Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales constitue une étape de plus, une étape décisive, dans la remise en cause de notre modèle social, fondé sur des services publics, qui non seulement ne sont pas soumis à la loi du profit, mais jouent le rôle de correcteurs d'inégalités sociales et territoriales. Nous le savons, vous le savez, les Français le savent. Si vous n'en êtes pas sûr, monsieur le ministre, demandez-leur !
La transformation de La Poste en société anonyme n'est aujourd'hui nullement justifiée sur les plans économique, structurel ou juridique. La forme actuelle de l'EPIC permet de trouver un équilibre efficace entre le service rendu à tous les Français et la stabilité financière de l'établissement, évidemment nécessaire à sa pérennité.
Aux yeux même du droit européen, rien n'impose la transformation de La Poste en société anonyme. Mais ce changement de statut de l'exploitant public et sa soumission au droit commun des sociétés s'inscrivent dans un contexte de désengagement de l'État et d'ouverture à la concurrence du secteur postal, déjà largement engagée en vertu de politiques communautaires, politiques que vous avez soutenues en votant, au sein du conseil des ministres européens, en particulier la dernière directive postale.
Évoquer sans cesse des capitaux 100 % publics comme étant une garantie du maintien du service public postal n'est pas sérieux, car – et vous le savez bien – il n'en est rien ! En fait, il s'agit d'une étape dans un processus commencé au début des années quatre-vingt-dix, avec la fin des PTT et la séparation de la Poste et de France Télécom, suivi de la transformation de la Poste en EPIC, puis à présent en société anonyme, en attendant de voir l'État descendre au capital à un peu plus de 50 %, puis à un peu moins, avec sans doute l'entrée de capitaux privés. Ce sera enfin le passage à un État présent à 34 %, avec une minorité de blocage, pour finir au-dessous de 33 %. Rien ne garantit dans ce projet de loi une participation majoritaire et pérenne de l'État et vous avez même refusé qu'elle soit inscrite dans la Constitution. C'est révélateur !
Nous savons aussi que la qualité d'un actionnaire, qu'il soit l'État ou la Caisse des dépôts et consignations, dès lors qu'il agit dans le cadre « banalisé » du capital d'une société anonyme soumise au code du commerce, n'induit pas un comportement fondamentalement différent de celui d'un actionnaire privé.
Prenons l'exemple d'ICADE. En pleine crise du logement, et notamment du logement social, ce groupe, filiale à 61 % de la Caisse des Dépôts et Consignations, a décidé avec l'accord du Gouvernement, de vendre l'ensemble de son patrimoine immobilier, soit 32 000 logements en Île-de-France ! L'objectif de cette opération était de réaliser environ 3 milliards d'euros de profits, dont 50 % distribués sous forme de dividendes aux actionnaires.