
Quel est ce projet ?
Certains l'ont abusivement présenté comme un texte purement idéologique, destiné à changer le statut de La Poste sans lui donner aucun projet d'avenir. Or, les postiers comme les Français ont compris que nous avions un réel projet d'avenir pour La Poste, consistant à lui donner les moyens financiers – 2,7 milliards d'euros, ce n'est pas rien ! – d'affronter les défis à venir.
En effet, la Poste a besoin d'argent frais pour faire face à l'ouverture à la concurrence qui aura lieu dans moins d'un an. La Poste a besoin d'argent frais pour faire face à la diminution drastique des volumes de courrier et pour réinventer son modèle économique dans ce nouvel environnement. La Poste doit pouvoir moderniser et développer toutes ses activités.
À tous ceux qui, sur ces bancs, nourriraient encore quelques doutes…
…je poserai quelques questions. Dans le domaine du courrier, ne devons-nous pas lui donner les moyens d'affronter la concurrence du courrier électronique et de faire face à la révolution du numérique ?
Dans le secteur des colis, ne devons-nous pas lui permettre de devenir un grand opérateur européen et une grande entreprise de logistique ?
Quant à la Banque Postale, ne doit-elle pas pouvoir proposer les mêmes produits que les autres banques, tout en conservant sa mission vis-à-vis des plus modestes, notamment par le biais du livret A ?
N'est-il pas nécessaire de rénover de manière systématique et régulière l'ensemble des bureaux de poste, ou de les mettre aux meilleures normes de sécurité, sachant que certains ont fait l'objet d'attaques violentes au cours des dernières semaines, notamment en Île-de-France ? À cet égard, permettez-moi d'avoir, en cet instant, une pensée pour tous nos postiers qui ont été durement touchés dans leur intégrité morale ou physique.
Je répète : n'est-il pas nécessaire de donner à La Poste les moyens qui lui permettront de réagir et de se moderniser dans tous ces domaines ? La Poste a donc besoin d'argent frais pour relever tous ces défis. S'opposer à ce projet, c'est s'opposer à la modernisation de La Poste ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Le projet du Gouvernement vise bien à apporter ces moyens financiers à La Poste, tout en préservant son identité et surtout, je le répète ici, son caractère 100 % public, son capital étant uniquement détenu par l'État et la Caisse des dépôts et consignations.
La Poste conservera son caractère « imprivatisable »– c'est un néologisme que je répète à dessein – puisqu'elle sera qualifiée dans la loi de « service public à caractère national ». (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Ce sera écrit noir sur blanc. Il ne sera plus possible de la privatiser, à moins de lui retirer ses particularités de service public à caractère national, c'est-à-dire ses quatre missions de service public.
Sincèrement…
…je ne vois pas comment ce serait possible. Comment une majorité qui a décidé d'inscrire noir sur blanc dans la loi ces quatre missions de service public, ainsi que la qualité de « service public à caractère national » de La Poste – ce qui, conformément au préambule de la Constitution de 1946, empêche sa privatisation –, comment une majorité qui, pour la première fois depuis les lois présentées par le général de Gaulle à la Libération, propose une telle rédaction dans un texte de loi, comment une telle majorité pourrait-elle remettre en causece qu'elle soumet aujourd'hui au vote du Parlement ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Seule une autre majorité pourrait remettre en cause le caractère « imprivatisable » de La Poste. Puisque la droite de l'hémicycle n'en a pas l'intention, cela ne pourrait venir que de l'autre côté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
S'agissant de sa mission d'aménagement du territoire, le texte garantit le maintien des 17 000 points de contact, ce qui n'avait jamais été inscrit dans aucune loi. Nous l'avons fait ; vous l'avez fait, mesdames et messieurs les parlementaires.
En matière de droits et statuts des agents, salariés comme fonctionnaires, le texte garantit les régimes de retraite et prévoit la création d'une complémentaire.
Mesdames et messieurs les députés, vous qui avez soutenu ce texte de loi (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR)…
….je voudrais que vous soyez fiers d'avoir répondu à l'attente de tous les agents de La Poste, alors que l'opposition tente de nous empêcher de le faire.
Les salariés et fonctionnaires réclamaient des engagements fermes au sujet de leur caisse de retraire et de leur mutuelle de santé. Ils voulaient aussi avoir la possibilité de devenir actionnaires de leur propre entreprise, après le changement de statut. Face à ces avancées sociales considérables, il y a encore des voix qui s'élèvent pour s'opposer à ce que nous répondions à l'attente des postiers, des salariés et des fonctionnaires de La Poste. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
À cet égard, je note que certains syndicats ont même écrit officiellement au parti socialiste pour lui demander, au cas où le Conseil constitutionnel serait saisi, de ne pas déférer les dispositions concernant la complémentaire santé, qu'ils considèrent comme une véritable avancée.
Je tiens à votre disposition le double du courrier que la CFDT a adressé au parti socialiste. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Voilà la réalité ! C'est tout cela, le projet du Gouvernement. C'est pour cette raison qu'il est soutenu si largement dans notre pays…
…tant par les Français que par les syndicats qui représentent les postiers, salariés et fonctionnaires.
Mais le projet de loi n'est pas la fin d'un processus. Au contraire, il faudra continuer les efforts par la suite.
C'est ce que j'ai eu l'occasion de dire lors de la cérémonie des voeux de La Poste, le jeudi 7 janvier dernier. Dans l'immense hall du siège social de La Poste étaient rassemblés les représentants de tous les départements de France, de tous les postiers qui travaillent sur le terrain au quotidien et qui, d'une certaine manière, ont signifié très clairement leur adhésion à la réforme proposée par le Gouvernement. Il est étonnant d'entrer dans cet hémicycle et de constater que, sur les bancs de l'opposition, les représentants du parti socialiste et du parti communiste s'opposent à la volonté que les agents de La Poste eux-mêmes ont clairement affichée, à l'occasion des voeux du 7 janvier dernier,…
…eux qui espèrent que leur entreprise pourra désormais relever de grands défis.
J'ai profité de l'occasion pour redire au président de La Poste et aux principaux cadres du groupe que les 2,7 milliards d'euros ne sont pas un chèque en blanc, mais doivent servir à améliorer la qualité du service rendu.
Avec votre rapporteur Jean Proriol et le président de la commission des affaires économiques Patrick Ollier, vous avez apporté au texte des améliorations significatives : une expérimentation sur 1'ouverture, dans les communes de 50 000 habitants, d'un bureau de poste jusqu'à vingt et une heures, une fois par semaine ; une expérimentation sur l'accès à internet dans les bureaux de poste.
Mais au-delà de ces dispositions introduites dans la loi, un travail de tous les jours devra être réalisé pour améliorer la qualité du service public. C'est ce que j'ai demandé au président de La Poste.
Mesdames et messieurs les députés, avant de conclure, je voudrais poser une question très claire : connaissez-vous un seul autre pays au monde où un gouvernement aurait l'intention de privatiser l'une de ses administrations, l'un de ses grands services publics, l'une de ses institutions, tout en lui permettant de bénéficier de 2,7 milliards d'euros d'argent public ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) En général, quand on a l'intention de privatiser une institution, on fait appel à des participations privées et pas à de l'argent public. Telle est la réalité : l'opposition est en contradiction totale avec la volonté affichée par le Gouvernement.
Je le dis très clairement, avec mes convictions,…
… moi qui, comme beaucoup d'entre vous, suis un élu local enraciné dans ma terre, entre mer et montagne, dans des territoires ruraux comme dans des quartiers en difficulté… (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
…en vingt-cinq ans de vie publique, j'ai pu mesurer le rôle que pouvait jouer La Poste comme grand service public moderne et de proximité auprès des Françaises et des Français.
Jamais je n'aurais accepté de défendre un texte comme celui-ci si j'avais eu l'intime conviction qu'il pourrait porter un tant soit peu atteinte à la qualité du service public de La Poste. Au contraire, nous sommes en train de permettre à La Poste de devenir une grande entreprise de logistique, de distribution, de courrier électronique, et dont la modernité lui permettra d'affronter l'ouverture à la concurrence, le 1er janvier 2011.
Voilà pourquoi je suis fier de me présenter aujourd'hui devant vous pour ce dernier examen du projet de loi relatif à La Poste. Je suis fier d'avoir réussi à convaincre cette majorité que je veux remercier…
…parce qu'elle ne nous a jamais fait défaut au cours de ce débat, qu'elle est restée unie et soudée pour répondre à l'attente des postiers et des Français. Je suis fier que ce projet de loi puisse bientôt être adopté par votre assemblée. Vous pouvez compter sur moi pour veiller à la mise en oeuvre de cette réforme, et à ce que La Poste utilise au mieux, et au bénéfice de tous, l'argent public qui lui sera alloué. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement. (« Et la motion référendaire ? » sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Daniel Paul, pour une durée ne pouvant excéder quinze minutes. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Soyez bon, monsieur Paul : c'est la première séance de l'année !
Vous, de toute façon, vous n'avez pas le droit à la parole : on vous traite comme des dauphins dans le bassin d'Antibes ! On vous jette des harengs !
Une demande de motion référendaire a été déposée ; mais il faut en pointer les signataires : c'est une vérification administrative. (« Non ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur Paul, vous avez la parole. (Nouvelles protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Y renoncez-vous ?
Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement !
Monsieur le président, vous savez fort bien que la motion référendaire est prioritaire dans l'ordre du jour ; celle-ci ayant été déposée, aucune raison technique ou administrative ne peut s'y opposer.
Il reste donc à faire l'appel pour vérifier que les signataires sont présents. Il ne s'agit que de respecter le règlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président Ayrault, les services de l'Assemblée ont effectivement reçu votre demande de motion référendaire. (« Alors ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Il faut donc vérifier le nombre de signataires. (« Non ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Nous procéderons ensuite à la vérification nominale.
Rappel au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)
Monsieur Gremetz, je vous en prie ; ce n'est pas vous qui présidez la séance, et vous la perturbez assez souvent comme ça ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)
En application de l'article 122 du règlement, j'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et de cent deux de ses collègues – les noms étant manuscrits, il a fallu vérifier que certains d'entre eux n'étaient pas inscrits deux fois (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) –, une motion tendant à proposer de soumettre au référendum le projet en discussion. La liste des signataires sera publiée au Journal officiel à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.
Je vais donc procéder à l'appel nominal des signataires (« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR) dans l'ordre où ils figurent sur la liste qui nous a été remise. Je ferai également publier, mes chers collègues, la photographie du document : vous verrez que l'inscription manuscrite des noms rend ce pointage peu évident.
Je remercie les signataires de se manifester à l'appel de leur nom.
(Il est procédé à l'appel nominal des signataires de la motion.)
Acte est donné de la présence effective en séance des signataires de la motion.
La parole est à M. François Brottes, pour la présenter. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Aux journées parlementaires de l'UMP du 25 septembre dernier, cher Bernard Accoyer (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), vous vous étiez publiquement félicité, semble-t-il, que toutes les lois d'application qu'impliquait la révision constitutionnelle de juillet 2008 étaient votées ou en passe de l'être – toutes sauf une : le référendum d'initiative partagée manque à l'appel.
Ce référendum faisait plutôt consensus, pourtant, l'été dernier. Nous avions même proposé un amendement à l'article 11 de la Constitution ainsi formulé :
« Un référendum […] peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement soutenu par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales.
« La proposition des parlementaires est transmise au Conseil constitutionnel qui, après déclaration de conformité à la Constitution, organise la collecte des pétitions des électeurs et, après vérification de leur nombre et de leur validité, les transmet au Parlement. Si la proposition n'a pas été examinée par les deux assemblées parlementaires dans le délai d'un an, le Président de la République soumet la proposition au référendum. »
Notre amendement a été modifié par les soins de la majorité dans le but d'en affaiblir considérablement la portée. Désormais, l'article 11 de la Constitution prévoit qu'« un référendum […] peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an.
« Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l'alinéa précédent sont déterminées par une loi organique. »
Vous y avez donc ajouté deux verrous supplémentaires à cause desquels, force est de le constater, un an et demi après le vote de la réforme constitutionnelle, le référendum d'initiative partagée reste lettre morte faute de texte d'application.
En octobre dernier, le jour du vote de notre proposition de résolution estimant urgente la mise en oeuvre de l'article 11 de la Constitution sur l'extension du référendum, quatre représentants de la majorité étaient présents dans l'hémicycle ! Belle preuve de votre intérêt pour ce nouveau droit citoyen et parlementaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Depuis trop longtemps vous tentez de nous faire croire que vous aller rendre possible le référendum d'initiative partagée : ainsi, le 12 février 2009, Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement ; le 13 octobre 2009, M. de Raincourt, nouveau ministre chargé des relations avec le Parlement ; le 20 octobre, M. Goasguen, pour le groupe UMP ; le 4 novembre dernier, c'est au tour de M. Estrosi. Tout ce beau monde, pour lequel nous avons beaucoup de respect, nous a assuré, au long de l'année 2009, que le projet de loi organique rendant possible un référendum serait présenté par le Gouvernement avant 2010. Or, à la mi-janvier 2010, aucun texte n'a encore été déposé.
Résultat, dans le meilleur des cas, un référendum d'initiative partagée ne pourra être organisé qu'à la mi-2011 pour La Poste – autant dire : jamais !
Alors dites-nous pourquoi vous éprouvez de telles réticences à consulter le peuple.
Il est vrai que le succès de la consultation citoyenne du 2 octobre dernier a démontré, s'il en était besoin, l'attachement des Français à La Poste. Un collectif réunissant soixante-deux organisations, associations, partis de gauche, mais aussi des citoyens bénévoles par milliers, a permis d'organiser la votation dans toute la France. Plus de 4 000 communes se sont mobilisées, plus de 10 000 points de vote ont été mis sur pied. (Protestations prolongées sur les bancs du groupe UMP.)
Le résultat est sans appel : 2,3 millions de Français se sont exprimés, soit plus de 5 % du corps électoral français. Plus de 90 % des électeurs ont dit non au changement de statut. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Dans mon département de l'Isère, pas moins de 135 communes ont organisé la votation citoyenne, représentant 54 % de la population. Et 98,15 % des suffrages ont dit non. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Selon les services de la préfecture, 33 % des communes ayant préalablement et démocratiquement délibéré…
…afin d'organiser dans la transparence la votation citoyenne, ont été déférées devant le tribunal administratif ; un tiers de celles-ci ont préféré retirer leur délibération, un tiers des requêtes des préfets ont été rejetées par le juge, un tiers ont vu les délibérations suspendues par le juge. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Il n'y a pas qu'en Isère que les maires sont passés devant les tribunaux. Partout en France il en aura fallu du courage, aux maires, pour résister aux pressions des préfets, aux assignations devant les tribunaux – sur ordre du Gouvernement, je suppose, monsieur le ministre.
En Dordogne, la préfète avait préalablement pris soin d'envoyer une circulaire aux maires précisant par avance que la votation serait illégale.
Curieusement, les magistrats n'en ont pas jugé ainsi partout. Il n'y a pas de jurisprudence claire en la matière, et si les maires ont tenu bon, le fondement de la consultation locale et de la libre administration des communes, notamment celles devant gérer des agences postales communales, en a pris un sérieux coup, admettez-le.
Fin décembre encore, huit maires, dans le Gard, passaient devant le juge administratif. Lorsque ce ne sont pas les collectivités locales qui voient leurs finances asséchées, ce sont les élus qui sont la cible. Il y a comme un syndrome de « l'expédition punitive » contre ceux qui ne pensent pas comme le pouvoir en place ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
D'ailleurs, la terreur a porté un coup au moral des préfets eux-mêmes. Selon un article du Monde du 13 octobre, un préfet – qui a eu la sagesse de rester anonyme – a déclaré que « jamais la fonction n'a été autant politique », citant les recours prestement déposés par ses collègues contre la votation citoyenne sur l'avenir de La Poste.
La réaction de la majorité face à cette consultation et ce mouvement massif n'a été que mépris et dénégation d'une évidence.
Vaste manipulation, dites-vous. Alors qu'attendez-vous pour organiser un vrai référendum officiel ? Auriez-vous peur du résultat d'un vrai référendum ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)
On entend, ici où là, que le référendum disqualifierait la démocratie représentative. Certainement quand il est utilisé comme un plébiscite. Non, au contraire, quand il peut restaurer une démocratie dont la représentativité est mise à mal.
Rappelons que l'usage du référendum est constitutionnellement lié à la souveraineté nationale française. L'article 3 de la Constitution énonce : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants – nous, chers collègues – et par la voie du référendum. » On trouve là l'écho de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, selon lequel « la loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation ».
Qu'est-ce qu'un référendum ? Un vote des électeurs portant sur l'appréciation d'un texte ou d'une question, ce qui le distingue clairement de la démocratie directe qui renvoie à la constitution d'un peuple légiférant directement.
Rappelons-nous que le référendum est véritablement né en France avec le régime représentatif pour en corriger les défauts. Dès 1914, Jaurès, comme Édouard Vaillant, soutient déjà cette démarche de consultation populaire, de nature, selon lui, à renforcer la souveraineté du Parlement en lui donnant « un arbitrage, une règle, une lumière ». Après les épisodes bonapartistes et soixante-quinze ans de mise au placard, c'est le général de Gaulle qui rappelle à la vie le référendum (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), d'abord pour permettre la mise en place de la IVe République, puis celle de la Ve République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Il suit en cela la position de certains résistants, tels Vincent Auriol pour qui « le référendum maintient un lien direct entre la nation et ses mandataires, il fortifie l'éducation politique des citoyens, il les habitue à voter sur des idées et sur des textes ».
Après guerre, le jeu du régime démocratique est ainsi durablement modifié : la représentativité des élus coexiste avec la légitimité résultant de l'assentiment populaire. L'article 11 de la Constitution prévoit un référendum législatif et l'article 89 un référendum constitutionnel.
Pour de Gaulle, animé, avouons-le, d'une vision plébiscitaire de la démocratie (Protestations sur les bancs du groupe UMP), le chef de l'État doit avoir le droit de consulter le pays par référendum. Et il ne s'en prive pas puisqu'il utilise ce procédé pas moins de cinq fois en onze ans. En 1969, l'échec du référendum tendant à réformer le système territorial le conduit à la démission.
Après Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy n'est pas en reste, non pas pour envisager sa propre démission,…
…mais pour trouver quelques vertus au référendum : « À chaque grande étape de l'intégration Européenne, il faut [...] solliciter l'avis du peuple. Sinon, nous nous couperons du peuple », déclarait-il le 9 mai 2004 à Aubervilliers, devant le conseil national de l'UMP.
Mais, une fois élu, son rapport au peuple change vite : quel fut son premier acte de Président ? Faire adopter le traité européen par voie parlementaire,…
…traité pourtant rejeté par les Français par voie référendaire.
Deuxième acte : le référendum européen devient optionnel en fonction de la vision de l'histoire de notre cher Président. Par exemple, ce qui vaudra pour la Turquie ne vaudra pas pour les Balkans.
Le troisième acte concerne les OGM : nouveau refus du référendum alors que, selon une enquête CSA de février 2008, 72 % des Français estimaient « important de ne pas consommer de produits contenant des OGM ». Le texte sur les OGM a été rejeté par 57 % des députés et j'avais défendu, au nom du groupe SRC, en vain, le droit du peuple à « trancher sur cette autorisation donnée à une génération – la nôtre – d'affecter pour toujours les générations futures ».
À la consultation démocratique du peuple, votre majorité préférerait-elle la boulimie des sondages – le Premier ministre a parlé tout à l'heure de « sondocratie » ? La demande par l'opposition de la création d'une commission d'enquête a été interdite. La publication par des médias de sondages déjà commandés et payés par l'Élysée a pourtant suscité des interrogations restées sans réponse.
Oui, nous pensons que le référendum permet de retrouver l'équilibre perdu. Gérard Conac, constitutionnaliste publié sur le site de l'Assemblée nationale, l'exprime parfaitement : « Loin de rendre inutiles les référendums législatifs, le développement des sondages me paraît les justifier, au moins dans certains cas. » Il ajoute qu'il « y aurait un risque de perversion si les choix des responsables n'étaient plus que les reflets des états d'âme de l'opinion publique ».
La politique ne doit pas se faire à la Bourse. Elle ne doit pas se faire non plus dans les instituts d'enquête. Même à une époque où la communication domine la vie politique, ce n'est pas la même chose d'informer et de décider, ce n'est pas la même chose de sonder et de consulter.
Nous y voilà : avouez que vous ne voulez pas de cette consultation démocratique car vous savez pertinemment que les Français sont opposés à votre projet de changement de statut de La Poste.
Sinon, dites-moi si je me trompe, vous voteriez notre motion référendaire. Cela étant, je ne préjuge pas de votre vote et peut-être que le froid et la neige vous auront fait retrouver vos esprits.
Si les sondages sont votre lumière, regardez-les bien en face. Une large majorité de Français souhaitent que le Gouvernement organise un référendum sur le changement de statut et l'avenir de La Poste – 59 % précisément, selon un sondage IFOP du 4 octobre 2009.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et alors ?
En outre, 75 % des Français se seraient opposés à la privatisation de La Poste s'ils avaient eu l'occasion de participer à la « votation citoyenne », selon un sondage CSA du 22 septembre 2009. D'ailleurs, 83 % des sondés pensaient que La Poste serait privatisée dans quelques années si le projet gouvernemental était adopté.
Sans attendre votre Arlésienne, le fameux texte d'application pour utiliser la nouvelle possibilité du référendum d'initiative partagée, l'article 11 de la Constitution permet d'ores et déjà d'organiser un référendum à l'initiative du Parlement : « Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement [...] ou sur proposition conjointe des deux assemblées […] peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation et aux services publics qui y concourent. »
On peut donc, dès aujourd'hui, organiser un référendum sur l'organisation du service public postal. Pourquoi le recours au référendum s'impose-t-il aujourd'hui ? Parce que la démocratie représentative est mise à mal. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) La lecture des textes selon la procédure accélérée s'est généralisée et, comme c'est le cas pour le présent projet, nous n'avons plus le temps de bien débattre et de bien légiférer.
Le temps limité et l'encadrement du droit d'amendement remplissent leur office : on nous coupe le sifflet avant la fin du match – c'est le cas pour ce débat comme ce fut le cas pour celui portant sur le travail du dimanche. Quand le vote des parlementaires ne convient pas au pouvoir en place, on vote à nouveau ; c'est ce que l'on appelle les « secondes délibérations ». On l'a vu pour le présent texte au Sénat avec la suppression d'amendements socialistes adoptés contre l'avis du Gouvernement, des amendements pourtant essentiels.
Laissez-moi vous les rappeler : l'un précisait que La Poste et ses filiales devaient constituer « un groupe unique entièrement public » – adopté et supprimé – ; un deuxième garantissait le financement intégral et pérenne des missions de service public de La Poste – adopté et supprimé – ; un troisième précisait que les missions de service public de La Poste devaient s'exercer du lundi au samedi dans le respect des intérêts des usagers – adopté et supprimé. C'est bien l'aveu de ce qui nous attend.
Parce que La Poste tient une place essentielle dans la vie quotidienne de nos concitoyens, il est indispensable qu'ils soient consultés sur l'avenir de ce service public pas comme les autres.
Nous le savons tous ici, La Poste, c'est un peu le dernier service public qui vient chez vous tous les jours, auquel vous pouvez toujours vous adresser, quelle que soit votre condition sociale.
Le référendum s'impose parce que La Poste est la propriété de tous les Français et pas seulement de la majorité, et parce que le changement de statut de La Poste ne figurait ni dans le programme de Sarkozy candidat à l'élection présidentielle en 2007,…
…ni dans celui de l'UMP pour les élections législatives.
Le référendum est légitime, enfin, parce que nous, élus représentants du peuple, contestons le « bien-fondé » d'un changement de statut menant fatalement, avouons-le, à une privatisation.
Nos débats ne nous ont pas convaincus, monsieur le ministre. A aucun moment vous n'avez su apporter les garanties qu'une fois devenue société anonyme, La Poste ne pourrait pas être privatisable ou privatisée.
Il y a tout le poids de la mémoire collective, celle de juillet 2008, quand Gaz de France fut privatisée par le Président Sarkozy, contre l'engagement inverse du ministre Sarkozy en 2004.
Il y a toute l'hypocrisie des prétendus « verrous » que vous avez inscrits dans ce projet de loi : les quatre missions de service public, que nous vous demandions déjà en 2005 d'inscrire dans le texte portant transposition de la deuxième directive postale de 2002, c'est une avancée qui arrive trop tard pour empêcher une future privatisation, puisque vous inscrivez cela dans la loi après – après, et les mots un sens – avoir changé le statut. Ce qu'une loi a fait, une autre loi peut, plus ou moins discrètement, le défaire. Et les lignes rouges, on l'a vu pour France Télécom et pour Gaz de France, sont faciles à franchir.
Vous faites de La Poste le prestataire du service universel postal pour quinze ans à compter du 1er janvier 2011. Rappelez-vous, pour France Télécom, alors que la droite avait changé son statut en 1996, et que la gauche, c'est vrai, avait ouvert un peu son capital en 1997 (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), il a suffi d'une loi en 2003 pour mettre fin au principe de l'opérateur unique comme prestataire du service universel, et, par voie de conséquence, pour mettre fin au service public national des télécoms. En 2003, c'était bien la droite. Après cette petite pirouette législative, la droite a pu abandonner au privé plus de la moitié du capital de France Télécom.
Forts de cette expérience, nous pouvons affirmer aujourd'hui que la meilleure garantie pour que La Poste soit « imprivatisable », c'est qu'elle conserve son statut d'établissement public.
Et si au final, changement de statut il y a, une seule garantie permet de s'assurer que jamais il n'y aura privatisation : écrire dans la Constitution elle-même que La Poste est un service public national.
Et là vous renoncez d'avance. Quel aveu!
Nous avons déjà eu ce débat. Aussi, je ne m'y attarderai pas. Mais une chose est claire : le préambule de la Constitution de 1946 n'empêche nullement la privatisation d'opérateurs de service public, il n'a d'ailleurs pas été écrit pour ça. Et le Conseil constitutionnel a déjà refusé de l'interpréter ainsi en 1993.
Nos concitoyens n'ont pas la mémoire aussi courte que d'aucuns le pensent, et ils savent bien qu'une fois qu'on transforme un exploitant public en société anonyme, ce n'est pas pour faire exactement la même chose qu'avant !
Le service public des télécommunications, pour y revenir, n'existe presque plus. « Presque plus », car il en reste encore, des salariés de France Télécom qui ont le service public chevillé au corps, cette culture du service à rendre à l'administré. Et ce sont d'abord eux qui souffrent de la logique financière que le management à l'anglo-saxonne leur impose aveuglément depuis quelques années.
Et l'usager l'a compris depuis longtemps. Le service France Télécom n'a plus grand-chose de public. Aussi, le consommateur va voir la concurrence pour trouver moins cher. Mais les tarifs ne baissent pas, la comparaison des offres est incompréhensible, les cabines téléphoniques sont retirées du paysage, et le secteur rural attend le haut débit un peu comme Jacques Brel attendait Madeleine, qui ne viendra jamais, et comme demain on attendra le facteur, qui, certains jours, dans certains endroits, ne passera plus.
Autre exemple de biens et services de première nécessité : le service public de l'énergie, en voie d'extinction. GDF Suez, ce n'est déjà plus Gaz de France. Depuis sa privatisation en juillet 2008, l'État est seulement actionnaire minoritaire, tellement minoritaire qu'il a renoncé officiellement, à la veille de Noël 2009, à son pouvoir de décider de l'évolution des tarifs réglementés du gaz ! Désormais, ce seront donc les actionnaires majoritaires privés de GDF Suez qui décideront de quand, et de combien, on doit augmenter le prix du gaz. Feu les tarifs réglementés, feu les tarifs publics !
Et là, la Commission européenne n'a rien à y voir. C'est un choix consenti par votre gouvernement. C'est donc un choix politique, que vous devez assumer. Bientôt le service public du gaz aura vécu, d'abord et avant tout parce que l'État aura décidé de s'en désengager.
Pourquoi vous entêter, alors, à détruire aussi le service public postal ?
Premièrement, je veux d'abord démontrer que les modalités choisies pour répondre au besoin de financement de La Poste sont discutables. Son président nous dit qu'il a besoin de 2,7 à 3 milliards d'euros d'ici à 2011 pour répondre à la concurrence et moderniser l'entreprise sans creuser son endettement.
Or, un rapide calcul – effectué avant la crise, certes – permet de voir que l'État impose des dépenses et ôte des recettes à La Poste pour environ 900 millions d'euros par an. Oui, vous avez bien entendu : par an.
D'une part, il impose au seul opérateur postal d'assumer les missions de service public, et donc de les financer, sans d'ailleurs compenser intégralement ces dépenses obligatoires. Je pense à l'aide à la presse, à l'aménagement du territoire et à l'accessibilité bancaire.
D'autre part, il ponctionne déjà des dividendes sur les profits de La Poste, qui ont atteint, en 2008, 21 % – ce n'est pas rien ! – du résultat net de l'entreprise hors subvention publique, soit 141 millions d'euros.
Et enfin, comme vous l'avez décidé, il banalise le Livret A, pénalisant ainsi directement le commissionnement de La Poste sur cette épargne refuge des Français.
Donc, en trois ans, ce surcoût imposé par l'Etat seul atteint aisément les fameux 2,7 milliards de besoin de financement !
Deuxièmement, je veux affirmer que les modalités du financement public annoncées sont floues. Ce financement public est, selon le Gouvernement, de 1,2 milliard par la Caisse des dépôts et de 1,5 milliards par l'État, mais à l'heure où nous votons aujourd'hui, nul ne connaît la valeur de La Poste, ni les modalités d'accord pour que la Caisse des dépôts mette au pot, ni encore sur quelle ligne budgétaire est inscrite la participation de l'État.
De là à penser que la Caisse des dépôts rachètera des actions à l'État sans augmenter le capital de La Poste, il n'y a qu'un pas pour douter de la réelle volonté de l'État de soutenir La Poste.
Troisièmement, je veux redire qu'un apport financier de l'État avec maintien du statut d'établissement public est possible, si l'État le veut. Cette solution a été écartée au motif que le changement de statut permettrait plus de souplesse à La Poste pour faire appel à d'autres financements publics, mais aussi privés. La plus belle excuse étant celle de l'avènement de « l'actionnariat salarié », disposition incompatible, me semble-t-il, avec le statut de fonctionnaire. Mais là, le Conseil constitutionnel tranchera.
Pourtant, vous le savez bien, nul n'est besoin que La Poste change de statut pour que l'Etat assume son rôle d'actionnaire, pour qu'il investisse dans l'opérateur, pour qu'il se modernise dans ses missions de service public.
La baisse de la TVA dans la restauration coûte 3 milliards d'euros par an, votre paquet fiscal, cadeau fait pour une grande part aux plus aisés, coûte au pays de 10 à 15 milliards d'euros. Alors, vous pensez bien que 3 milliards juste pour 2010, c'est une goutte d'eau pour marquer votre soutien « sincère » au service public postal !
Que l'État seul continue à investir dans l'entreprise dont il est l'actionnaire serait non seulement possible, mais, qui plus est, rentable : toutes activités confondues, La Poste affiche l'un des meilleurs résultats opérationnels européens, rapporté à son chiffre d'affaires.
Hors crise, les résultats nets comme les marges d'exploitation de La Poste sont en nette progression depuis 2006. Selon une étude menée par le CEPAP en décembre 2008, La Poste est plus rentable que ses homologues britannique et allemand.
Cette même étude démontre que la transformation de la Deutsche Post en société anonyme privatisée n'a pas entraîné de réduction de son endettement. Pire, la perte de son statut de société publique s'est logiquement traduite par une augmentation des coûts d'emprunt, qui ont d'ailleurs significativement grimpé avec la crise financière. Cette étude menée par des économistes démontre, s'il en était besoin, qu'une entreprise publique peut être plus rentable que ses compétiteurs privés.
La crise a d'ailleurs confirmé le « statut refuge » de La Banque publique postale, la seule banque, et c'est un comble, qui n'a pas eu besoin du secours d'urgence de l'État. Et c'est cela que vous vous apprêtez a défaire !
Rappelons que la spécificité du secteur postal fait que la « rentabilité », au sens du marché, ne pourra s'obtenir que sur le facteur humain.
Qu'est-ce que cela signifie pour les Français ? Des tournées moins nombreuses : ce ne sera plus six jours sur sept, mais cinq jours sur sept ; des tournées de plus en plus « express », avec la systématisation du recours au point colis commerçant du coin, qui s'imposera comme une évidence, même pour les recommandés ; une distribution de plus en plus éloignée du domicile : on ira chercher son courrier à la mairie ; de moins en moins de bureaux de poste de plein exercice ; la fin annoncée des agences postales communales, car dès lors que La Poste sera une société anonyme, plus rien n'empêchera ses concurrents d'attaquer ce lien public-privé devant la justice européenne ; la fin du lien social qu'entretient encore le facteur dans certaines zones urbaines, et surtout dans nos campagnes ; la fin du prix unique du timbre, demain, car il coûte cher à La Poste d'offrir le même service partout et pour le même tarif : ce ne sera plus rentable, demain ; la fin d'un accueil de tous, sans sélection, pour la bancarisation.
Vous persistez à ouvrir la voie de la privatisation de La Poste quand, partout dans le monde où ce choix l'a emporté, on constate la détérioration rapide du service postal. Vous avez oublié de le souligner tout à l'heure.
En Hollande, après moult fusions-acquisitions-séparations, le projet de la poste est de se séparer de près de la moitié de ses 23 000 postiers.
En Suède, les effectifs ont été divisés par deux, avec un tiers de temps partiels, et le prix du timbre a augmenté de plus de 100 %.
En Allemagne, suite à la privatisation, le nombre de bureaux de poste a été divisé par deux, et ceux qui restent sont souvent de simples points de contact. Le nombre d'employés aussi a été divisé par deux. Surtout, le prix du timbre a explosé, et est devenu l'un des plus chers d'Europe.
Au Japon – c'est un peu loin, mais c'est une réalité –, le gouvernement récemment élu veut renationaliser la poste privatisée en 2007, au vu de l'échec de l'opération.
Avons-nous retenu quoi que ce soit de ces expériences ? Avons-nous vraiment tiré les leçons de la crise actuelle du libéralisme ? Les services publics permettent la vie, la vie sociale, la vie économique. Ils ne doivent pas être seulement la roue de secours du système quand il s'écroule !
Nous vous proposons de renverser vos perspectives : investir dans le service public permet la croissance de demain, une croissance plus durable car mieux répartie sur tous les territoires.
Nous vous proposons de réinventer l'État actionnaire avisé, stratège, investissant dans les services publics utiles à la croissance et à l'emploi dans les territoires.
De repenser les services publics avec la boussole du développement durable. De distinguer, c'est une piste, les réseaux des services.
D'articuler le service public français avec un service public européen inexistant, que nous n'avons de cesse, aussi bien au Parlement européen qu'ici, à l'Assemblée nationale, de vous proposer de créer par l'adoption d'une directive-cadre sur les services d'intérêt économique général.
La France, par son expérience remarquable du service public, érigé en application du programme du Conseil national de la Résistance, peut inspirer et tirer l'Europe vers le haut, plutôt que d'être emportée vers le bas dans une spirale de la concurrence qui frise l'absurde, à force de nier que le vivre-ensemble, ce n'est pas seulement des échanges d'actions ou de parts de marchés !
Pour La Poste, il n'est pas trop tard, nous sommes prêts à travailler avec vous sur ces défis. Je vous l'ai d'ailleurs proposé lors des débats, renoncez simplement au changement de statut que rien n'impose, sinon votre idéologie et votre positionnement politique !
Renoncez à la privatisation du service public postal, car les expériences passées nous ont clairement montré qu'une fois le Rubicon franchi, le service public perd son âme.
En conclusion, les Français doivent être consultés parce que la privatisation de La Poste bouleversera leur vie.
Les Français doivent être consultés car c'est un droit constitutionnel, et que vous refusez de leur permettre de le demander, un droit d'autant plus impérieux que le référendum est le seul moyen de réconcilier la décision politique avec l'aspiration du pays réel.
Les Français doivent être consultés car La Poste est le dernier service public de proximité qui n'est pas encore atteint par la fièvre du profit à tout prix.
Et puisque je parle de fièvre, si vous avez considéré que la prévention contre la grippe A n'avait pas de prix, considérez qu'il en est de même pour la démocratie ! Mais la démocratie, chers collègues, ce n'est pas une pandémie, c'est un geste républicain de survie. Alors, au nom de tous mes collègues signataires, je vous invite, et c'est tout le sens de cette motion référendaire, à redonner la parole au peuple ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur Brottes, vous avez voulu adopter une posture idéologique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous n'avez pas le monopole de l'affection que chacun porte ici à La Poste. Sur ces bancs-ci, on est sans doute plus fondé que sur ceux-là à vouloir soutenir ce grand service public.
Vous avez essayé d'expliquer, malgré tout ce qui vous a été fourni au cours du débat parlementaire, que la Caisse des dépôts n'avait pas donné son accord à son investissement de 1,5 milliard d'euros. C'est faux. Pour reprendre l'expression employée il y a quelques temps, ici même, par le président Michel Bouvard, le Gouvernement a sollicité la Caisse des dépôts. Le président Bouvard, lors des débats à l'Assemblée mi-décembre, avait indiqué que la Caisse des dépôts entrerait dans le capital de La Poste si un certain nombre de conditions, tenant notamment à la gouvernance, étaient réunies. Or elles le sont, à l'article 5.
Quant à l'État, vous prétendez qu'il n'aurait pas inscrit les moyens budgétaires de l'augmentation de capital en 2010. Permettez-moi de vous dire que cela est faux. Les moyens de l'augmentation de capital sont bien inscrits dans le projet de loi de finances pour 2010, plus précisément dans le compte d'affectation spéciale intitulé « Participations financières de l'État ». Il est expressément précisé dans cette annexe au PLF que la souscription de l'augmentation de capital aura lieu de manière irrévocable en 2010, même si la libération pourra ensuite intervenir de manière progressive.
Puisque vous ne cessez de comparer ce texte aux dispositions prises pour GDF,…
…je dirai un mot de cette entreprise. GDF a deux métiers : le transport de gaz et la fourniture de gaz aux particuliers. L'activité de transport de gaz est déjà en concurrence depuis 1949.
Dans de nombreuses villes, comme Strasbourg ou Grenoble, ce sont d'autres opérateurs que GDF qui assurent le transport de gaz.
GDF ne remplit donc pas un service national, mais un service local, contrairement à La Poste.
Vous comparez La Poste à la poste suédoise. En Suède, le marché a été libéralisé dès 1993, sans qu'aient été installés des garde-fous à l'ouverture à la concurrence. Le présent texte est différent puisque les quatre missions de service public y sont inscrites et qu'il y est précisé que La Poste est la seule à assurer le service universel du courrier pour les quinze ans qui viennent.
L'opposition, semble-t-il, n'a pas lu le texte de la révision constitutionnelle de juillet 2008 – qu'elle n'a pas votée, il est vrai. D'ailleurs, c'est ce gouvernement qui a créé ce référendum d'initiative populaire que l'opposition appelle pourtant de ses voeux depuis de nombreuses années sans jamais rien avoir fait pour le mettre en place.
Je rappelle que le référendum d'initiative populaire créé en juillet 2008 n'a pas été conçu pour s'opposer à un texte en cours d'examen au Parlement mais pour permettre la discussion d'un texte de loi issu du citoyen ou pour abroger un texte déjà en vigueur qui ne donnerait pas satisfaction. Ici, on a une initiative du Gouvernement s'agissant de La Poste, qui reprend les préoccupations des Français. Ce texte dit très clairement qu'il n'y aura pas de privatisation. On ne peut donc pas dénoncer une quelconque carence législative du Gouvernement.
Pour ce qui est de l'abrogation d'une loi qui ne conviendrait pas aux Français, les choses sont simples. Monsieur Brottes, vous invoquez une votation citoyenne à laquelle auraient participé 2 millions de Français. Je veux bien le croire, tout comme je crois qu'ils ont été désinformés, instrumentalisés. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Quand on sait que certains d'entre vous ou de vos amis rentraient chez eux tous les soirs avec l'urne sous le bras, que certains d'entre vous ont tenu des listes sur lesquelles les mêmes personnes ont émargé plusieurs fois,…
…quand on sait que le parti socialiste, dans ses différents courants, a lui-même contesté les conditions dans lesquelles son premier secrétaire a été désigné (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC), quand on sait encore que M. Besancenot est l'auteur de la question qui a fait l'objet de la votation et que le parti socialiste a dépouillé les scrutins, on peut avoir quelques doutes sur les conditions d'organisation de cette votation.
C'est l'honneur de la majorité d'avoir inscrit ce que vous avez réclamé pendant des décennies dans la Constitution française : la possibilité d'organiser un référendum d'initiative partagée. (Brouhaha sur les bancs du groupe SRC.) D'ici à quelques semaines, sera soumise au Parlement une loi organique qui permettra d'organiser ce référendum.
Pour pouvoir déposer ce texte, il faut résoudre quelques difficultés techniques : identification des Français qui signeront la demande de référendum, notamment par la mise à jour des fichiers INSEE,…
…consultation du Conseil constitutionnel parce qu'il s'agit d'une loi organique d'application d'une révision constitutionnelle.
En réalité, je n'ai pas bien compris, monsieur Brottes, quelle question vous souhaiteriez poser.
Il y a quelque temps, elle était la suivante : « Êtes-vous pour ou contre la privatisation ? » ; puis « Êtes-vous pour ou contre le changement de statut ? » La prochaine fois, ce sera peut-être : « Êtes-vous pour ou contre le changement de couleur des véhicules de La Poste ? » (« C'est minable ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Les questions que vous posez ne cessent de changer !
Il y a quelque temps, M. Fabius réclamait un référendum pour se prononcer pour ou contre la réforme territoriale.
En quelques semaines, le parti socialiste aura proposé plus de référendums que M. Mitterrand n'en aura soumis en quatorze ans de mandat ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) En réalité, lorsque le parti socialiste n'a pas d'idée, il propose un référendum. C'est le phénomène de la « fabiuisation » du PS !
Monsieur Brottes, oser dire que la démocratie serait menacée dans notre pays, je ne peux pas l'accepter.
Cela voudrait dire que vous contestez votre propre légitimité. Qui, au regard des Françaises et des Français, est légitime à légiférer ? Celles et ceux qui ont reçu leur confiance, les députés du peuple !
Les députés de la nation sont ceux qui sont habilités à décider et à répondre des engagements qu'ils ont pris devant les Françaises et les Français.
Ils sont vaccinés, les Français ! ils ont dit « non » à la Constitution européenne !
Les postiers étaient 27 % à faire grève il y a un an, 22 % au mois de septembre et 2,3 % il y a quatre semaines. Ils veulent aujourd'hui une entreprise moderne. Les 2,7 milliards d'euros d'argent public vont permettre à l'entreprise postale de rester à 100 % publique tout en lui donnant les moyens de sa modernisation.
Je n'en doute pas, la majorité, qui a la légitimité du peuple, donnera aux Françaises, aux Français et aux postiers, cette entreprise qui leur permettra de relever les grands défis d'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Ollier, vice-président de la commission mixte paritaire.
Mes chers collègues, c'est avec stupéfaction que j'ai entendu le scénario catastrophe de M. Brottes, alors que le ministre vient de rappeler fort justement que la dernière grève nationale de La Poste, qui est une forme de référendum, a mobilisé seulement 14 % des postiers.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Cela n'a rien à voir !
…et vous voulez soumettre à un référendum le texte en discussion !
En tant que gaulliste, je suis sensible à la voie référendaire.
J'y suis tellement sensible que j'ai du mal à accepter qu'on puisse banaliser le référendum, comme vous venez de le faire. Un référendum pour choisir le destin de l'Europe,…
…la suppression ou pas de telle ou telle institution, la Constitution européenne, même si on n'est pas d'accord :…
…oui. Mais un référendum sur un texte de trente-quatre articles portant réforme d'un organisme destiné à rendre un service public, ce n'est pas sérieux !
Ce projet de loi est nécessaire pour l'entreprise, important pour les usagers et fondamental pour le service public. Qui pourrait affirmer qu'un texte aussi complexe puisse raisonnablement donner lieu à une réponse aussi simple que oui ou non ?
Ce projet de loi a mobilisé le Sénat pendant plus de 70 heures et notre commission des affaires économiques pendant près de 40 heures – et je rends hommage à l'excellent travail de notre rapporteur. En séance, le groupe socialiste a épuisé son temps, nous opposant, orateur après orateur, autant d'arguments qu'il a pu en trouver. La commission mixte paritaire a, pendant plus de quatre heures, fait un travail remarquable. Si ce texte a demandé autant d'heures, c'est parce qu'il est compliqué sur le plan technique.
Le référendum repose sur une procédure binaire. En aucun cas, il ne permet de répondre à l'obligation que vous semblez soulever. Dans ce contexte, seul le Parlement peut se prononcer…
…et nous allons, dans quelques instants, montrer que la majorité de cette assemblée est bien décidée à suivre son gouvernement…
…en votant définitivement le projet de loi de réforme de La Poste.
Un mot, monsieur Brottes, sur la procédure de la votation citoyenne. J'ai beaucoup de respect pour votre engagement et votre compétence, mais, là, franchement, vous exagérez.
Les arguments que vous avez développés font partie, je le comprends, d'un coup politique et médiatique organisé par la gauche. Mais quand on met en avant une consultation populaire sur la base d'un tract comme celui que j'ai sous les yeux, c'est une falsification de la volonté du peuple : la question a été tronquée de façon à conduire ceux qui ont voté de bonne foi à répondre selon votre souhait.
Cette question, je vais la lire pour qu'elle figure au Journal officiel : « Le Gouvernement veut changer le statut de La Poste pour la privatiser. Êtes-vous d'accord avec ce projet, oui ou non ? » Voilà le référendum que vous avez organisé ! (Brouhaha sur divers bancs.) Or il n'y a jamais eu dans le texte du Gouvernement la moindre volonté de privatiser La Poste, et vous le savez ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Un peu d'histoire pour terminer. Depuis 1985, cinq motions référendaires ont été déposées devant notre assemblée. Je relève qu'aucune n'a concerné un sujet inscrit à l'ordre du jour. Je ne crois pas me souvenir que M. Quilès ait soumis au référendum la disparition des PTT. (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Je ne souviens pas plus que M. Strauss-Kahn ait proposé un référendum lorsqu'il a entamé le processus de privatisation de France Télécom et d'Air France.
Vous voulez aujourd'hui nous engager dans cette voie. Je m'interroge, monsieur Brottes : n'y aurait-il pas, derrière cela, une opération politicienne ? (« Allons donc ! » sur les bancs du groupe UMP.) Le parti socialiste, n'ayant pas de réponse à apporter au projet de loi, tente, par la manipulation de l'arbre qui cache la forêt, de tromper une fois de plus les Français sur les intentions du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est bien cela !
Pour toutes ces raisons de forme, il faut rejeter cette motion référendaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Dans les explications de vote sur la motion tendant à soumettre le projet au référendum, la parole est à M. Jean Gaubert, pour le groupe SRC.
Il ressort de cette discussion un certain nombre d'ambiguïtés. La première concerne le débat que vous avez voulu initier sur la votation. Selon vous, les gens qui y ont participé étaient désinformés. Pourtant, un sondage révèle les mêmes craintes de la part de personnes qui n'avaient pas voté. Vous oubliez de parler des manoeuvres d'intimidation des services préfectoraux à l'égard des collectivités territoriales qui voulaient organiser cette votation.
En réalité, nos concitoyens ont compris parce qu'ils avaient des exemples comme celui France Télécom. Je rappelle – nous le faisons régulièrement, même si cela ne vous plaît pas – que le processus de privatisation de France Télécom a été engagé avant mai 1997.
Nos concitoyens ont compris parce qu'ils ont l'exemple d'EDF. Actuellement, dans ma région, ceux qui voient les conditions difficiles dans lesquelles travaillent les quelques agents d'EDF restants, pour essayer de rétablir le courant, parce qu'il n'y a plus de moyens et parce que l'on a « rabioté » sur l'entretien et que cela se paie un jour, ont compris. M. Brottes l'a évoqué tout à l'heure, ils ont compris comme pour l'entreprise GDF, qui ne devait pas non plus être privatisée, que vos paroles ne valent qu'un instant.
Les vraies questions sont de savoir si la rentabilité immédiate ne passera pas avant l'investissement d'avenir, si les pressions sur les salariés n'augmenteront pas, comme celles que l'on a connues chez France Télécom et comme on commence à les connaître dans les autres entreprises privatisées ; si le service rendu ne sera pas encore un peu plus dégradé qu'aujourd'hui.
Nous condamnons tout cela. C'est ce que nos concitoyens refusent. C'est à cause de cela que vous ne voulez pas organiser ce référendum parce que vous avez peur de la sanction. Le vrai problème est là. Vous nous dites que la votation n'aura pas de valeur. Nous affirmons le contraire. C'est simple, allons au référendum et nos concitoyens trancheront.
Ceux qui parmi vous ont encore un doute doivent nous rejoindre pour organiser ce référendum. Il n'y a rien de déshonorant à demander l'avis de nos concitoyens parce que nous ne sommes pas d'accord. C'est en tout cas ce que proposent les membres du groupe SRC. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il apparaîtrait naturel qu'en démocratie, la volonté du peuple soit respectée, que la voix du peuple soit entendue, relayée par ses représentants. C'est ce que nous faisons. C'est à l'évidence, monsieur le ministre, ce que vous refusez de faire, la bouche en coeur, mais la peur au ventre.
Il faut savoir que 2 300 000 personnes se sont déplacées lors de la votation citoyenne.
Vous criez au gonflement du nombre de mobilisés lors de cette initiative populaire comme une raison de refuser d'organiser un référendum.
Permettez-moi donc de vous rappeler que le si noble débat de société, initié par le Gouvernement autour de l'identité nationale, révèle que 60 % des Français placent les services publics parmi les éléments importants de l'identité de notre pays. Ce qui fait bien plus que les 2,3 millions de personnes qui ont exprimé leur attachement à La Poste, ce symbole fort du service public, garant des valeurs d'égalité et de solidarité.
Faut-il aussi rappeler que le Gouvernement a présenté le référendum d'initiative populaire comme une avancée démocratique majeure et a fait gorges chaudes de ce pouvoir prétendument rendu au peuple ? Encore une belle opération de communication, aussi crédible que celle qui consiste à faire croire que la Poste demeurerait « imprivatisable » ! Le mécanisme mis en place par l'article 11 de la Constitution, lors de la révision constitutionnelle de juillet 2008, demeure à ce jour lettre morte puisque sa mise en application demeure conditionnée par l'adoption d'une loi organique toujours inexistante.
Cette loi organique, le Gouvernement l'avait pourtant promise pour la fin de l'année 2009. Mais sans doute fallait-il attendre que le projet de loi qui entérine la privatisation de La Poste soit d'abord voté, histoire de ne pas faire de vagues.
Monsieur le ministre, vous avez rappelé que les Français pourraient se saisir de cette procédure ultérieurement pour contester le changement de statut de La Poste dans un an, alors que la mobilisation contre ce projet de loi dure depuis plusieurs mois et ne tarit pas. Quel mépris, à l'image de vos deux discours de cet après-midi, quelle indécence !
Aussi, au nom des Français et pour le respect de leurs voix que vous refusez d'entendre, les députés du groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine voteront, bien évidemment, pour la motion référendaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Sur le vote de la motion tendant à soumettre le projet au référendum, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.
Mes chers collègues, le groupe socialiste a pris l'initiative du dépôt d'une motion référendaire. C'est son droit. Le Nouveau Centre ne s'y associera pas.
Mais nonobstant le débat sur l'opportunité, nous ne le ferons pas car nous avons une conception bien précise de ce qui relève du référendum et de la démocratie représentative.
Les centristes ont toujours approuvé l'usage du référendum pour des choix stratégiques de la nation, comme cela a pu être le cas en 1958 sur la question constitutionnelle, en 1962 sur la question coloniale ou plus près de nous en 1992 et en 2005 sur la construction européenne. Mais ici, dans l'hémicycle, devant la représentation nationale nous n'avons aucun problème pour être les promoteurs d'une démocratie représentative modernisée, dont la vocation est de décider des évolutions de la loi, notamment sur des enjeux sectoriels et complexes comme l'évolution statutaire de La Poste.
Tous les fondateurs de notre République ont insisté sur l'importance d'une démarche rationnelle d'instruction des décisions publiques, notamment sur des enjeux complexes, à dimension économique, sociale, environnementale comme l'évolution d'un service public comme La Poste.
Pour ce type de débat, nous n'hésitons pas à dire qu'une démarche parlementaire est plus adaptée et plus légitime qu'une démarche référendaire. Quelle serait la légitimité d'un référendum sur La Poste où la participation serait nécessairement très faible ?
Pour terminer, permettez-moi de citer les propos d'un philosophe contemporain Patrick Viveret – il est de gauche –…
…sur le référendum : « Nous sommes dans une période où le bon usage des émotions est un enjeu fondamental. Si nous ne travaillons pas sur notre intelligence sensible, nous laisserons la porte ouverte aux formes émotionnelles régressives. »
Concernant La Poste, l'important ce n'est pas la nostalgie, l'important ce n'est pas l'émotion, ce n'est même pas l'affection que l'ensemble des Français portent à ce service public, l'important…
…c'est de définir rationnellement les conditions de pérennité et de prospérité de cette entreprise.
C'est au nom de cette vision très précise des rôles respectifs du référendum et de la démocratie représentative que les centristes s'opposeront à la motion référendaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, soyons clairs et brefs : cette motion est un pur produit de politique politicienne, qui n'a pour seule ambition que de retarder l'adoption d'un texte absolument nécessaire à l'évolution d'une de nos plus belles entreprises publiques.
Nous l'avons vu avec les excellentes interventions de notre rapporteur Jean Proriol, du président de la commission des affaires économiques Patrick Ollier et du ministre Christian Estrosi, les garanties sont inscrites dans la loi. Le capital de La Poste restera intégralement public. Les missions de service public de La Poste sont totalement préservées, ainsi que les droits et le statut des agents de La Poste. Il n'y a donc aucune justification à l'adoption d'une motion référendaire sur ce projet de loi.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe UMP votera contre la motion référendaire qui nous est présentée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la motion tendant à soumettre le projet au référendum.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 452
Nombre de suffrages exprimés 451
Majorité absolue 226
Pour l'adoption 184
Contre 267
(La motion tendant à soumettre le projet au référendum n'est pas adoptée.)
Messieurs les ministres, ce qui vient de se passer est une leçon de choses.
Il est vrai que le rappel au règlement concerne le Président de notre assemblée, parce que ce qui vient de se passer pèsera, dans le futur, pour le déroulement de nos débats.
Monsieur le président, des collègues ont dit : les députés sont légitimes, il n'y a pas besoin de référendum. Ils ont oublié 2005, quand 90 % du personnel politique se prononçait en faveur du traité constitutionnel.
Monsieur Brard, il s'agit d'une intervention, non d'un rappel au règlement sur le déroulement de la séance. Je vous prie donc de conclure rapidement.
Il faudrait, monsieur le président, que vous acceptiez que chacun ait ses méthodes discursives pour mener à bien son propos.
Monsieur le président, le 9 novembre dernier, le Président de la République a trouvé des mérites au référendum, mais c'était en Suisse sur les minarets. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Dès lors qu'il s'agit de sujets importants chez nous, il n'en veut pas. Cela en dit long sur les pratiques démocratiques sous la Ve République, vues par le Président de la République et par vous-même.
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Daniel Paul, pour une durée qui ne peut excéder quinze minutes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales constitue une étape de plus, une étape décisive, dans la remise en cause de notre modèle social, fondé sur des services publics, qui non seulement ne sont pas soumis à la loi du profit, mais jouent le rôle de correcteurs d'inégalités sociales et territoriales. Nous le savons, vous le savez, les Français le savent. Si vous n'en êtes pas sûr, monsieur le ministre, demandez-leur !
La transformation de La Poste en société anonyme n'est aujourd'hui nullement justifiée sur les plans économique, structurel ou juridique. La forme actuelle de l'EPIC permet de trouver un équilibre efficace entre le service rendu à tous les Français et la stabilité financière de l'établissement, évidemment nécessaire à sa pérennité.
Aux yeux même du droit européen, rien n'impose la transformation de La Poste en société anonyme. Mais ce changement de statut de l'exploitant public et sa soumission au droit commun des sociétés s'inscrivent dans un contexte de désengagement de l'État et d'ouverture à la concurrence du secteur postal, déjà largement engagée en vertu de politiques communautaires, politiques que vous avez soutenues en votant, au sein du conseil des ministres européens, en particulier la dernière directive postale.
Évoquer sans cesse des capitaux 100 % publics comme étant une garantie du maintien du service public postal n'est pas sérieux, car – et vous le savez bien – il n'en est rien ! En fait, il s'agit d'une étape dans un processus commencé au début des années quatre-vingt-dix, avec la fin des PTT et la séparation de la Poste et de France Télécom, suivi de la transformation de la Poste en EPIC, puis à présent en société anonyme, en attendant de voir l'État descendre au capital à un peu plus de 50 %, puis à un peu moins, avec sans doute l'entrée de capitaux privés. Ce sera enfin le passage à un État présent à 34 %, avec une minorité de blocage, pour finir au-dessous de 33 %. Rien ne garantit dans ce projet de loi une participation majoritaire et pérenne de l'État et vous avez même refusé qu'elle soit inscrite dans la Constitution. C'est révélateur !
Nous savons aussi que la qualité d'un actionnaire, qu'il soit l'État ou la Caisse des dépôts et consignations, dès lors qu'il agit dans le cadre « banalisé » du capital d'une société anonyme soumise au code du commerce, n'induit pas un comportement fondamentalement différent de celui d'un actionnaire privé.
Prenons l'exemple d'ICADE. En pleine crise du logement, et notamment du logement social, ce groupe, filiale à 61 % de la Caisse des Dépôts et Consignations, a décidé avec l'accord du Gouvernement, de vendre l'ensemble de son patrimoine immobilier, soit 32 000 logements en Île-de-France ! L'objectif de cette opération était de réaliser environ 3 milliards d'euros de profits, dont 50 % distribués sous forme de dividendes aux actionnaires.
Voilà qui est de bon augure pour La Poste !
D'où notre crainte : dans l'hypothèse où la Caisse des dépôts et consignations participerait à l'augmentation de capital pour répondre aux besoins de financement de La Poste et assurer ainsi son développement, rien ne l'empêcherait de revendre sa part d'actions à tout moment.
Nous demeurons donc dubitatifs quant à la possibilité de préserver le caractère public du capital de l'entreprise en cas d'abandon du statut d'établissement public, car les grandes entreprises publiques qui ont été soumises au même processus de transformation en société anonyme ont fini par connaître une privatisation. Celle de GDF et sa fusion avec Suez l'illustrent parfaitement. Ce que nous dénonçons, monsieur le ministre, c'est le non-respect de la parole donnée et cela par le plus haut personnage de l'État.
Par ailleurs, et nous n'avons eu de cesse de le rappeler tout au long du débat sur ce texte, la décision du Conseil constitutionnel, suite à sa saisine sur l'ouverture du capital de GDF, nous a révélé qu'il suffisait que GDF ne soit pas un monopole public pour qu'il puisse être privatisé. C'est précisément ce que vous faites avec La Poste.
La meilleure garantie pour assurer un service public de qualité est d'en confier l'exercice à un organisme de droit public, totalement contrôlé par la puissance publique et géré par ses soins. L'intérêt de l'État, c'est l'intérêt général. L'intérêt des entreprises, porté par la Commission européenne, relayé par les lobbies et par vous-même, monsieur le ministre, c'est le profit.
Le changement de statut de La Poste est une option idéologique. Sinon, nous nous demanderions pourquoi, à en croire le régime des aides publiques minutieusement défini par le droit communautaire de la concurrence, injecter de l'argent frais dans une entreprise publique est devenu illégal. En revanche, subventionner les entreprises privées, via le Fonds stratégique d'investissement, exclusivement alimenté par des fonds publics à hauteur de 21 milliards d'euros, ne fait l'objet d'aucun suivi de l'utilisation de ces aides – ce qu'a dénoncé la Cour des comptes. Or ceci, étrangement, est légal car vous avez créé, de concert avec la Commission européenne dont vous prétendez subir les décisions, les conditions juridiques pour qu'il en soit ainsi.
Alors même qu'aujourd'hui la soumission des services publics aux critères de rentabilité du secteur privé détruit les solidarités sociales et territoriales nationales, vous espérez nous faire croire que la présence postale va se trouver renforcée. Or la transformation de La Poste en société anonyme va la contraindre à une plus grande. rentabilité, aux dépens de ses objectifs sociaux, et la conduire à réduire sa présence dans les zones faiblement peuplées.
Depuis 2005, chaque fois que La Poste noue un partenariat, que ce soit pour une agence postale communale ou pour un relais poste commerçant, elle ferme un bureau de plein exercice. Il est louable d'affirmer que les 17 000 points de contact seront maintenus. Il n'en demeure pas moins qu'il ne reste que 3 600 bureaux de Poste de plein exercice – les bureaux centre. À côté de ces bureaux rescapés, il y a 7 000 bureaux de proximité, généralement pourvus d'un agent et dont la moitié sont ouverts une demi-journée ou quelques heures par semaine.
Contrairement aux agences postales communales et aux « points poste », les bureaux de plein exercice fonctionnent avec un personnel de La Poste. C'est sans doute pourquoi les usagers de ce service public peuvent bénéficier d'une activité de conseil de qualité, dans tous les domaines couverts par La Poste.
Désormais, la grande majorité des opérations financières ne pourra être effectuée dans ces fameux « points poste », qui sont censés, selon vous, offrir le même niveau de service que les bureaux de poste. Il est impossible, par exemple, d'y effectuer des versements sur des comptes, des retraits par chèque à l'ordre d'un tiers, des opérations de gestion de compte comme le changement d'adresse, ou encore d'y envoyer des mandats internationaux. J'ai mentionné lors de notre débat le document fourni par La Poste indiquant l'évolution par département et par région des bureaux de poste, des agences postales communales, du réseau postal chez les commerçants, par rapport à l'évolution du nombre total de points poste. Je citerai quelques exemples portant sur les années 2006 à 2008 qui montrent les effets de la politique que vous voulez à présent accélérer.
Dans le Maine-et-Loire, on comptait 169 bureaux de poste en 2006 ; 145 en 2007 et 143 en 2008. Dans la Marne, on en comptait 129 en 2006, 106 en 2007 et 101 en 2008. Dans la Meuse : 98 en 2006, 86 en 2007 et 77 en 2008. Dans la Nièvre : 97 en 2006, 83 en 2007 et 73 en 2008.
Dans le Bas-Rhin, on dénombrait 194 bureaux de poste en 2006, 171 en 2007 et 167 en 2008. Dans la Sarthe, département cher au Premier ministre, il y avait 127 bureaux de poste en 2006, 100 en 2007 et 90 en 2008. Je pourrais poursuivre encore longtemps cette litanie.
Généraliser les agences postales communales et les relais Poste, c'est non seulement porter atteinte au service public, mais aussi rendre possible un nouveau transfert de charges vers les collectivités, les contribuables et les usagers, à l'heure où la réduction des moyens des collectivités locales porte un coup sévère à leurs finances – et l'on sait que rapidement, la suppression de la taxe professionnelle aggravera les choses. C'est inadmissible.
Les conséquences de ce changement de statut pour les personnels seront sans doute aussi catastrophiques que celles qu'il aura sur la mission d'aménagement du territoire de La Poste. L'entreprise compte aujourd'hui 287 000 salariés, dont 142 000 fonctionnaires et 145 000 salariés de droit privé dits « contractuels », embauchés en CDI ou en CDD. La Poste, c'est aussi plus de 200 filiales en France et à l'étranger. Outre la grande disparité des situations juridiques des salariés, il existe une très grande diversité des métiers sans qu'il y ait pour autant une convention collective unique.
On sait les difficultés dans ce domaine, chaque métier de La Poste pouvant selon la direction du groupe être rattaché à une convention collective différente. C'est là une situation dangereuse : d'une part, la situation actuelle ouvre la voie à un éclatement supplémentaire de La Poste ; d'autre part, en l'absence d'une convention collective unique, nous pouvons craindre que l'ouverture totale à la concurrence ouvre la voie à des formes de dumping social pour gagner ou préserver des parts de marché. Ce à quoi nous nous opposerons aussi fermement.
Ce projet de loi, dont l'objectif est de préparer la privatisation du groupe, va aussi accentuer la précarité et les pressions sur les salariés. Nous connaissons les conséquences humaines de ces méthodes sur les personnels dans d'autres groupes, comme France Télécom.
Quant aux fonctionnaires qui sont restés fidèles à La Poste, vous avez bafoué leurs droits en supprimant l'article 7 bis, sorti de l'examen du texte au Sénat, rompant ainsi le principe d'égalité de traitement, en niant la responsabilité de l'État dans cette affaire, alors que les juridictions l'ont reconnu coupable de faute lourde.
Monsieur le ministre, vous pouviez sortir par le haut de cette question ; vous pouviez répondre favorablement aux attentes de milliers d'hommes et de femmes qui se sentent aujourd'hui méprisés par leur employeur, par l'État, par le gouvernement de leur pays, par la majorité de notre assemblée. Pour des raisons financières, budgétaires, vous refusez de rendre justice à ces personnes, alors que de l'argent, manifestement il y en a, mais pas pour tout le monde !
Vous refusez la mesure de justice qu'ils attendent, pour ne pas créer de précédent, nous dit-on ; en fait, le précédent que vous confirmez, c'est l'injustice de votre politique, l'injustice de l'État.
Votre projet, vous le savez, inquiète les élus locaux et les populations.
… même lorsque vous dites que La Poste pourra ainsi recevoir 2,7 milliards d'euros, et prétendez que cela aurait été impossible sans changer le statut de l'entreprise publique. Cette méthode porte un nom, monsieur le ministre : c'est du chantage, un chantage d'État, qui vise à tromper nos concitoyens – ce qui explique votre rejet du référendum – et à inscrire plus fortement La Poste dans un processus de libéralisation dont vous savez qu'il est inéluctable. Derrière votre refus du référendum, suinte votre peur de la clairvoyance du peuple !
De fait, ce sont tous les services publics qui sont menacés, tous ceux dont la proximité et la qualité ont fait la force et servi la cohésion sociale et territoriale de notre pays, tous ceux dont vous reconnaissez par ailleurs qu'ils ont contribué à amortir les effets de la crise sur nos concitoyens et sur les territoires. Alors, mélangeant allégrement « services publics » et « services au public », vous faites comme si les intérêts privés intéressés n'étaient pas à l'affût, en priorité, des fonctions profitables de La Poste. Dès lors, ce que vous appelez « réforme » a pour synonymes « régression » et « restauration », au sens historique de ce terme. C'est cela, votre politique.
Alors, parce qu'ils sont convaincus que la mission d'aménagement du territoire n'a rien à voir avec la recherche du profit, et que la mission d'accessibilité bancaire est étrangère à la possibilité, que vous avez voulu conserver à La Poste, de proposer du crédit revolving ; parce qu'ils refusent votre injustice et votre mépris à l'égard de milliers de salariés de La Poste ; parce qu'ils n'acceptent pas que le service public postal soit soumis aux règles du marché et de la concurrence « libre et non faussée » ; enfin parce que votre projet de loi est une étape lourde de sens sur la voie de la privatisation de La Poste, les députés du groupe GDR – communistes, Parti de gauche, Verts et Ultramarins – vous soumettent cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
J'ai beaucoup de respect pour vous, monsieur Paul et je vous remercie de la tonalité de votre intervention, mais je ne peux rester sans réagir au mot de chantage que vous avez employé. Reprocher au Gouvernement de faire du chantage est pour le moins excessif. En tout cas, cela ne correspond pas à l'idée que je me fais de la place que vous occupez dans cet hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Je ne peux pas laisser inscrire au compte rendu de la séance qu'il y aurait d'un côté ceux qui seraient loin du peuple, ceux qui ne se préoccuperaient pas au quotidien de la vie de nos villages, de nos hameaux, de nos quartiers…
… de ces hommes et des ces femmes qui attendent toujours plus du service public, et les autres.
Chacun est conscient que nous avons besoin dans les mois et les années qui viennent, à un moment où des menaces lourdes pèsent sur l'avenir de La Poste, de lui donner sa chance pour qu'elle soit toujours plus proche des besoins de l'aménagement du territoire, de garantir l'enracinement des points Poste…
…de garantir que ses grandes missions de service public continueront à être aménagées. Je ne vous laisserai pas dire que nous ferions du chantage par rapport aux 2,7 milliards d'euros d'argent public que nous voulons mettre à la disposition de La Poste, répondant ainsi à sa demande.
Je vous rappelle en effet qu'il s'agit d'une demande formulée par la direction de La Poste elle-même.
Avec les banques, vous n'avez même pas demandé à entrer dans les conseils d'administration !
Ce n'est pas cette majorité qui a décidé qu'il fallait 2,7 milliards d'euros à La Poste.
La direction de La Poste a fait valoir que pour moderniser les bureaux et la distribution des colis, créer des plateformes logistiques et faire de La Poste une grande entreprise de communication électronique, elle avait besoin de ces moyens.
S'opposer à cette demande, monsieur Paul, reviendrait à admettre que vous espérez la disparition à terme de La Poste. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Parce que nous ne voulons pas la voir disparaître, nous voulons lui donner sa chance, non seulement pour la pérenniser, mais pour lui permettre d'aller à la conquête de futurs marchés dans le cadre de l'ouverture à la concurrence européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Face à la Commission européenne, il n'y avait pas d'autre solution que la modification du statut, tout en garantissant qu'il demeure à 100 % public, afin d'être en mesure de lui apporter l'argent en provenance de la Caisse des dépôts et consignations et de l'État. C'est pourquoi je vous demande de rejeter la motion de rejet préalable.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe SRC.
Monsieur le ministre, vous ne serez pas surpris d'entendre que notre groupe s'apprête à voter l'excellente motion défendue par Daniel Paul. En effet, personne n'est dupe : malgré vos mots rassurants, malgré votre ton enjôleur et caressant, malgré la douceur de votre voix (Rires sur les bancs du groupe GDR), nous savons que ce texte-couperet prépare la privatisation de La Poste.
« Croyez-moi sur parole, mes chers amis : comment notre gouvernement pourrait-il privatiser La Poste ? » Tel est votre seul argument. Or les leçons du passé sont cruelles pour vos promesses : on sait ce qu'il est advenu de ce que vos amis ont autrefois promis ici même. Alors ministre, celui qui devait ensuite accéder à la fonction suprême, la présidence de la République – rien de moins –, nous disait comme vous, la main sur le coeur et sur le ton qu'on lui connaît : « Croyez-moi, moi vivant, jamais GDF ne sera privatisé ! »
Par la suite, comme lui, vous avez totalement changé d'attitude. Comment vous faire confiance aujourd'hui ?
Nous venons d'assister à une forme de mascarade. François Brottes avait défendu la motion référendaire avec le talent qu'on lui connaît, nous rappelant toutes les bonnes raisons de ne pas accepter ce texte. Vous avez alors organisé un tohu-bohu afin de ramener pour quelques instants en séance votre majorité, étrangement absente du débat en décembre.
Parce que nous ne pouvons accepter l'avenir que vous nous préparez, nous voterons avec enthousiasme cette motion. J'espère qu'au moment du vote, la raison viendra réveiller vos coeurs ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le ministre, les postiers ne sont pas les seuls à être attachés – à juste titre – au service public postal : les Français le sont aussi, et ils ont exprimé cet attachement, même si vous méprisez le référendum qui a été organisé.
La Poste assure un lien social indispensable et irremplaçable pour des millions de personnes, en ville comme à la campagne. La fermeture des bureaux, déjà engagée – car un point Poste n'est pas équivalent à un bureau de poste –, porte un coup à l'aménagement du territoire, à l'environnement, puisque nos compatriotes devront parcourir des kilomètres en voiture pour se rendre au bureau de poste le plus proche, et au service public.
Nous maintenons que La Poste peut conserver son statut public et continuer d'accomplir ses missions.
À nos yeux, cette modification du statut de La Poste s'inscrit dans le droit-fil de celles des statuts de France Télécom et de GDF-Suez – aujourd'hui société privée à la pointe de la répression contre ses propres salariés, qui se battent pour défendre le service public contre leur direction. Voilà ce dont nous ne voulons pas pour La Poste.
Monsieur le ministre, ce que fait une loi, une autre peut le défaire. Voilà pourquoi les Français n'ont aucune confiance en vous lorsque vous déclarez, avec des trémolos dans la voix et la main sur le coeur, comme à l'instant, que La Poste ne sera pas privatisée. On a dit la même chose de France Télécom et de GDF ; on en voit aujourd'hui les conséquences pour ces deux entreprises.
Ces politiques ont en commun la défense du tout marché et de la libéralisation, pour laquelle vous votez du reste constamment au niveau européen.
Voilà pourquoi les députés du groupe GDR, communistes et membres du Parti de gauche et des Verts, voteront la motion de procédure défendue par notre collègue Daniel Paul. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons déjà longuement débattu de ce projet. En première lecture, la discussion générale a ainsi duré près de onze heures, record peut-être inégalé depuis la réforme de notre règlement. Adopter cette motion de rejet préalable, ou remettre en cause notre travail par un référendum, ce serait d'une certaine manière contester notre légitimité de députés, représentants du peuple, de la nation et des Français. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Dans ce cas, il faudrait faire disparaître la motion référendaire de la Constitution !
Dois-je vous rappeler une fois de plus toutes les garanties inscrites dans la loi ? Le capital de La Poste demeurera entièrement public…
… et les missions de service public de La Poste seront intégralement préservées, comme les droits et le statut de ses agents. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Rien ne justifie donc l'adoption de votre motion de rejet préalable. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre cette motion.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.
L'enfer est pavé de bonnes intentions, pensions-nous en écoutant Daniel Paul. Les bonnes intentions consistent à vouloir garder La Poste ; l'enfer, ce serait l'éclatement du groupe La Poste.
La Poste est en effet composée de trois métiers fondamentaux – sans compter le réseau, me précise Daniel Paul : le courrier, structurellement en déclin, et la banque et le colis, tous deux en progrès. Si nous en restons au statu quo, nous assisterons inéluctablement à l'introduction de partenaires privés dans ces deux derniers métiers (Exclamations sur les bancs du groupe GDR) et à la filialisation immédiate ou à très court terme des dits métiers, aussitôt suivie de l'éclatement du groupe. Est-ce cela que vous voulez, chers collègues de l'opposition ? (Même mouvement.)
Pour notre part, nous refusons cette évolution, car nous sommes profondément attachés à l'unité du groupe et à la péréquation entre le premier métier et les deux autres. Voilà pourquoi nous soutenons ce projet de loi et voterons naturellement contre la motion de rejet préalable du groupe GDR.
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Henri Jibrayel.
(M. Marc Le Fur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
-->M. Henri Jibrayel. Au cours de ce débat sur l'avenir de la Poste, nous avons employé le temps trop limité accordé à notre groupe pour tenter de vous convaincre des erreurs que contient votre projet et des inquiétudes qu'elles suscitent chez nos concitoyens.
Vous vous entêtez à vouloir mettre à mal l'un des derniers services publics de notre pays, et vous avez rejeté tous nos amendements. Pourtant, tous, sur ces bancs, s'accordent à reconnaître le caractère indispensable de La Poste, d'un point de vue social comme pour l'aménagement du territoire.
Ce qui nous oppose foncièrement, c'est votre volonté de modifier le statut de la Poste : vous voulez à tout prix passer du statut d'EPIC à celui de société anonyme, persuadés que celui-ci est un gage de modernité. À vous croire, ce changement de statut permettra à La Poste d'affronter la concurrence et satisfera aux exigences des directives européennes.
Faut-il démontrer une fois de plus que le statut d'EPIC n'est pas incompatible avec la modernisation de La Poste ? Vous le savez parfaitement, un meilleur soutien financier suffirait à permettre à cette dernière d'accomplir ses différentes missions et à renforcer la présence postale sur notre territoire.
Ce qui nous différencie également, c'est que nous respectons les 2,3 millions de personnes qui se sont prononcées contre la privatisation. Monsieur le ministre, vous avez tout à l'heure ironisé à propos de cette votation citoyenne et mis en doute la volonté du peuple français, qui s'est alors exprimée dans des conditions abominables, La Poste s'étant livrée en interne à un véritable matraquage médiatique pour tenter d'effrayer la population et les postiers et de les dissuader d'agir.
Nous n'avons malheureusement pas la même conception de la démocratie : nous, nous respectons ces 2,3 millions de Français qui se sont déplacés ; vous, vous mettez en cause cette votation citoyenne en recourant à des arguties inacceptables.
Il s'agit de citoyens ! En refusant le référendum d'initiative populaire, vous remettez la démocratie en question.
Vous avez voulu une nouvelle Constitution ; or, dans cette situation, il était justifié de respecter la démocratie, le pouvoir du peuple. Nous, nous ne méprisons pas ce vote : nous voulons que les Français s'expriment sur l'avenir du grand service public de La Poste.
En débattre, c'est débattre d'un choix de société. Vous le refusez, monsieur le ministre. Vous choisissez une libéralisation totale, un démantèlement complet des services publics, la recherche à tout prix du profit et de la seule rentabilité.
Nous choisissons pour notre part une société qui fait de l'homme le coeur de ses préoccupations ; où l'on évoque les usagers de La Poste, et non ses « clients » ; où l'on parle de salariés garants du service public, et non d'automates, tels que les conçoit votre projet.
J'invite chacun d'entre vous à songer aux quartiers, aux villes et aux villages, et à mesurer les conséquences du changement de statut : la remise en cause de l'aménagement du territoire, du service universel et de l'égalité tarifaire.
Voilà pourquoi nous nous opposons à ce changement de statut, dont nous maintenons qu'il conduira inéluctablement à la privatisation de ce bel outil, de ce beau service postal auquel tiennent les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Tout ayant été dit, ou presque, sur ce projet de loi, je tenterai de résumer brièvement notre position.
Je regrette tout d'abord que le ministre et les députés de la majorité n'aient pas véritablement répondu à nos questions. Vous n'avez pas fait preuve de franchise, vous n'êtes pas allés jusqu'au bout de votre logique, ce qui eût été plus honorable.
Pour le montrer, je ferai appel à l'histoire récente – sans remonter aussi loin, soyez rassurés, que M. Jibrayel l'avait fait fin 2009. Ce projet de changement de statut de La Poste est incontestablement antérieur au début de la crise financière. Dans la présentation qu'en donnaient alors le président de La Poste comme vous-même, le Premier ministre ou le Président de la République, le projet était plus clair : il s'agissait non seulement de faire de La Poste une société anonyme, mais, une fois constituée cette nouvelle société, d'en ouvrir le capital à des actionnaires privés. Tel était bel et bien le but de l'opération.
Il n'est pas sérieux de dire, comme l'a fait tout à l'heure Mme de La Raudière, que c'est l'attachement au service public et au statut public de La Poste qui motive cette réforme, car, dans ce cas, pourquoi passer à un statut privé ? Quel intérêt y a-t-il à changer de statut si ce n'est pour ouvrir le capital à des actionnaires privés, non pas tant d'ailleurs aux petits épargnants ou même aux salariés, comme vous essayez de le faire croire, mais à d'autres groupes postaux européens ou autres – ce qui est clairement l'intention du président de La Poste – afin de nouer des alliances à l'étranger, selon votre propre argumentaire ?
La participation de la Caisse des dépôts et consignations suffirait, selon vous, à maintenir la présence de l'État puisqu'il s'agit d'un organisme de droit public. Vous oubliez de dire qu'il arrive fréquemment à cette institution tout à fait respectable, qui a depuis longtemps des participations dans le capital de certaines entreprises, de vendre des parts.
Je citerai un exemple concret très récent, que je connais bien pour avoir été pendant sept ans en charge des transports à la communauté urbaine de Nantes. Le réseau de transport y est exploité par une société d'économie mixte, la SEMITAN, dont le partenaire privé est le groupe TRANSDEV. Ce dernier était une filiale de la Caisse des dépôts et consignations, mais celle-ci a décidé, peut-être à la demande du Gouvernement, de vendre purement et simplement ses participations à un groupe privé à 100 %, Veolia Transports.
C'est bien la preuve que la Caisse des dépôts n'a pas vocation à demeurer ad vitam æternam dans le capital d'une entreprise : elle peut toujours revendre un jour ses participations.
Merci, cher collègue, pour ce trait d'humour d'écolier qui me va droit au coeur.
On aurait pu penser en toute logique que ce projet, élaboré avant la crise, serait parmi les premiers à être abandonné. Le Président de la République n'a-t-il pas déclaré lors de ses voeux, le 31 décembre 2008 : « De la crise sortira un monde nouveau » ? Or il n'en a rien été. Vous reprenez les recettes d'avant la crise et maintenez un projet issu de l'idéologie même qui a mené à cette crise…
Après que les banques privées ont appelé l'État à leur secours – et nous avons presque tous accepté sur ces bancs le plan d'aide qui leur était destiné afin de protéger le financement de l'économie française et d'assurer les dépôts des particuliers –, il y a quelque chose d'anachronique à fragiliser la seule grande banque publique qui existe encore en France, La Banque Postale, à laquelle les Français sont si attachés.
La Banque Postale, elle, n'a rien demandé à l'État au moment de la crise financière. C'est l'une des rares banques françaises à n'avoir pas eu besoin d'être soutenue, preuve que son statut n'était pas si mauvais que cela.
Non seulement elle n'a rien coûté au budget de l'État mais elle a reçu un afflux d'épargnants – et pas seulement des petits – qui se sont précipités pour y placer leurs économies, estimant qu'elles seraient à l'abri dans le seul établissement français à ne pas avoir été fragilisé par la crise financière mondiale.
Nos compatriotes ont confiance en La Poste et ce n'est pas le changement de statut qui crée cette confiance : c'est le statut actuel de banque publique.
C'est cela que vous devriez avoir à l'esprit.
Je le dis très simplement. Il ne s'agit pas d'ouvrir un débat d'ensemble sur les banques. Il n'est pas utile que toutes les banques soient publiques. Il est utile, en revanche, qu'il y en ait au moins une. Dès lors, il serait particulièrement dangereux de porter atteinte à la solidité de La Banque Postale en changeant le statut de La Poste.
Elle est utile pour tous les Français, notamment les plus démunis. Nous savons en effet qu'elle constitue un dernier recours pour beaucoup de nos compatriotes qui se voient refuser purement et simplement l'ouverture d'un compte dans les banques privées, y compris parfois, malheureusement, dans les banques mutualistes. On pourrait considérer d'ailleurs, – c'est la position d'un ancien banquier, M. Peyrelevade – que toutes les banques devraient avoir obligation d'accepter l'ouverture d'un compte bancaire puisqu'à l'heure actuelle, être titulaire d'un compte est indispensable, entre autres, pour prendre un emploi.
Dans ces conditions, il est utile que La Banque Postale soit adossée au groupe public La Poste. Les deux activités sont complémentaires. La présence d'un établissement bancaire au sein du groupe conforte sa solidité.
À une certaine époque, les banques privées redoutaient que la création d'une banque postale n'aboutisse à une distorsion de concurrence puisqu'elle pourrait s'appuyer sur le réseau des bureaux de poste pour faire la promotion de ses produits financiers. En réalité, c'est plutôt La Banque Postale qui permet de financer une part de la charge que représente l'implantation des bureaux de poste à travers le territoire français, contribuant ainsi à leur maintien.
Si demain des actionnaires – y compris la Caisse des dépôts et consignations – entrent dans le capital du groupe, ils pourraient fort bien décider de le vendre par morceaux, pour améliorer leur rentabilité. C'est une technique à laquelle ont recours tous les actionnaires qui jettent leur dévolu sur un groupe ayant plusieurs activités, sous le couvert de grands discours de management – « recentrer sur le coeur de métier », « créer de la valeur »... Ce n'est pas autre chose que la vente à la découpe des appartements que pratiquent ceux qui rachètent des immeubles, au mépris de ceux qui les occupent. Le risque est bien réel et vous savez qu'il ne s'agit pas d'un fantasme. Cela est arrivé dans d'autres pays où des groupes postaux ont été mis dans les mains d'actionnaires privés.
Je voudrais finir en dénonçant un mensonge. Vous prétendez donner les moyens à La Poste de se développer tout en assurant ses missions de service public grâce à l'apport en capital de 2,7 milliards d'euros. Or vous savez très bien que ce n'est pas avec du capital que l'on assure de telles missions, mais avec du financement. C'est le problème que vous avez refusé d'aborder dans ce débat – alors qu'il ne sert à rien de parler de service public si l'on n'évoque pas dans le même temps son financement.
Telles sont les raisons pour lesquelles les députés Verts s'opposent à ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
À l'issue des débats en séance publique – huit jours et huit nuits au Sénat, cinq jours et cinq nuits à l'Assemblée nationale – et de la commission mixte paritaire, nous apporterons notre soutien à un texte équilibré et adapté qui permettra à La Poste d'adopter le statut dont elle a besoin. Concurrence des échanges d'informations numérisées, baisse structurelle du volume des courriers, son coeur de métier, et ouverture à la concurrence de son activité d'ici au 1er janvier 2011 sont autant d'enjeux auxquels La Poste doit faire face.
Nous approuvons sa transformation en société anonyme dont le capital sera détenu à 100 % par des actionnaires publics.
Cette transformation était devenue nécessaire pour garantir l'unité du groupe, notamment pour engager les investissements importants que la commission Ailleret avait estimé à 2,7 milliards d'euros.
La Poste pourra ainsi poursuivre sa modernisation et son développement, notamment à l'étranger, si elle le souhaite, résister à la concurrence redoutable de ses homologues allemands, hollandais ou anglais…
Je parle du Royal Mail, monsieur Jibrayel, vous devriez vous informer. Elle pourra aussi continuer à améliorer la qualité de service de ses différents métiers, notamment pour ce qui est de ses missions d'intérêt général en France.
Le Nouveau Centre salue certaines améliorations parlementaires adoptées au cours des débats aussi bien au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.
Nous pensons notamment à l'initiative de nos amis centristes du Sénat qui a permis d'inscrire dans la loi les quelque 17 000 points de contact que compte aujourd'hui l'entreprise postale.
Nous tenons à saluer, à cette tribune, la vision stratégique de son président, Jean-Paul Bailly, qui a su concilier la permanence de ce réseau de points de contact, le plus dense d'Europe, avec la capacité donnée à chacun d'entre eux de prendre une forme optimale, adaptée au terrain, que ce soit au regard de la dépense publique ou du service rendu à l'usager : bureau de poste, agence postale communale, relais postal commercial. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
C'est cette vision-là, mise en oeuvre par M. Bailly, soutenue par la loi postale de 2005, qui a véritablement pacifié la relation entre La Poste et les élus et, au-delà, entre La Poste et les citoyens.
Nous pensons également que la garantie apportée au financement de la mission d'aménagement du territoire de La Poste constitue une réelle avancée.
Le Nouveau Centre se réjouit enfin que le texte entérine les propositions faites par le groupe centriste de l'Assemblée nationale pour renforcer la mission d'accessibilité bancaire de La Poste.
Le texte de loi prévoit en effet que La Poste ne commercialisera pas de crédits renouvelables, dont la toxicité sociale n'est plus à démontrer, sauf dans des conditions très dérogatoires. Toutefois, nous regrettons solennellement que nous ne soyons pas allés jusqu'au bout de la volonté de renoncer complètement à ces produits nuisibles en les interdisant.
Nous veillerons scrupuleusement au respect de l'esprit du texte de loi s'agissant de cet engagement.
De même, nous saluons la mission de promotion du micro-crédit que ce texte confère à La Poste, renforçant ainsi l'une de ses quatre missions de service public, l'accessibilité bancaire.
Permettez-moi néanmoins de dire notre frustration quant aux modalités de déroulement de ce débat.
Certes, elles ont respecté les possibilités offertes par notre nouveau règlement. Mais quand, par la volonté d'un groupe, le groupe SRC en l'occurrence, la discussion générale envahit tout et réduit à la portion congrue le débat sur les amendements, qui est le coeur de notre travail parlementaire, ce sont le fonctionnement du Parlement et la qualité finale des textes qui se trouvent mis en jeu. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous, centristes, aurions voulu avoir davantage de temps, notamment pour mieux prendre en compte les enjeux de qualité de service – délais, erreurs d'expédition, temps d'attente – que ne le fait le texte qui nous est soumis. La manière dont vous avez organisé le débat nous en a empêchés. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Aucun règlement n'est parfait : celui-ci a été utilisé contre l'esprit qui a présidé à sa réforme, et l'on a clairement inventé un nouveau type d'obstruction, à peu près aussi stérile que les anciens.
Reste un texte qui est manifestement d'intérêt général pour La Poste et ses 300 000 agents et pour ses usagers que sont les 65 millions de Français. C'est donc en pensant aux agents de la Poste, à la pérennité de leur emploi et à l'amélioration de leurs conditions de travail, mais aussi à la volonté d'offrir un service postal moderne et de qualité à tous nos territoires et à tous nos citoyens, que le Nouveau Centre apportera son soutien à ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Nous voici réunis pour cette dernière étape avant l'adoption d'un projet de loi qui permettra à La Poste de poursuivre la formidable modernisation entreprise depuis quelques années,...
..modernisation qui s'inscrit dans le contexte de l'ouverture progressive du secteur postal à la concurrence au niveau communautaire, engagée depuis 1997.
La Poste n'est pas une entreprise comme une autre puisqu'elle constitue véritablement un lien entre les différentes populations et permet à ceux qui sont les plus isolés de garder un contact avec les autres. La Poste est aujourd'hui l'un des services publics les plus appréciés des Français, comme sont appréciés et plébiscités les 300 000 fonctionnaires et salariés qui la composent.
La Poste est aujourd'hui confrontée à de nouveaux défis, jamais évoqués par certains de nos collègues. J'ai l'impression que ceux-ci vivent dans un autre monde que le nôtre. Peut-être est-ce un monde imaginaire qui n'existe que rue de Solférino,...
..un monde où l'ouverture totale de l'activité postale à la concurrence d'ici au 1er janvier 2011 n'existerait pas, pas plus d'ailleurs que le développement d'une forte concurrence européenne, ou encore le développement de l'internet et ses conséquences sur la décroissance du volume du courrier.
Aussi, pour le groupe UMP, cette modernisation du groupe La Poste pour faire face à ces nouveaux enjeux est une évidence, et même une obligation.
C'est tout l'objet du projet de loi que nous allons voter aujourd'hui et ce n'est rien d'autre : adapter le statut de La Poste pour permettre à l'État et à la Caisse des dépôts et consignations de souscrire à une augmentation de capital de 2,7 milliards d'euros.
Il s'agit d'une nécessité pour maintenir la qualité des services et investir dans les activités innovantes et en croissance.
Il nous appartient à tous de rassurer les Français et non pas d'assurer une campagne de désinformation pilotée par l'extrême-gauche. En effet, toutes les précautions ont été prises pour que La Poste puisse poursuivre sa modernisation tout en continuant d'accomplir les missions de service public qui lui sont confiées.
Ce texte vient justement inscrire dans la loi les quatre missions de service public de La Poste, ce qui constitue une garantie essentielle pour les Français.
Lors des lectures de ce texte au sein des deux assemblées, avec l'appui du ministre de l'industrie, Christian Estrosi, et l'excellent travail des rapporteurs, le député Jean Proriol et le sénateur Pierre Hérisson, des garanties complémentaires ont été apportées sur les missions de service public de La Poste et sur le fait que La Poste resterait publique, avec 100 % de fonds publics.
La totalité du capital social sera détenue par l'État ou par des personnes morales de droit public, à l'exception de la part pouvant être détenue au titre de l'actionnariat des personnels.
L'intention du Gouvernement a toujours été claire : pas de privatisation.
Et le texte l'est tout autant, de la manière la plus explicite qui soit.
Mes chers collègues, ne pensez pas à notre place, ne faites pas de supputations sur nos intentions, ne manipulez pas les Français, ne leur mentez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
En conclusion, engagement de l'État, modernisation, respect et maintien des services publics,...
..garantie d'absence de privatisation, garanties apportées aux personnels : tels sont les éléments essentiels de ce projet de loi. Le Gouvernement et le groupe UMP ont tenu leurs engagements vis-à-vis des postiers et vis-à-vis des Français sur ce texte.
Pour l'ensemble de ces raisons ainsi que toutes celles que j'ai pu évoquer au nom de mon groupe lors des débats, le groupe UMP votera avec conviction ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la trêve des confiseurs n'aura pas eu raison de notre opposition à ce texte. Fortement mobilisés en 2009, nous le serons encore en 2010 pour dénoncer les dangers du changement de statut de La Poste pour nos concitoyens et nos territoires.
Tous vos grands discours ne sont pas parvenus à nous rassurer sur le devenir de La Poste.
Au vu des expériences passées, nous sommes convaincus que ce projet de loi est uniquement destiné à faire sauter rapidement le verrou que constitue le statut actuel, pour permettre l'ouverture du capital de La Poste au privé lors de l'examen d'un texte de loi ultérieur.
Élue d'un territoire rural, je suis particulièrement inquiète sur la pérennité de sa mission de service public de proximité et je redoute la fin de l'égalité d'accès de tous au service postal, déjà sérieusement mise à mal.
En effet, si les débats ont permis de garantir les 17 000 points de contact, il faut toutefois nuancer et lire entre les lignes. Le maillage territorial de La Poste est loin d'être aussi abouti qu'on voudrait nous le laisser croire.
Ainsi, nous avons tous déjà constaté dans nos territoires les multiples modifications opérées ces dernières années qui affaiblissent l'offre et la qualité du service postal : réduction des horaires d'ouverture, remplacement des bureaux de poste de plein exercice par des agences postales ou des relais poste.
À cela viennent s'ajouter les difficultés dans la distribution du courrier suite aux suppressions de postes enregistrées ces dernières années. Je rappelle qu'un facteur malade ou en vacances n'est pas toujours remplacé, faute de personnel suffisant.
À ces problèmes auxquels sont déjà confrontés nos concitoyens résidant dans des territoires ruraux et de montagne, votre réforme n'apporte aucune solution. Au contraire, elle va les aggraver puisque votre Gouvernement, au nom de la spéculation, a clairement décidé de sacrifier l'intérêt général.
À l'heure actuelle, même si la fracture postale est une réalité, le statut d'établissement public de la Poste garantit malgré tout la couverture de l'intégralité du territoire français.
Il est fort à craindre que, si La Poste s'enfonce davantage dans une logique marchande à travers sa privatisation rampante, elle ne délaisse certaines zones géographiques au profit d'autres plus rentables.
Pour les territoires de montagne, c'est la double peine. D'un côté, on réduit la présence postale au prétexte que l'utilisation des nouvelles technologies a fait diminuer l'activité postale, mais de l'autre, sur ces mêmes territoires, aucun effort d'équipement n'est fait pour accéder à la toile, comme nous avons récemment pu le constater avec la loi sur la fracture numérique. Résultat : réduction de l'offre postale et aucune couverture numérique…
Responsables politiques représentant les territoires ruraux et de montagne, nous avons à coeur de défendre le maintien des services publics parce que nous sommes intimement persuadés qu'en raison des conditions géographiques et climatiques propres à nos territoires – et l'actualité nous donne raison – leur disparition signifierait de facto un enclavement encore plus grand.
Monsieur le ministre, tout à l'heure vous avez évoqué l'espérance d'avenir des postiers avec ce nouveau statut. Mais avez-vous entendu l'inquiétude des 2,3 millions de citoyens et leur forte opposition à ce projet ? Vous faites la sourde oreille. C'est pourquoi nous nous battons contre ce texte qui vise à affaiblir la présence postale et la qualité de l'offre proposée pour les citoyens et pour nos territoires. Car, comme la plupart des réformes et des projets politiques portés par votre majorité, ce texte marque une fois de plus le profond désengagement de l'État.
Non assumé, ce désengagement se traduit par ce que je qualifierai de scandaleux chantage à la présence postale auprès des élus, que vous voulez rendre responsables de la fin de la présence de La Poste dans leur commune !
Alors que nous sommes en pleine période des voeux et des bonnes résolutions, je vous invite, monsieur le ministre, à respecter la volonté des Français qui ont massivement exprimé leur attachement à La Poste et à revenir sur votre projet de réforme du statut de la poste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous achevons aujourd'hui l'examen du texte tel qu'il ressort de la commission mixte paritaire du 22 décembre 2009. Nous allons procéder, d'ici quelques instants, au dernier vote sur ce texte qui engage l'avenir d'une entreprise, aujourd'hui encore publique, mais dont nous ne savons pas ce que sera le futur.
Or cette incertitude, à la lumière d'un passé récent, nous incite à redouter à terme une privatisation. Nicolas Sarkozy avait ouvert le capital de Gaz de France, tout en jurant la main sur le coeur que jamais cette entreprise ne serait privatisée. Nous constatons ce que valent les promesses d'un ministre, qui est aujourd'hui Président de la République.
Nous avons constaté tout à l'heure, à l'occasion des explications de vote sur la motion référendaire, un mépris pour la votation citoyenne qui a été organisée et dont vous ne partagez certainement pas l'objectif ni les principes, mais que vous auriez pu respecter dans les mots que vous avez prononcés.
Devant cette situation, devant cette incertitude, et surtout devant l'impossibilité pour nous de croire à la parole donnée, permettez-nous, monsieur le ministre, d'être inquiets face au devenir de la Poste, service public essentiel à la vie des Français et à la cohésion du territoire.
Face à cette inquiétude, nous ne pouvons nous empêcher de nous poser trois questions, afin que chacun dans cet hémicycle se prononce, en son âme et conscience, pour ou contre ce texte.
Première question : est-il nécessaire de changer le statut de La Poste ? La réponse est non. Depuis 1990, La Poste a un statut que la jurisprudence a assimilé à celui d'un établissement public à caractère industriel et commercial. Or aucun acte européen n'impose un changement de ce statut. La troisième directive postale, qui ouvre totalement à la concurrence le secteur postal à compter du 1er janvier 2011, ne l'impose pas. La transformation en société anonyme est donc bien une décision gouvernementale. C'est une réforme dogmatique qui, en faisant sauter le verrou de l'EPIC, constitue la première étape d'une marche progressive vers la privatisation.
Deuxième question : l'État peut-il financer les besoins de développement de La Poste autrement que par un changement de statut ? La réponse est oui. La capacité de l'État à financer La Poste dépend non du statut de l'entreprise, mais des missions de service public qu'elle exerce. Il peut apporter son concours financier dans le cadre de deux missions de service public, à savoir la présence postale et le transport et la distribution de la presse, missions pour lesquelles l'Union européenne laisse une large latitude aux États membres. L'État peut donc financer ces missions par l'inscription d'une dotation en crédits dans chaque loi de finances annuelle, ce que vous avez refusé, comme l'arrêt Altmark du 24 juillet 2003 de la Cour de justice des Communautés européennes l'a démontré et confirmé.
Avec cette question ressortent deux points. Premièrement, la construction européenne est trop souvent utilisée comme un alibi, comme le cache-sexe des orientations très libérales de votre Gouvernement. Le second met en lumière une forme d'hypocrisie du texte que vous nous demandez d'adopter : faire alors que rien ne vous y oblige, contraindre alors que rien ne vous y force, sous couvert de grandes déclarations sur l'avenir de La Poste, mais aussi sur cette prétendue modernité qui serait finalement la première raison de cette réforme. Sur des sujets aussi essentiels que le service public postal, soyez assuré, monsieur le ministre, que les députés socialistes n'entendent pas sacrifier leurs valeurs sur l'autel de cette prétendue modernité.
Troisième question : existe-t-il, à terme, un risque de privatisation ? La réponse est évidemment oui. Pour l'instant, le Gouvernement assure que le capital de la société anonyme sera détenu par l'État, actionnaire majoritaire, et la Caisse des dépôts et consignations, auxquels pourrait s'ajouter une part d'actionnariat salarié. Par ailleurs, vous avez assuré, comme l'avait fait avant vous Nicolas Sarkozy pour GDF, que la Poste serait imprivatisable. Or, grâce, ou plutôt à cause du parallélisme des formes que vous avez reconnu vous-même, ce qu'une loi fait, une autre loi peut le défaire. Rien n'empêche qu'une prochaine loi fasse descendre en dessous de 50 % la part du capital public.
La situation se résume dès lors d'une phrase simple : l'établissement public, industriel et commercial La Poste n'était pas privatisable ; la société anonyme La Poste le devient.
Ainsi, par ces trois questions, démonstration est faite que nos craintes sont justifiées face à un tel projet de loi qui relève de la pure idéologie et porte, une fois de plus, un coup très dur au service public.
J'avais émis en première lecture, lors de la discussion générale, l'idée de la création d'un bouclier de service public et j'avais évoqué la forme qu'il pourrait prendre afin d'assurer partout sur le territoire français un socle de service public, accessible à tous, et nécessaire au développement des territoires. Ce projet de loi va exactement dans le sens opposé.
Contrairement à ce qu'affirment certains membres du Gouvernement et à ce que vous prétendiez tout à l'heure, la position du groupe socialiste n'est pas conservatrice. Elle est au contraire moderne, pour reprendre votre terminologie. Moderne au meilleur sens du terme, car elle tient compte non seulement de notre culture de service public, mais aussi d'une véritable compréhension de la profonde crise actuelle, qui devrait vous conduire à mettre un frein aux tentations toujours plus libérales qui animent l'action du Gouvernement.
Les services publics constituent un véritable patrimoine collectif. En engageant doucement mais sûrement la marche vers la privatisation, vous vous apprêtez, monsieur le ministre, à priver les Français d'un élément de leur patrimoine collectif. Nous le refusons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et plusieurs bancs du groupe GDR.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. François Brottes.
-->M. François Brottes. Nous voici au terme d'un débat à rebondissements. En effet, il y a un an et demi, le Président de la République avait confirmé son intention de changer le statut de La Poste. Mais, sentant qu'un vent de révolte pouvait souffler très fort, il avait créé la commission Ailleret. Puis l'examen du texte fut reporté en raison de la proximité des élections européennes. Enfin, grâce à notre mobilisation, n'en déplaise à M. Dionis du Séjour et à quelques autres, le changement de statut n'a pu avoir lieu le 1er janvier 2010. Il est prévu pour le 1er mars. Mais c'est oublier que nous déposerons un recours devant le Conseil constitutionnel.
Nous considérons en effet, monsieur le ministre, que vous avez joué sur l'usure, que vous avez troublé le jeu en faisant croire que vous poseriez des verrous afin d'éviter la privatisation. Je ne reviendrai pas sur les raisons qui nous poussent à en douter fortement. Nous attendons ainsi impatiemment que le Conseil constitutionnel se prononce sur la possibilité, pour un fonctionnaire, d'être actionnaire d'une société privée.
Les membres de cette majorité ne cessent d'invoquer de mauvaises raisons pour se convaincre eux-mêmes.
Monsieur le ministre, je ne vous fais pas de procès car je pense que vous avez le sens de l'État et de la République. Pour autant, vous êtes emporté par une vague que vous n'avez pas déclenchée vous-même. Vous avez agi avec conviction, vous avez rempli votre devoir, vous êtes allé au bout de la démarche. Attendons à présent l'issue du recours.
En tout état de cause, je rappellerai à Laure de la Raudière qui, sur un ton assez désagréable (« Oh » sur les bancs du groupe UMP), nous a accusés de manipulation, un fait d'armes dont elle se souvient certainement car elle n'est pas née de la dernière pluie. Lorsqu'en 2008, alors que nous débattions ici, dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie, du statut de la Banque Postale et du livret A, j'ai déclaré à ce même micro, à cette même place, que la manière dont vous aviez créé la Banque Postale conduirait à la banalisation du livret A, le président de la commission et le rapporteur ont eu les mêmes mots pour me reprocher d'exagérer, de manipuler et de dresser un procès d'intention. Malheureusement, les faits m'ont donné raison...
Je le dis tranquillement au nom de mon groupe, vous allez toucher au principe de proximité et au service public. L'atteinte portée à l'ensemble de ce territoire et à sa cohésion nationale sera peut-être irréversible. Je suis triste ce soir, de même que tout mon groupe, et nous voterons mille fois contre le changement de statut de La Poste qui annonce sa privatisation. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, ne croyez surtout pas que tout soit dit. Certes, une majorité va aujourd'hui voter un texte, mais cela ne signifie nullement que la machine que vous avez mise en marche atteindra ses objectifs.
Rappelons qu'un recours a été déposé devant le Conseil constitutionnel – nous souhaitons que celui-ci, dans sa sagesse, soit sensible aux arguments qui y seront développés tout autant qu'à l'importance de La Poste dans le contexte actuel. N'oublions pas non plus la lutte menée par les postiers, mais aussi par les populations, pour préserver le maillage postal.
Vous avez accepté d'inscrire dans la loi le principe de 17 000 points de contact. En soi, le seul fait de l'accepter suffit à éveiller les soupçons. C'est au sein de ces points de contact que les choses vont maintenant se jouer. Si quelques départements – dont les Hauts-de-Seine– ont vu augmenter, entre 2006 et 2008, le nombre de bureaux de poste de plein exercice, la grande majorité en a perdu au profit de structures offrant moins de services aux populations.
Vous avez mis en marche une machine infernale, celle qui conduira inéluctablement à la privatisation de La Poste si les postiers ou la population n'y mettent bon ordre.
Nous continuerons quant à nous, soyez-en assurés, d'expliquer et de dénoncer les enjeux de ce débat qui dépasse la seule question de La Poste, puisque c'est à l'ensemble des services publics que vous portez des coups avec la complicité de la Commission européenne. Nous resterons vigilants car il n'est pas question pour nous de vous laissez faire.
Nous arrivons au terme d'une démarche honorable. Rappelons qu'une commission a été créée, présidée par une personnalité incontestable, M. François Ailleret, l'ancien directeur d'EDF. Un certain nombre d'entre nous, François Brottes, Jean Proriol, Daniel Paul pour ne citer qu'eux, y ont été associés en tant que parlementaires. Les syndicats y étaient également représentés. Cette commission a débouché sur des propositions : recapitaliser La Poste à hauteur de 2,7 milliards, ce qui sera fait, et moderniser le statut, ce qui fut au coeur du projet de loi.
Nous avons, sur cette base, longuement débattu en séance publique. Cette réforme, au final, est un bon outil, ni plus, ni moins. Elle prolonge la loi 2005 et la loi LME, et rend possible la poursuite de la modernisation dans l'unité du groupe La Poste. Nous ne saurions trop insister sur ce point : le statu quo condamnait La Poste à un éclatement à court terme.
Pour toutes ces raisons, le Nouveau Centre votera ce projet de loi.
J'ai déjà exposé toutes les raisons pour lesquelles le groupe UMP soutiendra ce projet de loi.
Je voudrais juste faire remarquer à mes collègues de l'UMP que l'opposition, qui prétend attacher tant d'importance à ce texte, ne compte plus qu'une vingtaine de députés… Je voulais simplement le souligner avant de rappeler que nous voterons avec conviction ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion en deuxième lecture du projet de loi relatif à la répartition des sièges et à la délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma